Postface
p. 239-241
Texte intégral
1Le lecteur aura pris conscience au fil de cet ouvrage que les travaux présentés résultent de la convergence délibérément construite entre des équipes de recherche travaillant sur plusieurs pôles universitaires et dans différents champs disciplinaires autour d’un objet d’investigation commun : les entreprises de l’économie sociale. Un programme national de recherche, impulsé par la Délégation interministérielle au début de l’année 2000, avait déjà permis une première reconnaissance ainsi que l’amorce d’échanges et de confrontations entre les chercheurs. Un second programme a favorisé une coopération scientifique plus approfondie sur trois régions (Bretagne, Pays-de-La-Loire, Poitou-Charente) permettant de multiplier les terrains et les domaines d’observation tout en mutualisant les méthodes, les réflexions théoriques et les résultats.
2La grande diversité des terrains choisis ne reflète qu’en partie la diversité des initiatives portées par des entrepreneurs sociaux aux multiples motivations. Pour éviter ce qui aurait pu ne constituer qu’un catalogue hétéroclite et pour avancer autour d’une problématique commune, l’ouvrage suit un fil conducteur en examinant les situations de transitions auxquelles sont confrontées les entreprises de l’économie sociale en raison de la dynamique même du développement du projet initial.
3À l’origine, dispersées, innovantes au plan microéconomique mais attachées à un espace géographique ou social limité, ces initiatives collectives, quand elles réussissent, doivent trouver à terme un positionnement pérenne dans l’espace public. Une formalisation de leur rapport à leur environnement doit alors être élaborée. Il s’agit d’une phase particulièrement critique car les finalités poursuivies, les valeurs défendues et les logiques d’action à l’œuvre sont mises en tension avec d’autres logiques d’acteurs, d’autres valeurs, voire d’autres fins. Que la rencontre se passe dans le « monde civique » en liaison avec les autorités publiques ou dans le « monde marchand » face à des consommateurs et à des concurrents, elle est généralement l’occasion d’une redéfinition des missions et des pratiques, intégrant contraintes supplémentaires et attentes plus complexes.
4Avoir centré la recherche sur ces périodes délicates d’accès à la maturité constitue l’originalité principale de cet ouvrage. En effet, ce moment conditionne non seulement l’identité des entreprises d’économie sociale et leur avenir mais aussi leur capacité à gérer des tensions et des situations paradoxales. Au cœur de ces problématiques germent leurs innovations sociales et leur contribution particulière à une transformation de la société.
5Sans être exhaustif, le choix des domaines d’activité retenus dans ces recherches est une bonne illustration du type de projets engagés au sein de l’économie sociale. À côté de secteurs, dont l’histoire est déjà longue (associations sportives, tourisme associatif et services de proximité), d’autres secteurs émergents comme le soutien et l’accompagnement à la création d’entreprises et les nouvelles formes de finances solidaires ont été retenus. Ces initiatives ne se contentent pas de répondre aux besoins immédiats mais tentent de dépasser chaque fois que c’est possible les limites d’une simple reproduction sociale et de conjurer les risques d’une passivité entretenue dans des « trappes de pauvreté ».
6La nature à la fois socio-économique et sociopolitique des entreprises d’économie sociale est illustrée par deux exemples. Ainsi, les associations d’environnement peuvent participer activement aux débats publics et à la construction de l’intérêt général à l’instar des associations et des mutuelles du secteur sanitaire et social qui n’ont pas été étudiées ici. De même, la constitution de réseaux locaux d’entreprises d’économie sociale au niveau des pays ou des agglomérations est un nouveau chantier décisif pour l’avenir. Ces réseaux permettent aux responsables des entreprises d’économie sociale de travailler ensemble, de construire une parole collective et de répondre de manière concertée aux sollicitations des pouvoirs publics qui attendent encore davantage depuis la décentralisation leur participation active au développement durable des territoires.
7Sans l’investissement d’universitaires et sans la coopération des acteurs de terrain, cet ouvrage n’aurait pu être réalisé. La diversité des exemples présentés, la qualité des analyses proposées et les perspectives de réflexion ouvertes font progresser la compréhension sur l’économie sociale. En améliorant la connaissance des acteurs sur eux-mêmes, il peut contribuer à une plus grande pertinence de leurs choix stratégiques. En dissipant les incompréhensions ou les illusions des autres acteurs, il créé des conditions plus favorables à l’établissement de rapports partenariaux plus lucides. À condition de dépasser la justification complaisante comme la critique simpliste, l’analyse et les résultats des chercheurs ouvrent un espace de réflexion utile à tous.
8Conscient de cet enjeu, l’État a engagé ces dernières années une action fort stimulante pour les recherches dans ce domaine encore trop méconnu. Plusieurs régions s’engagent désormais dans la même voie. Les équipes de chercheurs en lien avec les acteurs ont essayé de répondre à ces attentes exprimées par les collectivités publiques. Bien sûr, il reste encore des incertitudes, des hésitations conceptuelles et de nombreuses questions en débat. Pour autant, malgré ses limites, cet ouvrage qui vient s’ajouter à d’autres publications, est la preuve manifeste de la vitalité de jeunes chercheurs de l’ouest. À l’instar de ce qui se passe dans tous les domaines de la recherche, et, en liaison avec des chercheurs qui partagent les mêmes thèmes en France comme à l’étranger, des réseaux de recherche se construisent aujourd’hui. Ils renforceront demain la capacité à répondre au besoin de connaissances scientifiques sur un domaine essentiel pour l’avenir des générations futures.
Auteur
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