1 « La surprenante conversion de Noël de Thérèse de Lisieux », La vie spirituelle, vol. 163, no 785, novembre 2009, p. 505-524. Deux raisons m’ont poussé à choisir cet article pour donner dans ce recueil quelque écho à mes abondantes recherches sur Thérèse. D’abord le désir de rendre hommage à une revue qui, cinq ans après sa naissance, en mai 1924, a consacré le premier numéro jamais publié sur Thérèse (Voir Langlois Claude, Les premiers thérésiens, op. cit., p. 393-395), et qui, en mars 2014, 95 ans après sa naissance, a sombré dans les soubresauts de la réorganisation du Cerf. Cette maison d’édition prestigieuse avait (avec DDB) publié les Œuvres complètes de Thérèse en 1992 et, vingt ans après, acceptait le premier volume de mes Écritures thérésiennes. La seconde raison est moins sentimentale : ce texte devrait permettre de comprendre comment fonctionne le laboratoire de l’historien. Cet article a constitué en effet comme une hypothèse de travail du dernier ouvrage que j’ai consacré à Thérèse : Thérèse de Lisieux. La conversion de Noël. Du récit à l’histoire, Grenoble, Jérôme Millon, 2011 (désormais CN).
2 « Thérèse de Lisieux : “le récit de ma vocation” (Manuscrit A, 53 vo, 7) », La vie spirituelle, décembre 1998, p. 723-736.
3 Respectivement Paris, éditions du Cerf, 2009 et Grenoble, Jérôme Millon, 2009 (désormais TLMM). Dans le premier ouvrage, j’ai montré les conditions de l’élaboration du principal manuscrit de Thérèse et j’en ai fait une édition critique. Le second était un essai visant à faire comprendre comment, dans un moment d’effervescence spirituelle (été 1895), en pleine écriture de ce manuscrit, prenait sens l’affrontement entre Thérèse et Marie-Madeleine pour savoir qui était la plus aimée de Jésus.
4 Rappelons d’un mot ce mince épisode. Thérèse, qui va fêter ses quatorze ans une semaine plus tard (2 janvier), revient à la maison, dans la nuit de Noël 1886 après avoir assisté, en famille, à la messe de minuit. Elle entend une réflexion de son père qui ne lui était pas destinée : « Heureusement que c’est la dernière année ! » Il visait la cérémonie des cadeaux, alors réservée aux enfants. Au lieu de pleurer, comme elle l’avait fait bien des fois en pareil cas, elle ravale ses larmes, s’arme de son plus beau sourire et déballe ses cadeaux comme si de rien n’était. Un évident adieu à l’enfance, qui avait trop tardé à venir !
5 Angelier François, Bloy ou la fureur du juste, Paris, Points/éditions du Seuil, 2015. L’auteur parle justement de « réveil de la foi » (p. 39-46).
6 Voir encore Catéchisme de l’Église catholique, Paris, Mame-Plon, 1992, no 2089 : « L’apostasie est le rejet total de la foi catholique », déplorée mais non sanctionnée.
7 Voir le témoignage apporté au procès ordinaire par le pasteur écossais Alexander-James Grant, sur sa propre conversion au catholicisme grâce à Thérèse, LVTL, p. 123-137.
8 Voir le témoignage, moins connu, de Paul Spire, juif lorrain de vieille souche, converti au catholicisme par Thérèse en 1936, interné à Drancy et libéré parce que sa femme était « aryenne ». Son témoignage est publié en français en tête de la traduction hébraïque de l’Histoire d’une âme de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, Jérusalem, collection « Hebraica hierosolymitana », t. XV, 1948, sous la direction du R. P. Jean-Marie Paul Bauchet, ocd.
9 Expression empruntée à Thérèse dans la préface de son autobiographie de 1895 qui reprend une manière courante de dire.
10 La correspondance de Thérèse de l’Enfant-Jésus avec le Père Roulland, des Missions étrangères, en partance pour la Chine (1896-1897), montre que le désir de martyre est davantage le fait de celle qui demeure en France que de celui qui, sur le terrain, découvre une réalité déconcertante et complexe.
11 Cette définition du concile de Vatican I entraînera notamment le départ du carme Loyson que Thérèse tentera, toute sa vie, de convertir.
12 Meurtrier qui fait la une des journaux en 1887. Langlois Claude, « Pranzini », in Angelier François et Bou Stéphane (dir.), Dictionnaire des assassins et des meurtriers, Paris, Calmann-Lévy, 2012, p. 473-480.
13 Ce désir de conversion par la prière se concrétise par la proximité qu’elle a depuis l’été 1896 avec son « frère » Roulland.
14 Ainsi qu’en témoignent plusieurs notices de carmélites récemment décédées, lues au réfectoire.
15 Ou dès la fin juillet selon la datation de LC 52 et LC 53 (Agnès de Jésus et Mère Marie de Gonzague à Thérèse, d’après Correspondance générale, Paris, éditions du Cerf/Desclée de Brouwer, 1992, p. 242-243 [abrégé ensuite en CG]).
16 Pour qui ne connaît pas particulièrement la vie de Thérèse, il faut rappeler l’importance de la séquence 25 décembre 1886-25 décembre 1887. En arrière-fond, en mars, la prise d’habit de l’aînée des Martin, sa sœur Marie, entrée au carmel six mois plus tôt, et en juillet l’entrée de son autre sœur, Léonie, une enfant longtemps difficile, à la Visitation de Caen. Thérèse connaît pendant le premier semestre 1887 une vie spirituelle intense, révélée seulement par son autobiographie et ponctuée par la preuve de l’efficacité de la prière puisqu’un assassin célèbre, Pranzini, pour lequel elle a prié, s’est converti en montant à l’échafaud (fin août). Quant à son désir de vie religieuse, elle en parle à son père à la Pentecôte (fin mai), mais elle ne s’en ouvre que le 8 octobre à son oncle et tuteur, très réticent d’abord. Elle doit surtout affronter l’hostilité du supérieur du carmel qui la juge trop jeune. Elle participe alors en novembre avec son père et Céline au pèlerinage des deux diocèses de Bayeux et Coutances à Rome où elle tente de parler au pape. Au retour, elle écrit une lettre à Mgr Hugonin, pour lui rappeler son souhait d’entrer au carmel pour Noël. L’autorisation épiscopale arrive le 28 décembre. Le carmel, pour ne pas se brouiller avec son supérieur ecclésiastique, toujours hostile, repousse la rentrée de Thérèse après Pâques, soit le 9 avril 1888.
17 LT 38 A, brouillon de lettre de Thérèse à Mgr Hugonin, début décembre 1887, CG, p. 325.
18 LT 38 C, version corrigée par son oncle de la lettre de Thérèse à Mgr Hugonin, 16 décembre 1887, CG, p. 331.
19 Procès de béatification et canonisation de Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte Face. I- Procès informatif ordinaire, Rome, Teresianum, 1973 (désormais PO), article no 11, p. 15. Les articles, rédigés par le vice-postulateur, présentent un argumentaire de la vie de la postulante à la sainteté.
20 PO, déposition de Mère Agnès de Jésus, p. 169.
21 PO, déposition de sœur Geneviève, p. 268-269.
22 Il tient, dès 1898, une place importante dans l’Histoire d’une âme. Voir TLCN, p. 199-202, le texte connu du public et les changements opérés par rapport au manuscrit original.
23 Même esquive dans la Vie en images, brochure publiée en 1923 à partir d’une iconographie largement diffusée depuis la veille de la guerre par des plaques de verres utilisées en projection : si la « grâce de Noël » est évoquée, l’image choisie pour l’illustrer représente Thérèse priant pour Pranzini (image no 30).
24 TLMM, p. 139-156.
25 A, 2,19-2vo, 6. Plus ample commentaire dans ATL, p. 137-142.
26 Le nom de Marie-Madeleine a été ajouté dès la première édition de 1898 de l’Histoire d’une âme (p. 4) et elle figurera jusqu’à la fin (ibid., 1953, p. 2).
27 Transcription pour le lecteur de HA 1898 (p. 4) : « Je m’étonnais encore, en lisant la vie des saints, de voir Notre Seigneur caresser du berceau à la tombe certaines âmes privilégiées […] ne permettant jamais au péché de ternir l’éclat immaculée de leur robe baptismale. »
28 A, 38, 6-39, 13. Sur la réécriture de cette parabole, TLMM, p. 157-172.
29 Je m’appuie sur des formules qui se répondent au début de la seconde période (« Cette période s’étend depuis l’âge de quatre ans et demi jusqu’à celui de ma quatorzième année, époque où je retrouvai mon caractère d’enfant tout en entrant dans le sérieux de la vie ») et de la troisième période (« La petite Thérèse avait retrouvé la force d’âme qu’elle avait perdue à 4 ans et demi et c’était pour toujours qu’elle devait la conserver ! »). Thérèse évite soigneusement de parler de conversion dans cette première manière de dire.
30 Le terme figure en appendice sur une page qui donne quelques dates de sa vie, ses armes et l’explication de celles-ci.
31 CV, p. 159-162.
32 ATL, p. 96-97.
33 A, 44, 8-45, 3 et 45, 4-45vo, 21.
34 Ce qui expliquerait peut-être le sens de l’expression utilisée plus tard de « conversion complète ».
35 Épisode très important, intimement lié à l’entrée au carmel de sa sœur aînée Pauline, considérée comme sa seconde mère, et surtout à la conséquence du refus des autorités ecclésiastiques de lui permettre de faire sa communion le même jour que la prise d’habit de Pauline. Thérèse, née le 2 janvier 1873, pouvait en effet obtenir une dérogation pour faire sa communion avec les enfants nés en 1872. La maladie, grave et déconcertante par ses manifestations, dure de Pâques à la Pentecôte 1883. Thérèse se dit guérie par un miracle attribué à la Vierge. L’année suivante, elle fera effectivement sa communion en même temps que la profession de sa sœur.
36 Même à son confesseur, Thérèse raconte que c’est Marie son aînée qui préparait sa confession en lui disant ce qu’elle devait ou non avouer au prêtre.
37 On situe habituellement cet épisode en juillet 1897.
38 TLMM, p. 178-179.
39 Développement dans CN, p. 85-98.
40 Esquisse d’une réflexion sur ce thème essentiel dans ATL, p. 178-181.
41 Léonie, née en 1863, enfant longtemps difficile, maladive, instable, fait alors une seconde tentative de vie religieuse après une tentative brève chez les clarisses d’Alençon.
42 LT 201, 1er novembre 1896.
43 CN, p. 153.
44 LT 193, 30 juillet 1896.
45 Le 25 mars 1897, pour la profession de sa cousine, Marie de l’Eucharistie, Poésies, nouvelle édition du centenaire, Paris, éditions du Cerf/DDB, 1992, p. 219-222.
46 L’année 1896 marque à la fois la fin d’un cycle, par la remise de son manuscrit (20 janvier) pour la dernière fête de sa sœur Pauline comme prieure et la profession de sa sœur Céline (24 février), et surtout l’ouverture d’un nouveau (le dernier aussi), avec l’élection difficile de Marie de Gonzague (mars), qui fait de Thérèse sa maîtresse des novices sans lui en donner le titre. En avril, elle a la connaissance, par des crachements de sang, de sa tuberculose et, le ciel se dérobant à elle, elle entre dans la nuit de sa foi.
47 Cette conclusion a été ajoutée en 2015.
48 Clapier Jean, Thérèse de Lisieux au risque de la psychologie, Paris, Presses de la Renaissance, 2010. En fait l’auteur regroupe des interprétations qui vont de la psychiatrie à la psychanalyse.
49 Voir les chapitres xii et xiii de TCLV.