Émergence entrepreneuriale et innovation sociale dans l’économie sociale et solidaire : acteurs, projets et logiques d’action
p. 53-77
Texte intégral
Introduction
1Dans la perspective des travaux menés par le réseau EMES1 sur l’émergence des entreprises sociales en Europe (Borzaga et Spear, 2004 ; Evers et Laville, 2004, Borzaga et Defourny, 2001 ; Defourny, 2004), cette recherche2 se propose de mieux comprendre les dynamiques entrepreneuriales contemporaines de l’économie sociale et solidaire, à partir d’une analyse des microprojets innovants financés dans le cadre du programme de la mesure 10B, du FSE (Fonds Social Européen3). Au croisement de domaines d’activité et de formes juridiques plurielles (association, coopérative, SCIC), nous nous sommes plus particulièrement intéressés à la phase d’émergence de projets d’économie sociale et solidaire développés sur le territoire de la région Pays de la Loire, en privilégiant une lecture théorique de dépassement du dualisme acteur/système basée sur l’approche par les logiques d’action (Amblard et al., 1996, 2005).
2La connaissance des acteurs et des logiques d’action qui conduisent un individu ou un groupe à engager un projet dans ce secteur polymorphe de l’économie sociale et solidaire, demeure encore bien imparfaite. En nous plaçant au-delà des approches par l’acteur (et ses valeurs) et par le système, nous avons cherché à appliquer ce cadre d’analyse à l’étude des processus d’émergence et de développement de ces projets entrepreneuriaux, en identifiant les interactions entre les acteurs et les situations d’action.
3Par la compréhension de la genèse de ces projets et des innovations sociales proposées, notre objectif est ici d’interroger les représentations implicites de l’entrepreneur et les dynamiques entrepreneuriales actuelles en économie sociale et solidaire.
Un cadre théorique de dépassement : les logiques d’action pour analyser l’émergence entrepreneuriale dans l’économie sociale et solidaire
4L’étude des processus d’innovation sociale et de création d’organisation sociale et solidaire reste plutôt « impressionniste » (Prabhu, 1999), favorisant des généralisations parfois hâtives, sur les profils et les projets des individus, dimensions sur lesquelles nous avons cherché à porter notre regard.
Un déficit de travaux sur l’émergence entrepreneuriale dans l’économie sociale et solidaire
5La problématique de l’émergence entrepreneuriale en économie sociale et solidaire (Gartner, 1993) demeure encore peu documentée. Si à la suite de D. Young (1983) et de Ch. Badelt (1997), J. Defourny (2004) a tenté d’identifier un nouvel entrepreneuriat au sein de l’économie sociale, sa proposition typologique s’inscrit dans les combinaisons schumpéteriennes ; elle ne permet pas de développer une lecture de dépassement du dualisme Acteur/Système. Aussi, plusieurs questions demeurent vives : elles concernent le processus d’émergence de ces projets, le profil des acteurs/porteurs (protagonistes) qui les développent, depuis l’idée, en passant par les processus de mobilisation des acteurs et des ressources, jusqu’à la mise en œuvre du projet. Quelles sont ces initiatives ? Par qui sont-elles initiées, portées ? Quelles sont les logiques d’action de leurs protagonistes ?
6Ainsi, parmi les études récentes4 réalisées sur les associations, la dimension de l’acteur et des logiques qui l’animent apparaissent complexes à appréhender : on y observe des dynamiques entrepreneuriales associant des acteurs de sphères (de mondes) pluriels (Boltanski et Thévenot, 1991), qui revêtent un caractère très processuel. Après avoir étudié des organisations différentes (en termes d’effectifs) et diverses quant à leur genèse, leur appartenance à des réseaux, leurs liens avec la puissance publique, leur secteur d’activité, plusieurs travaux sur les dynamiques entrepreneuriales révèlent une large diversité de processus. Selon les recherches réalisées par le MATISSE (Tchernonog, 2007a, b), la création d’une association n’implique pas toujours l’émergence d’un projet et d’acteurs nouveaux : ainsi, un cinquième des associations enregistrées lors de leur création reprennent dans un cadre associatif nouveau, souvent avec un projet remanié et des acteurs un peu différents, une action précédemment conduite par une association ayant disparu pour des raisons diverses (conflits, réorientation du projet…). (à savoir 20 % des associations sont dans ce cas). Les auteurs de l’étude soulignent également la fréquence élevée du renouvellement du projet et ceci dans tous les secteurs d’activité associatifs.
7La nature des motivations des entrepreneurs de l’économie sociale et solidaire est souvent mise en avant pour justifier la décision de démarrer une organisation à but non lucratif (Valéau et al., 2004). Oberfield et Dees (1991) et Dees (2004) constatent que cette décision peut être déterminée par les valeurs personnelles des fondateurs ou par une opportunité économique. Du côté personnel, un élément commun est avancé : le désir de l’entrepreneur de faire une contribution à la société, couplé avec l’idée que cette contribution ne peut pas être faite (du moins pas aussi bien) dans le cadre d’une entreprise traditionnelle. Du côté économique, certaines opportunités ne peuvent être effectivement saisies ou financées sur une base lucrative.
8La connaissance des dispositions des acteurs, des logiques qui les animent au moment de l’émergence du projet, demeure encore bien partielle. Sur le plan empirique, on ne peut que déplorer ce déficit de connaissances alors que le phénomène de la création et du développement d’activité en économie sociale et solidaire ne fait pas l’objet d’études systématiques par des organismes institutionnels. Par ailleurs, la complexité des processus d’émergence de ces projets rend difficilement appréhendable l’identification des acteurs concernés, la genèse de l’idée, l’articulation et le rôle des acteurs impliqués, et plus globalement les processus entrepreneuriaux déployés.
9Toutefois, en tant que « construits sociaux finalisés » (Crozier et Friedberg, 1977), ces organisations de l’économie sociale et solidaire constituent des phénomènes dans lesquels s’incarnent à la fois des intentions humaines et des lois naturelles (Simon, 1969/1991). Cette présence et ce rôle de(s) acteur(s), que nous avons choisi de nommer ici porteur, pour mieux signifier leur impulsion vis-à-vis du projet d’entreprendre, sont encore mal connus dans les processus entrepreneuriaux relatifs au champ de l’économie sociale et solidaire. En nous plaçant dans cette perspective artificialiste (Simon 1969/1991), nous considérons que cette phase d’émergence (à savoir, la transition du projet d’entreprendre au projet d’entreprise), met en interaction des êtres humains, qui ne sont pas des objets passifs et inertes, mais des agents cognitifs et affectifs, actifs, dotés de conscience, de capacité de réflexion, d’autofinalisation, d’imagination, d’invention, ayant mémoire, désirs, capacités projectives, émotions (Morin, 1974, 1980, 2001).
10Les travaux engagés par les théoriciens des logiques d’action (Amblard et al., 1996) nous ont semblé propices à constituer un cadre d’analyse pertinent pour explorer cette question et articuler trois niveaux d’analyse constitutifs de ces dynamiques entrepreneuriales, en s’intéressant à la fois à l’acteur, au projet et à la situation d’action.
L’acteur est ici défini comme non seulement stratégique, identitaire et culturel mais aussi social-historique, groupal et pulsionnel ;
Le projet est appréhendé à travers l’innovation sociale développée et les processus organisationnels déployés pour sa mise en œuvre ;
Quant à la situation d’action, elle est constituée d’instances multiples dont chacune fournit une base de développement de logiques d’action de l’acteur. Comme le rappelle Fayolle (2003), elles constituent de puissants moteurs qui vont diriger l’acteur et son projet vers le passage à l’acte d’entreprendre.
11Utilisées avec l’ambition de dépasser les deux approches unidimensionnelles de l’action sociale (à savoir, la tradition déterministe et l’approche rationaliste), les logiques d’action peuvent s’appliquer potentiellement à l’échelle des comportements individuels et des comportements des acteurs collectifs.
Les logiques d’action comme cadre théorique et méthodologique
12La notion de logique d’action, fortement mobilisée en sciences sociales, revêt plusieurs acceptions. Dans le langage courant, l’emploi de l’expression suggère que l’action obéit à certains principes, règles ou contraintes qui, sans la déterminer complètement, l’expliquent pour partie ou la dotent d’une certaine inertie ou prévisibilité.
13Nous l’emploierons ici dans le sens proposé par P. Bernoux et plus largement repris et diffusé dans un ouvrage collectif récemment réédité (Amblard et al., 1996, 2005). Conformément à l’acception initiale, ses auteurs voient dans le concept de logique d’action, une expression réceptacle permettant d’articuler plusieurs regards sociologiques. De leur point de vue, l’analyse sociologique ou organisationnelle gagne à rapprocher les regards théoriques, que portent sur l’action et la coordination, des auteurs qui, pour une large part, s’ignorent dans leurs contributions respectives. À partir du corpus de base de la sociologie des organisations française, à savoir l’œuvre de M. Crozier et E. Friedberg (1977) avec l’ASO (Analyse Stratégique des Organisations), Amblard et al. (2005) invitent d’autres approches sociologiques contemporaines, pour mieux comprendre et analyser l’action collective organisée ; parmi les plus contributives, on peut citer la sociologie de la régulation (Reynaud, 1989/19977), les travaux de Sainsaulieu sur l’analyse identitaire (1977, 1990), l’économie des conventions (Salais 1989 ; Livet et Thévenot 1991 ; Salais et Storper 1993), les économies de la grandeur (Boltanski et Thévenot 1987, 1991) ou plus récemment la théorie de la traduction (Callon, 1989, Latour, 1989, Callon et al., 2006).
14Ces ensembles théoriques s’inscrivent tous dans le paradigme global de la sociologie de l’action, fondée en grande partie sur l’individualisme méthodologique et privilégiant le comportement stratégique comme cadre théorique englobant. Ce cadre générique des logiques d’action permet de structurer des recherches dans une voie de dépassement, récusant l’approche classique et néoclassique économique de l’individu pour sa vision réductionniste de l’action humaine, limitée aux seuls intérêts matériels. Cette théorie utilitariste masque le caractère pluriel de l’initiative socio-économique, mis en évidence par M. Mauss, K. Polanyi, A. Sen, A. Caillé. Il s’agit « d’explorer le lien entre l’intention et l’action », de retrouver la « piste sinueuse des choix opérés par l’acteur et de rendre compte de ce qui les fonde… » (Amblard et al., 2005, p.198).
15Dans le processus d’émergence entrepreneuriale, on ne peut pas présumer de l’existence d’un acteur, réduit à l’Homo calculateur, rationnel et intéressé. L’action économique peut aussi résulter du sentiment d’appartenance et d’une intrication entre désintéressement et intérêt, l’intérêt étant en outre plus large que l’intérêt matériel (Laville, 2003). Par ailleurs, l’Homo sociologicus, marqué par son histoire et son parcours de vie, nous apporte un éclairage incomplet pour comprendre les fondements de l’agir individuel et collectif et mieux saisir les processus de formation des choix.
16Les approches mobilisant les logiques d’action cherchent à mettre à jour « les raisons d’agir » des individus, en prenant en compte la diversité des mobiles et des rationalités, et en tenant compte des discours que tiennent les acteurs sur leur propre conduite.
17La logique d’action5 nous permet d’articuler deux entrées dans l’explication des comportements (via l’acteur) et des phénomènes (via la situation d’action). De l’articulation de ces deux dimensions naissent des interactions à travers lesquelles les logiques d’action s’expriment. Cette posture de dépassement des réductionnismes du côté de l’acteur ou des structures n’est pas nouvelle en soi (cf. les travaux de Boudon, Giddens6).
18La logique d’action ne constitue pas une structure causale immuable, dans la mesure où l’acteur n’existe pas en soi, mais se construit et se définit comme tel par son action, à partir des choix opérés, des régularités des comportements observés. Cet acteur est relativement libre et autonome, il évolue dans un cadre formel, des règles édictées, des rôles attendus tout au long des processus de socialisation, mais il n’est jamais complètement enfermé dans son rôle, qu’il peut interpréter en mettant à profit les ambiguïtés, les contradictions repérées.
19Aussi, la logique d’action naît du sens que l’individu donne à l’action qu’il entreprend, lié à la situation d’action dans laquelle il est placé. Ce sens n’est pas dépendant seulement de la situation, mais a été créé à travers les représentations que les individus se forgent avant d’être en situation. Par conséquent, les logiques peuvent « évoluer en fonction des actions envisagées et des acteurs pris en eux-mêmes » (Amblard et al., 2005). Ainsi, des logiques stratégiques et coopératives peuvent cohabiter, elles permettent d’expliquer le type de raisonnement emprunté avant de nouer une relation stratégique ou un compromis.
20L’acteur peut être de nature individuelle mais également collective. Il se caractérise par une dimension stratégique, il est doté d’une identité qui est le produit de sa trajectoire personnelle, et de son enracinement social, culturel et historique. Il poursuit des objectifs, mobilise des ressources, réalise des opérations de traduction (Callon, 1989) et vit avec ses pulsions. Il doit donc pour être compris, être analysé à partir des divers espaces dans lesquels il s’organise.
21Les logiques d’action s’expriment donc lors des interactions résultant de la combinaison de l’acteur historiquement et culturellement constitué et de la situation d’action. Dès lors, la compréhension des logiques d’action nécessite l’examen des diverses composantes tant structurelles que dynamiques et stratégiques qui la génèrent. Cette sociologie des logiques d’action renvoie donc à un effort d’analyse visant à rendre compte des différents niveaux où s’enracinent les comportements des acteurs ; elle présente l’intérêt de conjuguer microanalyse et contextes de l’action.
Terrain et démarche méthodologique
22Ce constat a donc conduit à croiser l’analyse conjointe des acteurs, de leurs projets et des contextes dans lesquels ils évoluent.
23Dans la mesure où le dispositif de la mesure 10B est destiné à aider au lancement d’un microprojet innovant bien identifié, nous avons pu repérer des porteurs souhaitant développer un projet, soit en tant que créateur d’une nouvelle organisation, soit en tant qu’individu (salarié ou bénévole) travaillant dans des structures relevant du secteur de l’économie sociale et solidaire, à savoir, des associations, des organisations à but non lucratif, des entreprises combinant à la fois des finalités économiques et des finalités sociales (comme les entreprises d’insertion) et des coopératives7.
Le cadre d’analyse
24À partir du cadre théorique et méthodologique des logiques d’action, nous avons construit un cadre d’analyse ad hoc, susceptible de nous aider à mieux appréhender la diversité des acteurs, de leurs projets et contextes d’action. Plusieurs questions de recherche ont guidé notre travail ; elles portent sur :
les profils des acteurs/porteurs et les logiques qui les animent ;
la nature des projets développés et les innovations sociales proposées.
À propos du porteur
25Les sociologues Arocena, Bernoux, Minguet, Paul-Cavalier et Richard (1983) proposent d’aborder le terrain d’étude, en considérant les processus entrepreneuriaux comme la mise en mouvement d’acteurs sociaux divers dans un contexte particulier, global ou local ; ils nous invitent à analyser l’histoire individuelle et sociale de l’individu autour de trois pôles constitutifs d’un système d’action provoquant l’apparition ou la disparition du projet. Ces pôles sont le pôle personnel, c’est-à-dire l’expérience vécue de l’individu et ses ressources, le pôle relationnel, son réseau de relations, et le pôle professionnel et sa connaissance de l’entreprise. Ces trois pôles (cf. tableau 1) sont indissociables et en interaction constante, ainsi les caractéristiques attribuées à l’un des pôles vont nécessairement entraîner des modifications et une structuration spécifiques des autres et réciproquement. Par ailleurs, le poids des pôles n’est pas constant, il est variable et donne des caractéristiques spécifiques au processus entrepreneurial.
Tableau 1 – Les dimensions d’analyse du porteur
Pôle |
Dimensions |
Pôle personnel |
Biographie du créateur Histoire personnelle Région d’origine Lieux où il a vécu et travaillé Formations suivies (initiales et complémentaires), disciplines étudiées, Mobilité professionnelle (entreprise et secteur) Motivations |
Pôle relationnel |
Environnement immédiat du créateur Réseaux de relations constitués (familial, professionnel et social) |
Pôle professionnel |
Vécu professionnel Connaissance de la vie de l’entreprise Acquis professionnels accumulés (maîtrise d’un savoir-faire, d’une technologie, compétences liées à un métier) |
À propos du projet et de son contexte
26Nous avons privilégié le cadre d’analyse suivant (cf. figure 1) pour appréhender la dynamique de l’émergence entrepreneuriale.
Figure 1.– Cadre d’analyse du projet (adapté de Adam, 2001)

27Ce cadre d’analyse nous a conduit à distinguer deux axes : le premier concerne les acteurs à l’origine du projet, le deuxième distingue les acteurs destinataires du projet (cf. tableau 2 ci-dessous).
Tableau 2.– Les éléments constitutifs des processus entrepreneuriaux d’un projet socio-économique
Le projet de… |
Un individu |
Plusieurs individus |
Un individu porté par une organisation |
Plusieurs organisations |
/Le projet pour… |
Pour soi |
Pour soi et d’autres bénéficiaires (bénévolat ; pas de prestations) |
Pour soi et d’autres bénéficiaires (bénévolat, avec prestations) |
Pour des clients/prestataires |
28Dans ses travaux sur l’économie sociale et à l’innovation sociale, Levesque (2002) propose de s’intéresser à différents acteurs sociaux pour comprendre l’innovation sociale (acteurs sociaux tels que des individus, des organisations, des regroupements et des mouvements sociaux). Selon cet auteur, le potentiel d’innovation de l’économie sociale résulterait du jeu de rapports à la fois complémentaire et dialectique entre l’économie sociale, le secteur marchand et le secteur public, à travers des compromis, arrangements, concurrence et complémentarité (cf. tableau 3).
Tableau 3 – Les dimensions d’analyse du projet innovant
Critères |
Dimensions observées |
|
Questionnements |
Dimensions observées |
|
L’idée |
Qui introduit l’idée ? |
Les acteurs porteurs de l’idée |
La dimension collective |
Comment se manifeste la dimension collective ? |
Les acteurs internes à l’organisation/Les acteurs externes à l’organisation |
L’organisation |
Quelles sont les caractéristiques de l’organisation ? |
Activité, taille, ancienneté, appartenance à un réseau |
Les structures d’échange |
Quelles sont les structures d’échange ? |
Formes et natures des échanges |
Type d’innovation |
Quels types de service sont proposés ? Un nouveau public est-il concerné ? Quelles sont les formes de coordination avec d’autres acteurs ? |
Caractérisation de l’innovation |
Protocole de l’étude empirique
29Nous avons retenu une double approche : une enquête réalisée par questionnaire auprès des porteurs de la mesure 10B de la région Pays de la Loire afin de tenir compte de la diversité des projets ; des entretiens conduits auprès des porteurs afin d’approfondir les thématiques.
30Sur la période du printemps 2007, nous avons administré, par téléphone, une centaine de questionnaires et réalisé une vingtaine d’entretiens semi directifs, en privilégiant des terrains différents en termes de domaine d’activité et de forme juridique.
Échantillon retenu, structure du questionnaire, collecte des données
À la fin du mois d’avril,
la CRES (Chambre Régionale d’Économie Sociale) comptabilisait 129
microprojets retenus pour 14 comités de sélection. À l’issue de
l’analyse de tous les dossiers déposés, nous avons décidé de ne pas
prendre en compte les projets examinés au cours du dernier comité de
sélection (janvier 2007), dans la mesure où leurs porteurs
manquaient de recul sur leur action, certains ne l’ayant pas encore
débutée. Ainsi, l’échantillon retenu pour mener l’enquête s’est
restreint à 114 projets.
La structure du
questionnaire reprend les questions qui construisent la
problématique de la recherche. Elle comprend cinq thèmes
principaux : l’identification du porteur, les caractéristiques du
projet, celles des parties prenantes, les processus et modalités
d’implantation sur le territoire, l’évaluation des
résultats.
Pour la
collecte des données : l’administration des questionnaires a
débuté par les contacts que la CRES jugeait comme « les plus faciles », et avec
des porteurs entretenant d’excellentes relations avec cette
dernière. Les appels téléphoniques se sont déroulés sur la période
du 24 avril au 12 juin 2007. Toutes les structures ont été
contactées : 76 questionnaires ont pu être renseignés (taux de
réponse avoisinant 70 %). Enfin le traitement des données a été
réalisé sous le logiciel de traitement d’enquête Sphinx, tandis que
les commentaires annexes ont fait l’objet d’une analyse
textuelle
Analyse discussion
31Cette dernière partie est consacrée à une analyse discussion des dynamiques entrepreneuriales relatives aux projets de la mesure 10B. Rappelons que nous nous sommes intéressés conjointement au profil des acteurs et à leurs logiques d’action, en veillant bien à cerner les interactions au sein du triptyque porteur/projet/contexte.
32En cherchant à mieux comprendre la genèse de l’idée, notre objectif était de revenir sur des représentations implicites de l’entrepreneur et sur les dynamiques entrepreneuriales actuelles en économie sociale et solidaire.
33La présente discussion portera donc respectivement sur les acteurs ainsi que sur les aspirations qui les animent, puis sur les dynamiques à l’œuvre dans les processus d’émergence et de développement des projets, et enfin, sur les différentes configurations des initiatives développées.
Profils et logiques des acteurs
34L’analyse des résultats de l’enquête permet d’observer un certain nombre de régularités caractérisant les porteurs. Les projets étant majoritairement des développements d’activité à partir ou au sein de structures déjà existantes, ils offrent l’opportunité de révéler et d’analyser ces intrapreneurs de l’économie sociale et solidaire, figure souvent méconnue voire ignorée dans la littérature académique.
Les régularités observées
35Notre propos est ici de nous centrer sur les salariés de structures associatives (et coopératives, de manière plus marginale), porteurs de projets dans le cadre de la mesure 10B. Notons, toutefois, qu’aucun salarié n’a créé de structure. Leur projet a consisté à développer une activité dans le cadre déjà existant de leur structure ou à s’associer avec d’autres structures existantes.
36Sur l’ensemble des projets présentés, les salariés constituent la majorité des porteurs : 62,9 % des porteurs sont, en effet, salariés au moment du lancement du projet. Au total, une quinzaine de personnes sont devenues salariées grâce au développement de l’activité. Trois personnes sont devenues salariées de la structure pour pouvoir porter le projet (selon une logique de portage de projet). Dix bénévoles ont changé de statut et sont devenus salariés grâce à ce développement ; une stagiaire a également bénéficié de cette opportunité pour pérenniser son emploi. C’est sur cette population de salariés, porteurs de projets, reposant sur le développement d’une activité que nous allons nous arrêter.
37Nous avons cherché à dégager certaines régularités (Weber, 1922b) dans l’étude des logiques d’action des acteurs, qu’ils soient créateur d’une nouvelle organisation ou porteur d’un projet intrapreneurial.
38L’analyse détaillée de la genèse des projets permet de constater que l’intention de développer un projet est très souvent liée à un constat vécu à titre personnel, dans la sphère intime (familiale, sociale) ou dans la sphère professionnelle. Ainsi, certains projets nous semblent aussi s’inscrire dans la logique affective évoquée par M. Weber, tandis que d’autres relèvent de logiques plurielles, et évolutives selon les phases du projet. L’univers des projets associatifs et coopératifs étudiés nous a permis de repérer des acteurs aux profils variés, issus de mondes, civique, religieux, professionnel différents. Ils sont porteurs de projets dont les prestations se trouvent soumises au champ d’influence de ces différents univers d’appartenance confus. Par ailleurs, ces microprojets s’inscrivent de manière singulière dans un espace temporel et géographique donné. Ces constats soulignent l’intérêt d’articuler une triple lecture micro, méso et macro.
39Les porteurs ont conscience de certaines défaillances de l’État, des institutions sociales mais aussi de leurs propres organisations pour satisfaire certains besoins. Ils ne revendiquent pas le caractère entrepreneurial de leur démarche, pour anticiper/révéler la satisfaction de besoins non solvables. Mais, par les innovations sociales proposées (le plus souvent à l’échelle d’un quartier, d’une localité, voire parfois d’une communauté de communes), ils cherchent à participer à l’évolution, voire à la transformation des régulations économiques et sociales dominantes, en particulier dans l’univers de l’insertion sociale et professionnelle et des services à la personne. Par exemple, de nombreux projets cherchent à innover en ne dissociant pas hébergement et insertion, insertion et emploi. Ainsi, beaucoup de projets se situent à l’interface de missions proposées par des univers différents de services, voire présentent la caractéristique d’être transversaux sur plusieurs secteurs d’activité comme l’insertion, la formation, l’emploi et l’hébergement.
Tableau 4 – Position et sensibilité du porteur/projet (extrait)
Projet |
Position et Sensibilité du Porteur |
Mettre en relation offreurs et demandeurs de logement (avec comme contrepartie une équivalence loyer/services rendus par le locataire) dans le cadre d’une « contractualisation » destinée à formaliser l’engagement réciproque |
Une des personnes du groupe était confrontée aux difficultés rencontrées par les personnes âgées isolées ; Idée suscitée par un exemple similaire de projet trouvé dans la presse espagnole ; |
Diffusion de journaux par fax et mail pour adultes en grande difficulté de lecture |
La porteuse a un frère sourd, qui a un accès difficile à la communication. |
Création entreprise d’insertion dans le domaine du service informatique aux personnes |
La personne interrogée (appartenant au groupe porteur) est bénévole de l’association et salariée d’un groupement d’employeur, qui est lié à l’association. Suite à la création d’entreprise d’insertion sur la récupération de matériel informatique, les porteurs ont fait le constat qu’il y avait une demande de plus en plus importante sur un service d’aide en informatique |
Permanence d’écoute et d’orientation |
Les deux porteuses ont réalisé un projet universitaire montrant que le mal être psychologique était un frein à l’insertion professionnelle. |
Développer une activité de ressourcerie |
Suite à un licenciement, le porteur souhaite s’engager dans un projet environnemental ancré sur sa commune, en suivant l’exemple d’une expérience similaire engagée dans une petite ville voisine. |
40De nombreux porteurs interrogés ont pris conscience à travers leurs parcours personnels, leurs expériences professionnelles qu’il existe des contextes proches, des situations où les besoins locaux ne sont pas ou mal satisfaits. Ces porteurs expriment une grande sensibilité aux questions sociales, environnementales comme en témoigne le tableau 4 (infra). Certains porteurs sont confrontés à des problèmes dans le cadre de leur pratique professionnelle, ce qui leur confère une position privilégiée pour identifier des demandes non satisfaites voire pour requalifier la nature de la demande (« travaillant depuis plusieurs années en insertion », le porteur souhaite « développer un outil d’insertion répondant à plusieurs objectifs pour les personnes en difficulté et au développement durable »… le porteur « souhaite mieux accompagner les jeunes en difficulté ») ; d’autres sont sensibilisés à ces questions sociales ou environnementales en tant que citoyen « ce projet est symbole de valeurs fortes pour moi ». D’autres sont confrontés à des difficultés dans le cadre de leur univers familial (avec un proche frappé d’un handicap – traumatisé crânien, surdité, analphabétisme… –).
41Beaucoup de porteurs présentent des parcours atypiques, où ils ont connu des périodes de rupture sur le plan professionnel (chômage), des mobilités professionnelles, qui semblent avoir aiguisé leur intérêt pour ces questions sociales voire sociétales : un ingénieur agronome au chômage qui s’intéresse à l’insertion par l’activité, une préparatrice en pharmacie « qui trouve son travail trop commercial et trop financier… et qui choisit de suivre une formation d’animation dans les maisons de retraite ».
42Enfin, il est important de noter que pour les créateurs de nouvelle organisation (créations ex nihilo), le projet présente les caractéristiques d’être d’abord « un projet pour soi », pour satisfaire un besoin, pour créer son emploi… (« je souhaite créer quelque chose pour créer mon emploi », « je suis à la recherche d’un emploi suite à un repositionnement professionnel »), tout en indiquant qu’ils sont à la recherche de « projets ayant du sens ».
Une large variété de configurations d’émergence
43La diversité des réponses obtenues à la question ouverte sur la genèse de l’idée (cf. tableau 5) permet de mettre en évidence la pluralité des dynamiques d’émergence exprimées par les personnes interviewées ; sachant que ces facteurs peuvent également se combiner les uns aux autres, on obtient une large palette de configurations d’émergence du projet.
44Une première classification des facteurs et des motifs permet toutefois de distinguer des « strates de mobiles » : des mobiles d’ordre personnel (expérience personnelle, personne militante, volonté de créer pour sortir du chômage…), des mobiles d’ordre professionnel, des événements déclencheurs, des facteurs d’opportunité liés au contexte, ce qui en soit, est assez en phase avec les modèles entrepreneuriaux dominants – notamment ceux de Shapero (1975) et de Gartner (1985) –. Mais ces modèles nous livrent une lecture individuelle de l’acte entrepreneurial ; ils permettent difficilement d’appréhender la dynamique collective repérée et les processus combinatoires originels.
Tableau 5 – Genèse de l’idée
Réponses à la question sur la genèse de l’idée (à partir des verbatim) |
Constat d’un besoin Expérience personnelle du porteur Suivre l’exemple de projet déjà existant Activité déjà réalisée au sein de la structure : volonté de se professionnaliser Réalisation d’une enquête En lien avec l’activité de militance d’une personne Volonté de créer pour sortir du chômage Constat d’un besoin identifié suite à un problème interne à l’association Volonté de travailler avec un collectif Volonté de développer la notoriété de la structure Volonté de développer l’activité de la structure (pour pérennisation) Demande provenant d’acteurs extérieurs Nécessité financière Opportunité financière Poursuivre les actions d’une ancienne structure Par goût, par passion Loi autorisant l’activité |
45En effet, dans ces organisations, la genèse de ces projets innovants est largement collective : de l’idée au lancement, un collectif a œuvré à sa conception puis à sa mise en œuvre. Composé de bénévoles et de salariés, ce collectif s’est investi dès le début du projet. La permanence de ces collectifs caractérise les projets accompagnés : les bénévoles ont tous participé à l’ensemble de la démarche de développement ; les salariés n’ont pas tous fait partie du collectif qui a fait aboutir le projet. Il n’est donc pas étonnant que les personnes interrogées déclarent se connaître avant le projet. Hommes et femmes semblent être également représentés dans ces collectifs.
46Pour beaucoup de projets, la dimension collective s’établit voire se renforce au fil de l’avancement du projet, des difficultés ou opportunités rencontrées, selon une dynamique pas toujours évidente à décrypter. Nos études empiriques (Bréchet et al., 2006) révèlent une large palette de démarches de mise en relation, de mobilisation qui peuvent prendre du temps.
47Si pour certains projets, la phase d’émergence permet la « cristallisation » de réseaux du(des) initiateur(s) en un véritable collectif, porteur du projet, on observe également la formation de projets à partir d’une chaîne d’acteurs, voire d’un processus « d’acteurs se relayant » ; ils participent, d’une façon ou d’une autre, de manière plus ou moins ponctuelle, au déploiement du projet et de l’innovation développée. Ces acteurs peuvent être des futurs usagers/bénéficiaires, des fournisseurs, des clients, des agents de l’État ou des collectivités locales ou d’autres associations ou organisations.
48Cette figure du porteur de projet présente donc un visage à géométrie variable, que les distinctions conceptuelles opérées entre les notions d’équipe entrepreneuriale, d’équipe dirigeante et d’entrepreneuriat collectif n’éclairent qu’imparfaitement.
L’émergence d’une figure du porteur
49Parmi ce collectif qui accompagne le développement du projet, un porteur semble en avoir assumé la responsabilité, voire le « leadership ». Mais, il est important de rappeler qu’il ne se pose pas en leader du projet, autour duquel le collectif s’est constitué. Il fait plutôt « figure de », légitimé par ses savoirs et/ou ses relations sur l’activité.
50Il apparaît qu’au-delà de 30 ans, toutes les classes d’âge sont représentées. La majorité de ces porteurs (70 %) vit en couple et a des enfants. Les faits marquants résident dans le très haut niveau de diplômes de ces personnes et la forte présence des femmes : 100 % ont au moins le baccalauréat général et 90 % un niveau égal ou supérieur à bac +2 ; 52 % des projets sont initiés par des femmes.
51L’analyse de l’histoire personnelle de ces salariés montre une très grande hétérogénéité de leur origine sociale, principalement centrée autour des classes moyennes : la dernière profession du père s’inscrit dans tous les milieux professionnels (instituteurs, artisan, employés, ouvriers…). Il en est de même pour les mères, avec cependant, 38 % de personnes n’ayant pas exercé d’activité professionnelle. L’origine géographique (milieu urbain ou rural) n’apporte aucune information discriminante.
52La caractéristique marquante réside dans l’engagement, au cours de leur parcours personnel, de 78 % de ces porteurs salariés dans une activité sportive, politique ou culturelle. Aujourd’hui encore, la même proportion participe à des activités associatives à titre personnel et parfois y joue un rôle actif : 40 % de ces personnes déclarent être membres du bureau ou administrateur. 30 % occupent des fonctions de président, trésorier ou secrétaire.
Les rôles spécifiques du porteur dans le projet
53En ce qui concerne les rôles mis en œuvre dans le développement actuel de l’activité, le porteur salarié déclare principalement exercer un rôle de coordinateur. Mais il assure également un rôle de gestionnaire et de concepteur. Le rôle commercial semble le moins présent dans la perception de sa mission. Les compétences acquises ou renforcées grâce à ce développement d’activité semblent en parfaite cohérence avec leur perception des rôles. La communication, le développement des partenariats et les mises en réseau arrivent en tête, suivis de très près par la conduite et le management du projet. Ils s’expriment concrètement par le fait que les personnes déclarent toutes avoir construit des partenariats, que ce soit avant de déposer le dossier ou pendant le processus de développement de l’activité innovante. Les compétences relatives à la gestion administrative et à la connaissance des institutions sont également citées.
Des compétences de coordination et d’animation
54Le porteur a aidé à faire mûrir le projet. Il a su faire appel à des compétences, mettre en œuvre des comportements proches de ceux mobilisés dans le management de projet (Garel, 2003). Il s’affirme comme animateur de réseau. Les principales compétences sont de l’ordre de la communication et la recherche de réseau. Le porteur opère ainsi dans un réseau social, qu’il sait activer et déployer. Les motifs mis en avant « répondre à un besoin non satisfait par le marché » indiquent très clairement la référence à l’existence d’un marché, de même que la création de son propre emploi constitue un autre motif fort de développement du projet innovant. La vision de la valeur exprimée ici ne rejoint que partiellement la création de valeur telle qu’elle s’incarne dans l’économie sociale et solidaire : toutefois, la valeur sociétale, sociale nous semble indissociablement liée au projet porté et en fait partie intégrante.
Des trajectoires professionnelles choisies
55Le questionnaire se prêtait peu à l’analyse en profondeur de la trajectoire professionnelle des porteurs. Toutefois, parmi les personnes salariées aujourd’hui mais demandeurs d’emploi au moment de l’idée, six l’étaient depuis plus d’un an ; cinq personnes étaient indemnisées. 56 % des salariés ont exercé plusieurs métiers par curiosité, tandis que 42 % l’ont fait par nécessité.
56La trajectoire professionnelle du porteur semble plus menée par ses désirs, sa curiosité que par une volonté de « faire carrière ». Il ne semble guère mu par le fait d’appliquer ou de mettre en œuvre un savoir-faire. Le développement personnel que lui apporte ce management de projet renforce cette lecture de trajectoire où vies militante et professionnelle se mêlent. Cela nous semble d’autant plus marqué que le développement de l’activité dans le secteur de l’économie sociale et solidaire ne s’est fait ni par contrainte personnelle ou professionnelle, ni par insatisfaction face au système économique existant.
Des processus complexes à décrypter
57Le spectre des projets innovants de la mesure 10B est large et les conditions d’émergence de ces projets apparaissent complexes à décrypter. En effet, l’idée peut être personnelle mais elle peut être relayée/appuyée par un collectif d’individus, voire par des organisations de l’économie sociale ou même de l’économie « classique ».
58Ainsi, certains projets sont nés d’une initiative strictement personnelle, d’autres sont portés par des associations voire des réseaux associatifs ou coopératifs (comme le réseau Jardin de Cocagne, le réseau des CAE8 – Coopérer pour Entreprendre –, le réseau Envie ou encore le réseau Réagis). Enfin, certains projets s’inscrivent dans un contexte de portage partenarial, comme l’illustre le tableau 6. Ces processus d’émergence organisationnelle nécessitent de la part des acteurs des choix d’options, des prises d’initiatives (Hernandez, 2004), qui les placent dans des champs de tensions et de logiques souvent antagonistes, relevant de registres de justification différents (Boltanski et Thévenot, 1991).
Tableau 6 – Exemple de processus d’émergence et registres de justification
Projet |
Processus d’émergence (à partir des Verbatim) |
B |
La porteuse initiale, ingénieur agronome, est une ancienne adhérente du Jardins de Cocagne. Étant au chômage, elle souhaitait créer quelque chose pour « créer son propre emploi » Elle a soumis ce projet à une structure associative pour l’aider à le porter, puis pour réaliser l’étude de faisabilité et la mise en œuvre. L’association a salarié l’initiatrice après un vote favorable de son CA pour porter le projet. |
C |
L’idée provient d’une conjonction de facteurs : - Visionnage d’un reportage TV sur la première recyclerie en France ; - Personne à la recherche d’un emploi suite à un repositionnement professionnel ; - Ce projet est symbole de valeurs fortes pour elle ; - Absence d’équipement sur le territoire et constat d’un besoin potentiel. |
F |
Dans le cadre de sa profession (coordinatrice de la plate-forme départementale de services à domicile) la porteuse a constaté un déficit d’offre sur le repassage hors domicile. Avec une collègue, elles ont commencé à réfléchir puis elles ont associé 3 autres personnes et une demandeuse d’emploi qui est maintenant salariée de l’association. |
59Ces processus entrepreneuriaux des projets 10B présentent les caractéristiques suivantes :
il importe de bien distinguer les acteurs selon que l’on s’intéresse à l’expression de l’idée innovante (dans certains cas, on pourrait parler « d’invention sociale ») ou aux processus de prise de décision ;
la décision originelle de créer ou de développer un projet dans l’économie sociale et solidaire apparaît le plus souvent comme une décision collective ;
la décision présente les caractéristiques d’une décision complexe, non modélisable et difficilement réductibles aux variables habituellement mobilisées dans les modèles d’entrepreneuriat (Shapero, 1975 ; Gartner 1985). On observe un « enchevêtrement de variables », où interfèrent à la fois plusieurs acteurs et différents niveaux : le microniveau (l’acteur/les acteurs), le mésoniveau (la structure) et le macroniveau (le contexte) (cf. tableaux 7 et 8).
60Aussi, l’analyse de ces projets innovants permet de prendre conscience que nous sommes face à des processus entrepreneuriaux complexes de par la diversité des interactions qui s’établissent entre les acteurs et par les formes variées de groupement entre les personnes et les structures organisationnelles impliquées dans le déploiement de l’innovation.
Tableau 7 – Exemples de forme de portage du projet d’innovation sociale
Formes variées de mobilisation pour porter le projet |
Un acteur (individuel) isolé |
Plusieurs acteurs individuels |
Un acteur et une association « sous une formule de portage », via le salariat de l’acteur |
Plusieurs associations ou coopératives, avec une mise en commun de moyens (de « type co-entreprise ») |
Une association et son réseau d’affiliation (selon une formule proche de l’essaimage ou de la franchise) |
Une association ou coopérative et une collectivité locale ou territoriale |
61Comme le souligne B. De Montmorillon (2004), des acteurs-individus interagissent dans des acteurs organisations qui interagissent entre eux au travers des interactions entre les acteurs-individus qui les composent.
Tableau 8 – Illustrations de l’articulation des trois niveaux d’analyse
Niveau |
Illustrations |
|
L’acteur et les microprocessus de l’activité |
Un porteur de projet soumet son idée à une association qui va le salarier pour porter le projet. |
|
L’organisation entendue comme espace socio-économique de référence |
L’association cherche à diversifier ses activités pour aller vers de nouveaux publics dans le champ de l’insertion par l’activité économique, sous l’influence de son président et de son CA. |
|
Le champ institutionnel, en tant qu’organisation investie d’une reconnaissance sociale singulière |
Le Conseil Général souhaite s’appuyer sur des nouvelles structures ou activités qu’elles conventionnent, pour déployer sa mission d’insertion. |
62On peut relever des configurations plurielles d’acteurs, avec des dynamiques entrepreneuriales impulsées par plusieurs personnes – salariées ou bénévoles de l’organisation –, par une personne extérieure venant proposer son projet à l’association, par le réseau associatif dans lequel évolue l’organisation associative (comme la FNARS, le Réseau de Cocagne, le réseau Envie, par exemple).
63L’analyse globale de ces projets financés dans le cadre de la mesure 10B a révélé une grande diversité de processus, tout en soulignant que ces initiatives sont rendues nécessaires par les transformations des activités économiques et du contexte social voire sociétal. Ainsi, l’analyse de Vienney (1994) garde toute sa pertinence en ce début du XXIe siècle : les évolutions du néocapitalisme industriel ont favorisé l’émergence de projets de l’économie solidaire (cf. recherches de J.-L. Laville), pour apporter des réponses aux problèmes de chômage et d’exclusion. Ainsi, face aux fragilités socio-économiques auxquelles les individus et les groupes sociaux se trouvent exposés, tant sur le plan de l’emploi, des conditions d’existence que de l’insertion, on voit émerger de nouvelles réponses, de nouveaux modes d’intervention et de coordination des services, des expérimentations qui se révèlent parfois très audacieuses (Bellemare et Boucher, 2006).
64Nous allons maintenant plus particulièrement étudier les types d’innovations sociales des projets 10B.
Innovation sociale et contexte d’action pluraliste
65Il est certes devenu habituel de souligner le potentiel d’innovation et de transformation sociale de l’économie sociale et solidaire, voire de le solliciter comme c’est précisément le cas avec la mesure 10B, qui ne peut être accordée qu’à des microprojets innovants. Si « l’innovation sociale est souvent accolée automatiquement à l’économie sociale depuis un certain nombre d’années » (Bellemare et Boucher, 2006), il convient toutefois de nuancer et de distinguer la nature de l’innovation proposée dans les projets 10B.
66Dans le cadre de cette étude, il est frappant de constater combien de nombreuses initiatives financées par la mesure 10B cherchent à « réparer » les effets sociaux suscités par les transformations et les évolutions des activités économiques, mais aussi par les mutations profondes que vit actuellement notre société. Ainsi les problèmes posés par le chômage, l’exclusion, les difficultés d’apprentissage et formation, la discrimination, le handicap constituent un véritable creuset où s’inscrivent ces initiatives. Ces projets nous apparaissent avant tout comme des projets sociaux voire socio-économiques, où les innovations sociales concernent le champ de l’insertion, majoritairement et sur des « niches » d’offre bien particulière visant une demande difficilement solvable ou solvabilisable.
67Sur les 114 projets éligibles à la mesure 10B (et retenus pour l’enquête), on constate que la plupart des projets peuvent être qualifiés de socio-économiques. Toutefois ces projets semblent très éloignés de la définition donnée pour caractériser l’appartenance au champ de l’entrepreneuriat social : « un entrepreneur social est porteur d’un projet économique au service d’un intérêt collectif et/ou d’une finalité sociale9 ». Ici, les projets 10B sont avant tout des projets sociaux, dans lesquels la dimension économique du projet est abordée en second plan comme en témoigne le tableau 9 ci-dessous.
Tableau 9 – Dimension économique des projets (plusieurs réponses possibles)
Projets/Dimension économique |
Réponse « Oui » |
Réponse « Non » |
Projets percevant d’autres subventions |
58 projets |
67 projets |
Projet donnant lieu à facturation des prestations |
38 projets |
87 projets |
Projet donnant lieu à vente de la production |
15 projets |
110 |
Projets (associant des revenus issus des subventions, de la facturation et de la vente) |
34 projets |
34 projets (ni subvention, ni facturation, ni vente de la production) |
68Les données des deux tableaux (9 et 10) montrent que les microprojets innovants recevables au titre de la mesure 10B privilégient l’innovation sociale, l’opportunité du financement permettant aux porteurs d’expérimenter le dispositif, sans être bloqués par les aspects de financement. À propos de leur modèle économique, on constate qu’ils s’appuient sur plusieurs sources de ressources ; toutefois, pour 34 d’entre eux, l’innovation sociale est basée sur des ressources mobilisées auprès du bénévolat, du don, du prêt en nature ou alors sur du financement croisé (à partir des autres activités de l’organisation).
69Toutefois, ces 34 projets (ayant déclaré aucune subvention, aucune facturation, aucune vente de la production) ne s’inscrivent pas dans le marché, dans le sens où ils ne produisent pas de biens et de services marchands (cf. tableau 10 ci-dessous).
Tableau 10 – Extrait des projets ayant déclaré « aucune subvention, aucune facturation, aucune vente de la production »
Organisation |
Type d’innovation |
Objectifs/Projet de la mesure FSE |
Partenaires |
A1 : Association créée en 2003 pour promouvoir la prévention citoyenne du mal être et du suicide |
Mettre en place un réseau entre plusieurs acteurs du département |
Permettre le démarrage et la mise en place d’un centre de ressource à l’échelle du département |
Élus, services publics, Conseil Général |
A2 : Association créée en 2001 pour la formation et le développement de l’initiative locale |
Nouvelle méthode d’évaluation des publics migrants (80 % femmes dont la plupart sont fragilisées, isolées, maîtrisant peu la langue française) |
Permettre d’expérimenter la méthode (déclinée en plusieurs étapes : formation, socialisation et insertion professionnelle) |
CCAS, Mission locale, ANPE |
Organisation |
Type d’innovation |
Objectifs/Projet de la mesure FSE |
Partenaires |
A3 : Association créée en 2004 pour soutenir la création d’activité en milieu rural |
Expérimenter une nouvelle approche d’accompagnement pour diminuer les abandons de projets professionnels |
Permettre de mettre en place des ateliers de soutien à la création d’activités agricoles, rurales et atypiques, en associant créateurs et acteurs de terrain. |
|
A4 : Association créée en 1972, pour l’insertion sociale et professionnelle de public en difficultés |
Suite à la fermeture de l’atelier « Bois », volonté de créer un atelier pédagogique basé sur le multimédia |
Permettre de mettre en place l’atelier multimédia par l’équipe encadrante (outil d’aides aux apprentissages de base et découverte des thématiques plus larges comme la santé, la culture…) |
Projet impliquant 3 CHRS Fondation de France |
A6 : Chantier d’insertion des publics en difficulté (par l’agriculture) (appartenance à un réseau national) ; créé en 1999 |
Créer un outil pour développer un réseau et renforcer les liens entre le chantier, les structures d’insertion et les employeurs potentiels des salariés réinsérés (afin de faciliter leur immersion) |
Permettre d’initier une action mettant en relation les employeurs potentiels du secteur maraîcher et les salariés de la structure (objectif : favoriser l’accès te le maintien dans l’emploi) ; puis ensuite développer des contacts avec des entreprises d’autres secteurs (bâtiment, restauration) |
Municipalités, acteurs économiques du territoire |
A7 : Association créée en 1990, pour l’accompagnement personnalisé d’insertion |
Confrontée à un public féminin très marginalisé ne relevant pas de dispositif de droit commun, créer une action de mise en situation réelle de services à domicile |
Permettre d’expérimenter un dispositif d’accompagnement sous forme de travaux pratiques en situation de travail à domicile, encadrée par une monitrice (objectif : permettre à ces femmes d’intégrer un cursus qualifiant ou trouver un emploi direct) |
DDASS, Conseil Général |
Organisation |
Type d’innovation |
Objectifs/Projet de la mesure FSE |
Partenaires |
A8 : Association (créée en 1995) de suivi des « sans domicile fixe » très désocialisé |
Utiliser le support informatique pour modifier le rapport que les personnes entretiennent avec l’apprentissage |
Permettre d’expérimenter sur ce public spécifique un travail de resocialisation par le biais des apprentissages des savoirs de base |
Autres associations |
A9 : Association créée en 2001 pour accueillir et aider les publics très éloignés de l’emploi et peu mobiles (milieu rural) |
Mettre en place des ateliers spécifiques d’accompagnement vers l’emploi en s’appuyant sur le volontariat |
Permettre de proposer des ateliers de préparation à l’emploi en leur permettant de mettre en place une action collective. (les bénéficiaires sont des demandeurs d’emploi) |
Prêt de local par la collectivité |
70Notre enquête ne nous permet pas de connaître avec précision comment ces organisations ont conçu le modèle économique de développement de leur projet, et dans quelle mesure la mise à disposition des biens et des services répondant à des besoins nouveaux leur permettra de pérenniser le projet. Ainsi, de nombreux projets s’inscrivent majoritairement dans l’univers de l’insertion et du social, où ils cherchent à expérimenter de nouveaux services aux personnes en difficulté, en situation d’exclusion, en proposant de nouvelles activités (de travail), de nouveaux modes d’accompagnement, ou encore en privilégiant une approche collective associée à un accompagnement individuel. Notre période d’enquête ne nous permet pas de savoir s’ils parviendront à sortir de l’expérimentation pour imposer de nouvelles façons de faire et de nouvelles pratiques de marché.
Conclusion
71La présente recherche, fruit d’une collaboration interdisciplinaire, nous a permis d’apporter de nouveaux éclairages sur l’émergence entrepreneuriale et l’innovation sociale contemporaine, en privilégiant un cadre d’analyse de dépassement, pour étudier conjointement les acteurs, leurs logiques, les projets et les dynamiques entrepreneuriales repérées, sur le terrain empirique des projets éligibles dans le cadre de la mesure 10B.
72L’analyse des projets 10B montre que l’accentuation de problèmes sociaux et humanitaires pousse ces acteurs des organisations à but non lucratif au développement de nouvelles activités et à de l’innovation, aux interstices d’univers d’activité, pour trouver des réponses ad hoc, locales, aux problèmes des publics qu’ils accompagnent ou vis-à-vis de publics délaissés.
73Un certain nombre de convergences avec le processus entrepreneurial de l’économie « classique » peut être signalé, notamment par le repérage d’une figure de porteur de projet : sans véritable spécificité liée à son identité, ce porteur ne se distingue pas par des caractéristiques telles que l’âge, le sexe, le statut social. Il est plutôt très diplômé, caractéristique que l’on retrouve aussi auprès des porteurs de projets technologiques innovants.
74Toutefois, il nous semble qu’un certain nombre de caractéristiques, spécifiques de l’économie sociale et solidaire apparaissent. Il s’agit avant tout de la dimension collective voire pluraliste qui caractérise l’émergence du projet. Ces projets s’inscrivent dans un contexte de réseau, de partenariats, au sein de dispositifs collectifs à géométrie variable. Ce collectif, support de l’idée, accompagne tout le processus de développement du projet innovant. Pour le porteur désigné comme tel, son action n’a de sens qu’au sein de ce collectif dont il est un membre au même titre que les autres. Les travaux de M. Autès (2006) se trouvent confortés : le porteur n’est pas un leader charismatique, porteur de projet à titre individuel. Il fait partie d’un acteur collectif qui permet le développement de l’activité. Il agit au nom de ce collectif auquel toutes les décisions sont associées. Ce collectif concerne un noyau stable de membres, aussi bien bénévoles que salariés, qui au fil des mois peut accueillir de nouveaux membres tandis que d’autres le quittent. On retrouve ici la figure du porteur à géométrie variable dont la réalité reste à explorer.
75En définitive, ces premiers résultats renforcent l’intérêt de proposer de nouveaux cadres d’analyse, pour analyser les processus d’innovation sociale et comprendre l’émergence entrepreneuriale au sein de l’économie sociale et solidaire. Si la dynamique entrepreneuriale est bien présente, s’impose une lecture qui privilégie la construction du collectif, des relations et des savoirs communs et partagés puis de la définition des objectifs du projet et enfin celle du fonctionnement interne du collectif. Cela suppose une analyse en amont, bien avant le démarrage du projet car l’idée est déjà portée collectivement : comment se construisent les interactions entre bénévoles et salariés, alors que militantisme et salariat sont présents (tous les salariés porteurs sont engagés à titre personnel) ? Au-delà, s’intéresser à cette forme d’entrepreneuriat résolument collective, renvoie à la constitution d’une dynamique de relations et de savoirs.
76Article écrit avec la collaboration de Jean-Pierre Bréchet Lionel Prouteau Sandrine Émin et Gérôme Guibert
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Constitué en 1996, le réseau EMES regroupe des chercheurs européens, qui ont étudié l’émergence des entreprises sociales en Europe, en s’attachant à la fois à élaborer une approche commune de l’entreprise sociale et à cerner le processus, à savoir le nouvel esprit entrepreneurial qui touche et refaçonne des expériences plus anciennes du tiers secteur (non-profit sector).
2 Cette recherche s’inscrit dans le cadre d’un programme de recherche pluridisciplinaire, lancé en 2007 par la DIIESES (Délégation interministérielle à l’innovation et à l’expérimentation dans l’économie sociale). Une première version de ce travail est parue dans la revue Innovations (2009), numéro 2.
3 Cette mesure vise à apporter un appui financier à la création et au développement de microprojets innovants de l’économie sociale et solidaire. Elle constitue une aide à l’émergence de ces microprojets, sur une durée maximale de 36 mois. Le programme de soutien du FSE s’est échelonné sur la période 2002 à 2006.
4 Nous faisons ici référence à l’étude publiée en mars 2006 sur les trajectoires associatives (enquête sur les facteurs de fragilité des associations). Cette étude a été réalisée par le cabinet Deloitte et le laboratoire MATISSE du CNRS. L’échantillon a été redressé à partir du fichier SIRENE de l’INSEE : 307 associations enquêtées (de 1 à 5 salariés), 82 associations (6 à 19 salariés), 30 associations (de 20 à 49 salariés), 13 associations (plus de 50 salariés).
5 Elle est préférée à la notion de logique d’acteur, qui laisse entendre que l’acteur semble préexister à l’action.
6 Et bien d’autres auteurs qui, reconnaissant que le social construit les acteurs qui eux-mêmes le construisent, s’inscrivent dans ce que J.-P. Dupuy (1992) appelle l’individualisme méthodologique complexe.
7 Étaient également éligibles des projets portés par des groupes informels de personnes souhaitant monter un microprojet à finalité sociale ; mais ils n’ont pas été retenus dans le cadre de ce travail, qui est consacré exclusivement aux porteurs de projet salariés des structures.
8 CAE : coopérative d’activité et d’emploi.
9 Selon la définition de l’AVISE.
Auteurs
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