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Les partis politiques africains de la loi-cadre à la Communauté : acteurs ou spectateurs du changement (le cas de l'AOF) ?

p. 203-224

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Texte intégral

1L'histoire des partis politiques africains est un domaine plus largement défriché par les spécialistes de sciences politiques que par les historiens. Leurs travaux, souvent de très grande qualité, ont été publiés pour la plupart dans les années soixante comme celui de F. Snyder sur l'US-RDA (Union soudanaise — rassemblement démocratique africain) ou encore celui de Zolberg sur le PDCI (Parti démocratique de Côte d'Ivoire)1. Leur problématique est très souvent orientée autour de l'émergence du parti unique après les indépendances. La première grande synthèse a été publiée en 1964 par Ruth Schachter-Morgenthau2. Il faut attendre 1982 pour en lire une nouvelle, tirée de la thèse de doctorat de 3e cycle de J.-R. de Benoist3. La plus récente est surtout tournée vers le processus de décolonisation et n'envisage les partis politiques que comme des acteurs parmi d'autres, même si ce sont les plus importants4. Les deux grands colloques qui ont été consacrés à la fin de la colonisation se sont peu penchés sur le rôle des partis5. D'importantes monographies demeurent inédites comme celle d'A.-Ch. Danioko sur les partis politiques au Soudan français de 1945 à 1960, la thèse de P. Campmas sur l'US-RDA ou encore celle de Ch. Beltran consacrée aux Indépendants d'Outre-Mer6. Cependant, un renouvellement se dessine du côté des historiens depuis quelques années autour de l'histoire sociale, de celle du genre ou encore des mouvements de jeunesse7.

2Les partis africains ne sont pas des répliques des partis métropolitains même lorsqu'ils s'en inspirent voire les copient comme dans le cas des partis révolutionnaires. Ces différences s'expliquent par des raisons historiques. Les libertés publiques fondamentales comme le droit de réunion et de coalition n'existent pas en AOF avant 1945 sauf au Sénégal dans les quatre communes de plein exercice. Les partis doivent donc s'organiser dans un cadre qui leur est hostile jusqu'au début des années cinquante.

3À cela s'ajoutent des raisons qui tiennent à l'organisation des sociétés africaines. On peut au moins en dégager deux. D'une part, beaucoup d'organisations qui émergent après la Seconde Guerre mondiale sont issues d'associations ou de groupements constitués sur des bases ethniques et/ou régionales. C'est très net en Guinée où elles prédominent jusqu'en 1952. Cette réalité complique l'émergence de partis qui veulent avoir un horizon territorial. D'autre part, les partis entrent en compétition avec des structures d'encadrement des populations qui existent déjà et que l'on qualifie par commodité de « traditionnelles ». Ce sont les chefferies qui ont été en partie récupérées par le colonisateur sous la forme de la chefferie de canton, de village ou encore de province. Ces structures sont doublement légitimes non seulement parce qu'elles sont reconnues par l'administration coloniale mais aussi par les populations elles-mêmes en raison de leurs rôles historiques, de l'appartenance des responsables à des lignages dominants ou encore de leur rôle religieux. Autant de critères qui, pour la plupart, préexistent à l'arrivée des Français.

4On comprend qu'il est très difficile d'envisager une cohabitation entre les partis et les chefferies. Les premiers doivent s'imposer soit par la force comme le fait le PDG (Parti démocratique guinéen) en Guinée entre 1954 et 1958 soit plus pacifiquement comme en Côte d'Ivoire en 1958. À l'élite traditionnelle succèdent des hommes nouveaux issus de l'éducation coloniale. Les partis africains se caractérisent par une relative homogénéité de leur personnel dirigeant qui est, à de rares exceptions près, issu de la fonction publique coloniale et même formé dans la même institution, l'école William Ponty. Cette caractéristique permet de dépasser en partie les limites régionales et/ou ethniques que nous avons évoquées.

5Le cadre de la compétition n'est donc le même qu'en métropole pour au moins deux raisons supplémentaires. D'une part, le suffrage véritablement universel n'existe pas outre-mer avant 1956 et la loi-cadre8. Les élections qui sont organisées en AOF à partir d'octobre 1945, se déroulent sous la règle du double collège. Le premier collège est réservé aux citoyens de plein droit et le deuxième collège ouvert à une minorité qui croît au fil des élections mais qui demeure définie par une batterie de critères changeants qui favorise les notables. En Afrique même, il en résulte une profonde inégalité entre les élus des deux collèges qui ont pourtant le même nombre de sièges à la Chambre des députés. D'autre part, si l'on définit les partis politiques par « la volonté délibérée des dirigeants nationaux ou locaux de prendre et d'exercer le pouvoir, seuls ou avec d'autres et non pas seulement de l'influencer9 », on doit comprendre que jusqu'en 1957, c'est-à-dire lorsque les Assemblées territoriales et les Conseils de gouvernement qui en sont issus sont dotées de pouvoirs réels, le lieu principal de leur action se trouve hors d'Afrique, à Paris et plus particulièrement au Palais Bourbon. Dans les quelques lignes qui suivent, nous nous interrogerons sur la place et le rôle des partis africains dans l'évolution du système partisan français en nous posant une double question : celle de leur dépendance vis-à-vis des formations métropolitaines et celle de leur volonté de s'en défaire.

Une inévitable dépendance

6Le Sénégal fait figure d'exception dans le paysage politique de l'AOF pour au moins deux raisons. D'une part, les conditions d'une vie politique normale y sont réunies depuis longtemps dans le cadre des quatre communes de plein exercice qui élisent un député depuis 1871 et qui sont dotées depuis 1873 d'un conseil général, transformé par la suite en conseil colonial. Cependant, il faut attendre 1916 pour que les originaires, terme qui désigne les habitants des quatre communes, reçoivent les droits complets de citoyen10. D'autre part, outre le fait que depuis 1914 l'élu local est toujours d'origine africaine, c'est aussi la seule colonie où des partis métropolitains comme la SFIO ont tenté de s'implanter sérieusement. C'est du reste un avatar de « la vieille maison » qui est créé en 1934 par l'avocat saint-louisien Lamine Guèye sous le nom de parti socialiste sénégalais. C'est le premier parti politique moderne spécifiquement africain avec « congrès, programme et encadrement des militants11 ». Ces derniers sont de toutes origines et poussent rapidement à un retour dans le giron de la SFIO qui est accepté en 1938. Cette expérience est très importante car, au-delà des discours unanimistes, les socialistes métropolitains se divisent sur la question de l'adhésion des Africains au parti ; les cadres, Marius Moutet en tête, s'y montrant réticents. Ainsi, le Sénégal qui constitue à bien des égards le laboratoire de vie politique en AOF, montre dès la fin des années trente les limites idéologiques et pratiques de l'implantation d'un parti métropolitain. Pourtant, les élites africaines locales et notamment Lamine Guèye défendent l'aspiration à devenir français à part entière, adhérant à l'idée de l'assimilation qui correspond sinon à la pratique, au moins au discours colonial de la IIIe République12.

7Dans le reste de l'AOF, malgré la présence de noyaux de citoyens d'origine africaine, l'apprentissage de la vie politique se fait dans le cadre d'associations et de syndicats, ces derniers étant tolérés depuis le Front populaire. Au Soudan, l'élite locale se retrouve dans l'association des Lettrés, fondée au printemps 1937 par Mamby Sidibé, un instituteur formé à William Ponty. Elle sert de creuset et de forum pour toute une génération d'intellectuels qui, à l'image de Modibo Keita, conduira le futur Mali à l'indépendance13.

8La guerre a balayé les illusions brièvement apparues avec le Front populaire. Le recul des libertés entre 1940 et 1944 a été durement ressenti par les élites africaines. En 1944, les associations patriotiques se multiplient dans toute l'AOF, offrant un nouveau cadre d'expression. Au lendemain de la conférence de Brazzaville, un nouveau type de revendication apparaît. Désormais, on réclame comme Senghor le fait dans la revue Esprit en juillet 1945, « l'égalité dans la Cité » mais on y associe la volonté de bénéficier sur les plans économiques et sociaux des mêmes avantages que les Européens14. Ces revendications sont portées par les élites urbaines qui, malgré la résistance de l'administration coloniale, ont définitivement dépossédé les chefs traditionnels de leur leadership.

9On assiste à une radicalisation des revendications. On parle d'autonomie dans le cadre d'une France qui serait fédérale et on entend même le mot d'indépendance15. À Paris, on stigmatise le rôle des communistes et en particulier des GEC (Groupements d'études communistes) qui recrutent parmi les fonctionnaires africains16. En fait, ce n'est pas la ligne du PCF qui est loin alors d'encourager une séparation des colonies d'avec la France mais bien l'expression d'une revendication nouvelle strictement africaine.

10L'autre changement apparaît en Côte d'Ivoire avec l'émergence de Félix Houphouët et d'un nouveau type d'organisation. Houphouët est représentatif à la fois des élites anciennes et de celles qui ont été formées par le colonisateur. En effet, il est chef de canton des Akoué du Sud sans pour autant être la personnalité dominante en pays baoulé17. Mais il est aussi médecin, diplômé de l'école Ponty où il noue de nombreux contacts. Enfin, il est le principal responsable d'une organisation professionnelle fondée en septembre 1944 : le Syndicat agricole africain (SAA).

11Houphouët est un grand planteur de café et de cacao. Il fait partie de ces Africains qui se sont précocement impliqués dans l'économie de plantation, se livrant une concurrence féroce avec les Européens18. Le SAA qui rassemble 20 000 planteurs ivoiriens, la plupart à la tête d'exploitation de taille modeste, met en place une structure qui couvre tout le pays et qui offre un cadre pour une organisation politique à venir. De fait, le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) qui est créé en 1946 en est directement issu19.

12L'ordonnance du 22 août 1945 avait divisé le corps électoral en deux collèges. 55 000 citoyens composaient le premier dont quatre sur six étaient installés au Sénégal. Le second n'en rassemblait que 118 000. L'AOF peuplée alors d'environ 17 millions d'habitants comptait à peine 10 % d'électeurs. Encore ce chiffre était-il trompeur car il dissimulait de fortes disparités territoriales entre, par exemple, le Sénégal où il était supérieur à 10 % et la Mauritanie où il dépassait à peine les 3 %20. La nouvelle assemblée n'accordait que dix sièges de députés pour toute l'AOF, cinq par collège. Les députés africains du deuxième collège ont des revendications précises qui les distinguent de leurs collègues métropolitains. Ils réclament la citoyenneté à part entière, c'est-à-dire la disparition du double collège, la création d'assemblées territoriales dotées de véritables pouvoirs législatifs mais aussi l'abrogation du code de l'indigénat et la suppression du travail forcé. Ces revendications sont portées par tous ces élus africains que rapproche leur commune formation21.

13La victoire du non au référendum du printemps 1946, suivie par un retour en force de la droite à la Chambre est vécue comme un échec. La constitution d'octobre impose une Union française qui ne répond pas à leurs attentes. Les débats ont, de plus, révélé les fortes réticences des métropolitains pour reconnaître une réelle égalité aux habitants de l'outre-mer, ranimant la crainte de voir « la France devenir une colonie de ses colonies » comme le déclare Herriot. Les institutions propres à l'Union française se révèlent vides d'un réel contenu politique et restent étroitement soumises à la métropole. Dans ces conditions, l'assemblée de l'Union française reste un enjeu secondaire dans la lutte des partis politiques africains. Comme le note M. Devèze, ni les Européens ni les Africains ne se montraient satisfaits d'un texte qui bloquait dans les faits les possibilités de changement en ne les rendant possible que par la modification des institutions22.

14Les élus d'Afrique noire prennent l'initiative de convoquer un congrès à Bamako afin de créer un vaste rassemblement, permettant de faire aboutir leurs revendications. Cette idée s'impose contre les formations métropolitaines et en particulier contre la SFIO qui croit y voir une manœuvre des communistes. Pour autant, Houphouët qui est la cheville ouvrière de cette rencontre fait tout pour se démarquer du PCF malgré les pressions, et pour ne pas apparaître comme un « séparatiste23 ».

15Au-delà de la question posée par les liens avec le PCF, c'est en fait celle des relations avec les formations métropolitaines qui est soulevée. Houphouët a réussi à aboutir à un compromis à la fin du congrès. Partant du constat que les élus africains étaient trop peu nombreux pour peser réellement à l'Assemblée, il fallait opter pour l'apparentement aux groupes parlementaires des principaux partis, PCF, MRP et SFIO. Toutefois, cette tactique devait être mesurée à l'aune de l'efficacité. Or en 1946, seuls les communistes qui sont, de plus au gouvernement, ont une ligne anti-colonialiste. Mais, pour le leader du PDCI, le but de la création du RDA était fondamentalement de « former un groupement politique indépendant des partis métropolitains24 ».

16Le Rassemblement démocratique africain est officiellement créé le 21 octobre 1946. Ce n'est pas un parti mais une « fédération de partis » comme il est précisé dans ses statuts (article 1). Dans ses structures, les élus des assemblées métropolitaines jouent le rôle principal ce qui fait du RDA une organisation autant parisienne qu'africaine au moins dans ses organes de décision. En AOF même, il est décidé de n'accorder l'étiquette RDA qu'à un seul parti par territoire afin de favoriser la fusion des organisations locales. L'ambition est donc clairement de constituer à terme un parti politique africain à l'échelle de toute l'Afrique noire française25.

17Les années 1947-1950 sont marquées par l'aggravation des conflits dans tout l'empire. La configuration en métropole a changé le 4 mai 1947 lorsque, à la suite de la révocation des ministres communistes du gouvernement, le PCF est redevenu la principale force d'opposition à l'action coloniale des gouvernements qui se succèdent. Les élus d'outre-mer participent surtout aux débats qui les concernent prenant des positions sans ambiguïtés notamment lorsqu'ils votent la levée de l'immunité des députés malgaches en juin 194726. L'installation en grande pompe de l'assemblée de l'Union française intervient à un moment où, comme le constate avec regret Vincent Auriol, l'opinion publique en France s'intéresse de moins en moins à l'avenir de l'outre-mer27.

18Outre-mer, ces années sont des années d'anomie sur le plan politique. À Paris, quelle que soit la majorité, on répugne à prendre une initiative. Sur le terrain, l'administration coloniale justifie son immobilisme en arguant de la nécessaire consolidation des transformations qui sont apparues depuis la fin de la guerre. Pourtant, le tableau se modifie au cours de ces quatre années et de nouveaux acteurs interviennent dans le jeu politique aux côtés des parlementaires africains. Dès janvier 1946, Dakar avait été frappé par une grève générale d'une dizaine de jours. Les revendications des travailleurs s'articulent avec celles des politiques. Alors que les seconds réclament l'extension de la citoyenneté et donc, l'égalité des droits, les premiers demandent la création d'un cadre unique, c'est-à-dire l'égalité entre les travailleurs africains et métropolitains. Celle-ci devait s'accompagner de la mise en œuvre d'un code du travail comme en France et de l'octroi de la sécurité sociale et des allocations familiales28. La grande grève des cheminots du Dakar-Niger (octobre 1947-février 1948) montre clairement qu'on ne peut plus se contenter comme dix ans auparavant de la seule répression, la négociation s'impose pour sortir du conflit.

19Les gouvernements ne sont pas enclins encore à entrer dans la même logique avec les forces politiques. Jusqu'au début de l'année 1950, la seule option est celle de la répression. Le PDCI-RDA en fait l'amère expérience en Côte d'Ivoire, à Bouaflé, à Dimbokro ou encore à Grand Bassam29. En fait, nous sommes à un tournant. En métropole, René Pleven devient président du Conseil et choisit son compagnon de l'UDSR François Mitterrand, pour le ministère de la France d'outre-mer. Mitterrand est convaincu qu'il existe une autre politique et que le RDA ne cherche pas à quitter ou à démanteler l'Union française comme ne cesse d'ailleurs de le répéter Houphouët-Boigny. On ne peut pas non plus écarter l'idée qu'en récupérant les députés du RDA, l'UDSR pouvait gonfler ses maigres rangs et ainsi consolider son rôle de parti-charnière dans les combinaisons gouvernementales30.

20Du côté d'Houphouët-Boigny, on se rend compte aussi de l'impasse tactique dans laquelle se trouve le RDA. L'aggravation de la répression est directement liée à la vague d'anticommunisme que connaît alors la France et l'association avec le PCF se révèle stérile tant que les communistes associent l'idée d'une émancipation de l'Afrique à leur retour au pouvoir, perspective alors bien peu vraisemblable. En s'associant à l'UDSR, le leader ivoirien entend reconquérir une plus grande liberté d'action.

21Le rapport de forces est aussi en train de changer du côté africain avec la création du groupe des Indépendants d'outre-mer (IOM) dont les membres veulent se dégager des formations européennes et se rassembler afin « de réaliser une organisation politique et administrative adaptée à la situation actuelle des TOM et capable de favoriser leur évolution au lieu de la freiner31 ». À l'évidence un tel projet supposait dans l'esprit de ses concepteurs, Senghor en tête, que l'on s'affranchisse de toute tutelle d'un parti métropolitain. Houphouët partage cette conviction et il l'exprime nettement dans son communiqué annonçant la fin de son apparentement avec le PCF. « Constatant que l'action de tous les élus des TOM sur la base d'un programme précis est la meilleure formule pour défendre les intérêts de l'Afrique », explique-t-il, « les parlementaires RDA décident de se désapparenter des groupes métropolitains32 ». Dans le même temps, le RDA décidait de se lancer dans une politique d'apaisement avec les autorités coloniales en AOF.

22Cette décision ne fait pas l'unanimité au sein du Rassemblement et au Soudan, elle provoque un clivage au sein de l'US-RDA entre les radicaux derrière Modibo Keita et les modérés dont le chef de file est Mamadou Konaté. La nouvelle ligne permet de désamorcer la situation explosive qui existait sur le terrain et conduit l'administration à envisager plus sereinement ses relations avec les sections du RDA.

23La victoire des modérés du RDA rend possible une convergence avec les IOM mais dans l'esprit d'Houphouët et de ses amis, c'est bien vers une fusion qu'il faut aller, c'est-à-dire la création d'un mouvement africain unique. Il faut en rabattre et se contenter d'un intergroupe qui se forgea autour d'un programme sans surprise axé sur la citoyenneté, le code du Travail ou encore la réforme municipale.

24Les élections de juin 1951 sont marquées en AOF par l'augmentation du nombre des électeurs qui passent de moins de 800 000 à près de 1,2 million et de celui des députés, porté de 13 à 20. Le double collège comme la sous-représentation de l'outre-mer se révélaient impossibles à conserver. Le RDA n'a pas encore récolté les fruits de sa nouvelle politique et ses candidats subissent une série d'échecs surprenants dont se réjouit Vincent Auriol. « Tous les députés d'AOF », note-t-il dans son journal, « sont progouvernementaux. Houphouët qui était l'espoir de l'Afrique insurrectionnelle n'a plus que trois députés derrière lui33 ».

25Lorsque s'ouvre la deuxième législature, les députés africains sont plus divisés que jamais. Le RDA n'a plus que deux représentants pour l'AOF contre six IOM et quatre SFIO. Les majorités qui se succèdent jusqu'en 1954 sont marquées à droite et ont choisi dans le domaine colonial de « gouverner sans choisir34 ». Les élus africains se trouvent associés à cet immobilisme au gré des combinaisons parlementaires. Contrairement à ce qu'ils espéraient, ils n'avaient pas encore réussi à se libérer de la tutelle des partis métropolitains. Certes, ils n'abandonnent pas le combat pour l'égalité et la citoyenneté mais devant la résistance des gouvernements, ils prennent le risque de se voir désavoués par des hommes et des femmes qui s'interrogent alors sur le bien fondé de conserver des liens avec une France où ils n'ont toujours pas trouvé leur place.

26La contestation la plus vigoureuse est le fait des étudiants africains en France. Peu nombreux, ils jouent néanmoins un rôle d'aiguillon vis-à-vis des parlementaires qu'ils rencontrent à Paris. De plus, ils bénéficient grâce à la revue d'Alioune Diop, Présence Africaine, d'un forum dans lequel ils s'expriment sans détour. Le RDA a d'abord porté leurs espérances mais le revirement d'octobre 1950 a semé un trouble dont le premier congrès de la Fédération des étudiants d'Afrique noire (FEANF) se fait l'écho. Dès son deuxième congrès en 1952, les éléments les plus radicaux se sont emparés de la direction cherchant à faire de cette organisation, un mouvement syndical révolutionnaire35. Les années 1953-1956 confirment cette orientation et annoncent un divorce entre les élites intellectuelles et une partie des élites politiques. En décembre 1953, Présence Africaine publie un article du Sénégalais Mahjemout Diop, membre de la FEANF, appelant à l'indépendance. Dans ce texte, le futur leader du PAI remet en question la stratégie du RDA en écrivant : « Ce n'est pas en envoyant des parlementaires éternellement en minorité à la Chambre que nous résoudrons nos difficultés [...], ce n'est ni plus ni moins et encore, qu'un moyen de conquête de plus grandes libertés. La seule vraie fin est l'indépendance totale36. »

27Le constat est sévère mais on doit se garder de surestimer son écho en AOF. Il était difficile aux députés africains de faire entendre leurs voix dans une assemblée déchirée par la guerre d'Indochine, la querelle de la CED ou encore les troubles au Maroc et en Tunisie37.

28La configuration politique a changé à l'occasion des élections de 1952 qui ont permis au RDA de revenir en force dans les assemblées territoriales. Ainsi en Côte d'Ivoire, le PDCI-RDA s'est emparé de tous les sièges devenant ainsi de facto un parti unique dans le territoire. Il faut prendre en compte ces changements et si le projet de loi sur l'extension des compétences de ces assemblées dans le domaine budgétaire reste sans suite à la fin 1952, en revanche, le projet sur la réforme municipale est adopté au cours de l'été 195438. Voté par une écrasante majorité, il prévoit la création d'une quarantaine de communes de plein exercice avec élection au collège unique.

29Incontestablement, la nouvelle loi municipale en introduisant le collège unique, crée une brèche que les députés africains sont décidés à exploiter pour satisfaire leur plus ancienne revendication. Il y a urgence car l'Union française traverse une crise profonde qui s'est ouverte en mai 1954 avec le désastre de Dien Bien Phu et la fin de l'Indochine française suivis en novembre par le début de l'insurrection en Algérie. La paralysie des institutions propres à l'Union française est désormais avérée comme le constate L'Année Politique en 1955 : « Il apparaît de plus en plus nécessaire pour la France de rechercher des solutions politiques et économiques capables de concilier les aspirations des indigènes avec le maintien de la présence française39. »

30Lorsque le socialiste Christian Pineau est appelé à former le gouvernement après la chute de Mendès France, il insiste sur la nécessité de faire des réformes profondes outre-mer en confiant ce secteur à des hommes ouverts comme Gaston Defferre. Symboliquement, il choisit Fily Dabo Cissoko comme sous-secrétaire d'État. À l'évidence, on ne peut plus se contenter de symboles pour masquer un programme qui reste très vague. Senghor qui, en raison de l'hostilité de la SFIO, n'a pu entrer dans ce cabinet, lui refuse la confiance au nom des IOM. Dans son discours, le député du Sénégal réclame de nouveau le collège unique pour toutes les élections, la décentralisation, le vote d'une loi sur les assemblées territoriales et la révision du titre VIII de la constitution. Pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, il conclut son discours en déclarant : « Nous ne demandons pas à sortir de la République française mais à jouir des droits politiques au sein d'une fédération40. » Il ne demandait rien d'autre dix ans auparavant dans la revue Esprit. L'hostilité des IOM explique en partie l'échec de Pineau. En revanche, le groupe vote l'investiture du gouvernement Edgar Faure dans lequel Senghor fait son entrée en tant que sous-secrétaire d'État à la recherche scientifique.

31Au-delà d'une simple satisfaction d'amour propre pour l'un d'entre eux, les élus africains apparaissent singulièrement isolés dans un Parlement qui est convaincu que tout va bien en Afrique noire. Les députés d'AOF se fondent dans les querelles partisanes sans être capables de se faire entendre. Cette impuissance n'est plus de mise en 1955 non seulement en raison de la situation au Maghreb où s'annonce l'indépendance du Maroc et de la Tunisie mais aussi parce que, au Sud du Sahara, les Britanniques ont choisi une politique de désengagement en douceur en Gold Coast et au Soudan. Enfin, les premiers troubles fomentés par l'Union des populations camerounaises (UPC) laissent planer la menace d'une guerre dans ce territoire où la France exerce sa tutelle sous le contrôle de l'ONU.

32On aurait tort cependant de parler de complète cécité du côté des assemblées métropolitaines. Le principe d'une révision du titre VIII de la constitution a été adopté par l'Assemblée nationale et le Conseil de la République à l'été 1955. Les forces politiques ont changé d'attitude à l'image du MRP qui, à la suite de son congrès de Marseille en mai, se tourne enfin vers le changement outre-mer. Seuls les radicaux restent hostiles à une réforme brutale du titre VIII mais le nouveau président du Conseil, Edgar Faure, a su les convaincre au moins de l'urgence41. Il reste que les Africains ne se distinguent pas de leurs collègues métropolitains et appliquent la discipline de groupe. Ainsi, lorsqu'Edgar Faure pose la question de confiance, il reçoit le soutien de tous les IOM mais se heurte au refus de tous les socialistes.

Le choc de la Loi-cadre : reprendre sa liberté ?

33Depuis les élections de 1951, l'AOF vit au rythme des consultations électorales : pour les assemblées territoriales en mars 1952, le Grand Conseil en avril, le renouvellement du Conseil de la République en mai 1952 et en juin 1955, pour l'Assemblée de l'Union française en octobre 1953 et, enfin pour les municipales en novembre 1956. Chaque élection a été marquée par l'augmentation du nombre d'électeurs conduisant ainsi progressivement à un suffrage de facto universel. En 1956, le corps électoral compte plus de 6 millions d'électeurs contre moins d'un million en 1947. Parallèlement, le nombre de siège augmente. Il est prévu que l'AOF en dispose de 27 au lieu de 20 pour les consultations de 195642.

34Les élections les plus importantes sont les législatives de 1956. Elles sont marquées par un incontestable succès du RDA qui emporte les deux sièges de Côte d'Ivoire, du Niger, deux sur trois en Guinée et deux sur quatre au Soudan français. Seule la Haute Volta résiste, maintenant sa confiance aux députés sortants. Le Sénégal voit la victoire de Senghor et de Mamadou Dia pour le Bloc démocratique sénégalais, humiliant pour la deuxième fois les socialistes locaux de Lamine Guèye. Cet échec est aussi celui de tous ceux qui défendent encore l'assimilation et le maintien de liens étroits avec les partis métropolitains. Symboliquement, il n'y a plus aucun élu d'origine européenne pour représenter l'AOF. Au demeurant, rien n'annonce une rupture. Les professions de foi des candidats africains sont très modérées et rappellent comme Sékou Touré que le RDA « est un mouvement d'émancipation africain, de fraternité entre les races et les peuples au destin associé à celui de la France ». Senghor ne dit pas autre chose en affirmant que les peuples d'outre-mer « attachent moins d'importance à l'indépendance de leur pays qu'à l'indépendance matérielle des citoyens43 ».

35Avec 8 députés sur 20, le RDA redevient la principale force politique d'AOF. Mais cette victoire dissimule de menaçants conflits internes. Les problèmes sont apparus en octobre 1950 au moment du désapparentement, dégageant deux camps, un modéré et un radical. Cette fracture se retrouve à l'échelle de la Fédération et oppose des territoires où l'un des deux camps domine comme la Côte d'Ivoire d'Houphouët Boigny et la Guinée de Sékou Touré. Au Soudan, cette opposition existe aussi à l'intérieur de la section locale du RDA, l'Union soudanaise où elle recouvre l'influence des anciens des GEC qui ont réussi à imposer une rhétorique anticolonialiste. Pour Modibo Keita, c'est la ligne du parti qui est en jeu et notamment son orientation socialiste44.

36Les menaces d'éclatement sont bien réelles et apparaissent au grand jour à l'occasion d'un comité de coordination qui se tient à Conakry en juillet 1955. À cette occasion, la ligne modérée l'avait emporté, imposant l'exclusion de l'UPC, coupable de s'être tournée vers la lutte armée et celle de l'Union démocratique du Niger de Bakary Djibo à laquelle on refusait d'accorder l'étiquette du RDA déjà attribuée au Parti progressiste nigérien. Comme le note Cl. Fluchard, le RDA avait réussi sa « normalisation » mais on peut penser que celle-ci est loin de faire l'unanimité45.

37Les élections de 1956 révèlent la persistance au Dahomey d'un clivage géographique entre le Nord et le Sud. Toutefois, il ne doit pas être exagéré car il s'exprime dans deux partis qui ne sont guère que des coalitions électorales sans programme précis, au service de deux personnalités peu contestataires à l'égard de l'ordre colonial46. Les organisations à base strictement ethnique ou régionale sont largement battues y compris en Guinée où elles étaient les mieux implantées. La section locale du RDA, le Parti démocratique de Guinée (PDG), et son leader, Sékou Touré s'imposent au moment où le territoire entre dans une ère de transformations profondes liée au développement de l'économie minière. Ses responsables sont issus du giron syndical, ils ont été formés par la CGT et pensent que le parti et le syndicat ne doivent faire qu'un47. Sékou Touré s'est attaqué à la chefferie en utilisant les griefs que les paysans guinéens accumulent contre eux depuis les douloureux efforts de guerre de 1939 et 1943. L'administration prend acte d'une véritable vague de fond contre laquelle il est illusoire de se dresser comme le reconnaît le gouverneur en 1956 : « Il n'est plus admissible que nous maintenions contre vents et marées des chefs qui ne représentent plus rien : leur autorité n'y gagne rien et la nôtre s'y use48. »

38Sékou Touré a suivi la ligne d'Houphouët vis-à-vis du PCF mais il fallait aussi opter pour l'autonomie l'égard de la CGT. Au cours du comité de juillet 1955, il avait appelé les syndicats africains à se détacher de la tutelle européenne afin de développer « leur personnalité africaine ». Le 1er avril, il franchit le pas en s'associant à la CGT autonome qui avait été créée au Sénégal à la fin de 1955. Ce choix lui attire de nombreuses critiques, l'accusant de briser la classe ouvrière et de faire le jeu de l'administration49.

39La composition du gouvernement Mollet à la fin janvier 1956 est marquée par une volonté de sortir de l'immobilisme. Houphouët fait partie du cabinet et devient le premier Africain ministre à part entière. Hamadoun Dicko de la SFIO hérite pour sa part d'un sous-secrétariat à l'industrie et au commerce. La nouvelle assemblée se dote d'un vice-président du RDA, Mamadou Konaté. Dans son discours devant les députés le nouveau président du Conseil présente un programme qui ne se contente pas d'aller dans le sens de ce qui était en cours.

« La France s'est engagée dans le préambule de la constitution à conduire les peuples dont elle a la charge à la liberté de s'administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires. Elle doit tenir parole [...]. Que signifie cela ? Étendre le collège unique à tous les territoires et assurer la loyauté des élections ; augmenter le nombre des municipalités de plein exercice, accroître les pouvoirs des assemblées territoriales, mettre en place des organes d'exécution, réaliser la décentralisation et la déconcentration administrative50. »

40Dès le début de la législature, le gouvernement demande l'autorisation de promulguer par décret les réformes les plus importantes pour l'organisation administrative des territoires d'outre-mer. Il s'agit d'éviter les retards qui avaient entraîné quatre ans d'attente avant le vote du Code du travail et trois ans pour la réforme municipale. Le projet est présenté en première lecture en mars, puis en juin avant d'être adopté dans le courant de ce mois et promulgué le 23. C'est un véritable record de vitesse dans l'histoire parlementaire de la IVe République. Defferre en donne l'explication au cours de la discussion devant le Conseil de la République : « Il ne faudrait pas prendre le calme qui règne en Afrique noire pour une totale indifférence à ce qui se passe en Afrique du Nord. Ne laissons pas croire que la France n'entreprend des réformes que lorsque le sang commence à couler51. » Le projet bénéficie d'une très confortable majorité, le seul point litigieux de la discussion, surtout au Conseil de la République avait concerné le collège unique.

41La loi-cadre institue trois grands changements : le suffrage universel et le collège unique, l'élargissement des pouvoirs des assemblées territoriales et la création de conseils de gouvernement. Ceux-ci sont élus par les assemblées locales et leurs membres, rapidement appelés ministres, remplissent les fonctions d'un véritable gouvernement sous la double autorité d'un vice-président choisi parmi eux et d'un président qui est de droit le gouverneur du territoire.

42Le gouvernement satisfait ainsi une bonne partie des revendications les plus anciennes des élus africains. Toutefois, ceux-ci n'ont pas été associés à son élaboration à l'exception d'Houphouët et elle ne fait pas l'unanimité parmi eux. Mamadou Dia et Apithy critiquent sa forme qui donne au gouvernement métropolitain une trop grande latitude d'action par le recours aux décrets52. De son côté, Senghor la juge anticonstitutionnelle, relevant que rien dans le texte d'octobre 1946 ne prévoit une telle délégation de pouvoir aux assemblées territoriales. Dans le même ordre d'idée, lorsque la loi-cadre avait été examinée par l'assemblée de l'Union française, un élu IOM du Sénégal s'était ému du fait qu'elle n'avait pas été soumise pour avis aux assemblées locales et au Grand Conseil de l'AOF53.

43Ce ne sont pas là seulement des réserves de forme. Elles montrent que peu de parlementaires africains se trouvaient vraiment dans la confidence ce que les IOM « historiques », Senghor, Dia et Maga, vont faire payer au gouvernement en s'abstenant lors du vote définitif. En fait, ils sont partagés car, tout en reconnaissant l'avancée incontestable que constituent les réformes annoncées, ils s'interrogent sur une conséquence immédiate de la loi. On touche ici un débat de fond qui provoque à terme la recomposition du paysage politique en AOF, l'éclatement du RDA et qui oppose les partisans de la territorialisation et les fédéralistes, les premiers applaudissant des deux mains la loi Defferre.

44Cependant, avant même que ne s'engage la discussion sur les décrets d'application, la loi-cadre est dépassée. En effet, le 24 août 1956, le Togo, territoire que la France administre sous la tutelle de l'ONU, devient une république autonome, dotée d'une assemblée législative et d'un Conseil des ministres. Des liens fédéraux doivent unir la France et le Togo, l'ancienne métropole continuant de gérer tout ce qui touche à la souveraineté sur le plan international. Un référendum est organisé à la fin du mois d'octobre pour l'adhésion du pays à l'Union française. En dépit de la campagne des nationalistes locaux en faveur d'une indépendance complète, le oui recueille 93 % des voix54.

45Au mois de novembre, le parti de Senghor, le Bloc démocratique sénégalais, réclame à son tour l'autonomie. Lorsque les débats sur les décrets d'application s'engagent en janvier 1957, le député dahoméen Apithy pourtant apparenté aux Indépendants et Paysans, interpelle Gaston Defferre en déclarant : « Politiquement, il est impossible de ne pas reconnaître aux territoires d'Afrique noire au moins le statut dont bénéficie le Togo » ce qui se traduirait par une autonomie totale. Le ministre de la France d'outre-mer lui répond qu'en voulant aller trop vite et outrepassant la constitution, « on risquait de tout perdre55 ».

46La plupart des 66 amendements déposés par les députés africains vont dans le sens de l'autonomie et comme le souligne, Ch. Atlan, il existe entre eux une totale unanimité sur cette idée qui dépasse leurs apparentements partisans. Au demeurant, cette unanimité est trompeuse car elle dissimule la question de l'exercice de cette autonomie et sur ce thème, ils se déchirent. Les camps semblent bien dessinés en apparence. D'un côté les IOM qui sont dans l'opposition et qui militent en faveur du fédéralisme et, de l'autre, le RDA qui soutient le gouvernement en dépit d'un réel malaise. Sa discipline permet aux IOM d'accaparer le débat et ainsi d'espérer reconquérir une partie de l'influence perdue aux élections56.

47Pour Senghor, il faut conserver le cadre fédéral de l'AOF au nom de l'équilibre par rapport à la métropole. Houphouët, au contraire, voit dans son maintien, celui de la tutelle de Dakar d'autant moins supportable que la Côte d'Ivoire est le premier bailleur de fonds du budget fédéral. C'est avec une hâte suspecte que le président du PDCI convoque dans son village de Yamoussoukro un comité de coordination qui doit officialiser le soutien du RDA à la loi-cadre.

48En fait, il ne peut y avoir de consensus et Houphouët lui-même a dû batailler pour rallier ses partisans. Comme il le rappelait lors du quarantième anniversaire du RDA, « je faisais le va-et-vient entre Gaston Defferre qui essayait de convaincre ses compatriotes et les miens, surtout Sékou Touré et feu Ouezzin Coulibaly, nos deux jeunes camarades intrépides. Finalement, ils ont accepté57 ». Indirectement, Houphouët souligne le rôle-clé qu'il a joué dans cette affaire avec le ministre de la France d'outremer, son collègue au gouvernement, indépendamment des élus africains et même, sans doute, des instances du RDA.

49Le débat est alors loin d'être clos mais il se déroule dans un nouveau contexte marqué par l'apparition de deux formations nouvelles face au RDA. Celui-ci demeure la principale force politique d'AOF et il sort vainqueur des élections territoriales organisées après le vote de la loi-cadre. En Côte d'Ivoire, le PDCI est le parti unique de fait et contrôle les 60 sièges de l'assemblée du territoire. La situation est comparable en Guinée et au Soudan où les sections locales ont écrasé leurs adversaires58. En revanche, il reste absent du Sénégal où émergent en janvier 1957 la Convention africaine (CAF) et le Mouvement socialiste africain (MSA). Ces deux nouvelles formations qui n'ont aucun lien organique avec des partis métropolitains se distinguent sur la question du refus, ou de l'adhésion au parti unique59. Ces regroupements interviennent en même temps que celui qui voit la création de l'Union générale des travailleurs d'Afrique noire (UGTAN) qui revendique « l'émancipation de l'Afrique noire française ».

50Vainqueur des élections territoriales, le RDA met la main sur quatre gouvernements sur huit en AOF. Au Niger, le MSA avec Bakary Djibo l'emporte. Au Sénégal, dominé par le Bloc démocratique sénégalais, Mamadou Dia accède à la vice-présidence du gouvernement. Le Dahomey est le théâtre de la seule expérience de gouvernement de coalition. Sans surprise, les élections au Grand Conseil voient la victoire du RDA et l'élection d'Houphouët à sa présidence. Pour autant, le leader ivoirien est bien décidé à brider au maximum les institutions fédérales. À l'évidence, pour les Africains, le centre de la vie politique a quitté le Palais Bourbon et Paris pour les capitales de l'AOF. De son côté, le haut-commissaire Gaston Cusin souhaite appliquer sans tarder les dispositions allant dans le sens de la territorialisation. Devant les huit gouverneurs et les huit vice-présidents des territoires, il affirme sans ambiguïté qu'il entend désormais se cantonner dans un rôle de coordination et de conseil et qu'il s'engage à réduire les effectifs des services fédéraux60.

51Le désengagement a une conséquence immédiate. Il transfert sur les budgets locaux les dépenses de fonctionnement de l'administration. Or, il s'agit d'une question très sensible car les gouvernements sont largement composés de fonctionnaires tout comme d'ailleurs les assemblées61. Il n'est pas possible d'aligner les salaires locaux sur ceux de métropole et il est donc décidé de trouver une solution à l'échelle de la Fédération en convoquant une réunion des ministres responsables à Dakar fin juillet 1957.

52Les Ivoiriens ne font pas le déplacement, arguant qu'ils avaient décidé d'augmenter de 20 % les salaires, mesure que les autres territoires ne peuvent suivre. En fait, malgré sa position de président du Grand Conseil de l'AOF, Houphouët s'engage à partir du printemps 1957 dans un boycott systématique des réunions interterritoriales62. Désormais, les égoïsmes territoriaux s'expriment ouvertement y compris dans la rue comme à Abidjan où se produisent en octobre 1958 des émeutes contre les Dahoméens, accusés d'accaparer les meilleurs postes au détriment des Ivoiriens.

53Le RDA ne peut sortir indemne de ces événements. Son congrès initialement prévu en octobre 1956 a été repoussé à l'année suivant. Il s'ouvre à Bamako dans une atmosphère électrique en présence de délégués de la CAF et du MSA et de personnalités métropolitaines de premier plan comme Pierre Mendès France, Edgar Faure et François Mitterrand. Les deux centrales syndicales africaines sont présentes elles aussi tout comme une délégation de la FEANF qui réclame immédiatement la « libération des peuples d'Afrique noire opprimée63 ». Prenant la parole devant le congrès Mendès France fait un constat que partage la majorité des participants : « Il est clair », déclare-t-il, « que vous voulez maintenant prendre vos responsabilités. La meilleure formule pour satisfaire ce vœu est le fédéralisme égalitaire conforme aux droits de l'homme64 ».

54Le consensus se fait a minima. Ainsi sur la question algérienne qui mobilise peu les Africains, la motion adoptée se contente de demander au gouvernement français « de traiter avec les représentants authentiques du peuple algérien afin de mettre un terme à cette lutte fratricide [...] pour bâtir une vaste communauté démocratique des peuples garantissant le respect de la personnalité algérienne ». À aucun moment, il n'est question de rupture et tous les participants souscrivent aux propos de Sékou Touré lorsqu'il déclare : « L'Afrique sans la France rencontrerait des difficultés insurmontables mais la France sans l'Afrique perdrait tout potentiel international65. »

55La question institutionnelle cristallise les oppositions. Pour Houphouët, il faut créer « Un grand État fédéral égalitaire doté d'un parlement et d'un gouvernement fédéral, composé d'États y compris la métropole elle-même ce qui suppose la révision du titre VIII de la constitution66. » Pour la majorité, l'option à prendre est celle que défend Sékou Touré : « La création de Républiques autonomes, elles-mêmes fédérées et dotées d'un exécutif formant une confédération67. » Derrière ces propos, il y a aussi, la possibilité pour cette fédération d'être totalement indépendante.

56Le congrès demande une révision des rapports entre l'outre-mer et la métropole, signifiant au passage que la loi-cadre est désormais dépassée et une révision constitutionnelle allant dans le sens des propositions de Sékou Touré. Houphouët se retrouve pour la première fois mis en minorité. Il demeure président du RDA mais le bouillant patron du PDG le met en garde dans son discours en déclarant « Félix Houphouët-Boigny reste notre président mais soutiendra au gouvernement non ses idées mais celles du RDA68 ».

57Le meilleur moyen pour faire prévaloir les vues du congrès et combattre la « balkanisation » est de s'engager dans un vaste regroupement de tous les partis africains, noyant ainsi le PDCI et son leader dans la masse. Il ne s'agit pas d'une idée neuve mais de la réactualisation d'une proposition émise lors de la réunion de Bamako en 1946. Comme le note Y. Benot, « la logique propre au mouvement national africain exigeait une organisation politique unifiée, donnant aux aspirations nationales dans leur ensemble leur expression et opposant au pouvoir colonial [.] la force de pression d'un pays tout entier69 ».

58Au début de 1958, le RDA n'est pas opposé à une telle stratégie à condition que ce soit lui qui absorbe les autres partis ce qui le condamne. Cependant, son initiative provoque un mouvement de regroupement parmi les autres formations d'AOF dans le PRA (Parti du regroupement africain), fruit de la fusion d'organisations fédérales (MSA et CAF) et territoriales70. L'AOF semble s'orienter vers un système bipartisan RDA-PRA. En réalité, cette simplification n'est qu'illusoire car dans ces deux mouvements, il existe des conflits qui la condamnent. Au sein du RDA, la crise éclate en avril 1958 lorsque Sékou Touré avec Doudou Thiam du PRA fait adopter par le Grand Conseil de l'AOF une motion appelant à créer d'urgence un exécutif fédéral. Cette motion est désavouée par l'Assemblée territoriale de Côte d'Ivoire où ne siègent que des élus du PDCI. Il y a bien une réconciliation en mai mais elle se fait autour d'un texte trop flou pour durer. Quant au PRA, il est victime dès sa naissance non seulement du cavalier seul de sa composante mauritanienne mais encore du conflit latent entre les modérés et les radicaux qui, comme le PAI sénégalais, se prononcent pour une indépendance rapide71.

59Le gouvernement est conscient que devant cette pression, il faut aller plus loin que la loi Defferre. Le 5 février, Félix Gaillard propose de faire examiner par une table ronde la réforme du titre VIII. Il n'est pas certain pour autant que son projet puisse satisfaire les Africains dans la mesure où il s'intègre dans une réforme plus vaste qui vise au renforcement de l'autorité gouvernementale. Cependant, il s'agissait par ce biais d'élargir la décentralisation au profit de l'Union française tout en donnant à Paris son véritable rôle de pouvoir fédérateur. Cette proposition vient trop tard. En effet, en accueillant Gérard Jacquet, ministre de la France d'outre-mer à Bamako début mars, Modibo Keita qui est pourtant secrétaire d'État dans le même gouvernement, déclare : « Nous sommes à l'heure des options. L'Afrique a choisi, la France hésite [...]. Si la France laissait échapper l'occasion de réaliser la communauté franco-africaine, l'Afrique inévitablement, s'engagera vers la seule voie libre compatible avec sa dignité, la voie de l'indépendance72. » À la veille de la chute de la IVe République, le paysage politique africain s'est organisé doublement de manière autonome. D'abord vis-à-vis des partis métropolitains. Le désapparentement du RDA en octobre 1950 est un premier pas vers l'autonomie. Significativement, même en restant dans le cadre des groupes parlementaires existant au Palais Bourbon, les députés africains votent souvent de manière unanime, dépassant des clivages partisans qui ne sont pas vraiment les leurs. Ensuite, du fait de la loi-cadre, le principal terrain de la bataille politique se trouve désormais en Afrique et non plus à Paris. Dans ces conditions, le changement introduit par l'arrivée au pouvoir de de Gaulle et la mise en place d'institutions nouvelles ne peuvent remettre en question une évolution qui semble irréversible.

La Communauté : vers l'indépendance ?

60Les événements du 13 mai 1958 provoquent d'abord l'inquiétude en AOF. Les députés africains qui se trouvent alors à Paris remettent une adresse au président René Coty, affirmant « leur attachement au régime républicains, aux libertés démocratiques et à la communauté franco-africaine, égalitaire et universelle ». À Dakar, un comité de défense des libertés démocratiques se constitue. Les Africains craignent alors que porté au pouvoir par les ultras de l'Algérie française, de Gaulle ne remette en cause ce qui est acquis depuis 1956. Il faut souligner que la question algérienne n'est pas leur préoccupation principale. Dès le 30 mai, les leaders du PRA annoncent qu'ils se rallieront au général si son programme comporte un élargissement de la loi-cadre73. La plupart des partis africains qui s'expriment alors donnent l'impression que la crise politique que traverse la métropole offre une occasion unique de faire avancer leurs revendications, de dépasser la loi Defferre. Sékou Touré déclare devant le congrès du PDG à Conakry le 7 juin que l'objectif doit être la création d'un État fédéral établi sur des bases contractuelles avec la France avec un gouvernement et un Parlement chargés des affaires communes74.

61Il faut saisir cette occasion au moment où le général de Gaulle annonce sa volonté de changer les institutions. La présence de Houphouët-Boigny avec rang de ministre d'État dans le gouvernement qu'il constitue est un gage d'ouverture. De plus, le président du RDA fait aussi partie du comité interministériel qui doit suivre les travaux du groupe d'experts chargé de préparer le texte de la future constitution. Le 18 juillet, l'ensemble des parlementaires africains est réuni au Palais Bourbon pour préparer un mémorandum commun à tous les partis. Houphouët est témoin de la division. « Sékou Touré dans le groupe RDA ne parlait déjà que d'indépendance pure et simple » alors que les élus du PRA « rivalisaient de surenchère entre eux75 ». Le comité consultatif s'était attaché un groupe de travail restreint qui comprenait Senghor, Lamine Guèye, G. Lisette et le malgache Tsiranana. Dans ses propositions figure la possibilité d'un statut indépendant pour les États au sein de la future Communauté. De Gaulle accepte cette idée le 8 août, en indiquant que bien que le mot indépendance ne figure pas dans le préambule du texte, l'autodétermination est bien dans son esprit. Pour le Général, l'alternative à l'association est ce qu'il appelle la sécession. Dans le texte que Michel Debré soumet au Conseil d'État à la fin du mois, la Communauté qui doit succéder à l'Union française est définie de manière floue comme une construction d'un type nouveau qui n'est ni une fédération ni une confédération mais un ensemble « qui se définit pour une part considérable par le passé commun de la France et de l'Afrique et, pour une autre part, par un effort pour constituer un ensemble destiné à forger une solidarité de tous les participants ». Il précise en outre que son avenir « sera fonction de l'autorité de la France et de l'intérêt qu'y prendront les divers participants76 ».

62De Gaulle entame à la fin août une vaste tournée d'explication en AOF, en AEF et à Madagascar. C'est à l'occasion de l'escale de Brazzaville qu'il prononce le mot indépendance qu'il répète au Sénégal quelques jours plus tard. Entre ces deux étapes, il y a celle de Conakry qui se révèle capitale. En déclarant qu'il votera non au référendum sur la constitution, Sékou Touré annonce la rupture avec la France, rupture largement aggravée par l'intransigeance de de Gaulle77.

63Le texte qui est soumis au référendum est peu innovant pour ce qui touche à l'outre-mer sauf sur un point, il est vrai capital, celui de l'indépendance. Mais les Africains n'en font pas la même lecture que de Gaulle. Sékou Touré est ainsi convaincu que la Guinée indépendante pourra signer des accords d'association analogues aux liens communautaires et que Paris continuera son aide administrative et financière78. Dans les autres territoires de l'AOF, on estime en revanche que l'autonomie est consolidée par le nouveau texte tout en soulignant qu'il maintient aussi la prédominance de la métropole. Les institutions de la Communauté ressemblent beaucoup à feue l'Union française même si de Gaulle voulait que le Conseil exécutif y joue un rôle plus important79.

64Le référendum accentue des fractures déjà visibles au sein des partis africains. Au Sénégal, Senghor ne tient pas compte des résolutions du congrès du PRA de Cotonou et appelle à voter Oui alors que Bakary Djibo à Niamey soutient le Non. Quant au RDA, il se désintègre mais en fait, il était déjà moribond depuis le congrès de 1957. Houphouët appelle à voter Oui comme les sections RDA du Niger, de la Haute-Volta et du Dahomey. Au Soudan, l'Union soudanaise fait le même choix mais pour des considérations tactiques. Le RDA en tant qu'organisation politique interterritoriale est bien mort tout comme la fédération d'AOF.

Conclusion

65Dans les mois qui suivirent, les sept derniers territoires décident de devenir des États membres de la Communauté. Tous adoptent des constitutions largement inspirées du modèle de la Ve République en optant cependant pour des assemblées législatives uniques et un chef de gouvernement doté de pouvoirs étendus. L'adoption de ces textes entre janvier et avril 1959 est suivie d'élections renouvelant les assemblées élues en 1956. En devenant des États, ils perdent le droit d'être représentés dans les assemblées métropolitaines mettant ainsi un terme à plus de vingt années de participation à la vie politique et parlementaire de la métropole. En AOF, même la compétition électorale change de dimension car la tendance au parti unique, inscrite depuis 1946 dans les esprits s'impose désormais au nom de la construction nationale et du développement économique. Les partis africains avaient bien été des acteurs du système partisan sous la IVe République mais des acteurs mineurs qui n'ont pesé que marginalement dans les combinaisons des formations politiques métropolitaines mais aussi dans les débats institutionnels et même politiques lorsque ceux-ci ne concernent pas directement l'Afrique noire. En revanche, ils jouent un rôle-clé dans l'application de la loi-cadre, en allant plus loin que ce que voulait Gaston Defferre puis dans le sabordage de la Communauté mais ils sont en même temps spectateurs, n'intervenant guère dans les grandes querelles qui divisent les partis français comme la CED et plus significativement encore sur l'Algérie. En fait, ils poursuivent longtemps le même but : l'autonomie dans un cadre fédéral avec la France avant l'indépendance et l'égalité. C'est autour de ces questions qu'ils se font et se défont, forgeant leur propre système partisan qui impose au nom d'une soi disant efficacité le regroupement qui préfigure le parti unique.

Notes de bas de page

1 Frank G. Snyder, One party government in Mali. Transition to ward control, New Haven, Yale University Press, 1965 ; A. Zolberg, One party government in the Ivory Coast, Princeton, Princeton University Press, 1964. Signalons aussi F. Zucarelli, Un parti politique africain. L'Union Progressiste Sénégalaise, Paris, LGDJ, 1970.

2 Ruth Schachter-Morgenthau, Political Parties in French speaking West Africa, Oxford, Clarendon Press, 1964. Traduction française, Le multipartisme en Afrique de l'Ouest francophone jusqu'aux indépendances. La période nationaliste, Paris, L'Harmattan, 1998. Ce remarquable travail avait été précédé par l'excellente étude du journaliste André Blanchet, L'itinéraire des partis africains depuis Bamako, Paris, Plon, 1958.

3 Joseph-Roger de Benoist, L'Afrique occidentale française de 1944 à 1960, Dakar, NEA, 1982.

4 T. Chafer, The end of Empire in French West Africa. France successfull decolonization ?, Oxford, New York, Berg, 2002.

5 Aucune communication ne leur est directement consacrée dans Charles-Roger Ageron (dir.), Les chemins de la décolonisation de l'empire français, 1936-1956, Paris, Éditions du CNRS, 1986. On en trouve deux dans Ch.-R. Ageron et Marc Michel (dir.), L'Afrique noire française : l'heure des indépendances, Paris, Éditions du CNRS, 1992. Dans les actes du colloque organisé à Dakar en juin 1995, une seule communication porte sur les partis, celle de Ch. Atlan, « Demain la balkanisation ? Les députés africains et le vote de la Loi-cadre (1956) » dans Ch. Becker, S. Mbaye et I. Thioub (dir.), AOF : réalités et héritages. Sociétés ouest-africaines et ordre colonial, 1895-1960, vol. I, Dakar, Direction des archives du Sénégal, 1997, volume 1, p. 358-375.

6 A.-Ch. Danioko, Contribution à l'étude des partis politiques au Mali de 1945 à 1960, thèse de 3e cycle, université Paris VII, 1984. Seule la première partie de la thèse de P. Campmas a été publiée, L'Union Soudanaise RDA. L'histoire d'un grand parti politique africain, tome I, 1946-1960, Abidjan, Libreville, Éditions Communication intercontinentale, sans date.

7 F. Cooper, Decolonization and African society. The labor question in French and British Africa, Cambridge, Cambridge University Press, 1996 et E. Schmidt, Mobilizing the masses. Gender, ethnicity and classes in the nationalist movement in Guinea, 1939-1958, Portsmouth, Heinemann, 2005. À noter, la parution en décembre 2006 d'un numéro de la revue Politique Africaine consacré aux Partis politiques d'Afrique. Retours sur un objet délaissé.

8 Sauf, encore une fois dans les quatre communes de plein exercice du Sénégal, Dakar, Rufisque, Saint Louis et Gorée.

9 Suivant la définition traditionnelle de J. Lapalombara et M. Weiner, « The origins and development of political parties », dans J. Lapalombara et M. Weiner (dir.), Political parties and political development, Princeton, Princeton University Press, 1966, p. 6.

10 O. Silla, « Les partis politiques au Sénégal », Revue Française d'Études Politiques Africaines, n° 28, avril 1968, p. 80.

11 Y. Person, « Le Front populaire au Sénégal », Le Mouvement Social, avril-juin 1979, n° 107, p. 86.

12 A. Conklin, A mission to civilize. The Republican idea of Empire in France and West Africa, 1895-1930, Stanford, Stanford University Press, 1997.

13 Frank G. Snyder, One party government in Mali, op. cit., p. 19.

14 Catherine Akpo et Vincent Joly, « Les élites africaines face à l'administration gaulliste (1943-1946) » dans Ch.-R. Ageron (dir.), Les chemins de la décolonisation de l'empire français, 1936-1956, Paris, CNRS, 1986, p. 482 et suiv.

15 Vincent Joly, Le Soudan français (1939-1945). Une colonie dans la deuxième guerre mondiale, Paris, Karthala, 2006.

16 Jean Suret-Canale, Les Groupes d'Études Communistes (GEC) en Afrique noire, Paris, L'Harmattan, p. 55.

17 Intronisé dans les années trente, il a fait allégeance au chef de Walebo. Ce n'est qu'en 1946 que pour honorer son grand-père maternel, il ajoute le nom de Boigny au sien. H. Memel-Fote, J.-P. Chauveau, « L'identité politique baule (Côte d'Ivoire) », Revue de la Bibliothèque Nationale, n° 34, p. 36.

18 Hubert Fréchou, « Les plantations européennes en Côte d'Ivoire », Cahiers d'Outre-Mer, 8, 1955, p. 56-83.

19 F. J. Amon d'Aby, La Côte d'Ivoire dans la cité africaine, Paris Larose, 1951, p. 48 et suiv.

20 J.-R. de Benoist, op. cit., p. 519.

21 Seul le Dahoméen Émile Zinsou-Derlin qui avait fait ses études en France entre les deux guerres, n'est pas un ancien de William Ponty.

22 Michel Devèze, La France d'outre-mer, de l'empire à l'Union française, Paris, Hachette, 1948, p. 274 et suiv.

23 « Déclaration du Président Houphouët-Boigny au colloque sur l'histoire du RDA », Revue de l'Institut Africain de Recherches Historiques et Politiques, n° 3, décembre 1987, p. 11.

24 Pierre Kipré, Le congrès de Bamako ou la naissance du RDA, Paris, Chaka Éditions, 1989, p. 141.

25 Pierre Kipré, op. cit., p. 178.

26 Marc Michel, « L'Empire colonial dans les débats parlementaires » dans Serge Berstein et Pierre Milza (dir.), L'Année 1947, Paris, Presses de Sciences Po, 2000, p. 205.

27 Ch.-R. Ageron, « L'opinion publique face aux problèmes de l'Union Française » dans Ch.-R. Ageron (dir.), Les chemins de la décolonisation de l'empire français, 1936-1956, Paris, CNRS, 1986, p. 37.

28 Sur toutes ces questions, F. Cooper, Decolonization and African society. The labor question in French and British Africa, Cambridge, Cambridge University Press, 1998.

29 J.-N. Locou, La vie politique en Côte d'Ivoire de 1932 à 1952, Thèse 3e cycle d'histoire, 2 vol., université de Provence, 1976.

30 Le meilleur récit du désapparentement du RDA se trouve dans P.-H. Siriex, Houphouët-Boigny ou la sagesse africaine, Abidjan, Paris, NEA, Nathan, 1986, p. 117-145. Siriex a participé aux négociations.

31 J.-R. de Benoist, op. cit., p. 119-120.

32 Ibidem, p. 124.

33 Vincent Auriol, Journal du septennat, 1951, tome V, Paris, Colin, 1975, p. 250.

34 Jean-Pierre Rioux, La France de la quatrième République, L'expansion et l'impuissance, 1952-1958, Paris, Seuil, 1983, p. 9.

35 Ch. Diané, La FEANF et les grandes heures du mouvement syndical étudiant noir, Paris, Chaka Éditions, 1989, p. 43.

36 M. Diop, « L'unique issue : l'indépendance totale. La seule voie : un large mouvement d'union anti-impérialiste », Présence Africaine, n° 14, décembre 1953, p. 161.

37 Évoquant ces années lors du colloque de 1986, Houphouët parla de « traversée du désert ».

38 L'Année Politique, 1954, Paris, PUF, 1955, p. 252. Seuls les républicains sociaux ont voté contre. La résistance ne désarme pas pour autant du côté colonial. Le Conseil de la République manifeste clairement son hostilité au collège unique en mars 1955 mais les députés maintiennent leur point de vue lors de la seconde lecture en juillet.

39 L'Année Politique, 1955, Paris, PUF, 1956, p. 174.

40 Ibidem, p. 197.

41 Ibid., p. 45.

42 La dissolution intervint avant que cette mesure ne soit appliquée.

43 P. F. Gonidec, L'évolution des territoires d'outre-mer depuis 1946, Paris, LGDJ, 1958, p. 6-7.

44 A.-Ch. Danioko, « Les partis politiques au Mali, 1945-1960 », Groupe Afrique Noire, Cahier n° 7, 1984, p. 104-105.

45 Cl. Fluchard, Le PPN/RDA et la décolonisation du Niger, 1946-1960, Paris, L'Harmattan, 1995, p. 161.

46 P. Manning, Slavery, colonialism and economic growth in Dahomey, 1640-1960, Cambridge, Cambridge University Press, 1982, p. 278.

47 Ruth Schachter-Morgenthau, Le multipartisme en Afrique de l'ouest francophone jusqu'aux indépendances, Paris, L'Harmattan, 1998, p. 251.

48 Cité par Jean Suret-Canale, « La fin de la chefferie en Guinée » dans Essais d'histoire africaine. De la traite des Noirs au néocolonialisme, Paris, Éditions Sociales, 1980, p. 210.

49 Philippe Dewitte, « La CGT et les syndicats d'Afrique occidentale française », Le Mouvement Social, n° 117, 1981, p. 18.

50 L'Année politique, 1956, Paris, PUF, 1957, p. 185.

51 Ibidem, p. 64.

52 Catherine Atlan, « Demain la balkanisation ? Les députés africains et le vote de la loi-cadre (1956) », dans Ch. Becker, S. Mbaye, I. Thioub (dir.), AOF : réalités et héritages. Sociétés ouest-africaines et ordre colonial, 1895-1960, Dakar, Direction des archives du Sénégal, 1997, p. 361.

53 Y. Benot, Les députés africains au Palais Bourbon de 1914 à 1958, Paris, Éditions Chaka, 1989, p. 144.

54 L'Année Politique, 1956, op. cit., p. 225.

55 Cité par Georgette Elgey, La République des tourmentes, 1954-1958, tome 1, Paris, Fayard, 1992, p. 538.

56 Ch. Atlan, « art. cit. », p. 367.

57 « Déclaration du Président Houphouët-Boigny au colloque sur l'histoire du RDA », Revue de l'Institut Africain de Recherches Historiques et Politiques, n° 9, décembre 1987, p. 13.

58 Le PDG remporte 56 des 60 sièges de l'assemblée en Guinée et l'US-RDA, 64 sur 70 au Soudan.

59 L'Année Politique, 1957, Paris, PUF, 1958, p. 221. Le MSA y est opposé alors que la CAF y est favorable.

60 Ibidem, p. 228.

61 J.-L. Seurin, « Élites sociales et partis politiques d'AOF », Annales Africaines, 1958, p. 154.

62 T. Chafer, op. cit., p. 170.

63 A. Blanchet, L'itinéraire des partis politiques africains depuis Bamako, Paris, Plon, 1958.

64 L'Année politique, 1957, op. cit., p. 253 et suiv.

65 Ibidem.

66 Ibid.., p. 254.

67 Ibid.

68 Ibid.

69 Y. Benot, Idéologies des indépendances africaines, Paris, Maspéro, 1975 (2e éd.), p. 308.

70 J.-R. de Benoist, L'Afrique occidentale Française de 1944 à 1960, op. cit., p. 358 et suiv.

71 L'Année Politique, 1958, Paris, PUF, 1959, p. 260. PAI : Parti de l'indépendance africaine.

72 Ibidem, p. 258.

73 L'Année Politique, 1958, Paris, PUF, 1959, p. 269.

74 Ibidem, p. 274.

75 P.-H. Siriex, Houphouët-Boigny ou la sagesse africaine, op. cit., p. 175.

76 Cité par J.-R. de Benoist, L'Afrique Occidentale Française de 1944 à 1960, op. cit., p. 415.

77 Sur cette affaire très connue, outre le récit qu'en fait Jean Lacouture dans De Gaulle, Le politique, Paris, Seuil, 1985, p. 579 et suiv. ainsi que celui de Pierre Messmer, alors haut commissaire à Dakar dans, Les Blancs s'en vont. Récits de décolonisation, Paris, Albin Michel, 1998, p. 146 et suiv. L. Kaba se penche sur la décision de Sékou Touré du côté guinéen dans Le « Non » de la Guinée à de Gaulle, Paris, Éditions Chaka, 1989.

78 L. Kaba, op. cit., p. 162.

79 P. Isoart, « Le Conseil exécutif de la Communauté » dans Charles-Robert Ageron et Marc Michel (dir.), L'Afrique noire française : l'heure des indépendances, Paris, CNRS Éditions, 1992, p. 214.

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