La preuve par l’hymen : le viol des femmes sous l’œil des médecins légistes (1810-1890)
p. 63-80
Texte intégral
1En matière de mœurs, le législateur de 1810 a voulu, dans le prolongement des principes énoncés par Cesare Beccaria, proportionner la peine au délit, autrement dit faire en sorte que la sanction pénale corresponde à la gravité de l’acte incriminé1. L’attentat à la pudeur ne devant pas être puni avec la même sévérité que le viol2. Mais pour évaluer la gravité d’un comportement, le placer sur le degré d’une échelle, le recours à un expert s’impose. Les aveux sont rares, les témoignages insuffisants et seul l’examen corporel peut apporter des éléments de vérité, mais l’expert, dont l’avis va forger la conviction du magistrat instructeur, se trouve presque toujours, selon le docteur Louis Pénard, dans une position délicate entre « dire trop ou ne pas dire assez3 ». Pour mener à bien de telles missions d’expertise, il faut un regard acéré afin que les corps des victimes soient tirés de l’indistinction. L’examen expertal est consigné dans un rapport, lui-même guidé et encadré par des manuels, des traités et autres précis de médecine légale. Un langage scientifique se met ainsi en place, il a besoin de rigueur et de précision : il lui faut repérer les marques corporelles, donner du sens aux signes circonscrits et faire en sorte que leur lecture aboutissent à défaut de certitude du moins à une vraisemblance. Des années 1810 aux années 1890, avant que la criminologie fasse irruption et construise la figure du violeur4 et que la criminalistique s’impose, les médecins légistes semblent n’appartenir à aucune école. Il leur est dévolu d’éclairer les magistrats et les tribunaux à la poursuite du crime. Le législateur n’a pas défini le viol aussi il appartient aux experts d’examiner le corps des femmes pour retrouver les « traces incertaines5 » de son existence.
Le pannicule virginal : mythe d’Ancien Régime ?
2François Emmanuel Fodéré assure la transition des savoirs entre l’Ancien Régime et le XIXe siècle positiviste6. Son traité de médecine légale, somme presque encyclopédique en plusieurs volumes, devient la référence qui éclaire des générations d’experts judiciaires7. Selon lui, la membrane hymen résume presque à elle seule la question du viol. Lorsqu’il écrit, il n’y a pas de consensus entre spécialistes de la médecine légale8. Des auteurs nient son existence, d’autres affirment que l’hymen n’est pas une invention mais une réalité. Entre les deux, toute la gamme des possibles se manifeste. Cette mise en scène des débats veut montrer que deux camps au moins sont en présence. Le lecteur s’imagine que la médecine légale se transforme parfois en champ de bataille, mais les armes ne sont ni tranchantes ni piquantes. Elles ont été remplacées par des articles, des communications, voire des sections d’un livre. Les partisans d’une présence constante de l’hymen comptent un très grand nombre de personnalités et Fodéré de citer une vingtaine de noms, dont Cuvier et surtout deux autorités des siècles précédents, Paolo Zacchias, souvent présenté comme l’inventeur de la médecine légale au milieu du XVIIe siècle9, et Jean-Jacques Belloc, considéré, lui, comme l’un des fondateurs de la médecine légale française avec son grand livre, intitulé sobrement Cours de médecine légale, théorique et pratique, qui connut trois éditions10.
Haro contre Mahon
3D’autres médecins nient depuis deux siècles l’existence de l’hymen, affirmant ne pas l’avoir observé. Buffon, Fallope, Colomb et surtout Mahon sont appelés à la barre par François Emmanuel Fodéré pour être discrédités. Paul-Augustin-Olivier Mahon, dans son Traité de médecine légale et police médicale11, est une autorité reconnue par ses pairs. Elle lui vient non pas de ses intuitions ou de son affiliation à une école mais bien de son expérience directe. Il a autopsié un grand nombre de cadavres et examiné un nombre tout aussi impressionnant de corps vivants. Incarnation d’un nouveau type de médecin, l’hymen est pour lui plus proche de l’affabulation que d’une réalité tangible. Il ironise affirmant que c’est une supposition, une sorte de pari sur l’existence d’une « membrane transversale dans le vagin ». Professeur à l’École de Paris, il se gausse de ces médecins qui voient systématiquement des hymens partout. Ces hommes de l’art sont devenus des spectateurs. Ils sont comme ces personnes qui essayent de provoquer un phénomène en le fixant longuement. C’est celui qui le regarde qui fait l’hymen. Mahon, titulaire de la chaire de médecine légale, se réfugie derrière l’autorité d’Ambroise Paré, qui a eu beau chercher, il n’a pas trouvé « cette tunique que quelques-uns veulent qu’on appelle hymen ou pannicule virginal12 ». D’une certaine manière, même s’il ne le dit pas ainsi, Mahon prétend que ceux qui aperçoivent l’hymen sont des idéologues. Ils postulent son existence et s’efforcent ensuite de le découvrir. Ils donnent une représentation de l’anatomie des femmes qu’ils présentent comme une réalité systématiquement observable. Si on voulait leur accorder du crédit, dire que des femmes faites possèdent bien un « repli membraneux » quelques fois circulaire, d’autres fois semi-lunaire, il faudrait aussi convenir qu’à un certain âge, au fur et à mesure que les filles grandissent, il disparaît progressivement. De toutes les façons, il s’agit d’« un signe très équivoque13 ». Tout est dit et les « hymènophiles », si on peut forger ce mot, sont finalement très proches des obscurantistes et des charlatans contre lesquels les médecins ont mené un long combat victorieux qui aboutit seulement le 10 mars 1803 lorsque la loi reconnaît la professionnalisation des médecins avant de transformer les Écoles qui deviendront les Facultés de médecine en 1808. Les savoirs nouveaux doivent se débarrasser des croyances anciennes et des superstitions persistantes14.
4Dans la deuxième version de son Traité, publié en 1813, François Emmanuel Fodéré écarte lestement, d’un mouvement plein de condescendance, l’argument de Mahon et du courant qu’il représente. Il n’est pas tout à fait de son époque suggère-t-il, car « tous les écrits du milieu du dix-huitième siècle respirent cette aimable fable morale » qui consistait à tourner en ridicule tous ceux qui dissertaient sur « la faiblesse du beau sexe15 ». Le siècle était libertin et ne pouvait voir l’hymen des femmes. Historiettes amusantes, anecdotes véridiques, récits licencieux se sont succédés, mais ils ne sont plus que les témoignages d’une époque révolue, aux mœurs dissolues.
Le triomphe des partisans de la membrane virginale
5Au tout début du XIXe siècle la question de l’hymen dépasse la physiologie pour interroger les mœurs et la société patriarcale que le Code civil a conforté. Dans ce contexte, quelques auteurs clament que l’hymen est une preuve de virginité, d’autres disent qu’il ne faut pas lui accorder beaucoup d’importance et qu’il y a quelque chose de risible et d’archaïque à vouloir à tout prix prouver la virginité et à y placer l’honneur de son nom. Mais désormais il s’agit de tourner la page. La place de l’hymen objectivise les rôles de chacun, c’est aussi l’affirmation que la reproduction biologique et sociale passe par lui. Les médecins disent qu’ils n’ont pas à se prononcer sur l’organisation de la société mais ils font leur, comme allant de soi, les représentations masculines des rapports entre les sexes. Entre ceux qui voyaient des hymens partout et ceux qui n’en voyaient nulle part, un troisième courant a bien tenté de s’affirmer sur le plan empirique, proclamant que si l’hymen est largement répandu, il ne se rencontre pas toujours, et qu’il n’est pas possible d’écarter ce que la médecine expérimentale a établi. Fodéré le concède habilement, mais il classe cette absence au rang des cas particuliers, voire des anomalies singulières. Tous ceux qui ont procédé à un grand nombre d’observations anatomiques disent que ce manque est exceptionnel. Or les auteurs de renom ne sont jamais aussi péremptoires. Jean-Jacques Belloc, dans la deuxième édition, posthume, de son cours de médecine légale judiciaire, écrit qu’il y a des filles sur lesquelles on n’en observe aucun « vestige » ; chez d’autres, c’est à peine si on observe « quelques replis détachés ou isolés16 ». Les partisans de la membrane virginale lisent entre les lignes, ils ne s’intéressent pas aux nuances, passent par-dessus les réserves et ne retiennent que les arguments forts.
6Dans ce contexte, le livre de Fodéré est essentiel car après avoir systématisé les observations des uns et des autres, parfois à la limite de la caricature, il donne, en 1813, le point de vue quasiment officiel : l’hymen existe chez toutes les femmes, celles qui en sont dépourvues pourraient être aisément dénombrées et leur rareté les apparenterait plutôt à des monstruosités de foire, mais la bienséance empêche de les exhiber. Désormais, c’est plus qu’un tournant dans l’histoire des connaissances médico-légale, c’est un socle qui est posé et qui contribue à l’instar des blocs de granit de l’édifice judicaire napoléonien17 à attester de vérités durables. Toutefois, Fodéré, qui va être nommé titulaire de la chaire de médecine légale à Strasbourg18 et restera en fonction jusqu’à sa mort, ne veut pas apparaître comme un extrémiste, il est au-dessus de la mêlée et il concède que dans quelques cas « rares » des jeunes filles l’ont perdu à la suite le plus souvent de menstrues trop abondantes, la formation d’un caillot agissant comme une sorte de projectile, pouvant le déchirer, puis l’anéantir. Le livre de Fodéré, du moins la deuxième édition de 1813 présentée comme une refonte et une augmentation des deux tiers par rapport à la version précédente, apparaît donc comme une scène inaugurale. Jusqu’à présent, il y avait différentes possibilités, désormais des hypothèses se referment ou sont abandonnées. Le récit est accompli, toutes les données ont été rassemblées et il n’existe plus qu’une vérité unique attestant de la généralité de l’hymen à toutes les époques, dans tous les lieux et dans toutes les strates de la société. Il retourne l’argumentation en sa faveur. La dénonciation fulminante qui sied contre le charlatanisme peut s’appliquer à certaines observations de Buffon. Certes, il convient de rendre hommage au grand homme et à son éloquence, mais il fait plus qu’entretenir le soupçon : nul doute, suggère-t-il, qu’il n’a pas souvent examiné « des filles vivantes », qu’il a délégué l’enquête sur « un grand nombre de sujets ». L’observation directe lui fait défaut, c’est par ouï-dire que l’examen des parties sexuelles lui a été transmis. Tous ceux qui, séduits par la force persuasive du grand homme, en sont venus à ignorer la présence de l’hymen se trompent. Elle est la marque incontestable de la virginité et même en cas de défloration, consentie ou contrainte, il en existe toujours des « ruines » que les médecins avertis savent identifier19. Son livre et toutes les pages qu’il consacre au viol constituent une rupture, il n’y a pas de continuité. L’état de chantier est terminé, les fondations sont solidement posées, le rez-de-chaussée également et nul doute que les traités de médecine qui voient le jour presque simultanément en constituent le premier étage, en pierres de taille solidement appareillées pouvant défier les siècles à venir. La négation de l’hymen appartient au temps écoulé, celui de la société féodale d’Ancien Régime et du libertinage qui a contribué à sa chute. Le siècle nouveau coïncide avec l’affirmation d’une vérité collective : la membrane hymen est reconnue, il s’agit à l’évidence d’« une vérité d’expérience », catégorie qui est selon Michel Foucault source du nouveau système judiciaire tel qu’il se déploie depuis la Révolution française20.
7L’accumulation des cas équivaut à une certitude, et devient une preuve quantitative. François Emmanuel Fodéré ne donne pas de chiffres précis, mais faisant part de son expérience, il affirme ainsi que de Marseille à Nice il a toujours rencontré l’hymen. Il cite Hyacinthe Gavard praticien renommé qui avait publié en 1801 un gros livre dans lequel il confiait que « dans les recherches que j’ai faites là-dessus, tant à l’Hôtel-Dieu et dans l’hospice de la Salpêtrière, que dans la salle de dissection de Desault et ailleurs, j’ai constamment trouvé l’hymen dans les fœtus et dans les enfants nouveaux-nés ». En effet, dans son Traité de Splanchnologie21, il avait attesté de l’existence constante de la membrane féminine. La splanchnologie se présente alors comme la science de la description de certains organes, en particulier ceux de la digestion, de la respiration et surtout, ici, de « l’appareil génito-urinaire ». Fodéré cite encore « un bon chirurgien-anatomiste de Marseille » qui lui aussi a une très longue expérience de l’ouverture cadavérique et qui a « trouvé l’hymen dans une fille de soixante ans22 ».
8Les médecins légistes entendent ainsi imposer, par l’entremise de leur porte-parole le plus illustre, un savoir empirique qui ne saurait souffrir la moindre contestation, car à la différence des « rapports en médecine et en chirurgie » d’Ancien Régime qui trop souvent n’apportaient guère de lumière et se perdaient en digressions confuses, ils sont désormais liés ensemble et rassemblés en « un corps de doctrine23 ». C’est à partir de lui que va se déployer l’enquête médico-légale et judiciaire à la recherche d’indices, de traces et de preuves.
Chair inanimée : visiter le corps des femmes
9Depuis 1827, la statistique judiciaire sème l’inquiétude puis l’effroi24. Les attentats aux mœurs, définis comme des « attentats à la pudeur », commis avec ou sans violence, augmentent. La courbe dessinée ne laisse pas le moindre doute25. Observateurs sociaux, moralistes, hommes de l’art sont sollicités pour la décrire et la commenter. Les journalistes frémissent et le public tremble. Du côté des médecins légistes, un tout autre discours se met en place, s’affirme puis se déploie. Il s’agit de tenir à distance l’émotion, de garder constamment à l’esprit les définitions du législateur et de remplir la mission que la justice leur a confiée. Mais la tâche n’est pas simple car en matière d’agressions sexuelles rien ne semble solidement établi : si quatre articles du Code pénal fixent les peines en matière d’outrages publics à la pudeur (art. 330), d’attentats à la pudeur (art. 331), de viols (art. 332), de viols commis ou tentés par un membre de la famille, un instituteur ou un prêtre (art. 333), aucune définition juridique n’est donnée du viol26.
Examiner les violences
10Le XIXe siècle se pense comme un siècle rationaliste et positiviste. En matière d’examen corporel il en est de même. Il importe de rapporter des « faits exacts », de consigner les stigmates d’une agression sexuelle potentielle et de repérer des traces de violence sur le corps meurtri. Pour mener à bien une telle anatomie du détail, l’observation directe s’impose afin d’aboutir à un « examen attestif ». Mais comment s’y prendre ? se demande-t-on régulièrement. Tout le poids de la charge des preuves semble peser sur l’expert judiciaire. Il est davantage qu’un technicien ou un homme de l’art, il lui est dévolu de se prononcer sur l’existence et la nature de violences supposées.
11Au milieu de la monarchie de Juillet, Alphone Devergie est sans doute le médecin légiste qui bénéficie de la plus grande considération. Interne des hôpitaux de Paris depuis 1816, il devient médecin en 1834. Six ans plus tard, il officie à l’Hôpital Saint-Louis. Mieux qu’un simple expert ou un praticien scrupuleux, il est considéré comme un véritable savant, à l’égal de Fodéré ou d’Orfila. Il rejoindra ce dernier aux Annales d’hygiène publique et de médecine légale27. Ses travaux sur la noyade et les noyés font autorité28. Alphonse Devergie se veut très concret, il déclare qu’il ne va pas discourir sur le viol en général, sa place dans la société, son importance comme indicateur de l’évolution des mœurs et des rapports entre les hommes et les femmes. Pour lui, l’expert doit partir sans ambiguïté du fait que « le viol est un crime ». Mais à partir de là, il faudrait distinguer trois moments : l’intention, la volonté et l’exécution. Or les médecins diligentés par la justice ne peuvent pas se prononcer sur les deux premiers qui sont selon lui du ressort des magistrats. En revanche, plus modestes dans leurs prétentions, les expertises peuvent porter sur « les résultats matériels », autrement dit sur les traces ou les marques. Sur ce point Alphonse Devergie est très clair et s’insurge contre les prétentions de ses confrères et les demandes des magistrats instructeurs : « C’est donc à tort que dans les ouvrages de médecine légale on pose constamment la question du viol, tandis que les médecins n’ont réellement à résoudre que la question de violences29. » Discipline rationnelle, science de l’observation, la médecine légale doit considérer que le corps humain s’apparente à de la chair inanimée, comme un parchemin ou une feuille de papier. Elle remplit la même fonction que la page d’un manuscrit. L’imprimeur doit la lire avant de la composer. Le médecin légiste fait de même. Il scrute la peau, examine les anomalies, consigne tout ce qu’il a observé. Si on lui présente un cadavre, il procède de façon identique, mais il a la possibilité d’ouvrir le corps et de pousser l’investigation en profondeur, de découvrir éventuellement des meurtrissures cachées qui n’étaient pas visibles à la surface. De la sorte, le médecin s’apparente à un imprimeur qui ne se prononce pas sur le genre de l’ouvrage dont il a la charge. S’agit-il d’un essai philosophique, d’un roman, d’un livre scientifique ? Peu importe ici. Il met son art au service de l’auteur. L’expert judiciaire procède de manière similaire. S’agit-il d’un attentat à la pudeur, d’un viol, est-ce à lui de le préciser ? Il rédige un rapport dans lequel toutes ses observations figurent, il procède bien sûr à un classement, organise la logique interne de son propos, mais ce n’est pas à lui de porter un jugement sur l’intention et la volonté. S’il le faisait cela reviendrait à donner une opinion qui est du ressort du magistrat et non du médecin. Son rôle consiste à fournir un dossier en rapportant tout ce qu’il a constaté mais ensuite, c’est à la justice d’en tirer les conclusions. Cette prise de position correspond à une posture éthique et professionnelle.
12Or bien souvent les choses ne se déroulent pas ainsi. Le magistrat qui est le juge de la loi demande au médecin qui est le juge du fait de raconter une histoire. Que s’est-il passé ? Peut-on relever des « indices de violences », et dans l’affirmative peut-on les considérer « comme le résultat d’une tentative de viol ou de toute autre cause30 » ? Certains experts, après avoir hésité, laissent leur embarras transparaître mais sans rien dire, et finissent par accepter, sans plus d’état d’âme, la mission qui leur est confié dans ces termes. D’autres, en revanche, partiront du fait qu’il existe peut-être un attentat consommé ou tenté avec violence, qu’ils ne vont pas les mieux qualifier mais qu’ils exposeront l’ensemble des indices et des traces constatés. Comment faire ? Alphonse Devergie propose une méthode. Il convient tout d’abord d’avoir une connaissance étendue et solide des « données génitales ». Mathieu Orfila, le doyen de la Faculté de médecine, avait donné, dans ses leçons publiées en 1821, puis dans son traité en quatre volumes, la marche à suivre : il faut examiner la fosse naviculaire, l’orifice du vagin, l’intérieur de ce canal, l’hymen, les caroncules myrtiformes et l’orifice de l’utérus31. Pour Devergie, il ne suffit pas d’examiner, il faut connaître. Il importe que le pénil, sa teneur en graisse, que les grandes lèvres leur dimension, leur coloration, que la fourchette, les petites lèvres, le clitoris n’aient plus de secrets pour l’expert. Sa parfaite connaissance des « données générales », autrement dit des normes corporelles, lui permettra de procéder avec efficience à l’examen et de résoudre ainsi les questions qui se rattachent au viol. En effet, énonce Alphonse Devergie, « en médecine légale ce sont toujours des changements, des altérations, qu’il s’agit de constater ; il faut donc, pour marcher avec plus de certitude, partir avant tout de l’état normal32 ».
Le corps des femmes
13Les femmes agressées ou violées ne sont pas des mannequins de cire que l’on peut déshabiller, détailler, examiner, palper tout à loisir. Un cadavre ne parle pas et personne n’éprouve le besoin de lui demander son avis lorsqu’il s’agit de le dépecer, de l’ouvrir et d’en extraire des organes, mais la plupart des femmes violées ou du moins susceptibles d’être victimes de violences sexuelles sont vivantes et il n’est pas possible de disposer d’elles sans leur consentement. Dans leur Manuel de médecine légale33, Joseph Briand et Ernest Chaudé soulignaient qu’aucune disposition de loi n’oblige les victimes d’un viol présumé à se prêter aux visites corporelles et aux investigations d’un médecin diligenté par la justice. Le corps en effet est un sanctuaire que l’on ne peut forcer. Mathieu Orfila, l’inventeur de la toxicologie, médecin du roi, doyen de la Faculté de médecine de Paris l’avait fait remarquer34. La visite ne peut être obligatoire et si la pudeur se sent offensée il n’est guère possible d’aller au-delà. Il faut savoir s’incliner et renoncer à réunir des éléments de preuve. Mais ces observations, du moins dans nombre de manuels ou de traités, ne semblent pas avoir été entendues, comme si la question était marginale ou n’était pas vraiment légitime. Presque rien n’est dit sur le consentement des fillettes et femmes examinées. Rien n’est mentionné sur la pudeur, le traumatisme qu’un examen peut occasionner à nouveau. Rien n’est plus simple en apparence puisqu’« il suffit d’asseoir la femme que l’on veut examiner sur le rebord d’un lit, les pieds appuyés soit sur les barreaux de deux chaises, soit sur tout autre meuble, de faire écarter les cuisses de la malade [sic !], d’écarter soi-même avec le pouce et l’index les grandes lèvres pour apercevoir, si l’on a su se ménager un jour convenable, soit la membrane même, soit ses vestiges35 ». Mais ce n’est pas tout, l’examen serait ainsi trop superficiel et reposerait pour beaucoup sur l’acuité visuelle. Il convient donc de se munir d’un instrument particulier comme un « stylet boutonné » afin de déterminer s’il y a eu rupture, division en plusieurs lambeaux ou encore « décollement de l’une des cornes du croissant ».
14Ici la femme est un objet inerte comme si elle s’offrait presque en sacrifice au médecin judiciaire. Chair inanimée, privée d’émotions et de sensations, le corps féminin doit accepter, comme allant de soi, le visiteur diligenté par la justice pour scruter son intimité et étudier l’état de son hymen en prenant le risque que cet examen ne débouche sur rien ou plutôt sur le déni de ce qu’elle a subi. Les femmes mariées, en fonction des savoirs de leur époque, sauf si elles peuvent présenter une épaule démise, un œil tuméfié, une mâchoire brutalisée pour étouffer les cris, ont peu de chance d’être reconnues comme victimes car leur « intégrité sexuelle » a disparu. Les rapports établis par les experts et insérés dans les traités ont au moins une double fonction. Ils illustrent pour les non-spécialistes, les étudiants ou les médecins installés mais dont les magistrats n’ont jamais requis les services, les subtilités de l’examen médico-légal. Le corps de la femme s’avère une sorte d’offrande faite aux enquêteurs à la recherche d’une vérité. Sous le Second Empire, Ambroise Tardieu l’affirmera à sa manière, indiquant que la membrane hymen est le « cachet de la virginité » et que ce fait est incontestable36.
15Il s’agit de présenter un tableau froid, désincarné, dans lequel le râle des victimes, le silence pétrifié ou bien encore un cri étouffé ne saurait se faire entendre. Le corps des victimes de viol s’apparente à celui des cadavres, ce n’est peut-être pas tout à fait un hasard si le traité de Rose37 est fréquemment cité au début du XIXe siècle… Il faut les examiner d’une certaine façon en suivant les pointillés imaginaires que le médecin invoquera. Tardieu est l’un des premiers à proposer des planches anatomiques sur lesquelles figurent toutes sortes d’hymens dont l’absence, totale ou partielle, atteste le viol ou, au contraire, le rend inexistant.
La possibilité du viol
16En l’absence de définition du législateur, des médecins légistes vont en donner une. Mathieu Orfila avait suggéré que le viol pouvait avoir été accompli à l’aide d’un bâton ou de tout autre objet, mais il ne sera pas suivi par ses confrères38. Alphonse Devergie est l’un des premiers à se lancer. Pour lui, au point de vue médical, « l’acte du viol n’est consommé que lorsque la femme a été déflorée39 ». Il n’existe qu’à partir du moment où les faits sont établis. Ambroise Tardieu nommé professeur de médecine légale à la faculté de médecine de Paris en 1861 hasarde, lui aussi, avant de donner les caractères de la défloration, une définition du viol : « Toute violence exercée sur les organes sexuels de la femme et caractérisé chez une vierge par la défloration. » Quant aux autres femmes, la condition du viol se manifeste par « l’intromission complète, c’est-à-dire par un rapprochement sexuel consommé40 ». De telles définitions fixent d’étroites limites et augurent du fait que les enfants et les jeunes filles doivent présenter un hymen détruit, lacéré ou au moins déchiré, et que les femmes faites peuvent plus difficilement se prétendre victimes. Pas de preuve irrévocable pour elles, mais le plus souvent des indices et des circonstances. François Emmanuel Fodéré avait mis en garde médecins et magistrats à l’aide d’une formule à la netteté décisive : les signes physiques ne suffisent pas pour « convertir la défloration en viol », il faut tenir compte du contexte41. Cette recommandation qui veut couper court à toute instance d’appel, Mathieu Orfila, la fera sienne. Comme s’il fallait mettre un terme aux réflexions lancées un peu à la diable, il donne un conseil de bon sens en apparence : « il n’est pas inutile, avant de porter son jugement, d’examiner le caractère, les mœurs de la personne42 », mais de la sorte l’expert judiciaire ne risque-t-il pas de sortir de son domaine et d’empiéter sur celui du magistrat instructeur ? En principe, il doit s’en tenir aux seules questions posées par le juge d’instruction, mais s’il n’essayait pas de voir au-delà du corps, comme dans les affaires d’empoisonnement43, nul doute que ses conclusions seront partielles ou hésitantes44.
17Henri Legrand du Saulle qui fut notamment médecin en chef du dépôt de la préfecture de police de 1867 à 1883, est l’auteur d’un impressionnant traité de médecine légale dont la première édition, couronnée par l’Académie des sciences, voit le jour en 187445. Dix ans plus tard, augmenté et complété, son Traité de médecine légale et de jurisprudence de médicale et de toxicologie46, distingue la tentative du viol du viol lui-même. La définition donnée s’avère concise et abrupte : « On appelle viol toute union sexuelle complète de l’homme et de la femme, sans la libre volonté de celle-ci » et d’indiquer que peu importe les moyens, la force, la suggestion, voire d’autres procédés encore. Pour attester le viol, il faut donc « qu’il y ait eu intromission du pénis dans la cavité vaginale ». Plus tard, en 1890, Charles Vibert, chef des travaux d’anatomie pathologique au laboratoire de médecine légale de la faculté de médecine de Paris, donnera une définition similaire : « Le viol est l’acte par lequel un homme se livre au coït sur une femme non consentante, que cette femme soit vierge ou déflorée antérieurement47. » À ce stade, la question de l’âge de la victime prend les allures d’un critère déterminant. Tous les auteurs de manuels et de traités le proclament.
Fillettes, jeunes filles et femmes mariées
18Pour les médecins légistes, nul doute qu’il existe dans la vie des femmes une séquence particulière où elles apparaissent comme des proies potentielles. Entre huit ans et dix-huit ans, le risque48 s’avère extrême49. À lire ainsi les propos des uns et des autres, les femmes qui ont déjà eu des relations sexuelles, épouses, prostituées, « filles faciles » intéressent peu les agresseurs. Les « filles vierges » sont les principales cibles des violeurs. Pour autant ces derniers ne donnent pas lieu à des enquêtes de personnalité. Seul le portrait physique est pris en considération. Pour attester du viol il faut parvenir à confronter l’anatomie de l’agresseur avec celle de l’agressée. Le suspect affublé d’un pénis effilé et flasque ne saurait être un agresseur ; de même celui qui est doté par la nature d’un pénis d’une taille et d’une grosseur impressionnantes ne peut pas être un violeur d’enfants. Les organes sexuels des uns correspondent nécessairement à ceux des autres. Chaque médecin légiste, auteur d’un livre, établit ainsi une sorte de tableau de correspondance. Avant la manipulation du corps des femmes, la primauté est donc donnée par les médecins « aux techniques d’observation ». Le constat établi sera producteur de vérité. Avant 10 ans, disent les experts, il n’est pratiquement pas possible de violer une enfant, c’est-à-dire selon l’acception de la médecine légale, d’introduire le membre viril dans le vagin. De la sorte, la plupart des cas sur lesquels les médecins ordinaires et les spécialistes doivent se prononcer sont des « attentats à la pudeur50 » et non des viols consommés. Tout au plus, écrit Ambroise Tardieu, ce sont des pressions et des frottements du membre viril sur la vulve51. Certes il existe quelques exceptions. Gabriel Tourdes, titulaire de la chaire de médecine légale de Strasbourg, s’est spécialisé dans les cas rares52. L’exception permettant de mieux saisir la norme. Ambroise Tardieu a examiné « 400 cas » et a compté « 136 viols dans lesquels 100 fois la défloration était complète et 36 incomplète53 ». 90 victimes avaient moins de 15 ans, et 41 avaient entre 15 et 20 ans. Trente ans plus tard, Charles Vibert affirme, lui, avoir examiné près de 500 petites filles54. Une dizaine présentaient des blessures qui supposaient non un attentat mais un viol : l’hymen était déchiré, et parfois la vulve ou la fourchette aussi. Toutefois, l’étude de référence concernant les fillettes reste celle de d’Adolphe Toulmouche publiée en 1856 dans une revue devenue célèbre55. Médecin rennais, il considérait que l’homme de l’art devait jouer un rôle dans la cité et mettre son savoir au service de la société. Son enquête publiée dans un contexte particulier, celui de la « découverte » des violences sexuelles faites aux enfants rend visible une réalité criminelle56. À plusieurs reprises, il décrit l’extrême violence, les déchirures des petites lèvres et du périnée. Comme pour les autres médecins légistes, les signes de la défloration des enfants et des filles nubiles ne posent guère de problèmes d’interprétation. Tous les médecins légistes, de Fodéré à Charles Vibert, s’accordent sur le fait qu’il est indispensable de distinguer les très jeunes enfants, les jeunes filles proches de la puberté, les femmes qui ont « cohabité avec des hommes » et enfin les femmes qui ont procréé, mais de la sorte les épouses, les veuves, les femmes vivant en concubinage ou bien encore celles qui sont célibataires mais ne sont plus vierges sont les laissées pour compte de l’expertise corporelle.
19Alphonse Devergie après avoir laissé sa plume couvrir des pages et des pages avoue en partie son impuissance. La science de son temps ne peut aller au-delà d’un certain seuil et l’expert légiste de constater : « Ce n’est pas exagérer que de dire que le médecin rencontrera seulement un exemple sur mille, de viol consommé chez une femme qui a eu des enfants, à l’exception du cas où la réunion de plusieurs personnes a été nécessaire pour accomplir le crime57. » Louis Pénard fait part aussi de ses doutes, il lui semble improbable que les recherches de l’instruction puissent « démontrer » la pénétration du membre viril dans « la cavité vaginale58 ». La science des indices, la discipline impériale, la branche du savoir qui entendait assurer « le bonheur de l’humanité, le repos et la sécurité des citoyens » trouve ici une limite impérieuse59. Mais il est toujours possible de procéder, au-delà de la visite corporelle à un examen des taches suspectes trouvées sur des vêtements et de déterminer avec une quasi certitude s’il s’agit bien de taches de sperme. Devergie leur avait octroyé un long développement et Charles Vibert leur avait donné un chapitre entier60. Avec elles, chacun se sent sur un terrain solide. Plus de supputation et de problème d’interprétation. L’examen technique apporte une certitude. Il s’agit bien d’une preuve décisive de la réalité de l’acte incriminé61. Reste toutefois à déterminer si les relations sexuelles ont été consenties ou bien forcés.
Le déni : les experts contre les femmes
20Le point le plus important du rapport médico-légal prend place dans la conclusion de l’investigation médico-légale, mêlant à la fois les « présomptions tirées des preuves locales », autrement dit de l’examen corporel, et des circonstances pour aboutir à un « jugement affirmatif ou négatif du viol62 ». Or l’examen apparaît tellement difficile que le lecteur se dit qu’il faut des caractéristiques presque hors normes pour que le viol soit démontré pour les femmes faites. Finalement, seul pratiquement l’examen des cadavres apporte la certitude voulue à condition que les parties sexuelles internes et externes aient été tellement brutalisées que les traces de violence apparaissent incontestables. Le trépas joue le rôle d’une preuve incontestable mais posthume : « Il y a des exemples de mort arrivée à la suite de viol, ou parce que la violence employée a été très grande, ou parce que plusieurs hommes se sont succédés, ou parce que seulement l’injure reçue a suffi pour étouffer le principe de la vie63. » Mais lorsque les victimes sont vivantes et qu’elles ont plus de vingt ans comment faire ? Les signes tirés de l’examen des organes génitaux ne sont pas toujours probants, surtout si la visite corporelle a lieu plus de trois jours après les faits. Il reste donc, parmi les « signes du viol » ceux de l’examen de la surface du corps. Ce sont les contusions, les ecchymoses, les blessures, les égratignures et les traces de pression. Signes extérieurs, ils attestent qu’il y a agression physique, coups portés ou contrainte du corps, mais peuvent-ils vraiment signifier autre chose ? Sont-ils les « signes positifs » indispensables ?
21Toute cette démonstration, procédant pas à pas, débouche sur une interrogation centrale, censée refermer la discussion médico-légale mais laissant un trouble persistant. François Emmanuel Fodéré avait mis en garde contre les filles artificieuses et les pédérastes. Devergie n’avait pas écrit autre chose. Ambroise Tardieu suggère que l’orifice hyménal peut rester intact grâce à l’élasticité de la membrane. Mais au-delà des particularités physiques, tous insistent sur les fausses déclarations : nombre de femmes crient au viol parce que leur amant leur en a préféré une autre ; dans d’autres circonstances, les traces observables sur une partie du corps ne sont que le résultat d’une comédie : avant de s’abandonner des femmes ne veulent pas donner le sentiment d’accorder trop facilement leurs faveurs. Mathieu Orfila au terme de son analyse, avec l’autorité que lui donnent ses travaux sur la toxicologie et la médecine légale, et sa fonction de Doyen, affirme : « Il est difficile, pour ne pas dire impossible, qu’un seul homme parvienne à abuser d’une femme adulte bien portante64. » Une telle déclaration fait nécessairement l’effet d’une déflagration dans les cabinets des juges d’instruction et plus tardivement dans les prétoires. Henri Legrand du Saulle use, lui, d’une tournure interrogative, reflet de son époque et d’une justice rendue par les hommes : « Une femme adulte peut-elle être violée et dans quel cas65 ? » La réponse s’avère une nouvelle fois sans ambiguïté : « Si tout le monde convient sans peine qu’une jeune fille, qu’une femme délicate et faible ou affaiblie par l’âge, peut être violée, il n’en est pas de même lorsqu’il s’agit d’une femme dans la force de l’âge, pleine de santé et d’une vigueur ordinaire66. » À l’exception d’un rapport sexuel accompli dans un état de sommeil, naturel, narcotique, magnétique ou encore provoqué par une syncope, il n’est pas possible de violer une femme adulte sans sa connivence ou son consentement. Pour étayer l’affirmation, Henri Legrand du Saulle, comme avant lui Alphonse Devergie, publie des rapports insérés dans son grand livre. L’opinion publique éclairée, celle représentée par les lecteurs, est prise à témoin. Les médecins légistes qui prennent la plume ne s’adressent pas aux victimes, qui n’intéressent guère la justice au XIXe siècle67. Le public visé est celui des magistrats, des médecins, peut-être des futurs experts dans des affaires de viol, des avocats, des moralistes, des observateurs sociaux, des faits-diversiers et des chroniqueurs judiciaires. Un tel parti-pris est une constante. Tel un fil continu, il relie, avec les préjugés et les représentations masculines d’une époque, les écrits de Fodéré à ceux de Charles Vibert. Il faut revenir à François Emmanuel Fodéré qui mentionne une fable attribuée à Voltaire dans laquelle une reine rejeta l’accusation d’une plaignante : « elle prit un fourreau d’épée, et, le remuant toujours, elle vit voir à la dame qu’il n’était pas possible de mettre l’épée dans le fourreau68 ». Caution donnée par le philosophe des Lumières, la citation est souvent reprise par la suite, puisée directement auprès de Fodéré et non dans le Prix de la justice de l’humanité, dont elle est tirée69. En 1822, le premier grand dictionnaire médical voit le jour. Pour ses directeurs il s’agit, dans le sillage de l’Encyclopédie, de rassembler l’ensemble des savoirs dispersés. Somme sans équivalent, le cinquante-huitième volume, accueille l’article « viol » qui est confié à Fodéré. Comme il ne dispose que de quelques pages, il est obligé de condenser son propos parfois jusqu’à la caricature, mais pour le lecteur nul doute que la parole des femmes ne peut être reçue au premier degré puisqu’« il est presque impossible à un homme seul de forcer une personne de sexe féminin parvenue à l’âge de 18 ans70 … » Cinquante ans plus tard, rien n’a changé. Alexandre Lacassagne qui n’est pas encore le grand maître lyonnais de la médecine légale publie la première mouture de son Précis de médecine judiciaire. Il donne une orientation sensiblement différente puisqu’il évoque l’« instinct sexuel » et les conséquences médico-judiciaires de l’expertise. Vis-à-vis des victimes, il s’interroge sur l’état de la volonté, indiquant que l’appréciation du consentement est parfois très difficile : « Disons d’abord, avec la plupart des auteurs, que les efforts d’un seul homme ne suffisent pas pour effectuer un viol71… » À Paris, dans le temple de la médecine légale, Charles Vibert, en fonction des sensibilités de son époque, reformule à peine la question : « Un homme peut-il violer une femme qui résiste72 ? » Les avocats, insiste-il, la pose constamment, et lui de répondre : « Quand il s’agit d’une femme qui sait ce que sont les rapports sexuels, il est impossible de croire qu’un homme seul réussisse à accomplir sur elle un viol. » En son temps, Louis Pénard avait mis en garde ses confrères, soulignant que « l’idée préconçue, voilà l’épouvantail du médecin légiste73 ». Toutefois, en matière de viol, les médecins légistes ne tiennent pas compte du doute, ou du moins il ne s’applique qu’aux présumés « violateurs ». L’imaginaire masculin des femmes qui prennent plaisir à être forcées n’est guère remis en cause. Les représentations savantes des violences sexuelles sont un décalque de ce que la littérature, la peinture et les conversations entre hommes colportent.
*
22Les grands maîtres de la médecine légale74 donnent aux femmes deux âges. Le premier correspond à celui des gamines, des jeunes filles et femmes dont l’hymen, ou ses « fragments », peut être observé. Pour eux, Paul Dubois devient, sous la monarchie de Juillet, une référence et une caution. Compétiteur remarqué pour la chaire de clinique d’accouchement après vingt années de pratique et d’enseignement, il présente une somme didactique, parsemée de dessins et d’explications limpides notamment sur l’hymen75. Tardieu, Toulmouche, Vibert s’inscriront dans son sillage, présentant à leur tour des planches anatomiques sur lesquelles figurent toutes sortes d’hymens, à la fois intacts et déflorés. Ces planches ressemblent à celles que la criminalistique produira plus tardivement, offrant aux spécialistes des inventaires de traces de pneus, de projectiles d’armes à feu, de blessures plus ou moins graves. Pour les médecins experts presque tout commence et se termine avec l’hymen. Le projet des médecins légistes de construire une science rationnelle dont chaque pan donne lieu à une démonstration et à une vérification ne veut pas aller au-delà et refuse de prendre le risque de s’égarer en chemin.
23Le second âge est celui des femmes initiées aux relations sexuelles pour lesquelles l’hymen a disparu. Le viol, sauf en fonction de circonstances singulières, de maladies qui affaiblissent le corps et vident de son énergie la victime, s’avère impossible, clament d’une même voix, malgré telles ou telles précautions discursives, les médecins légistes. La récusation a priori et presque systématique de la parole des femmes n’empêche pas que la question du viol reste prégnante. Si elle exprime une sensibilité nouvelle à l’égard de l’individu et de la sexualité76, elle traduit surtout une sorte d’embarras renouvelé à l’égard des violences sexuelles et du viol. Les médecins légistes qui prennent la plume, accaparant ainsi le pouvoir dans l’espace public judiciaire77, veulent rejeter l’esprit de système, les théories médico-légales, les dissertations doctrinales. Seule doit retenir l’attention « l’observation pratique et l’analyse raisonnée des faits78 ». Mais de la sorte, comme le note le lexicographe qui a lu de très près Tardieu, seule « la gravité des traces et leurs étendues peuvent faire distinguer s’il y a eu attentat à la pudeur, tentative de viol ou viol accompli79 ». Crime inaudible car presque indétectable, une rougeur ou une excoriation ne sauraient être des indices efficients, le viol, cantonné au registre scientifique, échappe ainsi à la répression. La douleur physique, la prise en compte des émotions ne sont pas du ressort des spécialistes du corps et pourtant, se remémorant l’atmosphère de quelques procès des années 1880, un magistrat souligne qu’en matière de mœurs « le mal n’a pas diminué » et que « dans ce qu’on voit à la Cour d’assises le réveil de l’animal est terrible, et n’en pas tenir compte, c’est vouloir faire une autopsie sans connaître l’anatomie du corps humain80 ». Les femmes adultes peuvent ainsi être violées à bas bruit sans obtenir ni réparation ni le secours de la justice. L’expert judiciaire les transforme d’emblée en femmes mensongères, animées par le dépit, l’esprit de vengeance ou la volonté de masquer un instant d’égarement ou de complaisance.
Notes de bas de page
1 C. Beccaria, Des délits et des peines, préface de Casamayor, Paris, Flammarion, coll. « Champs », 1979, 2002 p. ; id., Des délits et des peines, préface de Robert Badinter, Paris, Garnier-Flammarion, 1991, 210 p. ; M. Porret, Beccaria, Le Droit de punir, Paris, Éditions Michalon, coll. « Le bien commun », 2003, 127 p.
2 La loi du 28 avril 1832 opère une distinction nette entre l’attentat à la pudeur et le viol, mais ses effets concernent surtout les enfants, voir notamment A.-C. Ambroise-Rendu, « Attentats à la pudeur sur enfants : le crime sans violence est-il un crime, (1810-année 1930) », RHMC, 56, 4, 2009, p. 165-189. Voir aussi G. Vigarello, « Le viol d’enfant : de la tolérance au scandale », L’Histoire, 213, 1997, p. 45-60. Ajoutons qu’A. S. Taylor, souvent cité par les médecins légistes français, considéré comme le père de la médecine légale britannique, avait écrit que « moralement parlant le crime sera le même » (The principes an pratice of medical jurisprudence, Philadelphia, Henri. C. Lea, 1873 [1865], 2e éd., p. 631).
3 L. Pénard, De l’intervention du médecin légiste dans les questions d’attentats aux moeurs, Paris, J.-B. Baillière et fils, 1860, p. 20.
4 G. Vigarello, Histoire du viol XVIe-XXe siècle, Paris, Seuil, 1998, 357 p.
5 A. Devergie, Médecine légale, théorique et pratique, Paris, Germer Baillière, 1852, p. 530.
6 Voir les actes du colloque de Genève de novembre 2015 : « Fodéré à la génèse de la médecine légale moderne : doctrines, pratiques, savoirs et réseaux d’experts des Lumières au début du XXe siècle », à paraître en 2017.
7 F.-E. Fodéré, Traité de médecine légale et d’hygiène publique, t. 4e, Paris, Imprimerie Mame, 1815, p. xii.
8 Voir pour l’Ancien Régime, M. Porret, « Viols, attentats aux mœurs et indécences : les enjeux de la médecine légale à Genève (1650-1815) », Équinoxe. Revue romande de sciences humaines, 8, Genève, 1992.
9 M. Porret, « La voie de Paolo Zacchia : médecine et crime », Crime, Histoire et Société, 5, 1, 2001, p. 129-133.
10 J.-J. Belloc, Cours de médecine légale judiciaire, théorique et pratique, Paris, Impr. de la Société de médecine, an IX, 320 p.
11 P.-A.-O. Mahon, Médecine légale de police médicale, Paris, Arthus Bertrand, 1807, se raille de ceux qui ont formellement aperçu l’hymen. Il se gausse de tel observateur qui a cru reconnaître quelque chose qui « ressemblait à l’espèce de membrane à laquelle on a donné le nom d’hymen ».
12 P.-A.-O. Mahon, Médecine légale de police médicale, t. 1, op. cit., p. 118.
13 Ibid., p. 119.
14 Voir notamment S. Perez, Histoire des médecins. Artisans et artistes de la santé de l’Antiquité à nos jours, Paris, Perrin, coll. « Pour l’histoire », 2015, 469 p., et J. Léonard, La médecine entre les savoirs et les pouvoirs, Paris, Aubier, coll. « Historique », 1981, 384 p.
15 F.-E. Fodéré, Traité de médecine légale et d’hygiène publique, t. 4e, op. cit., p. 347.
16 J.-J. Belloc, Cours de médecine légale judiciaire, théorique et pratique, Paris, Impr. de la Société de médecine, Paris, Méquignon l’aîné, 1811, p. 40.
17 Sur le modèle judiciaire napoléonien, voir J.-G. Petit, Crime, Histoire & Sociétés, 6, 1, 2002, p. 85-103.
18 Les trois chaires de médecine légale furent officiellement créées à Paris, Montpellier et Strasbourg (loi du 14 frimaire an 3).
19 F.-E. Fodéré, Traité de médecine légale et d’hygiène publique, t. 4e, op. cit., p. 550.
20 Voir en particulier, M. Foucault, Théories et institutions pénales. Cours au Collège de France, 1971-1972, Paris, Seuil/Gallimard, coll. « Hautes études », 2015, p. 233.
21 H. Gavard, Traité de Splanchnologie selon la méthode de Desault, Paris, Méquignon aîné, 1801, 582 p.
22 F.-E. Fodéré, Traité de médecine légale et d’hygiène publique, op. cit., t. 4e, p. 339.
23 F.-E. Fodéré, Traité de médecine légale et d’hygiène publique, op. cit., t. 1er, préface, p. v.
24 A. Vingtrinier, Statistique criminelle : examen des comptes de l’administration de la justice criminelle publié depuis 1825 jusqu’en 1843, Rouen, A. Péron, 1846, p. 21.
25 Le Compte général de l’administration de la justice criminelle est publié annuellement, voir les comptes récapitulatifs pour les années 1830, 1850 et 1880.
26 Sur la question des incriminations, voir P. Lascoume, P. Poncela et P. Lenoël, Au nom de l’ordre, une histoire du Code pénal, Paris, Hachette, 1989, 404 p.
27 Créées en 1829, la première livraison comporte un « Manifeste » affirmant notamment que « la médecine légale, quoique moins étendue dans ses applications, n’est pas moins importante que l’hygiène publique, par la gravité des questions qui forment son domaine ».
28 Voir F. Chauvaud (dir.), Corps submergés, corps engloutis. Une histoire des noyés et de la noyade de l’Antiquité à nos jours, Paris, Créaphis, 2007, 202 p.
29 A. Devergie, Médecine légale, théorique et pratique, Paris, Germer Baillière, 1852, p. 530.
30 Ibid., p. 531.
31 M. J. B. Orfila, Traité de médecine légale, Paris, Béchet Jeune, t. 1, 1836, 3e éd., p. 147.
32 A. Devergie, Médecine légale, théorique et pratique, op. cit., p. 537.
33 J. Briand et E. Chaudé, Manuel complet de médecine légale, Paris, Baillières et fils, 1858, 6e éd., p. 63-94.
34 « La plus grande décence et le plus grand ménagement doivent présider à des visites de ce genre » (M. J. B. Orfila, Traités de médecine légale, op. cit., p. 154).
35 H. Legrand du Saulle, Traité de médecine légale, Paris, Delahaye, 1874, p. 365.
36 A. Tardieu, Les attentats aux mœurs, préface de G. Vigarello, Grenoble, Éditions Jérôme Million, 1995 (1857), p. 44.
37 T. G. A. Rose, Manuel d’autopsie cadavérique médico-légale, cadavérique, traduit de l’allemand par C.-C.-H. Marc, Paris, Duminil-Lesueur, 1808, 183 p.
38 M. J. B. Orfila, Traité de médecine légale, op. cit., p. 147.
39 A. Devergie, Médecine légale, théorique et pratique, op. cit., p. 538.
40 A. Tardieu, Les attentats aux mœurs, op. cit., p. 64.
41 F.-E. Fodéré, Traité de médecine légale et d’hygiène publique, op. cit., t. 4e, p. 358.
42 M. J. B. Orfila, Traité de médecine légale, op. cit., 1, p. 154.
43 L. Bodiou, F. Chauvaud et M. Soria (dir.), Le Corps empoisonné, Pratiques, savoirs, imaginaire de l’Antiquité à nos jours, Paris, Classique Garnier, 2014, 460 p.
44 Concernant la preuve écrite voir L. Ferron, « Prouver le crime de viol au XIXe siècle », dans B. Lemesle (dir.), La Preuve en justice de l’Antiquité à nos jours, Rennes, PUR, coll. « Histoire », 2003, p. 211-219 ; concernant cette fois la preuve orale, se reporter à F. Chauvaud, « Le théâtre de la preuve. Les médecins légistes dans les prétoires (1880-1940) », Revue d’histoire des Sciences Humaines : La médecine légale entre doctrines et pratique, 22, 2010, p. 79-98.
45 H. Legrand du Saulle, Traité de médecine légale, op. cit.
46 H. Legrand du Saulle, G. Berryer et G. Pouchet, Traité de médecine légale et de jurisprudence de médicale et de toxicologie, Paris, Adrien Delahaye et Émile Lecrosnier, 1886, 2e éd.
47 C. Vibert, Précis de médecine légale, Paris, J.-B. Baillière et fils, 1890, 4e éd., p. 339.
48 D. Niget et M. Petitclerc, Pour une histoire du risque (Québec, France, Belgique), Québec/Rennes, PUQ/PUR, 2012, 332 p.
49 Voir par exemple F.-E. Fodéré ou A. Devergie, Médecine légale, théorique et pratique, op. cit., p. 557.
50 Sur les attentats à la pudeur, pour la période postérieure, voir A.-S. Sohn, « Les attentats à la pudeur sur les fillettes et la sexualité quotidienne en France (1870-1939) », Mentalités, histoire des cultures et des sociétés, 3, 1989, p. 71-111, présentation d’A. Corbin.
51 A. Tardieu, Les attentats aux mœurs, op. cit., p. 62.
52 G. Tourdes, Des cas rares en médecine légale. Concours pour la chaire de médecine légale ouvert à la Faculté de médecine de Strasbourg, Strasbourg, G. Sibermann, 1840, p. 46.
53 A. Tardieu, Les attentats aux mœurs, op. cit., p. 64.
54 C. Vibert, Précis de médecine légale, op. cit., p. 353.
55 A. Toulmouche, « Des attentats à la pudeur et du viol », Annales d’hygiène publique et de médecine légale, 1856, t. VI, et 1864, t. XXII.
56 F. Chauvaud, « L’invention des déviances sexuelles. De la violence à la débauche (1825-1914) », Archives de politique criminelle, 34, 2012/1, p. 7-22.
57 A. Devergie, Médecine légale, théorique et pratique, op. cit., p. 559.
58 L. Pénard, De l’intervention du médecin légiste dans les questions d’attentats aux mœurs, op. cit., p. 11.
59 Discours M. Gilbert, le successeur de Mahon à la chaire de médecine légale, cité par F.-E. Fodéré dans l’introduction de son Traité de médecine légale, op. cit., p. lxxj.
60 C. Vibert, Précis de médecine légale, op. cit., p. 615-629.
61 A. Brierre de Boismont, Médecine légale. Attentat aux mœurs. Condamnation, appel, expertise médicale et prononcé du jugement, Paris, Impr. de Bourgogne et Martinet, 1843, 11 p.
62 F.-E. Fodéré, Traité de médecine légale, op. cit., p. 359.
63 Ibid., p. 372.
64 M. J. B. Orfila, Traité de médecine légale, op. cit., p. 176.
65 H. Legrand du Saulle, Traité de médecine légale, op. cit., p. 373.
66 Ibid., p. 373.
67 Voir par exemple, F. Prescendi et A. A. Nagy (dir.), Victimes au féminin, Chêne-Bourg, Georg éditeur, coll. « L’Équinoxe », 2011, plus particulièrement M. Porret, « Indices et circonstances du viol : le champ médico-légal des crimes sexuels au temps des Lumières », p. 101-120 ; voir aussi B. Garnot (dir.), Les victimes, des oubliées de l’histoire ?, Actes du colloque de Dijon, 7 et 8 octobre 1999, Rennes, PUR, 2000, 535 p.
68 F.-E. Fodéré, Traité de médecine légale et d’hygiène publique, op. cit., p. 359.
69 Voltaire (par l’auteur de La Henriade), « Du viol », Prix de la justice et de l’humanité, Gazette de Berne, XIV, 15 février 1777, p. 73.
70 N. P. Adelon et F.-P. Chaumeton, Dictionnaire des sciences médicales, 58, art. « Viol », Paris, C. L. F. Panckoucke, 1822, p. 147-149.
71 A. Lacassagne, Précis de médecine judiciaire, Paris, G. Masson, 1878, p. 468.
72 C. Vibert, Précis de médecine légale, op. cit., p. 361.
73 L. Pénard, De l’intervention du médecin légiste dans les questions d’attentats aux mœurs, op. cit., p. 42.
74 F. Chauvaud, Les experts du crime. La médecine légale en France au XIXe siècle, Paris, Aubier, Collection historique, 2000, 298 p.
75 P. Dubois, Traité complet de l’art des accouchements, Paris, Béchet, 1849, 530 p.
76 G. Vigarello, Le sentiment de soi. Histoire de la perception du corps, Paris, Seuil, coll. « L’Univers historique », 2014, 317 p., et A. Corbin, « Le secret de l’individu » et « Cris et chuchotements », dans M. Perrot (dir.), Histoire de la vie privée, t. 4 : De la Révolution à la Grande Guerre, Paris, Seuil, coll. « L’Univers Historique », p. 418-501 et p. 563-611.
77 Sur cette notion, voir P. Bastien, D. Fyson, J.-P. Garneau et T. Nootens (dir.), Justice et espaces publics en Occident, du Moyen Âge à nos jours. Pouvoirs, publicité et citoyenneté, Québec, Presses de l’université du Québec, 2014, 346 p.
78 A. Tardieu, Les attentats aux mœurs, op. cit., p. 33.
79 P. Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, t. 15e, Paris, Administration du Grand Dictionnaire, 1876, p. 1087.
80 A. Bérard des Glajeux, Souvenirs d’un président d’assises. Les passions criminelles. Leurs causes et leurs remèdes, Paris, Plon, 1893, p. 87-88.
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