L’homicide conjugal : questions de prévention ?
p. 309-319
Texte intégral
1L’homicide conjugal est un homicide intrafamilial commis sur un partenaire ou ex-partenaire de vie intime (mariage, concubinage, PACS ou simple relation amoureuse). L’expression de « crime passionnel » est fréquemment utilisée en France de manière un peu réductrice pour désigner l’homicide conjugal. Il existe également dans la littérature des termes plus spécifiques tels que « l’uxoricide » qui désigne l’homicide de la conjointe et « le maricide » qui désigne l’homicide du conjoint1.
2Ce type de passage à l’acte est peu à peu pris en compte par les programmes de prévention en France, mais reste considéré comme exceptionnel en regard de la violence conjugale. Il s’agit d’un geste criminel dont les femmes sont les principales victimes et qui ne peut être entièrement dissocié de la violence conjugale, car le geste fatal est souvent l’apogée d’une violence régulière2.
3Des femmes sont également retrouvées parmi les auteurs d’homicide conjugal. Leur profil, difficile à mettre en évidence en raison de leur nombre restreint, a fait l’objet de récentes études.
4Les données présentées ici sont issues de la littérature internationale criminologique et de nos propres travaux de recherche menés sur la cour d’appel de Poitiers, étudiant les dossiers jugés en cour d’assises pour homicide ou tentative d’homicide conjugal sur une période de 12 ans.
Épidémiologie
5Les données statistiques concernant les homicides de manière générale sont similaires dans la plupart des pays industrialisés, avec un taux faible variant de 1 à 5 cas pour 100 000 habitants par an3.
6En France, en 2013, l’étude nationale sur les morts violentes au sein du couple, recense 146 personnes victimes d’homicide conjugal, ce qui représente 19,36 % des homicides commis sur le territoire national. Il ressort de cette étude qu’un homicide est commis tous les deux jours et demi au sein des couples, avec une majorité de victimes féminines (82,8 %). Les couples concernés étaient quasi exclusivement hétérosexuels. Ces chiffres sont probablement sous-estimés car cette étude ne comptabilise que les couples officiels (mariés, concubins ou PACSés)4.
7Les données sont comparables au Canada, avec en 2009, un taux d’homicide conjugal représentant 16 % des homicides élucidés et près de la moitié des homicides intrafamiliaux5.
Qualification pénale
8L’homicide conjugal est un crime que l’on retrouve sous plusieurs qualifications pénales :
Le meurtre : le fait de donner volontairement la mort à autrui est puni de 15 ans de réclusion criminelle (art. 221-1 du Code pénal). Cette qualification est la plus fréquente, elle est retrouvée dans 71,2 % des cas en 2013.
L’assassinat : le meurtre avec préméditation est puni de la réclusion criminelle à perpétuité (art. 221-3 du Code pénal). Cette qualification n’est pas rare et concerne 26 % des cas en 20136.
Les violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner : ce crime est puni de 15 ans de réclusion criminelle (art. 222-7 du Code pénal). Seuls 2,7 % des cas ont été jugés sous cette qualification en 2013.
L’empoisonnement (art. 221-5 du Code pénal). Aucun cas d’empoisonnement n’est recensé en 2013.
9L’absence de préméditation est une caractéristique importante de l’homicide conjugal. Pour rappel, toute tentative de crime est jugée comme le crime lui-même et puni des mêmes peines.
10Depuis 1994, année de mise en place du nouveau Code pénal, le fait d’être le conjoint ou concubin de la victime est une circonstance aggravante qui s’applique à toutes les infractions citées ci-dessus. La loi no 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple y ajoute les partenaires unis par un pacte civil de solidarité. Cette loi a également modifié l’article 132-80 du Code pénal, en ajoutant l’alinéa 2 qui étend les circonstances aggravantes aux « ex » conjoints, concubins ou pacsés, si l’infraction est commise « en raison des relations ayant existé entre l’auteur des faits et la victime ». Aucune notion de durée n’est précisée dans la définition d’« ex ». Ainsi, l’existence de cette circonstance aggravante alourdit automatiquement la peine encourue par l’auteur.
Profil du passage à l’acte homicidaire au sein du couple
Profil sociodémographique
11L’homicide conjugal est un acte avant tout masculin. Au Canada, le taux d’homicide est plus élevé chez les personnes entre 15 et 24 ans, avec une décroissance à mesure que l’âge augmente7. En France, les statistiques de 2013 montrent, comme les années précédentes, qu’auteurs comme victimes sont d’âge moyen, entre 30 et 60 ans et qu’il existe dans 15,7 % des cas un écart d’âge important (plus de dix ans) entre auteur et victime. Ils sont en majorité en couple au moment des faits, avec une proportion plus élevée de couples mariés. Seuls 13 % des couples étaient officiellement séparés au moment des faits8. Lorsqu’ils travaillent, auteurs et victimes appartiennent fréquemment aux mêmes catégories socioprofessionnelles, souvent les moins favorisées (employés, ouvriers). Cependant, plus de la moitié d’entre eux sont en inactivité (chômeurs, retraités, en invalidité). L’isolement, la précarité sociale et l’addiction à l’alcool sont par ailleurs des caractéristiques prépondérantes9.
Antécédents criminologiques et psychopathologiques
12Plus de la moitié des auteurs présentent un passé criminel, des condamnations judiciaires antérieures. Celles-ci concernent en général des atteintes aux biens, aux personnes, des trafics de drogue et des conduites en état d’ivresse. Les antécédents de violence physique sur conjoint concernent 45 à 70 % des hommes auteurs selon les études. Contrairement aux autres types d’infractions, la littérature internationale fait état d’un risque de récidive rare dans l’homicide conjugal, voire exceptionnel10.
13La maladie mentale est peu représentée parmi les auteurs et les victimes d’homicide conjugal, même si spontanément cet acte est souvent mis en relation avec la « folie ». Il touche la sphère familiale, milieu habituellement perçu comme rassurant, étayant. Le geste criminel fait effraction dans la vie intime et anéantit la famille, ce qui le rend d’autant plus inexplicable aux yeux d’autrui. Toutefois, en 2008 au Québec, seulement 2,2 % des hommes et 11,8 % des femmes auteurs d’homicide conjugal ont été reconnus non criminellement responsables en raison d’un trouble mental11. En France, ils étaient 1 % en 2010 et il n’y en avait aucun en 201312. Lorsque la maladie mentale est présente, la dimension dépressive est majoritaire avec parfois des idéations suicidaires. La psychose est exceptionnelle dans ce type d’homicide intrafamilial, contrairement aux parricides par exemple13. Il est par contre beaucoup plus courant de rencontrer des troubles de la personnalité ou des traits de celle-ci, notamment narcissique, paranoïaque et borderline. De plus, quasiment tous les auteurs partagent une ou plusieurs des caractéristiques suivantes : immaturité affective, impulsivité, défaillances narcissiques, dépendance et carences affectives et/ou éducatives14.
14L’addiction à l’alcool touche près de la moitié des hommes auteurs et est une variable significativement liée à la violence conjugale physique. Son action désinhibitrice favorise les conflits, la violence et accroît la susceptibilité des individus, pouvant précipiter un passage à l’acte criminel. L’alcool est par contre peu utilisé en aigu dans un objectif de facilitation du crime lorsque celui-ci est prémédité. Les substances stupéfiantes sont quant à elles davantage impliquées dans d’autres formes de délinquance comme le vol par exemple15.
Le crime, ses motivations et ses conséquences
15À l’heure du passage à l’acte, le meurtrier est mobilisé par des sentiments puissants, obnubilé par le moment présent et animé d’une motivation liée aux différents facteurs déclencheurs. Il est alors incapable de prévoir les conséquences à long terme du crime qu’il est sur le point de commettre16.
16La principale motivation à l’origine de la majorité des homicides conjugaux est la possession de la compagne associée à la jalousie, bien souvent excessive, dans un contexte de séparation ou de désir d’indépendance de la victime. L’acte meurtrier est commis lorsque l’homme se rend à l’évidence que la séparation est irrémédiable, pour se venger de l’abandon ressenti, pour empêcher la femme d’être avec une autre personne. L’homicide est alors une réaction à la « dépossession », où l’amour laisse place à la haine. La compagne est assimilée à un objet qu’il désire être tout à lui17.
17La vengeance et la querelle sont les motivations suivantes, le plus souvent dans un contexte où la violence et la consommation d’alcool sont courantes18.
18La légitime défense est peu fréquente, retrouvée dans seulement 3 % des cas au Canada19. D’autres raisons sont plus rares et constituent des cas particuliers, tels que l’accident, la suppression du conjoint gênant et l’euthanasie.
19La séparation du couple (établie ou simplement suggérée) est donc l’élément déclencheur d’un passage à l’acte homicide le plus fréquemment rencontré. Elle concerne plus de la moitié des auteurs masculins20. Les études montrent que la période qui précède ou suit une séparation est à haut risque de létalité, particulièrement les deux à trois premiers mois21. Pendant ces périodes critiques, une attention spécifique doit être portée aux menaces verbales de mort ou de suicide22.
20L’homicide conjugal se déroule surtout la nuit, au domicile conjugal ou de celui de la victime23, la plupart du temps de manière impulsive. La complicité est rare et la préméditation peu fréquente. En ce qui concerne l’acte meurtrier, nous remarquons l’utilisation d’une violence excessive dans un grand nombre de cas, c’est-à-dire que l’auteur a donné plus de deux coups par arme blanche ou arme à feu, ou a porté de multiples coups à mains nues sur la victime24. Les armes blanches ou les violences à mains nues sont les plus employées, viennent ensuite les armes à feu, les objets contondants et autres modes opératoires. Parmi les armes blanches, quasiment les trois quarts sont des couteaux de cuisine. De même, parmi les armes à feu, les fusils de chasse représentent 71 % des cas. Il s’agit d’armes d’opportunités, que l’on retrouve fréquemment dans les foyers. La violence est majoritairement portée sur la partie supérieure du corps25.
21Dans la phase post-criminelle, 36,99 % des auteurs se sont suicidés en France en 2013 et 4,11 % ont tenté de le faire. Dans ce cas, les auteurs sont essentiellement masculins26. Les tentatives de suicide sont généralement mineures, sans réelle mise en danger de la personne. Après le crime, plus de la moitié des auteurs restent sur les lieux, cependant un nombre plus faible se dénonce spontanément. Le corps de la victime est d’ordinaire retrouvé en moins de 24 heures, les cas de disparition étant rares. Les auteurs sont en moyenne condamnés à des peines de 15 ans de réclusion criminelle. Ils posent peu de difficulté en détention27.
Caractéristiques propres aux femmes victimes
22Comme nous avons pu le voir précédemment, les femmes sont majoritairement victimes des homicides au sein du couple. Pour une femme, il existe un risque neuf fois plus élevé de mourir à son domicile, des mains de son conjoint que d’être tuée par un étranger28.
23En général, les informations concernant les victimes sont peu nombreuses dans les dossiers judiciaires. L’enquête et le procès judiciaire sont essentiellement centrés sur l’auteur des faits et le geste criminel. La victime est bien sûr considérée, car elle est la raison même de l’accusation, mais on relate peu son histoire et sa place au sein du couple. Or, comme le faisait remarquer E. De Greeff, la femme victime « n’est pas une femme quelconque, mais un être en rapport avec la personnalité de l’homme […], la nature des liens qui les attachent l’un à l’autre sera elle-même une expression de cette personnalité29 ».
24Les femmes victimes d’homicide conjugal sont en général plus jeunes que les auteurs. Comme eux, plus de la moitié d’entre elles n’ont pas d’activité professionnelle au moment des faits (sans emploi, retraitées ou mère au foyer), malgré un niveau scolaire légèrement supérieur. Cette situation semble être à l’origine d’un repli sur soi, d’un isolement avec des relations sociales pauvres30.
25Campbell, aux États-Unis, montre que 64 % des femmes victimes avaient été physiquement violentées avant leur meurtre31. En revanche, R. Boisvert indique qu’à Montréal, 30 % des femmes tuées par leur conjoint avaient été victimes de violences antérieures32. L’étude nationale des morts violentes au sein des couples en France, montre en 2013, des statistiques similaires à celles de Montréal33. Une certaine prudence s’impose devant ces chiffres, car ils ne tiennent compte que des cas de violence antérieure ayant fait l’objet d’un signalement aux forces de l’ordre. Or, beaucoup de cas de violence domestique ne sont pas dénoncés par les victimes pour de multiples raisons (protection du conjoint, peur de représailles, dépendance financière, dépendance affective…). L’étude menée sur la Cour d’Appel de Poitiers en 2010 retrouve mention dans les dossiers judiciaires de violences conjugales antérieures pour 67,6 % des victimes, les violences physiques et psychologiques étant les plus représentées. Or, seules 16 % d’entre elles avaient auparavant déposé une plainte auprès des services de police ou de gendarmerie34.
26Cependant, les femmes ne sont pas toujours les victimes de la violence conjugale, elles en sont parfois les instigatrices, les auteurs. Dix pour cent des femmes victimes en France, en 2013, étaient auteurs de faits de violence conjugale antérieurs. Le motif spécifique de passage à l’acte, dans ce cas, n’est pas mentionné35.
27La remise en cause du lien conjugal par les femmes est le motif principal de passage à l’acte des hommes36. Que la séparation soit envisagée ou non par la compagne, le simple fait qu’elle s’éloigne de son conjoint est une situation intolérable pour lui, pour qui le maintien de ce lien est un enjeu vital. De manière générale, toute tentative d’indépendance de la part de la compagne ou de résistance à la domination, peut engendrer une réaction violente de l’homme, qui vit cette situation comme une « dépossession », une perte de maîtrise, une humiliation ou une perte d’estime de soi. La jalousie se majore envers la compagne, avec une interprétation morbide des gestes et des propos. Au cours d’une querelle, la moindre contrariété ou frustration entre les deux partenaires, un détail ressenti comme une provocation, peuvent être l’amorce de la montée de la colère ou de la violence jusqu’au meurtre37. Lorsque la femme réaffirme, devant l’insistance de son compagnon, son désir de séparation, le risque de passage à l’acte meurtrier augmente. Son but est d’éviter le départ de la victime, l’auteur étant poussé par un mélange de sentiments de colère, de vengeance, d’abandon, d’humiliation ou de solitude38.
Caractéristiques propres aux femmes auteurs
28M. Cusson met en évidence en 2003 au Québec que 15,5 % des homicides entre partenaires sont commis par des femmes. Ce pourcentage est supérieur à celui que l’on retrouve dans les autres types d’homicide, qui est de 10,6 %39. Le résultat est similaire en France en 2013, avec 16,4 % de femmes auteurs d’homicide conjugal. Leur nombre reste cependant faible, rendant difficile l’établissement d’un profil fiable. Parmi ces femmes, 37,5 % avaient été victimes de violences de la part de leur partenaire40. Aux États-Unis, des épisodes antérieurs de violence conjugale sont notés dans trois quarts des homicides conjugaux commis par des femmes. Pourtant, Campbell estime que moins de 1 % des femmes battues tuent leur partenaire41.
29Les femmes auteurs sont plus souvent mariées au moment du passage à l’acte. En ce qui concerne leur mode opératoire, elles utilisent plus volontiers des armes blanches, souvent synonymes d’arme d’opportunité, alors que les hommes utilisent tout autant les armes à feu. La séparation est une variable qui est peu retrouvée pour expliquer les passages à l’acte des femmes. La dispute est le motif le plus fréquent, viennent ensuite les violences subies42. Selon R. Boisvert, « les hommes tuent parce qu’ils refusent que leur femme leur échappe, alors que les femmes tuent pour échapper à leur conjoint43 ». De nombreux gestes criminels seraient donc motivés par la légitime défense au terme d’un ultime conflit, ou par la vengeance chez une femme victime de coups répétés et craignant pour sa vie44. La peur d’être tuée est l’un des symptômes du syndrome de la femme battue (SFB), état pathologique de dépendance et d’impuissance qui traduit un état de stress post-traumatique dû à la violence conjugale subie sur une longue période45. La dernière étude canadienne publiée sur le profil des femmes qui tuent leur conjoint va à l’encontre de cette théorie. Seule 28 % de leur population était auparavant victime de violences de la part de leur partenaire. Ces résultats remettent en cause l’idée que la femme tue par légitime défense. Dans la plupart des cas, aucun signe avant-coureur du crime n’a pu être démontré46.
30À l’inverse, 30 % des hommes tués par leur femme en France en 2013 étaient victimes de violences conjugales, surtout physiques47. Cette situation est moins connue, la violence subie par les hommes étant plus rarement recherchée et évoquée publiquement. La honte explique probablement le peu de plainte de la part des hommes.
Situations à risque d’homicide conjugal et prévention
31Il serait illusoire de penser pouvoir éviter tous les homicides conjugaux. Néanmoins, la connaissance des facteurs prédictifs de passage à l’acte et des circonstances les plus fréquemment rencontrées dans les études permet de cibler de façon plus juste les mesures de prévention. Il apparaît ainsi que les actions préventives doivent s’attacher en priorité aux situations de violence conjugale, quelle que soit leur forme, et aux situations de séparation conjugale.
32Il ressort de la littérature internationale et des statistiques territoriales qu’il est indispensable d’être particulièrement attentif aux situations suivantes :
la séparation du couple, d’autant plus si celle-ci est conflictuelle et non acceptée par le partenaire, notamment la période précédant la séparation puis au cours des trois premiers mois ;
un mouvement d’indépendance de la compagne qui manifeste brutalement le besoin d’avoir une vie sociale ou professionnelle en dehors du foyer ;
l’accroissement des conflits et de la violence au sein du couple (en fréquence et en gravité) ;
la recherche de contrôle et de domination du partenaire, plus ou moins associée à une jalousie excessive ;
la consommation chronique d’alcool, rendant la personne plus irritable et susceptible ;
la présence de difficultés financières ;
la présence d’une arme à feu au domicile ;
l’expression de menaces de mort ou d’idées d’homicide-suicide ;
l’expression de menaces suicidaires ou la présence d’idéations suicidaires latentes ;
les antécédents de tentative d’homicide.
33Tous les professionnels amenés à rencontrer des victimes, des membres d’un couple en difficulté doivent pouvoir être formés au repérage de ces situations à risque létal. La prévention de l’homicide conjugal est pluridisciplinaire, les intervenants appartiennent à divers milieux professionnels :
la santé : médecins, infirmiers, psychologues et toute autre profession paramédicale ;
la justice : forces de l’ordre, magistrats…
le milieu social et éducatif : assistantes sociales, éducateurs, associations d’aide aux victimes, centres d’hébergement d’urgence…
34Comme pour la violence conjugale, une campagne d’information destinée au grand public pourrait également s’avérer bénéfique. Les passages à l’acte homicide sont parfois précédés de menaces verbales ou physiques. En étant informées des situations à risque exposées précédemment, les victimes potentielles pourraient alors adopter un comportement visant à se protéger d’un passage à l’acte, notamment dans un contexte de séparation. Ces mesures peuvent par exemple consister à :
informer leur entourage proche d’un sentiment de peur, d’une situation préoccupante ;
signaler aux autorités une situation de danger ou d’insécurité ;
ne pas rester au domicile conjugal seul(e) avec le conjoint ou quitter le domicile si le danger semble important ;
retirer les armes à feu du domicile conjugal : les confier à des proches ou les faire saisir par les autorités ;
lors de conflits, ne pas chercher à s’affirmer, à prendre le dessus ; ce type de comportement peut être interprété comme une injure, une humiliation ;
s’abstenir de propos blessants, dévalorisants ou humiliants ;
prévoir des rencontres avec l’ex-conjoint sur des temps brefs et dans des lieux publics ;
éluder toute question concernant un nouveau mode de vie.
*
35L’homicide conjugal est un crime qui est régulièrement mis en lumière par les médias, un geste qui choque, car il est difficilement compréhensible de porter atteinte à l’intégrité d’un proche. Il est principalement commis par des hommes dans un désir de possession et de contrôle de la partenaire. La violence conjugale et la séparation du couple sont les deux circonstances majeures expliquant le passage à l’acte criminel sur les femmes, associées à une consommation excessive d’alcool et la présence de conflits. En ce qui concerne les femmes auteurs, dont la moitié environ aurait été victime de violences antérieures, il est plus difficile de connaître les raisons de leur geste, qui semble toutefois avoir souvent lieu au cours d’un conflit ou être expliqué par les violences subies. Le processus criminel est cependant d’origine multifactorielle, influencé par la personnalité des partenaires, les facteurs environnementaux et une relation de couple particulière à un moment donné de la vie de chacun. Ceci rend le risque de récidive faible, il est rare pour l’auteur de se retrouver à nouveau confronté aux circonstances qui l’avaient amené au crime.
36La prévention passe bien sûr en partie par la prévention de la violence conjugale, mais pas seulement. Il est essentiel de tenir compte des facteurs de risque spécifiques de l’homicide conjugal et pour cela d’être sensibilisé au repérage des situations à risque létal. L’information du public et des différents professionnels est donc fondamentale dans ce domaine, tout comme la poursuite de recherches approfondies.
Notes de bas de page
1 F. Millaud, J. Marleau, F. Proulx et J. Brault, « Violence homicide intra-familiale », Psychiatrie et violence, 8, 1, 2008.
2 M. Cusson et J. Marleau, « Les homicides familiaux : approche comparative et prévention », Revue internationale de criminologie et de police technique et scientifique, 14, 2006, p. 265-276.
3 J. Dubreucq, C. Joyal et F. Millaud, « Risque de violence et troubles mentaux graves », Annales médico-psychologiques, 163, 2005, p. 852-865.
4 Délégation aux victimes, a. v., Étude nationale sur les morts au sein du couple, Paris, ministère de l’Intérieur, 2013.
5 Statistique, La violence familiale au Canada : un profil statistique, 2011.
6 Délégation aux victimes, a. v., Étude nationale sur les morts au sein du couple, Paris, ministère de l’Intérieur, 2013.
7 Statistique, La violence familiale au Canada : un profil statistique, 2011.
8 Délégation aux victimes, a. v., Étude nationale sur les morts au sein du couple, Paris, ministère de l’Intérieur, 2013.
9 Ibid. ; A. Delbreil, Homicide conjugal : Profil de l’auteur et facteurs prédictifs de passage à l’acte, thèse de médecine spécialité psychiatrie, sous la direction de J. L Senon et M. Voyer, université de Poitiers, 2011.
10 H. Belfrage et M. Rying, « Characteristics of spousal homicide perpetrators: a study of all cases of spousal homicide in Sweden 1990-1999 », Criminal behaviour and mental health, 14, 2, 2004, p. 121-133; A. Delbreil, op. cit.
11 S. Léveillée et J. Lefebvre, Étude des homicides intra-familiaux commis par des personnes souffrant d’un trouble mental, Rapport de recherche, ministère de la Santé et des Services sociaux et ministère de la Sécurité publique, gouvernement de Québec, 2008.
12 Délégation aux victimes, a. v., Étude nationale sur les morts au sein du couple, Paris, ministère de l’Intérieur, 2013.
13 R. Farooque, R. Stout et F. Ernst, « Heterosexual intimate partner homicide : review of ten years of clinical experience », J Forensic Sci, 50, 3, 2005, p. 648-641.
14 A. Delbreil, op. cit.
15 Ibid. ; M. Cusson et R. Boisvert, « L’homicide conjugal à Montréal, ses raisons, ses conditions et son déroulement », Criminologie, 27, 2, 1994, p. 165-183.
16 M. Cusson, N. Beaulieu et F. Cusson, « Les homicides », dans M. L. Blanc, M. Ouimet et D. Szabo (dir.), Traité de criminologie empirique, Montréal, Les Presses de l’université de Montréal, 2003.
17 Délégation aux victimes, a. v., Étude nationale sur les morts au sein du couple, Paris, ministère de l’Intérieur, 2013 ; Statistique, La violence familiale au Canada : un profil statistique, 2011 ; L. Martins Borges et S. Léveillée, « L’homicide conjugal commis au Québec : observations préliminaires des différences selon le sexe des agresseurs », Pratiques Psychologiques, 11, 2005, p. 47-54, et A. Delbreil, op. cit.
18 M. Cusson et R. Boisvert, « L’homicide conjugal à Montréal, ses raisons, ses conditions et son déroulement », art. cit., et A. Delbreil, op. cit.
19 M. Cusson et R. Boisvert, ibid.
20 A. Delbreil, op. cit.
21 M. Wilson et M. Daly, « Spousal homicide Risk and Estrangement », Violence and victims, 8, 1, 1993, p. 3-16, et A. Delbreil, op. cit.
22 H. Belfrage et M. Rying, art. cit.
23 Ibid.
24 D. Dutton et G. Kerry, « Modus operandi and personnality disorder in incarcerated spousal killers », International Journal of Law and Psychiatry, 22, 3-4, 1999, p. 287-299.
25 A. Delbreil, op. cit.
26 Délégation aux victimes, a. v., Étude nationale sur les morts au sein du couple, Paris, ministère de l’Intérieur, 2013.
27 A. Delbreil, op. cit.
28 M. Wilson et M. Daly, art. cit.
29 E. de Greeff, Amour et crimes d’amour, Bruxelles, Dessart, 1942.
30 Délégation, a. v., Étude nationale sur les morts au sein du couple, Paris, ministère de l’Intérieur, 2013 ; A. Delbreil, op. cit.
31 J. Campbell, « Assessing dangerousness in domestic violence cases: history, challenges and opportunities », Criminologie Public Policy, 4, 4, 2005, p. 653-673.
32 R. Boisvert et M. Cusson, « Homicides et autres violences conjugales », dans J. Proulx, M. Cusson, et M. Ouimet (dir.), Les violences criminelles, Les Presses de l’université de Laval, 1999, p. 77-90.
33 Délégation, a. v., Étude nationale sur les morts au sein du couple, Paris, ministère de l’Intérieur, 2013.
34 A. Delbreil, op. cit.
35 Délégation aux victimes, a. v., Étude nationale sur les morts au sein du couple, Paris, ministère de l’Intérieur, 2013.
36 M. Cusson et R. Boisvert, « L’homicide conjugal à Montréal, ses raisons, ses conditions et son déroulement », art. cit.
37 R. Coutanceau, Amour et violence : le défi de l’intimité, Paris, Odile Jacob, 2006.
38 A. Delbreil, op. cit.
39 M. Cusson, N. Beaulieu et F. Cusson, « Les homicides », art. cit.
40 Délégation aux victimes, a. v., Étude nationale sur les morts au sein du couple, Paris, ministère de l’Intérieur, 2013.
41 J. Campbell, P. Sharps et N. Glass, « Risk assessment for intimate partner homicide », dans G. Pinard et L. Pagani (dir.), Clinical assessment of dangerousness, Cambridge, Cambridge University Press, 2000, p. 136-157 ; S. Frigon et L. Viau, « Les femmes condamnées pour homicide et l’examen de la légitime défense (Rapport Ratushny) : portée juridique et sociale », Criminologie, 33, 1, 2000, p. 97-119.
42 Délégation aux victimes, a. v., Étude nationale sur les morts au sein du couple, Paris, ministère de l’Intérieur, 2013.
43 R. Boisvert, « Éléments d’explication sociale de l’uxoricide », Criminologie, 29, 2, 1996, p. 73-87.
44 L. Williams, « Failure to pursue indications of spousal abuse could lead to tragedy, physicians warned », Can Med Assoc J, 152, 9, 1995, p. 1488-1491.
45 S. Frigon et L. Viau, art. cit.
46 D. G. P. Bourget, « Women who kill their mates », Behav Sci Law, 30, 5, septembre 2012, p. 598-614.
47 Délégation aux victimes, a. v., Étude nationale sur les morts au sein du couple, Paris, ministère de l’Intérieur, 2013.
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