1 Cet article est paru en 1973 dans un numéro thématique (Église infaillible ou intemporelle ?, no 79, 1973, p. 63-78) de Recherches et débats, revue du Centre catholique des intellectuels français. Ce volume rendait compte d’un colloque tenu les 12 et 13 mai 1972 au CCIF autour de Hans Küng, célèbre théologien qui venait de publier Unfehhlbar ? Eine Anfrage (1970). Le but du CCIF était de réduire les tensions suscitées par les prises de positions de Küng auprès de Rome en ouvrant un dialogue au-delà des seuls théologiens : en effet, après la présentation de l’auteur, j’introduisais l’échange, puis intervinrent Annie Jaubert (exégète) et Jean Ladrière (philosophe et linguiste). La liste des intervenants qui ont participé activement à ces journées fournit un bon exemple du réseau du CCIF, dirigé alors par René Rémond : Claude Bressolette, Claude Bruaire, Pierre Colin, Yves Congar, Henri-Irénée Dalmais, Jean Delumeau, André Dumas, Jean-Claude Eslin, Étienne Fouilloux, Claude Geffré, Jules Gritti, Henri Holstein, Hervé Legrand, Nicolas Lossky, Jean-Louis Monneron, René Pucheu, René Rémond, Philippe Roqueplo, André Scrima, Claude Wiener. J’ai retenu ce premier article malgré certaines généralisations, dans la mesure où il a constitué mon premier contact d’historien avec une production théologique controversée. Et, j’en ai pris conscience en le relisant, il a été à l’origine de mon impression d’étrangeté devant la démarche théologique. Hans Küng traduisit immédiatement deux communications entendues, celles d’Annie Jaubert et la mienne, dans un nouvel ouvrage collectif (Fehlbar ? Eine Bilanz, 1973, p. 146-160). Dans ses Mémoires II. Une vérité contestée, évoquant cette rencontre, il dit sa satisfaction du climat irénique où il retrouva des amis théologiens et précise : « La chose la plus intéressante pour moi fut le compte rendu de Claude Langlois, jeune historien français qui exposa avec précision la façon dont l’infaillibilité était née au XIXe siècle. » Et après avoir résumé brièvement mon intervention il concluait : « Je me trouvais vraiment devant une vision inattendue des choses dont je fus moi-même surpris. » (Novalis/éditions du Cerf, 2010, p. 241-242.) À la réflexion, la lecture du Pie IX du chanoine Aubert, dont je m’inspirais souvent, lui aurait apporté beaucoup plus de surprises – et plus tôt – que mes réflexions, mais tel est le hasard des rencontres et le souvenir qu’on en garde.
2 Paris, DDB, 1971.
3 À défaut d’une bibliographie, impossible ici, voir des comptes rendus spécialisés comme celui de Congar Yves, « Bulletin d’ecclésiologie, II. Quelques moments d’histoire », Revue des sciences philosophiques et théologiques, no 57, 1969, p. 665-708.
4 Certeau Michel de, « L’histoire religieuse au XVIIe siècle. Problèmes de méthodes », Recherches de science religieuse, no 57, 1969, p. 250 : « Est-ce du même type de “religion” qu’il est question au Moyen Âge, au XVIIe siècle ou au XIXe ? »
5 Voir l’importante étude collective, L’ecclésiologie au XIXe siècle, Paris, éditions du Cerf, 1960.
6 La présentation la plus complète demeure la remarquable étude de Aubert Roger, Le pontificat de Pie IX, Paris, Bloud et Gay, 1962.
7 Voir le no 18 (1972) de la revue Communications, consacré à « l’événement », en particulier les articles d’Edgar Morin, Emmanuel Le Roy-Ladurie et Pierre Nora.
8 Selon la formule de Saint-Just (Le bonheur est une idée neuve), restituée à travers le titre de l’ouvrage de Mauzi Robert, L’idée de bonheur au XVIIIe siècle, Paris, Armand Colin, 1960.
9 Gérard Alice, La Révolution française, mythes et interprétations, 1789-1970, Paris, Flammarion, 1970.
10 Plongeron Bernard, Théologie politique au siècle des Lumières, 1770-1820, Genève, Droz, 1973.
11 Plongeron Bernard, Conscience religieuse en Révolution, Paris, Picard, 1969, p. 232.
12 Note ajoutée : je suivais ici les positions de B. Plongeron, revisitant la Révolution après Vatican II. Mes recherches sur la reconstruction concordataire me conduisirent à reconsidérer l’intérêt de la période postérieure.
13 Rogier Ludovicus Jacobus et al., Siècle des lumières, révolutions, restaurations, Paris, éditions du Seuil, 1966. Voir en particulier la carte p. 328-329.
14 Triomphe Robert, Joseph de Maistre. Étude sur la vie et la doctrine d’un matérialiste mystique, Genève, Droz, 1968. Plus anciennement, Latreille Camille, Joseph de Maistre et la papauté, Paris, Hachette, 1906, p. 78 et suiv.
15 Lyon-Paris, Beaucé-M. P. Rusan, 1819. L’ouvrage a compté 36 éditions au cours du XIXe siècle (jusqu’en 1903).
16 Lovie Jacques et Chetail Joannès (dir.), Du Pape. Édition critique, Genève, Droz, 1966.
17 Ibid.
18 Latreille Camille, Joseph de Maistre et la papauté, op. cit., p. 321.
19 Lamennais Félicité de, Correspondance générale, édité par Louis Le Guillou, Paris, Armand Colin, t. I, 1971, « Lettre à Me Champy », 21 janvier 1815, p. 223.
20 Prélot Marcel, Le catholicisme libéral, Paris, Armand Colin, 1969, p. 259.
21 Latreille Camille, Joseph de Maistre et la papauté, op. cit., p. 300 et suiv.
22 Voir Derré Jean-René, Lamennais, ses amis et le mouvement des idées à l’époque romantique, Paris, Klincksieck, 1962.
23 Note de 2015. Ce développement souffre d’une perspective trop strictement franco-savoyarde et néglige la réception peu enthousiaste par Rome des pensées de Joseph de Maistre qui m’était pourtant connue. Mais la perspective adoptée ne me paraît pas nuire à la démonstration d’une politisation de l’infaillibilité pontificale chez un traditionaliste qui, dans cette perspective, est aussi un héritier de Rousseau.
24 Mgr Ignace Bourget, évêque de Montréal (1840) et fervent ultramontain connu par les travaux de Pierre Savard.
25 Newman John Henry, Lettre au duc de Norfolk (1874), édité par B.-D. Dupuy, Paris, DDB, 1970, lettre du 18 avril 1870, p. 449.
26 Vatican I, Paris, Orante, p. 30.
27 Une lettre de Montalembert à Mgr Parisis du 12 mars 1846 traduit bien cette conscience de mutations simultanées : « Trois révolutions s’opèrent en ce moment en France : 1. La transformation du rigorisme en liguorisme. 2. La transformation du servilisme gallican en libéralisme ultramontain. 3. La transformation de la liturgie janséniste et individuelle en liturgie une et romaine. » Et d’ajouter que la première est consommée, la deuxième certaine, la troisième aboutira dans un quart de siècle (cité par Guillemant Charles, Pierre-Louis Parisis, Paris, de Gigord, 1916, t. 1, p. 190).
28 Traduction française, Paris, éditions du Cerf, 1969, p. 387-434.
29 Le demandeur était l’abbé Gousset.
30 Noonan John T., Contraception et mariage, op. cit., p. 502.
31 Note de 2015. Mais sans doute était-il excessif de placer cette nouveauté sous l’étiquette commode de l’ultramontanisme. Ici la volonté de montrer les aspects pastoraux du mouvement, conduisait à des positions que je nuancerai plus tard, par exemple en montrant l’importance du gallican Bouvier.
32 Aubert R., Le pontificat de Pie IX, op. cit., p. 276.
33 Ibid., p. 292-294.
34 Ignaz von Döllinger, professeur de théologie à l’université de Munich ; après un tournant libéral en 1863, rendu public au congrès de Malines, il déclare son hostilité au dogme de l’infaillibilité pontificale en déployant d’importants arguments historiques. Il refusera de l’accepter après le vote du concile, en tant que chrétien, théologien, historien et citoyen, mais il vivra à l’écart du mouvement vieux-catholique de Bavière qui avait accueilli les catholiques opposés au dogme.
35 Voir, en appendice à la Lettre au duc de Norfolk, la correspondance de Newman qui évoque fréquemment la position de Döllinger ; voir Ignaz von Döllinger Briefwechsel, 1820-1890. [Mit Lord Acton], édité par Victor Conzemius, 3 vol. , Munich, C. Beck, 1963-1971,
36 Libère, pape de 352 à 366, a été accusé de s’être compromis avec l’arianisme ; Honorius Ier, pape de 625 à 638, professait une doctrine christologique condamnée par un concile ultérieur. Le premier et, plus encore, le second ont donc montré la faillibilité des papes.
37 Conzemius Victor, « Aspects ecclésiologiques de l’évolution de Döllinger et du vieux-catholicisme », L’ecclésiologie au XIXe siècle, op. cit., p. 247-279 ; Conzemius Victor, Katholizismus ohne Rom. Die altkatholische Kirchengemeinschaft, Zürich, Benziger Verlag, 1969.
38 Latreille Camille, Joseph de Maistre et la papauté, op. cit., p. 196.
39 La définition du dogme de l’infaillibilité aurait été, selon un mot attribué à Manning, « la victoire du dogme sur l’histoire » (Conzemius V., « Aspects ecclésiologiques… », art. cité, p. 250).
40 John Henry Newman, à l’origine du Mouvement d’Oxford, se convertit au catholicisme en 1845. Après le concile de Vatican, il explique aux Anglais hostiles l’interprétation à donner au nouveau dogme de l’infaillibilité dans une célèbre Lettre au duc de Norfolk. Il est nommé cardinal en 1879 par le nouveau pape Léon XIII.
41 Il vise ici les deux papes contestés.
42 Équivalent du sensus communis par lequel on accède à la compréhension de la foi de l’Église.
43 Lettre au duc de Norfolk (1874), op. cit., p. 342.
44 Selon les notices « Immaculée Conception » et « Syllabus » du Dictionnaire de théologie catholique.
45 Pour une première approche historique des apparitions mariales, Savart Claude, « Cent ans après : les apparitions mariales françaises au XIXe siècle : un ensemble ? », Revue d’histoire de la spiritualité, no 48, 1972, p. 205-220.
46 Rondet Henri, Vatican I, Paris, Lethielleux, 1962, p. 43.
47 Aubert Roger, Le pontificat de Pie IX, op. cit., p. 311.
48 Sempéré Henri, La Semaine catholique de Toulouse, 1861-1908, Toulouse, 1971, 3 vol.
49 On trouvera un bon exposé de ces différentes positions dans l’article « Syllabus » du Dictionnaire de théologie catholique.
50 Voir par exemple la position récente de W. Dirks, présentée et commentée dans Küng Hans, Infaillible…, op. cit., p. 139.
51 Voir la récente mise au point de Mayeur Jean-Marie, « Catholicisme intransigeant, catholicisme social, démocratie chrétienne », Annales ESC, no 2, 1972, p. 483-499.
52 Note de 2015. Sur ce point précis je divergeais des positions de René Rémond pour lequel Vatican II s’inscrivait dans la perspective des catholiques libéraux.