Les conditions de vie
p. 371-392
Texte intégral
1Un trait remarquable du Goulien des années 60 était le contraste existant dans les modes de vie des agriculteurs et celle des professions non agricoles : bien qu’étant encore la catégorie socialement dominante, les agriculteurs, même ceux qui étaient relativement aisés, avaient des conditions de travail difficiles et conservaient un mode de vie austère, de type traditionnel ; et bien que, commerçants mis à part, les familles tirant l’essentiel de leurs revenus d’activités non agricoles aient encore occupé la seconde place dans la vie communale, beaucoup d’entre elles – qui n’étaient pas forcément très à l’aise financièrement mais qui pouvaient compter sur des revenus réguliers (salaires ou retraites) – disposaient de plus de temps de loisir que les agriculteurs et tendaient à calquer leurs modes de vie sur les modes de vie urbains modernes, particulièrement en matière d’aménagement des intérieurs, de confort ménager et d’alimentation. Ces différences n’étaient pas tant liées aux niveaux des revenus qu’à des différences de comportement, de priorités et de choix dans les modèles de référence des uns et des autres.
2En l’an 2000, ce contraste entre les modes de vie des agriculteurs et non-agriculteurs n’existe plus. Les conditions matérielles se sont améliorées pour tous, surtout en ce qui concerne les tâches ménagères, ce dont les femmes ont été les grandes bénéficiaires. Ce qui a aussi énormément changé c’est le confort et l’hygiène des maisons individuelles qui, en ces domaines, ne diffèrent plus guère de ce qu’on peut observer en milieu urbain. « Maintenant, disent mes interlocuteurs, on est comme les autres ». « On peut même dire – ajoutent certains – qu’on vit mieux à la campagne qu’en ville ».
3Cette dernière affirmation mérite d’être quelque peu modulée : c’est vrai que beaucoup de gens sont heureux de bénéficier à la fois d’un confort comparable à celui des citadins et des avantages de la vie à la campagne, et ne quitteraient certainement pas leur maison de Goulien pour un appartement en ville ; mais pour d’autres, dont les revenus sont plus limités, la vie n’est pas toujours aussi facile que cela. Les petites retraites que touchent les paysans, les commerçants et les artisans ruraux ne permettent pas de mener la grande vie. Selon un retraité, beaucoup de ses congénères ne disposent pas de plus de 5 000 F pour un couple. Quant aux salariés en activité, ils n’ont pas tous beaucoup plus que le SMIC1 ; pour compléter les revenus du ménage, il faut être deux à travailler – ce qui suppose de disposer d’une deuxième voiture, entraînant des frais supplémentaires qui mangent une bonne partie du supplément de salaire. D’autre part, beaucoup de femmes n’ont pas un emploi qualifié ; elles le gardent cependant, de façon à pouvoir bénéficier plus tard d’une pension de retraite, même minime. Cependant, à revenu égal, il me semble qu’on s’en tire mieux en vivant à Goulien qu’on ne le ferait dans une grande ville, d’autant que les aménagements, équipements et services collectifs se sont, dans l’ensemble, grandement améliorés. Et si l’on y note un relatif maintien des agriculteurs bien que leur travail reste dur et plein d’aléas, un des facteurs en est sans doute dans l’amélioration considérable, au cours des 40 dernières années, des conditions de la vie domestique, et en particulier de celles des femmes d’agriculteurs2. L’apparition de la télévision ainsi que l’amélioration des équipements collectifs et des moyens de communication, mettant fin à des siècles d’isolement, ont sans beaucoup contribué à freiner l’exode rural.
Moyens de communication et d’information
Routes et chemins
4Qu’ils soient agriculteurs ou non, qu’ils soient satisfaits ou non de la façon dont se sont passées les opérations du remembrement dans les années 60, la plupart de mes interlocuteurs lui reconnaissent au moins un mérite : c’est d’avoir pourvu la commune d’un réseau convenable de routes et de chemins. Chez les plus de 60 ans, beaucoup y voient le changement peut-être le plus important qu’ils aient vu se produire à Goulien depuis leur jeunesse, le qualifient même quelquefois de « révolution ». C’était en effet devenu une urgence, en cette commune – dont plusieurs « villages » se trouvent situés à quelque 3 km du Bourg – et à cette époque-là – marquée qu’elle était par le développement de la mécanisation agricole et par la démocratisation de l’automobile.
5En fait, de premières tentatives d’amélioration avaient été faites dès après la deuxième guerre mondiale. C’est ainsi qu’en 1947 le maire de la Libération, Clet Kérisit, ayant réussi à obtenir l’accord de tous les intéressés, avait fait élargir et empierrer la route de Bremeur et celle de Lézoulien – deux villages situés au nord de la commune. C’est grâce à la main d’œuvre de prisonniers de guerre, d’abord autrichiens, puis allemands, et aussi grâce à du matériel (rails et wagonnets utilisés pour transporter terre et cailloux) emprunté à une carrière des environs, ainsi qu’à la contribution bénévole d’une somme de 20000 F de l’époque versée par un agriculteur de Lézoulien, qu’on avait pu réaliser les travaux. Cette même année 1947, la route d’Interridi à Kerguerriec avait été refaite, grâce au don fait par deux agriculteurs de ce village de la totalité des pierres et gravillons nécessaires. Le chemin de Kergonvan avait été également refait, tandis qu’en 1948 celui Kervéguen à Kerspern était élargi. Pour le reste, les conditions de circulation des personnes, des voitures et du matériel, en particulier par mauvais temps, étaient cependant restées tellement catastrophiques jusqu’en 1960 qu’il n’est pas étonnant que les générations les plus âgées considèrent comme un fait majeur l’énorme amélioration qu’ils ont connue par la suite.
6Il n’est pas sûr que les plus jeunes voient encore les choses ainsi de nos jours : les routes dont on a besoin en l’an 2000 ne se suffisent plus des normes d’il y a 40 ans. Les agriculteurs, entre autres, disposent à présent de matériel beaucoup plus lourd et beaucoup plus encombrant qu’à cette époque ; il demanderait sans doute des voies plus larges et des chaussées plus résistantes. Et les matériels agricoles ne sont plus, de loin, les seuls à circuler dans Goulien et autour de Goulien : pour se déplacer quotidiennement la voiture est maintenant devenue indispensable à tous, aussi bien pour le travail, pour les affaires, pour les démarches, pour les emplettes, que pour les loisirs ou pour des raisons sociales, religieuses ou familiales – que ce soit dans la commune, vers les communes voisines comme vers les villes les plus proches – Audierne (8 km), Pont-Croix (9 km) Douarnenez (22 km), Quimper (43 km), Châteaulin (45 km), Landerneau (99 km) ou Brest (100 km).
7Malgré les quelques améliorations dont il a bénéficié au cours des dernières décennies (carrefours aménagés, établissement de « stops », signalisation rénovée) le réseau local, qui comporte uniquement des routes à deux voies, n’a pas beaucoup évolué depuis les années 60. Ces routes, presque toutes sinueuses à l’exception de la « voie romaine » – la route allant de Douarnenez à la pointe du Van – présentent encore trop de tournants à mauvaise visibilité, trop de marquages au sol déficients, trop de chaussées déformées, trop d’accotements mal stabilisés, etc. De plus, il manque d’axes de liaison rapides en direction de Quimper et de Brest, les deux principales villes dans un rayon de 100 km ; ces deux villes sont bien reliées entre elles par une voie rapide, mais celle-ci n’a pas poussé de ramification vers le Cap Sizun. Or, on sait combien l’existence préalable d’axes routiers joue un rôle essentiel dans le développement économique et favorise une évolution démographique positive.
8Les gens de Goulien, globalement contents de leurs routes auxquelles ils sont habitués, m’ont paru trop peu sensibles à ce sous-développement routier, qui ne fait qu’accentuer la position du Cap au « bout du monde » (Finis Terrrae, Pen ar Bed) et son éloignement des centres de décision au niveau national, régional et départemental. Peut-être aussi manquent-ils de points de comparaisons avec d’autres régions.
Moyens de transport
9En 1954-55, il n’y avait pas plus de trois ou quatre voitures à Goulien. Maintenant, à part quelques personnes isolées, ou quelques couples âgés sans permis de conduire – en tout 22 foyers selon l’enquête de l’INED3 accompagnant les résultats officiels du dernier recensement – la majorité des foyers (87,6 % selon la même source) disposent d’un véhicule, voire de deux et même davantage lorsqu’il y a dans la famille plusieurs enfants de plus de 18 ans.
10Ce progrès n’est pas sans ambiguïtés : certains me disent que si la voiture a du bon, son effet négatif est qu’on ne s’arrête plus pour discuter avec les voisins lorsqu’on les rencontre en chemin. Un autre corollaire, c’est qu’en dehors des transports scolaires, il n’existe plus de transports publics desservant la commune. Un car assure bien encore la ligne Douarnenez – Pointe du Raz par Audierne, mais personne ne m’en a parlé spontanément, probablement parce que peu l’utilisent puisqu’il faut pour cela se faire conduire en voiture à l’arrêt le plus proche et qu’on n’est jamais sûr de pouvoir se faire attendre au retour. D’après un des jeunes que j’ai interviewés, si l’auto-stop fonctionne assez bien pour aller vers l’extrémité du Cap, ce serait beaucoup moins le cas en sens inverse. Pour des trajets plus lointains, vers Lorient, Nantes, Paris ou plus loin, si on veut prendre le train, il faut se faire conduire à Quimper, où se trouve la gare la plus proche. Là encore, la situation en cul-de-sac du Cap Sizun accentue les difficultés de ceux qui ne disposent pas d’un moyen de déplacement autonome.
11Les personnes âgées dépourvues de voiture ou celles qui ne peuvent plus prendre le volant et qui n’ont personne de leur famille pour les conduire peuvent maintenant faire appel aux services des aides ménagères pour se faire emmener à leurs consultations médicales ou faire leurs emplettes à Audierne ou Pont-Croix. D’autres marchent, tout simplement : une femme de 75 ans continue même d’aller faire son marché à Audierne à pied – refusant d’ailleurs de monter en voiture quand on le lui propose.
12Quant aux jeunes de 18 à 20 ans, sur les treize que j’ai interviewés, six avaient leur permis de conduire et un septième allait le passer ; trois possédaient déjà une voiture, trois autres pensaient en avoir une bientôt ; en attendant ils pouvaient s’en faire prêter une occasionnellement par leurs parents ou grands parents ; autrement ils se faisaient conduire par des parents ou par des amis.
Télécommunications
13Un moyen très important pour aider les communes comme Goulien à sortir de leur isolement relatif est certainement le développement des télécommunications.
14Dans les années 60, il y avait très peu de postes téléphoniques individuels, et même aucune cabine publique En cas d’urgence ou d’accident, pour appeler médecin ou pompiers, il fallait courir jusque chez un commerçant, ce qui dans certains cas pouvait demander une demi-heure de marche. Par la suite, une cabine a été installée à proximité de la nouvelle mairie, et le téléphone individuel s’est généralisé. Le dernier village branché a été Bremeur, vers 1978. Depuis plusieurs années quelques habitants dont un certain nombre d’agriculteurs ont aussi des Minitels, et quelques-uns, surtout parmi les artisans (mais il y en a aussi parmi les agriculteurs), ont des télécopieurs (« fax »). Dans les années 90, quelques agriculteurs de la région se sont équipés en radios CB4, qui leur permettaient de « blaguer » avec d’autres paysans depuis leur tracteur et, plus récemment, certains d’entre eux et probablement aussi un certain nombre de professionnels (artisans, commerciaux, etc.) ont acquis des téléphones portables, qui semblent également beaucoup se répandre parmi les jeunes.
15Mais c’est en 1997, que la commune – une des premières en France – a franchi un nouveau pas, dans le cadre d’une expérimentation en grandeur nature de France-Télécom, en s’équipant du téléphone-radio. Il s’agit d’une technique nouvelle, utilisant la « boucle radio locale » (BRL), qui permet de joindre l’utilisateur, non par des lignes, aériennes ou enterrées, mais par voie hertzienne, et cela grâce à l’installation d’un relais local – en l’occurrence une antenne de 25 m implantée sur le terrain de sports – et d’antennes individuelles équipant chacune des habitations concernées. Désormais, en dehors du Bourg qui est équipé de lignes téléphoniques enterrées, presque toutes les maisons de résidents permanents et beaucoup de maisons de résidents secondaires en disposent, à part quelques-unes que leur situation, par exemple dans un vallon en contrebas, ne permet pas de desservir. Mais les opérateurs qui souhaitent développer le système BRL en France misent surtout sur un futur développement de l’Internet ; et je crois que dans ce « bout du monde » où se trouve Goulien, le développement de ce nouveau moyen de communication à distance peut être une des voies à suivre pour éviter une progressive marginalisation économique.
16L’Internet, à Goulien, a fait des débuts encore un peu timides. La mairie est connectée, de même que l’élevage d’escargots Cap’Hélix, dont les exploitants ont ouvert un site où ils présentent leur entreprise et sa production, indiquent ses heures d’ouverture et les moyens d’accès pour leur s’y rendre, et proposent leurs produits à la clientèle privée et professionnelle qui peut passer commande par e-mail. Ce dernier cas constitue une première percée en matière de commerce électronique à Goulien. Ce pourrait être un exemple à suivre dans d’autres secteurs de l’économie locale.
17Je n’ai eu par ailleurs connaissance que de six cas de connections individuelles, concernant des personnes dont le niveau d’études va du Baccalauréat à plusieurs années d’études supérieures ; seulement deux de ces cas concernent des personnes mariées, les quatre autres concernent des célibataires âgés de 19 à 29 ans, dont trois vivent une partie du temps hors de la commune. Il est possible qu’il y ait d’autres cas mais sans doute guère plus pour l’instant.
18Certains jeunes, qui ne sont pas connectés personnellement à l’Internet mais qui y ont été initiés dans le cadre scolaire le mentionnent comme l’une des innovations les plus importantes qui se soient produites depuis leur enfance. Lun d’entre eux se voit même déjà monter dans le futur une entreprise commerciale par Internet avec deux ou trois camarades. Mais un autre doute que l’Internet soit vraiment nécessaire : la plupart des utilisateurs qu’il connaît, dit-il, vont surtout sur les forums de discussion et « ça coupe les contacts physiques entre les êtres », juge-t-il.
19Cependant, aucun des jeunes que j’ai interrogés ne semble avoir pris toute la mesure des nombreuses autres possibilités qu’offre l’Internet en matière d’éducation, de démocratisation de la culture, d’ouverture sur le monde extérieur et d’information dans tous les domaines – pas plus d’ailleurs que des risques qu’il comporte en matière de désinformation, de propagande et de démagogie, nuisibles à un sain exercice de la démocratie.
Information
20À Goulien, pour l’instant, l’information nationale passe essentiellement par les journaux télévisés de la mi-journée et du soir et par les informations matinales de la radio (« France Inter », « France Info », etc.) ; pour les nouvelles régionales on regarde surtout le « 12/13 » – le journal télévisé de « France 3 Bretagne » – et le matin on écoute RBO (« Radio Bretagne Ouest ») qui émet de Quimper ; l’une et l’autre station diffusent des nouvelles, non seulement en français, mais aussi en breton5.
21Pour les nouvelles locales, cependant, la source principale d’information ce sont les journaux de la presse écrite : « Le Télégramme » et « Ouest-France ». L’édition de Cornouaille – c’est-à-dire du Finistère-sud – de ces deux journaux publie des pages régionales par « pays », dont une consacrée au Cap Sizun, avec des rubriques par communes. Comme dans tous les journaux régionaux de l’Hexagons, on y donne entre autres les comptes rendus des conseils municipaux, on y annonce et relate les diverses manifestations publiques, les événements sportifs et les activités des associations, on y rapporte les faits divers et autres événements notables survenus les jours précédents. Les correspondants locaux de ces deux journaux se trouvent être, pour « Ouest-France » un natif de Goulien, où son grand-père occupa longtemps les fonctions de maire et, pour « Le Télégramme » une habitante de la commune, originaire de la région nantaise mais très bien intégrée ici.
22Les deux journaux, qu’on peut trouver en dépôt au bureau de tabacs du Bourg, étaient autrefois de couleurs politiques contrastées – « Ouest-France » plus « clérical », « Le Télégramme » plus « laïque » ; mais avec le temps ces nuances se sont beaucoup atténuées. La plupart des lecteurs restent cependant fidèles au titre auquel leur famille a fait confiance depuis des générations, et préfèrent s’abonner au portage à domicile qui leur permet d’avoir leurs exemplaires tôt le matin. Quelques personnes, surtout parmi celles qui ont vécu plusieurs années hors de Goulien ou parmi les jeunes, sont abonnées aussi à des journaux nationaux – c’est-à-dire parisiens – comme « Le Figaro » ou « Le Monde ». Ces grands titres, de même qu’« Ouest-France » et « Le Télégramme » sont également accessibles par l’Internet ; le site du « Télégramme », en particulier, donne accès à de riches archives, même si ces sources d’information électroniques ne sont guère pratiquées à Goulien.
23Les treize jeunes de 18 à 20 ans que j’ai interrogés se tiennent, à des degrés divers, au courant des informations dans tous les domaines – certains moyennement, d’autres énormément – autant par la presse écrite que par la télévision et la radio. Leurs préférences (ceci valant autant pour les filles que pour les garçons) vont aux sports, mentionnés six fois (« Euro 2000 », tournoi de tennis de Roland Garros, Tour de France cycliste, courses automobiles de Formule Un, Jeux Olympiques de Sydney, etc.), puis aux nouvelles locales, mentionnées cinq fois ; les informations internationales ne m’ont été citées que deux fois parmi les principaux domaines d’intérêt, de même que les grands sujets d’actualité (catastrophe de l’Erika, question de l’enfouissement des déchets nucléaires) – ce qui ne veut pas dire que les jeunes ne se tiennent pas informés de ce qui se passe dans le monde, ni qu’ils ne s’intéressent pas beaucoup aux problèmes d’environnement (mes discussions avec eux m’ont amplement démontré le contraire), mais simplement quelles les passionnent moins que ce qui leur est plus proche. Les autres domaines d’intérêt qu’ils m’ont mentionnés témoignent d’un grand éclectisme : météo, cours des cochons et des bovins, vie des artistes (acteurs, chanteurs), informations politiques, actualité économique, informations boursières, questions scientifiques (concernant par exemple le génome humain), etc.
Facilités collectives
Commerces
24En 1964, pour une population d’environ 700 habitants, il y avait à Goulien, huit commerces polyvalents, dont deux boulangeries-épiceries-buvettes. Cinq sur sept se trouvaient au Bourg et les trois autres à mi-chemin entre la périphérie de la commune et le Bourg ; un neuvième – un café-bureau de tabacs – avait fermé quelques années auparavant. Actuellement, pour 400 habitants environ, on compte trois commerces, tous trois situés au Bourg et plus spécialisés que ceux d’autrefois. Il s’agit respectivement d’un bar-restaurant, d’un bar-tabacs, et d’un magasin d’alimentation-dépôt de pain ; pour une petite commune, ce n’est pas si mal.
25Le bar-restaurant (« L’Embuscade ») est tenu par la même propriétaire qu’en 1964, qui a développé entre-temps son activité de restauration en abandonnant ses anciennes activités annexes (dépôt de la coopérative agricole, quincaillerie, vêtements de travail). Il est très fréquenté en semaine à midi car il constitue pour la zone rurale du Cap l’un des seuls à la ronde à pouvoir servir, aux personnels travaillant sur les divers chantiers en cours tout au long de l’année dans les communes avoisinantes, des repas de bonne qualité pour un prix qui leur soit abordable ; mais il est fermé les samedis et les dimanches. Le bar-tabacs (« Le P’tit Bar ») a été ouvert en 1995, par la belle-fille d’anciens commerçants du Bourg et il a comblé un manque puisqu’il n’y avait plus de bureau de tabacs à Goulien ; il est assez fréquenté par les jeunes.
26Quant au magasin d’alimentation, du fait que sa propriétaire s’apprêtait à prendre sa retraite et n’avait pas de successeur, il allait fermer. Comme il s’agissait du dernier magasin d’alimentation de la commune et profitant d’une nouvelle mesure prise par l’État pour favoriser le maintien des commerces de proximité en zone rurale, la municipalité l’a racheté afin de pouvoir le louer à un couple de candidats repreneurs pour un prix symbolique, grâce à une subvention représentant les 3/4 du prix de vente.
27Ces trois commerces sont des lieux importants de convivialité, dont le rôle ne se limite pas aux services marchands qu’ils offrent à leurs clients ; ils donnent aussi vie au Bourg où ils constituent pour les habitants des lieux de rencontre où l’on peut bavarder, échanger des nouvelles, discuter des questions d’actualité, etc. Leurs tenanciers sont, d’une certaine façon, des animateurs sociaux. Chacun à Goulien est bien conscient de l’importance, pour la survie de la commune, de les garder en activité C’est pourquoi, par exemple, beaucoup d’habitants tiennent à réserver une partie de leurs achats d’alimentation à l’épicerie du Bourg, plutôt que de tout se procurer dans l’un des supermarchés dont ils sont aussi les clients.
28Mais s’il est vrai que la taille de la commune n’offre guère de possibilités d’accroissement de la clientèle régulière de ces établissements, ils ont la possibilité d’augmenter singulièrement leur chiffre d’affaires aux diverses périodes de vacances, du fait du nombre relativement important de résidents secondaires que compte la commune et, à la belle saison, grâce aux passages de touristes et à la présence de vacanciers logeant dans les gîtes ruraux ou présents au camping municipal ou dans les campings à la ferme6. Outre les ressources supplémentaires qu’ils apportent aux loueurs et aux commerçants, ces résidents temporaires contribuent donc à maintenir la vitalité de la commune même aux périodes où ils ne sont pas là.
29L’essentiel de l’alimentation générale et des produits de consommation courante provient cependant des supermarchés, principalement « Super U » à Pont-Croix et ceux installés à la périphérie d’Audierne : « Intermarché » à Primelin, « Leclerc » entre Esquibien et Audierne et « Intermarché » à Plouhinec. Aucun n’existait encore dans les années 60 : leur développement a commencé dans les années 70. D’autre part, aujourd’hui comme il y a quarante ans, se tient toujours à Audierne un marché tous les samedis mais il n’a plus pour les habitants de Goulien la même importance qu’autrefois, quand les femmes des fermes allaient y vendre leur beurre. De même, à Pont-Croix il y a encore une « foire » tous les 15 jours le jeudi, mais ce n’est plus une foire aux bestiaux : on y trouve seulement des poulets (à partir du mois de février), des fromages de chèvre, du miel, des fleurs, des plantes, des graines, des arbres fruitiers, et des vêtements.
30Pour la viande, bien qu’elle soit également en rayon dans les supermarchés, beaucoup de personnes préfèrent encore aller la prendre dans l’une des deux boucheries d’Audierne, ou à celle de Plouhinec ; certains vont même se faire servir chez le boucher de Plogoff. Il n’y a plus de boucher ambulant, mais il passe une fois par mois un marchand de produits surgelés, qui prend les commandes pour le mois suivant. Pour le poisson, il y a un poissonnier à Audierne, mais beaucoup préfèrent attendre le passage, le mercredi, d’un poissonnier ambulant de Douarnenez ou bien, le jeudi, celui d’un poissonnier de Plouhinec. Malheureusement ils ne desservent que le Bourg et une partie des villages seulement.
31Pour les soins de beauté et pour la coiffure, on va habituellement à Audierne, quoique certaines femmes préfèrent se rendre pour cela à Quimper ; mais on a recours de plus en plus aux services de coiffeuses à domicile, dont une habite à Goulien.
32Pour l’habillement, on fait surtout ses emplettes à Douarnenez ou à Quimper, parfois aussi à Brest, mais certains reçoivent la visite périodique, tous les quatre ou cinq mois, de représentants de commerce : il y en aurait cinq ou six, ayant chacun à Goulien sa clientèle d’habitués. En revanche, j’ai été surpris de ce que mes interlocuteurs ne fassent jamais allusion spontanément à la vente par correspondance sur catalogues, comme ceux des « 3 Suisses » ou de « La Redoute ». Ce type d’achat n’a peut-être pas le même succès ici que dans d’autres régions de province que je connais ; quelques-uns y recourent cependant, entre autres pour les vêtements d’enfants. Une seule de mes jeunes interlocutrices a fait un essai d’achat de vêtement par le moyen de l’Internet. Toutefois, si ce nouveau moyen de communication devait se développer à Goulien, le commerce « en ligne » pourrait peut-être faire une percée chez les plus jeunes.
Services communaux
33Jusqu aux années 60, il manquait à Goulien une mairie digne de ce nom. Le secrétariat de mairie occupait un minuscule bâtiment sans fenêtre jouxtant l’école communale ; la célébration des mariages civils et les opérations électorales se tenaient dans une salle de classe. C’est sous le deuxième mandat du maire Daniel Goraguer que fut décidée la construction d’une mairie, sur un terrain situé à l’entrée du Bourg, près du cimetière et du monument aux morts des deux guerres mondiales. Le permis de construire ayant été accordé en décembre 1967, les travaux de construction commencèrent en 1970 et elle fut inaugurée en 1971 lors de son troisième mandat. Elle héberge, outre le bureau du maire, le secrétariat de mairie et une grande salle où sont célébrés les mariages civils (en cas d’indisponibilité, ils ont lieu à la salle polyvalente). On y organise aussi des expositions temporaires. Les bureaux sont équipés de deux ordinateurs, connectés à l’Internet, et la salle, d’un moniteur vidéo. Comme dans toutes les communes rurales de France, la mairie est le lieu des démarches administratives et sert aussi de bureau des doléances.
34Une partie des anciens locaux scolaires, désaffectés depuis 1988, est utilisée par la commune, qui y a installé au rez-de-chaussée une salle polyvalente modulable, inaugurée en septembre 1990 ; elle est utilisée pour les réunions du Conseil municipal comme pour celles des associations. L’étage est occupé par la bibliothèque municipale, qui est ouverte deux fois par semaine, le mardi et le samedi.
35L’agence postale, qui était installée jusqu’en 1972 au domicile de la gérante, occupe maintenant l’emplacement de l’ancien secrétariat de mairie. En 1997, pour éviter sa suppression par l’administration de la Poste, la municipalité a décidé de prendre à son compte la rémunération de la gérante, contre une compensation de la Poste. C’est donc devenu une agence postale communale et la municipalité en a fait rénover le bâtiment à cette occasion.
Électrification et éoliennes
36Bien que l’électrification ait été achevée en 1960, il existe encore un syndicat d’électrification qui s’occupe des améliorations à faire sur le réseau. Est actuellement en chantier l’enfouissement des lignes électriques commencé en 1997 parce qu’ici les lignes aériennes sont rongées par l’air marin. Cette initiative a donc précédé la campagne généralisée d’enfouissement relancée par la tempête qui a frappé la France en décembre 1999 et qui a mis en lumière la vulnérabilité des lignes aériennes face à de telles intempéries. Les agriculteurs, d’autre part, apprécient de n’avoir plus de poteaux électriques au beau milieu de certains de leurs champs ou de leurs prés. En 1967, le Bourg a été pourvu d’un éclairage public, tandis que l’église bénéficie depuis 1998 d’une illumination très réussie par cinq projecteurs qui met en valeur son architecture d’une simple élégance.
37En matière d’électricité, cependant, la grande innovation de l’an 2000 à Goulien a été l’installation d’un parc de huit éoliennes (« aérogénérateurs ») tripales de 750 kilowatts chacune, donnant une puissance totale de 6 mégawatts et pouvant produire en un an 15 millions de kilowatts/heure – de quoi satisfaire les besoins ménagers de 3 500 familles – c’est-à-dire entre 10 000 et 14 000 personnes équipées en « tout électrique ». À titre de comparaison, la population de l’ensemble des communes du Cap Sizun était de 18 443 habitants au recensement de 1990. Cette réalisation s’inscrit dans le cadre du programme « Éole 2005 » lancé par Électricité de France (EDF) et le ministère de l’Industrie, en collaboration avec le Ministère de l’Environnement et l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise des Énergies (ADEME), qui prévoit l’installation de « parcs éoliens » (on dit aussi « fermes éoliennes ») sur l’ensemble du territoire national, avec garantie d’achat par EDF de l’électricité produite à un prix garanti pour une période de 20 ans.
38L’aventure a commencé en septembre 1996, avec la réunion à Poullan-sur-Mer de l’ensemble des maires des communes bordant la baie de Douarnenez : Cléden, Goulien, Beuzec, Meilars et Poullan, pour une présentation du projet éolien. Goulien, parmi une dizaine d’autres communes du Finistère, avançait alors sa candidature et proposait un site, où un mât de mesure était installé en octobre de la même année pour tester l’adéquation de ce site au projet. En février 1997, trois représentants de la municipalité de Goulien, invités avec un groupe d’élus locaux bretons à l’inauguration de la ferme éolienne de Dunkerque – le premier projet réalisé dans le cadre de ce programme – pouvaient à leur retour rendre compte à leurs mandants de leurs observations rassurantes quant aux craintes de certains en matière de nuisances sonores – le fonctionnement des hélices ne produisant qu’un léger froissement – et d’esthétique – le transport de l’électricité produite devant être souterrain.
39En octobre 1997, au vu des résultats obtenus, la candidature de Goulien à l’installation d’un parc éolien sur son territoire, soutenue par le conseil municipal de Plogoff, par les Conseils Général et Régional, par les élus des Verts, et par le Ministère de l’Environnement, était retenue – la première parmi six projets bretons. En janvier 1999, le permis de construire était délivré et une société anonyme était créée, réunissant soue le nom de « Centrale Éolienne de Goulien » (CEG) les deux partenaires impliqués dans la mise en œuvre du projet, CEGELEC (une société d’ingénierie électrique) et l’entreprise danoise NEC-Micon ; c’est cette société qui était chargée de construire, d’exploiter et d’assurer la maintenance de la centrale. Contre l’engagement d’une subvention des travaux à 5 % par le Département du Finistère, la Région de Bretagne et la Communauté Européenne, le comité technique régional éolien pour la région Bretagne, mis sur pied en 1997, a obtenu qu’une partie de la sous-traitance pour la construction des mâts, les opérations de terrassement et d’assemblage et levage soit confiée à des entreprises régionales de Saint-Brieuc, Douarnenez et Bénodet – les pales et les nacelles venant, elles, du Danemark.
40L’aménagement et l’entretien des voies d’accès et d’une aire de stationnement restaient à la charge de la commune qui devait percevoir en retour une taxe professionnelle de l’ordre de 300 000 F – soit vingt fois plus que les faibles taxes professionnelles qu’elle percevait jusque-là. Les aires d’implantation de chaque éolienne étaient louées aux propriétaires des terrains pour une période de 25 ans, suivant des conditions négociées entre propriétaires et CEGELEC. L’emprise au sol est limitée et n’entrave pas ou peu la pâture ou la culture.
41En mars 1999 étaient donnés sur le site les premiers coups de pioche pour les travaux préliminaires de terrassement ; en janvier 2000 le montage des tours avait lieu et le 26 janvier 2000 était organisée une présentation à la presse et aux élus locaux de l’ensemble de la centrale en fin de réalisation, suivie d’une conférence de presse donnée par les promoteurs du projet dans la salle polyvalente de la commune. Enfin, le 24 février, les hélices des éoliennes commençaient à tourner.
42De janvier à juin 2000 eut lieu une période de réglages, de mises au point et de correction de certaines perturbations imprévues : en effet, dès les premiers essais de fonctionnement de la centrale, un certain nombre de personnes s’étaient plaintes de ce que la réception des images par leur poste de télévision était perturbée. Ces perturbations se localisant dans une bande orientée selon un axe nord-est/sud-ouest, partant de la centrale, passant par le Bourg et se prolongeant jusqu’à Primelin, il semblait probable qu’elles venaient de ce que les éoliennes faisaient obstacle aux ondes en provenance de l’émetteur régional. Le remède retenu par la Société de la centrale a été tout simplement de réorienter les antennes en direction du réémetteur de Plouhinec ou bien, si cela ne suffisait pas, de prendre à sa charge l’installation d’antennes paraboliques qui, de ce fait, se sont multipliées. Il se trouve que les constructeurs danois n’avaient jamais rencontré de problèmes de ce genre, parce qu’au Danemark tout le monde, justement, utilise des paraboles, tandis que dans le site précédemment installé par les mêmes partenaires dans le Languedoc les éoliennes se trouvent sur une colline plus élevée et plus éloignée des habitations que le site de Goulien. Enfin, le 16 juin 2000, avait lieu l’inauguration définitive de la centrale éolienne de Goulien.
43Cette centrale, située à 350 m au moins des habitations les plus proches (Lannourec au sud, Kerrest à l’ouest, Berrivanel au nord-ouest) s’aligne à 50 m au sud de la « voie romaine », non loin de la côte mais hors de la zone littorale immédiate. Les huit éoliennes sont des tours de 45 m de haut surmontées de nacelles abritant les turbines, qu’actionnent d’immenses hélices à trois pales de 23 m de rayon, tournant à la vitesse constante de 22 tours/mn quel que soit le vent. La vue est impressionnante, même si à distance les tours élancées semblent n’être que de grands mâts ; dès le début du montage le site a attiré de nombreux curieux, locaux ou venus de l’extérieur.
44La commune avait souhaité pouvoir installer au pied de l’une des éoliennes un petit « Musée du Vent » mais, paradoxalement, la loi sur la protection des zones littorales, qui n’a pas empêché la construction de huit tours culminant à plus de 50 m de haut si on tient compte des hélices, interdit à cette distance de la côte l’édification d’un bâtiment, même de petites dimensions, qui ne soit pas une habitation, et aucune dérogation ne semble possible. Si ce musée doit voir le jour, il faudra donc l’établir au Bourg – peut-être dans la partie encore inutilisée des anciens bâtiments scolaires – ce qui diminuera sans doute beaucoup le nombre de visiteurs potentiels, lesquels auraient volontiers prolongé leur halte sur un circuit les conduisant vers la pointe du Van et la pointe du Raz, mais dont beaucoup ne feront pas le détour par le Bourg de Goulien. En attendant, une petite exposition a été organisée dans la salle de la mairie, relatant l’histoire des moulins à vent et à eau de Goulien et donnant l’historique de l’installation des éoliennes. On peut aussi y visionner une cassette vidéo produite par CEGELEC sur le site éolien de Sallèles-Limousis, dans le Languedoc-Roussillon, en attendant qu’elle en ait produit un sur celui de Goulien.
Aduction d’eau
45Le premier village à avoir une installation collective d’eau courante fut Kervéguen, où en 1965 sept familles se réunirent en association pour faire exécuter les travaux, réalisés avec l’aide de subventions de la commune et du Conseil Général. En décembre 1966, le conseil municipal donnait son accord à la création d’un syndicat intercommunal des eaux regroupant les trois communes au nord du Cap (Beuzec, Goulien et Cléden), lequel voyait le jour le 27 février 1967.
46À la suite d’études préliminaires, une zone de captage était définie sur le territoire du village de Lannourec en Goulien dont d’ailleurs une étymologie possible serait lan doureg – « la lande où il y a de l’eau »7. En 1969-70 les terrains concernés étaient achetés à leurs propriétaires respectifs, puis les travaux de réalisation de l’adduction d’eau étaient menés à bien de 1970 à 1972, en commençant d’abord par les villages situés de part et d’autre de la « voie romaine », puis en descendant, par le Bourg, vers le Sud de la commune. Le rattachement de Kervéguen, déjà pourvu en eau courante, au reste du réseau n’eut lieu que plus tard, en 1978. Le Syndicat des Eaux du nord du Cap existe toujours et assure le suivi de ces opérations.
47Ce qui préoccupe beaucoup les habitants de Goulien, à l’heure actuelle, c’est le fait qu’on ne puisse plus boire l’eau du robinet du fait de la pollution de la nappe phréatique. Presque tout le monde boit de l’eau en bouteilles, sauf quelques personnes qui font encore confiance à une source proche de chez eux. La pollution, me fait remarquer un ancien agriculteur, n’est pas seulement due à l’épandage du lisier et aux pulvérisations de pesticides « Il y a des nitrates partout ; lessives et autres produits ont leur part de responsabilité. Les puisards sont noirs, les ruisseaux ne sont pas beaux à voir ». Dans une zone rurale d’habitat dispersé comme c’est le cas à Goulien, un système de tout à l’égout concernant l’ensemble de la commune aurait un coût prohibitif ; mais son installation au Bourg est au programme pour bientôt. Les pavillons HLM, pour leur part, disposent d’un système d’assainissement par épandage souterrain.
Habitation et équipement domestique
Construction, restauration, ravalement
48Dans les années 60, chacun à Goulien se félicitait de la qualité des constructions anciennes, tout en déplorant le manque de constructions nouvelles. Dans une enquête réalisée auprès des agriculteurs, à la question : « Si vous aviez de l’argent devant vous, que feriez-vous en premier ? », 42 % des interviewés avaient répondu « Réparer ou construire une maison » et seulement 24 % « Améliorer mon intérieur ». En fait, dans les 30 dernières années, il y a eu à Goulien une activité importante en matière, aussi bien d’amélioration des installations domestiques que de construction de maisons neuves et de rénovation de maisons anciennes.
49D’après mon décompte, on a construit 75 maisons nouvelles à Goulien depuis 1964. D’après les commentaires de l’INED, le chiffre serait de 104 maisons construites en tout depuis la deuxième guerre mondiale. (L’INED écrit « seulement » 104), soit une proportion de 41,3 % du nombre total des maisons existant en 1945 contre 74,5 % pour l’ensemble de l’arrondissement de Quimper. À mon avis, la comparaison n’est pas très équitable, puisque le chef-lieu d’arrondissement et sa banlieue ainsi que les communes touristiques côtières du pays bigouden et du Cap Sizun possèdent un type d’habitat très différent de celui des communes rurales comme Goulien, dont d’autre part le parc immobilier se distinguait, au lendemain de la guerre, par la présence d’un bon nombre de bâtisses, certes anciennes et manquant de confort moderne, mais solides, d’une belle architecture et souvent pourvues d’un fort beau mobilier.
50Le grand « boom » de la construction de maisons neuves, conçues de façon « moderne », semble s’être situé dans les années 70-80. C’est à cette époque que remonte la vogue des ti doubl – maisons construites de plain pied et gardant une allure générale « bretonne », avec toits d’ardoises à deux pans à la ligne de faîte orientée de préférence selon un axe est-ouest et deux murs pignons pouvant être pourvus de cheminées ; mais les deux façades longitudinales sont pourvues l’une et l’autre d’ouvertures, à la différence de ce qui était la norme pour les anciennes maisons capistes dont la façade tournée vers le Nord était normalement aveugle – d’où cette appellation de « maisons doubles » qui leur est donnée par certains. Beaucoup de ces maisons neuves sont dotées par ailleurs d’un environnement très agréable de pelouses et d’arbustes d’ornement, témoignant d’un goût nouveau pour la décoration paysagère chez les habitants de Goulien.
51En revanche, en matière de bâtiments, le Bourg stagne un peu. Cinq maisons y restaient inoccupées en l’an 2000 et à part la transformation d’anciens magasins en lieux d’habitation il n’y avait pas eu beaucoup de transformations visibles. On y avait édifié seulement deux maisons nouvelles jusqu’à ce qu’en 1988 sept pavillons soient construits par la municipalité dans le lotissement de Pen-ar-Ménez, juste à la sortie nord du Bourg, et quatre autres en 1998 à sa sortie sud, au lieu-dit Ar Parou. Certains regrettent que, malgré leurs toits d’ardoises, ces pavillons ne se rapprochent pas davantage du style des maisons capistes.
52En plus de la construction de maisons nouvelles, on a vu à partir des années 75 et de plus en plus dans les dernières années, se développer dans la commune une notable activité de rénovation, voire de « restauration » de bâtiments anciens dont certains – anciennes « crèches », anciennes remises – ont été adaptés à un usage d’habitation qu’ils n’avaient pas à l’origine. Certains de ces anciens bâtiments de ferme, de même que des maisons, vides rénovées ont été, soit vendues comme résidences secondaires, soit aménagées en gîtes ruraux8.
53Un trait caractéristique de ces restaurations est en général de rendre apparentes les pierres de façade qui jusque-là, et sans doute dès l’origine, étaient dissimulées par un enduit lisse et blanc, lequel ne laissait à découvert que les pierres de taille encadrant les ouvertures. « C’est pour les mettre en valeur », dit-on, mais j’ai l’impression qu’il faut y voir aussi le souci de retrouver un état originel et une « rusticité » supposés. D’autres fois, au contraire, l’ancienne couleur blanche de l’enduit est remplacée par un blanc légèrement doré dit « coquille d’œuf » – une innovation esthétique introduite sous l’influence de la Direction Départementale de l’Équipement (DDE). En fait, aussi bien ces mises à nu des pierres de façade comme ces nouvelles couleurs d’enduits sont en rupture avec la tradition capiste alors que, paradoxalement, la même DDE astreint les constructions nouvelles à respecter certaines normes jugées caractéristiques du style régional.
Aménagement intérieur
54Si quelques maisons anciennes, peu nombreuses, que j’ai visitées ont conservé au rez-de-chaussée l’ancien plan « capiste » (couloir central, avec d’un côté une salle commune et de l’autre une pièce pouvant être utilisée comme salle à manger, réservée à des repas de famille occasionnels), beaucoup d’autres ont eu leur disposition et leur aménagement intérieur plus ou moins modifiés. Dès les années 70, les anciens sols cimentés, qui avaient déjà remplacé les anciens sols de terre battue, ont commencé à être carrelés. Et fréquemment, des cloisons ont été supprimées ou déplacées, de façon à constituer de vastes salles de séjour, possédant parfois un coin cuisine et un coin repas, ou au contraire parfois nettement séparés de ces derniers.
55En fait, il n’y a plus comme autrefois un modèle type d’aménagement intérieur juste susceptible de variantes, mais une grande variété d’agencements, dans un style néo-rustique qu’on peut qualifier de « haut de gamme », qui pourrait être celui choisi par des citadins de la classe moyenne aisée pour leur maison de campagne. L’ameublement témoigne d’ailleurs souvent d’un souci de confort inconnu dans les années 60, avec des pièces de mobilier (bahuts, fauteuils, canapés, tapis) et des éléments de décor (papiers peints, tableaux, bibelots) qu’on n’avait guère l’habitude de rencontrer alors dans les campagnes capistes. Curieusement, d’après ce que j’ai pu observer, sauf dans quelques familles où on a conservé, voire mis en valeur, qui un drustilh, qui une Vierge en faïence héritée des grands-parents, rares sont les éléments qui dans ces intérieurs témoignent d’une identité capiste ou même bretonne.
Chauffage
56Autrefois les maisons de Goulien n’étaient pas chauffées ; plus précisément on n’avait pas d’autre moyen de chauffage que celui qui servait à la cuisson des aliments. De plus, on laissait souvent les portes ouvertes car, disait-on, « autrement on aurait trouvé que la maison n’était pas accueillante ». Plus prosaïquement, c’était souvent parce qu’on avait besoin d’un appel d’air pour que les cheminées « tirent » correctement.
57Aujourd’hui encore, selon l’enquête de l’INED de 1999, plus d’un tiers des maisons anciennes sont seulement pourvues d’un simple chauffage d’appoint en plus de poêles à bois installées dans les cuisines ; seuls environ les 2/3 restants disposent donc d’un vrai système de chauffage. Certaines familles, en général les plus anciennement équipées, au début des années 70, c’est-à-dire avant le « choc pétrolier », utilisent une chaudière à mazout ; d’autres, surtout celles qui ont fait construire leurs maisons plus récemment, y ont installé le chauffage électrique.
58Dans quelques maisons rénovées, l’ancien âtre a été réhabilité et rendu plus efficace. Dans d’autres intérieurs modernes, une cheminée à feu apparent a été aménagée, sans doute plus pour le plaisir que pour l’efficacité, en complément d’un autre système de chauffage.
Propreté
59En 1963, dans 85 % des familles, la lessive se faisait au lavoir ; cependant 16 % des familles enquêtées disposaient déjà de machines à laver, d’un modèle parfois archaïque, semi-automatique, c’est-à-dire à remplissage manuel puisque près de la moitié de ces familles n’avaient pas l’eau courante. Ces machines avaient d’ailleurs été précédées, vers 1956-57, par des lessiveuses à manivelle, avec rinçage au lavoir. Actuellement la quasi totalité des foyers doit posséder un lave-linge, mais on trouve encore des personnes qui vont rincer leurs draps dans les lavoirs, dont elles trouvent l’eau meilleure pour cet usage que celle du robinet. Beaucoup, aussi possèdent des sèche-linge.
60Dans le domaine de la propreté individuelle, les progrès ont été considérables car 89 % des familles ne disposaient d’aucun emplacement réservé à la toilette et plus de la moitié des habitants devaient se passer de WC, même rustiques, alors qu’à peine plus de 3 % bénéficiaient de WC modernes.
61C’est à partir du moment où l’adduction d’eau a été achevée (1972) qu’on a vu la plupart des familles installer de véritables salles d’eau avec douches ou baignoires alimentées par des ballons d’eau chaude. D’après l’enquête de l’INED, seules 16 résidences principales sur 172 (soit 8,3 %) n’avaient ni baignoire ni douche – ce qui naturellement signifie que 91,7 % en étaient équipées.
62C’est aussi dans ces mêmes années 70 qu’on a commencé à aménager de véritables sanitaires – un changement perçu maintenant comme l’un des plus importants survenus dans les conditions de vie. Mes interlocuteurs se demandent aujourd’hui comment il était possible autrefois de se passer de toilettes.
63Dans les fermes, les premiers WC installés après l’arrivée de l’eau courante étaient de petits réduits en béton construits dans un coin de l’étable. Certains subsistent encore. Mais dans la plupart des maisons que j’ai visitées, les toilettes n’ont plus rien à envier à celles qu’on trouve en ville à la seule différence qu’ici, en zone rurale, faute que l’évacuation des eaux usées puisse être assurée par un réseau de tout à l’égout comme dans les zones urbanisées, elles sont recueillies pas des fosses septiques et des puisards individuels.
Cuisines et dépendances
64Dans les années 60, il y avait déjà quelques rares exemples de cuisines toutes blanches – comme c’était la mode à l’époque en signe de modernité – avec cuisinières – à gaz butane, électriques ou mixtes —, réfrigérateurs, eau sur évier (procurée par pompe individuelle) et chauffe-eau ; certaines maîtresses de maison ne s’en servaient d’ailleurs que dans les grandes occasions, pour ne pas les salir et, les jours ordinaires, continuaient à utiliser leur vieille cuisine. Dans les années 70, cet équipement a continué à se généraliser, surtout après l’achèvement des travaux d’adduction d’eau. Puis vers 1975 est apparue la mode de cuisines dites « intégrées » ; dans ces cuisines, les appareils ménagers disparaissent derrière des panneaux de menuiserie formant une façade continue avec celles des éléments de rangement hauts et bas, qui désormais ne sont plus blancs mais en bois massif, de style rustique et souvent exécutés par des artisans locaux. Dans les années suivantes les « robots » ménagers se sont multipliés, et on a vu apparaître machines à laver la vaisselle et fours à micro-ondes, que cependant certaines ménagères n’aiment pas, préférant les fours classiques. Bien que je n’en aie pas vu, il doit sans doute y avoir aussi quelques plaques de cuisson vitrocéramiques, à infrarouges ou induction. Bref, les cuisines à Goulien sont maintenant aussi bien équipées que ne le sont la moyenne des maisons citadines.
65Sur un autre point, les maisons de Goulien comme d’ailleurs sans doute celles de toutes les zones rurales françaises se distinguent sans doute de celles de la ville : c’est par le nombre de congélateurs. Les tout premiers, encore peu nombreux, semblent y être apparus vers 1966, et c’est aussi vers 1970-75 qu’ils ont commencé à se répandre. La quasi totalité des foyers de Goulien en sont pourvus, et certains foyers en ont deux, voire trois. Cela a eu de grosses conséquences du point de vue des pratiques d’achat et des choix alimentaires.
Alimentation
66Dans le domaine alimentaire, les changements principaux survenus depuis les années 60 concernent la diversification des aliments et l’introduction de mets nouveaux. On mange moins de pain et davantage de viande fraîche ; on ne consomme plus beaucoup de lard (kig sal), autrefois préparé dans presque toutes les maisons à partir d’un cochon élevé pour la consommation familiale – ce qui ne se pratique plus beaucoup, même dans les fermes, alors qu’on met plus facilement au congélateur un agneau ou des quartiers de veau – soit qu’on les ait élevés soi-même, soit qu’on les ait obtenus de parents ou d’amis, soit qu’on se les soit procurés chez un boucher.
67Certains font encore du farz boulienn (« far » en boule cuit dans une poche de tissu) et des kuign, qu’on trouve aussi en vente dans les commerces à l’occasion des « gras »9. Mais depuis qu’il n’y a plus de boulanger à Goulien on ne peut plus aller y faire cuire le traditionnel gâteau de riz du samedi et, à Noël, on ne mange plus beaucoup le kosté penn.
68Mise à part les crêpes et les quelques survivances précédentes, le modèle alimentaire et culinaire suivi n’est plus un modèle capiste, breton ou même rural, mais un modèle largement national marqué de quelques particularités régionales. On cuisine plus souvent qu’autre fois des côtes de porc, des biftecks ou des escalopes ; les pommes de terre ont perdu leur prééminence ; on mange beaucoup plus qu’autrefois de légumes (haricots verts, tomates, betteraves) gardés frais toute l’année également grâce aux congélateurs ; la salade verte est plus fréquente ; on consomme toutes sortes de poissons, des coquilles St Jacques et autres fruits de mer.
69Les préparations nouvelles incluent grillades au barbecue (merguez, brochettes), pizzas, quiches, tartes à la moutarde, paella, ratatouilles, raclettes, fondues, taboulé, couscous (on en sert au restaurant du Bourg toutes les deux semaines, et beaucoup de clients viennent en chercher pour le rapporter à la maison), et on a pris l’habitude de clôturer le repas par des fromages, yaourts, desserts. Pour les fêtes et banquets, le traditionnel rôti de veau est concurrencé par rosbif, cochon grillé ou truite de mer.
70Ces innovations ne sont peut-être pas les dernières, si on en croit les différences de goûts alimentaires qui se manifestent entre les adultes et les plus jeunes. Le matin, les parents prennent toujours du café tandis que les jeunes veulent des céréales. À l’extérieur, plutôt que de fréquenter les petits restaurants traditionnels, les jeunes préfèrent aller manger dans les pizzerias, les « Steakburger », les « Macdonald’s » et boire de la bière ou du Coca-cola au lieu de vin – tandis qu’on ne verrait pas, me dit un jeune de 19 ans, « les parents manger des hamburgers ». On peut toutefois se demander si ces habitudes, qui font partie de la « culture jeune » dans toute la France et dans beaucoup d’autres pays, ne seront pas plus ou moins abandonnées par les intéressés lorsqu’ils seront passés dans la classe d’âge supérieure, pour être reprises, plus ou moins modifiées, par la classe d’âge suivante.
Loisirs
Loisirs domestiques
71Si on excepte le tricot et les mots croisés ou fléchés, qui restent probablement parmi les principaux loisirs d’intérieur des retraités et des personnes âgées, à Goulien comme ailleurs, la télévision est devenue le moyen de distraction et d’information dominant dans les familles.
72À quelques rares exceptions près, tout le monde possède la télévision (contre moins de 10 % en 1963-64). Les programmes auxquels on s’intéresse sont, en priorité, le journal de la mi-journée ou du soir (beaucoup suivent les émissions régionales de « France 3 Bretagne »), le feuilleton de l’après-midi, qui attire surtout le public féminin, les films du soir (les femmes aiment bien les films d’amour), les matches de football, suivis surtout par les hommes (mais certaines femmes n’y sont pas indifférentes), un peu les variétés (Patrick Sébastien) – mais aussi les débats politiques ou de société. On aime bien, me dit quelqu’un, voir « les hommes politiques qui font rire » comme, me donne-t-on comme exemple… Jean-Marie Le Pen ou autrefois Georges Marchais. Certains sont plus exigeants, regardent la chaîne franco-allemande « Arte », ou bien ont une parabole leur permettant d’accéder à un « bouquet » retransmis par satellite – comprenant « Canal + » (pour les matches de football) et des canaux « jeunesse », « nature », « voyages », « chaînes musicales », etc. ; leur nombre est difficile à évaluer car, au contraire de ce qui s’observe dans d’autres régions de France, les antennes paraboliques restaient jusqu’à présent discrètes. Mais récemment, à la suite des perturbations provoquées par les éoliennes dans la réception de certaines chaînes, de nouvelles antennes paraboliques ont fleuri partout.
73Sur les treize jeunes de 18 à 20 ans que j’ai rencontrés, neuf possèdent un poste de télévision personnel et deux la regardent seulement en famille. Certains disent la regarder beaucoup, voire en être « accros », d’autres pas trop. Leurs émissions préférées sont dans l’ordre des mentions : les retransmissions sportives (sept mentions) incluant les matches de football, le Tour de France cycliste, les tournois de tennis, les courses automobiles et le patinage artistique ; les informations (6 mentions) ; les films (deux mentions) ; suivent, avec une mention chacune : les émissions musicales de certaines chaînes retransmises par satellite, puis une émission mêlant variétés et informations dans une présentation quelquefois impertinente (« Nulle part ailleurs »), un magazine d’information (« Envoyé spécial »), une émission consacrée aux débats de société (« Ca se discute ») et un « quizz » culturel (« Questions pour un Champion »).
74En général, tout le monde trouve que la télévision a du bon, mais qu’en faisant rester les gens chez eux, elle contribue à développer un excès d’individualisme. Ce dont on est sans doute moins conscient, c’est de l’influence qu’elle exerce – même dans ses programmes les plus commerciaux – par l’exposition qu’elle offre à d’autres milieux, d’autres idées, d’autres modes de comportements, d’autres modèles culturels qu’on finit parfois par adopter sans s’en rendre compte.
75Beaucoup de possesseurs de postes de télévision (mais seulement trois des jeunes que j’ai vus) semblent disposer de magnétoscopes, qui ont commencé à se répandre dans les années 90. L’enregistrement ou la location de cassettes ne paraît avoir pris qu’à partir de la génération des 30-35 ans. Beaucoup d’enfants et d’adolescents et quelques jeunes ont des consoles de jeux vidéo. Comme ailleurs, en France et dans le monde, « Playstation » est particulièrement prisé. Chez les 18-20 ans, deux garçons sont particulièrement intéressés par les jeux de rôles et de stratégie ; selon l’un d’eux « c’est une nouvelle passion chez les jeunes ». Un troisième s’y est essayé mais « ça ne l’intéresse pas plus de 10 minutes ».
76Beaucoup de jeunes adultes et d’adolescents disposent d’une chaîne hi-fi ou d’un lecteur de disques compacts. Bien que plusieurs d’entre aux aient appris à jouer du piano, ce n’est guère les morceaux classiques qu’on leur a fait travailler qu’ils écoutent. Ce qu’ils aiment, ce sont plutôt « les trucs à la mode », mais pas seulement ; leurs goûts son très éclectiques. Parmi les genres que m’ont cités mes interlocuteurs de 18 à 20 ans figurent certes en premier lieu les musiques en vogue : « techno » (quatre mentions) et « dance » (trois mentions) ; mais aussi d’autres genres remontant parfois aux années 70 telles que le « disco » ; diverses formes de musiques rock : le « pop rock » irlandais, le rock anglais des années 70-80, le « punk », le « punk hard core », le groupe français « Noir Désir » ; et aussi certaines musiques noires, la « soul music » ; le « reggae », le « ska », les musiques hispano-américaines, la « world music »… Le « rap », en revanche, n’a pas la cote. Pour la chanson on m’a cité Jean-Jacques Goldmann (trois mentions), Céline Dion (deux mentions) et de façon inattendue… Georges Brassens (une mention). Mais le plus remarquable, c’est l’intérêt manifesté par dix jeunes sur treize pour la musique bretonne et les chanteurs bretons – musique bretonne traditionnelle (quatre mentions) et musique bretonne moderne (tous les dix).
77Devant la concurrence de la télévision, de la vidéo et des disques compacts, la lecture reste en retrait mais arrive tout de même à se maintenir. La bibliothèque municipale compte une quarantaine de familles d’abonnés, soit un peu moins d’un quart des familles de Goulien – mais davantage de lecteurs puisque les livres de la bibliothèque (près d’un millier) circulent dans les familles. Cependant il y a peu de lecteurs dans la tranche d’âge des 18-20 ans : trois d’entre eux seulement ont mentionné la lecture de livres parmi leurs loisirs favoris, un quatrième disant ne lire que des bandes destinées. Comparée avec celle des années 60 la situation actuelle de la lecture marque pourtant un certain progrès, puisque j’avais pu estimer, sur la base de mes interviews de l’époque, que le nombre des lecteurs réguliers de revues de toutes natures ne dépassait pas la vingtaine, et celui des lecteurs réguliers de livres, la dizaine.
Loisirs de plein air
78Comme loisirs de plein air, outre le jardinage pratiqué surtout par les retraités, on m’a cité assez souvent la marche à pied et quelquefois la bicyclette. Certaines personnes, en effet, aiment à marcher, seuls ou en petits groupes d’amis le long du sentier côtier qui borde la baie de Douarnenez depuis Poullan-sur-Mer jusqu’à la Pointe du Van, avec une interruption sur la côte de Goulien à hauteur de la réserve ornithologique10. D’autres aiment à suivre l’autre côte depuis Plouhinec jusqu’à la pointe du Raz. D’autres encore – cela va du retraité de 80 ans à l’étudiante de 19 ans – font des randonnées cyclistes autour du Cap. Mais les deux grands loisirs masculins traditionnels de Goulien sont la chasse et la pêche.
79En l’an 2000 on a délivré dans la commune 35 permis de chasser, soit presque autant qu’en 1963 pour une population nettement moindre. Il existe maintenant sur Goulien un « plan de chasse » destiné à garantir la reproduction du gibier, grâce à quoi il y a à nouveau des chevreuils – et même « en pagaïe », m’a-t-on dit – dans la vallée au sud de la commune. Chaque société de chasse (il y en a trois) a droit à un certain nombre de bracelets, et il y a une déclaration à faire lorsqu’un chevreuil est abattu. Mais on ne peut plus vendre le gibier.
80On chasse aussi le lapin – il y a un enclos pour la reproduction – ainsi que la caille, le perdreau, le faisan – mais quand on en lâche, peu réussissent à survivre ; en revanche il n’y a plus de lièvres, plus de perdrix et plus guère de vanneaux. Les renards sont devenus une calamité : ils pullulent sur les terres en friche. On organise deux battues aux renards chaque année au cours desquelles on en a parfois tué jusqu’à dix. Depuis 1983, ont lieu des concours de chiens d’arrêt, organisés tous les week-ends par diverses sociétés de chasse et souvent combinés avec un ball-trap. Certains vont y participer jusqu’en pays bigouden.
81La pêche est pratiquée, soit depuis les rochers de la côte comme autrefois, soit en mer dans la baie de Douarnenez. J’ai identifié neuf personnes, habitant Kergulan, Leslannou, Pen-ar-Ménez, Tal-ar-Veilh, Kérisit, Lézoulien, Foënnec Vras, Kerguerriec et An Nuoc – des villages tous situés au Nord de la commune – qui vont régulièrement pêcher dans la baie, homards, crabes, maquereaux, etc. Ces pêcheurs amateurs possédant tous un bateau qu’ils partagent parfois avec des parents ou des amis, dont certains n’habitent pas la commune. C’est une nouveauté par rapport à 1963, où le seul pêcheur côtier de Goulien était un pêcheur professionnel. Mais des casiers à homards en osier comme ceux que je lui avais vu faire en 1963, seul un retraité de Kérisit savait encore en faire et depuis son décès on ne peut plus en obtenir que d’un pêcheur habitant au Moulin de Kerharo en Cléden qui, lui, en fabrique d’une autre forme, en branches de châtaignier ou d’orme.
Sports
82Depuis les années 60, la pratique des sports s’est considérablement développée pour les enfants et les adolescents de Goulien qui, selon les écoles qu’ils fréquentent, apprennent à pratiquer natation, basket-ball, handball, tennis, judo, ski (en classes de neige), etc. Mais une fois terminées leurs études, il leur est difficile de continuer à les pratiquer. Il manque dans le Cap une piscine, car celle de Douarnenez est un peu loin. Un projet de piscine pour le Cap, discuté pendant un temps au sein de la Communauté de communes, semble ne pas avoir abouti ; un projet de piscine privée, initié par un ancien champion de natation, serait en préparation à Audierne. Il manque aussi de courts de tennis, alors que l’intérêt pour ce sport est grand chez les jeunes ; et les deux tables de tennis de table installées à Goulien dans la salle polyvalente ne compensent pas ce manque.
83Le sport roi, ici, c’est le football. Ce n’était pas (ou plus exactement ce n’était plus) le cas lors de mon séjour en 1962-64. Mais le club « Goulien-Sports » a été relancé en 1967 et s’est maintenu avec succès depuis. Sur les sept garçons de 18 à 20 ans que j’ai interviewés, trois y jouent actuellement tandis qu’un autre joue dans le club de Cléden ; deux autres ont joué autrefois, l’un à Goulien et l’autre à Cléden. En général tous sont passés par l’« école de foot » d’Esquibien, qui a formé à ce sport de nombreux enfants de toutes les communes du Cap, qui ont ainsi pris depuis longtemps l’habitude de jouer ensemble.
84Le cyclisme de compétition était l’autre sport masculin en vogue dans les années 60 à Goulien où, tous les ans, lors de la fête communale, était organisée une course autour de la commune qui avait toujours beaucoup de succès. Mais il n’existe plus d’équipe cycliste. Un garçon de 20 ans qui pratique encore ce sport est inscrit à Douarnenez.
85Pour les femmes, il y avait eu pendant quatre ans une association féminine de gymnastique, mais après des débuts prometteurs elle a dû se dissoudre faute d’une participation assez soutenue de la part de ses membres. Actuellement, quelques femmes vont faire de l’« aquagym » à la piscine de Douarnenez. À la belle saison, certaines d’entre elles, des jeunes comme des moins jeunes, vont se baigner à la mer, parfois en y emmenant les enfants, soit à Audierne où il existe un « Club des Dauphins » qui organise des jeux de plage pour les petits, soit au Loc’h, entre Primelin et Plogoff.
86Parmi les 18-20 ans, quelques-uns pratiquent aussi la natation en piscine et deux garçons s’adonnent de façon individuelle à diverses disciplines aquatiques sur la côte de Goulien (plongeon depuis les rochers, surf, body board) ou celle de Plogoff (plongée en apnée).
Sorties
87Dans les années 60, il y avait deux cinémas en activité à Audierne. Concurrencés par la télévision, ils ont fermé l’un après l’autre ; l’un d’eux a rouvert récemment et présente une programmation intéressante, mais il ne m’a pas semblé drainer beaucoup de spectateurs de Goulien, à part quelques adolescents et quelques jeunes. D’autres préfèrent sans doute aller au cinéma à Douarnenez, voire à Quimper. Mais aucun adulte et trois jeunes seulement ont mentionné parmi leurs loisirs favoris les sorties au cinéma, pour voir soit des films français, soit des films américains à grand spectacle sur grand écran.
88Pour les jeunes des années 60 à 80, une des principales occasions d’amusement et de rencontre entre garçons et filles étaient les bals de noces. Ils s’y rendaient dans tout le Cap Sizun, malgré leur manque de moyens de déplacement : peu d’entre eux avaient leur permis de conduire et pouvaient disposer d’une voiture et ceux qui n’avaient pas de mobylette devaient se contenter parfois d’une remorque de tracteur. Malgré tout, il y avait déjà à Audierne et à Plouhinec des dancings assez fréquentés par la jeunesse des environs.
89En l’an 2000, les jeunes se déplacent plus facilement, mais c’est maintenant pour aller non plus aux bals de noces mais pour « sortir en boîte » (en discothèque) le samedi soir ou pendant les vacances. On y va surtout pour danser sur les rythmes à la mode (« techno », « dance » ; il y aurait aussi un retour du disco), mais on y va aussi tout simplement pour l’ambiance, pour se rencontrer entre jeunes, certains pour « draguer », et aussi pour boire des « grandes vertes » (des bières Kronenbourg), des Ricard ou des Coca-cola. Il y circule aussi un peu de cannabis, paraît-il.
90Trois des jeunes que j’ai interviewés disent cependant ne jamais « sortir en boîte », et deux autres ont déclaré qu’ils n’y vont que rarement parce qu’ils n’en apprécient pas tellement la musique. Et bien que certains adultes m’ont parlé avec nostalgie des bals de leur jeunesse, il semble que seuls quelques jeunes couples fréquentent de temps les discothèques, qui paraissent surtout être réservées aux célibataires d’une certaine classe d’âge.
91La discothèque favorite des jeunes de Goulien, le « Tamaris » (« le Tarn »), est située à Plouhinec ; la moitié d’entre eux la fréquentent. Ils sont un groupe d’une dizaine de copains et de copines de 18 à 25 ans à se retrouver le samedi soir au Bourg de Goulien, au « P’tit Bar », avant de s’y rendre en bande. D’autres vont au « Lambretta » à Confort ; il y en a aussi, plus âgés semble-t-il, qui vont à Landudec et à Gourlizon.
92Les festou noz, « fêtes de nuit » où l’on danse exclusivement des danses bretonnes étaient inexistantes dans le Cap dans les années 60 et celles qui étaient organisées ailleurs, à ma connaissance, n’attiraient guère les Capistes, alors qu’elles jouissent aujourd’hui d’une faveur inattendue, au point qu’il s’est créé cette année à Goulien une association, « Avel Dro » (« Le Tourbillon ») où toutes générations confondues réapprennent tout un répertoire que même les plus anciens, et peut-être leurs parents eux-mêmes, n’avaient jamais appris dans leur jeunesse.
Activités artistiques ou culturelles
93Comme dans beaucoup de régions rurales qui ont perdu presque toutes les richesses de leur ancienne culture populaire sans accéder à celle des milieux cultivés, on note à Goulien un certain déficit artistique et culturel, tenant sans doute moins à l’éloignement des centres qu’à l’absence d’un milieu favorable à l’épanouissement de formes de culture plus sophistiquées que celles que diffusent les médias, ce qui fait que les quelques possibilités offertes localement ne sont pas mises à profit.
94Une association appelée « Cap-Accueil/Kalon ar C’hab » centrée sur Audierne et Plouhinec organise bien des cours de broderie, de patchwork, de peinture sur verre et de dessin et elle possède une chorale, mais je ne crois pas que cela intéresse beaucoup de gens de Goulien, à part peut-être une dame qui m’a dit pratiquer la peinture sur verre et une jeune fille qui dessine des portraits. Cette association organise aussi des lectures publiques et des sorties collectives pour aller assister à des pièces de théâtre, à des récitals de chanson ou à des concerts – pas forcément ennuyeux – mais personne à Goulien ne m’a dit expressément y être allé ou même être au courant de leur existence, pourtant signalée dans des prospectus disponibles à la mairie. Il semble aussi que le « Festival des chapelles » qu’organise chaque été la même association et à l’occasion duquel des concerts sont donnés dans plusieurs chapelles du Cap Sizun, dont parfois St Laurent de Lannourec, n’ait pas attiré beaucoup de spectateurs de Goulien en dehors de quelques habitants de résidences secondaires.
95Les seules activités artistico-culturelles qui aient quelque succès sont celles du « Cercle des Bruyères » à Beuzec – ensemble folklorique auquel participent quelques personnes et surtout des enfants de Goulien, soit dans le groupe de danse, soit dans le bagad (ensemble musical). Quelques-uns y ont appris à jouer de la bombarde – un des rares instruments de musique que des jeunes m’aient dit avoir appris à jouer (deux mentions) en plus du piano (deux mentions aussi) et… du didgeridoo (une mention)11. Un autre interviewé s’est également acheté une guitare avec la ferme intention d’apprendre à en jouer. Il y a à Goulien une professeure de musique (la correspondante du « Télégramme »), mais elle n’exerce pas son enseignement dans la commune ; cependant elle est active dans un petit groupe de musiciens venus de diverses communes alentour, qui se réunissent parfois avec des membres de l’association « Avel Dro » pour ce qu’on pourrait appeler des « bœufs » bretons.
96En fait, s’il fallait trouver un moyen pour développer les goûts artistiques des jeunes à Goulien, il faudrait peut-être tirer parti de leurs goûts musicaux éclectiques (rock, techno, musique bretonne moderne et traditionnelle), et créer une structure qui leur permette de les développer, en découvrant d’autres instruments et en apprenant, pour certains, à en jouer et à s’ouvrir à d’autres musiques.
Escapades, week ends, vacances et voyages
97Dans les années 60, en dehors des dimanches on n’avait guère l’habitude à Goulien de s’arrêter de travailler pour raison d’agrément ; et il était rare de profiter d’un congé pour faire un voyage hors du département. Même les salariés et les retraités qui en auraient eu les moyens ne profitaient guère, les uns de leurs congés, les autres de leur disponibilité pour s’évader hors de leur environnement quotidien, ne fût-ce que quelques jours de temps en temps. Cependant, cela commençait à changer : quelques-unes des personnes que nous avions interviewées étaient parties en pèlerinage à Lourdes ; d’autres étaient allées une ou deux fois rendre visite à de la famille à Nantes, Paris ou Toulon. Des agriculteurs et des jeunes avaient participé à de brefs voyages d’études, les uns avec le syndicat agricole, d’autres avec le Mouvement Rural de la Jeunesse Catholique ; des élèves avaient participé à des voyages scolaires ; un jeune couple était parti en voyage de noces à Biarritz ; une commerçante avait été en vacances aux Baléares.
98Actuellement, la situation reste très diversifiée. Il y a toujours ceux qui ne bougent pas, et parmi eux beaucoup d’agriculteurs : « On n’aime pas bouger » ou « ça ne nous intéresse pas tellement » ou « on a trop à faire », disent-ils ; ces mêmes raisons sont d’ailleurs avancées aussi par des couples travaillant dans d’autres secteurs et qui préfèrent passer leurs congés chez eux : « On n’en a pas besoin quand on se sent bien à la maison », avancent-ils. Pour certains, leur seul déplacement en 20 ans de vie commune, ce sont les trois jours de voyage qu’ils ont fait au moment de leur mariage.
99Il y a ceux qui se contentent de week-ends ou tout au plus de quelques jours d’escapade, les uns pour aller voir de la famille (enfants ou frères et sœurs), par exemple à Brest, St-Brieuc, Vannes, Lorient, St Nazaire ou Nantes, d’autres pour aller visiter les plages du débarquement en Normandie, et d’autres enfin pour se rendre à Paris à l’occasion du Salon de l’Agriculture.
100Mais il y a aussi ceux qui, après avoir vécu des années sans s’éloigner du Cap, ont décidé un jour de prendre régulièrement quelques jours de vacances chaque année : telle veuve qui non seulement est allée en pèlerinage à Lourdes mais aussi en voyage organisé au Carnaval de Nice ; tel couple qui fait le tour des anciens camarades du mari pendant la guerre d’Algérie, en Alsace, dans le Doubs, dans le Lot, en Normandie… ; d’autres qui vont rendre régulièrement des visites de plusieurs jours à leurs enfants, frères ou sœurs vivant à Paris, à Orléans, à Toulon, en Normandie, dans l’Indre, dans le Cantal, dans le Languedoc-Roussillon, en Alsace, voire en Martinique ou en Polynésie ; d’autres qui partent hors du cadre familial, à « Center Parcs » par exemple. Et parmi les agriculteurs, certains profitent des occasions offertes par les groupements de producteurs auxquels ils appartiennent pour aller faire des voyages d’études en France, voire à l’étranger (Hollande, Allemagne, Pays Basque espagnol).
101Autrefois, les voyages à l’étranger et outre-mer ne concernaient guère que les militaires ou les marins, même si les femmes des marins de commerce avaient droit à quelques embarquements, parfois de deux à trois mois, sur le bateau où naviguait leur mari ; mais elles n’en profitaient guère que pendant les années où elles n’avaient pas encore d’enfants. Dans les années 60 cependant, quelques jeunes avaient déjà fait de brefs séjours à l’étranger à l’occasion de voyages organisés par leurs écoles ou par le Mouvement Rural de la Jeunesse Catholique ; mais parmi les aînés, je ne connaissais guère qu’une commerçante à être allée passer des vacances hors des frontières de la France.
102De tels voyages restent encore peu fréquents, mais ils deviennent moins inhabituels ; on citera en exemple telle femme d’agriculteur qui, n’ayant jamais bougé de chez elle jusqu’à son veuvage à 53 ans, en 1974, a fait de nombreux voyages, non seulement en France mais aussi à l’étranger, d’abord à l’occasion de pèlerinages (à Fatima, à Rome, en Israël) puis en voyages organisés à caractère profane (aux Baléares, à Venise, au Tyrol) ; ces parents qui sont allés avec leurs enfants en Espagne, en Allemagne, en Roumanie, en Tunisie ou en Turquie ; ces petits groupes de sexagénaires qui sont allés ensemble à l’île Maurice ou à la Réunion ; et ce cadre qui, pour ses bons résultats, s’est vu offrir pour lui et son épouse par sa compagnie, successivement, des voyages en Louisiane, en Inde et en Afrique du Sud ; ou enfin ce retraité de l’enseignement, accompagnateur bénévole pour l’association « Arts et Vie », qui conduit fréquemment des voyages en Iran. Mais beaucoup d’autres, à Goulien, ne sont pas du tout tentés par ces déplacements lointains. Ainsi, il y a peu, à la suite d’un tirage au sort effectué par un supermarché pour fêter son 30e anniversaire, une dame avait gagné un voyage avec séjour au Maroc ; mais son mari retraité n’avait aucune envie d’en profiter, préférant rester chez lui à cultiver son jardin ; elle y est donc allée avec son beau-fils.
103Par contraste avec leurs aînés, pour les adolescents et les jeunes du Cap, voyager hors de la Bretagne et à l’étranger est devenu chose courante : ils l’ont tous fait plus ou moins souvent – soit, certains, avec leurs parents, soit à l’occasion de classes de neige dans les Pyrénées, en Haute-Savoie, en Suisse, dans le Jura, soit en voyages scolaires ou dans le cadre de colonies de vacances en Bretagne, dans le reste de la France – entre autres à Paris, et au « Futuroscope » de Poitiers – ainsi qu’en Europe – au Portugal, en Espagne, en Italie, en Europe de l’Est et surtout, dans le cadre de séjours linguistiques, en Angleterre ou en Irlande (neuf des 13 jeunes interviewés en ont bénéficié). Plus rares sont ceux qui sont partis individuellement à l’étranger : parmi les jeunes interviewés, seule une fille de 20 ans était dans ce cas ; elle avait voyagé en Italie, en Espagne et en Angleterre. D’autres plus âgés ont fait également des stages agricoles aux Pays-Bas ou en Irlande.
104En résumé, selon le point de vue qu’on adopte, on peut dire ou bien, si l’on tient compte du grand nombre de ceux qui ne s’éloignent jamais encore de leur cadre de vie habituel ou ne le font que très peu, que les habitants de Goulien sont restés relativement casaniers ; ou bien, si on retient surtout le mouvement qui se dessine vers plus de mobilité et vers un attrait grandissant pour les voyages dans d’autres régions, d’autres pays, d’autres continents, que Goulien s’est relativement ouvert sur l’extérieur et que cette ouverture ira probablement en s’accentuant. Mais qui dit voyages dit aussi contacts avec d’autres gens, d’autres modes de vie, d’autres identités ; et cette ouverture n’est peut-être pas, d’une certaine façon, sans incidences sur l’évolution récente du sentiment d’identité bretonne à Goulien.
Notes de bas de page
1 Salaire minimum interprofessionnel de croissance ; il se montait en juillet 2000 à environ 7 000 F par mois.
2 Dans les années 60, beaucoup de femmes, même issues de familles paysannes, ne voulaient plus épouser d’agriculteurs à cause de la surcharge de travail et de l’inconfort auxquels elles risquaient d’être exposées.
3 « Institut National d’Études Démographiques », organisme qui coordonne les opérations du recensement et en publie les résultats.
4 Citizen band ou canaux banalisés : radios permettant des contacts de convivialité et d’entraide à courte distance.
5 Au moment de mes enquêtes, la nouvelle station de télévision régionale privée TV Breizh n’avait pas encore été lancée.
6 Dans les années 90, la capacité totale d’hébergement de la commune était estimée par l’Institut National d’Études Démographiques à 480 personnes, soit plus que la population permanente actuelle.
7 Je tiens cette information de l’historien local Roger Gargadennec, de Pont-Croix.
8 Les aménagements de gîtes ruraux sont encouragés et subventionnés.
9 Mardi-gras et mi-carême.
10 Il y a divergence de vue entre la municipalité de Goulien, qui souhaiterait que les marcheurs y bénéficient d’un droit permanent de libre passage tandis la SEPNB (association de protection de la nature et de l'environnement en Bretagne, à qui a été confiée la gestion de la réserve) tient à en réglementer l’accès pour les secteurs les plus sensibles.
11 Il s’agit d’un instrument de musique des aborigènes d’Australie, popularisé par certains groupes de rock anglo-saxons.
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