Chapitre II. La réquisition de travail
p. 55-96
Texte intégral
1Avant d’être une forme particulière de travail, la corvée est un régime de mobilisation de la main-d’œuvre qui engage une lourde activité administrative. Perronet évoquait d’ailleurs la corvée comme « une grande machine toute montée à laquelle on ne saurait toucher à cause de la multitude de ses ressorts et des employés qui sont habitués à conduire ce travail, sans s’exposer à la détraquer1 ». Turgot, encore intendant du Limousin, ne se privait pas non plus de souligner la « complication extrême » de l’administration des Ponts et Chaussées
« par la multiplication des employés, par les détails dans lesquels ils font entrer pour connoitre la force des paroisses, les noms des travailleurs et des propriétaires de bestiaux, pour commander chacun à son tour, pour s’assurer des présens et des absens, pour juger de la valider des excuses, pour disposer les atteliers et fixer les heures des appels relativement aux distances des villages commandées, pour fixer les tems de la corvée et choisir des jours qui ne soient pas employés aux travaux de la campagne2 ».
2En croisant les instructions et les pratiques administratives, il est possible de reconstituer cet appareil qui préside à la réquisition puis à l’allocation des forces corvéables. Cette réflexion, inscrite à l’intersection de plusieurs approches qui ont renouvelé au cours de ces dernières années l’analyse de la dimension cognitive du travail administratif3, porte sur les procédures d’acquisition, la mobilisation et l’actualisation des connaissances nécessaires à l’organisation de la corvée. La réquisition des corvéables engage une étroite collaboration entre les ingénieurs des Ponts et Chaussées et les services de l’intendance dans les pays d’élections, et les instances techniques et administratives dans les pays d’états. Plutôt que de figer ces acteurs au fil d’une étude typologique de leurs attributions, il nous a semblé plus pertinent de reconstituer le processus administratif de réquisition du travail à travers les interactions, parfois conflictuelles, que les acteurs nouent entre eux en fonction de leurs positions respectives. Interroger les modalités de la mise en œuvre de la corvée suppose de s’intéresser non seulement aux interventions des différents acteurs situés dans des structures administratives et dans des relations hiérarchiques, mais aussi à la mise en œuvre de procédures et à des processus d’apprentissage4. L’application de la corvée sollicite en outre des savoirs notamment cartographiques, en même temps qu’elle implique la formalisation de toute une série d’outils et la mise en forme de documents spécifiques pour distribuer les tâches. À travers cette activité administrative qui prend de l’ampleur à mesure que l’État généralise l’emploi de la corvée, s’opère une relative normalisation des dispositifs sous l’égide de l’intendant en charge du département des Ponts et Chaussées. L’assemblée générale, qui pour l’essentiel statue sur les tracés, la largeur des axes et l’examen des devis, n’eut à traiter qu’occasionnellement de la corvée. La rigueur de la répartition des tâches rend compte en tout cas d’une rationalité pratique et d’arrangements subtils, qui contrastent avec l’arbitraire traditionnellement associé à la corvée. La réquisition résulte ainsi d’une succession d’agencements locaux et singuliers qui ajustent des besoins et des disponibilités de main-d’œuvre. Ce sont donc ces instruments produits et mobilisés par les administrateurs dans leurs missions ordinaires, les mesures du travail qu’ils produisent, les contraintes qui encadrent les modalités de leur mise en œuvre, ainsi que le jeu des acteurs qu’ils engagent, qui sont au cœur de ce chapitre.
Mesurer la quantité de travail
3Alors que l’administration et le corps des Ponts et Chaussées se structurent au cours des premières décennies du XVIIIe siècle autour de la politique routière engagée par la monarchie, toute une série de savoirs techniques vont sous-tendre et guider l’action des ingénieurs. Certains ont été largement étudiés, comme la formation dispensée par l’École créée en 1747 pour élaborer une culture de l’ingénieur ou plus récemment la production de cartes5. Parmi ces savoirs, le calcul constitue une autre dimension fondamentale des expertises techniques et économiques utilisées pour déterminer les besoins en travail.
L’économie des tracés
4Le tracé de nouvelles routes constitue pour le corps des Ponts et Chaussées le cœur de son action. Chacun dans sa circonscription, les ingénieurs en chef étaient chargés, de déterminer les routes à construire et d’évaluer l’utilité de tels investissements. Dans les mémoires qu’ils adressent à l’administration centrale des Ponts et Chaussées pour évaluer les différents projets d’alignement proposés, les ingénieurs indiquent ainsi les moyens à mettre en œuvre. La pondération des considérations économiques (l’utilité commerciale de l’infrastructure), financières (le coût des terres à indemniser et des travaux) et techniques (la disponibilité en matériaux et la configuration du terrain) qui imposent des contraintes au projet, les amène à préférer une direction plutôt qu’un autre. Ce sont essentiellement des raisons d’économie qui expliquent la préférence des ingénieurs pour des tracés en ligne droite ; à cet argument du coût s’ajoute aussi le fait qu’allonger un itinéraire est susceptible d’avoir une incidence négative sur sa fréquentation, alors qu’une route plus directe peut réduire les frais de transport. L’appréciation des ressources en travail semble peser assez faiblement au regard de ces différents critères, même si elle s’impose de façon implicite avec l’estimation du coût de l’infrastructure quand il s’agit d’arbitrer entre plusieurs tracés possibles ou d’entériner un changement de direction.
5Alors même que la route n’est encore qu’en projet, l’emploi de la corvée peut être explicitement pensé à la fois en termes de contraintes et de coûts. Le tracé d’une route est fréquemment apprécié à l’aune des forces corvéables qu’il serait possible de mobiliser localement. L’alignement par la bourgade de Marans est ainsi préféré à un tracé passant par Villedoux et le Bréau, entre autres à cause de la « longueur fatigante de l’exécution d’un projet de cette espèce dans un pays désert où les paroisses sont fort rares la plus grande partie employée est nécessaire encore quelques années sur la route de La Rochelle à Paris, et les corvéables en très petit nombre6 ». À défaut de forces disponibles, l’administration pouvait être amenée à arbitrer entre plusieurs projets et à renoncer à certains d’entre eux. L’attention portée à la configuration locale du réseau routier signale par ailleurs le souci de l’administration de ne pas mobiliser la main-d’œuvre disponible sur deux axes trop rapprochés, au risque de disperser les ressources en travail et de ne pas pouvoir mener de front ces chantiers.
6La viabilisation de tracés existants peut également être présentée comme un moyen d’économiser les ressources de la corvée. Ainsi l’ingénieur Legendre affirme sa préférence pour un tracé par Pontoise et Vic-sur-Aine qui permettait de profiter des fondations d’une ancienne voie romaine, alors qu’une desserte par Pont-l’Évêque et Sampigny engagerait le double de corvées7. La dépense en travail peut en outre être mise en balance avec le bénéfice escompté de la future infrastructure. Valframbert, alors sous-inspecteur dans la généralité de Tours, ne dissimulait guère ses réticences à faire passer la route de Mayenne à Fougères, par Châtillon et d’autres bourgs, dont l’animation commerciale ne justifiait pas selon lui un tel investissement8. De même, quand une liaison existante est contestée ou remise en discussion, elle est de façon quasi systématique entérinée au motif qu’il ne faut pas gaspiller le travail accompli par corvées au cours des années précédentes. C’est ainsi que le tracé de la route entre Poitiers et Limoges par Bellac et Bussière fut validé pour ne pas perdre le bénéfice de vingt ans de travail par corvée, alors que le passage par Saint-Junien-Confolens était à entreprendre intégralement9.
7La disponibilité des matériaux apparaît comme un critère déterminant dans la décision d’ouvrir une liaison. La localisation des carrières, sablières ou chantiers de démolition, parce qu’elle conditionne la rotation des corvées de harnais, constitue donc un élément essentiel dans la détermination des itinéraires routiers. À propos de la route entre Mayenne et Fougères, le tracé passant par Ernée et Saint-Georges est préféré à la desserte par Châtillon, « la pierre se trouvant à 1 000 toises de distance réduite sur la longueur du chemin à exécuter, au lieu qu’elle se trouveroit à 3 500 toises en passant par Chatillon. Cette différence de transport occassionneroit une surcharge aux communautés sur leurs corvées de la valeur de 180 000 Lt et de 18 000 Lt par année par excédent à l’entretien10 ».
8Alors même que par définition la corvée est un travail gratuit, les ingénieurs des Ponts et Chaussées vont s’attacher à produire des évaluations chiffrées pour mesurer l’économie que permet de réaliser le recours au travail requis. Évaluer les tâches qu’il est possible de faire réaliser par corvée, en leur affectant un équivalent salarial, permet d’apprécier l’économie à réaliser sur la dotation financière des Ponts et Chaussées. Le projet de construire huit lieues de chemin entre Meung et Menard-le-Château via Beaugency donne lieu à une estimation du « total à épargner par les corvées » : cette économie se chiffre à 14 000 Lt (déduction faite des frais d’encadrement) pour un chantier d’un montant total de 663 500 Lt :
« Il y a dans le canton une vingtaine de paroisses qui pourraient contribuer par corvées à la construction de ce chemin en supposant l’un dans l’autre 75 travailleurs par paroisse et 15 voitures à trois chevaux ; l’on aurait 1 500 travailleurs et 300 voitures, que chaque journalier fournirait six jours de travail par an qu’on estime à 15 s par jour y compris le temps d’aller et venir sur l’ouvrage ; il épargnera par an 4 L 10 s et les 1 500 L épargneraient cy 6 750 L.
Sur les 300 voitures fournissant chacune six jours aussi, et qu’on estime ces journées à 5 L par jour à cause de l’éloignement des voitures, ce sera par chacune 30 L ainsi les 300 épargneront 9 00011. »
9L’économie que le recours à la corvée permettrait de réaliser apparaît pour le moins modeste, puisqu’elle se monte à 2 % du devis. Le bénéfice à attendre de l’adjudication est tout aussi faible en ce que concerne les travaux à entreprendre sur la route entre Le Mans et Alençon :
« Total de la dépense à faire pour la construction de la route projetée du Mans à Alençon, suivant le détail sommaire sans y employer les corvées 693 502 L 6 s 8 d.
Détail de la dépense à faire en faisant usage des corvées.
Total des journées de corvée à faire pour ladite route suivant le détail sommaire 610 886 journées.
Total des journées de voiture à faire par corvée pour ladite route suivant le détail sommaire 72 19412. »
10Dans ce contexte la mise en balance des deux options ne servirait-elle qu’à conforter la préférence exprimée par nombre d’ingénieurs pour la corvée ? Dans la mesure où elle permettait aussi de réquisitionner de la main-d’œuvre pour faire réaliser une partie des ouvrages prévus dans les contrats passés avec des entrepreneurs, il importait aux ingénieurs d’évaluer non seulement le montant total des travaux à engager mais aussi la part qui pouvait être confiée à la corvée.
11Pour les ingénieurs, le coût des travaux et a fortiori l’économie que le recours à la corvée permet de réaliser, constituent donc un critère essentiel de décision. Cette pondération scrupuleuse des avantages d’une infrastructure et des moyens à affecter à sa construction tend à infirmer les critiques adressés à l’époque contre des ingénieurs volontiers suspectés de préférer des routes exagérément monumentales et d’être d’autant moins regardants à la dépense que les travaux se font par corvée.
Le calcul des forces
12L’emploi du terme de « forces », renvoyant au nombre d’habitants d’une même communauté assujettis à l’impôt et à la quantité de bestiaux, inscrit résolument la corvée dans le travail physique, qu’il soit humain ou animal. Bien avant que la pénurie de main-d’œuvre sur le chantier de construction du fort Bourbon inspire à Charles-Augustin Coulomb ses premières recherches sur le travail humain, les ouvrages militaires dirigés par Vauban et la mise en œuvre de la corvée en métropole a obligé les ingénieurs à déterminer des grandeurs physiques de travail. Cette attention à l’économie des forces s’explique très largement par l’absence de machines. Le prototype d’une machine à casser des pierres construit en 1760 aux frais de la province de Bourgogne pour un montant de 800 Lt se révèle un cuisant échec13. Quant au projet de charrue conçu pour l’entretien des routes, on ne sait pas quel fut son sort14. La commune mesure dont usent les ingénieurs des Ponts et Chaussées pour calculer les besoins en main-d’œuvre nécessaires à l’exécution des travaux, reste donc le « travail » au sens physique du terme. L’évaluation des forces varie en fonction de la nature des tâches, elles-mêmes conditionnées par leur articulation dans le processus d’aménagement de la route. Les manœuvres étaient d’abord employés au creusement des fossés et à l’aplanissement des accotements. Ce n’est qu’une fois aménagé l’encaissement de la future chaussée, qu’une partie des journaliers étaient préposés à la préparation des matériaux, tandis que les autres corvéables assuraient leur transport et leur régalage. Une fois la chaussée construite ou refaite à neuf, il restait à pourvoir à son entretien.
13Le volume de journées corvéables, qui va ensuite déterminer le nombre de communautés à réquisitionner et le nombre de saisons à employer, est calculé en fonction de la quantité de travail à fournir. Pour la corvée de bras, il s’agit du volume des terres à remuer ou de la longueur de l’ouvrage (fossés à creuser, section à empierrer…). Pour la corvée de harnais, la quantité de matériaux à voiturer est étroitement corrélée à la distance entre la carrière et l’atelier, qui déterminait le nombre de trajets réalisables en une journée, au temps des manutentions pour le chargement et le déchargement, et à la contenance moyenne de la charrette ou du tombereau. Deux niveaux d’appréciation président à l’évaluation du nombre de journées de travail. Le premier correspond au temps de travail global que requiert une unité de construction : « On admet qu’une lieue de 2 400 toises sur 60 pieds de largeur entre les fossés et 20 pieds de chaussée sur 18 pouces à 2 pieds d’épaisseur exigera 60 000 journées d’hommes et 9 600 de voitures15. » Un second critère intègre la charge de travail qu’il est raisonnable d’attendre d’un travailleur au cours d’une journée de labeur. D’après le mémoire de 1737, étant donné qu’« un bon ouvrier payé et travaillant à sa tâche, fouille et jette une toise et demi-cube de terres communes et légères […] la supputation de la tâche d’un travailleur à corvée paroist assez forte à une demi-toise cube16 ».
14Ces évaluations supposent de la part des ingénieurs une connaissance acquise par l’expérience des temps usuels que réclame la réalisation des différentes tâches : on estimait qu’un manœuvre payé pouvait briser et répandre des cailloux sur une toise (soit 1,949 m) en deux journées de travail17 ; par jour il ne pouvait pas fouiller et déblayer plus de deux-tiers de toise cube (équivalant à 5 m3)18. Sur cette base, les ingénieurs postulaient une productivité inférieure d’un tiers, voire de moitié, par rapport à la journée de travail d’un manœuvre rémunéré. Les ressources de la corvée sont à cet égard davantage pensées en termes de disponibilité qu’en termes d’effort, même si les normes de travail qui constituent la base des calculs des ingénieurs se sont toutefois affinées à la suite d’expérimentations effectuées sur le terrain :
« L’on a pris pour cet effet, la longueur de la lieue moyenne ; l’on a mesuré, la montre à la main, le temps qu’une voiture met à la parcourir ; l’on a recommencé plusieurs fois l’opération, et le résultat bien combiné, a donné environ une heure vingt minutes de marche. Ces notions une fois établies, l’on a cru pouvoir regarder ce résultat comme une mesure constante et invariable, à laquelle on devoit rapporter toutes les autres ; et l’on a en conséquence dressé une table de proportion, dont le sous-ingénieur, sans jamais craindre d’errer, peut se servir, pour toutes les distances possibles, dans les travaux ordinaires19. »
15Quant au chargement des tombereaux, à raison de quatre hommes employés à cette tâche, il faut compter « les deux tiers d’un jour, pour charger la toise cube20 ». Les ingénieurs militaires avaient ouvert la voie dans le cadre des chantiers de fortifications militaires21. La question d’une possible circulation de ces mesures du travail entre les ouvrages militaires et les chantiers routiers reste ouverte. De tels barèmes proposent en tout cas un référentiel standard qui n’envisage pas le cas des conditions de travail plus difficiles, notamment sur des terrains rocailleux. Quelques règlements se soucient toutefois de moduler la charge de travail en fonction de la dureté du sol :
« Dans une terre commune et ordinaire un homme peut au plus fouiller et charger une toise cube de cette qualité sans aucun transport ; si la dureté est moyenne entre la terre franche et le roc une toise vaudra une toise et un quart. Si elle est presque aussi dure qu’un roc délité et pierreux une toise vaudra une toise et demie ou deux toises suivant les cas22. »
16De la même façon pour la corvée de harnais, seul un ordre de grandeur établi sur la base d’un travail salarié est indiqué pour un transport de matériaux dans des conditions optimales : « Une voiture bien attelée de deux ou trois chevaux, peut faire à prix d’argent, six lieues par jour d’été pourvu qu’elle soit bien servie à la charge de matériaux23. » Ces normes de travail vont par la suite se fixer dans des « tables » à l’exemple de celles qui en Bourgogne servent à régler les tâches ou régir le transport des matériaux24.
17Selon la nature des travaux, des corvées de harnais pouvaient être prévues ou non. Dans le premier cas de figure, il importait de déterminer la proportion adéquate entre le nombre des voitures et les effectifs de manouvriers de façon à assurer la bonne marche du chantier25. En Bretagne, quand la corvée fut étendue au tirage des pierres dans les années 1734-1735, « une paroisse qui étoit obligée de fournir par jour dix corvoyeurs n’en envoyoit sur le chemin que sept ou huit, et les deux ou trois autres étoient occupés à tirer la pierre26 ». Une mauvaise gestion de l’approvisionnement en matériaux pouvait également perturber la chaîne logistique du chantier et ralentir l’avancement des travaux. Ainsi dans l’élection de Mayenne, faute d’une rigoureuse coordination, les voitures stationnèrent inutilement sur les ateliers27. Quant aux entrepreneurs en charge des ouvrages d’art, ils devaient disposer des quantités suffisantes de matériaux pour mener à bien leur part du contrat. Quand le chantier exigeait des transports de matériaux, la bonne marche des travaux dépendait très largement d’un juste ratio entre les corvoyeurs à bras et les corvoyeurs à harnais. Faute d’évaluer correctement les besoins en main-d’œuvre pour chacune des tâches, le chantier pouvait s’en trouver considérablement pertubé. À l’atelier de la Barberette par exemple, une partie des métayers présents avaient dû être renvoyés car « il n’y avoit point de pierre à tirer assez suffisamment28 ». Dans la mesure où la corvée de charroi et celle de bras étaient des opérations largement interdépendantes, cela nécessitait une coordination et une synchronisation des actions. Les corvées de transport, si elles n’étaient d’aucune utilité pour l’avancement du chantier, pouvaient toutefois être converties en journées à bras29. Des barèmes semblent présider à la commutation de la corvée de harnais en corvée de bras : « à l’égard du changement de corvées de bestiaux en corvées à bras, l’usage est de prendre trois journées d’hommes pour trois jours d’un joug de bœufs, et deux journées d’hommes pour trois jours d’un jour de vaches de tirage30. »
18Les tables confectionnées à l’intention des conducteurs de travaux explicitent également les règles de calcul définies par les ingénieurs pour déterminer la durée des tâches et la charge de travail qu’elles impliquent :
« Lorsque l’encaissement contiendra une toise cube par toise courante, on donnera un quart de toise à chaque homme par jour à ranger et casser, y compris le régalement à faire sur les bermes, et le dressement des fossés.
Dans les ouvrages d’entretien où il n’a que la pierre à casser à la grosseur d’un pouce cube, le Directeur donnera aussi un quart de toise à chaque homme à casser par jour, lorsqu’elle sera dure et proviendra des carrières vives.
Lorsque la pierre est platte et mince comme le laveron [sic], il donnera deux tiers de toise cube à chacun pour sa tâche à casser et employer dans un jour…
On a supposé […] que les chevaux feroient sept lieues par jour, que les bœufs en feroient un peu plus de cinq, surtout lorsqu’il y a moitié du chemin à faire à vuide.
Que chaque voiture porteroit dix pieds et un cinquième cube de gravoix, douze pieds de terre, et quatorze pieds deux cinquièmes cubes de moilons, y compris le vuide de l’entoisage, qui est ordinairement d’un tiers.
Que dans les cas où les voituriers se chargent seuls, ils emploient une quart d’heure pour la charge de chaque cheval ou paire de bœufs ; et que lorsqu’ils sont chargés par des manœuvres, et qu’ils déchargent seuls leurs voitures, le temps de la charge et décharge pour deux chevaux ou pour quatre bœufs, seroit de douze minutes …
On a réglé les tâches des remblais ou déblais, à une demi-toise cube par jour pour un manœuvre, et à proportion pour les voitures à chevaux et pour celle des bœufs31. »
19Ces prescriptions non seulement précisent la quantité journalière de travail exigible de chaque corvéable, en termes de volume de matériaux à préparer ou à transporter, mais contiennent aussi de subtiles modulations en fonction du type de matériaux, de la composition de l’attelage et de l’organisation du travail, notamment en ce qui concerne les opérations de chargement et de déchargement des voitures. Il est à noter que ces normes unitaires semblent assez généralement répandues : les prescriptions mentionnées ci-dessus s’appliquent en Bourgogne ; celles en vigueur en Normandie sont assez semblables : il est ainsi prévu quatre journées par toise de terre à remuer32. Les ingénieurs avaient toute latitude pour moduler ces barèmes indicatifs en fonction de la nature du sol, de la configuration de la route, de la composition de l’attelage et des caractéristiques physiques des bêtes de trait.
20L’évaluation des tâches sert non seulement pour les ingénieurs à calibrer les ressources en main-d’œuvre nécessaires aux chantiers routiers, mais leur permet aussi de prévoir le temps nécessaire pour l’ouverture à la circulation d’une route nouvelle ou la remise en état d’une voie existante. C’est le cas pour le tronçon situé sur la route de Rodez à Saint-Flour entre le faubourg de Saint-Flour et le ruisseau de Récole près de Lacamp, qui exigeait la fouille de 27 814 toises cubes de terre et le transport de pierres pour les ponts et les empierrements : « En supposant que le climat du pays permette de soutenir le travail pendant cinq mois de l’année, on estime que les ouvrages cy-dessus détaillés pouront se conduire à la perfection dans l’espace de dix années33. » De telles évaluations intègrent nécessairement le nombre limité de jours de travail qu’il était possible d’imposer localement aux corvéables. En rapportant le contingent annuel de journées de corvée disponibles à la dépense en travail de l’ouvrage à réaliser, les ingénieurs prétendaient estimer l’amplitude temporelle des projets routiers et maîtriser dans la durée la programmation des chantiers34.
21La mise en œuvre de la corvée engage donc l’élaboration et la consolidation de savoirs et d’expertises techniques de la part des ingénieurs pour évaluer les divers choix d’investissement et chiffrer le volume de travail qu’ils impliquent. Une fois établis les besoins en termes de journées de travail, il restait à estimer les moyens d’y satisfaire à moindre coût.
Évaluer la main-d’œuvre mobilisable
22Dans une économie où la main-d’œuvre qualifiée reste structurellement déficitaire, celle-ci est employée prioritairement aux chaussées pavées et aux ouvrages d’art. Pour les tâches qui n’exigent pas de qualification particulière, la réquisition de travailleurs stabilisés par la résidence, garantit une réserve de main-d’œuvre mobilisable. L’inventaire des ressources en travail, circonscrit à un périmètre limité, permet d’imputer les tâches sur les communautés riveraines, de déterminer un contingent de travailleurs par communauté et de chiffrer le stock de journées de travail disponibles35. L’identification et l’évaluation des ressources, qui impliquent la collaboration de plusieurs instances administratives, se traduisent par la production d’instruments spécifiques (cartes, tableaux et inventaires). Ces opérations de catégorisation et d’évaluation des forces de travail sont elles-mêmes déterminées par les cadres territoriaux dans lesquels elles s’inscrivent et les échelles auxquelles elles sont menées.
Le périmètre de mobilisation
23Le système de la corvée permet de résoudre, grâce à la réquisition des communautés riveraines, la distorsion entre l’objectif politique d’aménagement routier et une contrainte qui est celle de s’assurer un réservoir de main-d’œuvre captive36. Le découpage de ce périmètre qui prétend à une neutralité guidée par la seule puissance de la géométrie, constitue une catégorie d’action qui participe de la construction spatiale de la corvée et détermine la qualification juridique des communautés qui s’y trouvent assujetties.
24Le mémoire de 1737 reconnaît à la carte un rôle déterminant dans la délimitation du périmètre de réquisition. Il prescrit en effet aux ingénieurs de tracer sur une carte deux lignes parallèles de part et d’autre de la route à construire : « On tirera sur la carte gravée […] deux lignes qui renferment toutes les paroisses situées à droite et à gauche de la nouvelle route, jusqu’à la distance de quatre lieuës communes, pour en dresser un estat par élections et par paroisses37. » Si la carte est précocement conçue comme un instrument d’administration pour les services techniques tels que les Ponts et Chaussées, il n’est pas toujours aisé de rendre compte de ses conditions d’élaboration et de ses usages sur le terrain ou dans les bureaux. L’atlas Trudaine, dont la confection fut décidée par la monarchie au moment même où elle généralisait l’emploi de la corvée, devait servir à tracer les alignements et ensuite à distribuer le travail des corvées entre les différentes paroisses. La présentation graphique des cartes itinéraires et des tracés routiers au format d’un bandeau figure sans doute le périmètre de recrutement des corvéables. Il semble toutefois qu’en attendant la réalisation de l’atlas Trudaine, les ingénieurs aient largement fait usage des cartes existantes, notamment la carte Cassini dont le canevas géométrique est précisément relancé par Orry en 1733. Outre qu’il reposait sur des listes de paroisses dressées par les curés ou les ingénieurs, cet outil précieux indiquait la centralité de la paroisse figurée par un clocher surmonté d’une croix38. La distance était ainsi déterminée à vol d’oiseau du clocher de la paroisse au centre de l’atelier sur la ligne de chemin39.
25En vertu du mémoire de 1737, seules pouvaient être assujetties à la corvée les communautés situées de part et d’autre de la route à une distance maximale de quatre lieues (soit 16 km). Dès l’année suivante le périmètre de réquisition fut ramené à trois lieues pour la corvée à bras40. Ces délimitations contribuent donc à faire le départ entre les communautés corvéables et celles qui échappent à la réquisition en travail. Si l’on en croit Clicquot de Blervache, ce sont près de 200 paroisses qui en raison de leur éloignement n’étaient pas corvéables sur les 517 que comptait la généralité de Bourges41. Cependant à mesure que s’étoffe le réseau routier au XVIIIe siècle, le nombre de communautés concernées va augmenter corrélativement. La métrique de ce découpage définit en fait un optimum dimensionnel qui pouvait se contracter au gré des circonstances locales et des besoins effectifs. Dans son instruction de 1746, Trudaine réduisit encore l’amplitude de ce périmètre de mobilisation de la main-d’œuvre : « Il convient que les paroisses qui doivent fournir les journaliers ne soient pas éloignées de plus de 2 lieues ou 3 au plus des endroits où ils travaillent42. » Cette prescription des deux lieues s’imposera d’ailleurs comme la norme dans le courant des années 1750. En Normandie, sauf exception motivée, les communautés éloignées de plus de deux lieues ne pouvaient pas être réquisitionnées43. Quelle que soit la diversité des régimes de corvée, la même règle se retrouve d’une province à l’autre. En Bourgogne, « les communautés ne pourront être commandées qu’à la distance de deux lieues et demie au plus du canton où elles devront travailler44 ». Il en est de même dans les états de répartition, encore appelés états de distribution en Auvergne, qui listaient les communautés « à portée » de la route : la distance qui les séparait de leur atelier d’affectation n’excède qu’à de rares exceptions la limite des deux lieues.
26Cette norme géographique ne prend toutefois de sens que si l’on tient compte du nombre de toises qui compose cette unité de longueur. Elle n’est en effet pas uniforme à travers le royaume. En Bretagne, la lieue commune ou grande lieue mesurait 2 400 toises45. En Bourgogne, elle était réglée à « 2 500 toises de 6 pieds chacune46 ». En 1758, Joly de Fleury, alors intendant de cette province, recommandait de « fixer la longueur des lieues qui sont plus ou moins grandes dans les différentes provinces. Je crois qu’on pourroit la fixer à 3 000 toises de six pieds47 ». Ce n’est qu’en 1785 qu’une règle homogène sera adoptée par La Millière après consultation de l’Assemblée des Ponts et Chaussées de « ne compter dorénavant les lieues qu’à raison de 2 000 toises48 ».
27La délimitation théorique du périmètre de réquisition est déterminée par la distance à parcourir par les corvéables des communautés riveraines pour se rendre à l’atelier et en revenir. Conçue comme une unité de temps, la distance ne devait pas excéder la durée d’un aller-retour dans la journée. En 1731 l’intendant de Bretagne décida ainsi de ne requérir pour la corvée que les paroisses ou trêves « dont les charretiers et journaliers peuvent, quand la journée de travail est terminée, retourner coucher chez eux49 ». L’instruction de Trudaine en 1746 recommandait explicitement de ne pas faire découcher les voituriers50. Au-delà d’une certaine distance, les corvéables avaient l’obligation de résider sur place, les communautés des alentours devant fournir le gîte et le couvert aux hommes, et le fourrage pour les bêtes. Une même logique aurait présidé à l’organisation des corvées seigneuriales de façon à éviter que la fourniture des subsistances incombe au seigneur. Pourtant, de telles prestations, si elles ont été effectives, n’ont laissé en tout cas aucune trace dans les archives de la corvée des grands chemins ; cela laisserait supposer que les corvéables, généralement convoqués dans un périmètre restreint, s’en retournaient chez eux à la fin de leur journée de travail. Le silence des sources peut aussi s’expliquer par le fait que l’hébergement des corvéables dans les fermes alentour ait activé des sociabilités familiales ou de voisinage sans qu’« aucun des corvéables ne se sont plaint qu’on ait refusé de les y recevoir51 ».
28Pour la corvée de harnais, la distance à prendre en compte comprend, outre celle du déplacement des voitures depuis la paroisse, celle qui sépare les carrières des ateliers : « Lorsqu’il sera question de répartir ou ordonner des corvées, je vous prierai toujours de m’envoyer […] la distance des paroisses aux carrières, celle des carrières au lieu de dépôt à la ligne du chemin, et celle de la ligne du chemin pour le retour dans les paroisses52. » De fait, la répartition du travail corvéable peut intégrer, en les décomposant, les différents déplacements que les corvéables sont amenés à faire entre la paroisse et le lieu de chargement des matériaux, entre ce dernier et l’atelier situé sur la route et pour le retour dans la paroisse53. La distance de ces différents trajets permet, rapporté au nombre de charrettes, disponibles dans chacune des communautés affectées à un atelier, de déterminer le nombre de voyages à faire. Le plus souvent toutefois seul l’intervalle entre la carrière et l’atelier est mentionné sans que soit prise en compte la totalité de la distance à parcourir effectivement. Dans la généralité de Paris, les distances indiquées dans les états des matériaux à voiturer n’excèdent généralement pas une lieue, sauf dans les endroits où les matériaux sont plus rares54. Dans la généralité de Riom, la moitié des communautés réquisitionnées pour l’approvisionnement du chantier du pont d’Ambert sont éloignées de deux à trois lieues de la carrière de Tary55.
29L’inégale densité de peuplement constitue une hétérogénéité majeure qui influe sur le potentiel de main-d’œuvre corvéable mobilisable. Dans certaines contrées faiblement peuplées, la corvée pouvait s’avérer difficile à mettre en œuvre, et même justifier la dilatation du périmètre de réquisition : « Le peu d’habitants qui se trouvent dans quelques cantons, et surtout dans la partie du Limousin, a forcé de commander aux corvées des paroisses dont le clocher est éloigné de la route de trois lieues et de fixer ces lieues à 3 000 toises56. » L’intendant d’Auch est confronté à de semblables difficultés dans l’élection des Lannes : « la corvée en nature qui paroit impraticable dans un pays peu cultivé et dans lequel les communautés sont placées à de grandes distances les unes des autres et par conséquent à des éloignements plus considérables que les 8 000 toises fixées par les règlements57. » À défaut de pouvoir étendre inexorablement le périmètre de réquisition, les autorités locales devaient se résoudre à l’adjudication des ouvrages. De même, dans les régions où l’habitat était dispersé, des hameaux rattachés administrativement à une communauté pouvaient se trouver au-delà de la distance prescrite. En Bretagne, l’ordonnance promulguée en décembre 1734 stipulait que : « Toute paroisse dont une partie quelconque ne sera pas éloignée de plus de deux lieues du chemin où l’on travaille sera assujettie à y envoyer des corvoyeurs quoy que le clocher soit distant de plus de deux lieues du chemin où l’on travaille58. » En retenant comme critère non pas la distance entre le clocher et la route, mais celle qui la séparait du tracé du finage de la communauté, il s’agissait de pallier la faible densité de population dans certaines contrées : « Il paroist M. d’autant plus nécessaire de maintenir cette règle qu’il y a en Bretagne beaucoup de terrains vains et vagues en landes et forêts, ce qui fait que dans la plupart des cantons de cette province il y a peu de paroisses à la proximité des grands chemins59. »
30C’est aux marges et aux confins des territoires administratifs que la répartition des corvéables pouvait éventuellement rencontrer des difficultés. Aux extrémités des généralités, il était prévu que : « Si les habitans d’une généralité, sujets à la corvée, ne peuvent estre compris […] dans l’arrondissement des routes de cette généralité, ils seront commandez pour la généralité limitrophe, suivant les arrangements dont Messieurs les Intendans des provinces conviendront entr’eux60. » L’exigence de continuité routière semble toutefois assez bien s’accommoder des limites administratives61 : à compter de 1767, onze paroisses de la généralité d’Orléans contribuèrent à la construction de l’embranchement entre Viray et Montlandon ; elles se retrouvent comptabilisées avec les communautés de la généralité d’Alençon (département de Mortagne)62. C’est plutôt dans les enclaves que se poseraient les problèmes les plus aigus en raison du faible nombre de paroisses mobilisables pour entretenir les routes63.
31On a vu qu’en principe le territoire de réquisition se fonde sur le seul paramètre de la distance géographique dans un espace postulé comme isotrope. Or, les opérations de mobilisation doivent composer avec les aspérités du terrain et les difficultés de circulation auxquelles pouvaient être confrontés les corvéables. La distance réelle excède la distance théorique selon qu’ils doivent emprunter des chemins de traverse ou passer à travers champ. En Normandie l’ingénieur
« a soin de faire mesurer les différens chemins par lesquels ces matériaux peuvent arriver à leur destination. Il a égard à la difficulté des passages, soit par rapport aux mauvais pas, soit à cause des différens plans à parcourir, qui souvent peuvent être plus ou moins rapides et montueux, et plus ou moins pierreux. Il détermine, en conséquence de ces divers obstacles, ceux de ces chemins qu’il paroît le plus avantageux de choisir, pour arriver toujours aux lieux indiqués dans les temps les plus courts64 ».
32Dans son état de distribution pour la route Laval-Craon, l’ingénieur se refuse à calculer la stricte distance perpendiculaire qui sépare les paroisses de la route mais intègre les détours qu’elles sont obligées de faire pour s’y rendre65. Le franchissement d’une rivière peut aussi allonger le trajet des corvéables, comme certaines paroisses employées sur le chemin de Périgueux à Bordeaux qui étaient obligées de franchir la rivière de l’Île66. C’est le cas également de plusieurs communautés affectées à la route de Limoges à Toulouse qui devaient traverser la Cère67. La distance de réquisition doit ainsi se plier aux contraintes de la géographie.
33Arrêté par les ingénieurs dans le cadre défini par les règlements, le périmètre de réquisition fait parfois l’objet de contestation et de négociation de la part des communautés concernées. Il est rare qu’elles invoquent la norme spatiale des quatre lieues pour discuter la validité de leur réquisition. Il faut attendre les dernières décennies du XVIIIe siècle pour qu’un tel argument soit avancé, signe que les communautés ont alors intégré les dispositifs normatifs pour faire valoir leurs droits68. Leurs récriminations font rarement état d’une distance commensurable et se contentent généralement d’évoquer un éloignement accablant. Ce n’est de la même façon qu’à la fin du siècle que les communautés produisent des mesures précises, sans qu’il soit toujours aisé de faire le départ entre un abus caractérisé et une exagération destinée à obtenir de la part des autorités administratives un allégement ou une dispense de travail69. Alors que les habitants de Pierrefort prétendaient que l’atelier de La Nau sur le chemin de Chaudes-Aigues sur lequel ils étaient commandés se situait à 14 000 toises, le trajet calculé par l’administration n’en indiquait que 9 00070. La distance, telle que la ressentent les communautés, peut aussi s’exprimer en temps que les corvéables doivent compter pour se rendre sur les ateliers : « à cause de l’éloignement et des mauvais chemins il faut qu’ils fassent une marche de plus de six heures avant qu’ils soient arrivés à leur destination71. » L’argument de la distance est également avancé par des communautés corvéables pour signaler à l’administration d’autres paroisses qui auraient échappé à sa vigilance alors même qu’elles se trouvaient également à portée du chantier routier. Un tel pointage rend compte d’un sens aigu de la distance réglementaire du périmètre de réquisition. Même si elles peuvent faire l’objet de contestation de la part des communautés, les affectations une fois décidées sont en tout cas rarement corrigées.
34La définition d’un périmètre fonctionnel de réquisition permet donc à l’État de s’assurer une réserve de main-d’œuvre. Sa délimitation qui procède à la fois d’une spatialisation du temps et d’une temporalisation de l’espace, montre combien la corvée est une construction territoriale qui détermine dans une large mesure son organisation. Au sein de cette démarcation territoriale s’ajoute un second clivage entre villes et communautés rurales.
Corvéables des champs, corvéables des villes
35Le financement des infrastructures routières repose largement sur un partage territorial des imputations : aux citadins incombe le financement de la majeure partie des rues, tandis que la construction et l’entretien des liaisons interurbaines sont à la charge des paysans domiciliés dans les campagnes riveraines. Cette répartition fondamentalement inégalitaire fait peser sur les campagnes, qui pourvoient déjà pour l’essentiel au versement de l’impôt direct, le coût des dessertes qui profitent de façon prioritaire à l’approvisionnement urbain et à la croissance économique des villes.
36Originellement la réquisition des citadins n’est pas évoquée dans les directives de 1737-1738 qui n’envisageaient que l’articulation de la corvée avec le travail de la terre. L’administration des Ponts et Chaussées comme le Contrôle général cherchèrent précocement à imposer la corvée aux villes. Reprenant l’instruction rédigée par Trudaine en 1746, Perronet estimait que « les villes seront également sujettes à la corvée, pour ce qui concerne seulement les journaliers en état de travailler et les voituriers ou laboureurs72 ». En considération de l’intérêt économique que les routes représentent pour les villes, l’intendant de Poitiers décida en 1751 de soumettre toutes les villes taillables ou non (ce qui est le cas de Poitiers) à la corvée ; libres à elles de s’en racheter par adjudication sur le revenu des droits patrimoniaux et des octrois73. Quand il arriva en Limousin en 1761, Turgot constata une situation pour le moins confuse :
« Je trouve dans ma généralité plusieurs villes qui y sont assujetties et d’autres qui en sont exemptes, sans que je sache pourquoi, ni quels sont à cet égard les principes de la jurisprudence du Conseil […] L’exemption des corvées est-elle une suite nécessaire de l’exemption de taille en sorte que toute ville exempte de taille, et dont l’imposition se lève sous le titre de subsistance ou subvention, doive être exempte de corvée ? Parmi les villes taillables, n’y a-t-il aucune distinction à faire des capitales de provinces, des villes épiscopales, de celles où il y a présidial ou élections74 ? »
37Les deux principales villes de la généralité, Limoges et Angoulême, en étaient ainsi exemptes.
38Les citadins réellement employés à des chantiers routiers restent en tout état de cause assez rares. En Bretagne étaient convoqués indistinctement sur les chantiers routiers des ruraux qui ne travaillaient pas la terre et des citadins qui possédaient des terres à la campagne. Plusieurs rôles de corvée ont été conservés pour les villes de Châteauroux et de Riom75. Comme en Bugey, où les villes de Belley et de Nantua étaient assujetties à la corvée76, les habitants de Bourg-en-Bresse furent assignés en 1751 sur la route de Chatillon depuis la porte de la ville jusqu’au pont de la Vesle pour pallier l’insuffisance des effectifs des campagnes à l’entour : « Chaque corvéable de la ville n’a pas trois toises tandis que chaque ouvrier de la campagne en a huit […] les corvées de la campagne sont fixées à quinze jours de travail par année, on arrestait celles de la ville à neuf-dix jours77. » Il est toutefois difficile de déterminer si cette décision, qui suscita de vives récriminations de la part des corps de métier de la ville78, fut suivie d’effet. Convoquer des citadins à la corvée présentait en effet de réels inconvénients. La corvée imposée aux habitants d’Agen en 1739-1740 fut ainsi un échec cuisant : les trois quarts de la main-d’œuvre réquisitionnée ne se rendirent pas sur le chantier, tandis que les artisans et les brassiers qui avaient consenti à se déplacer ne fournissaient aucun travail79. Outre le fait que de nombreux habitants pouvaient se prévaloir d’exemptions à des titres divers, les ingénieurs avaient toutes les raisons de se plaindre de l’indiscipline de citadins :
« Tous ces gens-là sont difficulteux et portés à murmurer sur le léger prétexte ; on voit des cordonniers, des tailleurs mal aisés, venir sur les ateliers montrer leur maladresse à remuer la terre, faisant peu d’ouvrage en beaucoup de temps, et ennuyés de leur travail, remplir les cabarets ; enfin se dérangeant beaucoup en rendant peu de service80. »
39Les contraintes inhérentes à la réquisition des citadins décidèrent les autorités locales à tolérer le remplacement individuel81 ou à convertir en argent la corvée imposée aux villes. En novembre 1754, les Élus de Bourgogne envisagèrent un tel rachat82. Dans la généralité d’Amiens, un arrêt du 4 octobre 1757 accorda aux villes la faculté de faire adjuger leurs tâches en finançant les travaux sur les deniers patrimoniaux et les octrois83.
La composition des rôles de corvée
40La mise en œuvre de la corvée dans la première moitié du XVIIIe siècle implique l’acquisition et l’accumulation de toute une série d’informations territorialisées et chiffrées pour recenser les forces disponibles. Cette procédure va mobiliser des acteurs divers. L’ingénieur devait, en s’aidant d’une carte, lister les communautés situées de part et d’autre de l’infrastructure en projet, en construction ou à l’entretien, et communiquer cet état aux subdélégués. Conformément au mémoire de 1737, ces derniers devaient ensuite faire procéder au recensement des hommes, des bêtes et des voitures corvéables dans chaque communauté de leur ressort. Ce dénombrement des forces de travail repose en amont, comme plus largement pour la confection des rôles d’imposition, sur une active collaboration des communautés d’habitants. À l’échelle de chaque communauté comprise dans le périmètre de réquisition, un syndic était chargé d’établir les listes des corvéables – hommes, bêtes et voitures – pour les communiquer au subdélégué dont la communauté dépendait administrativement. Il leur incombait par la suite de les actualiser en inscrivant les habitants récemment installés au village avec la mention de leur profession, et en rayant ceux qui avaient migré84. Cette nécessaire actualisation des données est d’ailleurs intégrée dans les dispositifs mêmes des dénombrements : « Il faudra laisser des blancs raisonnables entre les noms85. »
41L’administration locale de la corvée était confiée à des syndics (encore appelés voyers dans certaines généralités86) distincts de ceux qui étaient en charge de la gestion des affaires communales et de la collecte de l’impôt royal. C’est en Bretagne que l’organisation administrative de la corvée a été sans doute la plus étudiée87. Les « généraux de paroisse » (comprenant le curé, le juge des lieux, le procureur du roi ou procureur fiscal, douze anciens trésoriers et deux en exercice) qui avaient compétence pour toutes les affaires communautaires tant profanes que religieuses, nommaient outre les préposés au recouvrement des impôts, un syndic des grands chemins et des députés pour le seconder, dont le nombre variait en fonction de l’étendue des travaux et du nombre des corvéables88. Les fonctions de syndic et de députés devinrent incompatibles à partir du milieu du XVIIIe siècle avec d’autres responsabilités financières au sein de la paroisse, telles que celles de marguillier ou de receveur de la capitation. En Bretagne comme ailleurs, l’administration royale ou provinciale consentait à ces interlocuteurs locaux des avantages significatifs. En Guyenne et en Touraine, les syndics jouissaient, outre d’une modique gratification pour les déplacements qu’ils étaient obligés de faire, d’une exemption personnelle de corvée assortie d’une dispense de travail pour leurs domestiques et leurs bêtes pendant qu’ils étaient en fonction89.
42Nombre de syndics furent accusés de briguer de tels mandats pour échapper à titre individuel à la corvée et en dispenser des parents ou amis : « Les particuliers qui ont le plus beau bétail ont trouvé le secret de se faire nommer syndics des corvées90. » Les complaisances dont les accuse Bourgelat ou les suspecte Turgot semblent toutefois assez rares91. Peu nombreuses en effet sont les plaintes à l’encontre de syndics qui auraient abusé de leur position pour avantager leurs parents ou leurs affidés. Malgré le privilège dont elle était assortie, la fonction de syndic n’était pas toujours recherchée. À la Fontaine-Saint-Martin dans le Maine, ce ne sont pas moins de quinze candidats – artisans, marchands, bordagers, closiers, laboureurs… – qui étaient en lice face à Louis-François Simon, modeste serger et père du célèbre mémorialiste étaminier92. En Guyenne, il fallut contraindre Geoffroi Bonneau, qui n’avait effectué qu’un an et demi de son mandat, à poursuivre ses fonctions de syndic adjoint des corvées pour la communauté de Thiviers. La situation était d’autant plus critique que ses deux autres collègues en poste, respectivement depuis sept et huit ans, demandaient aussi à être remplacés (le quatrième, un certain Chanlou, n’exerçait déjà plus sa fonction). Or le beau-père du jeune homme que Bonneau avait trouvé pour le remplacer, qui avait été lui-même syndic, était venu se plaindre du désordre que cette fonction avait entraîné dans son commerce93. Pour prévenir de tels désistements intempestifs, il était prévu en Bretagne que ni syndic, ni députés ne pourraient être remplacés sauf en cas de force majeure (décès, infirmité, déménagement…).
43Placés sous la double contrainte des liens de la communauté et des exigences de l’État, les syndics occupaient une position assez inconfortable. Responsables de l’exactitude des listes transmises à l’administration royale, ils apparaissent comme le seul rouage de garantir une relative fiabilité des informations. C’est précisément cette raison qui décida le subdélégué à faire procéder en 1750 par l’intermédiaire des syndics au recensement des chevaux : « J’ai fait réflexion avant de commencer ma tournée que si je prenois le party d’aller dans toutes les écuries, je serois infailliblement dupé, parce que dès que j’aurais paru dans la première, le bruit s’en seroit répandu dans le village, et l’on m’auroit caché la moitié de chevaux94. » Si les informations transmises à l’administration royale se révélaient inexactes ou s’ils étaient surpris à commettre quelques dissimilations, les syndics s’exposaient en principe à des sanctions financières. C’est la raison pour laquelle Trudaine avait recommandé de « choisir de bons syndics dans chaque paroisse, surtout des riches, parce qu’on a plus de prise sur eux95 ». Dans la généralité de Paris, le montant des amendes passa de 30 en 1779 à 50 Lt l’année suivante, ce qui tendrait à prouver que les syndics étaient effectivement tentés de fournir des déclarations sinon approximatives du moins souvent minorées96.
44Les syndics semblent établir les listes de corvéables d’après les rôles d’imposition disponibles, qu’il s’agisse de la taille ou de la capitation selon les régimes fiscaux en vigueur. En Lyonnais, les syndics devaient « les rolles de tailles en main » établir le décompte des hommes et des bêtes « qu’il y aura dans chaque maison, tête par tête97 ». Symétriquement il était recommandé aux subdélégués de la généralité de Bordeaux de vérifier les listes fournies par les syndics d’après les rôles de taille98. Dans la mesure où ces rôles n’indiquent pas le nombre des hommes, des bêtes et des voitures attachés à un feu, on peut légitimement penser que le recensement des forces corvéables fit dans un premier temps l’objet d’un décompte particulier. Ce n’est qu’avec l’introduction de la taille tarifée que des précisions sur le nombre des bêtes apparaissent dans les rôles (notamment les vaches, chevaux servant au labourage, chevaux de bât ou voitures, juments et poulains, bœufs servant au labourage, bœufs à l’engrais, bourriques…).
45Les dénombrements, généralement manuscrits et plus rarement établis à partir de formulaires imprimés, avaient vocation à être agrégés dans des outils administratifs synthétiques à l’échelle de la subdélégation, puis dans les services de l’intendance. Ces procédures de recensement connurent d’inévitables lenteurs administratives. En janvier 1752, A. Mégret d’Étigny, récemment nommé intendant d’Auch, chargea ses subdélégués de lister les forces corvéables de la généralité99 ; à cause de l’inertie des consuls et des jurats, il ne disposait huit mois plus tard, que d’un faible nombre d’états. Dans certaines circonscriptions ce recensement aboutit à la réalisation dans la seconde moitié du XVIIIe siècle d’une sorte d’annuaire alphabétique, indiquant pour chaque communauté corvéable la route sur laquelle elle est employée et le nombre d’hommes, de bêtes et de voitures réquisitionnés100.
Des hommes et des bêtes
46Dans la mesure où la corvée est généralement imposée au prorata des « forces », c’est-à-dire en fonction du nombre de contribuables dans la communauté, le rôle de corvée « doit se régler sur le nombre de personnes qui composent chaque feu101 ». Il comptabilise ainsi selon un usage rodé dans le cadre de l’administration fiscale, outre le chef de famille, le nombre d’enfants mâles âgés de plus seize ans et de domestiques. Aucun ordre alphabétique ou fiscal ne préside au recensement des corvéables. Parfois sont mentionnés leur qualité ou leur emploi courant. Certains rôles classent ainsi les corvéables en rubriques socio-professionnelles102 – laboureurs, métayers, voituriers, barottiers (petits marchands blattiers avec charrette) et journaliers – qui préfigurent une division sociale du travail sur le chantier entre les corvéables de harnais et ceux de bras. Dans la généralité de Riom qui est une terre d’importantes migrations de travail, c’est le critère de la résidence qui est retenu : pour un même feu sont comptabilisés les « hommes ou garçons » qui habitent sur place et ceux qui sont hors de province103 ». Les rôles de corvée de la ville de Châteauroux présentent quant à eux la particularité d’un classement géographique par paroisse et par rue ; il se double d’une appréciation sur le niveau de fortune des habitants, répartis selon les catégories socio-économiques d’« aisés », de « médiocres », de « très médiocres » et de « pauvres », susceptible de proportionner le montant du rachat des tâches104. Au service d’un même impératif qui est d’évaluer une réserve de main-d’œuvre, les dénombrements se prêtent donc à une pluralité de classements qui intègrent des critères variés.
47Parce que la corvée était une obligation personnelle déterminée par l’appartenance à une communauté située dans le périmètre de réquisition, la règle voulait qu’un individu n’y soit imposé qu’au titre du lieu de sa résidence. Qu’en était-il s’il possédait des terres dans d’autres paroisses que celle de sa domiciliation fiscale ? S.-E. Hyenne affirme que les portions assignées aux non-résidents n’étaient presque jamais exécutées en nature105. Quand un contribuable changeait de domicile, devenait-il imposable dès son installation dans la communauté ou restait-il redevable dans sa paroisse d’origine pendant une période transitoire ? En Bretagne, l’ordonnance de 1757 prévoyait le cas de figure en maintenant un délai de rigueur de quatre ans pour les fermiers en fin de bail qui quittaient la paroisse et les habitants qui migraient en ville. Le même texte envisage également le cas des tâches de corvée laissées en déshérence à la suite du décès du chef de feu. Les héritiers d’un corvéable dont la tâche était restée inachevée, devaient avant de recueillir la succession, remplir les obligations du défunt. S’ils renonçaient à l’héritage, ou si le mort ne laissait aucun bien, sa tâche était supportée collectivement par les autres membres de la communauté106.
48La corvée impliquait la réquisition de forces de travail, à savoir des travailleurs mais aussi de moyens de transport avec leur attelage. Seules les bêtes de somme et de trait pouvaient être réquisitionnées, sans considération toutefois de leurs caractéristiques physiques. De même que les étalons, les juments saillies étaient exemptées107. Les chevaux de selle, ceux attelés aux voitures de poste ou aux calèches, et ceux qui dépendaient de l’administration des haras royaux échappaient à la corvée. Quant aux montures des marchands, des meuniers et des fermiers des fours banaux, ils étaient requis dès lors qu’ils ne servaient pas exclusivement à voiturer les marchandises, les grains ou le bois de chauffage. En Bresse, les chevaux « nécessaires à la culture de 100 arpens de terre, c’est-à-dire de la valeur de deux charrues » étaient exemptés108. De façon générale, l’administration veillait à ne pas démunir les communautés des chevaux indispensables au travail productif :
« On pourroit commander une douzaine de paroisses pour faire par corvées le transport des matériaux mais elles sont toutes très foibles et très pauvres. La plus grande partie des chevaux qui s’y trouvent sont de somme et appartiennent à des charbonniers qui ne manqueroient pas de quitter le pays dès qu’ils seroient commandés et qui iroient s’établir dans la forêt109. »
49Quant aux bovins, seules les bêtes de bât et de labour étaient assujetties à la corvée110. Y échappaient les vaches laitières et les spécimens à engraisser âgés de moins de trois ans111. De tels régimes dérogatoires offrent inévitablement de nombreuses opportunités de fraudes.
50Si le décompte du nombre de bêtes ne pose pas fondamentalement de problème, la catégorie administrative de « harnais » se révèle plus délicate d’interprétation. La corvée de harnais désigne d’abord une réquisition portant sur des bêtes ou des charrettes. Dans les rôles de corvée qui en général ne détaillent que le nombre d’hommes et de bêtes, les charrettes apparaissent rarement mentionnées. Assez curieusement, dans les états de travaux conservés pour la généralité de Riom (1769-1773) ne sont comptabilisés que des manœuvres et des voitures sans mention des bêtes112, celles-ci étant sans doute incluses forfaitairement dans l’attelage. La corvée de harnais consistait non seulement dans la réquisition de bêtes mais aussi d’hommes pour les conduire. Ainsi dans la généralité de Riom, il fallait prévoir un homme de corvée par paire de bêtes commandées. En Normandie, un barème indiquait le nombre de valets à prévoir pour conduire les chevaux à la corvée :
« Pour 2, 3 et 4 chevaux un homme
Pour 5, 6 et 7 idem 2 hommes
Pour 8, 9 et 10 idem 3 hommes
Pour 11 et 12 idem 4 hommes113. »
51De la même façon la législation encadrant le statute duty en Angleterre prévoit, selon la fortune des contribuables, la réquisition d’une ou de plusieurs team(s) c’est-à-dire d’une voiture avec son attelage « and all other necessaries meet to carry things convenient for that purpose, and also two able men with the frame114 ». Sont par ailleurs explicitées les équivalences de forces selon les types de bêtes (chevaux/bœufs/vaches/ânes) composant le « harnais ». Dans l’enquête réalisée en 1735-1736 dans la généralité d’Alençon, l’unité comptable de « harnais » équivaut ainsi à quatre chevaux ou « à deux bœufs, et deux chevaux dans celles où l’on se sert d’un plus grand nombre de bœufs que de chevaux115 ». Sur cette base, les recensements entrent dans des subdivisions qui vont jusqu’au demi voire au quart de harnais. La législation régissant le statute duty en Angleterre précise de la même façon la parité entre 3 chevaux et 4 bœufs ou 1 cheval et 2 bœufs ; et si les travaux ne requéraient pas de voitures, un harnais équivalait à deux manouvriers116.
52L’institutionnalisation de la corvée oblige les autorités à réunir toute une série d’informations chiffrées sur le nombre des communautés mobilisables et des forces disponibles, dont l’agrégation et l’actualisation imposent un perfectionnement progressif des outils administratifs. Ces recensements qui rendent compte de la commensurabilité de la corvée, interroge la naturalité de catégories qui juxtaposent des hommes, des bêtes et plus rarement des voitures. À travers l’inventaire des forces, l’administration recense des unités de travail en même temps qu’elle définit ceux qui échappent à la réquisition.
Le poids des exemptions
53Ces franchises confortent l’inscription de la corvée à l’intersection de la fiscalité et du travail, en articulant à la fois des logiques de privilège et des dispenses liées à des impossibilités physiques. Les règles dérogatoires, si elles ajoutent à la complexité des procédures de réquisition, permettent en introduisant des régimes différenciés, de préciser les contours sociaux des catégories de corvéables.
54Les archives fourmillent de demandes émanant de particuliers sollicitant à des titres divers l’obtention ou la reconnaissance d’exemptions de corvée. Ces requêtes, en éclairant la perception de la catégorie administrative de « corvéable » du point de vue de ceux qui cherchent à échapper au travail obligatoire, rendent compte des représentations sociales qui y étaient attachées : « Tout taillable est sujet aux corvées avec cette différence que les av[oca]ts ou autres personnes d’un état honnete pouvoient se faire remplacer par des manouvriers à leurs frais117. » L’invocation et la défense du privilège, qui engage le crédit de son détenteur dans la société hiérarchique d’Ancien Régime, sont aussi l’occasion de citer ou de produire les textes justificatifs. Les exemptions révèlent un fort enjeu identitaire dans l’ensemble des valeurs et des représentations véhiculées par la société hiérarchique d’Ancien Régime, en même temps qu’elles contribuent à produire une connotation potentiellement péjorative du statut de corvéable.
55Alors que les instructions se hasardent parfois à énumérer les cas ouvrant droit à une exemption, la correspondance administrative rend compte de la perplexité des autorités locales à trancher tel ou tel cas118. Des listes alphabétiques mêlant les professions des hommes et la fonction des bêtes sont censées aider les subdélégués à clarifier des situations souvent confuses au regard de la corvée119. Aux rôles des corvéables est parfois adjointe une liste distincte des habitants dispensés du travail obligatoire sur les routes120. Embrasser cet ensemble complexe de régimes dérogatoires imposait parfois, comme dans la généralité de Tours, d’opérer des regroupements par classes en fonction de l’étendue de l’exemption consentie à titre personnel à un corvéable et des modulations possibles concernant ses enfants, ses domestiques ou le nombre de ses bêtes réquisitionnées121.
56La commutation de la corvée engagée dans le dernier tiers du XVIIIe siècle obligea par ailleurs l’administration à expliciter les régimes d’exemption particulièrement complexes, de façon à les transposer ou à les adapter à la nouvelle logique fiscale.
57La corvée reproduit assez normalement le clivage entre roturiers et privilégiés qui structure les rapports fiscaux inhérents à la société d’Ancien Régime. C’est ainsi que le clergé et la noblesse étaient de facto dispensés de corvée122. Cette exemption personnelle s’étendait à leurs domestiques (y compris les gardes-chasse) ainsi qu’à la main-d’œuvre et au bétail servant à l’exploitation directe de leurs domaines. En Lyonnais cette dispense était toutefois limitée en termes de superficie : elle ne valait que jusqu’à concurrence du nombre de bêtes nécessaires pour faire valoir trois charrues, soit l’équivalent d’un domaine de quelque 25 ha123. Le clergé séculier et régulier, ainsi que l’ordre de Malte pouvaient se prévaloir d’une exemption complète124. Des roturiers éligibles à la corvée pouvaient aussi prétendre à une exemption personnelle, c’est-à-dire accordée à titre individuel, sans qu’elle puisse s’étendre à leurs enfants, leurs domestiques et leurs bêtes. Une dispense de bras ne signifiait toutefois pas nécessairement une franchise complète ou partielle de corvée de harnais125. Devant la complexité et la diversité des dérogations réclamées ou reconnues, il apparaît à la fois illusoire et vain de prétendre lister la totalité des exemptions de corvée. Certaines logiques se dégagent toutefois.
Tableau 3. – Régimes d’exemption dans la généralité de Tours.
Exemption totale | Exemption des trois-quarts | Exemption de moitié | exemption d’un quart |
– Voyers | – Maîtres de forge et leurs principaux ouvriers | – Collecteurs du vingtième et leurs préposés | – Septuagénaires |
58Le service de la corvée ouvrait lui-même droit à un certain nombre d’exemptions. Pour les dédommager du temps qu’ils consacraient à l’administration de la corvée, les syndics étaient le temps de leur mandat, comme on l’a vu, généralement exempts de travail pour eux-mêmes et pour les bêtes, comme ils l’étaient du transport des bagages des troupes et du logement des gens de guerre. Un tel privilège, qui pouvait aiguiser la convoitise de quelques coqs de village désireux d’économiser leurs bêtes, n’existait pas dans la généralité de Paris, où les syndics des paroisses étaient redevables pour leurs chevaux126. Des remises de corvée étaient également prévues pour les habitants qui accueillaient les corvéables trop éloignés de leur domicile pour rentrer chez eux à l’issue de leur journée de travail. Dans la généralité de Tours, il fut également question d’étendre l’exemption de corvée aux conducteurs de bacs qui assuraient le passage de la main-d’œuvre127.
59Certaines exemptions s’expliquent par le souci évident de ne pas gêner le service du roi. Les gardes (de haras, des Eaux-et-Forêts128 par exemple), les employés des fermes, les receveurs et collecteurs d’impôts étaient ainsi dispensés de corvée129. C’était également le cas des maîtres de poste et de leurs postillons qui avaient un besoin impérieux de leurs montures pour exercer leur activité130. Les particuliers auxquels étaient confiés les étalons préposés à la reproduction des chevaux de cavalerie pouvaient également se prévaloir de franchises personnelles131. En Bretagne l’intendant J.-B. Pontcarré de Viarmes décida toutefois en 1751 de plafonner cette exemption : si la valeur des biens-fonds que le garde-étalon affermait dépassait 300 Lt, il était tenu de contribuer à la corvée au prorata de l’excédent. L’enjeu politique de l’approvisionnement en grains justifie également la remise d’une demi-tâche aux meuniers et blatiers dans la généralité de Tours132.
60Toute une série de dispositions dérogatoires accordées au cas par cas permettait également de ménager les activités productives. Afin de ne pas porter préjudice à l’exploitation agricole, il était d’usage de ne pas réquisitionner les fils de paysans qui avaient fait leur tâche133. Pour la même raison, les pères de miliciens étaient dispensés de corvée. L’exemption personnelle du maître de forges s’étendait aux ouvriers indispensables à la fabrication134. Dans les papeteries, à l’exception des ouvriers qualifiés, les autres travailleurs étaient assujettis à la corvée135. D’autres activités privilégiées, comme celles des salpêtriers, des verriers, ou des jardiniers des pépinières royales, bénéficiaient également d’une dispense136.
61Le jeu des exemptions venait ainsi réduire le nombre effectif de corvéables, hommes ou bêtes, au sein de la communauté. Dans une des paroisses de Châteauroux 66 habitants pouvaient se prévaloir d’une exemption, tandis que 355 devaient la corvée137. Ce rapport confirme la proportion avancée par l’ingénieur de la province de Bresse : « Il est constant qu’il n’y a pas le quart des journaliers et voitures qui travaillent dans chaque communauté par le grand nombre de ceux qui se disent exemps138. » Des indices encore plus précis permettent d’établir localement le rapport entre le nombre de bêtes corvéables et celui des animaux qui échappaient à la réquisition : ce sont ainsi la moitié des bœufs qui étaient employés à la corvée à Saint-Médard-d’Eyrans et à Beautiran139.
62L’administration doit donc composer avec un système complexe d’exemptions dont elle s’efforce de déjouer les prétentions abusives, de façon à mobiliser le plus de forces de travail sur le périmètre restreint de réquisition. Aux franchises fiscales usuelles venait s’ajouter toute une série de dispenses concédées pour des activités difficilement conciliables avec la réquisition d’ouvriers qualifiés et de bêtes indispensables à d’autres usages. Ces exemptions de travail vont toutefois faite l’objet de recompositions avec la fiscalisation de la corvée.
Répartir le travail
63Une fois établi le nombre de communautés et de forces corvéables à réquisitionner, il restait à décider de l’affectation de la main-d’œuvre sur la route, de la répartition des ateliers et de la proportion de la tâche à imposer collectivement à telle ou telle communauté. Cette allocation spatiale du travail était bridée par la contrainte supplémentaire du calendrier de la corvée et du nombre de jours exigibles. À cet égard, les outils administratifs de répartition, qui vont se systématiser et se perfectionner au fur et à mesure de l’institutionnalisation de la corvée, rendent compte à la fois des logiques de la réquisition et des contraintes qui pèsent sur elle.
L’allocation de la main-d’œuvre
64Le mémoire de 1737 recommandait aux ingénieurs des Ponts et Chaussées de confectionner des plans de répartition figurant la distribution des tâches aux différentes paroisses :
« L’ingénieur ayant tiré de son plan général, et porté sur un plan particulier, l’estenduë de chemin qui peut estre entreprise en une campagne [de corvée], il y fera des divisions correspondantes, tant à la position des paroisses et au nombre de leurs habitants, qu’à l’objet du travail dont elles doivent estre chargées ; en sorte que les divisions ayent plus ou moins d’estenduë, à proportion des hommes et des voitures qu’on y devra et pourra destiner140. »
65Cette façon de procéder ne semble pas avoir été systématiquement suivie par les ingénieurs, et quand elle le fut, elle prit des formes diverses. Sur le plan de la route de Meaux à La Ferté-Milon confectionné par l’ingénieur Advinez, la longueur des ateliers est proportionnelle au nombre de corvéables fourni par chaque paroisse identifiée par un numéro distinct.
66Sur le plan de la Route de Tours en Normandie, sont indiquées par des traits perpendiculaires à la route les portions de la chaussée sur lesquelles les corvéables doivent travailler. Le nom de la paroisse figure dans la partie supérieure, et la partie inférieure contient la largeur du segment de route.
67Par son pouvoir de figuration, le plan, en reportant le long du tracé de la route la dimension de la tâche assignée à chaque communauté corvéable, offre une représentation immédiatement compréhensible du périmètre de réquisition. Les communautés corvéables sont placées par ordre suivant leur position sur le tracé de la route de façon à minimiser les déplacements de la main-d’œuvre et des charrettes. Le plan permet aussi de s’assurer que les paroisses affectées à une infrastructure n’étaient pas programmées sur un autre axe141.
68Les cartes et les plans ne constituent pas pour autant les outils ordinaires pour procéder à la répartition du travail des corvées. La correspondance administrative rend compte de la méticulosité des procédures d’arbitrage dans l’allocation du travail. Ce sont principalement les états de répartition ou les états de distribution qui déterminent pour chacune d’elles la quantité de travail à fournir sur une route donnée. Le mémoire de 1737 ne fournit que des prescriptions générales sur la composition de ces outils administratifs :
« [L’ingénieur] fera ses estats de répartition du travail, sur les principes les plus équitables, en commençant par la foüille des materiaux, qui doit, comme leur transport à pied d’œuvre, et tous les autres travaux, estre repartie à la tâche : ainsi l’ingénieur connoissant le nombre de toises cubes de caillou et de sable à tirer, doit en donner à chaque paroisse ce qui leur convient, eu égard aux hommes qu’elles fournissent, et de mesme à transporter proportionnement au nombre de voitures, et à la force des animaux dont elles sont attelées142. »
69La quantité de travail à fournir est donc répartie en proportion du contingent de manœuvres et de harnais mobilisables dans les communautés limitrophes. Avec des nuances locales et suivant un degré de précision variable (le nom des syndics n’est ainsi pas toujours indiqué), c’est globalement la même matrice qui structure les états de distribution de la corvée, avec l’indication de la distance entre la communauté et l’atelier, du nombre de travailleurs, de la quantité de voitures et de la longueur de la tâche. La mise en œuvre de la corvée a donc conduit dans les pays d’élection tout au moins, à une relative normalisation administrative des informations collectées.
70En ce qui concerne l’allocation de la main-d’œuvre, le mémoire de 1737 envisageait deux manières de procéder :
« On peut en projeter la construction de plusieurs manières, soit par portions réglées sur le nombre de travailleurs et de voitures, pour rendre ces mêmes portions faites et parfaites dans le cours d’une année ; soit par divisions qui embrassent toute la route, et sur lesquelles on travaille tout à la fois143. »
71La première option qui consiste à entreprendre des tronçons distincts présentait l’avantage de ménager relativement les communautés tout en garantissant une exécution rapide des travaux, grâce à une surveillance plus étroite du chantier et à un meilleur contrôle de l’approvisionnement en matériaux. Les états de distribution permettent de confirmer que les chantiers routiers présentent une organisation spatiale souvent discontinue, les opérations se réalisant sur des sites qui ne sont pas forcément contigus. La route s’apparente ainsi à un patchwork de parties inégalement travaillées, où une zone carrossable pouvait alterner avec des tronçons moins praticables. L’ingénieur Boulanger, dans l’article qu’il compose pour l’Encyclopédie, pointe les inconvénients d’une telle manière de procéder. Plutôt que de disperser les ateliers sur des zones localisées, il était préférable selon lui d’entreprendre la route de façon globale dans le cadre d’une gestion intégrée.
72Les logiques spatiales d’allocation diffèrent toutefois selon que les corvéables sont affectés à la construction d’une route ou à son entretien. Ces deux tâches s’inscrivent il est vrai dans des temporalités distinctes : alors que l’ouverture d’une nouvelle voie est programmée pour un nombre limité d’années, l’entretien est censé se faire régulièrement chaque année. D’emblée construction et entretien sont conçus comme des tâches articulées :
« Il serait inutile de faire des chemins neufs si on ne pourvoyait en même temps à leur entretien. Aussitôt qu’une partie de route est faite, M. l’intendant doit choisir les communautés qui sont le plus à portée, et leur en distribuer proportionnellement à peu près au nombre d’hommes et de voitures qu’elles contiennent144. »
73L’administration des Ponts et Chaussées est tout à fait consciente qu’affecter des ressources insuffisantes aux travaux d’entretien routier, c’est à moyen ou long terme courir le risque de s’exposer à des dépenses bien plus importantes. Dès qu’une route est construite ou réparée, elle est aussitôt « mise à l’entretien » de façon à remédier à la dégradation des revêtements et garantir un état satisfaisant de viabilité. Bien qu’elles soient étroitement articulées dans un processus de travail, la corvée de construction et la corvée d’entretien ne sont pas toujours bien distinctes quand le travail de ravaudage s’apparente à une remise en état de la chaussée. L’une des responsabilités principales des ingénieurs des Ponts et Chaussées consiste donc à planifier l’investissement des ressources corvéables de façon à construire de nouvelles voies et gérer conjointement les travaux d’entretien des routes ouvertes à la circulation. Alors que la « construction d’ouvrages neufs » exige l’emploi d’importants contingents de manœuvres et de voitures, l’entretien requiert un nombre beaucoup plus limité de moyens. L’économie des routes obéit ainsi à un ratio entre construction et entretien qu’explicitent certains administrateurs :
« Les ouvrages d’un chemin à faire exigent plus de journées de chaque corvéable par an que ceux à faire sur les routes distribuées à l’entretien […] les tâches qu’on assigne aux corvéables employés pour la confection sont appréciées à une journée par semaine, ce qui fait huit journées par saison, et seize journées par an pour chaque corvéable145. »
74Les deux catégories d’action ont pu également être pensées en fonction d’une division spatiale du travail : dans la généralité de Riom, Trudaine avait ainsi songé à utiliser en renfort sur les chantiers de construction les communautés les plus reculées, tandis que les plus proches seraient chargées de l’entretien périodique146.
75La corvée d’entretien va tendre à se figer sur une section de route voisine dont la longueur est proportionnelle aux forces de la communauté. C’est ainsi qu’en Auvergne pour chaque communauté l’indication du « nombre de toises de longueur qu’elles ont à entretenir » se répète de façon immuable au fil des états de distribution. Seule la troisième et dernière colonne de ces états était complétée au retour des tournées pour préciser l’état de la route et le type d’intervention qu’elle requiert147. Cette répartition qui fixe des tâches d’entretien se mit progressivement en place au cours de la première moitié du XVIIIe siècle. En 1745 l’intendant d’Alençon affecta à chaque paroisse voisine d’une route une section à entretenir148. En 1754, les routes alsaciennes furent divisées en cantons, chaque tronçon étant placé sous la responsabilité d’une communauté ; chaque année les habitants devaient y faire provisionner un quart de toise de matériaux par distance de 25 toises et parer aux dégradations au fur et à mesure qu’elles apparaissaient. De la même façon en Bresse il fut procédé en 1757 à une distribution des cantonnements pour la corvée d’entretien149.
76Sur le terrain, le tronçon de route à l’entretien était balisé par des poteaux ou des bornes en pierre (en Bretagne, en Bourgogne, en Bresse150…) dont certaines existent encore aujourd’hui. Y sont inscrits le nom de la paroisse et le nombre de toises à entretenir151. Le bornage des routes à l’entretien s’effectua progressivement. En 1744, l’intendant L.F. Lallemant de Levignen projetait la mise en place des poteaux dans la généralité d’Alençon, mais cette mesure fut reportée par Trudaine, qui faisait référence à un projet beaucoup plus vaste de repérage des routes :
« J’ai reçu la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire le 24 du mois dernier au sujet des poteaux que vous avez dessein de faire planter sur les grandes routes de vôtre généralité pour y marquer les tâches des communautés chargées de les entretenir. M. le Contrôleur général pense qu’il vaut beaucoup mieux faire ces divisions avec des bornes de la pierre la plus dure.
Il y a un projet de diviser toutes les routes du royaume par espaces de 500 toises en commençant de Paris considéré comme centre et de ne faire ces divisions entre paroisses que relativement à ces bornes de pierre, en sorte qu’en attendant l’exécution de ce projet qui doit commencer incessamment dans la généralité de Paris, on peut se contenter d’indiquer les divisions de vos routes par des simples piquets ou des bouts de fossés que l’ingénieur prendra soin de faire reconnaître aux syndics des paroisses qui auront à s’y conformer pour accomplir les tâches dont vous les aurez chargées152. »
77Ces bornes dont la confection semble être à la charge des communautés et qui vont fleurir le long des routes à partir des années 1760, répondent à des mensurations précises153. Si les bornes en pierre ont pu survivre aux outrages du temps, des signalisations plus éphémères ne sont connues qu’à travers les archives. De simples poteaux s’égrenaient ainsi le long des routes corvéables : « Chaque poteau portera à gauche l’inscription de la communauté qui le précède et à droite celle de la communauté qui le suit, à l’exception du premier et du dernier qui n’auront qu’une inscription154. » À ces poteaux étaient attachées de simples plaques de fer blanc155. Ces bornes qui matérialisent la délimitation des tâches respectives des communautés, trouvent une valeur opératoire dans les outils administratifs qui président à la répartition du travail. Dans l’« État de paroisses qui doivent travailler sur la route de Paris en Bretagne… » (1770), ces poteaux numérotés servent effectivement de repères pour marquer les tâches d’entretien : la tâche de Saint-Aubin d’Apnay est signalée « entre les poteaux 106 et 107156 ».
78L’allocation des communautés corvéables suscite donc la mise en œuvre d’outils administratifs qui avec le temps vont se perfectionner pour procéder au cantonnement des travaux d’entretien et utiliser au mieux les ressources disponibles.
Les contraintes temporelles
79Pour réquisitionner les communautés, l’administration devait composer avec une des caractéristiques fondamentales de la corvée qui est d’être un régime de travail interstitiel et intermittent, particulièrement adapté à une économie agricole où alternaient des périodes de labeur intensif et de ralentissement de l’activité. La répartition irrégulière des façons culturales au cours de l’année, à commencer par la céréaliculture qui exige beaucoup de main-d’œuvre pour les labours, les semailles et la moisson, fait qu’il existe un important capital de temps de travail inutilisé. La corvée était un moyen de l’employer utilement. C’est précisément cette disponibilité saisonnière des paysans qui justifia leur emploi sur les chantiers routiers. On estimait que les paysans étant inactifs une partie de l’année, il n’y avait aucun préjudice économique à les réquisitionner sur les routes du royaume. C’est un des arguments avancés par Orry pour justifier la généralisation de la corvée :
« Ces différentes saisons [de culture et de récolte] étant déduites de l’année, il en reste la moitié de libre ; et sur cette moitié, retranchant encore les mauvais temps, soit de trop forte gelée, soit de pluie ; et les jours de fête ; on ne peut guère compter que sur quatre mois francs de travail [en marge : ce qui fait trente journées pour chaque contribuable, à les commander par quart]157. »
80Ni les mémoires du Contrôle général de 1737-1738, ni les ordonnances des intendants, qui relayent ces directives à l’échelle des généralités, ne fixent pourtant de nombre de jours de corvée. Dans la mesure où elle dépend étroitement des exigences temporelles intrinsèques aux travaux à exécuter, la durée de la corvée se révèle assez variable jusqu’au milieu du XVIIIe siècle. Les auteurs qui écrivirent sur le sujet préféraient d’ailleurs indiquer des ordres de grandeur. Selon Du Pont, porté, comme nous le verrons par la suite, à accabler le système de la corvée, les journées de travail « s’étendent ordinairement depuis dix jours jusqu’à vingt pour les ouvriers de main-d’œuvre158 ». Aussi diverses soient-elles, ces durées n’ont de sens que rapportées au nombre des jours disponibles, déduction faite du temps consacré au travail agricole, des fêtes chômées pour des raisons religieuses et des journées perdues à cause des intempéries. C’est la base de douze jours qui va finalement s’imposer comme la norme temporelle maximale pour le temps de la corvée.
81Le rythme de la corvée est largement calqué sur le cycle de production spécifique à la céréaliculture, où l’activité se concentre à quelques moments de l’année. Comme l’indiquait le mémoire de 1737, les corvéables ne pouvaient être réquisitionnés que « dans les seules saisons convenables », c’est-à-dire en dehors des semailles et des moissons. Dans le Bassin Parisien où seules des corvées de charrois étaient exigées, « le tems où les corvées reprennent activité, est le moment où cessent ordinairement les travaux de la campagne, c’est-à-dire vers le mois de novembre159 ». Le calendrier de la corvée était donc étroitement dépendant de celui des travaux agricoles. Cet ajustement temporel s’explique par le souci de ne pas priver les travaux agricoles de la main-d’œuvre nécessaire, et donc ne pas peser sur les salaires :
« Des travaux entrepris pendant ce temps de crise ne feraient […] autre chose que de renchérir beaucoup les ouvrages en obligeant de payer la main-d’œuvre plus cher, de les ralentir prodigieusement par le manque d’ouvriers, et en même temps de renchérir les salaires des ouvriers nécessaires pour les moissons160. »
82La répartition en deux saisons – l’une au printemps, l’autre à l’automne – semble être la norme usuellement pratiquée dans les régions céréalières. Le fait que la corvée se calque sur le calendrier des impositions, la taille et la capitation s’acquittant en deux termes, respectivement en mars et en novembre, confirme son caractère fiscal. D’autres combinaisons temporelles étaient toutefois possibles. Parce qu’elle se révèle somme toute plutôt flexible dans son organisation, la corvée pouvait intervenir à divers moments de l’année et se plier localement aux rythmes spécifiques imposés par la viticulture, ou la transhumance dans les régions montagneuses où domine l’économie pastorale161. Dans la généralité de Riom, l’intendant décida même de répartir la corvée en trois temps, en établissant « une petite campagne intermédiaire dans la saison d’été c’est-à-dire à commencer depuis la Notre-Dame d’août jusqu’au commencement d’octobre162 », pour profiter de longues journées de travail, d’un fourrage abondant et d’un temps clément. Dans la généralité de Lyon, les douze jours de corvée devaient être divisés en « quatre commandements, dont trois entre le mois de janvier, et la levée des blés, et la quatrième entre la battue desdits blés et les semailles ou vendanges163 ». De même sur les routes du Jura, le calendrier des corvées prévoyait quatre périodes de travail, entre le 20 avril et le 24 juin, le 8 et le 20 juillet, le 20 août et le 20 septembre, et le 10 et le 30 novembre164. La souplesse de gestion du temps qu’autorise la corvée permet donc de l’adapter à des contextes productifs différents.
83Si ce calendrier obéit à une certaine rationalité en termes de disponibilité de la main-d’œuvre, il se prête également aux conditions de travail sur les chantiers routiers. Comme l’indique Dupré de Saint-Maur : « Le mois de septembre est, sans contredit, celui de l’année qui convient le mieux aux travaux des corvées, parce qu’ils exigent un temps sec […] ; d’ailleurs c’est le moment où les gens de la campagne sont le moins occupés165. » Pendant près de quatre à cinq mois, les rigueurs de l’hiver et les précipitations obligeaient à suspendre les chantiers routiers. En Bresse, les ateliers devait s’interrompre, « les communautés de la province ne pouvant pas communiquer avec la grande route, par le mauvais état des chemins de traverse, qui sont pour l’ordinaire impraticables neuf mois de l’année166 ». Dans certaines régions semi-montagneuses, il fallait composer avec la neige qui gênait l’acheminement de la main-d’œuvre et rendait impossible le travail sur les routes. Indépendamment des aléas météorologiques, le raccourcissement des journées de travail en hiver ne permettait pas d’utiliser pleinement les ressources de la corvée. Symétriquement au printemps, les corvéables ne pouvaient pas fouiller les terres adjacentes à la recherche de matériaux au risque de compromettre les moissons prochaines. C’est la raison pour laquelle l’administration prenait soin de prévenir les propriétaires des terrains concernés par l’alignement d’un nouveau tracé, pour ne faire aucun ensemencement.
84La répartition de la corvée en deux saisons s’inscrit dans une division propre au travail routier. Dans le Lyonnais par exemple, les travaux exécutés pendant la première saison (entre le 15 février et la récolte des foins) portaient prioritairement sur la construction des nouvelles routes, tandis que la seconde période (entre le 1er novembre et le 15 décembre) était plutôt réservée à l’entretien167. Des impératifs techniques pouvaient aussi commander que le travail soit effectué en deux temps. Les travaux de l’automne étaient plutôt affectés au tirage et au transport de la pierre, tandis que la belle saison était employée à la réparation des chemins, au rechargement des accotements et à l’engravement des chaussées : « Cette opération n’est jamais bien faite que dans cette saison parce qu’alors les voitures affermissent les chaussées pendant la belle saison par leur impulsion réitérée, en sorte que le gravier et cailloutis de la chaussée ne forment plus qu’un seul et même corps168. » Les deux saisons de corvée se trouvaient dès lors fortement articulées l’une à l’autre, les travaux routiers étant conditionnés par l’approvisionnement des ateliers en matériaux.
85L’amplitude des deux saisons au cours desquelles devaient intervenir les travaux de corvée était fixée par ordonnance de l’intendant. Dans le Poitou, la corvée de printemps devait commencer entre le 1er et le 15 avril et finir dans la première quinzaine du mois de juin ; la corvée d’automne débutait vers la fin août et devait être achevée dans les derniers jours d’octobre. Dans la généralité de Bordeaux, la première saison fluctuait entre avril et juin, tandis que la seconde saison des travaux courait entre mi-août et octobre169. En Auvergne, le travail des corvées était exigible au printemps depuis la fin d’avril jusqu’à la fin de juin, et en automne, depuis environ la mi-octobre jusqu’à la mi-décembre.
Variations temporelles du calendrier des corvées dans la généralité de Riom170
« 1re campagne. Les travaux commence [nt] ordinairement après que l’on a semé les bleds de mars, et finissent lorsque l’on [a] coupé les foins.
Dans la Limagne on commence la campagne peu après la Quasimodo, et fini quelques jours avant la St Jean.
Dans la montagne elle commence un peu plus tard et fini aussy lorsque l’on coupe les foin[s]
2e campagne. Dans la Limagne on fait encore travailler après les moissons jusqu’ aux vendanges
3e. Et la dernière campagne commencée dans la Limagne après la St-Martin et finy vers la St-Thomas
Dans les montagnes elle commence un peu plus tôt et finy de meme. »
86Les calendriers de travail, qui pouvaient faire l’objet de révisions ponctuelles, fixaient un cadre temporel suffisamment ample pour chacune des deux saisons, afin de permettre une certaine latitude dans l’aménagement des travaux respectifs de la terre et des routes. Les communautés requises étaient libres de s’organiser comme elles l’entendaient pourvu que la tâche dont elles étaient redevables soit réalisée au cours de la saison. En Bourgogne, les corvéables disposaient ainsi de six semaines pour s’acquitter de leurs obligations171. Grâce à ces plages saisonnières, il était possible de s’ajuster aux usages agricoles locaux, en faisant débuter la campagne d’automne après les moissons dans les régions céréalières et après les vendanges dans les pays viticoles. L’amplitude temporelle des saisons corvéables permettait en outre de composer avec des aléas climatiques, soit qu’ils aient interdit de travailler sur les routes plusieurs jours d’affilée, soit qu’ils aient donné la priorité aux récoltes. S’il était possible d’effectuer les deux corvées de l’année en une fois au printemps, il était défendu de remettre à la corvée d’automne la réalisation de la totalité de la tâche, en raison du risque qu’elle ne soit finalement pas exécutée ou achevée172. La corvée de voitures pouvait quant à elle être effectuée en dehors de saisons formellement assignées. Dans la généralité de Paris par exemple, les corvéables bénéficiaient de huit mois de délai pour s’acquitter de leurs tâches173.
87Le nombre de jours exigibles n’était pas forcément réparti de façon égale entre les saisons, la corvée de printemps étant généralement plus importante que celle d’automne. Cette dissymétrie tient en partie à des conditions climatiques généralement plus clémentes, à la longueur des journées et au déroulement temporel même du chantier routier, la corvée d’automne servant prioritairement à mettre les routes en bon état avant l’hiver. L’inégale répartition des jours de corvée au cours des deux saisons peut également s’expliquer par les contraintes propres au calendrier des migrations de travail : dans la subdélégation de Saint-Flour, les corvéables effectuaient ainsi cinq jours au printemps et un seul en automne « soit à cause de l’émigration de ce pays qui s’opère à la fin de septembre ou dans le courant d’octobre et qui laisse les campagnes sans bras, soit à cause du mauvais temps que nous éprouvons pendant l’automne, ce qui fait que nous n’avons icy pour faire du bon travail que les mois d’avril ou de juin174 ».
88La réquisition de la main-d’œuvre corvéable est ainsi une opération administrative encadrée par des règles strictes, qui mobilise selon des séquences différenciées mais dans une étroite coordination, les expertises techniques des ingénieurs et les compétences des administrateurs locaux. Depuis le stade des études préliminaires qui vont déterminer le choix du tracé jusqu’à la répartition de la main-d’œuvre pour son entretien, la route fait l’objet d’un processus décisionnel complexe qui s’appuie sur un faisceau de mesures et d’évaluations, et qui va se perfectionner au fur et à mesure de l’apprentissage cognitif des administrations concernées. Le travail bureaucratique que requièrent la prescription et la mobilisation de la corvée, s’il repose sur des outils divers (calculs, listes et cartes), engage aussi la formation et la maîtrise d’un savoir et d’un langage communs entre les différentes parties prenantes, qui se construisent entre les directives générales et l’expérience de terrain. Cette « instrumentalisation » qui sous-tend les décisions d’allocation de la main-d’œuvre et l’emploi de la corvée met en jeu la qualification administrative de « corvéable », déterminée à la fois par le gradient de la distance, des critères fiscaux et une périodicité circonscrite dans le temps. La corvée apparaît bridée par deux contraintes majeures qui conditionnent sa mise en œuvre, à savoir l’intermittence des saisons dans une économie majoritairement agricole, et le périmètre de réquisition dicté par des considérations pratiques d’acheminement de la main-d’œuvre. La proximité des corvéables autorise leur réquisition à deux moments de l’année ; symétriquement le temps de déplacement de la main-d’œuvre constitue un élément essentiel de la construction du territoire de mobilisation. Ces logiques à la fois territoriales et temporelles de la mobilisation vont conditionner à leur tour l’organisation et la gestion de la force de travail, qui ne saurait toutefois être la stricte exécution de ces consignes et de ces procédures.
Notes de bas de page
1 Bibl. ENPC ms 1835. Observations sur un projet d’édit soumis à P. Trudaine de Montigny en janvier 1771 par l’abbé Terray contrôleur général des finances.
2 A.D. Haute-Vienne C 299. Lettre de Turgot à L’Averdy (30 juillet 1765). Elle reprend mot pour mot la lettre que Turgot avait adressée à D.-C. Trudaine le 10 juillet 1762 (Œuvres de Turgot, op. cit., p. 213).
3 Cf. Norman D., « Les artefacts cognitifs », B. Conein, N. Dodier et L. Thévenot (éd.), Raisons pratiques no 4 : Les objets dans l’action, Paris, éd. EHESS, 1993, p. 15-34. Ihl O. et Kaluszynski M., « Pour une sociologie historique des sciences de gouvernement », Revue française d’administration publique, 102, 2002, p. 229-243. Ihl O., Kaluszynski M. et Pollet G., Les Sciences de gouvernement, Paris, Economica, 2002.
4 Cf. « L’observatoire historique du travail administratif », Genèses, 2008 (72).
5 Picon A., L’Invention de l’ingénieur moderne : l’École des Ponts et Chaussées, 1747-1851, Paris, Presses de l’ENPC, 1992.
6 A.N. F14 174A-B. Mémoire sur le projet de la partie de la route de La Rochelle à Nantes à déterminer depuis La Rochelle par Marans ou par le Bréau et de là à Moureille (de Hue 21 juillet 1755).
7 A.N. F14 177A. Rapport du Sr Legendre au sujet d’une lettre qui a été écrite à Monsieur par le Sr Duprel notaire à Noyon au sujet du chemin de Noyon à Soissons communication très nécessaire pour le commerce de la Champagne avec la Picardie (17 juin 1764).
8 A.N. F14 179A. Observations [de Valframbert] sur les mémoires présentés aux noms des habitants de plusieurs paroisses du Bas-Maine sur la direction à donner à la route qui doit s’ouvrir de Mayenne à Ernée et Fougères.
9 A.N. F14 170. Lettre de Turgot à D.-C. Trudaine (23 septembre 1763).
10 A.N. F14 179A. Rapport (26 janvier 1769).
11 A.N. F14 166B. Mémoire (mars 1762).
12 A.N. F14 179A. Mémoire sur la route projetée du Mans à Alençon (de Voglie) 1753.
13 A.D. Côte d’Or C 3860. Une autre machine à casser les pierres fut fabriquée par M. Meignié, serrurier à Dijon, en 1773.
14 A.D. Côte d’Or C 3860. Mémoire présenté à Nosseigneurs les Élus généraux des États du duché de Bourgogne, concernant les avantages intéressans que peut procurer à l’entretien des grandes routes, chemins de traverse et autres, une charrue de nouvelle construction.
15 Remarques de l’ingénieur d’Alençon par supplément au mémoire proposé en forme d’instruction concernant les travaux à corvée pour la construction des grands chemins (1746), Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 3, P.J. 33, p. 22.
16 Mémoire sur la conduite du travail par corvées (1737), p. 3.
17 A.N. F14 127B. Mémoire à M. de Blair de Boisemont intendant de la province du Haynaut concernant le choix du chemin à faire pour communiquer de la ville de Catteau en Cambresis avec celle de Landrecy de l’ancien Haynaut en deux projets différens (1756).
18 A.N. F14 181B. Devis et détails estimatifs (1755).
19 A.D. Calvados C 3372. Mémoire concernant la manutention des corvées dans la généralité de Caen (1762 ?) art. 4.
20 Ibid.
21 Afin de proposer un nouveau mode de calcul de rétribution des soldats, Vauban s’était ainsi efforcé, à partir de ses propres observations ou à travers les expériences qu’il avait commanditées (notamment à l’ingénieur Richerand à Sarrelouis) de mesurer le travail de terrassement en calculant la quantité de terre piochée et transportée dans une brouette, et en déterminant les distances parcourue en une journée. Attentif à la nature des sols et à la configuration du relief, qui a une incidence sur les conditions réelles de travail, il en conclut qu’un homme peut en moyenne excaver et charger deux toises cubes de terre meuble par journée de travail de onze heures (soit l’équivalent de 500 brouettes). Cf. Virol M., Vauban. De la gloire du roi au service de l’État, Paris, Champ-Vallon, 2003 (chap. 7). Id. « Réglementer le travail des soldats-ouvriers, un projet de Vauban », Le Travail avant la révolution industrielle, 127e congrès national des sociétés historiques et scientifiques, Nancy, 2002, Paris, éd. CTHS, 2006, p. 35-48.
22 A.D. Indre-et-Loire C 164. Instruction pour les conducteurs des ouvrages de corvée (s. d.) art. 13.
23 Mémoire sur la conduite du travail par corvées (1737), p. 4.
24 A.N. F14 149. Mémoire instructif pour les Directeurs des chemins, 1761.
25 A.D. Indre-et-Loire C 164. Instruction pour les conducteurs des ouvrages de corvée (s. d.) : « On donnera aux voituriers un nombre de journaliers proportionnés à la quantité de leurs bestiaux pour les aider à charger et entoiser leurs pierres. »
26 A.D. Ille-et-Vilaine C 2264. Mémoire sur les grands chemins de Bretagne (juillet 1737).
27 A.N. H1 1657.
28 A.D. Indre-et-Loire C 164. Subdélégation de Craon. Mémoire à Monsieur l’intendant sur les différents genres d’abus commis tant par le sous-ingénieur, que par ses conducteurs ou piqueurs sur les atteliers (s. d.).
29 A.D. Puy-de-Dôme 1 C 6526. Requête des habitants de la paroisse de Servant (1782).
30 A.D. Rhône 1 C 143. A.D. Indre-et-Loire C 167. Mandement concernant le service des corvées dans la généralité d’Orléans (1777), art. 18 : « Pourront au surplus les voituriers ou laboureurs, s’ils le jugent à propos, convertir en journées de main-d’œuvre les journées de voitures qu’ils devront, à raison de la quantité de chevaux qu’ils occupent, et acquitter une tâche de cheval, pour deux journées de main-d’œuvre, lorsque la nature du travail le permettra, et que les ingénieurs en donneront le choix. »
31 A.N. F14 149. Mémoire instructif pour les Directeurs des chemins, 1761, art. XV-XXIV.
32 A.N. F14 179A. Mémoire sur la route projetée du Mans à Alençon (de Voglie) 1753.
33 A.N. F14 137B. Inventaire ou devis et détail d’une branche de chemin à faire depuis le faubourg du pont de Saint-Flour jusqu’au ruisseau de Récole au-dessous du village de Lacamp, limitrophe des généralités de Riom et Montauban, ledit chemin faisant partie de la grande route de communication d’Auvergne au Haut-Languedoc (15 mai 1755).
34 A.D. Nord C 9013. Mémoire sur la conduite du travail par corvées, 1737, p. 3 : « de sorte que par supputation, on est à peu près en état de savoir en combien de mois, ou en combien d’années, une route sera faite et parfaite ».
35 A.N. H2 2116. Observations préliminaires sur lesquelles M. l’intendant est prié de donner ses décisions, afin que l’on puisse travailler à la répartition des corvées pour 1761. Lettre circulaire (27 juin 1761) dans laquelle D.-C. Trudaine recommandait de convoquer un nombre suffisant de paroisses de façon à ce que la corvée porte sur « six, sept ou tout au plus huit jours ».
36 Le terme est employé dans le mémoire de 1737. Bibl. ENPC Ms 1922. Ordonnance pour diminuer la charge des corvées, tant pour la construction, que pour l’entretien des grands chemins, sans retarder leur avancement.
37 Mémoire sur la conduite du travail par corvées (1737), p. 3. A.N. H2 2116. Lettre circulaire (27 juin 1761). Observations préliminaires sur lesquelles M. l’intendant est prié de donner ses décisions, afin que l’on puisse travailler à la répartition des corvées pour 1761 : « Pour obvier aux inconvénients qui pourraient résulter de ce défaut de connaissance, on se propose de prendre sur la carte les paroisses les plus voisines du chemin demandé. »
38 « La carte de Cassini […] est juste quant à la position des clochers » (A.D. Calvados C 3377. Lettre de M. Crepel au comte de Broglie, 1769).
39 A.D. Ille-et-Vilaine C 4883. Département de Rennes. Le Sieur Frignet de Montaut ingénieur. État de situation au 31 décembre 1787 des travaux de corvée exécutés dans les deux campagnes de cette année. Voir illustration 1, p. 67.
40 « La distance de quatre lieues, proposée par le mémoire imprimé envoyé au mois de may 1737, ayant été trouvée trop pénible pour les peuples, il ne sera plus permis de porter si loin l’arrondissement des corvées ; et l’on ne pourra faire venir les courvoyeurs à bras, que de trois lieues communes de deux mille quatre cens toises chacune. À l’égard des voitures, elles pourront être commandées jusqu’à quatre lieues de distance », Mémoire instructif sur la réparation des chemins, 1738 (art. 3).
41 Clicquot de Blervache S., Mémoire sur les moyens d’améliorer en France la condition des laboureurs, des journaliers, des hommes de peine vivans dans les campagnes, et celle de leurs femmes et de leurs enfants, Paris, Chez Delalain, 1789, p. 193.
42 Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 3, P. J. 20, p. 12.
43 A.D. Calvados C 3373. Ordonnance de Fontette (30 janvier 1755), art. 9.
44 A.D. Côte d’Or C 3859. Délibération concernant le travail des chemins par les corvéables (15 janvier 1759) art. 3.
45 A.D. Ille-et-Vilaine C 4738. États de situation des routes dans les deux départements de Rennes (1765-1780). La distance entre le centre de la paroisse et l’atelier est exprimée en lieue de poste et en grande lieue. C 4891. État général des travaux de corvée, faits dans la province de Bretagne… (1778-1780).
46 A.D. Côte d’Or C 3859. Délibération concernant le travail des chemins par les corvéables (15 janvier 1759) art. 3.
47 A.D. Ain C 1066. Copie de la lettre de M. Joly de Fleury intendant de Bourgogne au Contrôleur général (26 décembre 1758).
48 A.D. Meurthe-et-Moselle C 107. Lettre de Chaumont de la Millière à J.-B.-F. Moulins de La Porte de Meslay, intendant de Lorraine (16 juin 1785).
49 A.D. Ille-et-Vilaine C 2261. Ordonnances des 8 et 20 avril 1731.
50 Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 3, P.J. 20, p. 12.
51 A.D. Indre-et-Loire C 164. Réponses aux objections exposées dans le mémoire ci-joint concernant la corvée de la paroisse de Saint-Morlin-le-Bras (1784).
52 A.N. H2 2116. Lettre circulaire (27 juin 1761).
53 A.D Indre-et-Loire C 176. Observations faites à Monsieur l’intendant le 8e avril 1764 sur les travaux de corvées des routes de Paris en Bretagne et de Laval à Craon : l’état de distribution indique pour chacune de 36 paroisses l’éloignement jusqu’à la carrière et la distance depuis celle-ci jusqu’à l’attelier.
54 Bibl. ENPC Ms 182. Cormont. Mémoire pour servir à prouver l’insuffisance des forces qu’il est possible d’employer à la corvée sur les routes de l’élection de Clermont (1783).
55 A.D. Puy-de-Dôme 1 C 6585. Subdélégation de Saint-Amand-Rochesavine. État des paroisses employées à l’approvisionnement des matériaux du pont d’Ambert (1763 ?).
56 A.D. Haute-Vienne C 299. Lettre aux curés de paroisses sujettes à la corvée pour leur faire sentir les avantages d’un nouveau plan et les prier d’exhorter leurs paroissiens à délibérer pour se rédimer du fardeau de la corvée (4 octobre 1763). On retrouve la même idée dans la lettre que Turgot adressa à L’Averdy le 30 juillet 1765 pour plaider en faveur du rachat des corvées (A.D. Haute-Vienne C 299) : « On est obligé en Limousin de commander des paroisses dont le clocher est à 3 lieues de 3 000 toises chacune du grand chemin et dont, le plus souvent, une partie des hameaux en est encore plus éloignée de 12 à 1 500 toises. »
57 A.N. F14124. Lettre à l’intendant d’Auch (12 octobre 1784).
58 A.D. Ille-et-Vilaine C 2261. Ordonnance du 6 décembre 1734 (art. 6).
59 A.D. Ille-et-Vilaine C 2264. Lettre à J. Moreau de Séchelles, contrôleur général des finances (20 juillet 1755).
60 Mémoire sur la conduite du travail par corvées (1737) art. 4.
61 A.N. F14 135 Observations sur un mémoire anonyme (31 mai 1781).
62 A.D. Orne C 139. État général des paroisses commandées pour le service des corvées dans la généralité d’Alençon (1772).
63 A.N. F14 154. Lettre de M.-P.-C. Meulan d’Ablois intendant de la généralité de Limoges, à Chaumont de la Millière (17 juillet 1787).
64 A.D. Calvados C 3372. Mémoire concernant la manutention des corvées dans la généralité de Caen (1762).
65 A.D. Indre-et-Loire C 176. État des paroisses que l’on propose comme les plus à portée de travailler sur la route de Laval à Craon…(1750).
66 Dupré de Saint-Maur N., op. cit., p. 34.
67 A.D. Puy-de-Dôme 1C 6586. Élection d’Aurillac. État des bateliers qui passent la corvée sur la rivière du Cere [la Cère] pour aller travailler aux chemins royaux sur la route de Limoges et de Toulouse (nov. 1764).
68 A.D. Puy-de-Dôme 1 C 6526. Requête des habitants de la paroisse de Servant (1782). Affectés sur le grand chemin de Clermont à Montluçon, ils estimaient que le trajet jusqu’à la paroisse d’Ars excédait « la distance de trois lieues suivant les règlements ». Invoquant le mesurage auquel ils firent procéder et qui indiquait 8 000 toises, ils « se soumettoient d’obéir et faire leur corvée à la distance requise ».
69 B.N.F. Joly de Fleury 452 (fol. 134). Lettre de dix laboureurs (s. d.) qui évoquent une réquisition à plus de vingt lieues.
70 A.D. Puy-de-Dôme 1C 6523. Réponse de M. de Lamarle à la requête de la ville et foraine de Pierrefort qui m’a été remise le 1er décembre 1782.
71 A.D. Puy-de-Dôme 1 C 6523. Requête des habitans d’Auzert (s. d.).
72 Remarques de l’ingénieur d’Alençon par supplément au mémoire proposé en forme d’instruction concernant les travaux à corvée pour la construction des grands chemins (1746), Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 3, P.J. 33, p. 22.
73 Cf. Clément F.-P., op. cit., p. 79-81. De semblables ordonnances furent adoptées dans les généralités de Moulins (1746) et d’Amiens (1757).
74 Lettre de Turgot à D.-C. Trudaine (15 décembre 1761), Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 3, P. J. 71, p. 57.
75 A.D. Indre DD 7-13. A.D. Puy-de-Dôme 1 C 6598. État des corvéables de la ville de Riom (s. d.).
76 A.D. Ain C 1064. Lettre de M. de Saint-André (30 août 1749).
77 A.D. Ain C 1064. Généralité de Dijon. Ville de Bourg. Corvées. Observations sur le dénombrement des habitants de la ville de Bourg envoyé par M. Perret à Monsieur l’intendant le 31 octobre 1751. Observations sur les plaintes portées par les différents corps des artisans de la ville de Bourg au sujet de la tâche assignée aux corvéables de cette ville sur la nouvelle route de Chatillon (s. d./1753 ?).
78 A.D. Ain C 1064. Requête (s. d.) des syndics des notaires, procureurs, marchands, bourgeois, chirurgiens, apothicaires, orfèvres, perruquiers, chapeliers, tailleurs, menuisiers, tanneurs et pelletiers, selliers, traiteurs, cabaretiers et boulangers, cordonniers, serruriers, maçons, charpentiers, tissiers, bouchers. Requête des corps de métiers à l’intendant (s. d./1753 ?) : « Les corvéables sont pour la plupart des artisans chargés de famille qui vivent à peine du jour à la journée du travail de leurs mains. Ils ne sont point comme les habitants de la campagne à qui la variété des saisons amène des jours de repos, et qui trouvent ensuite dans une récolte de quoi fournir à leur subsistance pour tous les jours de l’année. Un artisan qui manque plusieurs jours à son travail tombe avec sa famille dans la misère et n’a guère de ressource pour s’en retirer. Il est d’ailleurs peu propre aux travaux des corvées. »
79 A.D. Gironde C 1992. Lettre de Jean-Joseph Sabouroux, subdélégué d’Agen, à C. Vimart ingénieur en chef de la généralité de Bordeaux (23 août 1739) et Lettre de Vimart (s. d.).
80 Lecreulx, F.-M., Mémoire sur la construction des chemins publics et les moyens de les exécuter, 1782, p. 112.
81 Lettre de J. Moreau des Séchelles, Contrôleur général, à M. Méliand, intendant de la généralité de Soissons (20 août 1755), Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 3, P.J. 35, p. 23 : « Toutes les villes taillables doivent être assujetties, ainsi que la campagne, et dans ces villes tous ceux qui sont taillables, sauf à se faire suppléer par un journalier qu’ils payent, lorsque leur état, leur profession et leurs facultés le leur permettent. »
82 Ligou D., « Notes sur les Ponts et Chaussées en Bourgogne au XVIIIe siècle », Transports et voies de communication, Actes du colloque tenu à Dijon par l’Association interuniversitaire de l’Est (1975), Paris, les Belles lettres, 1977, p. 101.
83 Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 3, P.J. 46, p. 34.
84 « Lorsque l’ouvrage en durera plusieurs [années], il sera fourni auxdits préposés, par lesdits sieurs subdélégués, au premier janvier, de nouvelles copies des mêmes dénombrements, recollées sur les anciennes minutes, et rectifiées selon les événements de morts, mariages et autres, qui pourront être arrivés dans lesdites communautés pendant l’année précédente » (A.D. Rhône C 124. Instruction pour M. les subdélégués sur le travail de corvée dans la généralité de Lyon (1753), art. VIII).
85 A.D. Gironde C 3610. Instruction au sujet des ouvrages à faire sur les grands chemins par corvées (s. d./1746 ?).
86 A.D. Indre-et-Loire C 164. Ordonnance de M. du Cluzel intendant de Tours (15 février 1772).
87 Letaconnoux J., Le Régime de la corvée en Bretagne au XVIIIe siècle, op. cit., p. 30-41.
88 Dans la généralité de Tours, le nombre des commissaires qui secondaient le voyer était également proportionnel à la population villageoise (A.D. Indre-et-Loire C 164. Ordonnance de M. du Cluzel intendant de Tours (15 février 1772), art. 4).
89 A.D. Gironde C 1879. Elle « n’est que de deux ou trois livres, et pas au-delà de six francs » (A.D. Indre-et-Loire C 164. Mémoire d’observations sur l’administration des corvées rédigé en conséquence de la lettre de M. l’intendant, 27 juin 1774).
90 A.D. Gironde C 1993. Lettre de J.-J. Sabouroux (14 août 1740).
91 « Souvent, le syndic est l’homme le plus accrédité du village ; mais ce n’est qu’un paysan et il se conduit ordinairement comme tous les gens de son espèce. Il agit par humeur et par vengeance ; il cherche à se faire des amis et des protections ; il abuse du petit pouvoir qu’il a dans sa communauté pour vexer ses ennemis ; il les fait marcher et travailler au-delà de leur contingent, exempte les métayers et les cultivateurs de celui qui lui a fait donner la commission […] ; ses frères, parents et amis sont ménagés. Souvent il accorde des exemptions à prix d’argent » (Bourgelat C., op. cit., p. 12.
92 Fillon A., Louis Simon, étaminier (1741-1820) dans son village du Haut-Maine au siècle des Lumières, Le Mans, CUEP, 1984, p. 152.
93 A.D. Gironde C 1879. Lettre de M. Rochefort, subdélégué (15 janvier 1765).
94 A.N. H2 2116. Lettre de M. Saint-Victor (17 août 1750).
95 Instruction au sujet des ouvrages à faire sur les grands chemins par corvées (1746), Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 3, P.J. 20, p. 13.
96 Bellenger C., L’Emploi de la corvée pour les travaux publics de l’élection de Nemours dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, Master 2, Jean-Louis Harouel (dir.), université Panthéon-Assas Paris II, 2007, p. 59.
97 A.D. Rhône 1 C 143. Instruction (1753).
98 A.D. Gironde C 3610. Instruction au sujet des ouvrages à faire sur les grands chemins par corvées (s. d./1746). Les listes de corvéables furent établies dans les années 1743-1744.
99 A.D. Gers C 3 fol. 110.
100 A.D. Ain C 1066. Généralité de Dijon. Province de Bugey. Ponts et Chaussées. État général par lettres alphabétiques des communautés employées sur les routes ouvertes et celles conservées pour les routes à ouvrir dans la province du Bugey, dont la vérification des rolles a été faite, et la tache générale distribuée à chaque communauté, laquelle doit être fixée immuablement par des bornes de pierres de taille qui seront plantées suivant les ordres de Monsieur Dufour de Villeneuve intendant (janvier 1762). De semblables outils ont été confectionnés dans la généralité de Riom en 1776. A.D. Puy-de-Dôme 1 C 6599, et 1 C 6607. État général des paroisses qui doivent contribuer à l’entretien, réparation et construction des différentes routes qui seront sous la direction des Ponts et Chaussées (1778).
101 A.D. Indre-et-Loire C 164. Ordonnance de M. du Cluzel intendant de Tours (15 février 1772), art. 9.
102 A.N. H1 205. Extrait d’un Rolle de répartition sur les corvéables de la paroisse de…, élection de… ; A.D. Indre-et-Loire C 161. État des laboureurs, fermiers, métayers, artisans et autres taillables des paroisses de Vernon, Noizay, l’Île Bouchard, Neueil, Pauzoult, Crouzille, Crissay, Mougon, de leurs enfants et domestiques, de leurs voitures, bœufs et chevaux. Tableau des paroisses qui doivent être commandées pour la route de Chinon à Richelieu…
103 A.D. Puy-de-Dôme 1 C 6600. Drignac (1770).
104 A.D. Indre DD 6-13.
105 Hyenne S.-E., op. cit., p. 142.
106 Cf. Letaconnoux J., Le Régime de la corvée en Bretagne au XVIIIe siècle, op. cit., p. 36.
107 A.D. Seine-et-Marne 16 C 30. Lettre du Contrôleur général au marquis de Solignac (12 octobre 1783) et lettre de L.-B.-F. Bertier de Sauvigny à son subdélégué (9 juillet 1785).
108 A.D. Ain C 1066. Lettre de M. Saint-André (14 mai 1750).
109 A.N. F14 166B. Lettre de Roger (18 août 1752).
110 « Les chevaux, les bœufs, les vaches accoutumés à tirer doivent être compris dans le rôle des voitures avec leur nombre ; les chevaux de bât et bêtes asines peuvent aussi y être compris si il est possible de leur faire voiturer des matériaux mais on peut les évaluer au tiers ou au quart d’une voiture ordinaire de laboureur » (A.D. Gironde C 3610. Instruction au sujet des ouvrages à faire sur les grands chemins par corvées [s. d.]).
111 Lettre de M. Leprince (29 mai 1780) : « Je crois que les vaches laitières qui ne sont point employées au charroi sont exemptes de corvées, mais que celles qu’on employe une partie de l’année au charroi et qu’on remet ensuite sous le baton du pâtre sont sujettes à la corvée. Elles tiennent lieu de bœufs. Cependant la décision peut avoir quelque complication ; je ne sais pas si les vaches étant employées une certaines partie de l’année à labourer ne peuvent devenir vaches laitières. Si elles reprenoient cet état, si elles le conservoient au moment que la corvée est demandées alors il semble qu’elles devroient être exemptes », Clément P.-F., op. cit., p. 76.
112 A.D. Puy-de-Dôme 1 C 6589-6595.
113 A.D. Calvados C 3391. État des exemptions accordées soit personnellement soit pour un certain nombre de chevaux (s. d.).
114 A guide to surveyors of the highways… 1694, p. 28.
115 A.D. Orne C 109.
116 Scott John, Digests of the general highway and turnpikes laws with the schedule of forms as directed by act of parliament, London, 1778, p. 21 et p. 25.
117 B.N.F. Joly de Fleury 452 F° 140. Note (mai 1758).
118 A.D. Ain C 1066. Observations sur les prétendus exempts du travail des corvées, à décider par M. de Saint-Conteste lors de son département en 1749.
119 A.D. Calvados C 3391. État des exemptions accordées soit personnellement soit pour un certain nombre de chevaux (s. d.).
120 Bruneau (D.), op. cit., p. 65. A.D. Indre D 8. État des exempts à Châteauroux (v. 1765). A.D. Côte d’Or C 3859. Modèle de déclaration envoyée dans toutes les paroisses (1727).
121 A.D. Indre-et-Loire C 168. Mémoire sur les exemptions de la corvée (s. d./1777).
122 En Normandie, les nobles « faisant valoir et payant la taille » pouvaient être assujettis aux entretiens des chemins de traverse (A.D. Calvados C 3391. État des exemptions accordées soit personnellement soit pour un certain nombre de chevaux, s. d.).
123 Instruction pour le service des corvées (10 février 1769), Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 3, P.J. 70. Chatelard L., art. cit., p. 172.
124 A.D. Indre-et-Loire C 168. Mémoire sur les exemptions de la corvée (s. d./ postérieur à 1776).
125 Ibid. : « L’exemption partielle est celle qui suivant les décisions du conseil, porte non seulement sur la personne du taillable exploitant, mais encore sur une partie des gens et des bestiaux qu’il employe à l’exploitation, en sorte qu’il doit la corvée pour le surplus. »
126 A.N. H2 2105. Instruction sur les exemptions des corvées (s. d.).
127 A.D. Indre-et-Loire C 164. Mémoire d’observations sur l’administration des corvées rédigé en conséquence de la lettre de M. l’intendant, 27 juin 1774.
128 A.D. Côte d’Or C 3851. Recueil des Arrêts du Conseil, fol. 92 (291) exemption des corvées pour les gardes de bois assermentés et officiers des bailliages et Eaux-et-Forêts (1736 et 1751).
129 A.D. Indre-et-Loire C 164. Ordonnance de M. du Cluzel intendant de Tours (15 février 1772) art. 15-16.
130 BnF F 21164 (54). Ordonnance de l’intendant de Champagne portant exemption de la corvée personnelle et de celle de voiture pour 4 chevaux en faveur du courrier de la Poste de Chaumont-en-Bassigny à Vignory, 1770.
131 A.D. Calvados C 3378. État des garde-étalons du département d’Avranches exempts de corvée (1775). A.D. Indre-et-Loire C. 168. Mémoire sur les exemptions de la corvée (s. d./ postérieur à 1776).
132 A.D. Indre-et-Loire C 164. Ordonnance de M. du Cluzel intendant de Tours (15 février 1772) art. 21.
133 A.D. Aube C 1094. Lettre de M. Paillot, subdélégué à Bar-sur-Aube (15 juin 1768).
134 Ibid., art 17 et C 168. Mémoire sur les exemptions de la corvée (s. d./postérieur à 1776). A.D. Ille-et-Vilaine C 2407. Exemption des ouvriers de la forge de Paimpont (1761).
135 A.D. Ille-et-Vilaine C 2407. Exemption des ouvriers de la papeterie de Cugnan.
136 A.D. Gironde C 1993. Projet d’ordonnance de M. de Blossac (1758).
137 Bruneau D., op. cit., p. 65.
138 A.D. Ain C 1064. Lettre de M. Saint-André (31 mai 1749).
139 A.D. Gironde C 3720. Mémoire d’observations présenté (17 juin 1770) par l’ingénieur en chef Saint-André, sur l’abus des exemptions de corvées dans la généralité de Bordeaux.
140 Mémoire sur la conduite du travail par corvées (1737), art. 1.
141 En Normandie, la mention « libres » ou « employées » permet de repérer immédiatement sur les listes de communautés corvéables celles qui sont disponibles pour d’éventuels chantiers (A.D. Calvados C 3391. Corvée de 1775-1776. État des paroisses qui doivent travailler sur les routes cy-après mentionnées dans le département du Sr. Avet inspecteur pendant les années 1775 et 1776).
142 Mémoire sur la conduite du travail par corvées (1737), p. 3. Dans la généralité de Paris, D.-C. Trudaine édicte des directives plus explicites : « lorsqu’il sera question de répartir ou ordonner des corvées, je vous prierai toujours de m’envoyer des détails exacts de toutes les paroisses qui seront à portée. Ces détails comprendront : 1) la distance des paroisses aux carrières, celle des carrières au lieu de dépôt à la ligne du chantier, et celle de la ligne du chemin pour le retour dans les paroisses. 2) le nombre des manœuvriers s’il est nécessaire, ou celui des voitures attelées suivant l’usage du pays ; 3) la quantité des matériaux qu’une voiture peut transporter, ce qui s’appelle la charge d’une voiture » (A.N. H2 2116. Lettre circulaire du 27 juin 1761).
143 Mémoire sur la conduite du travail par corvées (1737).
144 « Instruction au sujet des ouvrages à faire sur les grands chemins par corvées » (1746), Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 3, P.J. 20, p. 15.
145 A.D. Puy-de-Dôme 1 C 6526.
146 A.D. Puy-de-Dôme 1 C 6473. Instruction sur la continuation des ouvrages des grands chemins (1733).
147 A.D. Puy-de-Dôme 1C 6586 et 6588. États de distribution (1764-1769).
148 Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 3, p. 20.
149 A.D. Ain C 1066.
150 A.D. Ille-et-Vilaine C 2317. État de la plantation des poteaux indiquant l’étendue de la tâche de chaque paroisse sur cette route (1758). A.D. Ain C 1066 et 1068. Bornes de division des tâches des communautés en Bresse (1762). A.D. Orne C 144 et C 133. Devis et adjudication de 295 poteaux de division de tâches d’entretien dans la généralité d’Alençon.
151 À titre exceptionnel, il pouvait être décidé d’adjoindre des communautés voisines qui effectuaient à décharge un certain nombre de toises. Il est prévu que « dans le cas où deux communautés seraient jointes ensemble, par le défaut de voitures ou de manœuvres dans l’une ou l’autre, on inscrira les noms de ces deux communautés sur la borne, et de même le nombre de toises de chemin qu’elles auront à entretenir » (A.D. Côte d’Or C 3860. Délibération, 28 décembre 1778).
152 A.D. Orne C 115. A.D. Puy-de-Dôme 1 C 6509. Lettre de J.-B.-F. de la Michodière, intendant de la généralité de Riom (12 mars 1757).
153 « Les bornes qui diviseront les cantons des communautés portées sur la direction du Sr Seguin [directeur des chemins] auront 3 pieds de longueur dont 18 pouces hors de terre, cette partie aura un pied de largeur et 6 pouces d’épaisseur taillée proprement à la boucharde sur toutes ces faces et terminée en pointe de diamant, de chaque côté de ces bornes l’on gravera les lettres nécessaires pour désigner le nom de la communauté. » (A.D. Côte d’Or C 3860. Note [18 novembre 1770].)
154 A.D. Aube C 1094. Figure des poteaux qui doivent être plantés pour marquer les emplacements des communautés qui seront tenues de l’entretien des grands chemins (1737). Il était prévu qu’ils soient peints pour assurer leur conservation. L’instruction du 20 septembre 1753 (art. 1) contient une disposition semblable (A.D. Calvados C 3075).
155 A.D. Ille-et-Vilaine C 4899. Règlement pour les grands chemins de la province de Bretagne, 30 octobre 1757 (art. 3).
156 A.D. Orne C 138.
157 Mémoire sur la conduite des corvées (1738).
158 Du Pont P.-S., « Analyse critique de la Lettre à M. N ***… », art. cit., p. 100.
159 A.N. H2 2105. Projet d’ordonnance (s. d.).
160 Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 3, P.J. 131, p. 163. Lettre de P. Trudaine de Montigny au contrôleur général (5 juin 1776).
161 « Il y a une grande variété dans le temps où l’on peut commander les corvées, surtout dans les districts où une partie des communautés cultivent les terres et les autres des vignes ; souvent aussi le temps pour les travaux des uns et des autres est différent dans la mesme espèce de culture » (A.N. F14 149. Mémoire concernant les grands chemins du duché de Bourgogne, de T. Dumorey ingénieur des Ponts et Chaussées des États de Bourgogne).
162 A.D. Puy-de-Dôme 1 C 6526. Grande route de Clermont-Ferrand à Paris. Atelier depuis la frontière du Bourbonnais jusqu’à Riom et de là à Clermont (s. d.).
163 A.D. Rhône 1 C 143. Addition d’instruction pour MM. les subdélégués sur le travail de la corvée dans la généralité de Lyon (1757).
164 A.D. Jura C 279. État des époques auxquelles les communautés peuvent être employées aux travaux des corvées sans être dérangées des ouvrages à la campagne.
165 Dupré de Saint-Maur N., op. cit., p. 38.
166 A.D. Ain C 1064. Lettre de M. de Saint-André (11 juillet 1750).
167 Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 3, p. 80.
168 A.D. Ain C 1066. Lettre de M. de Montessuy (27 avril 1762).
169 A.D. Gironde C 1993. Instruction sur les corvées des chemins pour l’exécution de notre ordonnance du 3 novembre 1757.
170 A.D. Puy-de-Dôme 1 C 6526.
171 A.N. F14 149. Thomas Dumorey. Mémoire concernant les grands chemins du duché de Bourgogne dans lequel on examine la dépense que les corvéables occasionnent aux communautés et celle que l’on feroit pour entretenir ces routes à prix d’argent.
172 A.D. Indre-et-Loire C 167. Mandement concernant le service des corvées dans la généralité d’Orléans (1777) art. 13 : « Les corvéables seront tenus d’achever et perfectionner leurs tâches dans l’espace de chaque saison ; et même, celle du printems étant la plus favorable aux travaux, ils seront libres d’en profiter, s’ils le jugent à propos, pour s’acquitter en même temps de la corvée de l’automne suivante. »
173 A.N. H2 2105. Ordonnance (s. d.) qui proroge jusqu’au 1er juin le délay ordonné aux corvéables pour acquitter leurs tâches.
174 A.D. Puy-de-Dôme 1 C 6523. Lettre du subdélégué de Saint-Flour (28 juillet 1784). 1 C 6525. Lettre de M. Spy des Ternes (s. d.).
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