La construction du « terrain de jeu alpin »
L’aménagement des territoires d’altitude par et pour le tourisme depuis le xixe siècle
p. 91-108
Texte intégral
1Lorsque dans les dernières années du XIXe siècle, Leslie Stephen formule l’expression de « terrain de jeu alpin », devenue consacrée pour évoquer la manière dont les territoires alpins sont affectés à d’autres usages et d’autres populations1, il ne fait que pointer un élément majeur dans les mutations à l’œuvre depuis un siècle. Un siècle après, l’inauguration d’une de ces nouvelles stations dites de troisième génération2, celles des villes à la montagne, modélise en les accentuant les transformations des hautes vallées pour et par cette nouvelle économie.
« Hier dimanche avait lieu l’inauguration d’un grand centre de sport d’hiver : la station de Superdévoluy, en présence des personnalités régionales […] Construite en quelques mois, elle offre une unité de séjour et héberge actuellement 3 000 skieurs. Un seul immeuble, moitié appartements et studios, moitié hôtel, groupe tout ce qui est possible d’envisager pour passer un séjour des plus agréables. De plus les équipements sportifs sont considérables (remontées mécaniques, patinoire, piscine chauffée et pistes de ski à plus de 2 000 m d’altitude). À noter une intéressante formule de transaction immobilière : studios et appartements d’une audacieuse réalisation sont vendus en multi propriétés : on peut ainsi acheter 8 jours, 15 jours ou 1 mois de vacances. Superdévoluy, un immense vaisseau des neiges dont la première tranche vient d’être inaugurée. »
2Cette citation, extraite d’un reportage télévisuel3, est d’autant plus intéressante qu’elle concerne une station qui ne fait pas partie des très grandes stations de Savoie. Le discours tenu par le journaliste reprend l’argumentaire qui définit alors le devenir des hautes vallées. Ce nouvel environnement intègre une modalité censée être novatrice : la multipropriété. Dans les deux cas, seuls les touristes semblent concernés par les transformations réalisées à leur profit dans un espace « vide » ou présenté comme non occupé4.
3Il est rare de pouvoir questionner le sujet du tourisme sous l’angle environnemental, ainsi que le proposent les responsables du présent ouvrage. Si les origines, les caractéristiques et les évolutions du tourisme dans les Alpes, les aspects culturels de la découverte de la montagne autour des voyageurs, écrivains et adeptes du Grand tour, l’élaboration d’un imaginaire de la montagne, la mise en œuvre des espaces protégés accompagnant l’arrivée plus massive des touristes avec l’accroissement du temps libre et le développement des pratiques sportives, ont été déjà explorés, notamment par les géographes, les anthropologues et les historiens5, les effets sur le plan environnemental du tourisme envisagé comme une industrie6, notamment dans la période de massification de la demande, restent en revanche peu travaillés. On envisage assez rarement le tourisme comme un révélateur des interrelations entre les hommes et le cadre dans lequel ils vivent. En nous appuyant sur les travaux existants, nous chercherons ici à aborder son rôle dans la transformation des territoires de montagne à tous les niveaux (social, économique, territorial et culturel), prioritairement pour les hautes vallées agropastorales. Ces changements produisent de multiples effets, avec des interdépendances fortes entre les populations, celles qui en sont originaires, celles qui viennent s’y installer et celles qui y séjournent. De fait, les corollaires du tourisme ne sont pas sans susciter des oppositions et des tensions entre les populations locales et les visiteurs extérieurs, à la fois recherchés et craints, surtout depuis les années 19607. Cette venue massive installe durablement le foncier sous une pression forte, liée à la mise en œuvre de cette « industrie ».
4Parler de territoire c’est, à la suite de J.-L. Piveteau, donner à ce terme trois niveaux de sens8 : un décor où agissent les sociétés, un niveau d’organisation de l’espace traduisant les configurations sociales, une ressource enfin avec les enjeux inhérents aux usages qui en sont faits. Dès lors que l’on envisage le territoire comme un fait social global, on articule obligatoirement les différents niveaux d’analyse (économiques, techniques, sociaux, culturels et politiques) et les différentes échelles spatiales et temporelles. Cela signifie que l’on prend en compte les décisions politiques, les normes culturelles, les aspects matériels, les pratiques et les usages sociaux autant que les représentations, dont les paysages sont une expression matérielle et mentale. Aussi proposons-nous ici un croisement de l’histoire du tourisme et de l’histoire des territoires, relues au prisme de l’environnement et des régulations qu’il suscite.
5Penser en termes de régulations environnementales c’est s’intéresser aux actions et aux réglementations qui tendent à assurer l’équilibre ou à le rétablir lorsqu’il est rompu. Cette notion englobe l’ensemble des interventions et des mesures qui émanent des pouvoirs publics mais aussi les initiatives mises en œuvre à l’échelle locale ou impulsées à l’échelle régionale, nationale et désormais à l’échelle internationale par les différents pouvoirs, ou encore celles émanant de la société civile (associations, individus). L’objectif reste celui d’arriver à un consensus sur le plan social et une acceptabilité correspondant aux normes en vigueur. Il faut aussi prendre en compte les nouveaux enjeux, ceux des « friches touristiques », espaces déclassés ou en voie de l’être, soumis aux modes qui renouvellent sans cesse la consommation des territoires, et tiennent aux façons de penser l’environnement. Notre perspective sera doublement comparative, spatialement et temporellement : au sein de l’arc alpin et depuis les années 1870, avec éventuellement des excursus dans les périodes plus anciennes, aux prémices du tourisme. Les lignes qui suivent ont comme seule ambition de poser le cadre d’un sujet qui méritera à l’avenir de plus amples développements. Elles se veulent complémentaires de la fresque interactive Montagnes magiques qui rend compte de la manière dont les médias ont compris et transmis la nature de ces transformations9.
Un nouvel environnement pour les élites urbaines
6L’histoire de la transformation des hautes vallées par le tourisme a été écrite principalement comme celle des élites urbaines qui, à partir de la fin du XVIIIe siècle (re)découvrent dans la montagne un nouvel espace de conquête scientifique puis sportive. Elles viennent chercher dans ces terres (re)devenues attractives d’abord un terrain d’expérimentation pour la botanique ou la physique, à l’instar d’un Dominique Villars ou d’un Horace-Bénédict de Saussure. Très rapidement, l’air pur, la découverte de beaux paysages et la pratique de l’excursionnisme prennent le pas chez ces voyageurs d’un genre nouveau, qui parcourent des espaces plus accessibles que les sommets réservés à l’alpinisme10. De fait, l’essentiel des ouvrages qui portent sur les Alpes (XIXe-XXe siècles) traitent de l’alpinisme et de la montagne, lieu de vacances, espace à découvrir et champ d’application des politiques d’aménagement11.
7Dès le XVIIIe siècle, ce sont les acteurs de cette « conquête » des Alpes qui accréditent leur entrée dans la modernité des Lumières. Dans l’Invention du Mont-Blanc12, Philippe Joutard analyse avec acuité ce changement de statut de la montagne. En reprenant les descriptifs de Marc-Théodore Bourrit ou de Horace-Bénédict de Saussure, il montre combien ces derniers ont contribué à répandre l’idée d’un rôle majeur joué par les visiteurs extérieurs dans le désenclavement des hautes vallées, incitant ces mêmes visiteurs à venir. Ainsi en 1785 Bourrit évoque les premières transformations de Chamonix. Pourtant, la grande époque du tourisme n’en est qu’à ses prémices.
« Sa population y était, il y a vingt années, d’environ deux mille personnes : aujourd’hui elle va à trois mille, non que le pays ait changé de climat, mais parce que l’industrie, source de population, y a augmenté. […] L’argent que les étrangers y laissent chaque année et la réparation des chemins qu’ils y ont occasionnée ont opéré en partie ces transformations […] des petites maisons peu commodes ont été remplacées par d’autres plus spacieuses, plus aérées et par conséquent plus saines. Ces soins se sont étendus sur les personnes, l’on est mieux nourri et mieux vêtu13. »
8Cet auteur relève d’emblée les atouts du tourisme pour les populations locales, et voit ce secteur davantage comme une activité économique que culturelle. On trouve des propos équivalents quelques décennies plus tard pour d’autres vallées comme l’Oisans ou le Queyras, et pour d’autres massifs comme les Pyrénées, en même temps que s’affirme le regard condescendant des touristes urbains. Les publications qui instruisent ces modèles sont très largement diffusées, lues par les touristes arrivant dans ces vallées et surtout par les rédacteurs des guides, qui se multiplient.
9« Combien de régions alpestres aujourd’hui comblées de bienfaits du tourisme seraient restées misérables, n’eussent-elles été découvertes par les alpinistes. » Cette citation parue en 1932 dans la Montagne, la revue du CAF, parfaite reprise du discours des excursionnistes, voyageurs et découvreurs des Alpes, incarne le motif narratif qui a façonné un stéréotype toujours actuel.
« Après des siècles de vie précaire et de privations de tous ordres, on allait peut-être connaître des jours meilleurs dans les vallées de haute montagne. Les lumières du crépuscule qui avaient accompagné les vainqueurs au sommet du Mont-Blanc étaient en fait l’annonce et les prémices d’une nouvelle aurore14. »
10Dès 1866, Élisée Reclus s’était fait le chantre enthousiaste des nouvelles expéditions dont il vantait les apports en matière de connaissance15 :
« Séparés du reste du monde par un cercle de glaces et de rochers, initiés depuis quelques années seulement à la jouissance d’un chemin carrossable, les habitants de la Vallouise sont restés à peu près en dehors de tout progrès. Ils sont incontestablement bons, doux et naïfs, mais on ne leur ferait aucun tort si on les comparait à tel peuple barbare du nouveau monde ou de la mer du Sud. Pour apprendre à connaître les mœurs des indigènes de la Vallouise, qu’on entre dans une de leurs cabanes, et l’on verra que les huttes des Esquimaux ne sont guère inférieures aux habitations de nos compatriotes des Alpes16. »
11Avec davantage de nuances, Jules Blache ne dit pas autre chose lorsqu’il analyse les effets de la construction des routes dans le Vercors17. Les érudits également reprennent cette posture. Henri Ferrand, un des auteurs les plus prolixes sur le sujet, montre que le tourisme joue pour les Alpes un rôle similaire à celui du chemin de fer en milieu urbanisé18. Après la Seconde Guerre, la transformation du milieu est toujours associée à la conception du « progrès » telle qu’elle s’impose alors. On est au cœur de la reconstruction des territoires, notamment en milieu rural19. L’alliance entre hommes politiques, défenseurs de leur région, et géographes est renforcée. Les nouveaux moyens de diffusion, la radio notamment, sont convoqués pour plus d’efficacité. Les syndicats d’initiative, très actifs, interviennent aussi de manière forte.
12Toutes ces déclarations reflètent un mouvement qui attribue à la montagne un rôle d’espace de liberté et de détente pour les citadins. Si elle n’est pas toujours exprimée directement, l’idée de se réserver un environnement ad hoc se matérialise par les formes d’usage des territoires et, surtout, par les aménagements réalisés pour la pratique des nouvelles activités : alpinisme, excursion puis, à partir des années 1920, ski, loisir aux répercussions parmi les plus fortes du point de vue de l’environnement.
Illustration 1. – Groupe de la Société des touristes au col de l’Agnelin le 15 juillet 1907.
Cliché H. Ferrand, coll. musée Dauphinois.
13L’alpinisme construit « l’aventure de proximité » : accéder à des endroits où personne n’est encore allé, comme les explorateurs le faisaient autrefois de par le vaste monde.
Illustration 2. – Inauguration du refuge J. Collet.
Cliché Oddoux, coll. MD.
14Durant cette période d’essor de l’alpinisme et de l’excursionnisme, les élites urbaines participent, via les clubs alpins, au mouvement d’implantation des refuges ainsi qu’à la construction de bâtiments pour la villégiature. En s’appropriant ces espaces, elles pratiquent une véritable « colonisation » qui va de pair avec leur affirmation dans le champ social. Celle-ci est aussi bien physique, même si elle reste saisonnière et temporaire, que symbolique, par le regard et les images produites, notamment les clichés photographiques qui accompagnent leurs sorties20. Ces clichés, diffusés dans les guides ou présentés lors des conférences des clubs d’alpinistes, incitent au séjour et modèlent l’esthétique du beau paysage, formatant le regard des citadins.
15À l’exception des guides locaux qui leur sont nécessaires, ces touristes négligent les habitants, qu’ils ne voient pas et qu’ils présument arriérés21. En revanche, ils considèrent ces vastes espaces comme les leurs, des terres sans propriété apparente et sans clôture, disponibles pour leurs loisirs. Ces immensités herbeuses paraissent vides, non exploitées, et, pour les touristes, appartenir à tout le monde. En réservant cet environnement à leur seul profit, les touristes de la fin du XIXe siècle font peser sur lui des exigences contradictoires. Il s’agit de transformer des territoires pour d’autres fonctions que celles mobilisées par les habitants et de sauvegarder un environnement pourtant marqué par les transformations majeures que les touristes lui imposent.
Illustration 3. – Excursionnistes.
Cliché Martinotto, début XXe siècle, collec. Musée dauphinois Grenoble.
16L’idée de fragilité des territoires impliquant leur préservation est concomitante de cette contradiction. Une de ses manifestations tient dans la doxa qui s’affirme tout au long du XIXe siècle : la lutte contre la dégradation des espaces par le reboisement.
« Le montagnard se trompe ! En ruinant sa forêt il se ruine lui-même » ; « À cet esprit de désordre, ils joignent la plus complète indifférence […] celui dont l’habitation est menacée par un torrent ne s’en inquiétera pas tant que le danger ne sera pas imminent et souvent sans remède, auquel cas, il crie, se lamente et voudrait voir l’État réparer immédiatement les fruits de sa honteuse apathie22. »
17Arguant de la nécessité de protéger les villes et les plaines et de reconstituer le couvert forestier dégradé, les politiques forestières se succèdent depuis la fin du XVIIIe siècle. Elles visent particulièrement les hautes vallées, avec des montagnards considérés comme coupables et désignés comme irresponsables face à l’environnement. À partir des années 1820 et surtout de la seconde moitié du XIXe siècle, l’État impose des contraintes aux habitants, assorties de verbalisations en cas de non-application de la législation23. En préemptant une partie des terres, ces mesures mettent fin à un équilibre économique et social séculaire déjà fragilisé par l’augmentation relative de la population, alors que dans le même temps les nouveaux moyens de circulation pénalisent la production locale. Les investissements prescrits pour le reboisement s’ajoutent à ceux engagés pour la construction d’écoles, de mairies, de routes qui grèvent durement les budgets des communes. Les familles les plus pauvres ne peuvent plus assumer leurs charges, d’autant que l’usage d’une partie des communaux, préemptés pour le reboisement, leur est désormais interdit. Cette politique déclenche ou parachève un mouvement d’exode rural qui diffère des classiques migrations temporaires, inhérentes au fonctionnement de la pluriactivité traditionnelle. Les effets conjoints de la conjoncture, de l’évolution générale et de la politique de reboisement vident parfois des villages entiers24. Considérées par ceux qui les administrent pour le compte de l’État comme des terres « abandonnées », elles constituent dès 1913 puis dans les années 1930 et surtout après la Seconde Guerre mondiale la base pour la création des parcs naturels25.
18La dichotomie dans l’appréhension de ces espaces se manifeste d’une autre façon, avec la notion de qualité de l’air. Vantées pour leur « bon air », garantes d’une santé à laquelle on accorde de plus en plus de prix, les hautes vallées sont tout autant stipendiées pour le caractère malodorant de l’intérieur des maisons, propice à la diffusion des épidémies ou des tares des habitants, notamment à cause de la cohabitation hommes-animaux particulièrement stigmatisée. Une telle dénonciation s’appuie sur les valeurs hygiénistes portées par ces mêmes élites, qui sélectionnent au sein de ces territoires les zones du bon et du mauvais air26.
19Rapprocher tourisme, politique forestière et création des parcs peut paraître discutable, puisque les contextes généraux de leur mise en œuvre diffèrent. Pourtant l’analyse des effets sur les territoires comme des représentations légitiment ce rapprochement. Les fers de lance de ces transformations sont, depuis le XIXe siècle, les ingénieurs des Eaux et forêts associés à leurs collègues des Ponts et chaussées, auxquels incombe la charge de construire les routes tout en les protégeant des aléas naturels. Très souvent membres des sociétés d’alpinisme et d’excursionnisme, ils partagent avec les touristes le regard dépréciatif porté sur les habitants. Alors qu’ils cherchent à constituer des espaces spécifiques où la nature est protégée, ils trouvent dans les hautes vallées des terrains d’application de leurs modèles d’aménagement. De manière parallèle, le tourisme suscite une urbanisation de ces mêmes espaces et leur modification profonde.
Ville à la montagne et enjeux fonciers
20Dès lors que l’on change d’échelle dans la prégnance touristique, il est intéressant de suivre la concordance chronologique entre les transformations les plus radicales des espaces vierges par les stations dites de la troisième génération et la création des parcs naturels nationaux ou régionaux, destinés à préserver ces mêmes espaces et à conserver une biodiversité présentée comme originelle. Préparé dans les années 1960, ce double mouvement prend de l’ampleur à partir des années 1970 pour se déployer encore davantage au tournant du XXIe siècle. C’est aussi le moment où l’environnement devient un objet d’études dans une perspective éminemment écologique et biologique.
21Loin d’en rester aux hôtels et pensions du XIXe siècle, qui accueillaient des touristes encore peu nombreux, les aménagements implantés à partir des années 1960 changent d’intensité. Progressivement, la nature des installations transforme des bourgades en villes ou en crée ex nihilo dans les hautes vallées. Le cas le plus symptomatique est celui des stations de troisième génération27. Dans leur conception comme dans leur exécution, elles vont au-delà des premières stations ou de celles dites de seconde génération qui, comme Courchevel, l’Alpe-d’Huez ou les Deux-Alpes, correspondent à des villages qui ont aménagé et urbanisé leurs alpages. Le « Plan neige » conçu en 1964 prévoyait explicitement de « faire de la neige un piège à devises28 ». Cet objectif est sans cesse rappelé jusqu’en 1975 dans les plans successifs29. Si l’argument est de sauver les territoires de montagne en voie de désertification, le but réel est de faire de la France une des premières destinations du tourisme hivernal. Après une moyenne de 10 000 lits par an, on prévoit entre 1971 et 1975 la construction de 150 000 nouveaux lits, répartis au sein des vingt anciennes stations et des vingt-trois entièrement nouvelles30.
22Ces stations « intégrées » caractérisent les orientations de l’État, à une époque où la DATAR reste un acteur majeur des politiques publiques. La logique gouvernementale est alors celle de la planification, avec une conception que l’on nommerait actuellement « gouvernance du territoire », marquant la volonté de l’État de peser sur l’aménagement31. Au sortir de la guerre, une génération d’architectes et de grands commis de l’État porte des projets qui ambitionnent de créer un nouveau mode d’habiter. La montagne devient un laboratoire d’application où s’articulent visées d’architectes et programmes d’aménagement32. Denys Pradelle exprime ce dessein de concevoir des projets au « contact direct avec le milieu et l’architecture locale ». Laurent Chappis propose « une architecture sans superflu, décoration ou rappel folklorique. La montagne étant elle-même architecture, les constructions ajoutées par l’homme ne devraient pas la perturber mais s’y insérer en s’imposant le moins possible, tout en donnant à leurs occupants ce qu’ils venaient chercher : soleil, panorama, nature originelle33 ».
23Le but est de répondre à un afflux de touristes, lié au mouvement d’enrichissement relatif des classes moyennes, tout en le suscitant. Mais ces stations nouvelles contribuent à modéliser l’environnement et l’utilisation de ce dernier. En phase avec le roman de la modernisation, elles correspondent davantage au modèle technocratique que les installations des années 1950. L’édification de paysages totalement inédits signe la transformation radicale et pérenne des usages des territoires. Les textes officiels parlent « d’urbanisation verticale », rompant résolument avec les modèles vernaculaires34. Si dans certaines stations, formes et matériaux sont marqués par de véritables innovations (Avoriaz, Flaine, les Arcs), dans d’autres, le bâti s’avère bien éloigné de l’esprit affiché par les architectes.
24Dans leur diversité, ces stations « skis aux pieds » se rejoignent par leur urbanisme et par leur organisation. Pour limiter l’emprise au sol et laisser l’essentiel pour la pratique du ski, tout en construisant des « lits » en grand nombre, ces nouvelles stations dont une partie est « sans voitures », sont organisées en une série d’immeubles groupés autour d’une place, nommée parfois « grenouillère », lieu de convergence des pistes. Les bâtiments sont installés sur le versant ensoleillé pour réserver le versant nord aux pistes, gage d’un enneigement plus long et de meilleure qualité. Tout est fait pour que le consommateur de ski – plus que de montagne – puisse pratiquer son loisir dans un environnement qui lui est familier : celui des centres commerciaux urbains alors en plein essor. Le principe est d’empiler les appartements – souvent de petite taille (studio-cabine pour 4 à 6 lits) – au-dessus de galeries marchandes couvertes où les vacanciers peuvent trouver tout ce qui est nécessaire à leur consommation : boutiques et structures de loisirs, gages de vacances réussies. À cette consommation d’espace, il faut ajouter les accès routiers démultipliés, et dans les stations les plus prestigieuses, les altiports. L’emprise au sol de ce nouvel urbanisme (immeubles et parkings, routes d’accès) prive définitivement ces terres de l’exploitation pastorale.
25À la même époque sont conçues les stations-villages, installées dans la continuité des villages existants et préparées dès la décennie précédente par certains responsables de l’aménagement (DATAR, ministères, SEATM35) ou d’acteurs locaux – endogènes ou exogènes36. Les installations pour le ski et l’immobilier, de taille réduite, privilégient une clientèle familiale, dans une période où le ski alpin est devenu accessible à des catégories moins aisées. Les habitants, souvent convaincus par un leader local ont, avec la mise en œuvre des syndicats mixtes, le sentiment de garder la maîtrise de leur environnement et de leur foncier.
26Ces mutations fondamentales de la seconde moitié du XXe siècle posent en effet de manière aiguë la question de la terre, de sa possession, de ses usages et surtout de son coût. Soumis à des injonctions contraires, le foncier prend une place matérielle et symbolique forte. Grâce au plan neige qui concerne progressivement l’ensemble des stations, les collectivités locales ou les promoteurs peuvent exproprier les propriétaires pour implanter des remontées mécaniques et édifier immeubles ou chalets et toutes les infrastructures afférentes37. L’aménagement des stations se fait de façon très diversifiée, et leur gestion n’est pas linéaire. Parfois on revient à l’administration par une collectivité territoriale après en avoir cédé l’exploitation à un groupe d’investisseurs privés. Le changement du périmètre des responsabilités (commune, Sivom38 ou communauté de communes, département) ou la nature du responsable (collectivité territoriale ou acteur privé) est une donnée majeure. Ajoutons que l’on ne peut opposer acteurs endogènes et exogènes. Certains habitants, comprenant l’intérêt économique de ces changements qui ouvrent la possibilité de développer une nouvelle forme de pluriactivité et permettent aux jeunes de ne pas quitter les villages, voire d’y revenir, sont à l’initiative de stations ou de programmes immobiliers. La vente des terrains devient une ressource potentielle importante pour ceux qui en possèdent. Diverses archives télévisuelles sont précieuses pour saisir ces enjeux multiples et contradictoires39.
27En multipliant les exemples on pourrait montrer les nuances et souligner que l’on ne peut opposer de manière simpliste grandes stations en gestion privée et stations-villages sous la direction des communes ou des communautés de communes. Cependant le mode de gestion et surtout les acteurs en charge des projets font varier le rythme de l’expansion immobilière qui accompagne la progression des équipements. Cela confirmerait aussi que dans ces hautes vallées, la gestion de l’environnement passe par les usages du foncier et des biens communaux, surtout là où ces derniers restent importants. La compréhension de ces réalités renvoie à l’histoire longue de ces villages mais aussi à celles des communaux, ces espaces particulièrement concernés par les aménagements.
28Le renchérissement du foncier est de fait l’une des conséquences majeures de cette évolution. Les tensions qui l’accompagnent s’accentuent avec l’accélération du phénomène touristique depuis les années 1970. Des terres recensées dans les cadastres et les enquêtes administratives du XIXe comme « landes et pierriers », synonymes de terres pauvres et improductives40, sont appréciées selon des critères urbains sans rapport avec l’expérience locale. Dans les stations les plus recherchées, le coût du foncier atteint des valeurs proches de celles des centres des grandes villes. Les habitants éprouvent de grandes difficultés à se loger dès lors qu’ils n’ont pas de biens propres. Ils sont obligés de s’éloigner de leur lieu de travail, de résider dans les basses vallées ou dans des villages moins touristiques. Ces tensions sont d’autant plus exacerbées que ces terres sont parfois préemptées, au cours de la même période, pour les parcs nationaux et régionaux.
Les nouveaux enjeux environnementaux
29Depuis les années 1970, les hautes vallées semblent s’inscrire définitivement dans une logique d’urbanisation. La consommation d’espace, toujours plus importante, que ce soit pour l’immobilier ou pour les infrastructures de circulation et de services va de pair avec une évolution fondamentale des modes d’habiter. Les stations installées à des altitudes de plus en plus élevées (de 1 500 à 2 200 m), sont devenues des lieux d’habitation permanents, même si le déséquilibre entre les périodes de haute et de basse saison reste marqué. Jusqu’aux années 1970, Saint-Véran (Hautes-Alpes), situé à 2 042 m d’altitude, avec ses 700 habitants recensés en moyenne au XIXe siècle, s’enorgueillissait d’être, selon son dicton, « le plus haut village d’Europe où l’on mange le pain de Dieu toute l’année41 ». Depuis, cette altitude a été dépassée par de grandes stations comme Val Thorens (2 300 m) ou Tignes. Installée à 2 100 m d’altitude, cette station de Tarentaise est créée à partir de 1956, en même temps qu’un barrage hydroélectrique. L’essentiel de son développement s’est fait depuis le milieu des années 1960. Tignes comprend désormais une population permanente de l’ordre de 2 400 habitants, au lieu des 800 dans l’ancien village, et de l’ordre de 500 avant l’ennoiement de ce dernier42. Cette installation permanente dans des territoires habités auparavant de manière temporaire jointe à l’afflux massif de populations pour des périodes relativement brèves – quelques semaines en hiver et en été – transforme fondamentalement l’environnement, sans même parler des aspects architecturaux ou de la question des risques, avalancheux notamment. Dans tous les villages devenus stations, la population a augmenté. Cette croissance varie selon les lieux, avec des augmentations spectaculaires dans les grandes stations créées ex nihilo43. La composition des populations aussi a changé. Des populations souvent jeunes se sont installées, soit venues de l’extérieur, soit revenues pour participer à cette nouvelle économie44.
30Dans la même dynamique et le même contexte, mais avec des enjeux différents, les territoires de certaines stations font l’objet d’appropriation partielle par les parcs naturels nationaux ou régionaux. Un double mouvement associe la protection d’une biodiversité menacée et les premières attaques contre l’urbanisation. Lors du colloque fondateur des parcs régionaux (1966), Jean Blanc avance la notion de « pays ». En le définissant comme des « territoires naturellement et culturellement homogènes », il pointe l’obligation de penser un développement mesuré dans l’harmonie entre nature et culture45, un modèle qui ne distingue pas homme et nature et ne considère pas la nature comme extérieure aux sociétés, anticipant le mouvement actuel de retour à la nécessaire imbrication des deux dimensions46. Moins contraignante que pour les parcs nationaux, la définition classe en parc naturel régional « le territoire de tout ou partie d’une ou de plusieurs communes lorsqu’il présente un intérêt particulier par la qualité de son patrimoine naturel et culturel, pour la détente, le repos des hommes et le tourisme, qu’il importe de protéger et d’organiser47 ». La prise de conscience de l’importance de la préservation de la nature est favorable à ce double cadre, parcs nationaux et régionaux, dont la création se multiplie à partir de la décennie 1970. Les chartes initiales avancent l’idée de « territoires sanctuaires » – qui se matérialisent particulièrement dans la notion de « réserve intégrale » – où l’homme doit intervenir le moins possible, demeurer un visiteur respectueux d’une nature et d’une biodiversité à conserver pour les générations futures, principes qui n’ont cessé d’être réaffirmés depuis48.
31Cette dévolution aux hautes vallées de la fonction de terres préservées et de conservatoire de la biodiversité procède d’un mouvement d’ensemble qui ne s’exprime pas encore à cette date en termes de changement climatique et global, mais trouve son fondement dans une réaction à la « bétonisation » de la montagne. Les oppositions liées aux tracés des périmètres des parcs prennent des allures feutrées, silencieuses ou conflictuelles selon les vallées, et selon la manière dont les négociations sont menées49. Les enjeux qui président aux choix suscitent des confrontations parfois virulentes entre les catégories d’usagers, habitants ou originaires, et populations exogènes (aménageurs, visiteurs ou résidents secondaires).
32Progressivement, les nouvelles considérations vis-à-vis de l’environnement transforment le regard sur les mutations des territoires touristiques. Certains architectes pointent les dérives de l’architecture des nouvelles stations et leur urbanisme50. Celui-ci, vanté pour être le reflet de la modernité au moment de son implantation, subit nombre de critiques. C’est le cas des Ménuires, surnommée « Sarcelles des neiges ». Il faut pourtant attendre 1991 pour voir un article remettre en cause la politique du « tout ski »51. La concordance avec quelques hivers moins enneigés ou même sans neige n’est pas fortuite et rappelle la fragilité de ces économies fondées sur une saison et une activité. Or dans ces mêmes années, la pratique du ski alpin redevient un loisir élitaire au sens économique du terme. Dans les « grandes » stations, le renchérissement du prix des forfaits, lié à la multiplication des équipements pour aller plus vite et plus haut, dans une concurrence forte pour la taille des domaines skiables, auquel s’ajoute le prix des locations, restreignent la place des classes moyennes qui contribuaient dans les années 1970 au développement de cette activité.
33Ces remises en cause qui préconisent la défense d’un environnement écologique, visuel, social, économique de qualité, soulignent la complexité des situations pour les hommes comme pour les territoires. Ainsi la présence d’un parc participe-t-elle à l’élargissement de la vocation touristique des vallées et est-elle utilisée comme argument publicitaire. La saison estivale, un peu éclipsée durant les années du tout-ski et par la concurrence des stations balnéaires, retrouve de son importance. Elle valorise les territoires moins urbanisés, ayant gardé un caractère identitaire fort, d’autant que la mode du patrimoine qui s’affirme dans ces mêmes années, participe au renversement de la demande en matière de territoires.
34On a là une évolution, non démentie depuis, qui inscrit la patrimonialisation au nom de la préservation d’un environnement. L’archaïsme devient alors modernité et pour certains acteurs, un élément économique. Le déroulement des activités proposées aux touristes durant la saison et les reconstitutions de la vie traditionnelle, parfois jusqu’à la caricature, attestent de la prégnance des représentations. Il s’agit pourtant d’une nature mythique et d’une culture reconfigurée par et pour les urbains.
35La mode du « tout patrimoine52 » prend dans ces territoires d’autant plus de force que les transformations liées au tourisme et aux mutations agropastorales et industrielles ont été puissantes, parfois même violentes, au cours de ces cinquante dernières années. Comme au XIXe siècle, les citadins modèlent cet environnement pour reconstruire des modes de vie qu’ils ont toujours affectionnés. Il en va ainsi de l’habitat dont le chalet devient, pour ces mêmes catégories, l’archétype de la tradition et du paysage de montagne53. À l’origine habitation précaire et temporaire en bois, réservée aux séjours en alpage des bergers ou des familles pour les tâches estivales liées à l’agropastoralisme, le chalet devient l’emblème de l’habitat saisonnier des touristes. Argument de la promotion touristique des stations, il participe à leur uniformisation. Même les nouvelles structures de loisir, y compris les spas « tropicaux » ou les parcs aquatiques, sont bâties selon la norme du pseudo-chalet, aux antipodes de l’environnement local et surtout de la préservation de l’environnement tout court54.
36Cette tendance masque pourtant des réalités très différentes au sein des territoires touristiques, et entre ces derniers et ceux qui sont restés à l’écart, volontairement ou involontairement. Elle induit une différenciation importante entre territoires urbanisés et espaces naturels ou plus exactement vidés : certains « territoires du vide », pour reprendre l’expression d’Alain Corbin, sont devenus au cours des trente dernières années les territoires du trop-plein, des territoires qui, comme au siècle précédent, doivent jouer le rôle d’espace récréatif pour des citadins en quête de régénération et de détente. Il faut ajouter les territoires de l’entre-deux, qui ne sont ni dans les parcs ni dans la mouvance touristique générale. Avec des populations qui cherchent d’autres modes de vie et d’autres formes d’environnement, ces écarts retrouvent une fonction qui bénéficie de leur décalage vis-à-vis des territoires « mis en tourisme ». L’extension des activités sportives et touristiques redonne à ces espaces une place centrale. L’exemple de la vallée de Névache, pourtant très touristique, est symptomatique de cette volonté farouche de défendre l’environnement d’une vallée, classée depuis 199255.
*
37L’articulation des questions liées au tourisme et à l’environnement dans les montagnes alpines ouvre de vastes perspectives qui n’ont pu être ici qu’effleurées. Cette articulation est d’autant plus importante qu’elle oblige à croiser des enjeux qui s’inscrivent dans la longue durée et dont on voit qu’ils sont le plus souvent porteurs de contradictions : entre préservation et utilisation, entre vie continue pour des habitants permanents et artificialisation de l’environnement pour des usages ponctuels, entre territoires pour la nature et aménagements touristiques, sans parler des anciennes vallées industrielles en voie de reconversion, non évoquées ici. Les enjeux actuels qui pèsent sur ces territoires, plus fragiles encore que les autres par leurs conditions physiques et économiques, obligent à une réflexion sur leur devenir au prisme de l’environnement. Les régulations environnementales à l’œuvre, dont il faut analyser les tenants et les aboutissants agissent dans une période réellement charnière. Les choix sont cruciaux pour ces territoires dans un contexte économique et culturel global qui veut concilier des objectifs opposés : d’une part la mono-activité touristique, toujours plus consommatrice d’espaces, d’autre part le maintien d’autres fonctions nécessaires à leur équilibre. Le danger est grand, on le pressent, de leur réserver la vocation d’incarner une montagne imaginée, dont les paysages sont ceux attendus par les habitants des villes et sont façonnés par des séries de représentations : des territoires et des sociétés patrimonialisés masquant les installations touristiques. Ou, comme le dit André Micoud, de laisser « juste assez d’habitants dans le paysage, […] pour que le risque de dégradation des patrimoines soit le plus faible possible, pour que l’espace soit rendu possible aux plaisirs des citadins, pour que la nature ouvragée par des siècles de travail paysan puisse encore être offerte aux contemplations “ruralisantes” nostalgiques et aux spéculations touristiques, pour que les derniers milieux naturels restent encore accessibles aux observateurs de la faune et de la flore56 ». Agir ainsi serait signer, au nom d’une lecture idéologique de l’environnement, une muséification de ces territoires, autrement dit leur mort lente.
Notes de bas de page
1 Au point qu’elle est reprise à de nombreuses reprises, y compris dans le titre d’un ouvrage, sous la direction de Bourdeau P., La montagne terrain de jeu et d’enjeux ; Débats pour l’avenir de l’alpinisme et des sports de nature, L’Argentière-La Bessée, Éditions du Fournel, 2006.
2 Selon la typologie attribuée à Knafou R., Les Stations intégrées de sport d’hiver des Alpes françaises, Paris, Masson, 1978 mais plus encore à G. Cumin, ancien directeur du SEATM, (Service d’Études et Aménagement Touristique en Montagne), « Les stations intégrées », Urbanisme, 1970, no 116. p. 50-53.
3 18 décembre 1967 – ORTF/INA.
4 Granet-Abisset A.-M., « L’autre « territoire du vide » Des espaces répulsifs aux territoires préservés L’exemple de la montagne alpine », dans Cabantous A., Chappey J.-L., Morieux R., Richard N. et Walter F. (dir.), Mer et Montagne dans la culture européenne (XVIe-XIXe s), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011 p. 57-72.
5 Tissot L., Naissance d’une industrie touristique, Les Anglais et la Suisse au XIXe siècle, Lausanne, Éditions Payot, 2000 ; Boyer M., Histoire générale du tourisme du XVIe au XXIe siècle, Paris, L’Harmattan, 2005 ; Histoire du tourisme de masse, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1999 ; Histoire de l’invention du tourisme XVIe - XIXe siècles : origine et développement du tourisme dans le Sud-Est de la France, La Tour d’Aigues, Éditions de l’Aube, 2000 ; « Les Alpes et le tourisme », Histoire des Alpes – Storia delle Alpi, – Geschichte der Alpen, 9/2004, p. 19-30 ; Bertho-Lavenir C., La roue et le stylo. Comment nous sommes devenus touristes, Paris, O. Jacob, 1999 ; Corbin A. (dir.), L’avènement des loisirs 1850-1960, Paris, Aubier, 1995 ; Rauch A., Vacances en France de 1830 à nos jours, Paris, Hachette, 1996 ; Larrere R., Lizet B., Histoire des parcs naturels, Versailles, Éditions Quae, 2009 ; Dumazedier J., Vers une civilisation des loisirs ?, Paris, Le Seuil, 1962 ; Py P., le tourisme un phénomène économique, Paris, La Documentation française, 1992 ; Ambrosi C., Wedekind M., Alla conquista dell’immaginario. L’alpinismo come proiezione di modelli culturali e sociale borghesi tra Otto e Novecento, Treviso, Antilia, 2007.
6 Au sens où L. Tissot l’entend notamment dans la publication collective, Construction d’une industrie touristique aux XIXe et XXe siècles, perspectives internationales, Neuchâtel, Éditions Alphil, 2003.
7 Zancarini-Fournel M., Delacroix C., La France du temps présent, 1945-2005, Paris, Belin, 2010.
8 Piveteau J.-L., « Le territoire est-il un lieu de mémoire ? », L’Espace géographique, no 24, 1995, p. 113-124.
9 Granet-Abisset A.-M., Rouanet S. et Gouy J. (codirection scientifique et éditoriale), Montagnes magiques, 100 ans de tourisme à l’écran. Fresque interactive, coproduction INA-LABEX ITEM (Innovations et territoires de montagne), 2014. Visible sur le site Montagnes magiques.
10 Sur ce renversement d’images et de posture vis-à-vis de la montagne, voir surtout Walter F., Les figures paysagères de la Nation : territoire et paysage en Europe, XVIe-XXe siècle, Paris, Éditions. de l’EHESS, 2004 ; Joutard P, L’invention du Mont-Blanc, Paris, Gallimard, 1986.
11 Perret J., Guide des livres sur la montagne de l’alpinisme, Grenoble, Édit. de Belledonne, 1997, 2 vol. et Regards sur les Alpes, Chamonix, Éditions du Mont-Blanc, 2012.
12 Joutard P., L’invention du Mont-Blanc, op cit, notamment p. 105-121.
13 Bourrit M.-Th., Nouvelle description des glacières, vallées de glace et glaciers, Genève, 1787, Reprints Slatkine, Genève, 1981, p. 48-49, cité par Joutard P., op. cit., p. 119-120.
14 Rousset P.-L., Mémoires d’en Haut. Histoire des guides de montagne des Alpes françaises, Meylan, 1995, p. 85.
15 Reclus É., « Du sentiment de la nature dans les sociétés modernes », Revue des Deux Mondes, 15 mai 1866, p. 352-381. Élisée Reclus joue un rôle essentiel, redécouvert par des géographes comme Raffestin C., « Les Alpes entre mythes et réalités », no spécial, Les géographes inventent les Alpes, Revue de Géographie Alpine, no 4, t. 89, 2001, p. 13-26.
16 Reclus É., « Excursions à travers le Dauphiné, 1850-1860 », Le Tour du Monde, vol. 2, no 52, 1860, p. 414.
17 Blache J., Les massifs de la Grande Chartreuse et du Vercors, Claix, Éditions Didier-Richard, 1931, 2 t.
18 Ferrand H., Le pays briançonnais et le Queyras en 1900, Grenoble, Librairie A. Gratier et J. Rey, 1909, Guide du tourisme dans le Briançonnais, 1898.
19 Viau C., « “Une France sans paysans” ou la justification de la politique de modernisation de l’agriculture française », dans Cranney J., INRA, 50 ans d’un organisme de recherche, Paris, INRA Éditions 1996, p. 307-311. Voir les publications des années 1950-1960 militant pour les transformations radicales des campagnes dont Gervais M., Servolin C., Weil J., Une France sans paysans, Paris, Le Seuil, 1965 ; Augé Laribé M., La Révolution agricole, Paris, Albin Michel, 1955.
20 Hoibian O. (dir.), L’invention de l’alpinisme, la montagne et l’affirmation de la bourgeoisie cultivée, (1786-1914), Paris, Belin, 2008 ; Granet-Abisset A.-M., « Mémoires de papier glacé. Quand les photographes regardent les Alpes », dans Cabane P., Granet-Abisset A.-M., Guibal J. (dir.), Mémoire, Religion, Montagne, Mélanges offerts à P. Joutard, Grenoble (CPI) – Aix en Provence, Presses universitaires de Provence, 2002, p. 379-402.
21 Granet-Abisset A.-M., « Figurer l’archaïsme : le crétin des Alpes ou l’altérité stigmatisante », dans Granet-Abisset A.-M., Rigaux D. (dir.) Image de soi, image de l’autre. Du portrait individuel aux représentations collectives, Grenoble, Publications de la MSH-Alpes, 2010, p. 259-286.
22 Successivement, Fabre J.-A., Essai sur la théorie des torrents et des rivières, contenant les moyens les plus simples d’en empêcher les ravages, Paris, Didot aîné, 1787 ; Marchand M. L., Les torrents des Alpes et le pâturage, Arbois, Mlle Saron, 1872.
23 Granet-Abisset A.-M., « La bataille des bois : les enjeux sociaux et politiques de la forêt pour les sociétés rurales en France au XIXe siècle », dans Tanguy J.-F. (dir.), Les campagnes dans les évolutions sociales et politiques en Europe, des années 1830 à la fin des années 1920 : étude comparée de la France, de l’Allemagne, de l’Espagne et de l’Italie, Paris, Ellipses, 2005, p. 47-66.
24 La conjoncture économique est parfois assortie d’une série d’inondations catastrophiques qui entraînent un ultime découragement comme dans la vallée du Valgaudemar ou à Freissinières en 1920.
25 À propos de la loi de 1930 sur le classement des sites et la création des premières réserves naturelles, (Lauzanier) : Lizet B. et Larrère R., Histoire des parcs naturels, op. cit.
26 Voir le programme du FNS PNR 48, codirigé par C. Reichler portant sur Le bon air des Alpes.
27 Knafou R., Les Stations intégrées de sports d’hiver des Alpes françaises ; l’aménagement de la montagne à la française, Paris, Masson, 1978.
28 Montagnes Magiques, 100 ans de tourisme à l’écran, Production INA-LAbex ITEM, reportage : Le plan neige, 29 décembre 1977, FR3 Alpes, Journal Télévisé.
29 Cet objectif est porté par la Commission interministérielle d’aménagement de la montagne (CIAM) créée en 1964, devenue par la suite le Service d’étude et d’aménagement touristique de la montagne (SEATM).
30 À la même époque, on trouve la même logique d’aménagement pour le tourisme estival des plages du Languedoc-Roussillon (Mission Racine 1963).
31 Mioche P., Origines et démarrages de la planification en France (1941-1946), Paris, Publications de la Sorbonne, 1987.
32 Pradelle D., Contribution à une architecture de montagne, 1955, et sous sa direction, Urbanisme et architecture contemporaine en pays de neige, Orthez, Libris, 2002 ; Chalabi M, Lyon-Caen J.-F., Dessert E., Stations De Sports D’hiver – Urbanisme et Architecture, Lyon, Éditions Lieux-dits, 2014 ; Delorme F., « L’Atelier d’architecture en montagne. Contribution à la mise au point d’une architecture de montagne », In Situ [En ligne], 24 | 2014.
33 Arch. dép. Savoie, fonds AAM 6J 1-2470 ; fonds de L. Chappis, 30 J.
34 Pour une idée des architectures mobilisées pour ces stations se reporter à la fresque Montagnes Magiques.
35 Service d’Études d’Aménagement Touristique de la Montagne.
36 Parmi les figures emblématiques citons Gilbert André à Bonneval-sur-Arc, Maxime Viallet pour le Beaufortin ou Philippe Lamour.
37 Granet-Abisset, A.-M. « Nature’s territories, Culture’s territories: High Alpine lands’ tensions and challenges of real property in the 19th and 20th centuries… », dans Siegl G., Grüne N., Hübner J. (dir.), Rural Commons: Collective Use of Resources in the European Agrarian Economy, Rural History Yearbook, May 2015.
38 Personnalité morale de droit public comme les communautés de communes qui ont actuellement tendance à les remplacer, les syndicats intercommunaux à vocation multiple ont été créés en 1959. Ils ont comme les EPA ou les EPIC le but de gérer une activité de service public.
39 Mais où sont les neiges d’antan, 19 février 1974, 2e volet de À la découverte des Français, sur Albiez le Vieux, (1958, projeté le 30 mars 1960) production INA, visible sur INA.fr.
40 Enquêtes de la série M des archives départementales, notamment les séries 6, 7 et 8 M des Arch. dép. Hautes Alpes et Enquête agricole, deuxième série, Enquêtes départementales. 25e circonscription. Hautes Alpes, Haute-Savoie, Savoie, Isère, Paris Imprimerie impériale, 1867 ; Sur les enquêtes en général se reporter à Vivier N. et Marache C. (dir.), L’État et les sociétés rurales. Enquêtes agricoles, enquêteurs et enquêtés en Europe du Sud aux XIXe et XXe siècles, t. CXXV, no 284, octobre-décembre 2013, p. 493-570.
41 C’est-à-dire le pain produit avec la production de céréales de la commune. Inscription marquée sur le cadran solaire de l’église et reprise par tous les érudits comme Tivollier J., Isnel P., Le Queyras, (1938), Marseille, Lafitte Reprints, 1977 p. 179.
42 Le village de Tignes a été noyé en 1952 par la construction du barrage d’EDF. Dalmasso A., « Barrages et développement dans les Alpes françaises de l’entre-deux-guerres », Revue de géographie alpine, 96-1, 2008, p. 45-54.
43 « Les 30 ans des Ménuires », 22 février 1995, Montagnes magiques, fresque déjà citée. Cf. Perret J. Le développement touristique local : les stations de sports d’hiver, thèse, Cemagref-UPMF, 1992.
44 Granet-Abisset A.-M., « Tourisme et pluriactivité : Les « nouveaux » saisonniers des stations alpines depuis les années 1960 », dans Tissot L., Humair C., Gigase M. (dir), Les transformations économiques, techniques et sociales des zones touristiques : une approche comparative (XIXe-XXe siècles), Lausanne, Éditions Alphil, 2014, p. 257-274.
45 Duclos J.-C., entretien, mai 2001.
46 Larrère R. et C., Du bon usage de la nature. Pour une philosophie de l’environnement, Paris, Flammarion, 2009.
47 Citation prise sur le site de la fédération des Parcs régionaux de France, 40 ans d’histoire.
48 Ces mêmes notions sont réaffirmées et défendues lors du renouvellement des chartes depuis le milieu des années 2000.
49 La période de renégociation de la charte pour les parcs nationaux (2006), en particulier, est un nouveau temps de tension, voire de remise en cause des périmètres, non pas du cœur du parc, mais pour les communes de leurs aires d’adhésion.
50 Chappis L., Ma montagne : du rêve à la réalité, 50 ans d’architecture en montagne et ailleurs, Chambéry, Facim, 2005 ; Revil P., L’anarchitecte, Laurent Chappis, rebelle de l’or blanc, Chamonix, Guérin, 2002.
51 Knafou R. « La crise du tourisme dans les montagnes françaises. Un système qui a fait ses preuves et son temps », Revue de Géographie Alpine, no 6, 1991, p. 13-21.
52 Selon l’expression d’A. Chastel dans « La notion de patrimoine », Nora P. (dir.), Les Lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 1997, t. 1 p. 1433.
53 Granet-Abisset A.-M., « le « chalet alpin », La patrimonialisation d’un modèle architectural dans les stations d’altitude françaises, depuis le XIXe siècle », Histoire des Alpes, Storia delle Alpi, Geschichte der Alpen, L’invention de l’architecture alpine, 2011/16, p. 111-131.
54 Voir en particulier Aquariaz à Avoriaz, extrait de « les parcs aquatiques à la montagne », Montagnes magiques, 26 février 2013.
55 Notamment depuis le mouvement porté par Émilie Carles, qualifié à l’époque d’écologiste pour avoir contré le projet de tunnel et d’autoroute vers Turin (1974). Carles É., Une soupe aux herbes sauvages, (1977), Paris, Le Livre de Poche, 1979.
56 Micoud A., « Un monde sans hommes ? », Le Vercors en question, no spécial de l’Alpe, Grenoble, 2000, p. 8.
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