La population
p. 331-343
Texte intégral
Démographie
1Le mouvement décroissant de la population de Goulien, dont je notais dans ma thèse qu’il s’était poursuivi de façon à peu près constante depuis le pic démographique de 1896, a continué sensiblement au même rythme entre 1963 et l’an 2000, si bien que le nombre actuel des habitants de la commune ne représente plus qu’à peine un peu plus du tiers de ce qu’il était il y a 100 ans.
2Malgré cette diminution, le nombre des foyers est en augmentation du fait qu’à la différence de ce qui était courant autrefois les maisons n’abritent plus que rarement des adultes de générations différentes et que de nouveaux résidents sont venus de l’extérieur s’installer dans la commune.
3On enregistre un vieillissement notable de la population, dû non pas tant à l’accroissement de la longévité des adultes qu’à une très forte diminution du nombre d’enfants et au départ de nombreux jeunes.
4De son côté, la structure socioprofessionnelle montre les signes d’une transformation radicale de la « communauté paysanne » fortement enracinée dans sa tradition qu’était encore Goulien dans les années 60, devenue aujourd’hui une commune rurale parmi d’autres de l’arrière-pays d’Audierne et de Douarnenez.
Recensements officiels et identification des résidents
5Depuis mon précédent séjour à Goulien des recensements ont eu lieu en 1968, 1975, 1982, 1990 et 1999. Les listes nominatives détaillées établies à ces dernières occasions n’étant pas consultables, et faute de pouvoir disposer d’une liste officielle des habitants actuels de la commune, j’ai dû y pallier en constituant ma propre liste nominative pour l’an 2000. Pour ce faire, j’ai pris comme point de départ la liste des personnes et des foyers, répartis par « villages », que j’avais établi en 1962, et j’ai noté les modifications survenues depuis lors, du fait de décès, mariages, naissances, emménagements dans des maisons nouvelles, arrivées de nouveaux résidents et, pour autant que cela ait été possible, départs pour d’autres communes ou d’autres régions de personnes nées ici. La liste des ménages ainsi obtenue a été comparée ensuite avec celle fournie par l’annuaire téléphonique – source d’information très utile pour le présent du fait que tous les foyers de résidents permanents, sauf un, et un pourcentage élevé de foyers de résidents secondaires disposent désormais du téléphone à Goulien. J’ai pu établir ainsi une liste de 398 résidents permanents répartis dans 169 foyers.
6Bien que cette liste établie par moi-même diffère quelque peu de celle du recensement de 1999, qui donne le chiffre de 428 habitants, et à condition de garder en mémoire cette différence, ce travail m’a cependant fourni d’utiles indications sur l’évolution démographique, sur les variations de la pyramide des âges, sur le maintien ou le départ des familles, sur l’occupation des maisons anciennes, sur la construction de maisons nouvelles, etc.
7La différence sensible (30 personnes) constatée entre le nombre de résidents permanents que j’ai comptabilisés et les chiffres officiels du recensement, de même que la différence entre le nombre de foyers recensés (176) et le nombre de ceux que j’ai comptabilisés moi-même (169), viennent sans doute de ce que j’ai enregistré comme résidents secondaires des personnes originaires de la commune qui, tout en ayant une activité professionnelle et un second domicile ailleurs, ont choisi de se faire recenser à Goulien à cause des fortes attaches quelles y conservent, et prévoient de revenir s’y installer après leur retraite.
8Une indication en ce sens peut être décelée par comparaison avec les listes électorales. En effet, déjà aux élections de 1965, on comptait 535 électeurs inscrits, soit 98 % de la population recensée alors (545 habitants) – ce qui veut dire qu’un certain nombre de personnes inscrites sur les listes électorales avaient nécessairement été recensées ailleurs De même, en 1999, les 390 électeurs inscrits sur les listes électorales représentent 91,12 % de la population officiellement recensée à Goulien, soit 44 personnes de plus que je n’ai identifié d’habitants permanents de plus de 18 ans. Le très fort pourcentage d’électeurs inscrits par rapport à la population recensée, qui semble donc un trait constant, ne peut s’expliquer que par le fait qu’un grand nombre de personnes originaires de Goulien ayant leur résidence principale hors de la commune ont néanmoins choisi d’y voter, et gardent l’intention de revenir y habiter un jour.
9Une importante nouveauté par rapport à 1963 est, en effet, que les exils de natifs de Goulien ne sont plus tous définitifs. Un nombre important de personnes qui étaient parties gagner leur vie plus ou moins loin de leur commune d’origine, que ce soit en Bretagne et dans la région nantaise ou dans la région parisienne, voire au-delà, reviennent y passer leur retraite, soit dans la maison de famille dont ils sont les propriétaires, soit dans une maison inoccupée qu’ils ont rachetée à ses propriétaires, soit dans une maison neuve qu’ils ont fait construire pendant leur période d’activité, parfois d’abord comme résidence secondaire.
10Actuellement, sur les 79 résidences secondaires que j’ai pu dénombrer dans la commune (le recensement officiel n’en a retenu que 73), 32 appartiennent à des originaires de Goulien ayant une autre résidence ailleurs, mais qui reviennent périodiquement au pays, soit pour y passer des week-ends s’ils n’habitent pas trop loin, soit pour les périodes de vacances scolaires pour les autres. C’est de cette catégorie que doivent surtout relever les résidents secondaires qui ont choisi de se faire recenser et/ou de voter ici, et il est à prévoir que bon nombre d’entre eux vont revenir un jour s’installer définitivement à Goulien comme certains l’ont déjà fait.
11Les occupants des 47 autres résidences secondaires sont des personnes sans attaches familiales locales, originaires non seulement de Bretagne (Brest, Quimper), des régions nantaise et parisienne et d’autres régions de France (Anjou, Midi-Pyrénées, Normandie, Maine-et-Loire, Picardie, Provence-Côte d’Azur, Rhône-Alpes) ainsi que de l’étranger (Allemagne, Belgique).
12Une nouvelle catégorie de résidents permanents est celle des « néo-résidents », entre autres ceux arrivés à la suite des mesures que la municipalité a prises à partir de 1988, en construisant des pavillons HLM à la fois confortables et bon marché, soit pour attirer sur la commune des jeunes foyers des environs, soit pour retenir certains foyers de Goulien qui auraient pu chercher à se loger ailleurs. Six de ces pavillons ont été construits au lieu-dit Pen-ar-Ménez, à la sortie nord du Bourg, et quatre autres au lieu-dit Ar Parou, à sa sortie sud, tandis qu’un projet de lotissement pour quatre nouveaux pavillons est en cours de réalisation en ce même endroit. Sur les 20 occupants de ces pavillons, 15 sont des personnes seules ou des couples originaires d’autres communes du Cap Sizun avec leurs enfants (dont certains nés à Goulien). Actuellement, les demandes excèdent l’offre, imitant à poursuivre cette politique. D’autres néo-résidents – 33 originaires de la région, neuf autres d’origine extérieure à la Bretagne, ont soit loué soit acheté des logements vides, soit fait construire ici des maisons neuves.
13Il est probable que ce mouvement va se poursuivre dans les années à venir, malgré le frein à l’installation de jeunes couples que constitue l’absence d’école communale pour les enfants en âge d’aller en maternelle ou dans les petites classes du primaire – absence que ne compense pas à ces âges l’existence de transports scolaires organisés sur tout le Cap Sizun. Néanmoins, l’augmentation du nombre de ces néo-résidents devrait permettre un ralentissement voire un arrêt de la baisse de la population, ce qui est important pour assurer à la commune les moyens de conserver le dynamisme qui lui est nécessaire ; et tous contribuent à la conservation, voire à l’amélioration de l’habitat, ce qui est très important pour l’image de la commune aussi bien à l’égard des visiteurs que des habitants eux-mêmes.
14Quelques-uns de ces résidents « étrangers », qu’ils soient résidents secondaires ou néo-résidents, ne sont pas indifférents à ce qui se passe à Goulien : beaucoup d’entre eux, par exemple, sont venus figurer sur la « photo de l’an 2000 ». Si leur proportion devait s’accroître au-delà d’un certain seuil sans qu’un effort soit fait de part et d’autre pour qu’ils participent à la vie de la communauté, tandis que se poursuivrait l’exode des jeunes générations nées ici, le risque existe cependant de voir se distendre les liens qui maintiennent vivante la vie collective.
L’évolution démographique depuis 1963
15Selon le recensement de 1962, la population de Goulien était de 721 habitants, mais le décompte que j’avais fait moi-même en 1963 avec l’aide du secrétaire de mairie de l’époque, Jean Thalamot, qui connaissait sa commune sur le bout du doigt, ne donnait que 684 habitants effectifs (soit déjà une différence de 37 personnes avec le résultat du recensement). En 1982 le chiffre officiel était tombé à 546 habitants recensés, pour descendre comme on l’a vu à 428 seulement en 1999.
16Si on s’en tient à ces chiffres officiels, on a donc enregistré en 37 ans une baisse de population de 293 habitants (40,64 %), au rythme de 7,92 habitants de moins par an. À titre comparatif, on notera que la baisse de population pendant les 37 années précédentes, de 1926 à 1963, avait été de 321 personnes (30,82 %), au rythme de 8,68 habitants par an. Tout en étant restée plus ou moins du même ordre qu’auparavant, la baisse de population est cependant plus sensible aujourd’hui.
17De 1927 à 1963, il y avait eu 466 naissances pour 478 décès, soit 12 décès de plus que de naissances ; le solde migratoire (c’est-à-dire la différence entre le nombre de personnes venues s’établir dans la commune – par mariage ou autrement – et le nombre de personnes ayant quitté la commune pendant la même période) était donc de 321 moins 12, soit 309 personnes, correspondant à un déficit moyen de 8,35 personnes par an. De 1964 à 1999 il y a eu 185 naissances pour 296 décès, soit 111 décès de plus que de naissances ; le solde migratoire a donc été de 293 moins 111, soit 182 personnes, correspondant à un déficit moyen de 5,2 personnes par an.
18Il existe cependant une différence notable entre les deux périodes : avant 1963, exception faite d’une poignée d’ouvriers agricoles et d’un tout petit nombre d’agriculteurs locataires de leurs termes, la quasi totalité des habitants originaires d’une autre commune étaient venus s’y établir du fait de leur mariage avec une personne native de Goulien. En revanche, on compte actuellement 22 foyers, regroupant au moins 41 personnes, dont le chef de famille et son conjoint éventuel sont nés l’un et l’autre ailleurs qu’à Goulien.
19Du fait de cet apport extérieur, le nombre de foyers à Goulien n’a pas suivi la même courbe descendante que le nombre d’habitants. En 1963, on y comptait en effet 164 foyers. Or, pour l’année 2000, j’en ai comptabilisé 169, soit une légère augmentation. Si on tient compte cependant des 22 nouveaux foyers originaires de l’extérieur de la commune, cela correspond à une diminution du nombre des foyers « indigènes » de 31 unités soit 13 % environ.
20Tous foyers confondus, le nombre moyen de personnes par foyer est tombé à 2,36 – soit une baisse d’environ 44 % par rapport à 1963, où on comptait une moyenne de 4,17 personnes par foyer – à comparer avec les 5,62 personnes que comportaient les 202 foyers dénombrés en 1911. En réalité il y avait dans le passé une assez grande disparité d’une famille à l’autre. En effet, beaucoup de fermes parmi les plus importantes, non seulement réunissaient souvent trois générations sous un même toit, mais elles hébergeaient aussi parfois plusieurs oncles et tantes célibataires, voire un ou deux domestiques, tandis que certains foyers parmi les plus pauvres ne comprenaient que de vieux couples ou des veuves dont les enfants étaient partis travailler en ville. Mais les grandes familles paysannes d’autrefois n’existent plus, et l’on ne rencontre plus aujourd’hui de telles différences entre familles.
Occupation des maisons
21Bien que la densité moyenne à Goulien ne soit plus que de 34,34 hab/km2, alors qu’elle était de 95,10 hab/km2 en 1911, et malgré la baisse démographique – que certains habitants de Goulien ressentent comme un « dépeuplement » – aux yeux d’un observateur extérieur la commune est loin de paraître atteinte de désertification. On n’y a pas comme dans d’autres régions de France la vision désolée de villages entiers devenus quasi déserts et partiellement ruinés, où seuls quelques vieillards isolés s’accrochent encore, sans espoir d’une quelconque renaissance. De fait, j’ai recensé sur la commune la construction entre 1965 et 2000 de 75 maisons nouvelles, dont 59 sont actuellement utilisées comme résidences principales et 15 comme résidences secondaires, une autre restant inoccupée. Il y a bien à Goulien une quinzaine de maisons inoccupées (entre autres au Bourg, à Kervéguen et à Trévern), mais elles sont encore généralement en bon état apparent, et si elles ne sont pas pour l’instant mises en vente ou en location c’est, ou bien parce qu’elles sont encore le domicile théorique de personnes âgées vivant en maison de retraite ou chez un de leurs enfants, ou bien parce que leurs propriétaires non occupants ne se sont pas encore résolus à s’en séparer ; mais je ne crois pas qu’on ait jamais vu de maison mise en vente sur la commune qui n’ait trouvé rapidement acquéreur – tandis que restent insatisfaites les demandes de plusieurs personnes qui souhaiteraient venir s’installer ici.
Pyramide des âges
22Si on compare la pyramide des âges que j’ai établie pour l’an 2000 à partir de la liste nominative des 393 habitants que j’ai pu identifier, dont 388 avec leur année de naissance, avec les pyramides des années 1911 et 1963, on constate que l’évolution amorcée au cours des 52 années séparant ces deux dates s’est poursuivie au cours des 37 années suivantes. La pyramide actuelle a continué à se rétrécir, se transformant en une sorte de colonne marquée par un double renflement, dont l’un est à son maximum avec la tranche des 21-30 ans, et l’autre avec la classe des 61-70 ans, la plus forte de toutes. En effet, la tranche des 0 à 10 ans compte 29 individus (16 filles et 13 garçons) ; celle des 11 à 20 ans en compte 33 (14 filles et 19 garçons) ; celle des 21 à 30 ans en compte 53 (29 femmes et 24 hommes) ; celle des 31 à 40 ans n’en compte plus que 47 (20 femmes et 27 hommes) ; celle des 41 à 50 ans en compte 45 (21 femmes et 24 hommes) ; celle des 51 à 60 ans en compte 42 (26 hommes et 16 femmes) ; celle des 61 à 70 ans en compte à nouveau 63 (31 femmes et 32 hommes) ; celle des 71 à 80 ans redescend à 50 individus (23 femmes et 27 hommes), et celle des 81 à 90 ans n’en compte plus à nouveau que 26 (16 femmes et 6 hommes).
23Si on entre dans les détails en considérant les classes d’âge année par année, on note cependant une grande disparité de l’une à l’autre : pour les jeunes générations, les années les plus creuses sont 1999 (un seul individu représenté), 1997 (un seul), 1992 (un seul), 1991 (aucun), 1988 (un seul) – ce qui peut être interprété soit comme un signe de dénatalité, soit comme le résultat de départs de jeunes couples avec enfants. On constate en effet que sur 53 enfants nés de 1985 à l’an 2000, dans des familles habitant Goulien, deux sont décédés ; les 21 autres ont donc quitté la commune avec leurs parents. On notera aussi que chez les 81-90 ans, les deux années les plus creuses correspondent aux pires moments de la guerre de 1914-1918 à savoir 1916 (aucun individu représenté) et 1917 (un seul).
24Quant aux classes d’âge les mieux fournies, ce sont celles nées en 1981 (neuf individus représentés), en 1973 (huit individus), en 1970 (douze individus) – correspondant à la période où les conditions de vie se sont le plus améliorées à Goulien – ainsi que celles nées en 1934 (neuf individus représentés) et en 1932 (treize individus) – correspondant au milieu de l’entre-deux guerres, un moment où les blessures de la première guerre mondiale commençaient à se cicatriser, et où la menace de la suivante ne se faisait pas encore sentir.
25Les deux personnes les plus âgées présentes sur la liste actuelle sont deux femmes nées en 1910. Un homme âgé de 92 ans ne réside plus dans la commune, ayant été accueilli en maison de retraite. L’existence de telles institutions à proximité de Goulien (à Cléden, à Pont-Croix et à Plouhinec) et le fait que d’autres personnes âgées soient allées vivre chez leurs enfants en dehors de la commune fausse certainement un peu le profil de la pyramide qui, autrement, comporterait une encore plus forte proportion de personnes âgées de plus de 80 ans.
26Toutefois, et bien que la commune ait déjà fêté deux centenaires il y a quelques années, on peut s’étonner de ce que la longévité maximale n’ait pas beaucoup varié depuis 1911, où l’on comptait déjà un homme de 91 ans, tandis que la liste de 1963 comportait une femme de 95 ans. Si la longévité maximale ne s’est guère accrue, on observe néanmoins un relèvement de l’âge moyen des personnes recensées, qui en 1911 était de 34 ans pour les hommes et de 23 ans pour les femmes ; en 1963 de 39 ans pour les hommes et de 42 ans pour les femmes ; et maintenant d’environ 47 ans pour les femmes comme pour les hommes. Même si l’augmentation de l’âge moyen a été en partie causé par la proportion de plus en plus faible d’enfants en bas âge dans la population totale, cette évolution en dit long sur l’amélioration des conditions de vie, par rapport à la dureté du travail et à la situation sanitaire, surtout pour les femmes qui, au début du XXe siècle encore, étaient sans doute prématurément usées par leurs nombreuses maternités, à quoi s’ajoutaient les conditions précaires des accouchements à domicile.
Structure socio-professionnelle
27Faute de pouvoir disposer des données détaillées du recensement, je n’ai pas pu établir un tableau des activités professionnelles exercées à Goulien à la fin de ce siècle aussi complet que je l’avais fait pour les années 60. Cependant, les données partielles que j’ai pu réunir par mes propres moyens sont assez révélatrices de la fin d’une histoire rurale et capiste millénaires. De majoritaires qu’elles étaient, les professions agricoles sont devenues minoritaires, les artisanats ruraux traditionnels ont disparu et il n’y a plus de pêcheurs côtiers exerçant leur métier sur la côte de Goulien ; la marine, d’ailleurs, qu’elle soit de commerce ou d’État, est sensiblement moins représentée qu’autrefois. En revanche, on voit se développer les emplois de service de proximité ainsi que les emplois exercés à l’extérieur de la commune, essentiellement dans l’industrie alimentaire, le commerce, les professions de la santé, les emplois de bureau et les professions libérales.
Professions agricoles et pêche
28En 1963 les « cultivateurs » (c’est-à-dire les exploitants agricoles et les membres de leur famille travaillant sur l’exploitation) représentaient encore plus de 78 % la population active, les 3/4 environ de la population totale et près de la moitié de la population âgée de 21 ans et plus. En l’an 2000, leur proportion est tombée à moins de 11 % des 340 personnes de 18 ans et plus dont j’ai pu identifier l’occupation ou la non activité. Si cependant, pour une meilleure comparaison avec la population agricole du passé (dans laquelle se trouvaient incluses toutes les personnes âgées vivant dans les fermes), on incluait l’ensemble des retraités agricoles que j’ai pu dénombrer, dont beaucoup conservent une activité agricole résiduelle, soit qu’ils la pratiquent pour eux-mêmes, soit qu’ils continuent de donner un « coup de main » à leurs enfants à titre bénévole, on obtiendrait encore un pourcentage de près de 40 % ; mais ce pourcentage va rapidement diminuer au fur et à mesure que cette génération disparaîtra.
29La population agricole de 1963 incluait encore les « domestiques agricoles » attachés à demeure, parfois depuis leur enfance, à la même ferme et les « journaliers agricoles », qui louaient leurs services ici et là, souvent pour une somme minime. Ces derniers ont été remplacé dans une certaine mesure par une main-d’œuvre intérimaire, plus qualifiée et mieux rémunérée mais peu nombreuse, tandis que la catégorie des « domestiques » a définitivement disparu.
30Toujours dans le secteur primaire, les marins pêcheurs qui avaient été relativement nombreux au XIXe siècle n’étaient plus représentés en 1953 que par un petit pêcheur côtier exerçant sa profession avec son propre petit canot qu’il abritait à Toul ar Marc’h Du, entre Beuzec et Goulien. En l’an 2000, cette pêche-là a complètement disparu en tant qu’activité professionnelle, même si plusieurs habitants possèdent des bateaux qu’ils utilisent pour la pêche de loisir.
Commerçants
31Les commerçants et les membres de leurs familles employés dans les sept commerces existant à Goulien en 1963 se sont presque tous retirés, sauf une restauratrice qui emploie, lorsque besoin est, jusqu’à trois personnes (dont deux résidant dans la commune). Couverture en 1995 d’un petit bar-bureau de tabacs permet le maintien d’une autre commerçante parmi les personnes recensées à Goulien, et le rachat en 1999 par la commune de la dernière épicerie du Bourg assure la présence journalière d’un couple de commerçants qui, bien qu’originaires de Goulien, sont cependant recensés à Cléden où ils habitent.
Professions libérales
32Il n’y avait en 1963, personne à Goulien exerçant une profession libérale. Ce n’est plus le cas en l’an 2000 puisqu’on y trouve aujourd’hui un vétérinaire et un agréé en architecture.
Artisans indépendants et salariés locaux non agricoles
33La catégorie des « artisans et salariés locaux non agricoles » pouvait en 1963 être subdivisée en plusieurs sous-catégories :
les auxiliaires de l’agriculture (forgeron/maréchal ferrant, mécanicien, meunier) ;
les travailleurs indépendants du bâtiment et des domaines connexes (maçons, couvreurs, plâtriers, menuisiers, électricien) ;
les travailleuses indépendantes à façon (couturières, tricoteuses) ;
les entrepreneurs de transports.
34La plupart de ces métiers ne sont plus représentés à Goulien : les agriculteurs n’ont plus de chevaux à ferrer et ils font eux-mêmes les petites réparations sur leur matériel agricole, ou font appel aux concessionnaires pour les avaries plus importantes. Dans le domaine de la confection vestimentaire les travailleuses à façon qui produisaient sur commande vêtements et tricots ont dû s’effacer devant la concurrence des magasins et des démarcheurs à domicile. Quant aux transporteurs locaux, ils n’avaient plus de clients – presque tout le monde disposant d’une voiture – et on n’a plus besoin de transporter truies pleines et porcelets à la foire aux bestiaux de Pont-Croix qui a cessé de fonctionner en 1970. Enfin, les travailleurs indépendants du bâtiment, qui œuvraient souvent en petites équipes autogérées, ont été supplantés par les entreprises plus importantes des environs. Seuls subsistent à Goulien deux artisans dont l’activité s’exerce dans le domaine des installations intérieures : menuiserie et installation d’appareils électroménagers.
35Sous la rubrique des « salariés locaux », il faudrait en revanche ajouter une catégorie apparue dans les dernières années, celle des « services à domicile » : aides familiales et aides ménagères (sept cas), coiffeuse à domicile (un cas) – une catégorie susceptible de se développer à l’avenir avec l’augmentation des personnes âgées vivant seules chez elles.
Emplois dans les services collectifs locaux
36La catégorie des « services collectifs » regroupant les personnes dont l’activité, exercée à Goulien, s’adresse à la collectivité (gérante postale, facteur, instituteur, infirmière scolaire, prêtres paroissiaux) s’est bien réduite, mais elle subsiste encore en partie : il n’y a plus d’école et la paroisse n’a plus de prêtre résidant depuis 1984, mais la commune a réussi à conserver une agence postale dont elle rémunère la gérante, de même qu’une secrétaire de mairie et un ouvrier communal. D’autres services sont assurés au niveau de la communauté de communes du Cap Sizun, et un habitant de Goulien est d’ailleurs rémunéré comme employé intercommunal. On pourrait aussi regrouper sous cette rubrique des « services collectifs » (malgré son statut différent, indépendant des structures communales et intercommunales) le personnel employé par la réserve ornithologique de la SEPNB (« Société pour la Protection de la Nature en Bretagne ») dont cependant un seul réside à Goulien en permanence, un autre y ayant une résidence secondaire et un autre habitant Douarnenez.
Emplois extérieurs
37Parmi les habitants permanents de Goulien dont l’activité professionnelle s’exerce essentiellement en dehors de la commune, j’ai relevé les cas suivants :
militaires et employés civils de l’armée, marins d’État : 2 (contre 9 en 1963) ;
marine de commerce, personnel navigant : 5 (contre 12 en 1963) ;
marins-pêcheurs (avec pour port d’attache Audierne ou Guilvinec) : 5 (aucun en 1963) ;
employés ou ouvriers de conserveries ou de biscuiterie : 10 (aucun en 1963) ;
serveuse : 1 (aucune en 1963) ;
vendeur, employés de commerce, caissières : 7 (aucun en 1963) ;
métiers du bâtiment (couvreur, plâtrier) : 3 (ceux existant en 1963 ne dépendaient pas d’une entreprise extérieure) ;
intérimaire : 1 (aucun en 1963) ;
électriciens : 3 (aucun en 1963) ;
chauffeurs (chauffeur routier, chauffeurs de car, chauffeurs livreurs) : 8 (contre 3 en 1963) ;
mécanicien: 1 (aucun en 1963) ;
contrôleur technique auto : 1 (aucun en 1963) ;
mécanicien agricole : 1 (aucun en 1963) ;
employées de maison de retraite : 3 (aucune en 1963) ;
auxiliaires de santé (infirmières, aide soignante, laborantine, préparatrices en pharmacie) : 9 (aucune en 1963) ;
enseignants : 8 (contre 2 en 1963) ;
fonctionnaire territorial : 1 (aucun en 1963) ;
agent EDF : 1 (aucun en 1963) ;
cadre commercial : 1 (aucun en 1963) ;
secrétaire : 1 (aucune en 1963) ;
agent d’assurances : 1 (aucun en 1963) ;
opticiens : 2 (aucun en 1963).
Sans emploi stable
38Cette catégorie comprend deux personnes n’ayant qu’un emploi saisonnier ou occasionnel et une personne bénéficiant d’un « Contrat Emploi Solidarité »1
Non actifs
39Dans la catégorie des « non actifs », j’ai recensé 188 personnes, soit 56 % des personnes de 18 ans et plus dont j’ai pu identifier le statut professionnel. Sur ce nombre, 30 sont ce qu’on peut appeler des non actifs temporaires, soit :
5 jeunes gens effectuant leur service national mais ayant déjà une profession qu’ils devaient retrouver à la fin de leur service ;
3 personnes en recherche d’emploi ;
22 étudiants (10 garçons et 12 filles) dont cinq de 21 à 26 ans, et 17 de 18 à 20 ans.
40Pour le reste, il s’agit de non actifs que l’on peut qualifier de définitifs, comprenant :
16 femmes sans emploi, non retraitées ;
3 personnes en invalidité ;
136 retraités des deux sexes – soit près de 40 % des plus de 21 ans. Cette catégorie ne regroupait en 1963 que 35 personnes. Sur ce total, 65 (32 hommes et 35 femmes) soit près de la moitié sont des agriculteurs à la retraite.
41L’évolution future de la structure socioprofessionnelle de la commune dépendra largement de facteurs extérieurs en rapport avec le développement économique régional, mais également avec l’éducation et la formation professionnelle reçue par les jeunes générations.
Éducation, formation professionnelle et perspectives d’emploi
Le niveau d’éducation des adultes
42En 1963, rares étaient les cas d’adultes résidant dans la commune qui avaient poussé leurs études secondaires au-delà de la 3e et ceux qui l’avaient fait avaient pour la plupart quitté la commune. À titre d’exemple, je citerai le fils d’un gendarme qui avait fait l’École Coloniale et qui exerçait des fonctions d’administrateur dans le Pacifique avec grade de sous-préfet. Plusieurs autres étaient enseignants. Mais déjà dans les années 70 un nombre croissant de jeunes continuaient jusqu’au baccalauréat et au delà ; par exemple, un fils d’agriculteur qui a obtenu le diplôme d’ingénieur de l’École Centrale, qui a été directeur technique adjoint à l’usine de retraitement nucléaire de La Hague, puis directeur international de sa société et qui vient d’être nommé à l’usine de retraitement de Marcoule.
43Aujourd’hui, c’est la majorité des jeunes qui atteignent le niveau du baccalauréat, et beaucoup le dépassent. Bon nombre d’entre eux s’orientent vers l’enseignement : pas mal passent le CAPES2 et il y a eu récemment une admissible à l’École Normale Supérieure. Quelques-uns passent des maîtrises (j’ai rencontré deux jeunes filles qui avaient eu une maîtrise en « aménagement du territoire »). J’ai aussi rencontré plusieurs jeunes adultes – dont une jeune femme dont les parents n’étaient pas agriculteurs – titulaires d’un diplôme d’ingénieur agricole.
La scolarisation
44L’école communale de Goulien, ouverte en 1885, a dû fermer en 1988 faute d’effectifs suffisants. À la fin de l’année scolaire 1987-1988 il restait 22 élèves, qui auraient dû être inscrits pour l’année scolaire suivante à la rentrée de septembre. Mais en apprenant que l’inspection d’académie avait décidé de fermer l’une des deux classes et ne voulant pas que leurs enfants soient scolarisés en classe unique, la plupart des parents concernés ont préféré les inscrire ailleurs. Comme il ne restait plus que cinq élèves inscrits à Goulien, l’inspection d’académie a décidé alors de fermer complètement l’école.
45Une grande partie des personnes rencontrées trouvent cette fermeture très regrettable – certains disent même « catastrophique » pour la commune. « Habiter ici, dit-on, c’est dur pour ceux qui ont des enfants petits ». « Si on avait fait la cité HLM plus tôt, on aurait peut-être eu plus de chances de garder l’école » m’a dit quelqu’un. « Si seulement tous les conseillers municipaux y avaient envoyé leurs enfants – me dit une conseillère municipale appartenant à l’actuelle municipalité (sous laquelle, pourtant, cette fermeture a eu lieu), ça ne serait pas arrivé ». « Tout cela est venu de la concurrence entre public et privé » m’a dit quelqu’un d’autre. « Ceux qui ne souhaitent pas faire subir de longs trajets scolaires à leurs enfants préfèrent, s’ils le peuvent, habiter à Audierne ou Pont-Croix ou tout au moins dans des communes où existe une école de leur choix ». On regrette qu’il ne soit pas resté au moins une maternelle, car cela retient les jeunes couples de s’installer à Goulien. La communauté de communes a bien créé une « halte garderie » itinérante, mais elle concerne, semble-t-il, uniquement les communes de Plogoff, Audierne, Plouhinec, Pont-Croix et Confort-Meilars (donc aucune commune de la partie nord du Cap).
46En fait, depuis longtemps, la majorité des enfants de Goulien ont été scolarisés dans divers établissements privés catholiques des environs. Ceux qui fréquentaient l’école communale venaient surtout, soit de familles de tradition laïque, soit de familles n’ayant pas les moyens de mettre leurs enfants dans le privé. En 1963, les 114 élèves que comptait la commune se trouvaient déjà dispersés dans 27 établissements d’enseignement primaire, secondaire ou professionnel. Actuellement, on recense 48 élèves dans 22 établissements, dont 10 publics et 12 privés, mais la majorité d’entre eux sont dans le secteur privé.
47Un exemple de la diversité et du nombre d’établissements qu’un même élève peut avoir fréquenté au cours de sa scolarité nous est fourni par la liste suivante, concernant les 13 jeunes de 18 à 20 ans (sur 16 appartenant à cette classe d’âge à Goulien) que j’ai interviewés. Le fait que le nombre de cas relevés dépasse, parfois largement, le nombre des jeunes gens interviewés, s’explique parce qu’un certain nombre d’entre eux ont changé d’établissement, parfois plusieurs fois, au cours de leurs études.
– Maternelle (1 établissement, 1 cas):
École confessionnelle : St Joseph de Cléden.
– Primaire (7 établissements, 23 cas):
Écoles laïques : Paul Langevin (Quimper) : 1 cas ; école communale de Goulien (jusqu’à sa fermeture en 1988) : 5 cas.
Écoles confessionnelles : Notre-Dame de Roscudon (Pont-Croix) : 3 cas ; Notre-Dame de la Clarté (Beuzec) : 1 cas ; Ste Anne (Audierne) : 7 cas ; St Joseph (Cléden) : 3 cas ; Christ-Roi (Plogoff) : 3 cas.
– Secondaire, premier cycle (5 établissements, 15 cas):
Collèges laïques : Max Jacob (Quimper) : 1 cas ; collège professionnel de Kerbernez (Plomelin) : 1 cas.
Collèges confessionnels : Notre-Dame de Roscudon (Pont-Croix) : 5 cas ; St Joseph (Audierne) : 8 cas.
– Secondaire, second cycle (11 établissements, 13 cas):
Lycées laïques – d’enseignement technique : Thépot (Quimper) : 1 cas ;: Jean-Marie Le Bris (Douamenez) : 2 cas ; Émile Zola (Hennebont) : 1 cas ; – d’enseignement professionnel : – de Landerneau : 1 cas ; – de Châteaulin : 1 cas.
Lycées confessionnels : St Louis (Châteaulin) : 2 cas ; St Joseph (Audierne) : 1 cas ; Paraclet (Quimper) : 1 cas ; Ste Élisabeth (Douamenez) : 1 cas ; St Biaise : (Douamenez) 1 cas ; Likès (Quimper) : 1 cas.
– Hors cursus secondaire (2 établissements, 2 cas):
Maison Familiale Rurale de Pleyben : 1 cas. École d’infirmières de la Croix-Rouge (Brest) : 1 cas.
48Une telle diversité d’établissements fréquentés implique la nécessité de tout un réseau de ramassage scolaire, ainsi qu’un allongement des temps de transport qui s’ajoutent aux horaires scolaires – déjà assez lourds en France comme on sait. À cela s’ajoutent des problèmes d’organisation dans les familles qui ont des enfants dans des établissements différents. Enfin, si l’on souhaite inscrire ses enfants dans des établissements trop éloignés pour qu’ils puissent faire journellement l’aller et retour, il faut avoir les moyens de payer les mensualités de leur pension. Ce même problème se pose pour la suite des études, que l’on opte pour des études universitaires ou pour une formation professionnelle.
Niveau de formation et aspirations des jeunes
49Les 13 jeunes de 18 à 20 ans que j’ai interviewés – dont la plupart vont encore poursuivre leurs études - ont obtenu pour l’instant les diplômes suivants :
Enseignement général : Baccalauréat
deux titulaires du baccalauréat « économique et social » : l’une (une fille) souhaite continuer vers un DEUG3 de « mathématiques, informatique et statistique appliquées aux sciences sociales » ; elle envisage de s’orienter vers une profession en rapport avec la sociologie ; l’autre (un garçon) pensait suivre une école d’infirmiers car ce métier le tente ; il aimerait travailler d’abord pendant 10 ou 15 ans en hôpital comme infirmier anesthésiste, puis devenir infirmier libéral;
deux titulaires d’un baccalauréat littéraire (deux filles) : l’une admissible à l’École Normale Supérieure prépare le la licence d’anglais et le CAPES ; l’autre prépare un diplôme d’infirmière;
deux titulaires d’un baccalauréat de « comptabilité et gestion » (deux garçons) : tous deux poursuivent vers un BTS4 d’informatique ; l’un d’eux aimerait se lancer avec quelques partenaires dans le commerce par Internet.
Enseignement technique : Brevet de Technicien
(BT – 2 années après la seconde)
un titulaire du BT « Menuiserie et Agencement » a déjà un contrat d’emploi dans une entreprise d’agencement de cuisines de Quimper ;
un titulaire du BT « Sérigraphie » prépare à l’École Nationale des Gobelins un BTS dans la même spécialité ; il a déjà une promesse d’engagement comme imprimeur-sérigraphiste à Pont-l’Abbé ;
un titulaire du BT « Horticulture » s’apprêtait à entrer dans une entreprise d’horticulture de Poullan-sur-Mer près de Douarnenez.
Enseignement professionnel : Brevet d’Études professionnelles
(BEP – 2 années au sortir de la 3e)
une titulaire du BEP « Cuisine » a entrepris une formation complémentaire « Traiteur » et « Pâtisserie-chocolaterie » et espère trouver un emploi dans la restauration ou la pâtisserie;
une titulaire du BEP « Carrières Sanitaires et Sociales » se prépare au concours d’aide-soignante, métier qu’elle souhaite exercer car elle aime les contacts humains ;
une titulaire du BEP « Vendeuse » a déjà un emploi dans un café de Beuzec.
Enseignement agricole : Brevet d’Études Professionnelles Agricoles
(BEPA – 2 années au sortir de la 3e)
- un titulaire du BEPA poursuit vers le Brevet de Technicien Agricole ; plus tard, il souhaiterait pouvoir s’installer comme agriculteur, bien que ses parents ne le soient pas (dans cette classe d’âge, il y en a un autre, que je n’ai pas pu interviewer et qui devrait prendre la suite de son père à Goulien).
Les perspectives d’emploi et leurs conséquences démographiques
50Il est intéressant, bien que pas trop étonnant, de remarquer que les souhaits professionnels qu’expriment les jeunes interrogés ci-dessus ont, en moyenne, d’autant plus de chances de pouvoir être réalisés à proximité de Goulien que leurs études auront été moins prolongées au-delà de la classe de troisième. C’est ainsi que les quatre titulaires de BEPA et de BEP peuvent espérer (même s’il n’est pas certain qu’ils l’obtiennent) trouver du travail à Goulien ou dans une des communes limitrophes en zone rurale ; les trois titulaires de BT ont tous des promesses d’engagement dans un rayon de 35 kilomètres ; quant aux six titulaires du baccalauréat, ils se partagent entre ceux dont les ambitions professionnelles pourraient éventuellement s’exercer dans le cadre régional ou départemental (enseignement, professions de santé), ceux que leur choix professionnel pourrait amener à s’éloigner davantage (gestion, informatique) et celle qui devra le plus probablement chercher un emploi, loin du Cap, dans une profession en rapport avec la sociologie. On peut donc pronostiquer que seule une partie de ces jeunes pourront continuer à habiter Goulien, qui deviendra de moins en moins un lieu de travail, et qui sera de moins en moins marqué par la ruralité.
51Comment ces jeunes perçoivent-ils cela ? D’une part, ils ne s’inquiètent pas trop en ce qui concerne leur possibilité de trouver un emploi :
EH (une fille de 19 ans) : « Moi, ça ne m’inquiète pas trop ; ceux qui cherchent du travail en trouvent. J’accepte la situation avec philosophie ». VQ (un garçon de 19 ans) : « Moi et mes copains, on est assez optimistes ; on ne craint pas trop le chômage ». RL (un garçon de 20 ans) : « Je n’ai pas peur de l’avenir : je sais que je me débrouillerai dans la vie active ».
52Mais d’autre part, ils sont bien conscients de la difficulté qu’il y a à rester sur place faute de pouvoir y trouver un emploi adéquat, sauf pour ceux, de moins en moins nombreux, qui choisissent la profession agricole :
GN (un garçon de 18 ans) : « Mes copains fils d’agriculteurs ont déjà une orientation, pas forcément la même que leurs parents. Ils ne craignent pas le chômage ; ils trouveront toujours du travail » ; HF (un garçon de 19 ans) : « C’est devenu difficile de trouver un emploi [à proximité] ; c’est un problème nouveau depuis 20-25 ans. Autrefois, il n’y avait pas de problème : la plupart devenaient agriculteurs, comme leurs parents. Là il faut chercher ; aucun des jeunes que je fréquente n’est tenté de prendre la suite de son père. Moi, ce qui me peine, c’est l’urbanisation, et qu’on quitte les campagnes pour aller travailler ailleurs ». PS (une fille de 20 ans) : « Beaucoup de jeunes quittent les zones rurales à cause de l’isolement, du manque de distractions ». FQ (une fille de 18 ans) : « On se demande si on ne va pas être remplacés par des machines ; est-ce qu’on ne devra pas rester tous à la maison à ne rien faire ; moi je m’ennuierais. Ceux qui se préparent à une profession agricole et dont les parents ne sont pas agriculteurs se demandant comment ils vont faire pour s’installer ».
53On peut supposer que les prochaines années verront une poursuite des tendances relevées en début de ce chapitre, à savoir : un vieillissement de la population, accru par le retour de retraités ayant mené leur vie active hors de la commune, et un taux toujours décroissant du renouvellement endogène des générations, lequel ne pourrait être freiné, quoique très partiellement, que par l’installation de jeunes couples avec enfants ; mais ces enfants eux-mêmes ne seraient en mesure d’assurer plus tard leur propre renouvellement qu’à la condition, difficile à remplir, qu’une bonne partie d’entre eux puissent rester sur place une fois parvenus à l’âge adulte. Or, compte tenu du niveau d’études auquel parviennent de plus en plus de jeunes Capistes, cela ne saurait être envisagé que si se développaient notablement, au niveau local (Cap Sizun proprement dit et région de Douarnenez) des possibilités d’emploi de plus haut niveau et plus rémunératrices qu’actuellement – ce qu’il est encore difficile d’imaginer en l’état actuel des choses.
54Toutefois, l’amélioration des liaisons routières avec d’autres centres économiques du département et les développements possibles de nouvelles formes d’activités pouvant être exercées sur place – via l’Internet par exemple, mais aussi selon des modalités dont nous n’avons peut-être pas encore idée – pourraient changer les données du problème de façon inattendue.
55Ce qui paraît en tout cas certain, c’est que même si l’on peut s’attendre à ce que l’agriculture restera présente dans le paysage et dans l’économie de Goulien, elle sera de moins en moins l’activité socialement dominante qu’elle a été jusqu’à une époque récente.
Notes de bas de page
1 Contrat d’emploi temporaire pour chômeurs ou pour bénéficiaires du « Revenu Minimum d’Insertion ».
2 Certificat d’Aptitude à l’Enseignement Secondaire, obtenu sur concours ouvert aux titulaires d’une licence et donnant accès au corps des professeurs certifiés de l’enseignement secondaire.
3 Diplôme d’Études Universitaires Générales : deux années après le baccalauréat.
4 Brevet de Technicien Supérieur, deux années d’études générales et technologiques après le baccalauréat.
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