Enjeux posés par l’ESS en Pays de la Loire. Dynamiques du secteur associatif, ancrage territorial des établissements et co-constructions
p. 47-58
Texte intégral
1De nombreuses initiatives innovantes basées sur la coopération et la mutualisation s’engagent un peu partout en France pour développer des projets économiques solidaires et durables. Alors qu’elles ont des objectifs différents (lutter contre le chômage, réduire les inégalités, freiner la dégradation de l’environnement ou surmonter les difficultés rencontrées par les entreprises sur les territoires), elles ont toutes au moins un point commun : le rôle moteur des structures de l’économie sociale et solidaire (ESS).
2La chambre régionale de l’économie sociale et solidaire, dans le cadre de sa mission de développement du secteur de l’ESS, a décidé de s’y intéresser de plus près, de venir en appui aux coopérations existantes sur les territoires ligériens mais également de créer les conditions favorables à l’émergence de nouvelles initiatives, à leur développement et à leur consolidation. C’est pour atteindre ces objectifs qu’elle a construit une méthodologie de diagnostic partagé de l’économie sociale et solidaire à l’échelle des territoires.
3Cette démarche participative est mise en œuvre pour et avec les acteurs locaux, qu’ils appartiennent à l’économie sociale et solidaire ou non, dans un souci de neutralité et de subsidiarité. Elle a pour finalité d’impulser une dynamique collective au service du développement d’une économie plurielle sur le territoire, de l’aider à se consolider, à se structurer puis à s’autonomiser. À ce jour, la méthodologie a été expérimentée sur quatre territoires des Pays de la Loire. Les résultats obtenus sont inévitablement variables d’un territoire à l’autre mais offrent tous des perspectives positives : les dynamiques collectives ont été enclenchées, consolidées et ont permis une structuration du secteur à l’échelon local via la création de plateformes ESS et/ou de Pôles territoriaux de coopération économique (PTCE).
4Pour résumer, les objectifs de la démarche sont pluriels :
appréhender la connaissance, le poids, les problématiques et les enjeux de l’ESS sur le territoire, ce dont rend partiellement compte le panorama des associations, donné en exemple ici ;
impulser des dynamiques collectives, des réseaux d’acteurs locaux ;
favoriser la construction d’une stratégie de développement de l’ESS ;
faciliter la mise en œuvre d’actions collectives développant l’ESS et donc la création d’activités et d’emplois à moyen ou long terme.
Un exemple d’une prise de connaissance initiale : le secteur associatif en mouvement
5Au sein du secteur privé, le secteur associatif présente des caractéristiques de résistances face à la crise actuelle. Ainsi, même si sa croissance continue a été freinée à partir de l’année 2010, il aura créé plus de 25 000 emplois en une décennie. Entre 2012 et 2013, la région des Pays de la Loire a gagné environ 430 emplois associatifs, malgré une stagnation dans la Mayenne et dans la Sarthe.
6Les associations (loi 1901) peuvent être considérées comme la colonne vertébrale de l’économie sociale. Alors que, au niveau national, les travaux initiaux de Viviane Tchernonog portant sur le paysage associatif français viennent de faire l’objet d’une réactualisation (2013), il semble essentiel de regarder, au niveau régional, quelles sont les dynamiques du secteur associatif. La toute récente loi sur l’ESS (31 juillet 2014) confirme leur présence dans le périmètre. L’ensemble des associations, fondations, mutuelles et coopératives représente en 2013 près de 14 000 établissements employeurs, plus de 150 000 salariés, soit 14 % du total des emplois privés de la région. La masse salariale correspondante s’établit à plus de 2,7 milliards d’euros, soit un peu plus de 12 % de l’ensemble du secteur privé. Au sein de cet ensemble, les associations sont prépondérantes, correspondant à 75 % du nombre de salariés, et à 65 % de la masse salariale, proportion un peu plus faible, compte tenu d’un nombre important d’emplois à temps partiel.
Un secteur associatif présent dans tous les domaines
7Près d’un Français sur deux est d’adhérent d’une association, et ce secteur apporte des services, du lien social, mais aussi un soutien important en direction des personnes les plus vulnérables. Il est présent dans tous les aspects de la vie quotidienne : associations à caractère social, culturel, sportif, environnemental…, associations en direction des plus jeunes, des adolescents, des professionnels, des personnes âgées, des personnes fragiles ou malades… Il s’agit d’un secteur dynamique, avec plus de 60 000 créations de nouvelles associations, chaque année, dont près de 3 700 dans la région. On estime qu’il existe plus d’un million d’associations actives sur le territoire national : la région des Pays de la Loire en comporte plus de 65 000.
8Ces associations sont animées par des bénévoles, dirigeants élus, animateurs de terrain, actifs en matière administrative : ils sont en effet près de 700 000 (12,5 millions en France), les habitants de la région, engagés gratuitement avec le souhait d’être utile. Ils sont indispensables à la grande majorité des associations (plus de 85 %), qui ne disposent que de cette ressource humaine pour fonctionner. Parmi ceux-ci, entre 265 000 et 280 000 Ligériens interviennent au moins une fois par semaine, souvent selon des horaires importants.
L’emploi dans les associations : quelques repères
9Au sein du secteur associatif, on peut très directement suivre les associations employeurs. Elles représentent environ 165 000 établissements, en France en 2013, comportant 1 812 700 salariés. La masse salariale du secteur associatif est de plus de 37 milliards d’euros, en 2013. Selon les données toutes récentes, correspondant au bilan de l’année 2013, selon la moyenne de ses quatre trimestres, les Pays de la Loire comportent comptent plus de 11 400 établissements employeurs, pour 115 000 salariés, et une masse salariale de 2,15 milliards d’euros. La répartition de ces employeurs est présentée dans le tableau suivant.
Tableau 1. – Répartition en 2013, des associations en Pays de la Loire, en fonction de leur taille (en %)
< 3 |
3 à 6 |
6 à 10 |
10 à 20 |
20 à 50 |
50 à 100 |
100 et + |
Total |
|
Établissements |
53 |
16 |
9 |
9 |
9 |
3 |
1 |
100 |
Salariés |
6 |
6 |
7 |
13 |
26 |
21 |
21 |
100 |
Masse salariale |
4 |
5 |
7 |
13 |
29 |
22 |
20 |
100 |
Sources : CRESS Pays de la Loire, Observatoire de l’ESS, d’après ACOSS-URSSAF-MSA – R&S.
10Si plus de la moitié des établissements ne comportent qu’un ou deux salariés, tout particulièrement dans le secteur du sport ou de la culture, on compte près de 1 500 associations employant plus de 20 salariés, et même près de 140 établissements de plus de 100 salariés, surtout dans le secteur sanitaire et social.
Un enjeu économique et social
11Le secteur des associations représente un salarié sur 10, par rapport à l’ensemble du secteur privé. Cette proportion est proche de celle du commerce de détail, en France, et supérieure à celle du transport ou encore de la construction. Dans la région des Pays de la Loire, elle-même en bonne santé économique par rapport à bien d’autres régions, le secteur représente un enjeu important, comme le montre le tableau suivant.
Tableau 2. – Répartition, en 2013, dans les départements de la région
Établissements |
Salariés |
% du secteur privé |
Masse salariale en K€ |
|
Loire-Atlantique |
4 260 |
44 250 |
10,4 % |
847 975 |
Maine-et-Loire |
2 800 |
29 615 |
12,4 % |
544 010 |
Mayenne |
910 |
8 610 |
10,1 % |
160 720 |
Sarthe |
1 440 |
15 345 |
10,0 % |
288 955 |
Vendée |
2 020 |
17 095 |
9,3 % |
312 945 |
Région PDL |
11 430 |
114 915 |
10,6 % |
2 154 605 |
Sources : CRESS Pays de la Loire, Observatoire de l’ESS, d’après ACOSS-URSSAF-MSA – R&S.
12La Loire-Atlantique comporte environ 40 % des emplois et de la masse salariale associative régionale. Le département du Maine-et-Loire affiche la part proportionnellement la plus importante du secteur associatif dans l’ensemble du secteur privé (12,4 %). La part de la région (10,6 %), se situe juste au-dessus de la moyenne nationale, hors Île-de-France (10,5 %).
Profils des différents secteurs en région Pays de la Loire
13Le secteur sanitaire et social comporte de grands établissements, et représente à lui seul 55 % du total des emplois associatifs. Il est représenté, dans le tableau suivant, par le domaine de la santé, de l’hébergement médico-social et du social sans hébergement.
Tableau 3. – Répartition, en 2013, des salariés associatifs de la région (en %)
Loire-Atlantique |
Maine- et-Loire |
Mayenne |
Sarthe |
Vendée |
Région PDL |
|
Enseignement |
16 |
19 |
15 |
12 |
17 |
16 |
Santé |
5 |
5 |
3 |
9 |
6 |
6 |
Médico-social |
24 |
21 |
19 |
17 |
19 |
21 |
Social sans hébergement |
25 |
26 |
36 |
36 |
26 |
28 |
Sport |
4 |
4 |
4 |
4 |
4 |
4 |
Loisirs |
5 |
1 |
0 |
0 |
2 |
2 |
Culture |
3 |
2 |
2 |
3 |
2 |
3 |
Autres secteurs |
17 |
20 |
22 |
18 |
24 |
20 |
Ensemble |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
Sources : CRESS Pays de la Loire, Observatoire de l’ESS, d’après ACOSS-URSSAF-MSA – R&S.
14Chaque département se distingue, avec une plus forte proportion d’emploi dans le domaine médico-social, pour ce qui concerne la Loire-Atlantique, dans l’enseignement, en Maine-et-Loire, dans la santé en Sarthe, et dans le secteur social sans hébergement, pour ce qui concerne la Mayenne et la Sarthe.
15Pour ce qui relève de la rubrique « autres secteurs », les 20 % d’emploi répertoriés dans la région se répartissent entre 11,5 % des emplois parfaitement classés dans une rubrique précise, et 8,5 % des emplois figurant dans une sorte de « fourre-tout » qui pourrait être réduit au fil des années, par un examen attentif de l’activité des associations concernées.
Retour sur la qualification de l’emploi associatif
Tableau 4. – Répartition des salariés associatifs selon le sexe et l’âge (en %)
Hommes |
Femmes |
|
Moins de 25 ans |
32,9 |
67,1 |
De 25 à 29 ans |
27,9 |
72,1 |
De 30 à 34 ans |
29,1 |
70,9 |
De 35 à 39 ans |
28,8 |
71,2 |
De 40 à 44 ans |
28,1 |
71,9 |
De 45 à 49 ans |
25,4 |
74,6 |
De 50 à 54 ans |
27,2 |
72,8 |
De 55 à 59 ans |
29,4 |
70,6 |
60 ans et plus |
41,2 |
58,8 |
Total |
28,6 |
71,4 |
Sources : CRESS Pays de la Loire, Observatoire de l’ESS, d’après Insee, DADS 2011.
16Dans les associations, les femmes sont majoritaires (71,4 %) dans l’ensemble des classes d’âges. Ce n’est qu’à partir de 60 ans que l’écart se réduit avec une proportion de 58,8 %. L’équilibre entre hommes et femmes est toutefois encore loin, contrairement à l’économie sociale et solidaire en général où il est quasiment atteint au même âge (53 % des femmes). En outre, dans le secteur associatif, la part des seniors s’élève à 21 %. Ces évolutions annoncent des besoins de renouvellement de main-d’œuvre conséquents mais également à échéance plus brève que dans le reste de l’économie.
17Le taux de CDI dans les associations (75 %) est plus faible que dans les coopératives et mutuelles. Cependant on y trouve également une plus forte proportion « d’autres types de contrats » tels que les contrats aidés et contrats d’insertion qui reflètent la fonction d’insertion professionnelle des associations. Le temps de travail à temps plein dans les associations (62 %) est nettement inférieur à la moyenne de l’ESS. Il est faible car les associations se développent sur des secteurs où le temps de travail moyen est faible. Sur le secteur principal des associations – l’action sociale –, le temps de travail moyen est équivalent à celui du secteur public et supérieur à celui du privé. C’est dans les secteurs arts, spectacles ou le sport que l’on observe le temps de travail le plus faible, qui se cumule par ailleurs avec les rémunérations les plus faibles.
18Ce que les associations donnent à voir ici est, outre des dynamiques propres à elles, un rôle à jouer par ces dernières dans les territoires : elles sont créatrices d’emplois, mais parfois de moindre qualité ; elles sont investies dans tous les secteurs, mais leur présence forte dans quelques-uns (services aux personnes notamment) en fait des acteurs incontournables de tout projet de territoire visant, ici, la qualité de vie et le bien-être des citoyens. Par leur ancrage aux territoires et leur volonté de faire avec les territoires, les associations deviennent co-contributeurs des projets de territoires, aux côtés de l’ensemble des acteurs économiques et sociaux.
L’ESS dans le pays du Mans (Sarthe) : un club des entreprises de l’ESS
19En 2006, le centre d’étude et d’action sociale de la Sarthe (CEAS72) amorce une démarche de mobilisation des acteurs de l’ESS sur le territoire du Mans. Cette démarche, faute de moyens, n’a pu se poursuivre. En septembre 2011, la CRESS décide donc de mener un diagnostic partagé, de manière expérimentale, en partenariat avec le CEAS72. À l’issue de ce diagnostic, les pistes d’actions étaient :
sensibiliser les élus locaux et participer aux instances politiques pour que l’ESS soit prise en compte comme secteur économique créateur d’emplois ;
développer des compétences et moyens en matière de communication dans les structures de l’ESS afin de les aider à mieux communiquer, de manière individuelle sur la dimension économique de leurs activités, mais également communiquer de manière collective sur les spécificités de l’ESS et les emplois générés par le secteur ;
envisager la création d’un « espace » de dialogue et de travail collectif dédié à l’ESS sur le territoire du pays du Mans qui facilitera la lisibilité du secteur, la rencontre et la coopération entre les structures de l’ESS, mais également le renforcement des relations avec les autres acteurs du territoire.
20En 2012, trois axes de travail ont été privilégiés par les acteurs locaux pour consolider la dynamique issue du diagnostic. Il s’agissait :
d’outiller et accompagner les acteurs de l’ESS ;
de développer les coopérations entre structures de l’ESS et avec d’autres acteurs du territoire, et enfin ;
de continuer à faire connaître/reconnaître l’ESS.
21C’est pour y répondre qu’ont été organisés, tout au long de l’année 2012, avec l’appui de la CRESS et du CEAS72, « la Journée de l’ESS » en Sarthe, des sessions d’échanges entre acteurs du secteur, une rencontre avec l’Inter-réseau de l’économie sociale en Anjou (IRESA), l’information et l’orientation des acteurs vers les ressources adaptées, l’animation de temps de sensibilisation auprès d’élus locaux et de membres du conseil de développement ainsi qu’auprès du grand public. Le bilan de ces actions fait apparaître de nombreux échanges et mises en lien entre participants. Il traduit une volonté des acteurs de l’ESS de se rencontrer, d’échanger, de mutualiser leurs outils et leurs pratiques pour se professionnaliser et se développer. Il ressort de cette démarche, participative et d’information, l’identification de perspectives de travail futur entre les acteurs ESS et hors ESS ainsi que des attentes exprimées de certains élus locaux vis-à-vis de l’ESS. Les actions 2012 ont conduit à une prise en compte croissante de l’ESS sur le pays du Mans et à la consolidation locale d’une dynamique d’acteurs.
22Aussi, il est apparu comme une évidence à un groupe d’une dizaine d’acteurs de l’ESS de structurer un outil au service du développement de l’économie sociale et solidaire sur le territoire. Il s’est donc réuni régulièrement tout au long de l’année 2013 pour construire, faire connaître et faire aboutir le projet de création d’un réseau local de l’ESS. La CRESS et le CEAS72 ont animé toute cette phase de structuration. Le 20 février 2014 a ainsi été officiellement créé le Club des entreprises de l’ESS du pays du Mans par 19 structures (13 associations, 3 coopératives, 2 mutuelles et 1 entreprise adaptée) représentant un total de 1353 ETP et agissant dans des domaines très variés : social et médico-social, commerce de détail, tourisme, financement, assurance, culture, formation, insertion, handicap… Le Club a pour ambition de représenter l’économie sociale et solidaire sur le territoire dans sa diversité et sa complexité. Pour ce faire, il s’est donné les missions de faire connaître et reconnaître l’ESS, mettre en réseau et faciliter les coopérations, soutenir les structures du secteur. Ses actions se développent autour de 4 axes :
promouvoir les intérêts de l’ESS sur le territoire ;
appuyer le développement quantitatif et qualitatif des activités de l’ESS ;
partager des outils et savoir-faire ;
faciliter la mutualisation entre les membres.
23L’animation du Club est dans un premier temps confiée au CEAS72. En 2015, les membres étudieront l’opportunité de se doter ou non de moyens propres.
Dans le pays d’Ancenis (Loire-Atlantique) : Comité territorial de l’ESS et PTCE
24Alors que des actions d’informations en direction des associations étaient déjà menées depuis 2005 et que des rapprochements économiques s’opéraient déjà depuis plusieurs années, le dialogue entre des structures de secteurs différents était jugé encore insuffisant et les moyens de structuration manquaient. Aussi, la CRESS propose au Comité de bassin d’emploi (CBE)1 du pays d’Ancenis de mettre en place une démarche de diagnostic partagé de l’ESS à partir de septembre 2011. Tenant compte d’une histoire et d’un contexte particuliers sur ce territoire, un partenariat est conclu avec l’université d’Angers pour que des étudiants du master 2 « Chargé de développement entreprises et territoires » collaborent au projet en travaillant sur l’histoire du mouvement coopératif local. En effet, ce dernier est particulièrement significatif, dans l’histoire récente (xxe siècle) comme celle d’aujourd’hui. En lien avec la nature et le mouvement agricole local, la création d’une première coopérative se concrétise en 1932 à Saint-Mars-la-Jaille où neufs agriculteurs se mobilisent. Ceci deviendra la CANA, la Coopérative agricole la Noëlle d’Ancenis. En 1967, la fusion de sept coopératives de l’est du Maine-et-Loire constitue la CAVAL, la Coopérative agricole Vienne Anjou Loire.
25C’est en 2000 que CANA, CAVAL et GCA (Groupe Centre Atlantique, ex-coopérative des agriculteurs de la Vienne) fusionnent pour donner naissance au groupe TERRENA, une société coopérative agricole à capital variable, dont le siège social se situe à Ancenis et qui compte aujourd’hui plus de 1 800 salariés. Les principaux résultats du diagnostic ont été restitués le 29 février 2012 lors d’un événement intitulé « Économie sociale et solidaire, des acteurs qui coopèrent au service du territoire » dans les locaux de la coopérative TERRENA.
26À l’issue de ce diagnostic, différentes pistes d’actions ont été proposées par la CRESS pour renforcer et développer l’économie sociale et solidaire sur le pays d’Ancenis :
communiquer davantage afin de faire connaître les activités des structures et leur impact en termes de développement économique et d’emplois ;
décloisonner les domaines d’activités et les filières de l’ESS ;
développer davantage de partenariats avec les collectivités et les entreprises classiques du territoire ;
construire des solutions partagées, par un dialogue positif entre élus locaux et élus associatifs partageant une préoccupation commune pour leur territoire ;
faciliter le développement de nouveaux projets socialement innovants
par des structures de l’ESS mais également d’autres acteurs du territoire
grâce à une réflexion commune.
27Tenant compte de ces propositions, les participants au diagnostic ont décidé – entre autres – d’organiser un événement facilitateur de partenariats durant le mois de l’ESS. Ils ont demandé à la CRESS et au CBE de coordonner l’organisation de ce « Forum de l’ESS » qui a eu lieu le 17 novembre 2012. Ils ont également mis en place des ateliers d’échanges de pratiques thématiques tout au long de l’année. 2012 a permis de constituer un noyau dur d’acteurs volontaires pour aller plus loin. Dès la fin de l’année, un comité de suivi a ainsi été mis en place, animé par la CRESS et le CBE, ayant pour missions de construire un réseau local de l’ESS et travailler à la préfiguration d’un Pôle territorial de coopération économique (PTCE). Ces deux axes ont été l’objet du travail mené par le groupe en 2013.
28Le réseau local se nomme aujourd’hui le COTESS pays d’Ancenis (Comité territorial de l’ESS). Il a été présenté aux acteurs du territoire pour la première fois en novembre 2013. Il se donne pour ambition d’être l’acteur du développement de l’économie sociale et Solidaire (ESS) sur le pays d’Ancenis et d’accompagner la vie associative dans une démarche de développement local. Il est l’organe de représentation de l’ESS sur le territoire, avec pour missions de communiquer, promouvoir, sensibiliser à l’ESS, accueillir, informer, orienter, conseiller, accompagner, former les acteurs locaux du secteur, les porteurs de projet, les entreprises et collectivités, mettre en réseau, favoriser les coopérations et mutualisations et enfin proposer/mettre en œuvre des actions collectives ayant vocation à développer ou consolider l’ESS. Tout type de structures de l’ESS (ayant des salariés ou non), quelle que soit leur taille, ainsi que les particuliers défendant les valeurs et l’objet de l’association peuvent adhérer au COTESS.
29Lors de sa création le 20 février 2014, le COTESS pays d’Ancenis comptait 24 adhérents parmi lesquels 3 coopératives, 15 associations (d’insertion, organisme de formation, culture, sport, social, handicap…), 6 particuliers, témoignant ainsi de la multiplicité des formes et statuts juridiques d’établissements investis dans le projet.
30Le projet de PTCE a quant à lui fait l’objet d’un travail spécifique au 3e trimestre 2013. En effet, le groupe d’acteurs locaux ayant décidé de postuler à l’appel à projets de l’État sur les PTCE, il a fallu accélérer les processus de préfiguration et déterminer un projet stratégique et opérationnel sur 3 ans. Ce PTCE est basé sur la conception et la mise en œuvre collective d’écofilières territoriales – grâce à des partenariats étroits entre des entreprises de l’économie sociale et solidaire et celles relevant de l’économie « classique ». À ce jour, il intervient déjà dans les domaines de l’écoconstruction (avec une dynamique collective initiée en 2009) et des circuits alimentaires de proximité (avec une conserverie-légumerie portée par des acteurs de l’agriculture biologique et de proximité). En outre, la préoccupation pour l’emploi et l’insertion est au cœur des projets du pôle. Le PTCE s’appuie sur les ressources locales pour développer sa stratégie de façon opérationnelle :
le CBE, outil de coordination et d’ingénierie sur le territoire. Il est chargé de coordonner le PTCE ainsi que le projet de conserverie-légumerie et d’animer les travaux sur la gouvernance et le modèle économique du PTCE ;
ECHOBAT Développement, réseau d’acteurs économiques pour le développement de l’écoconstruction. Il a pour mission d’accompagner le développement de nouvelles écofilières sur le territoire qui pourraient, à terme, intégrer le PTCE ;
Alterm, société de conseil en mécénat et en ingénierie financière, impliquée dans des entreprises de l’ESS locales et dans la dynamique ESS. Elle est chargée d’accompagner la création d’un fonds de dotation territorial ayant vocation à soutenir des projets collectifs innovants du territoire en s’appuyant sur des financements privés locaux ;
ETAP, union d’associations dans le domaine de l’insertion socioprofessionnelle et de l’emploi. ETAP vient en appui de tous les nouveaux projets portés par le PTCE sur le volet emploi/insertion ;
le COTESS pays d’Ancenis, outil de représentation et d’animation de l’ESS à l’échelon local. Il rassemble et appuie les acteurs de l’ESS dans leur développement.
31Ayant remporté l’appel à projets national, le PTCE du pays d’Ancenis est aujourd’hui soutenu par le département de Loire-Atlantique, la région Pays de la Loire et l’État. La CRESS est membre de son comité de pilotage et participe ainsi de son développement et de sa consolidation.
Figure 1. – Organisation du PTCE d’Ancenis

Conclusion
32Alors que la méthode de diagnostic semble a priori relativement théorique, la finalité que lui donne la CRESS est avant tout opérationnelle. Il s’agit en effet de favoriser la collaboration entre les acteurs économiques, sociaux et institutionnels d’un même territoire et de les aider à avoir une démarche prospective, à être force de proposition pour le développement économique et social de leur territoire. La CRESS souhaite ainsi, au travers de cette démarche, impulser des dynamiques territoriales pouvant aboutir, à moyen terme, à la constitution de réseaux d’acteurs locaux promouvant, consolidant et développant l’ESS à l’échelle de leur territoire. Cet aboutissement implique nécessairement une appropriation de la démarche par les participants au diagnostic et, progressivement, une autonomisation des acteurs locaux dans le pilotage des actions de développement de l’ESS sur leur territoire.
Le regard de la CRESS des Pays de la Loire sur les dynamiques d’association
33L’apport de Karine Féniès-Dupont, Chloé Durey et Jacques Malet sur la dynamique et les vertus de l’association, et de son complément naturel qu’est l’ancrage territorial, est extrêmement intéressant car il permet de ressortir l’universalité des enjeux auxquels ce que l’on appelle l’économie sociale et solidaire (ESS) peut être confronté.
34Cette économie, autrefois un peu hors les murs, intitulée d’ailleurs tiers secteur (non marchand et non public) vocabulaire proche de celui affecté au tiers état dans l’Ancien Régime, trouve maintenant meilleure légitimité et respect. Elle renvoie une image beaucoup plus positive que celle qui a pu prévaloir pendant trop longtemps, en se fondant sur « l’Idée de la gens », c’est-à-dire l’association du plus grand nombre à la construction d’un projet partagé, et au-delà à la prééminence de la volonté libre et citoyenne à la gestion de la chose publique, c’est d’ailleurs la signification du mot économie (à partir du grec) « l’art de gérer la cité ».
35Cette économie, sociale et solidaire, et plus particulièrement associative, est tellement « dans les murs », que l’on y retrouve, comme dans tous les secteurs économiques ou professionnels, les éléments de la loi de Pareto et la règle des 20/80, 20 % des structures emploient, fédèrent et regroupent 80 % des effectifs, des volumes et des échanges financiers, c’est-à-dire un chiffrage sur le plan purement économique conforme à la moyenne.
36Là où des différences s’installent, et c’est souvent immédiatement indiqué, concerne le plan des rémunérations, dû en partie à un recours plus important à l’emploi à temps partiel (ce qui peut aussi être considéré, soyons objectifs, comme un véritable frein ou un effet repoussoir), ou à la création d’une activité en devenir encore non totalement solvable.
37Cette deuxième différence, plus féconde, concerne donc l’émergence de nouveaux métiers, comme de nouveaux secteurs d’intervention non économiquement pérennes pour les entreprises à capitaux (qui recherchent logiquement une rentabilité financière à un investissement). Ce monde économique laisse présent le projet porté par un collectif ; même si une fois viable cette nouvelle activité sera portée par un acteur privé classique. Ceci constitue d’ailleurs pour l’ESS un point essentiel d’un développement dans des secteurs qui ne peuvent être, et ne sont, réservés à la seule initiative privée capitaliste ou patrimoniale.
38La troisième différence consiste en le rôle irremplaçable de l’association dans la cohésion sociale, territoriale, citoyenne, libre voire libertaire, dans l’innovation sociale, environnementale, et le vivre ensemble ; et ce rôle s’effectue dans une logique collective et pérenne par l’absence de distribution ou de dévolution des actifs créés, et la non lucrativité individuelle.
39À la lecture de l’existant et des deux exemples qui nous sont donnés par ce texte, que ce soit en milieu métropolitain dans le pays du Mans, comme en milieu « rurbain » dans le pays d’Ancenis, on touche du doigt ce qui fait sens, le projet et la volonté. Quasi naturel dans le pays d’Ancenis où la construction coopérative exemplaire de la Coopérative de la Noëlle Ancenis (CANA) ancrée dans son territoire, fille non du hasard mais de la nécessité, a donné naissance à un fleuron coopératif et économique (histoire que l’on retrouve de manière assez identique dans le Finistère avec la Coopérative de Landerneau), ce sens se retrouve dans le regroupement porté au Mans par des acteurs politiques et économiques pour justement faire émerger le projet d’un territoire. Dans chaque cas une vision, une ambition et une passion d’avenir en commun dépassant les clivages, comme les seuls acteurs et militants du départ.
40Ce que donne, en conclusion, l’association à travers ces exemples, est la capacité d’agir collectivement pour l’existence du tissu social, pour son maintien lorsque des évolutions sociales, économiques ou sociétales viennent modifier ce tissu, et permettre ainsi le vivre ensemble dans un cadre non pas immuable, mais au contraire évolutif et inventif. Cet apport de l’association mérite beaucoup plus que considération, il mérite soutien par la société tout entière et développement, car c’est justement ce qui fait société.
41Alain Durand,
42président de la CRESS des Pays de la Loire et président de la SCOP Mateloc.
Notes de bas de page
1 Le Comité de bassin d’emploi du pays d’Ancenis est une association loi 1901 qui réunit 4 collèges de membres (élus, entreprises, salariés, et ESS). C’est une instance de développement local, d’animation du dialogue social, de concertation et d’action, dont l’objectif est de contribuer à l’amélioration de l’emploi sur le territoire.
Auteurs
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Le développement solidaire des territoires
Expériences en Pays de la Loire
Emmanuel Bioteau et Karine Féniès-Dupont (dir.)
2015
Aide à domicile et services à la personne
Les associations dans la tourmente
Francesca Petrella (dir.)
2012
L'économie sociale entre informel et formel
Paradoxes et innovations
Annie Dussuet et Jean-Marc Lauzanas (dir.)
2007
L'économie sociale et solidaire
Nouvelles pratiques et dynamiques territoriales
Erika Flahault, Henri Noguès et Nathalie Shieb-Bienfait (dir.)
2011
L'entreprise en restructuration
Dynamiques institutionnelles et mobilisations collectives
Claude Didry et Annette Jobert (dir.)
2010
Épargnants solidaires
Une analyse économique de la finance solidaire en France et en Europe
Pascal Glémain
2008
Institutions et développement
La fabrique institutionnelle et politique des trajectoires de développement
Éric Mulot, Elsa Lafaye de Micheaux et Pepita Ould-Ahmed (dir.)
2007