1789-1799. Un chanoine sans chapitre, désemparé face à la Révolution
p. 465-589
Texte intégral
L’année 1789
Mort de la fille de Mme de la Crochardière
1Le 2 janvier 1789, la fille de Mme de la Crochardière, âgée de 6 ans, est morte d’une enquilausie1 ; c’étoit une fille unique, qui promettoit beaucoup et que le père et la mère regrettent beaucoup. Ils demeurent dans la rue des chanoines, dans la maison que tient Mr l’abbé de St Chereau, leur parent2. Elle a été enterrée au grand Cimetière, par un chanoine, Mr l’abbé Roman, chanoine serve ; il y avoit tout le bas cœur de la cathédralle. Il y avoit un luminaire honneste pour un enfans.
Prise de possession du Canonicat de Mr Jupin, par permutation avec Mr de la Boessière
2Le lundy 5 janvier 1789, Mr Jupin, Vicaire de la paroisse du Pré, a pris possession, du Canonicat vacant par la mort de Mr de Vilbalet, que Mr l’Evesque avoit donné à Mr de la Boessière et dont il n’avoit pas pris possession depuis plus de 18 mois3.
Froid et dégel
3Le dégel, après plus de deux mois de froid, a commencé le mardy 13 janvier ; la neige a été sur la terre depuis le 5 décembre 1788. Le froid a été on ne peut pas plus fort et il y a eu une grande misère ; mais les pauvres ont été bien soulagés par le bureau de charité4. Malgré cela, les pauvres et les ouvriers pauvres ont été piller et rompre les bois des environs de la Ville, surtout les sapins5.
Mort de Mr Godard d’Assé
4Le 19 janvier 1789, Mr Godard d’Assé est mort âgé d’environ 72 ans6 ; il avoit épousé une demoiselle Du Verger, sœur de Mr de Forbonnois. Il en a eu trois filles, dont une, morte sans enfans, avoit épousé Mr de la Rozelle, Lieutenant particulier7 ; une autre avoit épousé Mr Le Prince l’ainé, qui n’a poins d’enfans8, et la dernière, je crois, avoit épousé Mr Le Feubvre, Conseiller au Présidial, qui est mort ; il y a trois enfans. Mme Godard d’Assé vit ; il demeuroit paroisse de St Vincent, dans une maison à luy.
Feu de chés Mme Maulny et Mr de Létang, et mort de Mr Maulny
5Le 23 janvier 1789, au matin, le feu a pris chés Mr Maulny, Garde du Roy ; il est constant que c’est luy-même qui a mis le feu. Depuis 15 jours, il avoit donné preuves de folie ; il avoit été saigné deux fois dans un jour, et la deuxième saignée, le sang ne venoit presque plus. Depuis ce temps-là, il étoit plus tranquille. Le vendredy au soir, après avoir soupé très tranquillement avec sa femme et Mr de Létang, son beau-frère, il dit qu’il alloit se coucher, se portant bien, et bien tranquillement. Sur les quatre heures, il se leva avec une lumière qu’il prist, en disant à sa garde, qu’il dessendoit pour ses besoins. Il fut dans l’écurie9, monta par l’abbatfoin, y mist le feu et il brusla luy-mesme. Malgré la vigilance du Régiment qui travailla beaucoup, tous les bâtiments qui donnent sur la rue de la Maison que Mme de Létang tient à vie ont été brulés, ainsi que tous les bâtiments des écuries, des remises de Mme Maulny et les bûchers. Cela n’a pas été plus loing. Il pourra y avoir de perte, pour cinq ou six mille livres, le tout au dépend de la succession de Mr Maulny, en faisant des formalités ordinaires.
Débordement de la Loire
6Depuis le 18 janvier 1789, jusqu’au 30 suivant, le débordement de la Loire a fait des ravages incroyables, depuis Orléans jusqu’à Tours. Le beau pont de Tours est rompu ; il y a 5 arches qu’il faudra refaire et probablement tout le pont10. On a été obligé de couper la levée dans plusieurs endroits ; il y a sept lieues de pays, et d’un excellent terrain qui sont perdu sans ressource. C’est une perte immense pour tout ce pays-là11.
Mort de Mr le marquis de Fontenay
7Mr de Fontenay père, âgé de 79 ans au moins, est mort à sa terre de Montreuil près Lucé12 ; il étoit très infirme et très gouteux ; il avoit une humeur aux jambes qui écouloit abondamment. Il avoit été Capitaine de Dragons dans le Régiment de Custine ; il s’étoit retiré avec la Croix de St Louis et sa pension. Il avoit donné sa compaignie à Mr son fils ainé qui luy-même vient de se retirer avec la Croix et le brevet de Lieutenant-Colonel ; il a un fils qui sert, mais si délicat qu’on craint pour la poitrine. Il y a en outre deux autres enfans, savoir : Mr le Chevallier qui est Capitaine d’Artillerie ; il est marié et a des enfans ; il avoit épousé une demoiselle où il étoit en garnison, qui n’étoit pas riche. Le dernier sert dans le même Régiment que Mr son frère ainé quitte ; il y a bien du bien dans la Maison, mais l’ainé en emporte les deux tiers suivant l’usage. Mr de Fontenay est mort à sa terre13.
Mort de Mlle Du Gage
8Le 9 février 1789, Mme Bertelot du Gage a été enterrée au grand Cimetière, suivant l’usage de la paroisse14. Elle est morte de la poitrine ; elle étoit l’ainée de cinq sœurs qui demeurent chés Mr leur frère, chanoine. C’est Mr l’abbé Huet, chanoine, qui a fait la cérémonie dans la chapelle des Ardents, suivant l’usage ; il y avoit un très modique luminaire. C’étoient 5 pauvres filles de l’Hopital, en blanc, qui portoient le seau et les cierges. C’est une très bonne maison de Rennes, mais peu riche.
Mort de Mr le Curé d’Etival, près Le Mans
9Le 4 février 1789, Mr Pérou, Curé d’Etival près Le Mans, est mort subitement ; il avoit 69 ans. C’étoit un bien honneste homme ; il avoit une nombreuse famille. Mr son neveu, portant le même nom, étoit allé au Mont St Michel pour demander la Cure, avec des Lettres de recommandation, mais il n’a rien eu. C’est le neveu de Mr le Prieur dudit St Michel, qui l’a eu.
Couche de Mme de Lhermitte
10Le 22 février 1789, Mme de Lhermitte, qui étoit une Demoiselle de Montaupin, est accouchée d’un garçon ; c’est Mr son beau-frère et sa sœur qui ont nommé l’enfans. Elle est accouchée dans la maison, près le puits de Quatre roues, que nous avions vendue à son père. Mlle de Montaupin a épousé Mr de Lhermitte, le 1er may dernier15.
11[note] Mr de Lhermitte qui étoit un officier pour les chouans, a été massacré à St Denis d’Orques, en revenant de Rennes avec le Général Geslin, par les bleus ; on les a beaucoup regrettés. C’étoient deux bons officiers, interressants pour le party des chouans16.
Différentes assemblées pour les Etats-Généraux
12Dans les premiers jours de mars 1789, les Assemblées des Différents Corps de Métier, des différentes Juridictions, et du Tiers-Etat et des paroisses de la Ville et de la Campaigne, ont commencé, mais la grande Assemblée n’aura lieu que le 16 de mars. Le chapitre s’est assemblé le 9 au matin, et nous avons nommé…17.
Mort de Mme de Jouye des Roches
13Le 4 mars 1789, Mme de Jouis, femme de Mr le Lieutenant-Général, est morte, âgée de 23 ans, d’une maladie de nerfs et d’échaufaison. Elle laisse un enfans ; elle s’appelloit Mlle Le Goué de la Favrie, dont le père étoit Notaire à Conlie. Il ne fait plus cet état, il est riche, et elle étoit enfans unique. Il18 avoit épousé cette jeune personne malgré ses parents, c’est-à-dire malgré ses sœurs et tante qu’il ne voyoit point depuis ce temps-là. Il avoit achetté la charge de Lieutenant-Général, cela leur avoit occasionnés de prendre un Carosse et de faire beaucoup de dépenses qui les ont ruinés. Il va quitter le carrosse et diminuer son grand train et se mettre en pension chés Mr des Roches, son père. Il y avoit un grand enterrement ; les Capucins y étoient, ainsi que toutes les Communautés qui vont ordinairement aux enterrements19.
Prédicateur du Caresme
14C’est un Cordelier qui presche le Caresme ; il est bon. C’est un Franc-Comtois.
Voyage de Paris
15Le 15 avril 1789, je suis party pour Paris, avec mon frère, mon neveu l’ainé et Henriette Nepveu qui est la dernière des enfans de mon frère, qu’il alloit mener à St Cir20. Mon frère est allé dans sa voiture avec trois chevaux qu’il a gardés à Paris pendant que nous y avons été. Nous avons été loger chés Mlle Courcelles, tous les quatre, Rue du petit Musc, vis-à-vis la rue des trois-pistollets, N° 17 quartier St Paul21. Mon frère a fait ce qui étoit nécessaire pour les papiers et il a eu son certificat de Mr d’Ormesson, sans lequel on ne recevroit pas aucun enfans. Nous avons été coucher le samedy 25 may22, et, en arrivant, nous sommes allé conduire l’enfans à St Cir, où Mme de Cressy, Maitresse des Pensionnaires au nombre de 250, est venu pour recevoir le certificat de Mr d’Ormesson23. Après l’avoir lu, elle a fait entrer l’enfans et tout aussitost elle a été habillée ; on a rendu tous les vêtements avec lesquels l’enfans était venu. C’est une très belle maison, où l’on élève supérieurement bien ; il y a de toutte sortes de maitresses. Elle y restera dix ans, après quoy on les renvoie chés leurs parents qui viennent les chercher24.
16Le lendemain Dimanche, 3 may, nous avons été à Versailles, où j’ay vu ce superbe château, pendant que le Roy étoit à Vespres, nous avons vu tous les appartements du Roy25. Nous avons retourné à Paris jusqu’au 7 may, que nous en sommes party pour revenir au Mans et par la même route. En venant, nous avons vu le château de Maintenon, celuy de Rambouillet, qui est au Roy, où il y a des choses superbes. Pendant notre séjour à Paris, il y a eu une révolte considérable ; il y a eu environ 500 personnes tant morts que blessés. C’étoit venu à l’occasion d’un Mr Réveillon à qui on avoit fait dire, dans l’assemblée de Paris pour nommer des Députés, qu’un ouvrier pouroit bien vivre avec 15 sols26. Tous les ouvriers se sont révoltés et ont été tout briser chés luy et chés un particulier salpestrier27, son amy. On disoit que cette révolte étoit soufflée par différents particuliers28 ; on a fait venir trois Régiment qui ont fait impression, et tout étoit tranquille quand nous sommes partis29. Le rentrée des Etats-Généraux s’est faite le lundy 4 may ; c’étoit une belle cérémonie où il y avoit un monde infiny. Mr l’Archevesque avoit ordonné les quarante heures. Il y auroit bien des choses à dire sur ces Etats-Généraux dont il y aura des relations plus exactes que tout ce que je pourrois écrire30.
Couche de Mme Savare
17Le 18 avril 1789, Mme Savare, belle-sœur du chanoine, est accouchée de deux filles qui vivent31. Mme Savare est une Demoiselle Lubin, de Blois, niepce de Mr Sellier, chanoine et Grand Pénitencier, qui l’étoit autrefois ; depuis qu’il est paralitique, c’est Mr Jupin, dernier chanoine admis.
Ouverture des Etats-Généraux
18Le 27 avril 1789, par le Mandement de Mr l’Evesque du Mans, on a chanté une Grande Messe pour l’ouverture des Etats-Généraux ; on a sonné la veille, et on a chanté une grande Messe. Touttes les Compaignies y étoient, comme d’usage, en pareille cérémonie. On trouvera tout cela dans le livre des Affiches du Mans pour l’année 178932. J’étois à Paris dans ce moment-là.
Prise de possession de l’archidiaconné de Passais
19Le 27 avril 1789, Mr du Bourneuf de la Fontaine, chanoine, a pris possession de l’Archidiaconné de Passais, que luy a résigné Mr Bazoge, son parent, qui est infirme. On peut voir l’âge des deux sur mon livre de recette de mon Canonicat33. Il ne pouvoit mieux faire que de donner son Archidiaconné à Mr du Bourneuf, qui est de très bonne Maison, mais très pauvre ; il a plusieurs sœurs qui ont besoin de luy34.
Mariage de Mlle Trotté de la Bouverie
20Mlle Trotté, fille de Mr Trotté de la Bouverie, Avocat au Mans, a épousé Mr Duval de Bassecour, officier, qui est déjà d’un certain âge, et elle peut avoir environ 36 ans. Elle sera riche depuis la mort d’un frère qui étoit un mauvais sujet ; elle a encor un frère, curé de St Pierre des Bois35. Le Mr marié ne sera pas riche, mais on en dit beaucoup de bien ; il doit avoir bientost la Croix de St Louis. Ils demeureront au Mans, chés Mr et Mme Trotté.
Mort de Mme de Feumusson
21Le 2 may 1789, Madame de Feumusson est morte, âgée de 34 ans, après avoir été malade 65 jours sans vouloir rien prendre que de l’eau, et encor elle la rejettoit avec des efforts affreux ; elle étoit très grosse et grasse. Elle ne laisse point d’enfans. C’étoit une femme très gaye et honneste ; elle aimoit la dépense. Elle avoit encor ses père et mère qui n’avoient point d’autres enfans. C’étoit Mr et Mme de La Tour, qui demeurent à Beaugé ; ils sont très riches et ne sont pas encor agés36.
Etats Généraux
22Je ne dis rien des Etats Généraux : les papiers publics en disent asses37.
Couche de Mme Lambert
23Le 28 juin 1789, Mme Lambert est accouchée bien heureusement d’une fille. C’est Mr....
Mort de Mr Larsonneau, Avocat
24Le 4 juillet 1789, Mr Larsonneau, avocat au Mans, est mort subitement ; il étoit encor jeune. Il a un fils qui est déjà grand, qui est à Paris.
Couche de Mme Pottier de la Morandière
25Le 5 juillet 1789, Mme de la Morandière, autrement Mme Pottier, dont le mary est teinturier, demeurant à St Jean, est accouchée d’une fille. Mme de la Morandière est une Demoiselle Lubin, petite niepce de Mr Sellier, chanoine et Pénitencier de St Julien. Mr et Mme Lubin sont de Blois ; il est, je crois, Receveur des Tailles à Blois. Ils ne sont pas riches. Sa sœur, Mlle Lubin, a épousé Mr Savare, bourgeois, frère du chanoine de St Julien, qui a fait ce mariage et chés qui ils demeurent38.
Mort de Mme de la Morandière
26Cette Dame Pottier ou de la Morandière, est morte ; elle ne laisse que son dernier enfans, elle n’avoit que 22 ans. C’est comme un transport dont elle est morte, chés elle, paroisse du Pré, le 20 juillet 1789.
Révolte et établissement d’une Milice bourgeoise
27Le dimanche 19 juillet 1789, il y a eu une révolte au Mans, contre Mr Guilly, Lieutenant de la Mareschaussée au Mans et cela pour très peu de chose. Plusieurs jeunes gens, ayant sû que les habitans de Paris avoient pris la cocarde blanche et bleue et ayant vu plusieurs personnes qui arrivoient de Paris par la diligence, avoient pris aussi la cocarde, entre autres le fils de Mr Le Vasseur39. Le Sammedy, Mr Guilly rencontra ce jeune homme et sa cocarde ; il luy ordonna de la quitter et le menaça de le faire mettre en prison. Ce jeune homme dit cela à plusieurs jeunes gens qui, le lendemain Dimanche, prirent la cocarde40. Sur les midy, Mr de Guilly vint sur la place des Jacobins où il y avoit beaucoup de monde, et tout le Régiment qui se disposoit à aller à la Messe, suivant l’usage. Quand on apperçut Mr de Guilly, on se mit à le huer, et le nombre de jeunes gens augmenta. Il se mit dans les rangs du Régiment et l’on continua ; il fut à la Messe avec les Officiers. Après la Messe, ils recommencèrent41 ; le Régiment s’en fut, ainsi que la garde ; Mr de Guilly resta avec quelques officiers, et Mr de Rouillon qui voulut le remmener. La fureur des personnes augmenta au point qu’il reçut plusieurs coups de bâton ; il fut obligé, ainsi que Mr de Rouillon, d’entrer chés un Libraire, nommé le sieur Cherrier qui demeure au haut du Pont-Neuf. Là, Mr de Rouillon, Major du Régiment, voulut haranguer cette populace mutinée, et luy, Mr de Guilly, voulut s’excuser ; on luy dit mille sottises et ils demandèrent qu’on fit sortir les prisonniers, savoir ceux qui étoient pour du bois, pour les bleds, et les mendians. Il dit qu’il n’en étoit pas le maistre et demanda à en parler à Mr le Comte de Valence, Colonel du Régiment42 ; on voulut bien le luy accorder.
28On le mena chés Mr de Valence qui demeuroit au puits de Quatre Roues, au milieu de plus de 500 personnes, qui le suivoient et dont quelques-uns le tenoient par son habit ; Mr de Rouillon le suivit partout. Une fois arrivé, et après avoir parlé avec Mr de Valence qui dessendit et qui, pour se faire entendre, fut obligé de monter sur sa voiture, et là il dit : « Messieurs43, soyés tranquilles, on va relacher les prisonniers que vous demandés. » Ils voulurent que Mr de Guilly donnast un billet pour le geôlier ; Mr de Valence y fut luy-même, et comme il y avoit des hommes pour vol de bois, Mr de Blanchardon et son Procureur du Roy, furent obligés d’y aller aussi, mais sans qu’on leur dit rien44. Mr de Guilly resta chés Mr de Valence au diner, et après le diner, fut obligé de s’en aller par les derrières. Cela un peu appaisé, Mr le Maire de Ville assembla Mrs les Administrateurs de la Ville et demanda qu’on établit une patrouille bourgeoise. Mr le Comte de Clermont, qui est au Mans comme Inspecteur des Dragons, se trouva à l’Assemblée de l’Hotel de Ville, ainsi que Mr le Comte de Valance. Il y eust bientost 600 hommes qui se firent inscrire, dont une partie sont des marchands et autres. Il y eust des anciens officiers chevalliers de St Louis, qui se présentèrent, comme Mr de Grandval et autres ; le Corps de Garde fut à l’Hotel de Ville.
29Le samedy 18, Mr le Marquis de Vassé et Mr de Montesson l’ainé devoient arriver, et à la dernière poste, à Savigné, on les reconnut ; le peuple les maltraitta et rompit leur voiture par morceaux. On leur conseilla de ne pas venir au Mans, et ils s’en sont retourné. La troupe ou Milice bourgeoise, va bien, et jour et nuit il y a une patrouille bien en règle. Le lendemain lundy, il y eut des gens de la campaigne qui s’assembloient dans le dessein d’aller piller chés Mr de Fondville, Receveur des Tailles, qui est généralement aimé et qui mérite de l’estre. Il ne fait jamais de peine à personne pour ce qui regarde la partie des tailles, du sel, et des dixièmes et deniers dont il est chargé ; malgré cela, si l’on n’avoit pas prévenu cela, il auroit pu arriver malheur ; ils auroient fait la même chose chés Mr des Arremants, Directeur des Aides.
30Cette malheureuse indépendance du peuple mutiné est égalle dans tout le Royaume ; à Rouen, il y a eu aussi des révoltes considérables, à Angers et à Allençon, aussi dimanche. Ils ne veulent point payer aucune entrée ; les fermiers qui apportent des provisions au Mans, refusent de payer et l’on ne fait point de difficultés dans ce moment45.
Assemblée de la Noblesse46
31Le lundy 20 juillet 1789, il y a eu une Assemblée de la Noblesse pour demander des pouvoirs plus étendus à Mrs leurs Députés. Ils les ont donnés, les plus étendus possibles, et en outre ils ont nommé cinq suppléans, en cas de mort ou de maladie, savoir Mr le Comte de Praslin, Mr le Comte de Broc, Mr le marquis de Vennevelles, Mr … L’assemblée n’a duré qu’une matinée ; ils étoient au nombre de cent. Mr le Sénéchal y présidoit.
Mort de Mr Trotté
32Mr Trotté, l’avocat, est mort comme subitement ; il laisse sa femme et deux enfans. Mlle Trotté a épousé Mr Le Houx, médecin ; c’étoit un bon mariage, pour la fortune seulement. Il y a un garçon qui ne fait rien ; il sera riche. Il a été enterré le mardy 14 juillet 1789 ; il demeuroit paroisse de St Nicolas.
Emeute
33Il y a eu une Révolution généralle dans tout le Royaume, dans le mois de may47 et suivant. Voir les papiers publics de ce temps.
Mort de Mr Cureau et de Mr de Montesson le cadet
34Le Jeudy matin, entre dix et onse heures du matin, Mr Cureau, Lieutenant de la Ville du Mans, et Mr le Comte de Montesson ont été massacrés et assassinés par une populace effrénée et barbare, et voici le fait48. Mr Cureau, sachant que le mauvais peuple luy en vouloit, prétendant qu’il faisoit commerce de bled, (ce qui étoit faux), prist le party de partir la nuit du Dimanche au Lundy pour aller à la terre de Nouans, qui appartient à Mr Buttet, neveu de Mr Cureau, qui est en Angleterre, dont il a la procuration. Il s’étoit retiré dans ce château, pour estre ignoré ; il n’est éloigné de Ballon que de cinq quarts de lieues. Il est malheureusement arrivé qu’il y a eu une fausse allarme dans ce canton, ainsi qu’au Mans, Nogent-le-Rotrou, la Ferté-Bernard, Bonnétable et tous les environs de deux lieues à la ronde, on sonnoit le tocsin partout. Au soleil levant, on vint dire à Mr Cureau, qu’on alloit sonner le tocsin pour faire avertir tout le monde de se rendre à Nouans et de prendre les armes pour le défendre. Le bruit couroit qu’il y avoit plus de 4 000 brigands qui étoient répandu pour piller et mettre partout à feu et à sang. Mr Cureau leur représenta que c’étoit un faux bruit et qu’il ne falloit pas mettre l’alarme sans fondement, et il ne voulut pas qu’on sonnast le tocsin. Tout ce peuple, qui s’amassoit de touttes parts, murmuroit et enfin se mit à jurer après luy et comme il leur parloit de ses croisées, ils luy dirent, en jurant, que s’il ne sortoit pas, ils alloient mettre le feu chés luy. Il céda et vint leur parler. Pendant ce temps, il vint d’autres paroisses voisines, qui venoient là pour aller au-devant des prétendus brigands ; quelques-uns luy dirent que c’étoit luy qui étoit la cause de ce qu’ils mangeoient le pain aussi cher. Il n’en falloit pas davantage pour le rendre odieux et vouloir le faire périr. Mr de Montesson, qui venoit d’arriver avec Mme son épouse et ses deux enfans, voulut parler en faveur de son beau père ; ils luy dirent qu’il étoit aussi coupable et que c’étoit son frère, le Député, qui étoit à Paris, qui étoit la cause de tous les malheurs, et ils le trainèrent avec Mr Cureau ; pendant tout le chemin, ils leur disoient mille invectives. Arrivés à Ballon, ils les firent mettre, en jurant, dans la place du Marché. Ils offrirent toutte leur fortune pour avoir leur vie, et, auparavant cette dernière proposition, Mr Cureau offrit 50 000 # pour donner à leur Hopital qui n’est pas riche ; rien ne put les toucher. Mr de Guiberd, qui étoit aux environs, accourut et parla à ces forcenés dont il ne put rien gangner et même on luy dit que s’il ne se retiroit, on luy en feroit autant, et il fut obligé de se retirer après avoir fait tout ce qu’il avoit pu. Un commis à cheval voulut aussi parler : on luy en dit autant. On commença par donner un coup de volant, sur le front de Mr Cureau, qui luy fit tomber la peau sur le bas du visage ; il la relava encor pour voir ses bourreaux. Ils tombèrent sur luy à coups redoublés et le tuèrent et avant qu’il expirast, ils l’achevèrent à coup de fusil et luy coupèrent la teste qu’ils mirent au haut d’une fourche, pour la faire voir au public. Après ces horreurs, ils vinrent achever leur rage contre Mr de Montesson. Ils luy donnèrent plusieurs coups de bâton et le tuèrent à coups de pistollets et de fusils et ils en firent tout autant pour la teste49. Après ces horreurs, ils forcèrent plusieurs des fermiers de Mr Cureau et plusieurs autres bons fermiers, de tirer sur les corps morts ; ils les laissèrent sur la place et furent boire. Le lendemain, Mr le Curé de Ballon leur donna la sépulture ; Mr Cureau pouvoit avoir 63 ans. Mme Cureau a resté à Nouans dans la crainte qu’on y vint la tuer ou mettre le feu au château. Mr Cureau laisse Mme de Montesson qui a aussi deux enfans dont un garçon âgé d’environ cinq ans et une demoiselle, d’environ quatre ans. Mr Cureau a aussi deux enfans dont un garçon, âgé de 28 ans, qui devoit avoir une des charges de Receveur des Tailles, et Mme de Montesson. On ne croit pas que ces Dames veulent jamais revenir demeurer au Mans50. On saura, par les papiers publics, tout ce qui s’est passé dans ce temps-ci et même au Mans où, après une frayeur qui a allarmé toutte la Ville, on a établi une Milice bourgeoise qui continue et continuera longtemps encor51.
Mariage de Mlle de la Borde
35Le 28 juillet 1789, Mlle Michelet de la Borde, agée de 34 ans, a épousé Mr Bignon, marchand de bois, qui fait un gros commerce ; il est âgé d’environ 40 ans. Il est assés bien de figure, il a surtout de très bonnes qualités et rendra sûrement Mlle de la Borde heureuse, ce qu’elle mérite à tous égards. Elle est d’une très bonne famille de Montmirail, Diocèse de Chartres ; Mlle sa sœur cadette avoit épousé Mr Sallé, Notaire Apostolique52, homme très respectable. Si cette famille avoit eu bien du bien, elle étoit faite pour faire de meilleurs mariages53. Mme Sallé a quatre enfans dont deux garçons et deux filles ; elle a une sœur ainée qui n’est point mariée, qui demeure à Montmirail, et un frère qui est Commis aux Aides, à Laval. Il a épousé une Demoiselle Blossier, plutost par inclination que par convenance ; il a un enfans.
Couche de Mme Chevallier
36Le 30 juillet 1789, Mme Chevallier, belle-sœur de Mlle de la Borde, à présent Mme Bignon, est accouchée d’un garçon. J’ay nommé l’enfans avec Mme Bignon. Cette cérémonie s’est trouvée deux jours après le mariage de Mlle de la Borde, ce qui a occasionné plus de monde à cette cérémonie. Cette Dame est de la paroisse de St Vincent. Mme Bignon l’a nommé Hippolyte-Pierre-René.
Exécution
37Le lundy 9 aoust 1789, il a été roué vif et condamné à expirer sur la roue, la Ruine, soldat qui avoit assassiné un juif près la Bazoge54. Il a été expédié un lundy, parce qu’on craignoit pour un vendredy ; à cause qu’il se trouvoit beaucoup de monde au Mans tant pour le sel qu’on donnoit par force, et aussi à cause de la révolte des bleds55.
Deputation de Mrs du Comité au chapitre pour la bénédiction des Drapeaux de la Milice Nationnalle du Mans
38Le 10 aoust 1789, Mrs du Comité de l’Hotel de Ville, qui ont été nommés, depuis 15 jours, à l’occasion de tous ces troubles, ont fait demander au Chapitre à dessendre audit chapitre pour faire des demandes à l’occasion de la Bénédiction des Drapeaux56, savoir Mr le Marquis Le Vayer de Vandeuvre, Grand Sénéchal de la Ville du Mans ; Mr Du Perrier, chevallier de St Louis, Mr Parent de Curby, ancien Garde du Corps et Mr … On a placé ces Messieurs à costé de Mr l’abbé Paillé, chantre et Président de la Compaignie ; on a dérogé à l’usage de Mrs les Députés de l’Hotel de Ville, quand ils dessendent au chapitre. On les place ordinairement au-dessous du plus ancien chanoine, du costé droit. On est allé deux chanoines au-devant de ces Messieurs, et deux chanoines jusqu’au hault de l’escalier par lequel on dessend au chapitre ; quand ces Messieurs sont entrés, tous Mrs les chanoines se sont levés et ne se sont assis que quand ces Mrs ont été placés et assis57. Mr Le Vayer, comme Président de Mrs les Députés, a prononcé un petit discours qui étoit très bien. Quoique Mr Paillé ne fut pas prévenu, il leur a répondu en peu de mots. Mrs les Députés ont dit qu’il n’y auroit aucun rang, et que Mrs qui devoient porter la robbe, viendroient sans robbe, et qu’ils se placeroient comme ils entreroient. Après avoir reconduit ces Mrs qui avoient demandé que la cérémonie se fit le dimanche 16, à dix heures et demie et qu’ils prioient qu’on dit une Messe basse après la cérémonie, ces Mrs relevés, on a délibéré qu’on se conformeroit à ce qu’ils demandoient. On a prié Mr Paillé de faire la cérémonie, ce qui est dévolu de droit au Président du chapitre en l’absence de Mr l’Evesque, qui est à Versailles comme Député des Etats-Généraux. On a nommé pour faire les honneurs du cœur à Mrs du Comité et du Régiment de Chartres, Mr du Bourneuf, chanoine et Archidiacre du Passais ; Mr l’abbé de Boisdeffre ; Mr Fay chanoine, et moy.
[entrée sans titre]
39Le dimanche 16 aoust, après la Messe du cœur, à dix heures et demie, sont arrivé plusieurs Compaignies de la Milice Bourgeoise, lesquelles ont été placées dans la nef, sur trois lignes, de chaque costé ; la compaignie de Cavallerie étoit placée du costé de l’orgue. Après, sont arrivés Mrs du Comité au nombre de plus de cinquante, à la teste desquels étoit Mr le Marquis de Favrolles, Grand Sénéchal. Nous avons été au-devant de ces Mrs et nous les avons fait placer dans les stalles qui étoient remplies. Après sont arrivés : Mr de Clermont-Gallerande, Inspecteur des Dragons, qui est icy depuis un mois et qui a un château près La Flèche ; Mr le Comte de Valence ; Mr de la Ferrière, Maire de la Ville, Mr le Boindre l’ainé ; Mr le Comte de Fontenay ; Mr de Curly et plusieurs autres. On avoit placé 5 fauteuils devant le grand Autel, c’est-à-dire au bas de la Marche qui sépare le cœur du sanctuaire ; il y avoit, derrière ces fauteuils, trois rangs de chaises pour y placer des Officiers de la Milice Citoyenne. On avoit placé plusieurs rangs de chaises près la grille, du costé de l’Evesché ; c’étoit pour y placer Mrs les Officiers du Régiment de Chartres Dragons.
40Quand tout le monde a été placé, Mr l’abbé Savare, chanoine, a dit une Messe basse, pendant laquelle on a chanté en musique, le psaume Exaudiat. Après la Messe, Mr Paillé, qui faisoit la cérémonie58, est entré en chappe et avec une étolle, accompaigné d’un Diacre et d’un sous-Diacre ; ils se sont placés au-dessus des Marches vis-à-vis les Mrs qui étoient dans les fauteuils. Il a fait la bénédiction des Drapeaux au nombre de cinq ; il a donné le baiser à chacun de ces Mrs qui portoient les Drapeaux, et ces Mrs les ont donnés après à ceux qui sont nommés pour les porter, et ils les ont pareillement embrassés. Après cette cérémonie, Mr l’abbé Paillé a quitté sa chappe et son étolle et a monté dans une petite chaire qui étoit placée près le pilier, vis-à-vis le petit autel de la Magdelaine, à costé de la grande porte. Il a prononcé son discours qui a duré plus de dix minuttes, qui étoit très bon ; il a été imprimé59, on poura le trouver dans le volume relié des Affiches du Mans pour l’année 1789. Tout le monde a quitté ses places pour aller l’entendre. Après le Discours qui étoit sur la cérémonie et pour le Régiment et la Milice Citoyenne, Mr Paillé reprit la chappe et entonna le Te Deum, qui fut chanté en grande Musique. Après le Te Deum, Mrs du Comité sortirent par la grande porte ; nous fûmes les conduire jusqu’à la porte, ainsi que tous ces Messieurs, et nous restâmes, tous les quatre60, tout le temps que la Milice Citoyenne défila, ils furent déposer les Drapeaux à l’Hotel de Ville. La cérémonie ne finist qu’à une heure.
Te Deum
41Le dimanche 30 aoust 1789, nous avons chanté un Te Deum en grande Musique pour la fameuse ou plutost la séance du quatre de ce mois, où l’on délibéra beaucoup de choses qui n’ont encor aucune force puisque le Roy n’a pas encor donné la dernière sanction ou la force de loy en les signant, et il faut espérer que tout cela n’aura pas lieu. Cependant, on a chanté le Te Deum partout, et Mr l’Evesque a seulement écrit qu’il conseilloit de le chanter. On n’a jamais vu de faire faire des prières publiques sans envoyer un Mandement qui est précédé d’une Lettre du Roy ; mais la Nation l’avoit ordonné, et on a cru qu’il falloit obéir. Le chapitre, assés mal à propos, a envoyé des Députés au Comité représentant la Ville, pour les engager d’y venir, ce qu’ils ont fait, au nombre de 9. A leur teste étoit Mr le Maire de la Ville ; Mrs du Présidial y sont venus et Mr le Sénéchal, les autres Compaignies y sont venus. On n’a jamais vu chanter un Te Deum pour si peu de chose61.
Mariage de Mr de Montulé
42Mr de Montulé, Lieutenant dans le Régiment de…, âgé denviron 25 ans, a épousé Mlle Le Conte, qui demeuroit chés Mlle de Souvray, sa tante62 ; c’est d’une très bonne famille qui demeure à Conlie. Elle a eu 3 000 # de rente, en mariage, et poura encor en avoir autant ; Mr de Montulé est fils unique ; il sera riche. Mr son père avoit épousé Mlle Le Vasseur, du Mans, le 16 avril 176163 ; elle est riche de son costé. Mr son père étoit Gentilhomme de la Perrierre, près Bellesme. Elle a épousé à Conlie où demeure Mr son père, n’ayant plus de mère.
43[note] Mme de Montulé est morte le 10 mars 179864.
Mariage de Mlle Mégicier
44Le 15 septembre 1789, Mlle Mégicier, petite-fille de Mr des Granges, dont la mère est morte, il y a environ 2 ans, a épousé Mr Moreau, Avocat du Roy au Présidial de Tours. Elle est assés riche ; ce Mr Mégicier est aussi de Tours. Son père demeure au Mans, chés Mr des Granges ; il est Elu et digne de l’estre.
Procession généralle et les quarante heures
45Le dimanche 20 septembre 1789, il y a eu une procession généralle où ont assisté touttes les Communautés et Compaignies suivant la manière accoutumée. D’abord, d’après la lettre du Roy à Mrs les Evesques et Archevesques du Royaume où il les invite de faire des prières pour la tranquillité et la paix du Royaume. D’après cela Mr l’Evesque a envoyé un Mandement tout fait, mais comme il étoit trop long, Mrs les Grands Vicaires ont prié Mr l’abbé de Boisdeffre, l’un deux, de le diminuer ; ce qu’il a fait. On poura le trouver dans les volumes des Affiches du Mans de l’année 1789.
46Il a donc été décidé que le samedy, l’on diroit Matine après Vespres et que touttes les Cloches de la Ville sonneroient depuis 5 heures jusqu’à 6. Le dimanche matin, on a dit Prime à sept heures et demie, ensuitte matines à 9 heures. On a commencé la procession par aller a l’Abbaye de la Coulture ; on a chanté les sept psaumes en allant. Les Compaignies y ont assisté, comme à l’ordinaire ; nous y étions en soutane noire et Mrs du Présidial en robbes noires. Mr Le Vayer, Sénéchal, y étoit à la teste du Présidial. Mrs les Officiers du Régiment y étoient, ainsi que tous les Membres du Comité et tous les Officiers de la Milice Citoyenne ; on les a placés dans des chaises près la grille, du costé de l’Evesché. En partant, Mr de la Gaudie, Lieutenant-Colonel du Régiment de Chartres, et Mr Le Boindre, Colonel de la Milice Citoyenne, étoient à la teste, au milieu des deux Compaignies et les autres sans rangs. Arrivés à l’Abbaye de la Coulture, on avoit placé des chaises au bas des marches du cœur de ces Mrs, mais on avoit envoyé une Compaignie de la Milice Citoyenne qui étoit placée devant ces Mrs. Comme il y avoit beaucoup de monde, ces Mrs, savoir, les Compaignies et les Membres du Comité ont été se placer dans les chapelles derrière le Cœur, et l’on a ouvert la grande porte que les soldats de la Garde gardoient, et tout le monde a entré en foule. On a commencé la Messe par l’exposition du St Sacrement sans chant. Mr l’abbé Le Tessier a dit la grande Messe votive du St Sacrement, une messe la etoit sur le livre avec le reste en musique ; il n’y avoit que deux chappes. Comme Mrs les religieux de l’Abbaye de la Coulture n’ont point d’ornement rouge complet, on a envoyé ceux de la Cathédrale avec un Graduel. Il n’y avoit dans le Cœur que Mrs du chapitre de St Pierre, et nous. Après la Messe, Mr le Célébrant a donné la Bénédiction sans chant ; après cela, Mr le sous-chantre, avec deux chanoines, ont entonné les Litainnies du Mercredy des Rogations, qui sont très belles. Nous sommes partys comme nous étions revenus, par la rue de St Julien le Pauvre et par la Halle et la Grande Rue ; la Compaignie de la Milice Citoyenne, qui étoit dans l’Eglise de la Coulture, est venue après touttes les Compaignies. Touttes les Communautés sont venu conduire la procession, excepté Mrs du chapitre de St Pierre qui, suivant l’usage, rentrent chés eux avec la châsse de Ste Scolastique. En rentrant, on a commencé Sexte, et touttes les Compaignies ont repris leur place jusqu’à la fin de l’Office. Nous avons fait une politesse à touttes les Compaignies : Mr Savare et moy, nous nous sommes placés à costé de la grande porte du cœur et nous faisions de grandes révérences et remerciements à tous ces Mrs, à mesure qu’ils défiloient65. Voilà tout ce qui s’est passé à la procession.
47En rentrant, on a exposé le St Sacrement sans chant, et après sexte, Mr le Président du Cœur a fait la garde du St Sacrement pendant une demie heure, comme pendant l’Octave, ainsi de suitte pour tous les chanoines. On a chanté Vespres, comme à l’ordinaire ; on a sonné la Riote depuis 5 heures et demie jusqu’à 7 heures que le Salut a commencé par un répond du St Sacrement, qui étoit le premier jour paratoire, le Miserere, Domine non secundum, chanté par deux enfans de cœur, l’antienne Sub tuum praesidium et le psaume Exaudiat. Le Président du Cœur a dit trois Versets et trois Oraisons et on a voilé le St Sacrement et chacun s’est retiré.
Mariage de Mlle du Valoutin
48Le 27 septembre 1789, Mlle du Valoutin, âgée de 20 ans, a épousé Mr…, dont le père demeure à Beaugé66. Le jeune homme n’a point d’état67.
Mariage de Mr Larçonneau avec Mlle de Foisy
49Le 20 octobre 1789, Mlle de Foisy a épousé Mr Larsonneau, dont le père demeuroit au Mans, près la Vieille Porte ; il étoit Avocat. Mr son fils, qui est riche, ne fait rien.
Couche de Mme Crespon
50Le 1er novembre 1789, Mme Crespon, fille de Mr Chevallier, Receveur du Chapitre, qui a marié sa fille cadette à Mr Crespon, à qui il a donné sa charge de Notaire, est accouchée d’un garçon. C’est Mr Chevallier, père de la commère68, qui a nommé l’enfans, sans doute avec la mère de Mr Crespon69. Il a été baptisé au Crucifix.
Couche de Mme Blin des Roches
51Le 12 novembre 1789, Mme Belin des Roches, qui étoit Mlle de Blanchardon l’ainée, est accouchée d’un garçon70. Il a été baptisé à la paroisse du Crucifix dont elle est ; c’est Mr…
Révolte de la Compaignie de Mr de la Borde et de Mr de Praslin
52Le 15 novembre 1789, Mr Le Boindre, Colonel en second, avoit fait assembler toutte la Milice Citoyenne pour prester serment. Ils étoient tous assemblés sur la place des Jacobins ; il faisoit très mauvais. Quand Mr Le Boindre les vit tous assemblés, il leur dit qu’il les avoit fait assembler pour prester serment de fidélité au Roy, à la Loie et à la Nation. La plus grande partie y consentit, mais la compaignie de Mr de La Borde, qui est le quartier de Gourdaine, le Pré, St Germain, dit hautement : point de serment, nous demandons la sortie des gens de Ballon ! Mr Le Boindre leur parla sans en rien tirer ; on s’attroupa. Il y a eu une partie de la Compaignie de Mr de Praslin, qui est le quartier de St Benoist, St Jean et St Gilles, qui ne vaut pas mieux que les autres71, qui firent la même chose. Ils ne voulurent donc point prester le serment, mais encor ils demandoient qu’il n’y eust point de compaignie de cavallerie. Quand ils virent Mrs Du Comité qui venoient pour leur faire prester le serment, ils vouloient tirer sur eux, et sans la pluye, il y auroit eu beaucoup de monde de tué. Ils en vouloient surtout à Mr Négrier de la Ferrière, le Maire, Mr le Procureur du Roy et Mr de Launay, avocat, comme Membres du Comité. Il y eust un homme de tué, qui n’étoit pas de la Milice ; c’étoit un pauvre tailleur, de Gourdaine, à qui l’on a rendu les honneurs de la Sépulture, comme à un soldat de la Milice Citoyenne. Cela fit beaucoup de bruit. Le Régiment de Chartres monta à cheval et tout fut bientost dissipé.
53Le lundy 16, on fit assembler la Milice Citoyenne pour prester le serment qui n’avoit pas eu lieu la veille, à cause de la révolte. A trois heures après midy, tout le monde étoit sur la place des Jacobins. Mr de la Gandie, Lieutenant Colonel, avoit fait monter à cheval le Régiment, et avoit placé des piquets dans différents endroits aux environs de la place, avec deffense de laisser passer aucune femme surtout72. Tout se passa bien, mais il n’y avoit qu’un fusilier de la Compaignie de Mr de la Borde, et il en manquoit beaucoup de la Compaignie de Mr de Praslin73. Tous ceux qui étoient présents, prestèrent le serment ; les absents, très fâchés de n’avoir pas été du nombre de con-Citoyens, demandèrent à prester le serment. On fit encor assembler une fois tout le monde, le jeudy matin. Ce fut ce jour-là où tout se passa dans la plus grande union et satisfaction. Mr Le Boindre leur fit donc encor prester le serment par Compaignie ; cette cérémonie dura très longtemps, après quoy on fit le tour de la Ville, savoir : une Compaignie de Dragons à la teste de la marche, la Compaignie à cheval, celle d’artillerie, celle des Grenadiers, celle des chasseurs et pour fermer la marche, c’étoit le reste des Dragons. Tout le monde se retira très content.
Exécution
54Le jeudy 3 décembre 1789, il y a eu une exécution des assassins de Mrs Cureau et de Montesson74 ; il y en a eu un de roué vif, un de pendu, un de marqué aux deux épaules et un aux galères perpétuelles. Il y en a encor plusieurs de decretés qui pourront subir le même sort, si on les prend. Comme on craignoit une révolte de la part de la paroisse de Ballon et autres voisines, il y avoit un nombre de 50 personnes par chaque compaignie de la Milice Citoyenne, qui étoient autour de la place des Halles, et tout le Régiment de Chartres étoit distribué par piquets dans différents quartiers de la Ville et aux environs de la place. Le tout s’est passé sans aucun murmure ; les trois qui ont été punis le méritoient bien. Celuy qui a été roué s’appelle Barbier ; il étoit déjà vieux, l’autre pendu et un qui a été marqué à trois lettres.
Couche de Mme de Négrier
55Madame de Négrier est accouchée à sa terre de la Ragotière, en Chaufour75, dans le courant de décembre 1789, je crois, d’un garçon76.
L’année 1790
Mariage de Mr Trotté
56Le 19 janvier 1790, Mr Trotté, dont le père et la mère sont morts depuis un an77, vient d’épouser Mlle Mersant dont on dit beaucoup de bien. Elle a 22 ans et Mr Trotté, environ 27 ou 28 ans. Il est riche ; il doit jouir d’environ 3 000 # de rente ; et la demoiselle a 20 000 # et poura en avoir autant après la mort de Mme sa mère, quoiqu’il y ait cinq ou six enfans dont plusieurs sont mariés. Mr Trotté n’a d’autre sœur que Mme Le Houx, dont le mari est médecin et elle n’aura jamais d’enfans. Ils demeurent tous deux dans la paroisse de St Nicolas.
Changement d’office pour le jour de St Julien
57Le 20 janvier 1790, Mrs du Comité ont envoyé deux Députés au chapitre pour demander qu’il n’y eust point d’office, la nuit de St Julien, à cause des troubles et dans la crainte qu’il ne se passast quelques désordres dans la Ville l’Eglise et aux environs ; Mrs de l’Abbaye de la Coulture avoient demandé dispense de venir aussi la nuit. Tout considéré, il a été décidé qu’on auroit égard à la demande de ces Mrs, et qu’on diroit les premières Vespres à une heure la veille, comme à l’ordinaire, que Mrs du chapitre de la Collégialle de St Pierre seroient dispensés à venir la veille, à 8 heures, comme à l’ordinaire, mais quils viendroient le lendemain, ainsi que Mrs les Bénédictins de l’abbaye de la Coulture, à la Grande Messe, suivant l’usage. On dira les Matines à cinq heures du matin, comme les autres jours de feste à bâton78, et au reste l’office se fera comme à l’ordinaire. Le jour de St Julien, tout l’office du jour s’est passé comme à l’ordinaire ; c’est Mr L’abbé du Mourier, qui a fait l’office. J’ay fait Diacre, parce que c’étoit mon tour.
Couche de Mme de Bassecour
58Le 27 janvier 1790, Mme de Bassecour, fille de Mr Trotté Bleu, est accouchée d’une fille, bien heureusement ; elle n’est mariée que depuis le mois d’avril dernier79. C’est Mr Trotté, le père, qui a nommé l’enfans avec Mme Trotté, son épouse, comme fondée de procuration de Mme de Bassecour, mère du père de l’enfans C’est Mr l’abbé Trotté, le chanoine, et oncle de l’accouchée, qui a baptisé l’enfans dans l’Eglise de St Pavin la Cité, la paroisse80.
Assemblée pour nommer un Maire et autres Officiers
59Le 1er février 1790, tous les habitans mâles se sont assemblés dans différentes Eglises suivant un tableau qui en avoit été dressé par le Comité de la Ville du Mans. Comme la paroisse de la Coulture comprend un nombre de plus de 400 hommes éligibles ou Electeurs, on s’est assemblé dans l’Eglise de l’Abbaye de la Coulture81. Mrs du Comité avoient prié Mr de Foisy, Conseiller au Présidial, de présider cette assemblée ; il y est venu et là, il a commencé par prononcer un très beau discours en peu de mots ; après cela, on a fait l’appel de tous les habitans qui avoient droit de se trouver là. On a nommé Mr de Foisy, Conseiller au Présidial, pour Maire, c’est un parfait honneste homme82. On peut voir, dans les Affiches du Mans pour la présente année, les noms de Mrs les Echevins et Notables.
Mort de Mr de Maule
60Le 5 février 1790, Mr de Maule, Avocat au Mans, âgé de 89 ans, est mort ; il avoit été marié et n’avoit point d’enfans. C’est Mr Vasse, Avocat, qui en hérite pour une plus grande partie. Il étoit d’une bonne famille de la Ville ; il avoit passé par touttes les charges quil pouvoit étant Avocat. Il étoit de la paroisse de St Nicolas.
Mort de Mr Moinerie
61Le 8 février 1790, Mr Moinerie, Avocat au Mans, est mort âgé de 85 ans ; il n’a point été malade longtemps. Il avoit, comme Mr de Maule, passé par touttes les charges. Il n’avoit qu’un enfans, qui est Avocat et a épousé une demoiselle Boucher, très jolie et aimable, dont il a trois filles qui ne sont point jolies, et contrefaittes. Il demeure au haut de l’Escalier de la Boucherie, paroisse du Petit-St Pierre. Le bonhomme83 Moinerie avoit été un bon Avocat et travailloit beaucoup.
Mariage de Mlle Le Pelletier de Feumusson avec Mr de Fretay
62Le Samedy matin, c’est-à-dire, la nuit 13 février 1790, Mlle Le Pelletier de Feumusson, âgée de 19 ans, a épousé Mr de Fretay, âgé d’environ 32 ans. C’est un jeune homme qui est bien, mais dont le père et la mère ne sont pas riches ; ils ont une terre dans la paroisse de Savigné sous Brais84, qui tombe, ainsi que tous les biens qui en dépendent. Mlle Le Pelletier est assés bien, en comparaison de sa mère qui, sans doute, n’aime pas beaucoup sa fille, pour l’avoir mariée aussi jeune et avec un Mr aussi peu riche, mais cependant de bonne famille de condition. La femme de Mr de Fretay est la sœur de Mr de Posset, mais bien plus sage que luy. On donne, je crois, 200 # de rente à Mlle Le Pelletier de Feumusson.
63[note] son mary est mort émigré ; elle avoit divorcé. Elle avoit épousé un quartiermaître d’un Régiment, qui étoit icy en garnison ; elle en a un ou deux enfans. Elle est dans la misère ; c’est un mauvais sujet.
Prédicateur du Caresme
64C’est Mr Jubeaux, chanoine de la Cathédralle de la Rochelle, qui presche le Caresme ; c’est un excellent prédicateur. Il étoit au Séminaire d’Angers pendant que j’y étois ; il a 56 ans ; il avoit été chanoine à Angers. Mr de Grâce, Evesque d’Angers, l’avoit interdit, parce qu’il fut un peu trop hardy, dit-on, dans un sermon. Il quitta Angers et Mr l’Evesque de la Rochelle luy donna un Canonicat dans sa Cathédralle ; depuis ce temps-là, on a voulu luy donner un Canonicat à Angers. Il a remercié, quoiqu’il soit Angevin85.
Nouveau Serment
65Le 28 février 1790, touttes les trouppes de la Milice Citoyenne ont presté un nouveau serment devant le nouveau Maire et toutte la nouvelle Municipalité. Il y a eu un mouvement qui avoit été annoncé la veille, et l’on y avoit prévu en assemblant la veille, touttes les Compaignies. On disoit qu’ils ne vouloient plus de Compaignies de Chasseurs, de Cavallerie et de Grenadiers ; tout cela s’est arrangé sans bruit.
Mort de Mlle de Renusson de la Mazure
66Le 7 mars 1790, Mlle de Renusson de la Mazure est morte chés Mr de Bellemare, son neveu, demeurant paroisse de Ste Croix ; cette demoiselle avoit plus de 84 ans. Elle étoit la cadette ; il y a encor une Demoiselle de Renusson qui vit. Elle demeure aussi chés Mr de Bellemare.
Mort de Mr d’Auvours
67Le 9 mars 1790, Mr d’Auvours, père de Mme Guyéneau, de Mme de la Houssais et de Mme de Moire qui est morte, est mort chés Mme Guéneau, âgé de 86 ans, paroisse de St Nicolas.
Retour de Mr l’Evesque du Mans
68Le 12 mars 1790, Mr l’Evesque du Mans est revenu de Paris ; il a demandé permission de quitter l’Assemblée Nationalle pour venir faire son ordination ; je ne say même s’il retournera. Il étoit party le 25 avril dernier. Quand Mr l’Evesque est absent plus de six mois, on est dans l’usage de payer le pain et le vin du chapitre avec quatre Députés, qui vont en robbe. C’est Mr le sous-chantre qui porta la parolle86.
Couche de Mme de la Vingtrie
69Le 13 mars 1790, [a accouché] Mme de la Vingtrie qui étant Demoiselle étoit Mlle Livré, avoit épousé Mr de la Vingtrie, le 2 avril 1788. Depuis ce temps-là, Mr de la Vingtrie a eu un procès très désagréable contre plusieurs particuliers de la Ville de Belesme ; c’étoit contre les premiers de la Ville87. Il y est abhorré et a été obligé de quitter, sans jamais y revenir ; il n’y auroit pas de sureté pour luy. Sa femme, Mlle Livré, a fait un très mauvais mariage88. Elle a accouché au Mans, où elle demeure à présent, dans la Maison de feu Mme sa mère, elle vient d’y accoucher d’une fille. C’est Mme de la Picannière, la grande mère de l’accouchée, qui étoit marraine, et que Mme de Villiers, a représenté, et Mr … pour Mr de Fréville, parent de Mr de la Vintrie.
Revue de Mr le comte de Valence
70Le 14 mars 1790, Mr le Comte de Valence étant venu au Mans pour affaire, a passé en revue toutte la Milice Citoyenne dont il est le général. On dit qu’il a apporté deux lettres du Ministre dont une pour Mr Le Prince d’Ardenay et l’autre pour Mr l’abbé de Moncé, qui leur donnent pouvoir de voir touttes les Municipalités pour établir un district89. Dans le voyage que Mr de Valance est venu faire au Mans, il a donné 1 200 # pour faire travailler les pauvres et pour achever l’ouvrage du Greffier90. On dit qu’il a donné 25 louis pour le Bureau de charité. Mr de Valance a prié Mr Laceron, le Bénédictin, d’estre l’aumonier du Régiment de Chartres.
Mariage de Mr de Feumusson avec Mlle de la du petit St Pierre
71Le 14 mars 1790, Mr de Feumusson a été annoncé pour épouser Mlle de la Porte de Loisilière qui demeure chés Mr son père, paroisse du Grand St Pierre ; ils ont épousé le 16 mars, à 5 heures du matin. La jeune personne n’a que 19 ans, on l’a dit bien élevée, elle l’a été par une Mère qui en est bien capable. C’est une Maison bien économe ; il y a trois enfans dans la Maison, dont deux garçons. Mlle de la Porte est née le 10 avril 1779 ; elle n’est pas l’ainée, c’est Mr son frère. Mr de Feumusson étoit veuf de Mlle de la Tour dont il n’y avoit point d’enfans ; elle est morte le 2 may 1789 et Mr de Feumusson avoit épousé Mlle de la Tour, le 5 aoust 177791.
Déclaration du don patriotique de 1 200 #92
72Le 17 mars 1790, j’ay fait ma déclaration et de mon bien de patrimoine et de mes Bénéfices, les quels se montent, pour le revenu, à la somme de deux mille soixante et treize livres/douze cents livres/, dont il y en a pour mes Bénéfices, la somme de 1 473 #, dont voicy le détail, savoir : 3 000 # de rentes sur le Clergé de Luçon ; plus, pour ma chapelle Ste Anne desservie dans l’Église de St Julien, tout diminué, 1 100 # ; plus, pour la Chapelle du Bois de Maquilly, tout diminué, 120 # ; plus, pour mon Canonicat, 1 600 #. J’ay déclaré ne donner, pour mon bien de patrimoine, que la somme de 600 #. Comme il est dit que la somme à laquelle je m’oblige de donner à trois termes et en trois ans, n’aura lieu que si je conserve tous mes Bénéfices ; c’est à Mr Chevalier, qui est un des Notables et le Receveur de notre chapitre, qui n’auroit pas voulu me compromettre93.
73Ce même jour, dinant chés Mr l’abbé Fay, ancien Curé de Neuvy et à présent chanoine, on me fit faire des réflexions et l’on dit que j’avois trop donné. Je retournay trouver Mr Chevallier et je fis mettre mon offre à 1 200 # ; c’est encor bien assés.
74[note] J’ay dit qu’il y avoit beaucoup de réparations sur tous les biens de mes Bénéfices. J’ay réduit le tout à 1 200 # ; c’est d’après les réflexions qu’on m’a fait faire.
Déclaration de mes Bénéfices
75J’ay déclaré, devant Mr Maulny, comme Doyen, et Représentant Mr le Lieutenant Général, tous mes Bénéfices, savoir : mon Canonicat évalué à 1 600 #, sur quoy je fais une pension de 400 # à Mr l’abbé Minier, demeurant à Paris ; plus, la chapelle Ste Anne, desservie dans l’Eglise Cathédralle, qui peut produire annuellement 1 100 # ; plus la chapelle de l’Emondière et la Picoulière, reçues en présentation laïque par Mr Amyot, comme Seigneur de la terre du Bois de Maquilly et Seigneur de Flacé ; elle peut valoir 500 #, sur quoy il faut payer le desservant qui dit la Messe, les festes et dimanches dans la chapelle du Bois de Maquilly et à qui je donne 250 # pour cela, et acquitter les deux ordinaires. Jay enfin une pension viagère de 3 000 #, que me fait le Clergé de Luçon, pour avoir consenty à la réunion du Prieuré de Cheffois au Séminaire de Luçon. Outre cela, j’ay encor déclaré devant Mrs de la Municipalité de la Ville du Mans suivant le décret de l’Assemblée nationnalle, tous mes Bénéfices et le nom des présentateurs et même ma pension viagère. On ignore pourquoi ces déclarations ; c’est plus pour faire du mal que du bien94. J’ay fait cette dernière déclaration devant Mr Leclerc95, négotiant au Mans, qui, quoique protestant, est reconnu pour un honneste homme ; il est Echevin et j’ay fait ma déclaration que j’ay signée le 27 mars 179096.
Couche de Mme de la Houssaye
76Le 24 mars 1790, Mme de la Houssaye est accouchée bien heureusement d’un garçon ; elle est, en son nom de fille, Mlle Vallienne, qui est presque imbécille, mais qui sera riche. Elle est mariée depuis un an ou quinze mois environ. C’est Mme Vallienne, sa mère, presque aussi imbécille que sa fille qui a été maraine avec Mr de la Houssaye, père du marié, qui étoit parain. Il faut espérer que l’enfans ne tiendra pas de la Mère.
Mort de Mr de Neveu
77Le 15 avril 1790, Mr de Neveu, qui demeuroit au Mans, proche des Jacobins, est mort âgé de 79 ans. Il a chés luy, Mme … sa fille, qui a plusieurs enfans. Il est de la paroisse du grand St Pierre.
Mariage de Mlle de Launay
78Le lundy 17 may 1790, Mlle de Launay, dont le père est Avocat au Mans, homme d’esprit et travaillant beaucoup, a épousé Mr Courtin du Plessis, de la Flèche. La mariée est âgée de 22 ans, et le jeune homme de 27 ans ; il est Lieutenant dans le Régiment. Il sera riche et la demoiselle aussi ; elle demeurera à la Flèche. Ils ont épousé dans l’Eglise de St Nicolas, leur paroisse ; c’est Mr l’abbé Le Tessier, chanoine scolastique de l’Eglise du Mans, qui avoit fait ce mariage. La cérémonie s’est faite à 9 heures du soir, le lundy 17 may97.
Mariage de Mlle de Négrier avec Mr…, de Bretagne
79Le 24 may, Mlle de Négrier a épousé Mr…, qui est de Bretagne ; il a 54 ans et paroist infirme. C’est un Gentilhomme qui demeurera à sa terre.
Jour de la Feste Dieu
80Le 2 juin 1790, après Vespres qu’on dit ordinairement à une heure, Mr de Guibert, officier Municipal, Mr Massé, marchand de bois, l’un des Notables, et Mr Duport, Avocat et Procureur de la Commune ou Municipalité, sont venus nous dire que les habitans de Gourdaine, St Hilaire et St Benoist étoient venus présenter une Requeste signée de plus de 200 personnes, qui demandoient que la Procession de la Feste-Dieu passast par chés eux, comme autrefois, c’est-à-dire, par les Pant de Gorron, qui est une rue très difficille98. On avoit changé cette marche en l’année 1783, des Pans de Gorron, par Gourdaine, la rue de la Tannerie, la rue Dorée et la Vieille-Porte, mais comme le peuple devient le Maistre, et qu’il faut céder dans la malheureuse circonstance, de la Vieille-Porte, on a monté par la Rue de la Barillerie, le Carrefour de la Sirenne, la rue Marchande, la rue de Paris, celle de la Coulture jusqu’au Puits de Quatre-Roues, et de là à la Mission. Comme ces Messieurs ne pouvoient pas faire ou acquiescer à ce changement sans l’agrément de Mr l’Evesque qui est à Paris comme Député à l’Assemblée Nationnalle, Mrs les Grands Vicaires, savoir : Mrs Paillé, du Mourier, Huet et du Chastelier, se sont assemblés dans la petite sacristie et ont décidé que, pour éviter peut-estre des malheurs, il falloit leur accorder leur demande. En conséquence, au nom du Prélat, ils ont donné un ordre provisoire, sans tirer à conséquence pour l’avenir, pour la marche de la procession, qu’ils ont communiqué au chapitre et Mrs de la Municipalité ont donné des ordres et fait publier dans les rues pour faire tendre. Nous avons party, comme à l’ordinaire, à 7 heures du matin. Il y avoit un détachement du même nombre, de la Milice Citoyenne de chaque Compaignie qui étoient autour du St Sacrement. On avoit prié tous ces Détachements, de déjeuner ; pour ce, Mr le Procureur du chapitre avoit été voir Mrs les Chefs de ces troupes pour le leur demander. On avoit apporté 53 pintes de vin blanc qui étoit assés bon, dans le Réfectoire du Séminaire, après l’avoir demandé à Mr le Supérieur. Le tout s’est passé dans le meilleur ordre. Tous les citoyens, qui avoient des uniformes, étoient sous les armes ; il y en avoit dans touttes les Rues, depuis la Cathédralle jusqu’à la Mission. Il y a eu un sermon, c’étoit à l’ordinaire ; c’étoit le Gardien des Capucins qui a presché à la Mission et pendant l’Octave. Nous avons trouvé un déjeuner très propre, consistant en du pain, du beurre, des raves et des petites herbes et oignons ; le tout, bien servy et avec de bon vin. Mrs du Chapitre et Mrs du Présidial y étoient au nombre de cinq, ainsi que Mrs de la Municipalité, Mr le Maire étoit absent. Ces Mrs ont le pas sur Mrs du Présidial, l’Assemblée Nationale l’a décidé, comme elle fait tout plus mal que bien, mais il faut bien en passer par là. Après le déjeuner, nous avons party de la Mission à 9 heures et demie passée ; nous avons été par la place des Halles, où il y avoit un reposoir à cause du Régiment de Chartres-Dragons, qui étoit à cheval, rangé en bataille. Il y avoit aussi la Compaignie de cavallerie de la Milice Nationale du Mans, qui étoit à la teste du costé de la place Royalle ; on a donné la bénédiction au Régiment, comme c’est l’usage, après quoy nous avons continué la marche par la Vieille-Porte, la Cigogne. Il étoit 11 heures et demie quand nous avons arrivé à St Julien ; on a encor donné la bénédiction en arrivant à St Julien après quoy chacun s’est retiré. On a dit la Grande Messe qui n’a finy qu’à 1 heure ; c’est Mr du Mourier et moy qui portions le St Sacrement. Mrs les Officiers Municipaux ont porté l’écharpe, marque de distinction, pour la première fois, depuis leur établissement. Il y a eu plusieurs Officiers, savoir, Mr Le Boindre, Colonel en second, Mr de Montbrais, Mr de Fontenay, Mr de Curby, major, que jay trouvés ; Mr le Supérieur les a bien reçus.
Assemblée pour former le Département
81Le vendredy 4 juin 1790, Mrs les Députés ou Electeurs de tous les Districts du département de la Sarte, se sont assemblés au Mans, dans l’Eglise des Jacobins, au nombre de 560 électeurs pour nommer 36 Députés pour former le Département. Ils ont été deux jours pour cela ; il y a eu beaucoup de caballe pour cela, surtout le District du Mans qui s’est distingué, tant pour la première Assemblée, pour nommer des Electeurs, que pour nommer des Députés pour le Département. Tous les Districts sont convenus de nommer quatre Députés dans chaque District99 ; il y a une liste imprimée qui est dans les Affiches, numéro 25 de la présente année 1790, mois de juin.
82[note] On peut voir les personnes nommées dans la feuille de la Gazette du Mans, le 28 juin, N° 26100.
Couche de Mme de Montulé
83Le 25 juin 1790, Mme de Montulé vient d’accoucher d’une fille ; elle est de la paroisse du petit St Pierre et demeure chés Mme sa belle-mère. C’est elle sans doute, qui a été la Maraine avec Mr Le Conte, son père, qui demeure à Conlie.
84[note] L’enfans est mort peu de temps après, et cela, par la faute du père qui est singulier ; il a voulu faire baigner l’enfans et l’élever à la manière de Jean-Jacques Rousseau101. Mr de Montulé est très jaloux et rend sa femme malheureuse.
Fédération. Messe du St Esprit pour le commencement de la Fédération
85Le 2 juillet 1790, Mrs du Comité militaire ont été chés Mr l’abbé Paillé, Chantre de la Cathédralle et Président du cœur en l’absence de Mr le Doyen, pour demander qu’on dise une Messe du St Esprit, où tous les Citoyens de la Ville et les étrangers qui sont venus pour la Fédération, assisteroient ; ce qui a eu lieu pour le vendredy 2 juillet. Tous les Confédérés ou frères d’armes, qui avoient été invités par le Comité Militaire dont Mr de Fontenay avoit été nommé Président, sont arrivés le Jeudy dans la journée. On avoit placé, sur touttes les routes, un Dragon à cheval, pour savoir quand il viendroit, afin de venir prévenir pour envoyer au devant la Députation, qui étoit plus ou moins considérable, suivant le nombre des Fédérés qui venoient. Quand ils avoient des Drapeaux, on envoyoit un Capitaine, un Lieutenant et autres officiers subalternes et 20 fusiliers ; en arrivant, on se donnoit le baiser, en disant « le bonjour, frère d’armes ! », et on revenoit en ordre. En arrivant au Corps de Garde ou Hotel de Ville, toutte la Garde prenoit les armes et la Musique du Régiment de Chartres, qui étoit avec la garde, donnoit un air. Rendus à l’Hotel de Ville, on leur donnoit leurs billets de logement ; jay eu un Capitaine et un Lieutenant de Villaine la Juel102.
86Le Vendredy matin, toutte la Garde Nationale et tous les Fédérés étrangers, se sont assemblés pour la place des Jacobins. Mr de Valence, Colonel du Régiment de Chartres, a fait arranger tout le monde suivant son numéro ; cela a duré depuis 8 heures jusqu’à 10 heures. La marche a commencé par la Compaignie de Grenadiers commandée par Mr de Granval ; tous les étrangers fédérés étoient au milieu des Compaignies de la Milice Citoyenne du Mans ; le Régiment de Dragons de Chartres fermoit la marche. En partant, on a tiré des coups de canon ; en arrivant à St Julien, on a sonné touttes les Cloches. On a placé tout le monde autour au bas costé du cœur, dans les deux ailes et dans les bas-costés de la nef, de sorte qu’il y avoit au moins 3 000 hommes sous les armes qui ne paroissoient point ; toute la nef étoit vide.
87Peu de temps après est arrivée la Municipalité, les Membres du Département et tous les Officiers de la Troupe Nationnalle, surtout les étrangers. On avoit placé des chaises dans le cœur et près la grille ; on avoit laissé les stalles vides depuis l’embrasure jusqu’au haut du cœur, pour le Département et la Municipalité103. Mr de Valence étoit placé à costé de Mr de Foisy, le Maire, qui étoit dans la seconde place du costé droit ; Mrs les Officiers du Régiment de Chartres étoient à la teste de leur Compaignie. Quand tout le monde a été placé, Mr l’abbé Le Tessier, chanoine Scolastique, qui avoit été nommé par le chapitre, est venu en chappe avec Diacre et Sous-Diacre et deux petits diacres. Il a entonné le Veni Creator, que le cœur a continué ; après le Veni Creator, Mr Le Tessier, toujours en Chappe, a béni le Drapeau de la Fédération présenté par Mr de Valence et Mr de Foisy, comme Maire. Mr de Valence l’a remis, après la bénédiction, à un jeune homme qui doit le porter dans les cérémonies, en luy donnant un baiser comme l’avoit fait le Célébrant à Mr de Valence, suivant l’usage. Mr le Célébrant a quitté sa chappe, et a prononcé son Discours qui a été trouvé bon et qui a été imprimé ; et qu’on poura trouver dans le livre des Affiches du Mans, que je fais relier104 à la datte du commencement de juillet 1790, ainsi que le règlement fait pour la cérémonie de la Fédération. Après le Discours, qui a duré un bon quart d’heure, Mr l’abbé Le Tessier a dit une Messe basse pendant laquelle la Musique du Régiment et les autres Musiciens qui étoient venus comme étrangers105, se sont réunis pour jouer des simphonies. Il y a eu un petit Motet au Sacrement de la Messe, et au Domine, Salvum fac regem. Tout le monde s’en est retourné dans le même ordre qu’il étoit entré, sinon que la Municipalité et Mrs les officiers étrangers qui étoient dans le cœur sont sorty les premiers. On a sonné les cloches pendant ce temps-là, et chacun est allé dîner chés soy. Mr de Valence avoit donné ordre de s’assembler à 4 heures, pour faire la revue de toutte la Milice Citoyenne du Mans et autres arrivés pour cette cérémonie. On s’est assemblés sur la place des Halles, mais comme elle étoit trop mauvaise, on s’est placé sur le pavé, autrement dans les rues ; c’étoit plus pour contenir tout ce monde et les occuper, que de les faire faire l’exercice.
88Le samedy 3, il fit très mauvais toutte la journée ; il n’y a pas eu le moyen d’assembler tout le monde, ce qui a occasionné que plusieurs étrangers ont passé une partie du temps dans les cabarets et ont fait du bruit, surtout dans la Rue de St Vincent où Mr de Valence fut obligé d’aller. Il n’y a rien eu de plus106.
Suitte du jour de la grande cérémonie du camp, le 4 juillet 1790
89Le dimanche matin, à 5 heures, on a battu la généralle pour que tout le monde s’assemble sur la place des Halles ; Mr de Valence les a placés par numéro, autour de la place sur le pavé, ce qui a été très long. On a commencé à sonner touttes les Cloches depuis sept heures et demie jusqu’à huit heures et demie. Quand tout le monde a été arrangé, on est allé chercher tous les Drapeaux qu’on a placés dans chacun son rang ou numéro. Tout cela fait, Mrs les Officiers de la Municipalité sont arrivés avec le Drapeau féodal107. Mr Savare, qui étoit le Célébrant, étoit à costé avec Mr le Maire et les autres Officiers de la ditte Municipalité, suivant Mr le Boindre Colonel de la Milice du Mans et Mr de Montbrais, Colonel en second, étoient à cheval derrière le Drapeau féodal. Après cela, suivoient Mrs les Officiers qui étoient du Comité militaire en très grand nombre. Tous ces Messieurs rendus sur la place des Halles, on a fait la décharge de 8 pièces de canon, qui annonçoient le départ, et les canons ont été trainés chacun par un cheval au camp. Il étoit près de dix heures quand on a commencé a défiler et la marche a été très longue. Après tout ce défilé, le Régiment de Chartres étoit à la fin, mais en sortant de la ville qu’on a prolongé jusqu’au pont de Pontlieue, on a fait arrester la troupe, et le Régiment de Chartres a le pas en campaigne. Tout ce cortège, qui étoit bien conduit, est arrivé au Camp qui étoit préparé au bas du Tertre rouge, à plus d’une lieue de la Ville. Tout le monde arrivé, on a mis bas les armes, et chacun s’est reposé et a mangé comme il a voulu ; tout y étoit très cher, même le pain. Après une heure de repos, on a tiré un coup de canon, et chacun a repris son rang. Mr l’abbé Savare a commencé la cérémonie pour bénir l’autel et a dit la Messe ; après la Messe, il a prononcé son discours analogue à la cérémonie, mais sans compliment pour personne ; tout le monde a applaudy son discours. Après le discours, Mr de Valence, qui commandoit l’armée, a lu à haute voix, et intelligible voix, la formule du serment, et tout le monde a dit, à très haute voix, qu’ils juroient, comme on venoit de le dire. Après le serment, on a dit l’Entienne Domine, salvum fac regum et le Te Deum. Après cette cérémonie qui n’a finy qu’à trois heures, on s’est livré au plaisir ; on a quitté les rangs pour danser et pour aller se rafraîchir ; cela n’a duré qu’une demie heure. On a tiré le canon et tout le monde a repris son rang et on a party comme on étoit allé, à peu près aussi bien. Il étoit environ 8 heures quand tout le monde est arrivé ; on est allé se rendre sur la place des Jacobins pour faire prester le serment à la Garde qui avoit resté au Corps de garde, ainsi qu’à la Garde du Régiment. Après cela, chacun s’est retiré chés soy ; tout s’est bien passé et en bon ordre ; on a régallé ses hôtes qui étoient venus pour la Fédération et l’on avoit convenu d’avoir aussi des Dragons pour les régaler et aussi pour les empescher d’aller au cabaret avec ceux qui n’avoient point de maison. Il n’y a pas eu le moindre trouble, la nuit. Le lendemain, il y a eu un grand déjeuner ou diner, que la Municipalité a donné à la Garde du Régiment et à la Garde Citoyenne, au nombre de plus de 100 personnes ; cette feste s’est donnée dans les cloistres des Jacobins. Le mardy, tous les étrangers s’en sont allés ; ils se sont assemblés sur la place des Jacobins, suivant leur canton. Ils ont été faire leurs remerciements à Mr de Valence et on a envoyé un Détachement de la Milice Citoyenne pour les conduire hors la Ville, comme on avoit fait quand ils sont arrivé et tout, heureusement, a finy tranquillement108.
Jour du serment des trouppes, tant de la Garde Nationalle que du Régiment de Chartres
90Le 14 juillet, qui est l’anniversaire de la prise de la Bastille, qui est, selon plusieurs, le jour de la Liberté, il y a eu à Paris, une fédération universelle, tant des trouppes de Paris que de tous les Députés de touttes les Villes du Royaume, et de tous les Régiments de France. Il avoit été convenu que, dans touttes les Villes du Royaume où il y avoit garnison et trouppes citoyennes, on prêteroit le serment à midy sonnant, on prêteroit le serment, suivant la formule qui en avoit été annoncée dans les papiers publics. On a presté le serment au Mans, le dit jour, après l’avoir annoncé par le bruit des Canons.
Arrivées des Députés du département
91Le 25 juillet 1790, Mrs les Députés du Département de la Sarte, qui étoient allé à la grande Fédération de Paris, qui étoit le 14 de ce mois, sont arrivés en grande cérémonie. Mr de Valence, Colonel du Régiment de Chartres, qui étoit le premier Député, est aussi revenu. Ils ont apporté une bannière qui leur a été donnée par la Nation, où il y a une inscription qu’on poura voir dans les Affiches du temps. On a envoyé au devant de Mrs ces Députés au nombre de 50 personnes de tous les grades, on a envoyé un détachement de la Milice Citoyenne avec un détachement de Dragons. Ils sont arrivés à 8 heures, au Mans, sur la place des Halles où toutte la Milice Citoyenne les attendoit, ainsi que le Régiment de Chartres à cheval. On a annoncé leur arrivée par des coups de canon et le son des cloches ; on avoit été chercher Mrs les Officiers de la Municipalité et tous les Drapeaux. On a tiré plusieurs coups de canon et crié « Vive la Nation ! » Il étoit plus de 9 heures quand tout a été finy ; on a porté, en grande cérémonie, la bannière, dans la Salle du Département qui est à l’Abbaye de la Coulture ; c’est un règlement décreté par l’Assemblée Nationnalle.
Arrivée des Députés d’Angers
92Le 26 juillet 1790, Mrs de la Fédération, ou Députés d’Angers, ont passé par Le Mans, avec leur bannière, en revenant de Paris. Ils étoient au nombre de 300 Députés qu’on a logés chés les Bourgeois ; on a envoyé, à leur rencontre, un détachement de la Milice Citoyenne et aussi un détachement du Régiment de Chartres. Tous les habitans de la Ville du Mans, voulant régaller tous ces Députés, ont fait bourse ; on recevoit jusqu’à 30 sols, et l’on donnoit une carte, qui donnoit droit d’entrer aux Jacobins où se donnoit le diner, qui a commencé à six heures. Il a été annoncé par une décharge d’artillerie ; on avoit placé des tables sur des planches dans la grande allée du milieu du jardin, qui alloit jusqu’au bout ; il y avoit… couverts. On avoit mis des napes seulement, sans serviettes, ni couverts d’argent ; on avoit des fourchettes de fer ; au reste, force jambons, grands patés à [illisible], force andouilles, du mouton et du veau, du dessert, etc. Il y avoit 8 busses de vin et 3 de cidre. Après le souper qui dura jusqu’à 10 ou 11 heures, ils furent danser sur la place des Jacobins ; il y avoit un réverbère à chaque arbre, et tout le monde se retira bien tranquillement.
93Le mardy 27, Mrs les Fédérés d’Angers sont partis à cinq heures du soir ; on leur a fait une cérémonie pour les conduire jusqu’à Pontlieue et tout a été finy par là, et depuis ce temps, tout est tranquille.
Couche de Mme Vallée des Isles
94Le 28 aoust 1790, Mme Vallée, qui demeure au Mans, paroisse du Crucifix, est accouchée d’un garçon. Mr Vallée avoit passé, il y a quelques années, à St Domingue ou dans les Isles voisines où il avoit trouvé le moyen dy gangner du bien ; il s’y étoit marié109. Il est revenu au Mans, avec deux enfans ; elle vient d’accoucher du troisième. C’est Mr son frère, le Curé de Neuvillette, qui a été parrain110.
Couche de Mme Lambert
95Le 30 aoust 1790, Mme Lambert est accouchée heureusement d’une fille ; elle a trois enfans et vient d’accoucher du quatrième. C’est Mr Pleuverie et…
Couche de Mme Bignon
96Le 31 aoust 1790, Mme Bignon, qui demeure à présent rue de St Flaceau, paroisse du grand St Pierre, est accouchée heureusement d’une fille ; c’étoit une demoiselle Michelet. C’est Mlle Michelet, qui demeure à Montmirail, lieu de sa naissance et de toutte sa famille, qui a été maraine avec Mr Bignon, son frère ainé, qui demeure à Bonnétable ; il est aussi Marchand de bois.
97[note] L’enfans est mort 15 jours après.
Couche de Mme Ouvrard de Linières
98Mme Ouvrard de Linière, dont le mary est Valet de Garde-Robbe, ou une place qui donne droit de donner la chemise au Roy111, est accouchée d’un garçon, dans le courant du Mois d’aoust, dans la maison qu’elle occupe, paroisse de St Benoist. Cette maison étoit autrefois à Mr de Clinchamps, où du moins il l’occupoit ; Mme de Clinchamps y est morte. Mr Ouvrard, qu’on appelle Mr de Linières, s’est marié à Paris ; il demeure au Mans et ne va plus à Paris que pour y faire son service. Il a achetté une très jolie petite terre à St Saturnin112.
Couche de Mme Savare
99Le 12 septembre 1790, Mme Savarre, belle-sœur du chanoine, est accouchée d’un garçon ; il a été baptisé au Crucifix, sa paroisse, demeurante dans la rue des Chanoines, chés Mr son beau-frère. Comme elle avoit accouchée de deux enfans, qui vivent, on craignoit beaucoup pour elle.
Mort de Mr des Bois
100Le 13 septembre 1790, on a apris la mort de Mr Guitton des Bois, qui étoit allé prendre des Eaux en Suisse, où il est mort, âgé de 69 ans. Il avoit mené avec luy, Mme des Bois, sa femme ; il n’a point eu d’enfans ; il a fait tout le bien qu’il pouvoit faire à sa femme113, qui le méritoit bien. Il s’étoit marié le 9 février 1781, il est mort âgé de 69 ans.
Grand service pour les frères d’armes de Nancy, morts dans une révolte114
101Le 29 septembre 1790, Mrs du Comité militaire avoient demandé qu’on fit un service pour les frères d’armes morts à Nancy, et on l’a fait le 9 septembre. On avoit nommé, au chapitre, Mr Savare qui, du bas de l’autel a prononcé un petit discours qui a été trouvé très bon ; il l’a prononcé après l’Offertoire. Il y avoit un Détachement de 30 hommes par compaignie de la Milice Citoyenne ces Mrs ont demandé le son des cloches, la veille depuis six heures du soir, jusqu’à sept. Le lendemain, jour du service, mercredy 29, on a tiré des coups de canon, depuis sept heures du matin jusqu’à 10 heures, et cela, de quart d’heure en quart d’heure. Mrs de la Municipalité y sont venus ; ils étoient du costé gauche. Mr de Foisy, le Maire, étoit dans la place de Mr le Chantre ; Mr le comte de Valence, Colonel du Régiment de Chartres-Dragons en garnison au Mans, étoit après ; Mr de Guibert, etc. Mrs du District et du Département, étoient dans les stalles du costé droit. La Messe a été en grande Musique, et un De Profundis à la fin, aussi en grande Musique. Après la Messe, tout le monde a défilé ; tous les officiers, tant du Régiment, que de la Garde nationnalle ou Citoyenne, étoient dans le cœur, dans des chaises qui avoient été préparées pour cela. On s’est servy de l’ornement noir et non violet ; on avoit commis deux Chanoines pour faire les honneurs du cœur et pour aller à la porte recevoir, tant pour Mrs les Officiers de la Garde Nationnalle du Régiment, que pour Mrs du Département, du District et de la Municipalité.
Mariage de Mlle Le Boindre de Moire
102Dans le courant du mois d’Octobre, Mlle Le Boindre de Moire a épousé Mr Négrier de Posset de la Ferrière, Conseiller au Présidial, qui étoit Maire de Ville lors de la suppression des charges de l’Hotel de Ville115. Elle a 20 ans ; elle n’est pas jolie ; elle a un œil de verre pour cacher un œil qu’elle a perdu à la petite vérolle. Mr de la Ferrière étoit son Curateur, il est le double plus âgé qu’elle ; il a fallu des dispenses de parenté. Mr de Moire, depuis son mariage, ne voyoit point sa famille, ni sa fille, qui est fille unique, ne le voyoit point ; elle étoit en Couvent aux Ursulles, où elle s’ennuyoit beaucoup. C’est ce qui l’a déterminée à épouser son parent et tuteur, qui n’est point riche, et à laisser son père qui est un très mauvais sujet et qui fera le plus de tort qu’il poura à son fils. Mr de la Ferrière avoit mené sa parente à Paris, pour ses yeux ; il a déterminé son mariage, en a écrit à son père qui y a consenty, à condition qu’elle recevroit son compte de tutelle, ce qui a été fait. Ils ont demandé des dispenses à Mr l’Evesque qui les a données, et ils ont épousé à Paris, du 8 au 15 octobre. Ils reviendront demeurer au Mans, dans la petite maison de Mr de la Ferrière.
Mariage de Mlle Nepveu avec Mr Nepveu de Rouillon
103Le 19 octobre 1790, j’ay épousé Mlle Marie-Magdelaine Nepveu l’ainée, ma niepce, âgée de 23 ans, avec Mr Jacques-François Nepveu de Rouillon, âgé de 42 ans, Chevalier de St Louis et Major du Régiment de Chartres-Dragons, en garnison au Mans. Il y avoit Mme Nepveu, Mme du Vauguion, Mr Lambert le fils et moy ; Mr et Mme Amyot, sœur de Mr de Rouillon, laquelle avoit épousé Mr Amyot, le 18 octobre 1774 (on peut voir cette datte). Il avoit Mr de Charantais le fils, neveu de Mme de Belle-fille, et Mme Cartier et sa fille, qu’on appelle Constance, qui est très jolie, elle a 7 ans et demi. Mme Cartier est sœur de Mr de Charantais ; ils demeurent à Tours, l’un et l’autre. Il y avoit encore Mr d’Andigny et Mlle de Resteau, leurs voisins, et Mrs les Curés d’Athenay et de Chemiré. Il est venu deux Capitaines du Régiment, savoir : Mr Martin et Mr de Valère, plus deux Lieutenants et un porte-guidon116 ; tout cela composoit 38 personnes. Comme le salon est petit, on avoit placé une table en fer à cheval ; on a commencé la cérémonie à midy un quart. Mr l’Evesque du Mans avoit donné touttes les dispenses de bancs gratis117, savoir : celle d’épouser du trois au quatre118 et les dispenses de bancs, et pour moy, la commission de les épouser dans la chapelle de Belle-fille. Le contrat de mariage s’est passé le lundy après diner ; Mon frère a donné en mariage à sa fille, 30 000 #, et Mr de Rouillon, qui est plus riche, avantage sa future autant qu’il peut le faire. Le soir du contrat, Mr de Rouillon a distribué tous ses présents ; il y en avoit pour ses trois belles sœurs, et un étui de peinture pour Mme Nepveu119. Le lendemain, tout s’est bien passé et l’on a dansé, après le diner, Mrs les Officiers s’en sont retournés ainsi que Mr de Marcilly, cousin de Mr de Rouillon, et Mrs de Touchemoreau fils, qui étoient comme vrais amis. Après le soupé, chacun est allé se coucher sans bruit.
104Le lendemain mercredy, il est venu la troupe de violons du Mans120, ils ont resté ; il est venu quatre officiers du Régiment, qui ont diner et dansé, après le diner ; Mr de Rouillon avoit prié tous les Officiers de venir diner pendant le temps de la noce. Le jeudy matin, tout le monde est party pour aller diner au Bois de Maquilly et pour y mener la nouvelle mariée qui doit y demeurer. Il y avoit trois voitures remplies de touttes les Dames ; les hommes étoient à pied121. Il y avoit 40 personnes à dîner, et grande chère ainsi que chés Mme de Bellefille ; il est venu cinq Officiers qui n’étoient point les mêmes ; ils ont encor dansé le vendredy et le samedy il n’y avoit point d’étrangers122. Le dimanche, il y a eu une feste ; il est venu, du Mans, dix officiers qui ont dansé jusqu’au matin ; il est venu aussi beaucoup d’habitans de la paroisse de Rouillon, tant hommes que femmes, pour voir la nouvelle mariée ; ils ont été bien régallés. Le lundy, tout le monde s’en est allé chacun chés soy, et bien content123.
Vendanges
105Le lundy 18 octobre et le mercredy 20, on a fait les vendanges qui ont été très peu abondantes, mais le vin sera bon et cher.
Grande Messe à St Julien
106Le mercredy 3 novembre 1790, Mrs du Département assemblés, ont assisté à une grande Messe qui a été célébrée dans l’Eglise de St Julien. Il étoit venu deux Députés chés Mr Huet, Chanoine et Grand Vicaire, pour faire la demande.
Mort de Mr Bazoge, chanoine
107Le 31 octobre 1790, Mr Bazoge, chanoine, est mort âgé de 68 ans ; il y avoit longtemps qu’il étoit infirme et comme un paralitique et apoplectique ambulant ; on dit que c’étoit une indigestion qui l’avoit fait mourir. Il étoit chanoine et Archidiacre dans l’année 1763 ; il avoit résigné son Archidaconné à Mr l’abbé du Bourgneuf, son parent, c’est-à-dire que Mr du Bourneuf qui étoit un très bon gentilhomme, mais pauvre124, avoit épousé une Bazoge dont il a eu plusieurs enfans qui ont tous bien réussi. Mr Bazoge n’étoit pas grand chose, un très honneste homme par luy même. Il avoit une sœur avec luy, à qui il a fait du bien, de son vivant ; il avoit plusieurs nièpces dont une a épousé un Notaire à Fresnay, à qui il avoit donné 3 000 #. Il a été enterré le jour de la Toussaints, après les Vespres de la Cathédralle ; la paroisse, suivant le droit et l’usage, a fait l’office des morts, et nous avons entré au cœur à 5 heures du soir. On a dit les Vespres des Morts, Matines à 9 leçons et laudes, et après l’enterrement ; le tout n’a finy qu’à 7 heures du soir. Le jour des Morts, qui étoit le mardy, après matines du jour, on a chanté la Messe pour Mr Bazoge ; le tout a finy à 8 heures passé, et l’on est entré au cœur à 9 heures, comme à l’ordinaire.
108Depuis le décret, on ne présente plus les bénéfices simples125.
Couche de Mme Trotté de la Roche
109Le Vendredy 29 octobre 1790, Mme Trotté de la Roche est accouchée assez heureusement d’un garçon ; c’est son premier. Elle s’est mariée le 19 janvier 1790.
Nomination de Mr Le Prince d’Ardenay, pour Maire de Ville
110Le 14 et le 15 novembre 1790, tous les habitans de la Ville se sont assemblés, comme à l’ordinaire, dans différentes Eglises pour nommer un Maire de Ville au lieu et place de Mr de Foisy qui avoit été choisi, il y a un an, et qui avoit fait sa démission, ne voulant plus de cette place qui a des désagréments, surtout quand il y a des membres de la Municipalité comme le sieur Levasseur, chirurgien, qui a fait bien du mal pendant un an. On a nommé, au scrutin, Mr Le Prince d’Ardenay, l’ainé, qui a de l’esprit, et qui est bien en état de remplir cette place126.
Couche de Mme de Malherbe
111Mme de Malherbe, fille de Mme de la Houssays, qui a épousé Mr de Malherbe, le 26 février 1788, est accouchée chés Mr son beau-père, Mr de Malherbe, demeurant à sa terre, paroisse de Marçon127. Elle est accouchée d’une fille, dans le courant du mois de novembre 1790.
Installation du nouveau Maire et autres officiers Municipaux
112Le 25 novembre 1790, on a installé ou reçu à l’Hotel-de-ville Mr Le Prince d’Ardenay, comme Maire, et Mrs Varosson128, procureur, Levasseur, Chirurgien, réélu par caballe129, car c’est un enragé du Club des Minimes130 ; Mr de Foisy Courthéan, frère de l’ancien Maire, très honneste homme ; Véron, négotiant ; Vallée, procureur, réélu et Goupil, aussi du Club des Minimes. On a reçu ces Mrs dans la salle de l’Hotel-de-Ville, comme à l’ordinaire. Mrs les Officiers de la Garde Nationnalle ont été haranguer ces Mrs, et après eux, Mrs les Officiers du Régiment de Chartres y ont été. C’est Mr de Rouillon, Major du Régiment, qui a porté la parole, comme commandant le Régiment, Mr de la Gandie, Lieutenant Colonel étant en semestre.
Position des sellés sur les trois chapitres de la Ville du Mans
113Le 4 décembre 1790, Mrs les officiers de la Municipalité, au nombre de quatre, ont été poser les seaux131 dans les Eglises et sacristies des chapitres de St Pierre, de St Julien et de St Michel ; ils ont commencé par St Pierre. A 3 heures, ils132 avoient commencé l’office de Nonnes ; ces Mrs se sont entrés accompaignés d’un détachement de la Milice Citoyenne et de 12 hommes du Régiment de Chartres ; ils craignoient le peuple. Mrs les Chanoines de St Pierre leur ont signifié des protestations et ont demandé les ornements qui leur appartiennent. Ils ont été plus de trois heures à dresser leur procès-verbal ; Mr l’abbé Savare et Mr l’abbé de Beauchamps se sont bien montré. Ils n’ont sorty qu’à six heures et demi pour venir à St Julien, toujours suivis de leurs trouppes militaires. Ils ont entré dans l’Eglise dont ils ont fait fermer les portes ; on avoit nommé quatre commissaires pour les recevoir. Mr Le Prince l’ainé, Maire, avoit écrit à Mr le Doyen, une lettre en deux lignes : « Monsieur, (au haut de la page), J’ay l’honneur de vous prévenir que, ce soir à 3 heures, il ira 4 Commissaires pour poser les sellés dans votre Eglise. J’ay l’honneur destre avec respect, etc. »
114A 2 heures, on a Sonné la riote, comme à l’ordinaire ; à 3 heures on a sonné les grandes cloches, et on a commencé Nones, et dit Vespres. Il s’est assemblé beaucoup de monde pendant tout ce temps-là ; après Complies, chacun s’est en allé et le public aussi. Ces Mrs sont donc entrés à 6 heures et demie ; ils ont mis des caguenas133 aux trois portes du cœur, sans même avoir ôté le St Sacrement qui est, comme à l’ordinaire, dans le Tabernacle. Ils ont aussi fermé la porte de la Chapelle de la Vierge où il y a aussi le St Sacrement ; ils ont mis les sellés à la porte du thrésor ; de là ils ont entré dans le Revestiaire. Mr du Chesneau, Procureur du chapitre, avoit des protestations à leur donner, qu’ils n’ont point voulu recevoir, disant pour raison qu’ils n’étoient chargés que de venir poser les seaux. Mrs les Commissaires ont fait comme Mrs de St Pierre avoient fait, qui étoit de réclamer les ornements ; je crois que le tout est remis quand on viendra pour faire l’inventaire de tout ce qui appartient au chapitre. Après St Julien, ils ont été à la porte de l’Eglise de St Michel, où s’est trouvé Mr Bureau, Curé du Pré, comme Procureur ; ils ont, sans doutte, fait comme cy-dessus ; ces derniers134 n’ont point fait de protestations.
115Le 3 décembre, Mrs du District avoient fait signifier, par un huissier, le Décret de l’Assemblée Nationnalle, sans en prévenir135. Le lendemain, Mr du Chesneau, le Procureur du Chapitre, ne trouvant point d’huissier qui voulut signiffier nos Protestations à Mrs du District, a été, luy-même, chés Mr Franchet, les luy remettre en main, en luy disant : « Monsieur je nay trouvé aucun huissier qui ait voulu signifier les protestations du chapitre, voulez-vous bien les remettre à Mr le Procureur-Général du Département ? » Il assura qu’il le feroit ; il luy dit qu’il alloit les déposer chés un Notaire. On doit les faire imprimer136 ; on les trouvera dans le Volume des Affiches de la présente année137.
Nomination des Juges de Paix
116La nomination des Juges de Paix est dans la Gazette du Mans, N° 60 ; c’est Mr de Létang, ancien Avocat du Roy, Mr Maulny, qui étoit le Doyen des Conseillers, Mr de Launay, Avocat, Mr Blin des Roches, qui étoit Conseiller au Présidial, et Mr Léon qui étoit Avocat du Roy. Mr Jauteau, Procureur de l’Ancien Présidial, est nommé juge dénonciateur138.
Mort de Mr de Féron
117Mr de Féron, qui avoit épousé Mlle de Cailleau, vient de mourir subitement à sa terre à Pontvalain139, le 19 décembre 1790.
Croix de St Louis donnée à Mr de Bassecour
118Le 23 décembre 1790, Mr Fontaine, chevalier de St Louis, a donné la Croix de St Louis à Mr de Bassecour, qui avoit servy dans le corps des Mousquetaires. Comme il avoit été réformé ainsi que tout le corps, il a présenté son mémoire de services qui couroit toujours depuis la ditte réforme. La commission a été envoyée à Mr de Fontaine, qui en a fait la cérémonie, le 22 décembre, en présence de toutte sa famille et amis, suivy d’un grand dîner140.
L’année 1791
119Je ne parle point de touttes les nouvelles qui regardent le clergé : il faudroit des volumes. Je me restreins à ce qui regarde la Ville141.
Serment de Mrs les Curés de Ville
120Le dimanche 16 janvier 1791, Mrs les Curés de la Ville devoient prester le serment pour la Constitution du Clergé142, tel que Mrs de l’Assemblée le font. Malgré touttes les oppositions du Clergé et de bien du monde pensant bien, Mrs de la Municipalité avoient fait annoncer qu’ils se trouveroient pour entendre le serment de Mrs les Curés et de tous les fonctionnaires. Il n’y a eu que le Curé du Crucifix, Mr de la Boussinière, Mr le Curé de St Vincent et son Vicaire, Mr Ledru et plusieurs autres ecclésiastiques comme Mr Guyard et Mr Latour, qui étoient chaplains du chapitre de St Pierre. Il n’y a pas eu une douzaine d’Ecclésiastiques qui l’ayent presté143 ; il n’est pas croyable que les Cures de Ville qui, suivant le Décret, sont déclarées vacantes, soient remplies par ces mauvais sujets.
Mort de Mme Cartier, de Tours
121Le dimanche 16 janvier, on a appris la mort de Mme Cartier, demeurante à Tours, morte de la petite vérolle après avoir gouverné ses deux petits enfans qui sont charmants ; ils n’ont que quatre et cinq ans. La mère étoit fille de Mr et Mme de Charantais, sœur de Mme de Bellefille ; elle n’avoit que 27 ans ; elle étoit tout à fait aimable. Elle avoit fait un bon mariage pour la fortune et pour la personne de son mary qui est aussi très jeune144.
Jour de St Julien, 1791145
122Le 27 janvier 1791, Mr de la Boussinière, Curé du Crucifix, qui avoit presté le serment, le 16 du Courant, a dit la Grande Messe au grand Autel ; il étoit assisté du nommé Ledru, Vicaire de St Vincent, et du nommé Desprez qui avoit été chanoine à Sillé ; Mr Maignan, qui étoit semi-prébendé à St Julien, portoit la chappe. Il n’y avoit, pour composer le clergé, que des mauvais sujets146 qui avoient presté le serment ; Mrs de la Municipalité et du District, qui vouloient donner un grand éclat à ce jour de St Julien, avoient invité ; il y avoit de la Milice Citoyenne sous les armes, la Cavallerie Citoyenne avoit monté à cheval, avec un Détachement de Dragons. Le St Sacrement étoit exposé, dès le matin, par Mr Després, qui avoit chanté, par trois fois, Domine, salvum fac legem, et Domine, salvum fac nationem, et pour le dernier, Domine, salvum fac regem. Le dit la Boussinière a prononcé un discours, dit-on, assés plat, où il a fait beaucoup de compliments au département, district et Municipalité et à Mr de Valance, Colonel du Régiment de Chartres, qui y étoit à la teste de la Municipalité et en habit national. Ce même Mr de Valance a été, le soir, au glub des Minimes147 dont il est le Président ; c’est une société qui se tient aux Minimes, où préside ordinairement Mr Phélippeaux, premier juge, par caballe148, en l’absence de Mr Menard de la Groye, qui ne vaut pas mieux ; le sieur Levasseur, également enragé149, y est aussi. Ils expliquent les Décrets de l’Assemblée Nationale et ils sont des enragés comme eux, et ne cherchent qu’à mettre le trouble et la division dans la Ville et surtout contre les Ecclésiastiques ; pour cela, ils distribuent de l’argent pour se faire des partisans.
123Le sieur de la Boussinière continue de dire la Messe au grand Autel de St Julien ; le Dimanche suivant il y a dit grande Messe et Vespres et Mr Des Bois, qui est aussi Curé du Crucifix, a dit la Messe de la paroisse à l’autel du Crucifix et ne veut point la dire autrement qu’à l’autel où il a pris possession.
Mort de Mlle de Blanchardon la plus jeune
124Le 29 janvier, Mlle de Blanchardon, la plus jeune, est morte âgée de… ; elle étoit au Couvent des Ursulles au Mans avec sa sœur. Elle s’y ennuyoit beaucoup et c’est surement cela qui a contribué à sa mort150. Mr son père vit ; il est veuf depuis très longtemps ; ne voulant pas avoir ses enfans avec luy, il les mettoit en Couvent ; l’ainée est mariée avec Mr Blin des Roches ; elle est aussi très mal. Mr de Blanchardon a beaucoup de reproches à se faire de la manière avec laquelle il en agit avec ses enfans.
Couche de Mme de Vennevelles
125Le 28 janvier 1791, Mme de Vennevelles est accouchée heureusement d’un second garçon. C’est Mr de… père de Mme de Vennevelles151 et Mme de Montbrais, qui ont été parain et maraine, le tout par procuration. L’enfant a été baptisé dans l’Eglise de la paroisse de la Coulture.
Mort de Mr Cochelin
126Le 5 février 1791, Mr Cochelin, qui avoit épousé Mlle du Tiger l’ainée, est mort d’une seconde attaque de paralisie ; il laisse sa famme avec deux enfans. Cette demoiselle, qui n’étoit pas riche, avoit fait un bon mariage pour la fortune seulement. Son père tenoit un Calandre de Borgrain152 où il avoit fait sa fortune. Il pouvoit avoir 58 ans environ.
Mort de Mr le chevallier de Perrochel153
127Le 11 février 1791, Mr le Chevallier de Perrochel, âgé d’environ 68 ans, est mort d’un rhume dont l’humeur, qu’il n’a pas eu la force de jetter, luy a tombé sur la poitrine et l’a emporté. C’est une perte pour la société ; il étoit très aimable et respectable, grand Aristocrate ; c’est ce qui a contribué à sa mort154.
Election de Mr de la Boussinière, Curé du Crucifix, à l’Evesché du Mans155
128Le jeudy 17 février 1791, Mr de la Boussinière Curé du Crucifix, a été nommé Evesque du Mans, ou plutost prétendu Evesque, puisqu’on ne peut pas nommer au lieu et place de Mr de Gonssans qui vit et est Député à l’Assemblée de Paris. On avoit d’abord nommé Mr l’abbé Grégoire ; on lui envoya un exprès à Paris où il est aussi à l’Assemblée ; il avoit accepté l’Evesché de Blois auquel il n’a pas plus de droit que Mr de la Boussinière celuy du Mans. Il a toujours accepté ; quand on eut réponse qu’il refusoit, on fit un scrutin pour nommer un autre ; le tout tomba sur le dit la Boussinière. Il dit une grande Messe où assista le Département, le District, la Municipalité et les officiers du Régiment de Chartres ; il y avoit un détachement du dit Régiment et de la Garde Nationalle. Après la Messe, on le promena dans les rues au milieu de tout ce cortège ; pour le conduire chés luy, on passa par la grande rue et par les bas quartiers. Il avoit l’air bien content de sa personne et de sa nouvelle Dignité. L’après-diner, il fut en manteau long, faire des visites, et la Municipalité ordonna de mettre des lumières aux croisées. Il doit sa nomination au Sieur Després, qui est un mauvais prestre et un ancien chanoine de Sillé, et à d’autres mauvais sujets qui ont caballé pour luy. Nous verrons ce que tout cela deviendra156.
Couche de Mme de Feumusson
129Le 17 février 1791, Mme de Feumusson est accouchée bien heureusement pour sa première couche, d’un garçon. C’est Mr Le Peletier de Feumusson157, Elu ou autrefois Elu, frère du père, et Mme de La Porte de l’Oiselière, mère de l’accouchée, qui ont nommé l’enfans. C’est Mr l’abbé Lemaistre, Vicaire de la paroisse de St Vincent, qui a fait le baptesme. Il n’y a pas eu grande cérémonie ny dépense.
Mort de Mme Blin des Roches
130Le 22 février 1791, Mme Blin des Roches est morte, âgée de 25 ans ; il y avoit longtemps qu’elle languissoit158 ; elle laisse deux filles. Il n’y avoit pas longtemps qu’elle étoit mariée159 ; c’étoit une demoiselle de Blanchardon. Elle a été enterrée à l’Oratoire160, probablement parce qu’on n’a pas voulu qu’elle fut enterrée par Mr de la Boussinière, Curé du Crucifix qui a fait son serment et qui a été nommé par les Electeurs à l’Evesché du Mans qui n’est pas vacant. Comme ce Mr étoit en semaine, c’est luy qui a conduit le corps à l’Oratoire, après avoir fait l’Ultimatum Vale dans l’Eglise de St Julien.
Couche de Mme Morel
131Le 22 février 1791, Mme Morel est accouchée, pour la première fois, d’un garçon. C’est Mlle de Montdragon qui ayant donné une jolie terre située dans le Bas-Maine et qui regardoit Mr Morel comme son parent, luy avoit fait ce cadeau d’environ 80 000 # et bien d’autres cadeaux. Ce Mr a épousé une Demoiselle d’Alençon, Mlle de Lescat, qui a du bien ; il est Lieutenant de Vaisseau. C’est Mlle de Montdragon qui est la maraine et Mr l’abbé de Sougé (ou de Forges161) aussi son parent, qui a été parain. Comme Mlle de Montdragon ne peut marcher, on a donné la procuration à des domestiques. Il demeure paroisse de la Coulture.
Couche de Mme du Plessis
132Le 3 mars 1791, Mme du Plessis fille de Mr de Launay, avocat, est accouchée pour la première fois d’un garçon. Elle est venue faire ses couches au Mans car elle demeure ordinairement à La Flèche. Elle avait épousé au Mans le 17 may dernier.
Mort de Mme de Richemont
133Le 8 mars 1791, Mme de Richemont, âgée de 82 ans est morte ; elle avoit épousé, en secondes noces, Mr de Richemont. Il y a deux demoiselles ; l’ainée est mariée à Mr de Flers162 et Mlle de Richemont la Motte n’est point mariée.
Mariage de Mlle de Fontenay avec Mr de Biré
134Le 7 ou le 8 mars 1791, Mlle Bastard de Fontenay, âgée de 16 ans au plus, a épousé Mr Fontaine de Biré âgé de 22 ans163 ; il est Officier dans le Régiment des housards. Le père du marié est très riche, il est receveur Général pour les vivres des troupes de France. Il donne en mariage 400 000 # et en plus de quoy avoir un trousseau ; de ces deniers, en partie, on doit acheter, si ce n’est fait, la terre de Milon qui est un objet de plus de trois cent mille livres. Mr de Biré a une terre, dans la paroisse du Breuil qu’on appelle Peschereuil164 ; ce Mr de Biré a une demoiselle qui a épousé, depuis trois ou quatre ans, le fils de Mr Amelot, qui étoit Ministre165. Mlle de Fontenay sera un jour très riche ; pour ce moment elle n’a que le bien de sa mère qui ne peut aller qu’à environ 1 200 # de rente ; Mr de Monthéard, son grand-père, vit. Elle est issue d’une mère bien délicatte morte de la poitrine ; Mr son frère est aussi très délicat ; Mr de Fontenay, son père, est très riche. Le mariage s’est fait à la Flèche où la Demoiselle étoit en Couvent.
Mariage
135Le 8 mars, jour de Carnaval, Duperche, qui demeure depuis très longtemps chés Mme du Vauguion, ma sœur, a épousé Mlle Gaulin, qui demeuroit depuis plus d’un an, chés ma sœur ; c’est une très bonne fille.
Mort de Mr de Girouard l’ainé
136Le 8 mars 1791, on a appris la mort de Mr de Girouard l’ainé, qui a été tué à Paris ; il étoit âgé d’environ 45 ans. Il étoit marié et avoit mangé toute sa fortune et celle de sa femme, dont, je crois, il y a deux enfans. Il avoit abandonné sa terre de la Roche Mayet, dans la ditte paroisse de Mayet, pour une rente et pour qu’on ne saisisse pas la terre, à son frère le cadet, qui est un garçon très rangé. Il est aussi marié et demeure à la terre de la Roche ; il a un frère qui est aussi très dérangé et il est dans les Isles ; il a deux demoiselles qui vivent ensemble, elles ne sont pas riches. Ils sont parents de la famille Lorchère et Rouillon, de très bonne et ancienne famille noble.
Mariage de Mlle Goussault avec Mr Perrier
137Le 21 ou le 22 mars 1791, Mlle Goussault, âgée d’environ 18 ans, a épousé Mr Perrier, Avocat au Mans ; il étoit veuf de Mlle Goussault sœur ainée de celle qui se marie aujourd’huy. Il a fallu des dispenses de la Cour de Rome pour épouser sa belle soeur ; ces dispenses ont cousté environ 5 000 #. Mr Perrier est riche, et la demoiselle aura environ 3 000 # de rente après la mort de son père ; elle a un frère qui est encor au Collège. Elle va aller demeurer avec son mary qui demeure dans la rue des chanoines en haut [où] ont demeuré et où sont ses père, mère, sœur et son Oncle le chanoine qui avoit pris cette maison à vie166. Mr Perrier avoit épousé Mlle Goussault sœur de la mariée, le 21 novembre 1786, il y a eu un enfans qui n’a pas vescu ; la mère de cette demoiselle est morte, le 10 mars 1788.
Prédicateur du Caresme
138C’est un Récolet qui a presché le Caresme ; il avoit déjà presché un Avent. Il est Gardien à la Ferté-Bernard ; il est assés bon. C’étoit Mr Raboteau, chanoine de Tours, excellent prédicateur, qui devoit prescher, mais la crainte de l’obligation du serment l’a empesché de venir. Le Récolet presche à St Julien où il va très peu de monde et surtout point de Chanoines.
Te Deum pour la convalescence du Roy
139Le dimanche 27 mars 1791, Mrs de la Municipalité de la Ville du Mans ont fait chanter un Te Deum pour la convalescence du Roy, qui n’a eu qu’un gros rhume. Ils ont fait prendre les armes à la Garde Nationalle et ont fait prier Mrs les Officiers du Régiment de Chartres d’y assister ; ils y ont été et tous les officiers à la teste de leur Compaignie. Ils se sont assemblés sur la place des Halles ; auparavant de partir, ils ont reçu des nouveaux officiers, l’Etat-major ayant fait leur démission, à cause du sieur Pottier de la Morandière, teinturier, demeurant au Pré, qui est un assés mauvais sujet, grand enragé, qui ne cherche qu’à mettre le trouble dans la Ville167. Il avoit été nommé un des Majors, en la place de Mr de Curby, et cela par les Compaignies. Tous les bons officiers n’en vouloient point ; quand ils ont vu qu’il persistoit à rester, ils ont donné leur démission. Toutes les Compaignies assemblées ont nommé Mr Dutertre, Négotiant au Mans, demeurant rue de quatre-œufs, pour colonel, et autres dont je ne say pas le nom. Quand tout le monde a été rendu dans l’Eglise de St Julien, Mr le Curé de St Vincent, qui avoit presté le serment, et trois ou quatre prestres assés mauvais sujets, ont chanté le Te Deum. Il y avoit de la Musique tant bonne que mauvaise168.
Banqueroute de Mr du Bourg
140Le 1er avril 1791, Mr du Bourg, le fils ainé, a déclaré sa banqueroute, qui dit-on est très considérable, puisqu’elle monte, dit-on, à plus d’un million169. Tout le monde y a été trompé. Il faisoit un gros commerce en épicerie ; il étoit de société pour une forge pour une verrerie, et autres entreprises. C’est une partie de sa famille qui perd ; il avoit épousé Mlle Garnier l’ainée, très aimable et jolie, dont il a une fille âgée de dix ans, qui est aussi très jolie et à qui la mère donnoit de l’éducation. Elle ignoroit les affaires de son mary ; Mr du Bourg a son père qui est très riche et fait aussi commerce d’épiceries ; il a 4 enfans. Mr Garnier, son beau-père, est aussi très riche, et fait commerce d’étamines ; il a aussi 4 enfans, dont une fille a épousé Mr Sellier qui y perd 20 000 #.
Mariage de Mlle de la Borde avec Mr de Neveu
141Le 5 avril 1791, Mlle de la Borde, agée de 15 ans et un peu plus, a épousé Mr de Neveu, âgé de 32 ans ; il est de la paroisse de Savigné sous Brais près Vendôme170. Il étoit Officier dans les Régiments provinciaux ; il poura avoir quatre ou cinq mille livres de rente. La jeune personne ne sera pas aussi riche, elle a perdu beaucoup dans la mort de son père, qui a été empoisonné aux Isles dont il devoit revenir après avoir vendu tout le bien qu’il y avoit. La mère de la mariée étoit une Demoiselle de la Moustière qui a eu quarante mille livres en mariage ; il doit encor luy en revenir autant après la mort de Mr La Moustière.
Mr Rameau nommé Maire
142Au commencement d’avril 1791, quand Mr Le Prince d’Ardenay a été nommé Président des Juges de Commerce, place qui luy convenoit mieux que la place de Maire171, le club des Minimes, qui n’est composé que de mauvais sujets, tous très enragés démocrates, ont cabalé pour faire nommer Mr Rameau, Maire de la Ville172. C’est un très mauvais sujet qui est venu s’établir au Mans, à Ste Barbe173, comme héritier de feu Mme de Nouans ; il est vieux. Il a eu une attaque de paralisie, n’entend rien aux affaires, et malgré cela, il a été nommé par le peuple, car il ne va point d’honnestes gens à ces assemblées-là.
Cérémonie pour Mr de la Boussinière
143Le dimanche 10 avril 1791, Mr de la Boussinière, Curé du Crucifix, qui avoit été nommé Evesque du Mans par les Electeurs du Département, Mr de Gonssans qui avoit refusé de faire son serment et par là la nation ayant décrété qu’on pouvoit et même qu’on devoit nommer aux Eveschés qu’ils disoient vacants. Mrs les Electeurs avoient d’abord nommé Mr Grégoire qui est membre de l’Assemblée Nationalle ; il venoit d’accepter l’Evesché d’Orléans deux heures auparavant174. Mrs les Electeurs, s’ennuyant au Mans, ont nommé par la caballe du club des Minimes, le dit Mr de la Boussinière ; il a été à Paris pour se faire sacrer ; il en a trouvé, ainsi que 50 autres. On trouvera dans le livre des Affiches du Mans, de la présente année, une lettre de Mr de la Boussinière, qui est très foible, pour ne pas dire plus ; il y a la réponse de Mr de Gonssans, le vray Evesque du Mans. Quand Mr de la Boussinière a été arrivé de Paris où il avoit été sacré, il n’a point eu d’institution canonique de la part de la Cour de Rome, et c’est ainsi que tous les autres nouveaux intrus, adressé à l’Assemblée Nationalle qui leur a dit qu’ils pouvoient s’en passer, ou bien ils ont trouvé un nouvel Evesque qui leur a donné, sans pouvoir, la ditte institution canonique. De retour au Mans, Mrs de la Municipalité et autres, comme le Département, le District, etc, ont pris jour pour cette grande cérémonie qui étoit le dimanche 10 avril. La veille on a fait sonner touttes les Cloches depuis 7 heures du soir jusqu’à 8 heures ; le lendemain on a fait une décharge d’artillerie, à 8 heures, toutte la milice citoyenne a pris les armes. Il est vray qu’il en manquoit beaucoup ; cependant il y avoit beaucoup de monde. Le Régiment de Chartres-Dragons y étoit aussi. A 9 heures, ils se sont rendus à la Cathédralle où le nouvel Evesque intru a dit la grande Messe accompaigné de quelques prestres Curés ou Moines, qui avoient juré. Ils avoient même écrit à plusieurs Curés de la campaigne qu’ils avoient invités de venir à cette cérémonie qui a été suivie d’un diner ; après la grande Messe, on a chanté le Te Deum ; pendant ce temps, toutte la Milice Citoyenne a défilé par la Grande Rue, la Vieille Porte et la rue de la Barillerie et delà à l’Evesché. La Municipalité, qui agissent en despotes, avoient été signifier à Mr l’abbé Chéhère, chanoine et l’homme de confiance de Mr de Gonsans, de vider le dit Evesché, et par grâce, on ne luy a donné que le plain pied pour avoir ou recevoir et donner à manger. Il y avoit donc toutte la Milice Citoyenne ; après le clergé du nouveau Prélat, il y avoit deux chapiers. Mr l’Evesque de la Boussinière étoit en Camail, faisant de grands saluts de costé et d’autre, d’un air très triomphant. Après Mr l’intru, le Département, le District, la Municipalité, Mrs les Juges avec leur chapeau et plumes ; tout cela avoit l’air tout à fait singulier. Après tout ce monde là, le Régiment de Dragons fermoit la marche, et en jurant, car il étoit plus d’une heure et demie quand on a rendu Mr l’intru à l’Evesché. On avoit ordonné le son des Cloches de la Ville depuis Midy jusqu’à une heure, et le soir, il y a eu une illumination depuis 8 heures jusqu’à dix heures. Tout le peuple a paru très content de tout cela, de façon que les honnestes gens n’osent rien dire.
Nomination des Curés de la Ville
144Le 11 avril 1791, Mrs les Electeurs du District, ayant été mandé de se rendre au Mans pour nommer Mrs les nouveaux Curés de la Ville, qu’on ne peut pas plus nommer que l’Evesque, malgré cela, se sont assemblé le lundy matin, dans l’Eglise de St Julien. Ils ont nommé Mr Rivière, curé de Vouvray, petite paroisse entre Connerré et la Ferté ; (il a remercié175 et on a nommé en sa place). C’étoit un Oratorien, homme d’un certain âge ; on dit qu’il a de l’esprit et qu’il est charitable, mais peu propre pour remplir une Cure comme celle de la Coulture. Mr Huard, qui a succédé à Mr Maulny, mon bon amy, a eu le talent de s’y faire aimer et considérer, et il le mérite ; je ne say même comment les paroissiens prendront cette nouvelle nomination. Par le nouvel arrangement des paroisses de la ville, qui sont réduites à quatre, il y a : St Julien, dont Mr de la Boussinière est le premier Curé ; La Cure de la Coulture, celle de St Benoist et celle du Pré176. La paroisse de la Coulture sera composée d’une partie de la paroisse de St Nicolas, de Ste Croix, et on ira dans l’Eglise de l’Abbaye de la Coulture. Mr Rivière est donc nommé ; comme il a refusé, la cure de la Coulture ne sera nommée qu’après la Pâque. On a nommé à la Cure de St Benoist, le sieur Le Peltier, qui y étoit un des prestres de la ditte paroisse et qui avoit fait le serment ; il étoit en outre, du club des Minimes. Il a été installé le Dimanche des Rameaux, le 18 avril 1791 ; le Curé et vray Curé, s’est absenté et sera obligé de quitter sa cure. Le sieur Ledru doit aussi se faire installer pour la paroisse du Pré. Le sammedy 16 avril, Mrs de la Municipalité, au nombre de 4 membres, Mr Rameau, le Maire, à la teste, ont été dans les paroisses qui doivent relever de la Cathédralle et y estre réunies, savoir : l’autel du Crucifix, le grand et le petit St Pierre, St Pavin, l’Oratoire et St Vincent. Ils ont mis le scellé à la sacristie du Crucifix, du grand St Pierre, et sans doute des autres paroisses.
145Mr de la Boussinière, le nouvel intru, ayant reçu une instruction avec un mandement, provenant de Mr le vray Evesque, Mr de Gonsans a été furieux et l’a dénoncé au Département. Mr l’intru a fait signifier par un huissier à Mrs les Grands Vicaires et à Mr le Curé de St Nicolas, comme Supérieur des Communautés Religieuses, de ne faire aucune fonction de Grand Vicaire dans tout le Diocèse et on l’a même fait publier à son de trompe177.
Procession du Dimanche des Rameaux
146Le 17 avril 1791, le Dimanche des Rameaux, le sieur de la Boussinière est allé avec son Clergé, qui étoit en très petit nombre, à l’Eglise paroissialle de St Vincent, à 7 heures du matin, pour faire les mêmes cérémonies que nous faisions à l’abbaye de St Vincent. Il y a eu un sermon prononcé par un Capucin Apostat nommé Chouteau. Ils ont sorty sans doute, à 9 heures, comme à l’ordinaire, pour se rendre à la Cathédralle ; le nouvel intru avoit invité la Municipalité d’assister à la procession. Il y avoit un détachement de la garde Nationalle et un détachement de Dragons au nombre de 25. Il y avoit beaucoup de monde de la campaigne178.
Mandement
147Mr l’Evesque Gonsans ayant fait distribuer une Instruction pastoralle et un Mandement pour les vrays fidelles tand en ville qu’à la campaigne. Ledit Mandement a été dénoncé à la Municipalité et au Département179 ; ces Mrs ont été furieux et ont fait un arresté assés fort qui a été imprimé : je ne l’ay pas vu. Mr de la Boussinière, autrement l’intru, toujours furieux de ce que personne ne veut le voir ny assister à son office, s’est adressé au Département pour demander à loger dans l’Evesché. Pour cela, ces Mrs ont donné ordre à la Municipalité de signifier à Mr l’abbé Chéhère de vider la maison de l’Evesché, dans 24 heures, ce qui étoit impossible. Il a commencé par vider son appartement et une autre partie, dans différentes maisons, comme à l’Oratoire, sa bibliothèque, chés Mr l’abbé Paillé.
Jeudy Saint
148Mr lintru a fait la cérémonie des Stes huiles avec cinq ou six de ses associés ; il n’y avoit presque personne et il ne trouve point de curés à qui il puisse les distribuer ; personne n’en veut.
Vendredy Saint
149Le Vendredy Saint, lintru a fait prescher un sermon par son mauvais prédicateur Capucin apostat, le sieur Chouteau. Ordinairement toutte l’Eglise étoit pleine ce jour-là ; il n’y avoit que cinq personnes dans les chaises et à tous les offices l’Eglise est déserte. C’est ce qui le désolle et le rend tout à fait honteux, s’il en est susceptible.
Mariage de Mlle de Villiers avec Mr de Chauvigny
150Le mercredy 27 avril 1791, Mlle de Villiers l’ainée, âgée d’environ 16 ans, a épousé Mr de Chauvigny, de Vendôme ; il étoit cy-devant, Lieutenant-criminel de la ditte Ville, mais depuis le changement, il est Commissaire du Roy au District de St Calais qui n’est éloigné que de 5 lieues de Vendôme, où il fait ordinairement sa demeure. Il va une fois par semaine à St Calais, il est bien logé à Vendosme ; il a une campaigne qui est très jolie, aux environs de Vendosme. On assure qu’il a plus de 4 000 # de rente, logé et meublé en ville et en campaigne, non compris sa place de Commissaire du Roy il a un frère qui étoit chanoine de Vendosme, qui demeurera avec luy. Il a 38 ans ; c’est bien vieux pour la demoiselle, mais on luy assure beaucoup de bonnes qualités ; il est de bonne famille. Mlle de Villiers est fort aimable et jolie ; c’est Mr Maulny, son grand-père, qui a dotté la demoiselle. Il donne 1 000 # de rente ; Mr et Mme de Villiers ne donnent que très peu de chose, mais un bon trousseau, bien solide. Mlle de Villiers est née le 7 octobre 1774 ; elle a une sœur qui a plus d’un an au moins, et qui est très formée. Il y a aussi un garçon qui est l’aîné de tous ; c’est une famille bien unie.
Couche de Mme de la Thébaudière
151Le 14 may 1791, Mme de la Porte de la Thébaudière est accouchée ; quoique de la paroisse de St Vincent, son enfan a été baptisé dans l’Eglise de St Julien ou de la Cathédralle où doit estre réunie la paroisse de St Vincent180. Ce sont des enfans qui ont été parain et Maraine.
Sellés des paroisses et Communautés d’hommes
152Le 11 et le 12 may, on a mis le sellé dans les paroisses de la Coulture et de St Nicolas, dans celles des Cordeliers et Jacobins. Le Curé intru de la paroisse de la Coulture, qui est à présent dans l’Eglise des cy-devant Religieux de l’Abbaye, et celuy de la paroisse du Pré, ont pillé les Eglises de St Nicolas et de la Coulture pour en faire décorer leur Eglise ; cela s’est fait avec une indécence inouie. Le 15 may, les paroissiens, tous mauvais sujets, ou bien qui ont été payés, ont planté des mays aux curés de la Coulture et du Pré181. Les honnestes gens gémissent de tout ce qui se passe.
Départ du Régiment de Chartres Dragons, pour aller à Vendosme
153La nuit du 16 au 17 may, le Régiment de Chartres Dragons est party, avec le plus grand regret des bons habitans de la ville. Il y avoit longtemps que les membres de la Municipalité de la Ville, ainsi que les mauvais sujets qu’ils payoient, en vouloient au dit Régiment qui, dans tous les temps, s’est toujours conduit avec honneur et sentiments182. Sur le may de l’intru de la Boussinière, soit-disant Evesque du Mans, on accusoit ces Dragons d’avoir coupé le dit may, dans la nuit du Dimanche au Lundy 15 et 16 may, ce qui, dit-on, étoit très faux. Mais Mrs Le Vasseur, Chappe, procureur de La Municipalité, et autres enragés, ont été bien aise de trouver cette occasion pour faire sortir le Régiment. La preuve que cela étoit prémédité, c’est que l’ordre du Ministre, pour changer le Régiment, est datté du 16 may, qui étoit le jour que le May avoit été couppé. Comme ces enragés prévoyoient qu’il y auroit révolte, ils avoient envoyé des express dans les paroisses de Ballon, Montfort, Savigné et autres ; il arrivoit des paysans de tous costés, armés de faux, fusils, etc. Tous ces gens-là commencèrent à s’assembler depuis 5 heures après midy jusqu’au mardy matin, en demandant à toutte force, le renvoy du Régiment. Mrs de la Municipalité et le Département furent assemblez toutte la nuit ; il y avoit beaucoup de ces Mrs qui ne vouloient pas le départ du Régiment, mais enfin, il fallut céder au peuple, ou plutost à 3 ou 4 enragés et au club des Minimes qui avoient payé le peuple pour cela. Mr de la Gandie, Colonel en Second, se présenta plusieurs fois à la Municipalité, dit qu’il ne devoit pas sortir sans ordre du Ministre, y étant par son ordre, et leur dit : « Messieurs, voulez-vous des forces, je vous reponds de faire bientost dissiper ce peuple mutiné. » Ils ne voulurent point, et pour ne point repandre le sang des bons Citoyens, il consentit à faire partir le Régiment. Il est incroyable de voir des soldats, tout pleins de colère et de rage, de sortir de la Ville aussy tranquillement. Ils furent à Beaumont où ils furent bien reçus ; ils ont party le lundy matin pour Vendosme, et nous sommes sans troupe dans ce moment où il y a à craindre pour les bons Citoyens et pour les bons prestres qui n’ont point voulu prester le serment. Le mardy 17 may, on a mis un nouveau may au sieur de la Boussinière, Evesque de la Sarte ; on l’a promené par la Ville, d’une manière indécente. Il faudroit trop de papier pour écrire touttes les sottises qu’il fait et fera.
Mort de Mr de Linières
154Le 23 may 1791, Mr de Linières, le père, âgé de 80 ans au moins, est mort à sa terre d’Amigné, paroisse de Changé183, d’une révolution de goutte.
Couche de Mme de Montulé
155Mme de Montulé est accouchée d’un garçon au Mans, chés Mme sa belle-mère ; elle avoit eu un enfans qui est mort, parce que le père, qui est un homme singulier et jaloux avoit voulu l’élever à la manière de Jean-Jacques Rousseau184.
Mort de Mr l’abbé Folloppe
156Mr l’abbé Folloppe, qui étoit chanoine et Archidiacre de Sablé, est mort à Evreux, où il étoit, quoique paralitique, chés une parente. Il avoit pris possession de son Canonicat, le 30 may 1769, et il étoit né le 13 janvier 1713.
Mort de Mr Chesneau, Médecin
157Le 14 juin 1791, Mr Chesneau, médecin, le Doyen des Médecins, est mort âgé de plus de 70 ans ; il y avoit longtemps qu’il étoit infirme. Il demeuroit paroisse de St Nicolas qui est réunie à la Coulture ; c’est le sieur Manguin, intru dans la paroisse de la Coulture, qui l’a enterré. Il n’y avoit pas beaucoup de monde, personne ne voulant assister à l’office des intrus.
Ordination de l’Evesque intru
158Le 19 juin 1791, Mr de la Boussinière, Evesque de la Sarte, et intru, a fait une ordination de peu de mauvais sujets, entre autres le frère Maximin, questeur des Capucins, déjà vieux. C’est le rebut de l’ancien Séminaire qui se présente au Séminaire qui se tient aux Jacobins ; c’est l’ancien Curé de Ballon185 qui en est le Supérieur. Il a aussi donné la Confirmation.
Départ du Roy pour le pays étranger
159Le 22 juin 1791, on a appris le départ du Roy de France et de toutte la famille Royalle pour le pays étranger186. Il a party dans la nuit du lundy au mardy. Tout aussitost qu’on l’a su à Paris, l’Assemblée Nationnalle a envoyé des coursiers dans tous les départements pour les en prévenir et leur donner des ordres pour que le peuple fut tranquille, et qu’il n’y eust point de sang répandu. La Municipalité qui est très inquiète, ainsi que le Département et toutte l’Assemblée Nationnalle, ont donné des ordres qui ont été bien observés. On a triplé la Garde Nationnalle ; on a déposé les poudres au Corps de garde ou Tour Vineuse ; on a ordonné de mettre des lumières aux croisées depuis 9 heures jusqu’au jour et il ne s’est rien passé de mal.
Jour de la Feste Dieu
160Le 23 juin, jour de la Feste Dieu, il y a eu une procession à partir de St Julien, dessendu les Pans de Goron, par la rue de Gourdaine et venir après par la Vieille-Porte, monter par la rue de la Barillerie, la rue Marchande, passer devant l’Eglise de la Coulture et ensuitte la Mission où il y a eu un sermon par le nommé Roustel187, ancien professeur Bénédictin. Il y avoit environ 30 Ecclésiastiques, tous jureurs ; il y avoit les Confrairies de St Jean et du St Sacrement ; au reste, beaucoup de garde nationnalle sous les armes et tout le Cortège du Département, Municipalité, District et Juges de District. Mr l’intru étoit derrière le dais, au milieu de Mr le Curé de St Vincent et de le sieur Le Bleu, cy-devant Curé du Bizot188 et à présent Grand-Vicaire de la Cathédralle ; il n’y avoit pas beaucoup de monde à la suitte de la procession, ny à la Mission. Ce nouvel Intru d’Evesque, qui enrage de ce que son Eglise est déserte, avoit prié et tourmenté Mrs de la Municipalité de faire fermer les Eglises ; on a sellé celle de l’Hopital et celle de l’Oratoire. Il n’a point pu venir à bout de faire fermer celle de Ste Croix et du Séminaire, surtout cette dernière ; Mr de la Moustière, Maire de la paroisse de Ste Croix, s’y est toujours opposé.
Mort de Mr l’abbé Sellier, chanoine et Grand-Pénitencier
161Le 26 juin 1791189, Mr Sellier, Chanoine et grand-Pénitencier de la Cathédralle, mais sans tittre et fonction, vient de mourir d’une nouvelle attaque de paralisie ; il avoit 66 ans. Il avoit pris possession de son Canonicat, le 20 may 1766. Il avoit demandé à estre enterré comme pauvre, parce que c’est le sieur de la Boussinière, Evesque intru et Constitutionel, qui a fait l’enterrement ; il n’y avoit aucun chanoine. L’intru n’a fait sonner que la plus petite cloche. Il fut enterré au grand Cimetière, le samedy 25 juin 1791.
Couche de Mme de Moire
162A la fin de juin 1791, Mme de Moire, belle-sœur de Mr de Marsilly et de Mr le Boindre, et fille du Sieur Grassin, qui est jardinier, lequel Mr de Moire l’avoit épousée malgré toutte sa famille, vient d’accoucher. Le père n’a pas voulu qu’il fut à l’Eglise de St Julien pour y estre baptisé ; on dit que c’est Mr Belingand, qui étoit Curé du grand St Pierre, laquelle paroisse est réunie à la Cathédralle. Il a sans doute déclaré à la Municipalité que sa femme étoit accouchée pour qu’on constate l’état de l’enfans190.
Jour de la Fédération du Mans
163Le jeudy 14 juillet 1791, il y a eu une Fédération au Mans. La cérémonie s’est faite dans un pré qui est vis-à-vis la Mission, où on a dressé un Autel191. On a fait venir tant d’hommes, soit soldats ou officiers, par districts ; sur cent hommes de Garde Nationnalle par districts, on en nommoit un qui ont logé chés les Bourgeois au Mans. Mrs de la Municipalité avoient écrit aux dits Bourgeois, qu’ils les prioient de recevoir et loger et nourrir une personne qui venoit pour la ditte Fédération ; on n’a point voulu loger chés moy comme prestre192. C’est Mr de la Boussinière, Evesque Constitutionnel, qui a fait la cérémonie ; elle a duré jusqu’à 5 heures du soir. Il y a eu un enfans d’un particulier du Pré qui a fait ondoyer son enfans193 ; c’est Mlle Fay, fille de l’Avocat, qui a été Maraine, avec Mr Rouvain194, luy, comme par hasard. L’enfans n’a eu que l’eau, dit-on, au champ de Mars.
164Depuis ce temps-là, il y a eu bien des choses pour tout ce qui se passe dans notre Ville, qui ne méritent pas la peine d’estre écrites.
Pruillé le Chétif
165Le 14 aoust 1791, le sieur Dupont, qui avoit été Cordelier, et avoit demeuré longtemps à la Chapelle St Fray, comme Vicaire195, et cela, malgré Mr le Curé qui a fait ce qu’il a pu pour le faire sortir. Dans le temps du changement de Mrs les Curés et Vicaires, qui n’ont pas voulu prester le serment, on l’a placé Vicaire de Coulans quoiqu’il y eust peu de Curés qui eussent presté serment, luy, malgré qu’il l’eust presté, n’a cependant pas eu de Cure196. Et on l’a nommé Vicaire à Coulans. Mr Guiet197, curé de Pruillé, ayant eu l’indiscrétion198 de dire en chaire et ailleurs de dire des choses de ce qui se passe à l’Assemblée Nationnalle, quoique vrayes, a été poursuivi criminellement et a eu un décret d’ajournement personnel, qui l’a empesché de faire ses fonctions. Ce décret avoit changé, ou plutost l’affaire avoit été civilisée ; Mrs les Juges du District de notre Ville, qui sont des enragés et qui ne cherchent qu’à faire du mal aux Ecclésiastiques, ont condamné Mr le Curé de Pruillé, après l’avoir laissé plus de trois mois sans faire ses fonctions. Ils l’ont condamné à 150 # d’amende pour les pauvres et aux frais de 100 exemplaires de la ditte sentence. Ayant été 3 dimanches absent, s’étant retiré au Séminaire, ses paroissiens ont pris de l’humeur contre luy, et ont été demander un prestre à Mr de la Boussinière, Evesque Constitutionnel, qui, n’en ayant point d’autre que ce Cordelier de Coulans qui étoit venu voir si cela luy conviendroit. Ce Dupont a fait bien des sottises depuis qu’il est dans cette paroisse ; ce qu’il a fait pour le bien de la paroisse, il a fait couvrir l’Eglise à neuf ainsi que le cœur et la tour, marchandé à 200 #, en se servant de l’ancienne couverture. Il a fait paver le cœur qui étoit tout dépavé, et pour cela, il a pris le pavé du grenier du presbitère ; il a des projets de décorer le coeur : je ne say aux dépends de qui199.
Te Deum
166Le 25 septembre 1791, on a chanté un Te Deum au Mans pour la sanction du Roy pour la Constitution, il y a eu un feu de joye à neuf heures du soir ; on a publié dans les carefours de la Ville, la ditte Constitution. Mr de la Boussinière, Evesque de la Sarte, y étoit avec son clergé, en manteau long200, et Mrs de la Municipalité. Il y avoit un détachement de la Garde Nationnalle et un détachement du Régiment de Touraine Infanterie qui étoit arrivé le matin. Tout le Régiment a assisté au Te Deum qu’on a chanté sans musique201. Le soir, il y a eu une illumination ; le tout s’est passé bien tranquillement. Jay eu deux soldats du Régiment de Touraine, que jay nouris volontairement ; j’en ay été très content. C’est pour la première fois de ma vie que jay logé ; il n’y a plus d’exempts202.
Départ des Volontaires du Département
167Le 27 septembre 1791, Mrs les Volontaires, au nombre de 500 environ, se sont assemblés pour partir ; on les a habillés au Mans où ils ont passé six jours chés les Bourgeois chés qui ils logeoient. C’est Mr du Plessis, Chevallier de St Louis, qui les commande ; il n’en est pas plus estimé. Ce fera de mauvaises troupes et de mauvais sujets.
Couche de Mme Lambert
168Le 6 ou le 7 octobre 1791, Mme Lambert, dont le mary est Avocat au Mans et notre parent, est accouchée d’une fille. Pour que son enfans ne fut point baptisée par l’intru, Mr de la Boussinière, Evesque Constitutionnel, ou par ses Grands-Vicaires, elle a accouchée à Tusculan, campaigne qui appartient à Mme de Bordigny. Tusculan est de la paroisse de St Pavin des Champs, où l’enfans a été baptisée par Mr Yvon, Curé de St Pavin203. Elle est revenue en Ville au bout de 12 jours.
Couche de Mme de la Fosse et la petite vérolle
169Le 16 ou le 18 octobre, Mme de la Fosse, qui demeure près les Boucheries204, est accouchée d’un garçon ; quelques jours après sa couche, la petite vérolle, qui est très commune cette année, luy a pris et elle avoit beaucoup, elle avoit gouverné ses enfans qui l’avoient avant qu’elle accouche. Comme elle est très jolie, elle va bien changer.
Mort de Mme de Bois des Cours
170Le 29 octobre 1791, Mme de Bois des Cours, qui étoit veuve et sœur de Mr Hatton de la Goupillière, vient de mourir, sans enfans. Elle demeuroit depuis un an, chés Mr son frère, au bas du bourg-d’Anguy205 ; elle venoit de faire bâtir une très jolie maison vis-à-vis Mr son frère, qu’elle n’a point habitée elle n’étoit pas encor finie dans les dedans. Elle est morte d’un cancert au genou, qui luy est arrivé par une chutte sur un genou, qu’elle a négligée ; il luy est survenu une grosseur qu’elle a pareillement négligée. Elle pouvoit avoir environ 60 ans ; elle avoit du bien ; elle n’a pour héritier que Mr son frère qui a plusieurs enfans. Elle a été enterrée par l’intru de la Coulture ; il n’y avoit pas un grand luminaire et on n’a point averty pour l’enterrement.
Mort de Mme de Ste Croix
171Madame de Ste Croix, qui étoit une Demoiselle de la Courbe, avoit épousé le fils de Mr Le Clerc, ancien Procureur du Roy, qui a pris le nom de Ste Croix. Cette jeune Dame avoit une dartre206 sur le visage, qu’elle a voulu faire passer ; pour cela elle a fait des remèdes ; il est probable que c’est cette humeur qui luy a tombé sur la poitrine. Elle est morte subitement, grosse de trois mois, au Gébernusson207, où ils étoient dans ce moment. Le Gébernusson est de la paroisse de Pontlieue où elle a été enterrée le 20 ou le 21 octobre 1791.
Mort de Mr l’abbé du Gage, Chanoine
172On a appris la mort de Mr l’abbé du Gage Chanoine et Archidiacre de Laval, mort à sa campaigne, en Bretagne, où il étoit allé, il y a environ trois mois. Il étoit party avec deux de ses sœurs ; il en avoit deux autres qui étoient à Paris. Ils sont d’une bonne famille noble de Bretagne ; ils étoient venu au Mans, comme protégés de Mme la Duchesse de Lorges208. Ils étoient grand nombre d’enfans, au moins sept ou huit ; ils avoient une petite terre où Mme leur mère les avoit élevés ; il y a deux demoiselles qui ont été élevées à St Cyr. A la mort de Mme leur mère, Mr l’abbé du Gage vint au Mans avec cinq sœurs ; l’ainée est morte, au Mans, de la poitrine, le 9 février 1789. Mr l’abbé Bertelot du Gage est mort aussi de la poitrine ; et les décrets contre le clergé qui l’ont réduit, ainsi que bien d’autres, à très peu de choses, luy ont fait une telle impression qu’il a toujours langui depuis ce temps-là. Leur vray nom est Bertelot du Gage, de bonne Maison de Bretagne.
Mort de Mr le Baron de Rancher
173Mr le baron de Rancher, neveu de Mr de Vennevelles, est mort à sa terre, près le Château-du Loir, âgé d’environ 42 ans ; il y avoit très longtemps qu’il étoit malade de la poitrine. Il avoit servi dans le Régiment de Dragons, de Monsieur, frère du Roy. Il avoit eu ici une affaire pour le jeu avec Mr Dulau aussi Officier dans le même Régiment et il reçut un coup d’épée dont il pensa mourir ; depuis ce tempslà, il se portoit mieux. Il aimoit la fille de Mr Harmange, dont il a eu deux enfans ; il luy a achetté la maison où demeure le sieur Harmange, son père, qui est près la Caserne de la Maréchaussée ; il a fait un sort à cette Demoiselle.
Mariage de Mr Anfray
174Le 25 novembre 1791, Mr Anfray le fils, demeurant au Mans, dont le père est Notaire et très riche par une succession d’une femme, veuve d’un libraire qui demeuroit à Paris, et morte il y a au moins 4 ans, ce jeune homme, âgé de 21 ans ; ne voulant rien faire parce qu’il aura six mille livres de rente, ainsi qu’une sœur, et aussi après la mort de Mme Faribault, dont le mary étoit chirurgien et qui ne veux [sic] plus travailler par la même raison, ce Mr vient d’épouser une demoiselle de St Cosme, qui aura aussi de la fortune. Ils demeureront chés le père, au Mans.
Enlèvement des tombes et ossements de nos parents qui étoient aux Cordeliers
175Le 28 novembre 1791, après avoir présenté une resqueste à Mrs les Officiers Municipaux de la Ville du Mans, jay fait fouiller dans les fosses où avoient été enterrés mon père et une sœur, puis dans une cave où il y avoit les corps de Mr Portail, de Mr de la Motte, mon oncle, de Mme Nepveu, la première femme de Mr Nepveu, qui étoit une de Maridort ; il y avoit aussi ma sœur ainée. Jay fait faire une boëte où l’on a mis tous les os et ce qu’on a pu reconnoistre ; le tout étoit en poussière pour la plus grande partie. On les a portés au grand Cimetière, où ils ont été enterrés sans cérémonie, à costé de nos parents les derniers morts. Jay fait enlever l’épitaffe de Mr Portail, Procureur du Roy, mort en 1622 ; il étoit dans un cercueil de plomb ; j’ay aussi fait enlever celle de Mr de la Motte, notre oncle. Jay envoyé celle de Mr Portail à Mlle de Montagron, sa seule parente qui existe. Comme la Municipalité a achetté…209.
Couche de Mme Charpentier et de Mme Larsonneau
176Mme Charpentier est accouchée dans le mois de Novembre, et l’enfant, après avoir reçu l’eau à la maison, a été porté à l’Eglise de St Julien dont il est à présent, depuis le changement des paroisses de la Ville.
177Mme Larsonneau est accouchée d’un garçon ; elle est de St Benoist.
Couche de Mme Négrier de la Ferrière
178Mme Négrier de Posset de la Ferrière est accouchée d’un garçon. Mlle Le Boindre de Moire, dont le père avoit épousé Mlle Grassin, fille d’un jardinier, demeurant au Mans, près le marché de St Pierre. (On peut voir cette notte à la datte du mois d’octobre 1790). Elle est accouchée le 9 décembre 1791.
Couche de Mme de Rouillon
179Le 25 décembre 1791, jour de Noël, Mme de Rouillon, ma niepce, est accouchée d’une fille. Pour éviter de communiquer avec le sieur Manguin intru dans la paroisse de la Coulture, il a fallu chercher un Curé qui n’eust point juré. On avoit arrangé la maison de campaigne de Mr et Mme Le Clerc, nommée la Fuye, paroisse de Ste Croix, mais le Curé et le Maire et une partie des habitans qui craignoient l’intru d’Evesque et de la Coulture, ce dernier ayant dit hautement qu’il baptiseroit l’enfans de Mme de Rouillon, où il arriveroit malheur, on ne voulut pas compromettre Mr le Curé de Ste Croix et autres. Il fut décidé qu’elle iroit accoucher à la Forestrie210. Pendant ce temps-là, on trouva une petite maison très commode vis à vis les Mrs de la Vannerie, qui appartient à Mr l’abbé Lalande, qui étoit chanoine de Sillé-le-Guillaume ; il nous presta sa maison toutte meublée, de la manière la plus honneste211. Les douleurs prirent à Mme de Rouillon, le Dimanche matin, jour de Noël ; elle envoya chercher par une chaise à porteurs, Mr de la Roche, son chirurgien ; on partit devant pour aller faire du feu qu’elle trouva en arrivant. Mme de Bellefille, sa mère, vint peu de temps après. Tout son monde nécessaire se trouva tout prêt, et après avoir souffert pendant quatre heures, elle accoucha d’une fille qu’elle nourit. On fut chés Mme Amyot, aux Bois de Maquilly212, laquelle est maraine avec mon frère ; comme les chemins sont trop mauvais et qu’on ne peut loger213 où elle est, ils ont envoyé leur procuration qui a été remplie par les fermiers du lieu de Mr l’abbé Lalande214. On a porté l’enfans, sans bruit, au petit St Georges, qui est la paroisse de la maison de Mr l’abbé Lalande, l’enfans a été nommé Catherinne… Nepveu de Rouillon215. Le père est absent ; il est émigré, comme la plus part des Officiers et de la Noblesse216 ; ils avoient épousé le 19 octobre 1790.
Couche de Mme de Sapinaud d’Angers
180Le 26 décembre 1791, Mme de Sapineaud, demeurante à Angers, est venu accoucher au Mans, chés Mr de Vauguion, son beau-frère ; il est de la paroisse de St Julien. C’est, sans doute, l’intru d’Evesque, qui aura fait le baptesme.
L’année 1792
Mort de Mme de Morel
181Le 2 ou le 3 janvier 1792, Mme de Morel, qui demeuroit au Mans, Maison de Mr de la Boussinière, à présent Evesque intru, dans le Diocèse du Mans, mais Evesque Constitutionnel de la Sarte, est morte, âgée de 22 ans. Elle étoit allée, avec Mr son mary, voir la terre de la… que luy vendoit Mr de Lambourg217 ; cette terre est très jolye, à la porte de Noyen, c’est un objet de plus de 80 000 #. Elle avoit noury un enfans qui n’a que dix mois (il est né le 22 février dernier)218 ; comme elle étoit délicatte, elle avoit sevré son enfans au bout de six mois. Nayant pas été asses purgée sans doute après, elle étoit sujette à des fluxions. Elle avoit eu la fièvre quelques jours avant de partir, elle fut donc descendre chés Mr Clottereau, à Noyen, où elle resta malade. Elle n’a duré que trois jours ; elle est morte d’un dépost de lait ; son mary, qui étoit allé avec elle, en est revenu tout consterné. Il devoit partir, pour s’émigrer, comme tous les autres officiers. Mlle de Mondagron, qui l’aimoit comme son enfans, la regrette beaucoup ; elle leur avoit fait beaucoup de bien et l’avoit fait venir au Mans, où il s’est établi. Elle s’appelloit Mlle de Lescale, d’Alençon.
Croix de St Louis à Mr Le Boindre
182Mr Le Boindre l’ainé, demeurant au Greffier, a eu la Croix de St Louis, qu’on luy a envoyée du Bureau de la Guerre ; comme il n’y a plus de serment, on la luy a adressée tout simplement avec permission de la porter tout de suitte219. Mr Le Boindre avoit servy dans le Régiment de Montcalm cavallerie, comme Cornette220 ; à la paix de 1762, le Régiment fut réformé, Il obtint une pension de 300 #, il n’a point été remplacé, il étoit sensé estre toujours à la suitte d’un Régiment. Il a resté tranquille chés luy, s’est marié et a eu des enfans. Il avoit sollicité la Croix de St Louis ; depuis ce temps-là, il avoit été nommé Colonel de la Garde Nationalle, place qu’il a conservée pendant deux ans. Mr de Valence, Colonel du Régiment de Chartres, avoit présenté un Mémoire pour luy ; on luy avoit toujours fait espérer. Enfin, un second mémoire fut envoyé par Mr de la Gandie, Lieutenant-Colonel du Régiment de Chartres, en garnison au Mans, et quelque temps après, il l’a eue. On la donne, à présent, sans aucune cérémonie, à cause du Serment qu’on ne veut plus exiger. Il y a, en teste du Brevet : « de par la Nation, par la Loy et par le Roy ». Il est mis le dernier221 ; cela répugne à bien des militaires qui n’en voudroient point dans ce temps d’anarchie où nous sommes et j’espère que nous en serons bientost tiré avec le secours des princes émigrés, d’une partie de la Noblesse de la France émigrée, et des puissances voisines qui prestent du secours tant en argent qu’en troupes. Mr Le Boindre a pris la Croix, le 5 janvier 1792.
Couche de Mme de Neveu
183Le 10 janvier 1792, Mme de Neveu, fille de Mme de la Borde, qui demeure chés Mr de la Moustière, son père, est accouchée d’une fille, chés Mr de la Moustière fils, son oncle, qui demeure paroisse de Ste Croix, dont le Curé222 n’a point presté le serment. Mme de Neveu demeure ordinairement à Vendosme où son mary a maison ; il est party, comme tous les gens comme il faut, pour s’émigrer. Mlle de la Borde s’est mariée le 5 avril dernier. C’est Mme de la Borde, sa mère, qui étoit la maraine, et Mr de Neveu, le père du marié, qui étoit le parain, lequel a été représenté par Mr de la Moustière le fils, frère de la mère et maraine.
Couche de Mme Perrier
184Le 14 janvier 1792, Mme Perrier est accouchée d’un garçon à la campaigne de Mr Perrier, paroisse de Chaufour ; c’est Mr l’abbé Tuffier, chanoine semi-prébendé de St Julien, qui a fait le baptesme. Mme Perrier étoit une Demoiselle Goussault, sœur de la première femme de Mr Perrier ; elle a 18 ans, elle a épousé Mr Perrier, le 21 mars 1791. C’est, je crois, une Dame Perrier, sœur de son grand-père, et Mr Goussault, père de la commère223, qui ont nommé l’enfans. Mlle Goussault, qui a épousé Mr Perrier, est née le 5 juin 1773 ; ainsi elle a 18 ans224.
Couche de Mme de Linières
185Dans les premiers jours de l’année 1792, Mme Ouvrard de Linières, qui demeure ordinairement au Mans, est accouchée d’un garçon à sa terre, paroisse de St Saturnin225, et cela à cause du jureur de St Benoist.
Couche de Mme Devoir
186Le 6 février 1792, Mme Devoir, qui demeure chés ma sœur, comme domestique, vient d’accoucher d’un garçon, paroisse de Ste Croix, elle est mariée de l’an dernier.
Mort de Mlle Le Royer
187Le 11 février 1792, Mlle Le Royer, sœur du chanoine, est morte dans la maison de Mr son frère, chés qui elle demeuroit, rue des Chaplains ; elle avoit, dit-on, un cancer dans l’intérieur de la poitrine ; il y avoit très longtemps qu’elle étoit malade. Elle a été enterrée par l’Evesque Constitutionnel, sans pouvoir faire autrement ; aussi, il ne s’y est trouvé aucun chanoine. Elle a été enterrée l’après-diner bien simplement, car il n’y avoit que 4 cierges d’un cartron. Mlle Le Royer pouvoit avoir plus de 60 ans.
Mort de Mlle Blin de Chantelou
188Le 12 février 1792, Mlle Blin de Chantelou, tante de Mr Blin des Roches, ancien Conseiller au Présidial et de Mr Blin de Béru, Procureur du Roy et à présent Commissaire du Roy, est morte presque subitement, âgée de 69 ans. Mr Blin des Roches et Mr Blin de Béru sont les seuls héritiers ; elle n’a point reçu les sacrements par l’Evesque intru. Elle a été enterrée l’après-diner, et avec un très petit luminaire.
Mariage de Mr Malet médecin avec Mme Guillou
189Le 9 ou le 10 février 1792, Mr Malet, Docteur en Médecine, demeurant au Mans, près la Tour des Cloches de St Julien, vient d’épouser Mme Guillou, âgée de 17 (ou 19) ans ; il avoit longtemps que Mr Guillou [sic] faisoit la cour à Mme Guillou ; il avoit même gouverné le mary dans une longue maladie qu’il a eue et dont il est mort. Mr Malet est du costé de Conlie, et n’est pas riche ; il peut avoir environ 37 ans. Mme Guillou aura du bien ; le père de Mme Guillou est tanneur, il a bien fait ses affaires ; on dit que les enfans de Mme Guillou, au nombre de trois, auront chacun 50 000 #. Mr Malet a épousé Mme Guillou à Tours où elle étoit en pension depuis 10 mois ; il est sûr qu’à son retour, il a été déclarer son mariage à la Municipalité, pour constater civilement le mariage226.
Mariage de Mr Dugué
190Mr Dugué, qui travailloit pour les fiefs du chapitre et qui, à présent, travaille dans les bureaux du Département227, vient d’épouser une Demoiselle Girard, sa cousine. Mr Paillé, Grand-Vicaire de Mr de Gonssans, le bon et vray Evesque, a donné touttes dispenses, même de parenté, parce qu’il y avoit de fortes et bonnes raisons. Il les a fait marier dans un appartement à cause de la circonstance du temps ; après avoir reçu le Sacrement, ils ont été à la Municipalité déclarer leur mariage228. Pour éviter la communication avec les prestres schismatiques ou intrus, on est obligé d’agir ainsi. Mr Dugué a épousé ainsi les derniers jours de janvier 1792.
Mort de Mr de St Cosme
191Mr de Bois des Cours de St Cosme, est mort à l’isle de Jerzé et Guernezé229, qui sont du gouvernement d’Angleterre. Il avoit environ 75 ans ; il étoit malade et languissant et avoit même eu une attaque de paralisie. Mme de St Cosme, qui avoit très grand peur dans la ville du Mans, à cause de la Révolution, engagea son mary à aller prendre les eaux de Dinan. Ils firent la partie, avec Mr et Mme de Guibert, et Mr leur père, de partir avec eux ; il y a resté. C’étoit un véritable honneste homme, bien tranquille ; on a appris sa mort dans le courant de février 1792.
192[note] La nouvelle s’est heureusement trouvée fausse230.
Mort de Mr Paquinot
193Le 22 février 1792, Mr Paquinot, chanoine de St Pierre, suprimé comme les autres, est mort âgé d’environ 72 ans ; il avoit été Curé entre Bonnétable et la Ferté231. Il étoit aveugle. Il a été enterré sans cérémonie et sans luminaire par les prestres de St Julien. Mr de la Boussinière enrage du petit luminaire qu’il y a à tous les enterrements des aristocrattes, et on ne les appelle jamais pour les administrer232.
Couche de Mme la Maréchalle de Mailly
194Dans le courant du mois de février, on a appris que Mme la Maréchalle de Mailly est accouchée d’un garçon ; Mme est jeune, mais Mr le Maréchal a 84 ans. Mr le Maréchal a une terre qu’on appelle la Roche de Veaux, paroisse de Pontvalain233, où il passe une partie de l’année. Mme est accouchée à Paris ; sans le grand âge de Mr le Maréchal, il n’auroit pas manqué de s’émigrer, comme la plus grande partie de la Noblesse et des grands seigneurs.
Destruction des Eglises du Mans
195Dans le courant de février 1792, on a abbattu l’Eglise et le Couvent des Cordeliers et la Maison que je tenois à vie Canonniale, malgré mon opposition, et cela sous le prétexte d’y faire un chemin qui partira de la place des Jacobins, ira gagner le chemin au bas des Arrennes et se rendra par la Grimace où se trouve le chemin de Paris. On a aussy démoly l’Eglise de la paroisse de St Nicolas, l’Eglise de la paroisse de St Pavin la Cité, l’Eglise de la paroisse St Jean ; on va aussi démolir l’Eglise des Minimes234. Le dimanche 4 mars, une trouppe des plus mauvais sujets de la Ville, au nombre de plus de 300, ont été, après Vespres, à Ste Croix, demander les clefs de l’Eglise à Mr Herpelle, qui en est le Curé235. Mr de la Moustière, qui étoit présent, eut beau dire qu’ils n’étoient pas en droit de le faire, ils menacèrent ces Messieurs et dirent qu’ils les vouloient. Il fallut céder à la force. Ils apportèrent les clefs chés l’intru d’Evesque la Boussinière, qui les remercia de leur zelle de patriotes. Ils ont été chés Mr le Curé de St Pavin des Champs, faire la même cérémonie, le 2 mars, Mr le Curé, qui est Mr Yvon236, a été obligé de venir prendre une maison en Ville pour s’y retirer et le dimanche 4 mars, les paroissiens ont installé un intru qu’on nomme Le More, qui avoit une petite Cure auprès de Paris ; il l’avoit quittée pour venir prendre une place de Grand-Vicaire chés l’intru la Boussinière.
196Le dimanche 4 mars, Mr Lambert, qui demeure ordinairement à son endroit de la Vannerie, et qui est Maire de la paroisse du petit St Georges, a fermé l’Eglise de la ditte paroisse, après la grande Messe, afin d’éviter du bruit. Il vint réellement quelques mauvais sujets pour avoir les clefs ; on leur dit que la porte étoit sellée et ils s’en furent. Le mauvais peuple est plus enragé que jamais contre tous les prestres non assermentés, et cela, parce qu’ils sont poussés par les intrus et les gens du club, et un Philippeaux qui est un homme bien dangereux en tout genre.
Départ de 400 hommes pour Courcemont
197Le Sammedy 3 mars 1792, il est party du Mans environ 400 hommes de la Garde Nationnalle, pour aller à Courcemont, chercher du bled que les habitans de la paroisse ne vouloient point laisser passer à un boulanger du Mans qui en avoit achetté. On en a trouvé environ 25 boesseaux ; cela a couté beaucoup pour rien237. Ils sont revenus le Dimanche au soir, bien mouillés et bien las ; ils avoient mené 2 canons pour se défendre en cas de résistance.
Mort de Mme de Pallueau
198Le 7 mars 1792, Mme de Pallueau, âgée de 92 ans, est morte. C’étoit la tante de Mr Lambert de la Vannerie et de Mme de Chevaigné. Elle a été enterrée sans cérémonie, par un prestre de St Julien, l’après midy.
Mariage de Mr le chevalier de Clinchamps
199Mr le chevalier de Clinchamps, qui est bien jeune en tout point, a épousé sa cousine, Mlle de Clinchamps, de St Marceau ; il a déjà mangé une partie de sa fortune. La demoiselle est bien jeune, et fille d’un cadet ; elle ne sera pas riche, mais elle aimoit le jeune homme qui l’a sans doute trompée, car il a fallu la marier dans le courant de février 1792. Ils se sont mariés à Paris.
Mariage de Mr de Clinchamps l’ainé
200Mr de Clinchamps l’ainé a épousé une demoiselle qui doit avoir plus de 200 000 # de bien dans les Isles ; on dit beaucoup de bien de la Demoiselle et de Mr de Clinchamps l’ainé. J’avois oublié à écrire ce mariage qui s’est fait à Paris dans le courant de janvier 1792. La jeune Dame a préféré demeurer au Tertre238 chés Mr son beau-père, au lieu de demeurer à Paris où est la famille, pendant que Mr son mary est absent comme tous les autres Gentilhommes. Depuis son mariage, on a dit que cette jeune Dame avoit perdu sa fortune dans le pillage et insurrection des isles239.
Couche de Mme d’Aubigné
201Mme d’Aubigné, fille de Mme Leroy, qui demeure au Mans, laquelle avoit épousé Mr d’Aubigné, Procureur du Roy du Château-du-Loir, vient d’accoucher d’une fille ; elle a deux garçons dont le plus jeune a au moins 13 ans. On l’avoit mariée à 15 ans ; elle a accouché au Château du Loir, les premiers jours de mars 1792.
Décret du 16 mars 1792240
202Mrs du Département de la Sarte ont fait un arresté en datte du 8 mars 1792, qu’ils ont fait publier et afficher partout, par lequel ils engagent Mrs les Ecclésiastiques qui n’ont pas presté le serment, de se rendre au Séminaire. Jay reçu une lettre, le 16 mars et une le 17, comme tous les autres, je nay rien répondu à ces lettres et je me suis fait faire un habit de couleur, un gilet, et une culotte et une redingotte qu’on appelle lévite241, le tout de différentes couleurs et jay une petitte voiture, prest à partir pour Paris si l’on me dit la moindre chose, tant en ville qu’en campaigne242.
Mort de Mme du Genetay
203Le 19 mars 1792, Mme du Genetay, dont le mary étoit Juge de l’Election, est morte âgée d’environ 50 ans ; elle étoit, je crois, l’ainée des enfans de Mr et Mme de Linières. C’étoit une Dame bien respectable ; il y avoit longtemps qu’elle étoit malade. Elle n’a point voulu estre administrée par le Curé intru et autres prestres jureurs ; aux derniers moments de sa vie, elle dit très vertement à son mary qui est un grand démocratte quelle ne vouloit point voir de prestres jureurs et que si on luy refusoit le prestre en qui elle avait confiance, elle mourroit sans Sacrements. Elle dit là-dessus à son mary bien des choses qui devroient le faire changer ; elle est morte, après avoir reçu les Sacrements en secret ; elle a été enterrée par le Curé intru de St Benoist243. Il y avoit un beau luminaire, c’est Mme Ory, négotiant en cire, gendre, qui l’avoit fourny. Mme du Genetay n’a qu’un fils qui a épousé Mlle Ory et il fait le commerce de cire de société avec Mme Ory244.
Désordres au jardin de la Société
204Le 26 mars 1792, le peuple, c’est-à-dire, le mauvais peuple, s’est porté en foule au jardin de la Société de St Vincent, y ont entré de force, ont cassé touttes les chaises, rompu les billards, brullé tous les papiers et ont fait tout le mal qu’ils ont pu. On est allé avertir la garde et la Gendarmerie, autrement la Maréchaussée, qui sont arrivées après le mal fait. Ils ont été après cela, au jardin d’une société qu’il y a dans le Bourg d’Anguy où ils ont fait aussi tout le mal qu’ils ont pu, sans qu’on leur ay rien dit245. Ils sont aussi allé en foule, dans une Maison, ruelle de St Benoist, où se tenoit autrefois la loge des francs-maçons246, où ils ont fait aussi bien du mal. La Municipalité, toujours longue dans ses délibérations, et qui, probablement a approuvé tout le mal que ce mauvais peuple a fait, a cependant envoyé un détachement de la Garde Nationnalle et la Maréchaussée qui n’ont arresté personne. Tout ce bruit fait par ce mauvais peuple a fait une sensation dans la Ville. Le matin, quelques mauvais sujets, sous prétexte de trouver des prestres dans la maison de la Visitation, sont montés par dessus les murs et ont entré dans la Maison. Ces Dames ont envoyé prier la Municipalité de venir visiter leur Maison ; ils n’ont point trouvé. Il y avoit trois hommes qui étoient venu avec des haches pour défoncer les portes, toujours sur le prétexte qu’il y avoit des prestres qui disoient la Messe. On en a cependant mis trois en prison, qui ont été relachés dans le soir parce que le peuple l’a voulu. Ce même matin, jour de la Feste de l’Annonciation, on avoit placé des gardes aux portes de l’Eglise St Julien pour empescher que les prestres non assermentés disent la Messe ; ils en ont insulté quelques-uns qui s’étoient présenté. Il n’y a pas d’horreurs que cette vilaine canaille ne dise des prestres dont la plus grande partie ont été obligé de se retirer dans le Séminaire.
Mort de Mr Savare, Curé de Voivres
205Le 25 mars 1792, Mr Savare, qui étoit Curé de Voivres près Louplande, vient de mourir, âgé d’environ 45 ans. Il avoit eu cette Cure par le Chapitre de St Pierre dont il avoit été officier, et, comme il avoit un frère chanoine, il l’avoit fait solliciter pour luy. Il étoit très aimé dans la paroisse. La Révolution et le Serment qu’on a exigé de tous les prestres fonctionnaires luy avoient fait une telle impression qu’il en a eu un coup de sang, qui luy a affecté la teste ; il a eu ensuitte une attaque de paralisie ou coup de sang qui l’a emporté en trois jours. Il est mort au Mans chés Mr son frère, le chanoine de St Julien, qui demeure dans la Rue des chanoines. Il a été enterré sans cérémonie par un des prestres de St Julien, ne pouvant faire autrement.
Départ pour Paris
206Je suis party pour Paris, le 28 mars 1792, j’y suis arrivé le 1er avril, j’ay été dessendre chés Mlle Courceille, chés qui j’avois été dans le même temps, il y a trois ans247. Jay fait ce voyage comme forcé, parce qu’on vouloit me faire aller au Séminaire où il y a plus de 130 prestres dont une partie sont des curés, qui s’y sont rendus. Je suis party avec Mr Herpel, Curé de Ste Croix ; j’ay trouvé à Paris, plusieurs chanoines de St Julien et de St Pierre et bien d’autres connoissances qui ont quitté la Ville du Mans.
Couche de Mme Bignon
207Mme Bignon, fille de Mr Michelet de la Borde, est accouchée d’un garçon, bien heureusement, à la fin du mois de may 1792248. C’est, je crois, Mme Sellier qui a été Maraine, sans doute avec le frère de Mr Bignon, qui demeure à Bonnétable. L’enfans aura, sans doute, été porté à St Julien, qui est à présent sa paroisse.
Mort de Mr de Vançay, le plus jeune, mort près Coblenz
208Mr de Vançay le jeune, âgé de 29 ans, est mort aux environs de Coblenz où il étoit Emigré, comme tous les autres ; il étoit dans la Marine. C’étoit un très aimable et bon garçon. Mr son père, qui demeure à Chaine de Coeurs ne vouloit pas qu’il parte, et ne luy a donné que très peu d’argent ; ce jeune homme, pour économiser, a fait une longue route à pied, et il est mort d’une échaufaison249.
Mort de Mr Le Romain
209Mr Le Romain, âgé de 91 ans, est mort au Mans, dans sa maison, vis à vis Mr de la Moustière, c’étoit la plus belle viellesse de la ville, il avoit toute sa teste. Il a été enterré par l’intru de la paroisse de la Coulture250, avec grande cérémonie ; tous ses parents sont enragés démocrates, et luy ne l’étoit pas.
Mort de Mr Livré, le Bourgeois
210Le 1er juillet 1792, Mr Livré, le bourgeois, âgé de 84 ans, est mort, paroisse du grand St Pierre, à présent de St Julien ; il a été enterré par les vicaires de St Julien. Il y avoit un luminaire honneste, parce que Mr Ysembart, qui a épousé une des filles de Mr Livré, est un très grand démocratte ; c’est luy qui a ordonné l’enterrement251. Mr l’abbé Livré, chanoine de St Pierre, est à Paris, et Mme Courteille, sa sœur, n’a point voulu s’en mesler. Ils ont donné leur procuration à Mr Lambert l’avocat.
Mort de Mme Le Vayer de Faverolles
211Dans les premiers jours de Juin, Mme Le Vayer de Faverolles, femme de Mr Le Vayer, Sénéchal, est morte d’une fièvre maligne, au bout de neuf jours. Mr Le Vayer avoit épousé Mlle de Préaux, sa niepce, qui étoit malheureuse chés sa mère ; elle étoit toute jeune. Elle n’a point eu d’enfans ; il y a environ trois ans, tout au plus, qu’il l’avoit épousée. Elle est morte à Faverolles qui est une terre près Montargis en Touraine, qu’il a fait bâtir. La place de Sénéchal est suprimée, comme touttes les autres charges.
Mariage de Mr de Linières, de Paris
212Mr de Linières l’ainé, vient d’épouser, à Paris, dans le courant du mois de may, Mlle de Laubespine, âgée d’environ 30 ans, qui n’est pas riche, mais d’un grand nom ; c’est un des descendants de la Maison du Grand Sully, ministre de Henry quatre. Il est sûr que Mr de Linières est très riche ; il gagne et gagne beaucoup à l’entreprise des bois de marine, comme fermier Général de la terre de Bonnétable, appartenant à Mr de Luynes ; il a aussi été un des Intendants de Mr le Prince de Condé. Il est sûr qu’on le dit très riche ; il falloit cela pour qu’il épousât Mlle de Laubespine qui n’a pas eu une grande éducation pour une demoiselle de son nom. Elle n’est pas jolie, mais elle est bien faite.
Grandes eaux qui ont fait une grande perte
213Le lundy, mardy et mercredy 9, 10 et 11 juillet 1792, il a tombé beaucoup d’eau, et cela partout, car les eaux sont devenues si grandes, qu’on ne les avoit jamais vu si hautes dans ce temps cy. Elles ont emporté le pont d’Ivré, qui étoit en bois, mais bien fort et bon. Le messager de la Ferté-Bernard, qui a voulu [passer] par-dessus, le vendredy 13, a été noyé, ainsi que deux personnes qui étoient dans sa charrette. Ce pont a manqué, parce que tout le foin qui étoit coupé et en veille, a été emporté par l’eau, et il y en avoit beaucoup ; tout celuy de la prée des planches252 a été emporté, et celuy d’Ivré et autres. Celuy qui n’est pas coupé ne vaudra rien ; il y a eu aussi beaucoup de perte sur les bleds et sur la chennevière253. Les bleds sont couchés, le fardeau va les couvrir et ils ne pouront plus se relever. Mr de la Boussinière, Evesque Constitutionnel, a fait une procession générale où le clergé des quatre paroisses a assisté ; il n’y avoit pas beaucoup de monde254.
Jour de la fédération
214Le 14 juillet 1792, on a fait la cérémonie ou feste populaire de la Fédération ; touttes les paroisses du district de la ville et des environs, avoient envoyé un détachement de leur garde Nationale ; cela faisoit un grand nombre sous les armes. Ils se sont assemblés sur la place des halles ; il faisoit assés beau. Toutte la Municipalité est venue à la Halle et ils ont été chercher Mrs du Département. Ils sont arrivés sur la place des Halles, près du buste de Voltaire et de Mirabeau qu’on portoit sur des brancards, ainsi que la Constitution qui étoit écrite en gros caractères sur des tables de carton. Cette table étoit sur un brancard porté par 12 hommes ; on a même porté la folie jusqu’à faire brûler de l’encens devant. Ils sont party à midy pour aller au Champ de Mars qui étoit dans un champ au-dessous de la prée de la Mission, sur le chemin de Ponlève255. On avoit fait faire un bâtiment representant la Bastille, qu’on devoit prendre, et cela pour amuser le peuple ; le tout s’est passé sans trouble ny accident ; la prise du bâtiment représentant la Bastille a bien réussi. Il y a eu le renouvellement d’un mariage de 50 ans. Le serment, qui a esté presté par tous ces différens Gardes Nationaux, a pris beaucoup de temps ; ils n’ont arrivé sur la place des halles qu’à 8 heures passées ; tout le monde logeoit ; il n’y a plus de privilèges : j’avois un gendarme national, qu’on appelloit autrefois Cavallier de Maréchaussée, qui demeure à la Suze256. Tous ceux qui ont couché au Mans, ont party bien tranquillement le Dimanche ; je voudrois que tout se fut passé aussi tranquillement à Paris qu’au Mans257.
Mort de Mme de Linières
215Le 16 juillet 1792, Mme de Linières, demeurant près les boucheries, devant le bâtiment qui servoit de grenier à sel, est morte âgée de 68 ans ; c’étoit une Dame bien vertueuse et respectable. Elle avoit eu bien du mal ; elle avoit [vécu] au commencement de son ménage dans la forge de Monfort et autres, où elle avoit élevé au moins 8 enfans auxquels elle avoit donné une bonne éducation. Mr de Linières, qui est mort, le 23 may 1791, avoit fait bâtir une belle maison, près les Boucheries, où il s’étoit retiré depuis plusieurs années, Ils avoient établi tous leurs enfans et bien avantageusement ; il n’en reste qu’un, qui n’est point marié, et qui fait le commerce d’étamines avec Mr de la Fosse, son frère. Mme de Linières a été enterrée, sans cérémonie, par les prestres Constitutionnels de St Julien ; elle pensoit très bien, ainsi que toutte sa famille258.
Déclaration des armes qu’on a chés soy
216Le 18 juillet 1792, il a été publié un décret de l’Assemblée Nationale, qui enjoint à touttes personnes, de quelque état et condition qu’elle puisse estre, de déclarer les armes qu’il peut avoir chés luy, et cela, sous des peines très rigoureuses. J’ay donc été à la Municipalité où se fait cette déclaration qu’on est obligé de signer ; j’y suis allé avec Mr Trotté de la Bouverie que jay rencontré. Jay déclaré que j’avois un fusil à deux coups et deux pistolets qui n’étoient pas à moy et un épeu259 qui étoit à mon frère. Comme on a déclaré partout le Royaume que la patrie étoit en danger (et c’est plutost l’Assemblée Nationale qui est en danger), on demande des hommes pour aller sur les frontières, et on n’en trouve plus de bonne volonté.
Couche de Mme de Feumusson
217Le… juillet 1792, Mme de Feumusson, de St Vincent, est accouchée.
Départ pour Paris
218Le 13 aoust 1792, je suis party pour Paris avec Mr l’abbé Trotté, chanoine ; Mr l’abbé Livré, chanoine de St Pierre, Mr Guévérot, curé du Breuil ; Mr Huet, Curé de Juigné, près Sablé, je crois260. C’étoit dans le temps que le Département fit un arresté affreux contre les prestres qui n’avoient pas voulu prester le serment et qui enjoignoit de se rendre au Séminaire. Nous avons préféré aller à Paris, malgré les atrocités qui s’étoient passées aux Thuilleries, le 10 aoust, où ils avoient enfermé le Roy et la famille Royalle, au Temple. Il y eût, ce jour-là, plus de 6 000 hommes de tués, et surtout les bons Cent-Suisses qui étoient à la Garde du Roy, qui furent tous tués et massacrés par une faction du peuple poussé et payé par l’Assemblée261. Nous fumes jusqu’à Chartres ; là, nous vismes des Mrs qui venoient de Paris par la diligence, qui nous dirent qu’il y avoit du danger à Paris, dans ce moment ; qu’on y entroit facilement, mais qu’on ne pouvoit sortir sans passe-port et qu’on avoit bien de la peine à en obtenir. D’après ce rapport très fidèle, nous prîmes le party de nous en revenir chacun chés nous ; après avoir dîné à Chartres, nous avons party pour revenir au Mans. A Courville, qui est la première poste en revenant de Chartres, Mr Goeverot, Mr Huet et Mr Livré, ne voulant pas revenir au Mans, dirent à Mr Trotté et à moy, qu’ils alloient aller à Rouen. Quand nous avons vu cela, Mr Trotté et moy, nous avons pris le party de revenir, et nous sommes arrivés au Mans, le vendredy soir, 17 aoust.
219En arrivant, on m’a dit qu’on faisoit la visite dans les maisons, pour y prendre les armes et pour y arrester les prestres ; ma sœur me fit proposer d’aller chés elle. J’y ay été 12 jours, toujours dans l’inquiétude, et j’ay été obligé de passer bien du temps, à différentes fois, dans une goutière262 ; ils ne sont point venu fouiller chés elle, pendant que j’y étois, ny chés moy. Je suis revenu coucher chés moy, le 29 au soir. Mrs du Département ont inhumainement fait partir tous les prestres qui étoient au Séminaire, le mardy 28 aoust, c’est-à-dire, qu’il y en a au moins 50263 qui sont partis à pied, avec une garde de la Ville. Mr Hureau, Curé de St Nicolas, en partant, a fait à ses confrères qui partoient, un petit discours très touchant et consolant, ce qui a rendu la Garde, qui les conduisoit, toutte interditte. Ils ont été, le premier jour, jusqu’à Foulletourte264 et le lendemain à la Flesche265, de là à Angers, et ensuitte à Nantes, où chacun prendra son party pour s’embarquer, suivant leur Décret ou arresté. Comme il y en avoit beaucoup d’infirmes qui ne pouvoient pas aller à pied, on a eu des charettes pour les conduire ; il y en a quelques uns qui ont obtenu la permission de rester au Séminaire. Voilà d’où nous en sommes. Ils n’ont point pris, ny arresté le Curé de la Coulture, ny ses Vicaires. J’ay, jusqu’à ce jour, 30 aoust 1792, évité d’estre pris.
Mort de Mr des Granges
220Mr Barbé des Granges est mort, âgé d’environ 70 ans ; il étoit très pesant, il a tombé paralitique. Comme on ne fait plus de cérémonie, à peine a-t-on su sa mort ; il est mort au commencement du mois d’aoust. Il avoit trois enfans, savoir : Mme Léon ; une autre fille, Mme Mégecié, qui est morte, et un garçon qui est comme imbécille. Il étoit riche, il avoit fait le commerce d’étamines.
221Depuis mon départ de Paris, jusqu’au 23 novembre 1792, il y a eu bien des choses que j’aurois pu écrire, mais j’ay été obligé de me cacher moi-même pour n’estre pas pris par le mauvais peuple qui m’auroit mené avec ces autres Messieurs, soit à la Mission, soit aux Ursulles. Je nay donc rien écrit de remarquable, depuis mon départ du 13 aoust dernier, quoiqu’il se soit passé bien des horreurs, tant à Paris que dans les provinces où le peuple est le maistre de faire ce qu’il veut, et comme il veut.
Révolte pour le prix du pain et du bled
222Le 23 novembre 1792, il s’est assemblé au Mans, dans la Ville, environ trois mille hommes au moins, des paroisses voisines, qui sont venus avec armes et tambours ; il y a beaucoup d’habitans de la Ville, qui se sont joints à ces trois mille hommes. Ils ont pris les armes de leur propre autorité, se sont rendus sur la place des Jacobins sur 10 heures et suivant, ils se sont présentés à la Municipalité pour demander que le pain et le bled soient fixés pour toujours, et qu’ils entendoient le fixer à 20 sols, le pain michard de douse livres, et le pain noir de douse livres, à… sols, et le pain molet à volonté. Ils ont aussi dit qu’ils prétendoient et vouloient que le boesseau de froment fut fixé pour toujours à 45 sols, le boesseau ; le metay à 40 sols ; le boesseau de sègle à 35 sols ; l’orge à 25 sols, et l’avoine à… sols (la mouture est à 30 sols ; elle n’est point fixée, ny le bled noir). La Municipalité a voulu composer avec eux en leur demandant de fixer le pain michard à 24 sols, et le boesseau de froment à 3 # ; ils n’ont jamais voulu. Ils sont venu tous armés, environner la halle, sans cependant faire de mal à personne ; il a fallu céder et leur accorder ce qu’ils demandoient. Ils ont voulu, à toutte force, que cet arresté fut signé de tout le Département et de toutte la Municipalité ; il y en avoient qui étoient absents et qui s’étoient cachés. On a été les chercher, et on fouilloit chés eux en disant qu’ils auroient leur sang ou leur teste. Quand ils ont eu ce qu’ils vouloient, le tumulte s’est apaisé. A 7 heures du soir, on a publié, à son de trompe, le prix du pain et du bled, ce qui n’arrivoit jamais pour le bled. Il arrivera qu’on amènera plus de bled au marché266.
Mariage de Mlle Courcelles avec Mr de la Moustière
223Le 24 novembre 1792, jay signé les articles du contrat de mariage de Mlle Courcelle, niepce de Mme Courcelle, qui étoit Supérieure du Couvent de la Ferté Bernard, et de Mme Courcelles, qui demeure à Paris, et fille de Mme Frémine Courcelles, veuve, laquelle demeure à Paris et a envoyé sa procuration. La jeune personne est née à la forge de Valançay en Berry, en avril 1770 ; elle est, suivant la nouvelle loy, majeure, puisqu’il suffit d’avoir 21 ans. Elle a toujours été élevée, depuis l’âge de 4 ans, dans le couvent de la Ferté Bernard, soit par sa tante, soit par une demoiselle de Cœur Joly. Elle a épousé Mr de la Moustière, qui étoit bailly de la Ferté-Bernard, et depuis [que] la Ferté-Bernard est un District du Département de la Sarthe, il avoit été nommé Juge du District, et à cette nouvelle nomination il n’est heureusement pour rien. Il demeure à la Ferté-Bernard où il a sa maison et l’on dit qu’il jouist de 3 000 # de revenu. Il est petit, pas bien de figure, mais bien pensant ; il est fils de Mr Mustière, qui étoit l’homme d’affaires de Mr de Praslin, pour sa terre de Ste Suzanne où il a très bien fait ses affaires267. Il a trois sœurs qui sont bien mariées ; il y en a une qui a épousé Mr …, qui demeure à Fresnay, et elle n’a point d’enfans ; de touttes ses sœurs, il n’y en a qu’une qui ait une fille. Mr Mustière peut avoir environ 30 ans ; ils sont allé épouser à Cherré près la Ferté-Bernard, paroisse d’où dépendoit la Communauté de Religieuses qui ont été forcées de quitter leur Communauté, le 17 septembre dernier. C’est Mr le Curé de Cherré qui les a mariés, bien canoniquement il a juré pour rester dans sa paroisse où il est aimé268 ; il ne veut point reconnoistre Mr de la Boussinière, pour l’Evesque du Mans. Après la bénédiction nuptialle, on a dressé le procès-verbal du mariage devant la Municipalité ; c’est le Curé qui a tout fait269. Après un grand déjeuner dinatoire, chés le Curé, ils sont revenu souper au Mans et sans cérémonie. Il n’y avoit que Mr et Mme Lambert d’étrangers. C’est Mr Lambert qui avoit fait le contrat de mariage, et Mme Lambert qui faisoit les fonctions de mère. Ils ont pris un appartement dans la Grande Rue, au coin de la rue qui va dans la rue des Chanoines, et cela pour peu de temps.
Arrivée de deux Députés de l’Assemblée
224Le 28 novembre 1792, il est arrivé, au Mans, deux Députés de l’Assemblée Nationale ou Convention, pour arrester, s’ils peuvent, les suittes de l’insurrection du peuple arrivée dans plusieurs départements et pour taxer le pain et le bled ; cela n’est pas aisé à fixer270. On leur a fait des visites de corps, tous les corps des officiers de la Garde Nationale et des Juges, y ont aussi été les visiter. Ils ont été au Club pour haranguer le peuple, et le Vendredy, jour du marché, ils ont été à la Halle, pour aussi haranguer le peuple. Ils avoient fixé le bled, mais le sammedy, au soir, on a publié un Décret qui permet le commerce de bled, de façon que le Lundy 3 décembre, le froment étoit à 5 #.
Mauvais pain
225Le peuple commence à murmurer et menace du pillage ; on ne fera plus qu’un pain composé d’un tiers de froment, un tiers de seigle et un tiers d’orge. Cela ne poura pas durer longtemps ainsi ; tous ces mouvements ont un dessous qu’on voudroit bien découvrir.
226[note] Cela n’a duré que 3 jours ; on commence à faire du pain comme par le passé et il n’est plus taxé par le peuple, mais suivant le prix du bled. Le pain fait très noir, cette année, à cause de la qualité du bled.
Arrivée de troupe de cavalerie nationale
227Le 4 et 8 décembre 1792, il est arrivé environ 200 hommes pour mettre le bon ordre dans la Ville, lequel étoit occasionné pour la cherté du bled et du pain.
Mauvais pain
228On a ordonné de ne plus faire qu’un pain composé d’un tiers de froment, deux tiers de seigle et d’orge ; il est très noir et très mauvais, et encor on le vend 25 sols, le pain de 12 livres.
Mort de Mme D’Arcy
229Le 5 décembre 1792, Mme Darcy, demeurante Grande Rue271, âgée de plus de 70 ans, est morte ; il y avoit quelques années qu’elle étoit paralitique272. Elle avoit une demoiselle, qui est l’ainée, qui demeuroit avec elle ; une autre qui demeure à Paris chés un de ses parents. Elle a un fils qui est Capitaine d’artillerie, qui est encor au service ; il n’a point émigré. Il est infirme ; il a été longtemps perclus de tous ses membres.
Mort de Mr Pousset de la Vouve
230Le 15 décembre 1792, Mr Pousset de la Vouve demeurant près St Julien, est mort, âgé d’environ 68 ou 69 ans. Il a un enfans garçon qui demeure à Paris ordinairement, il est très bossu, mais il a de l’esprit ; il sera riche, étant enfans unique273.
L’année 1793
Mort de Mme de Châteaufort
231Dans les premiers jours de janvier 1793, Mme de Châteaufort, la mère, qui demeuroit sur les Petits Fossés274, est morte ; elle étoit très âgée et étoit paralitique. Elle laisse son mary qui est presque imbécille ; il y a 2 Mrs de ses enfans, qui sont mariés275. Elle a été administrée par un bon prestre276 ; il n’y avoit point de luminaire, ou un très petit.
Mort du sieur Monnoyer
232Mr Monnoyer le père, imprimeur, est mort et a été administré par un bon prestre, quoique son fils soit très enragé démocrate277.
Mort de Mme Hervé du Rosay
233Le 11 janvier 1793, Mme du Rosay, qui demeuroit près la Visitation, est morte ; elle étoit très âgée.
Grandes eaux
234Le 12 janvier 1793, Les eaux ont été aussi grandes qu’au mois de juillet dernier, mais elles n’ont point causé de perte comme dans ce temps là.
Mort du Roy Louis Seize
235Le 21 janvier 1793, Les François se sont déshonorés pour jamais, c’est à dire que les Députés de la Convention qui est composée de ce qu’il y a de plus mauvais sujets dans toutte la France, ont eu la cruauté de condamner le Roy Louis XVI, à perdre la teste sur un échaffaud278. Je ne puis en dire davantage sans frémir d’horreur contre ces crimes.
236[…] et sont touts les détails et même son testament qui tire les larmes du cœur le plus endurcy279. J’espère que touttes les puissances viendront venger la mort ignominieuse de ce bon, pieux et vertueux prince, et remettre un Roy sur le thrône ou Mr le Daufin ou un des frères qui puniront les auteurs de tout le mal qui se fait, depuis trois ans. Il y a à craindre que les bons ne souffrent pour les mauvais.
Mort de Mr de St Cosme à l’isle de Jarsay en Angleterre280
237On a appris la mort de Mr de St Cosme, mort à Jarsay, le 12 janvier 1793, âgé d’environ 68 ou 70 ans ; il étoit infirme quand il a party du Mans, dans le temps des troubles, dans l’année 1791 et 1792, il est party pour l’isle de Jarsay et Guernesey qui sont dépendantes du Roy d’Angleterre. Mme de St Cosme, qui avoit peur de son ombre281, voulut partir avec Mr et Mme Duleaux282, Mr de Châteaufort, Mr et Mme de Grandval et leur enfant, Mlle de Lorchère, Mr et Mme de Samson. Luy s’en est revenu à Paris et dans le Courant de janvier, il est allé chercher son fils. Tous les étrangers qui y sont, ne peuvent plus repasser en France à cause de cette indigne Convention qui condamne à mort tous ceux qui ont quitté la France. C’est pour cela que le Département du Mans a fait faire la vente de Mr et Mme de Grandval, et de Mr et Mme Duleau, et de Mr et Mme de St Cosme, se sont emparé de leur maison pour y établir le bureau de la poste où il est à présent depuis 15 jours. On ne peut rendre touttes les horreurs et friponneries que commettent tous les jours la Convention et touts les Départements. Mr Huard, Curé de la Coulture, et Mrs Salmon et Bigot, ses deux Vicaires, étoient à Jarsay, lors de la mort de Mr de St Cosme. C’est Mr le Curé qui a enterré son paroissien, vers la moitié de janvier 1793.
Mariage de Mlle Rivière
238Dans les premiers jours de février 1793, Mlle Rivière la jeune, qui demeuroit au Mans, chés Mlle sa tante, paroisse de la Coulture, âgée, je crois, de 29 ans, vient d’épouser Mr de Cotte, âgé de 24 ans, est, ou étoit, de condition, mais qui, je crois, n’est pas riche. Il a une petite terre entre Beaugé et la Flesche, où ils demeureront ; c’est Mr Rivière, le père, qui a fait ce mariage. Elle étoit très dévote, et je n’aurois pas cru qu’elle se fut mariée et qu’elle eust quitté sa tante283.
Couche de Mme Lambert
239Le 26 février 1793, Mme Lambert, femme de l’avocat, notre parent, est accouchée d’une fille ; c’est au moins pour la quatrième. Mr Lambert a fait baptiser son enfans à la maison, il l’a fait porter à la Municipalité pour en constater la naissance, et n’a point été à l’Eglise de St Julien pour le faire baptiser par un intru ou équivalent.
Départ de Mr Jupin, Grand Pénitencier
240Le 2 mars 1793, on a conduit Mr Jupin, Grand-Pénitencier de la Cathédrale, à Nantes, pour l’embarquer pour les Isles, suivant la loy des tirans de Paris que ceux du Mans ont mise à exécution sans compation, et c’est le nommé Yvon, notaire d’Etival, qui est au District, qui l’a fait lier et garoter, et conduire de brigade en brigade, par la maréchaussée ou gendarmerie jusqu’à Nantes. Mr Jupin, à qui on avoit persuadé qu’il n’étoit point fonctionnaire, avoit demandé un certificat de résidence qu’on luy a refusé, et même on le fit arrester sur le champ284.
Service pour un Député de la Convention
241Le 3 mars 1793, la Garde Nationale a pris les armes pour assister à une Messe dite par un intru ; je ne say si c’est Mr de la Boussinière. C’est pour Mr Le Peletier de St Fargeau, Député de la Convention, qui avoit voté pour la mort du Roy. Un Mr nommé Paris, ancien Garde du Corps, qui étoit au Café de Foy285, au Palais-Royal, vit ce Mr et luy demanda s’il avoit voté pour la mort ; il luy répondit qu’il avoit suivy les mouvements de sa conscience en le condamnant à mort. Il tira une espèce de poignard en luy disant : « voilà ta récompense », et il s’échapa286. Je désire qu’il ne soit pas pris, tous ceux qui ont voté pour la mort du Roy en mériteroient bien davantage.
242[note] : Il n’y a pas eu de Messe, ces Mrs n’en veulent plus.
Voyage de Mme de Belle Fille à St Cyr
243Le 14 mars 1793, Mme de Bellefille est arrivée au Mans avec sa dernière fille, qu’on nomme Henriette, elle étoit entrée à St Cyr, le 25 avril 1789 ; elle n’y a resté qu’environ quatre ans. Cette superbe maison et bonne éducation a essuyé le malheureux sort de la Révolution, voulant supprimer tout ce qui étoit bon. C’étoit une Maison Royalle, fondée par Mme de Maintenon, maitresse de Louis quatorse ; on n’y recevoit que des filles de condition et il falloit faire des preuves de sa Noblesse287. On a tout supprimé et détruit. Il y avoit 200 jeunes Demoiselles qui pouvoient y entrer à 10 ans et y restoient jusqu’à 20 ans ; c’est une perte irréparable.
Arrestation
244Le 20 mars 1793, jay été arresté pour avoir trouvé chés moy des lettres de mon frère, dans lesquelles il parloit mal de la Convention et en général de tout ce qui se passe288. Mon frère a aussi été arresté et ammené au Mans dans les prisons royalles, où nous avons été depuis le 20 mars jusqu’au 26 avril. Nous avons été dans la prison, et de là on nous a traduits dans les prisons de l’Evesché où il y a été mis beaucoup d’honnestes gens, Mr de Sarcé, Mr de la Vingtrie, Mr Ouvrard, Mr Godefroy, de Sablé ; Mr le Lieutenant Général de la Flèche, et une infinité d’honnestes gens, sans savoir pourquoy, ou pour des misères. Nous sommes enfin sorty de cette prison, le 28 may ; nous avons été en prison 2 mois et 8 jours et encor si mes niepces ne s’étoient pas tant donné de peines et de mouvement, Mme de Bellefille, qui est chés Mme du Vauguion, est allée à Paris où elle a fait finir l’affaire, et nous en avons été quittes pour la peine et de l’argent289.
Mort de Mme Deslandes
245Mme Deslandes est morte dans le courant du mois de juillet 1793 ; elle a tombé dans sa cave, par une trappe, elle est morte peu de jours après. Elle laisse son mary et quatre enfans, touttes filles, dont deux sont marié ; Mr Poisson du Breuil a épousé l’ainée290.
246Je ne parle point de tout ce qui se passe dans la ville, au sujet des affaires présentes ; il faudroit des volumes.
Couche de Mme de la Vingtrie
247Mme de la Vingtrie est accouchée, et le neuvième jour après sa couche, elle est partie pour Paris avec son mary qu’on a conduit à Paris pour son procès qui est au Conseil Révolutionnaire291.
Mme de Malherbe a eu la petite vérolle
248Mme de Malherbe, qui est fille de Mme de la Porte de la Houssaye, a eu la petite vérolle dans le mois de juillet 1793292.
Mort du Curé de St Vincent
249Dans le mois de juillet 1793, Mr Touvray, Curé de St Vincent, est mort âgé d’environ 78 ans ; il avoit été Oratorien et mon Régent de seconde293. Il avoit resté Curé, ayant presté le serment et, par-là, le premier Grand Vicaire de l’Evesque Constitutionel.
Mort de Mr d’Audrieux
250Mr de Seran d’Audrieux, chanoine, est mort au Mans, dans le courant du mois de juillet 1793 ; et sans doute enterré, sans cérémonie, au Grand Cimetière. Il étoit âgé d’environ 80 ans au moins.
Mort de Mr l’abbé Cabaret
251Le 11 aoust 1793, Mr l’abbé Cabaret, prestre, qui étoit un saint homme, n’ayant point voulu de bénéfice, il étoit riche, est mort âgé de plus de 80 ans ; il étoit paralitique depuis plusieurs années. Il avoit fait un testament par lequel il donnoit tout son mobilier à l’Hopital ; c’étoit Mr l’abbé du Mourier qui en étoit l’exécuteur, et en son absence, l’Hopital. Il demandoit beaucoup de Messes dont il sera privé dans ce malheureux temps. Il a été enterré par le Curé intru de la paroisse de St Benoist, d’où il étoit ; c’est la famille Gourdin qui en hérite pour partie ; de l’autre, il y a beaucoup d’héritiers.
Fédération
252Je ne dis rien du jour de la Fédération qui a eu lieu, le 10 aoust ; les Affiches du Mans en parlent assés294.
Mort de Mme de la Livaudière
253Le 18 aoust 1793, Mme de la Livaudière est morte âgée d’environ 70 ans ; elle n’a jamais eu d’enfans. Elle demeuroit dans la paroisse de St Nicolas ; elle étoit parente de la maison de Clinchamps par Mme sa mère. Elle avoit épousé Mr de la Livaudière295 ; ils avoient un très joly endroit dans la paroisse de Fay, qui portoit ce nom. Ils étoient bien aimés et avant la Révolution, ils avoient tous les Vendredy de l’année, du monde, qu’on appelloit jour du Bréda296. Ils étoient riches, plus du costé de Mr de la Livaudière, que de Madame.
Jour de mon entrée à la Visitation297
254Je ne crois pas qu’il y ait rien eu de nouveau, depuis la dernière époque298 jusqu’au 30 septembre 1793, qu’on est venu me signifier un arresté du Comité de Surveillance de la Ville du Mans pour me rendre dans la maison d’arrest de la Visitation ; je m’y suis rendu avec les gardes qui étoient venu me chercher299. Je fus très surpris, en arrivant, d’y trouver Mr et Mme Amyot, Mr et Mme de Montbrais, mon frère, Mr de Villiers, Mr de Moncé, Mr de la Poissonnière, Mr et Mme Le Peletier de Feumusson, Mr et Mme de Feumusson, Mr et Mme Ouvrard et tous leurs trois enfans, Mr de Samson, Mr de Landremont, Mr de Lande et Mr Poisson du Breuil, Mr et Mme des Berries, Mr de Champflé, Mr et Mme Le Roy, et Mr Lambert. Il y en avoit encor beaucoup d’autres dans le corridor d’en haut avec lequel on ne pouvoit communiquer ; c’étoit le sieur Cadouff, cy devant Suisse à St Julien, qui étoit Commissaire pour la maison d’Arrest de la Visitation300. Il y a eu jusqu’à 180 personnes enfermées dans cette maison, et dont une partie étoient des gens de la campaigne. Quinze jours après mon entrée, il y a eu beaucoup de femmes qui ont été arrestées ; Mr et Mme de Launay et Mme du Plessis, leur fille, Mr de La Fuye, Mme de Bellemare, Mme de Chassilly, Mme du Rancher avec tous ses enfans301, Mme de la Fosse, Mme de Montulé, Mme et Mlle de Sarcé, Mme de Beauvais, etc, etc. Il y avoit aussi plusieurs personnes qui n’étoient pas riches ; elles étoient environ 40 femmes dans l’infirmerie. Comme elles y étoient trop mal, on pris le party de séparer les femmes, et de les mettre [ailleurs]. Ce fut pour nous un vray jour de peine ; elles furent transférées, le 28 octobre. Mr de Villier, Mr de Montbrais, Mr Amyot, mon frère et moy, nous nous arrangeâmes pour coucher dans la même chambre ; Mr de Launay et Mr de Samson couchoient dans une petite chambre à costé. Nous nous faisions servir par le sieur Hervé, le traiteur, qui demeuroit vis à vis, à raison de 40 sols par jour.
255Nous avons resté ensemble jusqu’au 10 décembre 1793, que les Brigands ou insurgés de la Vendée, sont entrés dans la Ville du Mans, le mardy au soir, où ils ont fait beaucoup de mal, du moins pour la plus part ; ils y ont resté jusqu’au vendredy 13, qu’ils en ont été chassés avec beaucoup de pertes302. Il est vray qu’ils ont tué et massacré beaucoup de patriotes ; une grande partie des habitans de la Ville avoient fuy, et surtout ceux qui étoient en place303. Nous avons quitté la ville, avec une nombreuse escorte ; on ne peut pas rendre tout ce qui s’est passé la journée du 10 décembre. Nous sommes party de la Ville, environ 80 détenus et nous ne sommes arrivé à Bonnétable, à 11 heures et demi du soir, qu’onse détenus de la Visitation, et cinq prestres304 qui étoient party de l’Evesché. Arrivé à Bonnétable, on nous a déposé au château avec une garde ; il y avoit tant de monde qu’on eut bien de la peine à trouver du pain. Il y avoit autant de fuyards de l’armée qui s’en alloient, que d’autres personnes qui craignoient les brigands et qui abandonnoient leur maison pour sauver leur vie. Nous sommes party de Bonnétable, le mercredy, à environ dix ou onze heures, pour aller à Mamers, toujours à pied et avec la même garde, dont le nombre avoit bien diminué ; ils avoient craint, ainsi que le lâche commissaire Cadouff, cy devant Suisse de la Cathédralle. Nous avons arrivé avec environ une douzaine de gardes, au plus, tous honnestes gens ; nous avons été à la Municipalité qui tenoit dans la maison des cy devant Religieuses de la Visitation. On nous a tenu dans la Cour, pendant deux heures ; enfin, ne sachant où nous mettre, nous avons passé la nuit dans le Corps de garde, où nous avons eu bien de la peine à avoir de quoy souper, parce qu’il y avoit beaucoup de monde, toujours des fuyards de l’armée et autres. Le mercredy, à environ onze heures, nous sommes party de Mamers dans des charrettes où l’on nous a attaché seulement pour la forme. Nous avions une bonne garde qui nous a conduit jusqu’à Chartres, où nous sommes arrivé le lundi 16 décembre, qu’on nous a déposés dans la maison d’arrest des cy-devant Carmélite305, où nous avons trouvé plusieurs manceaux et autres au nombre de 340, dont une partie étoient des gens de la campaigne.
256Nous y avons resté, mon frère et moy, jusqu’au 28 avril 1794306. Nous y avons trouvé cinq messieurs du Département qui y étoient arrivé, le 14 octobre et y ont resté jusqu’au mois de juin suivant. C’est le Représentant Garnier de Saintes, qui a signé notre liberté. Quand j’ay été au Mans, j’ay été m’établir à la Manouillère ; je venois passer quelques jours au Mans, pour mes affaires307.
Mort de Mlle de Mondagron
257Le 26 novembre 1793, Mlle de Mondagron âgée d’environ 82 ans est morte. Elle avoit fait un testament où elle faisoit des dons à l’Eglise et à d’autres personnes qui, probablement, n’auront pas lieu. Elle avoit fait mon frère son exécuteur testamentaire, et, en son absence, Mr Lambert l’avocat ; comme il y a beaucoup de parents éloignés, il poura y avoir des contestations pour le testament.
258Depuis la Révolution, il y a bien des choses que je n’ay point écrites, dans la crainte de me compromettre, et par oubli et faute de le savoir, ayant été absent, ou caché, une partie de l’année.
L’année 1794
Mort de Mme Le Houx
259Le 13 janvier 1794, étant à Chartres, détenu comme bien d’autres, jay appris la mort de Mme Le Houx, femme du Médecin, âgée d’environ 43 ans ; elle étoit si grasse, qu’il est probable que c’est la graisse qui l’a étouffée. Elle n’avoit point d’enfans ; elle étoit une Demoiselle Trotté, en son nom de fille. Elle a un frère qui hérite d’elle ; il a des enfans.
Mort de Mr Gueoneau
260Mr Gueoneau308, qu’on appelloit le Capitaine, est mort au commencement du mois de Janvier, âgé de 68 ans ; il avoit épousé une des Demoiselles d’Auvours dont il a eu trois enfans, savoir : deux garçons et une demoiselle. Les deux garçons sont morts ; il ne reste plus que la demoiselle qui est jeune ; elle sera riche. La mère est infirme et attaquée de la poitrine.
Mort de Mme de Villiers
261Mme de Villiers, âgée d’environ 37 ans, est morte dans le courant du mois de janvier, du chagrin et de la Révolution309 ; son mari, qui étoit Conseiller au Présidial, a été détenu à la Visitation, comme père d’imigré. Elle laisse son mary et trois enfans, savoir, deux demoiselles dont l’ainée est mariée depuis environ quatre ans ; le fils, tout jeune qu’il est, est émigré, et il ne reste plus qu’une demoiselle avec le père.
Mort de Mr et Mme de Cailleau d’Auvours
262Mr et Mme Cailleau d’Auvours sont morts dans 15 jours et dans le courant du mois de janvier 1794, tous deux des suittes et à cause de la Révolution ; Mme de Cailleau pouvoit avoir 54 ans, et Mr de Cailleau environ 58 ans. Il avoit deux enfans, dont un garçon qui n’étoit point avec luy ; il est à Lyon, depuis plusieurs années, où il luy faisoit une pension. Il y a une demoiselle qui avoit épousé Mr de Féran, qui est mort.
Mort de Marie Choplin et de Mulot
263Dans le mois de janvier 1794, Marie Choplin, qui étoit ma cuisinière, depuis plusieurs années, est morte, âgée de 28 ans310. C’étoit de la maladie que les brigands ont laissée au Mans, quand ils y ont passé au mois de décembre dernier311. Elle a été malade pendant plus de trois semaines, et quoique je fus absent elle a été bien soignée ainsi que François Mulot, qui étoit mon domestique depuis six mois, et qui est mort de la même maladie épidémique ; il étoit âgé de 27 ans et marié312.
264Dans le courant de l’année 1794, il s’est passé bien des événements et autres choses que [je] nay point écrits, à raison des circonstances313.
Mort de Mr Lambert
265Mr Lambert, le Doyen des Avocats de cette ville, est mort âgé de 84 ans ; depuis la Révolution, il ne travailloit plus. Mr son fils est sans contredit, un des Avocats qui soient les plus occupés, et il le mérite bien ; il est marié et a six enfans314.
L’année 1795
Mort de Mlle de Chantenay
266Mlle de Chantenay est morte, à la fin de janvier 1795, âgée de 78 ans au moins.
Mort de Mr de Vennevelles
267Mr de Vennevelles est mort dans le commencement de février, âgé de 76 ans315.
Couche de Mme de Feumusson
268Mme Le Peletier de Feumusson est accouchée d’une fille, au commencement de février 1795.
Changement de maison
269Le 19 février 1795, je suis venu coucher chés Mr de Blanchardon qui m’a loué la moitié de sa maison, à raison de 400 # par an, a commencer de la Toussaint dernière316. J’avois vendu ma Maison, place des Halles, à Mr Valin, marchand d’épicerie en gros, je l’avois vendue toutte meublée, en partie, la somme de 28 000 #317.
Mort de Mr Le Vasseur
270Le 14 mars 1795, Mr Le Vasseur, âgé d’environ 66 ans, est mort ; il avoit eu la croix de St Louis, il y a environ 7 ans. Il avoit servi dans la Milice qu’on a nommé depuis Régiments Provinciaux ; il étoit devenu Lieutenant des Grenadiers, et avoit obtenu la Croix après 28 ou 30 ans de service. Il étoit garçon et demeuroit chés Mme de Montulé, sa sœur ; il marchoit tout courbé, à cause des douleurs.
Couche de Mme Desajeu, et sa mort
271Le 15 mars 1795 Mme Desajeu est accouchée ; Mr et Mme Desageu sont venu demeurer au Mans, depuis deux ans318. Mr Desajeu est neveu de Mr de Foisy ; il est de la Ferté-Bernard ou des environs. Il avoit une place ou charge qu’il avoit à Mamers, qu’il a perdue durant la Révolution. Mme Desajeu est de Meaux, et se nomme Mlle de Beslon ; elle a deux enfans outre ce dernier.
272Mme Desajeu est morte quinze jours après sa couche.
Mort de Mme de Chauvigné
273Mme de Chauvigné, qui étoit Mlle de Villiers, est morte d’une suitte de couche ; elle avoit épousé Mr de Chauvigné, le 27 avril 1791 ; elle étoit l’ainée des trois enfans de Mr de Villiers. Le garçon est émigré ; il reste Mlle de Villiers qu’on appelle Mlle de la Roche, qui demeure avec Mr son père. Mme de Chauvigné est morte à Vendosme, où elle demeuroit ; son enfan vit. Elle est morte dans le mois de may.
Couche de Mme Perrier
274Mme Perrier est accouchée d’une fille, au commencement du mois de juillet 1795.
Mort de Mr Rivault
275Mr Rivault père, demeurant au Mans, rue de St Vincent, est mort d’une fièvre maligne ; il pouvoit avoir 67 ou 68 ans ; il étoit veuf. Il avoit achetté une charge de Conseiller à la Cour des monnayes, qui a été supprimée, comme toutes les autres charges, et il ne l’a pas possédée le temps nécessaire pour avoir la Noblesse319. Il avoit marié son fils ainé, comme son principal héritier, à une Demoiselle de Paris ; il a profité de la loy de la République qui permet les divorces320, il a divorcé et en a épousé une autre321. C’est un homme suivant le temps de la République. Il y a un autre garçon qui est bien doux et bien honneste, qui est marié depuis un ou deux ans. Les différents événements qui me sont arrivé, m’ont empesché d’escrire et de suivre mon Journal. Mr Rivault fils a épousé Mlle Le Conte, de Conlie, dont la sœur ainée avoit épousé Mr de Montulé, qui a émigré322. Il y a deux Demoiselles Rivault qui ne sont point mariées ; suivant la nouvelle loy, ils partageront également323. Mr Rivault étoit riche ; la Sauvagère, paroisse de Chemiré, appartenoit à Mme de Monceaux, qui l’avoit donnée, en mariage, à Mlle sa fille324.
Mort de Mme Pasquier
276Mme Pasquier, dont le mary étoit Conseiller au Parlement et propriétaire du château de Coulans325, et qui a été guillottiné326, comme tous les Conseillers du Parlement qui avoient resté en France, cette Dame, qui en son nom de fille étoit Mlle Gouttier, fille d’un fermier Général des Postes, est morte à Paris âgée d’environ 50 ans327. Il y a deux garçons dont un est au service de la République et l’autre émigré328 ; il y a une Demoiselle qui étoit avec Mme sa mère, quand elle est morte329.
Couche de Mme de Cailleau
277Mme de Cailleau est accouchée d’une fille à la fin de juillet 1795330 ; elle nourrit son enfans331.
Couche de Mme Cordelet
278Mme Cordelet, qui, en son nom de fille, étoit Mlle de Bourg, est accouchée d’un garçon, le 24 ou le 25 aoust 1795332.
Mort de Mrs du Bourg
279Le Samedy 29 aoust 1795, Mrs du Bourg père et fils, ont été tués par trois hommes qu’on appelle chouans ; il étoit allé au Tertre, sa maison de campaigne, paroisse de Pruillé. Il étoit un vray patriote, avoit achetté force biens nationaux333, et même de l’Hôpital ; il avoit même achetté du bien des Emigrés. Il étoit détesté de tous les chouans qui avoient juré sa perte334. La manière dont il a été tué a été inséré dans les Affiches du Mans.
Couche de Mme Lambert
280Le 1er septembre 1795, Mme Lambert est accouchée d’un garçon bien heureusement ; voilà le huitième enfans je crois, tous vivants. L’enfans est mort peu de temps après, il en reste encor 4, et elle est grosse, le 8 novembre 1796335.
Couche de Mme Rivault la jeune
281Mme Rivault, la jeune, qui, étant fille, étoit Mlle Le Comte de Souvré, dont le père demeure à sa terre à Conlie, est accouchée bien heureusement d’un garçon, le 6 septembre 1795.
Assemblée primaire
282Le 6 septembre 1795, il y a eu une assemblée primaire pour accepter la Constitution et pour nommer des Electeurs qui doivent, après cela, nommer des Députés à la Convention pour le nouveau gouvernement. Tout cela passe suivant les désirs de la Convention qui a envoyé la liste des personnes qu’on doit nommer. Les sections de Paris n’ont point voulu nommer de nouveaux Electeurs parce que la Convention avoit décrété qu’il resteroit les deux tiers des Députés qui sont à présent dans la Convention336.
Mort de Mme des Ardilly
283Le 21 septembre 1795, Mme des Ardilly, mère de Mme Nepveu, est morte âgée de 89 ans au moins. Elle demeuroit avec Mr son fils, qui étoit arrivé depuis 8 jours, des eaux de Bourbonnois où il étoit allé pour sa paralysie ; elles luy ont fait beaucoup de bien.
Couche de Mme Desportes de Linières
284Mme Desportes de Linières, femme de Mr Desportes, l’ainé, est accouchée d’un garçon chés Mr de Linières la Fosse, où elle demeure quand elle est au Mans. Le nom de fille de Mme Linières est Laubépine, dessendant du fameux Sully ; il avoit fait ce mariage à la fin de l’année 1792337. Elle est accouchée à la fin de novembre 1795.
Mort de Mme Le Boucher
285Mme Le Boucher est morte les premiers jours de décembre 1795, âgée d’environ 88 ans ; c’étoit une Dame bien respectable. Elle laisse trois enfans dont un garçon qui n’est point marié, il étoit dans la finance à La Rochelle, il est déjà vieux. Il y a deux Demoiselles dont l’ainée avoit épousé un Gentilhomme d’Anjou qui étoit assés mauvais sujet ; il y a deux enfans dont une demoiselle qui demeure avec Mme sa mère, il y a un garçon qui est prestre, qui, probablement, est ou exporté338 ou émigré. L’autre demoiselle qu’on appelloit Mlle de Sion, a épousé Mr Moynerie, avocat, dont il y a deux filles. Mme Le Boucher avoit la direction des poudres et salpestres ; Mr son fils en a la survivance.
Mariage de Mr Fay avec Mlle Le Romain
286Mr Fay, qui étoit autrefois receveur des Décimes, a épousé Mlle Le Romain, qui a environ 42 ans, au moins. Cette demoiselle demeuroit avec sa mère qui est morte depuis peut être un an ou davantage ; elle n’avoit point de fortune ; son père et sa mère, qui faisoient le commerce de la Cire, avoient mal fait leurs affaires339. Depuis ces malheurs, elle demeuroit avec sa mère qui l’avoit très bien élevée, depuis la mort de Mme Le Romain, elle demeuroit chés Mr Fay. Il la épousée à la fin du mois de novembre ; on ne croit pas il n’y aura pas d’enfans de ce mariage, qui puisse faire tort aux héritiers de Mr Fay, qui sont Mr Lambert, l’avocat, qui a 6 enfans, et qui est celuy qui en a le plus besoin ; Mr l’abbé Fay, chanoine et Mme Pleuvry sont ses frères et sœurs340.
287Jay bien oublié de mettre des nottes interressantes ; il y en a aussi beaucoup que je nay pas voulu mettre à cause de la circonstance du temps.
L’année 1796
Mariage de Mr Belin de Béru avec Mlle Guyonneau
288Le 12 janvier 1796, Mr Belin de Béru a épousé Mlle Anne Françoise Guyonneau341 ; Mr Belin étoit, avant la Révolution, Procureur du Roy. Il est né dans l’année 1747, il a 48 ans. Mlle Guyonneau, fille unique et très riche, a environ 22 ans ; elle n’a plus que Mme sa mère, chés qui elle vivoit.
Mort de Mlle de Millière
289Le 11 janvier 1796, Mlle de Millière, qui demeuroit avec Mme sa mère, à St Vincent, est morte, âgée d’environ 50 ans.
Emprunt forcé
290On a levé un emprunt forcé342 sur tous les habitans du Royaume, ou de la République343 ; il ne portoit que sur les personnes qui avoient du bien. Le décret portoit que tous ceux qui n’avoient pas payé avant le 20 janvier 1796, au moins la moitié, ne pouroient plus payer en papier, et le papier ne vaut que cent pour un, c’est à dire 20 sols en argent valent 100 # en papier ; aussi tout le monde a-t-il payé en papier. Les louis valoient au moins la somme de 4 500 #. C’est Mlle de la Fauvelière, ma niepce, qui a payé pour moy ; quoique les rôles ne soient point encor faits, on m’a taxé à 20 000 # en papier, qui ont été donnés à Mr Martigné, Receveur du District ; (grâce à Mlle de la Fauvelière, je n’auray point d’augmentation). Ma sœur est taxée à 80 000 # ; mon frère à 120 000 # ; Mme Nepveu à 150 000 #344 ; ainsi la famille paye la somme de 370 000 # et encor, à savoir si l’on ne demande pas davantage. L’emprunt est de six cents millions en numéraire, ou en papier à raison de 20 sols pour 100 # en papier. Tout ce qu’on peut dire devient inutile ; on menace de faire faire la vente, et le décret adjoute, de faire mettre en prison ; il faut finir par payer345.
La Ville du Mans en Gouvernement militaire
291Le 11 février 1796, on a publié, dans toutte la ville, qu’elle étoit en état de siège, c’est à dire, sous un gouvernement militaire346. L’Hotel de Ville est subordonné au Commandant de la place : c’est luy qui signe les passeports, etc, le tout à cause des chouans qui sont très multipliés autour de la ville et plus loing347.
Froid d’hiver
292Depuis la Toussaint, jusqu’au 26 février suivant, il n’y avoit pas eu de froid, mais depuis le 26 et jours suivants, le vent a tourné au nord, et il a fait grand froid. Il a tombé de la neige le 1er mars, dans l’après diné, et le mercredy tout le jour, le vend a toujours resté au Nord jusqu’au 4 et 5 suivant. Le dégel est venu sans pluye.
Mort de Mr Le Febvre de la Barre
293Le 3 mars 1796, Mr Le Febvre de la Barre est mort, à sa terre de la Barre, paroisse de Chevillé, près Coulans, âgé de 84 ans348. Il avoit six enfans, dont cinq demoiselles et un garçon ; l’ainée, qui est une demoiselle, a 22 ans. Il avoit épousé Mlle Lambert, sœur de Mr Lambert l’avocat, je crois, dans l’année 1772, il n’y a qu’un garçon349.
Couche de Mme de la Fosse
294Mme de Linières de la Fosse est accouchée d’un garçon, les derniers jours du mois de mars 1796.
Couche de Mme de Vauguion
295Mme Daniel de Vauguyon est accouchée d’un garçon, le 8 avril 1796.
Mariage de Louaseau avec Françoise Choplin
296Le 25 avril 1796, Françoise Choplin, âgée de 28 ans, a épousé Jean Louaseau, âgé d’environ 40 ans ; il demeure dans la ferme du Mortier noir, paroisse de Fillé. Cette terre appartient à Mr Lambert l’avocat ; elle est du costé de Mme Lambert. Le mardy 26 ils ont été à la Municipalité du grand St Georges où elle demeuroit ; après cela, ils sont venu diner à la Manouillère avec toutte leur famille350.
Mort de Mr Le Riche de Vandy
297Le 16 may 1796, Mr de Vandy, qui étoit, avant la Révolution, Directeur des Gabelles, est mort à sa terre de Benehard, à quatre lieues environ du Château du Loir351 ; il avoit achetté cette belle terre depuis quatre ans, il y faisoit sa demeure352. Il étoit garçon ; il a une sœur qui hérite de luy353.
Mort de Mr Poulard
298Le 2 juillet 1796, Mr Poulard est mort, âgé de 77 ans ; il demeuroit près la Coulture. Il avoit été marié, il n’avoit point d’enfans. C’est la famille Gousseault qui en hérite du costé maternel, les parents du costé du père sont à Angers ou aux environs. Il étoit riche et faisoit beaucoup de bien.
Mariage de Mlle Le Proust de Chevaigné avec Mr de Bellemare
299Le 9 juillet 1796, Mlle de Chevaigné autrement Mlle Le Proust de Chevaigné, âgée de 22 ou 24 ans, a épousé Mr de Bellemare, âgé d’environ 30 ans, son père est mort et étoit cadet de Mr de Bellemare, qui demeuroit à Beaumont354. Il a encor sa mère et un frère qui est émigré355 ; il sera riche du costé de sa mère. Il est très dévot, et Mlle de Chevaigné d’un caractère très décidé ; ils vont demeurer au Mans, chés leur père et mère, jusqu’à nouvel ordre356.
Couche de Mme Bignon
300Le 1er aoust 1796, Mme Bignon, qui demeure rue de la Verrerie, est accouchée d’une fille, très heureusement ; ils ont un petit garçon qui a plus de cinq ans.
Mariage de Mlle Pivron avec Mr Girard
301Mlle Pivron, fille de l’imprimeur, a épousé Mr Girard fils, marchand, à la fin d’Aoust 1796357.
Mort de Mr des Bois, le chirurgien
302Mr des Bois, le chirurgien, est mort âgé d’environ 60 ans ; il étoit bon chirurgien et bon accoucheur. Il laisse une femme et plusieurs enfans qui sont grands et en état de travailler ; de deux garçons, il n’y en a point qui ait pris son état. Le fils de Mr Desgraviers, le chapellier, qui étoit son élève, poura le remplacer.
Mariage de Mlle de St Mars avec Mr de Renaulme
303Le 4 octobre 1796, Mr de Renaulme l’ainé, a épousé Mlle de St Mars, qui demeure ordinairement à sa terre de St Mars. Il358 avoit épousé la mère de cette jeune personne qui est très bien et a environ 18 ans, qui étoit jolie et étoit à St Mars, en qualité de Domestique359. Il l’a épousée et en a eu cette demoiselle360 qui épouse Mr de Renaulme ; elle sera riche. Mr de St Mars avoit un fils qui avoit épousé Mlle de Flines, dont il a des enfans. Mr de St Mars le père est vieux ; il est frère de feu Mme de Fondville.
Couche de Mme de la Ferrière
304Le 6 octobre 1796, Mme de Posset de la Ferrière est accouchée d’un garçon ; c’est Mme de Villiers et Mr Dagues qui ont nommé l’enfans, non pas à la Municipalité.
Mort de Mr de Fondville
305Le 7 novembre 1796, Mr Richard de Fondville est mort, âgé d’environ 88 ans ; il étoit, avant la Révolution, très riche. La Nation luy doit, pour le remboursement de ses charges, six cent mille livres, et pour le cautionnement de ses commissions et les Intérêts de ces charges plus de cent mille livres. Mais il est à craindre, pour ses créanciers, que la Nation ne paye point, ou qu’elle ne paye qu’en papier qui n’a point de valeur ny de confiance. Mr de Fondville doit au moins six cent mille livres361 ; Mr de Fondville n’a de bien de fonds, que la terre des Epichelières, loué et sa maison362 ; il luy est dû de l’argent363, et il a un mobilier considérable364.
306Mort de Mme Garnier Le 6 novembre 1796, Mme Garnier, la veuve, âgée d’environ 72 ans, est morte, dans sa maison, rue de la Juiverie365. Elle avoit été mariée deux fois ; elle avoit deux filles du dernier mariage. Elle étoit propriétaire de la jolie Maison des Ruelles366, qui donne sur la route de la Bazoge.
Mariage de Mr Vétillart avec Mlle de la Goupillière
307Dans le commencement du mois de décembre 1796, Mr Vétillart, qui fait le commerce avec Mr Véron, a épousé Mlle Charpentier la cadette ; son ainée avoit épousé Mr Vétillart l’ainé, qui fait commerce de toiles, de société avec la famille Brard, à l’Herberie de Pontlieue367. Mr Vétillart peut avoir 30 ans environ, et la jeune demoiselle de la Goupillière peut avoir 20 ans.
Couche de Mme de Linières
308Mme Desportes de Linières, qui est l’ainé des Desportes, est accouchée d’une fille, dans le commencement du mois de décembre 1796. Mme de Linières, dans son nom de fille, est une demoiselle de Sully de Béthune368.
L’année 1797
Mort de Mr Le Boindre de Moire
309Le 20 janvier 1797, Mr Le Boindre de Moire, le plus jeune des trois Mrs Le Boindre, est mort âgé d’environ 57 ans. Il avoit été marié deux fois ; de sa première femme, qui étoit une demoiselle d’Auvours369, il avoit eu deux filles dont il n’a resté que celle qui a épousé Mr Négrier de la Ferrière. Il s’étoit marié en secondes noces, malgré ses parents, et il en a eu deux enfans qui sont jeunes ; il est mort d’une humeur cancéreuse qui étoit au col. Il a été très longtemps malade et sa femme en a eu tous les soins possibles et s’est très bien conduitte.
Mort de Mr Paillé, Grand Vicaire du Mans370
310Le 1er février 1797, Mr Paillé, Chantre de la Cathédralle, est mort, âgé de 68 ans, d’une hidropisie. C’étoit un homme de mérite. Il étoit venu au Mans, du temps de Mr de Grimaldy, Evesque du Mans, dont il avoit été le Docteur, il luy avoit donné un Canonicat, et la dignité de Chantre dont il avoit pris possession le 14 décembre 1769. Il étoit Grand Vicaire de la Ville et Quinte, quand Mr de Grimaldy a quitté l’Evesché du Mans pour aller à Noyons ; Mr de Gonssans, qui luy a succédé, luy a continué la place de Grand Vicaire qu’il a conservée jusqu’à sa mort. Il a été persécuté comme tous les prestres ; il a été enfermé et a été longtemps caché ; il étoit seul de Grand Vicaire. Il s’étoit associé Mr Le Tessier, ancien Curé de St Jean des Echelles, près la Ferté Bernard, homme de mérite et Mr l’abbé Chevallier. Aujourd’huy il n’y a plus de Grand Vicaire ; on attend la nomination de Mr de Gonssans, Evesque, qui est à Paderborn371.
Couche de Mme Vétillart
311Mme Vétillart, de Pontlieue, qui étoit Mlle de la Goupillière, est accouchée d’un garçon, à Pontlieue. C’est Mr Vétillard l’ainé…
Couche de Mme Cailleau
312Mme Cailleau est accouchée d’un garçon, le 28 janvier 1797 ; c’est Mme de Saourches372, mère de l’accouchée, qui a été maraine avec Mr de Létang, mari de la tante de Mr Cailleau.
Couche de Mme Violas
313Mme Violas est accouchée d’un garçon, après 12 ou 15 ans, est accouchée d’une fille. Son mary avoit la direction des Aides à Sillé ; il l’a perdu à la Révolution, comme toutte la finance et autres. Ils étoient venu se retirer au Mans ; la fortune de sa femme étoit aux Isles, qu’elle a perdue.
Couche de Mme Lambert
314Mme Lambert est accouchée d’un garçon, le 20 février 1797 ; de neuf enfans qu’elle a eus, il ne luy en reste que 5.
Mariage de Mlle de Ste Jamme
315Le 19 mars 1797373, Mlle de La Porte de Ste Jamme a épousé Mr du Levant, qui est un Officier, Commandant un Régiment de Chasseurs pour la République ; il est de Bordeaux. On assure qu’il est Gentilhomme ; il peut avoir environ 50 ans. Cette demoiselle, qui est fille unique, sera très riche ; elle peut avoir 25 ans374.
316Ses parents et amis ont fait ce qu’ils ont pu pour en empescher ; elle avoit fait connoissance avec ce Mr du Levant, du temps qu’il étoit logé chés Mr de Feumusson, à St Vincent. On assure que la jeune personne n’étoit pas heureuse chés ses parents, qui sont très intéressés.
Assemblées primaires375
317Le 21 mars 1797, on a commencé les Assemblées primaires pour nommer des Electeurs ; celle de la Coulture s’est bien passée, quoiqu’il eust les Bazins, Jouaneaux et autres. On a nommé pour Electeurs Mrs Aubert du Pin, homme de loy, Basse, Notaire et homme de loy, et Legendre, l’huissier.
Mort de Mr Le Pelletier de Feumusson
318Le 27 mars 1797 Mr Le Pelletier de Feumusson, le cadet, qui étoit autrefois Conseiller à l’Election, est mort, âgé d’environ 52 ans ; il laisse deux enfans : le garçon est émigré. La fille avoit épousé Mr de Fretay qui a aussi émigré ; elle a tenu une mauvaise conduitte ; elle s’est mariée à un sergent qui sert la République.
Mort de Mr Dugast
319Le 28 mars 1797, Mr Dugast, qui étoit chanoine de St Julien, est mort ; il étoit paralitique depuis au moins dix ans. Il avoit 69 ans.
Mort de Mr d’Andigny
320Le 9 avril 1797, Mr d’Andigny l’ainé, qui étoit autrefois dans la marine, est mort âgé d’environ 55 ans376 ; il étoit venu au Mans, pour un procès qu’il avoit contre sa femme. Il logeoit chés Mr de Fontenay l’ainé ; il a tombé en apoplexie ; on a fait venir sa femme qui est venue sur le champ. Il n’a jamais voulu la voir ; Mr le Curé de Sablé a fait tout ce qu’il a pu pour le faire rentrer en luy même, jamais il n’a pu en venir à bout377.
Couche de Mme de Biré
321Le 18 avril 1797, Mme de Biré, qui étoit de retour de Lyon (ou d’ailleurs), et qui étoit absente depuis environ six ans, vient d’accoucher d’un garçon ; elle n’étoit grosse que de sept mois. Pendant son absence elle a eu une fille qui est presque aveugle, d’un reste de la petite vérolle ; elle peut avoir cinq ans. Mme de Biré est la fille de Mr Batard de Fontenay ; Mr son mary est, sans doute, émigré comme tous les gentilshommes378.
Mort de Mr de Vançay père
322Le 22 May 1797, Mr de Vançay le père, âgé de 82 ans, est mort au Mans ; il a un garçon et trois filles qui sont touttes mariées. Mr de Vançay a épousé une demoiselle de Coudereau. Mlle de Vançay a épousé Mr de St Remy, qui a plusieurs enfans ; Mlle de Vançay, la cadette, avoit épousé Mr de Bellemare et est morte sans enfans. La troisième demoiselle de Vançay a épousé Mr Ogier d’Ivry qui demeure au Mans ; elle a des enfans. Mme de Vançay vit ; elle est très âgée.
Mort de Mr de St Jamme
323Mr de la Porte de St Jamme est mort, âgé d’environ 70 ans ; il demeuroit au Greffier dans une belle maison qu’il avoit fait bâtir, il y a 10 ans379. Il laisse une demoiselle, fille unique, qui a épousé, le 19 mars dernier, Mr du Levant qui est Colonel d’un Régiment de Dragons. Il étoit très riche, sa femme étoit une demoiselle des Roches, il est mort le 6 septembre 1797.
Mort de Mr Maguin, du Département
324Le 11 novembre 1797, Mr Maguin, qui étoit Commissaire du pouvoir exécutif du Département de la Sarthe, a été tué d’un coup de pistolet près la maison de Mr du Genetay, à 8 heures du soir. Après le coup, il eust encor la force d’aller jusqu’au milieu du Carrefour de la Sirenne où il tomba mort. On le mit dans la maison de Mme Veuve Le Verrier, où il a resté jusqu’au lendemain, 4 heures après midy, que tous les corps constitués se sont assemblés au département et de là sont allé chercher le corps qui étoit à la porte de Mme Le Verrier. Il étoit sur un brancard, le visage découvert tel qu’il étoit lorsqu’il est tombé, la poitrine découverte et sa chemise remplie de sang. On l’a porté ainsi à la Municipalité et de là dans tous les bas quartiers et au Grand Cimetière, au milieu de la Musique et des chansons, sans doute, de condoléance ; il y avoit deux ou trois Généraux. Mr Maguin avoit beaucoup d’ennemis et il l’étoit des prestres, de la Noblesse et des Emigrés ; il pouvoit avoir au moins 50 ans. Il avoit d’abord été Cordelier ; il avoit eu deux Cures, et lors de la Révolution du Clergé, il étoit Curé du Grand Lucé. Lorsque Mr de la Boussinière, de Curé du Crucifix, devint Evesque, par nomination injuste du peuple, il quitta sa Cure pour venir demeurer au Mans. On luy donna la Cure de la Coulture, après avoir fait tous les serments ordonnés par les lois. Quand on supprima tout à fait tout culte, il eust une place à la Distribution des bleds ; de là à la Municipalité et enfin au Département. Il avoit épousé Mlle Gilouppe, sœur du chanoine380 et du Curé de Challes, qui avoit été exporté381 en Espagne, où il est encor ; il n’y a point d’enfans de ce mariage. Il la conoissoit du temps qu’elle étoit chés son frère, curé de Challes, voisin de Lucé. Sa mort est dans la Gazette du Mans, n° 11 et suivants le 15 novembre 1797382.
Couche de Mme de Clermont
325Mme de Clermont est accouchée, dans les premiers jours de décembre383 ; c’est Mr Amyot et Mme de Beauchamps, qui doivent nommer l’enfans. Elle a déjà un garçon et une fille qui est l’ainée elle peut avoir 8 ans. Elle les a tous nouris et nourit encor le dernier.
Mort de Mr Pleuvry, 2 janvier
326Mr Pleuverie, ancien Avocat, âgé d’environ au moins 80 ans, vient de mourir d’une attaque de paralisie ; il demeuroit près les Ursulles. Il a un fils qui est presque imbécille ; sa femme étoit une demoiselle Fay, sœur de Mme de la Fuye, de Mr Fay, ancien receveur des Décimes et de Mr l’abbé Fay, qui a été Grand Vicaire. Mort le 2 janvier 1798.
L’année 1798
Mariage de Mr de la Crochardière avec Mlle Lavy
327Mr de la Crochardière fils, âgé d’environ 22 ans, a épousé, à la fin de janvier, Mlle Lavy, âgée d’environ 18 ou 20 ans ; Mme Lavy est une demoiselle Vouverau du Mans. Les jeunes mariés demeureront chés Mr et Mme de la Crochardière ; Mr de la Crochardière sera très riche384.
Mariage de Mr Courvasier avec Mlle du Valoutin
328Mr Courvasier, surnommé Boisguinand, vient d’épouser Mlle du Valoutin, qui est jeune, ainsi que Mr Boisguinand ; ils demeurent chés Mme Courvasier, dans la rue des Chanoines. Il a un frère qui a émigré et une sœur qui a épousé un Mr Le Moine, qui étoit Adjudant dans le Régiment de Chartres Dragons ; depuis la Révolution il a continué le service et est, je crois, Lieutenant-Colonel du même Régiment. Il a été fait prisonnier, s’est échappé et s’est retiré du service ; il va venir demeurer au Mans chés sa belle mère. Il a du bien du costé de sa femme, car pour luy, il n’a rien ; il étoit simple Dragon et il étoit devenu Adjudant par son talent385.
Mort de Mme Cureau
329Le 7 février 1798, Mme Cureau, âgée de 70 ans, est morte d’une hidropuisie de poitrine ; elle avoit deux enfans, dont le garçon, sous le nom de Mr de Roullée, n’est point marié. Il y avoit une demoiselle qui évoit épousé Mr de Montesson qui a été massacré, ainsi que Mr Cureau, à Ballon, le 22 juillet 1789. Elle a fuy la ville et étoit passée en Suisse386 ; malgré tout cela, on avoit séquestré les biens de Mme Cureau. Après la mort de son mary, elle s’étoit retirée dans une Communauté à Allençon ; elle n’étoit revenue au Mans que depuis un an387.
Mort de Mme Vétillard
330Le 14 février 1798, Mme Vétillard est morte à Pontlieue, chés ses enfans qui font commerce de toiles ; elle pouvoit avoir 68 ou 70 ans. Elle étoit restée veuve avec beaucoup d’enfans qui sont placés et font le commerce388.
Mariage de Mlle de Clinchamps avec Mr de Lelée
331Dans le courant du mois de février 1798, Mlle de Clinchamps, qui demeure ordinairement avec son père qui est aveugle389, a épousé Mr de Lélée fils390 ; c’est un mariage d’inclination. Sans la Révolution, Mr de Lélée n’auroit jamais pu espérer épouser Mlle de Clinchamps qui est d’une des meilleures maisons de la Province et riche391. Le jeune homme est bien ; il sera riche aussi ; Mr son père étoit, je crois, Bailly, ou dans la Robe, à Beaumont.
Mariage de Mlle Ouvrard avec Mr Besnard
332Le 12 mars 1798, Mlle Ouvrard, âgée d’environ 23 ou 25 ans, vient d’épouser un Mr Besnard, qui étoit autrefois feudiste de l’Abbaye de St Vincent. Il n’est pas grand chose, il a gagné beaucoup de bien à acheter et à vendre des biens Nationaux et à faire valoir son argent à un gros intérest392. La jeune personne en est devenue amoureuse et l’a épousée, malgré sa famille ; elle est allée à son nouveau ménage, rue St Vincent. La jeune demoiselle Ouvrard est de bonne famille et sera riche ; elle n’a qu’un frère ; elle avoit une sœur cadette qui étoit bien aimable. Mr Ouvrard, son père, étoit Lieutenant de l’Election393.
Mort de Mme de Montulé
333Le 10 mars 1798, Mme de Montulé la jeune, qui étoit une demoiselle Lecomte, vient de mourir, âgée de 26 ou 27 ans ; elle avoit épousé Mr de Montulé, dans le mois de septembre 1789394. Elle étoit riche ; elle laisse un petit garçon qui est chés la grande mère, Mme de Montulé. La trop grande amitié qu’elle avoit pour son mary, qui ne l’aimoit point, et qui étoit jaloux, luy a avancé ses jours395 ; son mary est émigré396. Mr Leconte, son père, vit dans sa terre à Conlie ; elle a une sœur cadette qui a épousé Mr Rivault.
Couche de Mme de la Ferrière
334Le 17 mars 1798, Mme de Négrier de la Ferrière est accouchée, bien heureusement, d’une fille, pendant l’absence de son mary, qui a esté arresté, ainsi que bien d’autres particuliers, bien honnestes gens, sous prétexte des chouans. Il est encor à Paris, toujours en prison, d’où ils ne sortiront qu’après les assemblées primaires.
335[note] : Mr de la Ferrière est sorty de prison, à Paris, dans les premiers jours de may.
Mort de Mr de Richemont
336Mr de Richemont, âgé d’environ 80 ans, est mort, d’une rétention d’urine ; il ne luy reste plus que Mme de Haies. Il demeuroit dans la paroisse de la Coulture ; il est mort les premiers jours de May.
Mort de Mme Chesneau
337Le 12 may 1798, Mme Chesneau, âgée de 52 ans, est morte ; son mary, qui étoit Conseiller au Présidial, vit ; il n’y a point d’enfans397. Elle avoit avec elle, la nièce de son mary, qui n’avoit plus ny père, ny mère, ny fortune. Mme Chesneau a fait son testament, et par la nouvelle loy, elle donne tout à son mary, et la jouissance d’une ferme de 1 200 # de rente à la nièce de son mary, sans doute après sa mort.
Mariage de Mlle de la Fauvelière avec Mr de la Paumerie
338Le 18 may 1798398, Mlle Nepveu de la Fauvelière, âgée de 28 ans, née le 20 novembre 1769, a épousé Mr de la Paumerie ; il a trois noms, Mr Le Tessier de la Bersière399 et de la Paumerie. Il avoit servy dans le corps du Génie ; il avoit la Croix de St Louis et il étoit Lieutenant Colonel dans le dit Corps du Génie. Il s’est retiré en 1795, et vivoit tranquillement dans sa terre de la Viellière, près Château du Loir, dans la paroisse du vin de Ste Cécille où il a des vignes400. Il a tout au plus, 3 000 # de revenu ; mon frère donne 1 500 # de rente à sa fille ; ils vivront à la terre de Mr de la Paumerie401. On dit beaucoup de bien de ce Monsieur ; il a 55 ans, ce sont Mlles de Savonnières qui ont donné lieu à ce mariage. C’est moy qui l’ait baptisée402, elle a voulu que je la marie canoniquement ; il n’y avoit que Mr et Mme Amyot, de témoins, et ses trois sœurs. Elle doit se marier devant la Municipalité d’Athenay, le mercredy 23 du courant, may 1798403.
Mort de Mr de Fontenay
339Mr Batard de Fontenay est mort, à Paris, le 18 may ; il avoit été arresté404 et conduit à Paris et mis à l’Hôtel de la Force, avec Mrs Négrier de la Ferrière, Dagues, Savare et plusieurs autres qui, après cinq mois de prison, ont été mis en liberté. Mr de Fontenay avoit obtenu d’aller dans la maison d’un ancien militaire qui en répondoit ; il y étoit avec 2 gens d’armes. Il y a tombé malade, de chagrin, et il y est mort ; il avoit 2 enfans, dont une fille a épousé Mr de Biré qui étoit très riche. L’un et l’autre ont émigré ; cependant elle a prouvé qu’elle n’a point sorty de France. On n’a point voulu reconnoitre ses certificats de résidence, et on va s’emparer de son bien qui a déjà été vendu, et la Nation va encor s’emparer de la succession de son père405 ; elle a une petite fille qui est presque aveugle. Cette dame de Biré va se trouver sans pain406.
Couche de Mme Cailleau et de Mme d’Hardemare
340Mme Cailleau et Mme d’Hardemare, qui sont les deux sœurs, [nées] Mlles de Sourches, sont accouchées au commencement de juillet 1798407.
Établissement des barrières
341On a commencé à mettre des barrières et à percevoir un impost qui est très considérable, le 18 juillet 1798408. Il y a eu d’abord une révolte commencée par les femmes des bas quartiers, mais la troupe qui est au Mans, et la Gendarmerie, l’ont arrestée, et on paye plus ou moins ; il y a cependant un tarif. Les barrières sont posées au bout du pont de Pontlieue, au pont de St Jean et du Pont-Ysoir, à la Croix de Pierre ; il n’y en a point sur la route de Ballon. On espère qu’il y aura du changement409.
Mort de Mr Des Landes
342Le 14 juillet 1798, Mr de Landes est mort, âgé d’environ 76 ou 78 ans410, il laisse quatre filles, touttes majeures. L’ainée a épousé Mr Poisson du Breuil, et une autre un Mr d’Alençon411 ; il y avoit encor deux demoiselles qui demeuroient avec luy. Il étoit riche.
Couche de Mme Lambert
343Mme Lambert est accouchée le 2 aoust 1798, d’une fille ; c’est le dixième enfans, il en reste six de vivants.
Mariage de Mr de Clinchamps de St Marceau avec Mlle de St Rémy
344Mr de Clinchamps de St Marceau a épousé Mlle de St Rémy âgée de 19 ans, et le marié a 21 ans ; ils demeureront à St Marceau. Le Mr est riche, la demoiselle le sera aussi ; ils épouseront à St Rémy412, près Bonnétable, le 13 aoust 1798. Comme parent de la mariée j’ay eu une lettre d’avis413.
Couche de Mme Liberge
345Mme Liberge la jeune est accouchée d’un garçon, bien heureusement, le 9 aoust 1798 ; c’est son premier enfans. Il n’y a qu’un an qu’elle est mariée à Mr Liberge, Médecin ; ils sont jeunes, tous deux.
Mariage de Mr Dubois avec Mlle Léon
346Le 20 septembre 1798, Mlle Léon414 a épousé à la Municipalité, Mr Dubois fils, dont le père est marchand en gros et en détail ; il sera très riche, il demeure au bas du Grand Pont neuf. Ils sont tous deux très jeunes. Le père Dubois vient d’achetter la maison de Mr de Beaumont, toutte meublée, 28 000 #, où ils doivent aller demeurer. Mr Dubois a fait sa fortune dans le commerce, car il est de très peu de chose et Mlle Léon, qui est fille unique, auroit du faire un autre mariage. C’est ce qu’on appelle un mariage à argent415.
Mariage de Mr Rouvain avec Mlle Bardou
347Mlle Bardou, dont le père étoit autrefois Procureur et à présent, Juge au Tribunal, vient d’épouser Mr Rouvain, le cadet ; je le crois sans état. La jeune demoiselle est bien et sera d’une fortune honneste ; elle est jeune et Mr Rouvain aussi.
Mariage de Mlle Aubert du Pin avec Mr… de Blois
348Mr Aubert du Pin, homme de loy, vient de marier Mlle sa fille ainée, à un gros marchand de Blois ; elle est très jeune et sera très riche. Elle étoit dans une bonne pension à Tours et elle a eu une belle éducation.
Vendanges
349On a vendangé le 5 et 6 octobre, les petits clos, et le 7, qui étoit un dimanche, et le 8, les grands clos ; il y aura au moins busse au quartier, généralement, et le vin sera très bon.
Mort de Mr de Posset
350Le 13 octobre 1798, Mr Négrier de Posset, qui étoit autrefois Conseiller du Présidial et Maire de Ville, est mort, âgé de 73 ans. Il étoit marié et il ne vivoit point avec sa femme ; il étoit mauvais mary et mauvais père. Il a laissé trois enfans, savoir : un garçon et deux filles. Le fils est marié et a épousé Mlle de Moire, dont il a deux enfans. Il étoit Conseiller et a été Maire même depuis la Révolution ; il a eu des ennemis qui luy ont occasionné bien du mal et des peines. Il a une fille qui a épousé Mr Dagues, le cadet ; ils ne vivent point ensemble ; c’est un caractère à peu près comme le père. Il y a une seconde fille qui avoit été sœur de l’Hôpital, mais qui avoit quitté à la Révolution ; elle a été obligée d’avoir un procès contre son père pour avoir une pension pour vivre.
Mariage de Mr Cormaille avec Mlle Godefroy
351Mr Godefroy, qui étoit Entrepreneur de tabac à Sablé, et qui demeure au Mans, vient de marier sa fille ainée à Mr Cormaille, de Frenay ; je crois qu’il fera le commerce416. Le 20 octobre 1798, jour de décade417.
Nouvelle maison rue de quatre roues418
352Le 15 novembre 1798, je suis venu coucher dans la maison que je tiens à vie de Mr Goupil, Receveur Général du Département, lequel est allé demeurer dans sa nouvelle maison, rue St Dominique419, Cour du Tronchet.
Couche de Mme Boisguinaud
353Mme Boisguinaud, ou Courvaisier, qui est une demoiselle du Valoutin, est accouchée dans le mois de novembre.
Hiver et neige
354Le grand froid a commencé la veille de Noël et il a tombé de la neige qui a resté sur la terre, jusqu’au 22 janvier 1799.
L’année 1799
Couche de Mme de la Crochardière
355Le 4 janvier 1799, Mme de la Crochardière la jeune, est accouchée d’un garçon, c’est une demoiselle Lavie, dont la mère étoit Mlle de Vouvereau, sœur de Mme Ouvrard420.
Mort de Mlle de Sallaine
356Le 6 janvier 1799, Mlle de Sallaine, fille unique, est morte de la poitrine ; elle pouvoit avoir 22 ou 24 ans ; elle auroit été très riche. Le père et la mère avoient achetté la maison où demeuroit Mme de Blanchardon à cause de Mlle leur fille, qui étoit déjà malade.
Mort de Mlle Darcy Boucheluygne
357Mlle Darcy, la cadette, Mlle de Boucheluygne421, est morte à Paris, chés un parent où elle demeuroit depuis plusieurs années. Elle avoit été très jolie, et avoit une belle voix422.
Mort de Mme de la Crochardière
358Mort de Mme de la Crochardière la jeune âgée de 19 ans ; on dit que c’est une suitte de couche ; il y avoit un an qu’ils étoient mariés. L’enfans vit, elle étoit aimée du public, et c’étoit un mariage bien uny. Elle est morte le 24 janvier 1799.
Tremblement de terre
359Dans la nuit du 24 au 25 janvier, à 4 heures du matin, il y a eu un tremblement de terre assés fort423.
Mort de Mr de la Moustière
360Le 4 février 1799, Mr de la Moustière père est mort dans sa maison, près la ruelle des Falottiers424, âgé d’environ 75 ans ; il étoit devenu en enfance depuis la Révolution. Il étoit veuf ; il avoit un garçon et 4 filles ; le garçon ne s’est point marié. L’ainée des filles avoit épousé Mr de Biseul, Mtre de forges à Antogny ; elle est morte et a laissé trois filles. La cadette avoit épousé Mr de la Borde, qui avoit sa fortune aux Isles ; il est mort et a laissé une fille qui a épousé Mr de Neveu, de Vendome, émigré. La troisième a épousé Mr le Chevalier Richer de Monthéard ; ils ont émigré. La dernière a épousé Mr le chevalier de Touchemoreau ; ils ont émigré. La Nation va s’emparer d’une partie ou de la moitié de la succession425.
Mort de Mme de Sourches
361Mme de Saourches est morte, à sa terre de Piacé, près Beaumont426, âgée d’environ 60 ans ; elle étoit sœur de Mr Gauvin ou du Rancher. Mr de Sourches vit ; Elle a laissé un garçon, qui a émigré, et deux filles dont l’ainée a épousé Mr de Cailleau, et la cadette, Mr d’Hardemare, qui, touttes deux, ont des enfants427.
Mort de Mr de Touchemoreau
362Le 12 février 1799, Mr Yver de Touchemoreau, qui étoit autrefois un très bon avocat consultant, est mort, âgé d’environ 75 ans428 ; il étoit devenu comme en enfance, depuis la Révolution429. Il étoit de condition ; il avoit deux garçons qui ont émigré430 ; l’ainé étoit au service. Le cadet, qui avoit épousé une demoiselle de la Moustière, étoit allé en Saxe, voir Mr Duménigue431 ; comme il avoit eu de grandes frayeurs, il n’est point revenu432.
Couche de Mme de la Paumerie
363Le 1er avril 1799, Mme de la Paumerie, ma nièce, est accouchée, au Châteaudu-Loir, d’un garçon, qui a été enregistré à la commune du dit Château-du-Loir, sous les noms de Jacques-Etienne-Félix. Les deux premiers sont ceux du père de la mère, qui doit estre parain ; le nom d’Etienne, celuy du père naturel, et le nom de Félix est le nom du Saint du jour qu’ils se sont mariés, qui étoit le 18 may dernier433.
Mort de Mr de Gonssans, Evesque du Mans
364Le 30 avril 1799, jay su bien surement la mort de Mr de François-Gaspard, Evesque du Mans, mort à Paterbonne434, le 23 janvier 1799, où il s’étoit retiré depuis la persécution de l’Eglise. Il logeoit chés Mr le Doyen du chapitre (qui est en affiliation avec le chapitre du Mans) qui avoit tous les égards pour ce respectable Prélat ; il étoit tombé paralitique. Il avoit pris possession de l’Evesché du Mans, le 27 juin 1778 ; il pouvoit avoir environ 78 ans435. Avant de venir au Mans, il étoit Evesque de Gapp. C’étoit un Saint Prélat436. On a fait ce qui étoit nécessaire en pareille occasion437.
Mort de Mme Godard d’Assé
365Le 30 avril 1799, Mme Godard d’Assé est morte âgée de plus de 78 ans ; il y avoit longtemps qu’elle étoit veuve ; Elle avoit trois filles, dont l’ainé avoit épousé Mr de la Rozelle, Lieutenant-Particulier du Présidial ; l’un et l’autre sont morts, sans enfans. La cadette avoit épousé Mr Le Prince l’ainé et elle n’a point d’enfans et une autre a épousé Mr Le Febvre, dont elle a eu trois garçons et une fille, dont aucun n’est ancor marié438.
Couche de Mme Trotté de la Roche
366Le 16 may 1799, Mme Trotté de la Roche est accouchée d’une fille439.
Mort de Mr de Blanchardon de Loué
367Le 19 may 1799, Mr de Blanchardon le cadet est mort à Loué où il demeuroit ordinairement ; il avoit eu une place de la Recette du Grenier à Sel de Loué. Il avoit été marié et n’avoit point eu d’enfans ; il pouvoit avoir environ 68 ans ; il est mort d’une apoplexie-paralisie. Il y a Mr de Blanchardon l’ainé, Mr de Blanchardon, de Paris, Mlle de Blanchardon l’ainée et Mlle de Blanchardon qui a épousé Mr Le Conte qui en héritent ; il laisse une bonne succession.
Ma radiation de la liste des Emigrés
368Le 6 juin 1799, jay reçu une lettre du Secrétaire du Directoire, qui m’annonce que le Directoire a fait droit à ma pétition, et, le 10 suivant, on a rendu, au Département, l’arresté du Directoire dont jay eu une copie en donnant mon récépissé440.
Mort de Mme de Conidec
369Mme de Gonidec, ou Conidec, qui étoit une demoiselle de Courtemanche, est morte, âgée de 78 ans. Il y avoit longtemps qu’elle étoit infirme et ne voyoit plus personne.
Mort de Françoise Hélin
370Françoise Hélin, qui avoit été Cuisinière chés ma mère et à qui elle avoit donné, par testament, une rente de 50 # en argent et 6 boesseaux de froment et autant de seigle, est morte à l’Hopital, le 7 juillet 1799, âgée d’environ 78 ans441.
Mort de Mr Valin, Négotiant
371Le 30 juillet 1799, Mr Valin, Négotiant en gros, pour l’épicerie, est mort d’une fièvre maligne, âgé d’environ 35 ans, au plus. Je luy avois vendu ma maison, place des Halles ; il n’étoit point encor marié442. Il a épousé, depuis, une jeune demoiselle de Malicorne dont il n’a point d’enfans ; il faisoit commerce en gros, avec Mr Le Faucheux, son voisin.
Signification d’arrestation à Mme de Rouillon, Mme de Bellefille et autres
372Le 29 juillet 1799, trois gens d’armes sont allés, chés ma sœur, signifier à Mme de Bellefille une signification de se rendre, dans la Décade, dans la maison d’arrest de la Visitation, et le 31 suivant, on est allé à Rouillon, faire la même signification. Mr de Launay, l’avocat, comme père de deux enfants émigrés, Mr Goussault, Mr de Tascher et Mr Lambert de la Vannerie ont eu la même signification, tous les six comme otages, et cela par une nouvelle loi443.
Mariage de Mr du Valoutin avec Mlle de Chantelou
373Mr du Valoutin, qu’on appelle Mr du Ravoir, épouse, à la Décade prochaine, Mlle de Chantrou, qui est jeune et assés riche ; elle est fille unique. Mr son père est mort, il avoit été aux Isles où il avoit amassé du bien.
Mariage de Mr Garnier fils, avec Mlle Lavie
374Mr Garnier fils, dont le père est au Mans, Directeur des Domaines, épouse Mlle Lavy, âgée de 18 ans, et Mr Garnier peut en avoir 20. Le père du marié est du Mans, fils de Mr Garnier, Bourgeois ; il avoit épousé une demoiselle de Château-du-Loir. Il avoit une place dans la finance, et à la Révolution, il a eu celle de Directeur des Domaines. La mère de Mlle Lavie, est une demoiselle Vouvereau ; elle avoit une sœur qui avoit épousé Mr de la Crochardière et qui est morte d’une suitte de couche444.
Couche de Mme Dubois
375Le 8 aoust 1799, Mme Dubois, qui étoit Mlle Léon, et qui avoit épousé Mr Dubois, le 20 septembre dernier, est accouchée d’une fille.
Mariage de Mr Thoré avec sa belle-sœur
376Mr Thoré, gros et riche Négotiant, vient d’épouser sa belle-sœur ; il a des enfans du premier mariage. Il avoit achetté la Maison de Mr de Broc, place de l’Éperon, où il demeure. Depuis la Révolution, il a achetté la Maison Abbatialle de l’Epeau avec l’Eglise et la Maison des Religieux qui étoient des Bernardins et sans des biens qui en dépendent445.
Mort subite de Mr de Launay, l’Avocat, à la Visitation
Arrestation d’otages
377Mr de Launay, l’Avocat consultant, est mort subitement à la Visitation, où il étoit depuis quatre jours, par une nouvelle loy qui autorisoit les Départements à prendre des otages et Mr de Launay a été des premiers, comme père d’émigrés ; Mr Goussault, de même ; Mr de Tascher, comme riche et ex-noble ; Mr Lambert de la Vannerie, comme père de Capitaine des chouans446. On a trouvé Mr de Launay enfermé dans sa chambre ; ayant voulu se déchausser, en se baissant, le sang luy a porté à la teste, et le lendemain matin, on l’a trouvé mort et rempli de sang ; s’il avoit eu du secours, il ne seroit pas mort447. Dans cette arrestation, au nombre de six, on y avoit donné un ordre à Mme de Rouillon et à Mme de Bellefille ; depuis ce temps-là, il y a eu plusieurs personnes qui ont eu aussi un ordre, comme Mr de Montigny, Mme de Morandais, Mr de Cohardon et plusieurs autres qu’il seroit trop long de nommer, sans compter touttes les arrestations qui pouront arriver. Mr de Launay pouvoit avoir environ 62 ou 63 ans ; il étoit, ainsi que Mr Lambert l’avocat, les deux meilleurs consultants de la Ville ; aussi avoient-ils des affaires à l’infiny. Il laisse une femme très affligée ; il a deux garçons qui ont émigré et une fille qui avoit épousé Mr du Plessis, de La Flèche, qui, je crois, étoit Noble ; il est émigré. Elle n’en a point d’enfans ; elle avoit divorcé pour conserver le bien qu’elle avoit eu en mariage448.
Mort de Mme du Plessis
378Mme du Plessis, sœur de Mlle de Souvray, est morte à Montpertuis chés Mlle sa sœur ; elle étoit âgée ; elle étoit veuve, et je crois, sans enfans. Elle étoit sœur de Mr Le Conte (qui est le nom de famille) de Souvray.
Couche de Mme Vétillard
379Le 25 aoust 1799, Mme Vétillard, qui demeure au carrefour St Nicolas, est accouchée d’une fille, elle a un garçon ; c’est son second enfans vivant. C’est une demoiselle de la Goupillière449.
Mort de Mme de Souarez
380Mme de Souarez, qui demeuroit sur les Petits-Fossés, est morte, âgée de plus de 78 ans ; elle étoit de Brest, et n’avoit point de parens au Mans. Elle a donné tout son mobilier à une personne qui avoit soin d’elle, elle n’avoit que du viage450.
Mort de Mme du Hautieray
381Mme du Hautiery, veuve, vient de mourir, âgée d’environ 50 ans ; elle demeuroit à La Flèche, d’où étoit son mary. Elle étoit venue demeurer au Mans pour se faire gouverner par un médecin ; c’étoit Mr Malet qui la gouvernoit.
Mort du Pape Pie Six
382On a appris la mort du Pape Pie Six, qui s’appeloit de son nom de famille, Jean-Ange Braschi, élu Pape, le 15 février 1775 ; il ne s’en falloit que de six mois qu’il ait vu les années de Pierre451. Il étoit né à La Senne, le 27 décembre 1717, il avoit 72 ans. La Révolution de France, qui a pénétré jusqu’en Italie qu’il a été obligé d’abandonner, luy a surement avancé ses jours452.
Mort de Mme de Lonlay
383Mme de Lonlay, qui étoit une demoiselle de Vilpail453, est morte au Mans, depuis huit jours, où elle étoit venue pour se faire gouverner de sa maladie de poitrine et d’une suitte de couche. C’étoit une belle femme et toute jeune. Elle laisse son mary qui étoit, dit-on, inquiet, et deux ou trois enfans. Elle demeuroit ordinairement à la campagne ; elle est morte les premiers jours de septembre 1799454.
Couche de Mme d’Hardemare
384Mme d’Hardemare, qui est la sœur de Mme de Cailleau, est accouchée d’un garçon dans le courant d’octobre. Je crois que son premier enfans est mort455.
Entrée des Royalistes dans la Ville du Mans
385Le 15 octobre 1799, les Mécontents ou Royalistes, sont entrés dans la Ville du Mans, par plusieurs endroits, au même instant, à 5 heures du matin. Comme cela étoit ignoré, on n’avoit fait aucun préparatif pour s’y opposer. Ils se sont porté à l’arsenal, pour s’emparer de touttes les armes et munitions de guerre ; ils ont été dans touttes les maisons d’arrest, donner la Liberté aux prisonniers et chés tous les Receveurs pour en avoir l’argent ; ils ont chargé le tout et emporté je ne say où. Ils n’ont point couché dans la Ville, le mercredy et le jeudy, il en est rentré une partie, les dits jours ; le vendredy, il est arrivé beaucoup de troupes pour les poursuivre. Ils ont mangé chés les Bourgeois ; j’en avois huit à nourrir. Ils ont couché dans les Eglises de St Benoist et de la Coulture, sur de la paille. La ville du Mans est en état de siège456.
Arrestation de Mr Alexandre, mon neveu
386Le 20 octobre 1799, Mr Nepveu, le cadet, qu’on appelle Alexandre, a esté arresté chés le nommé Cherreau, de Ruaudin ; c’est un bon fermier, riche et marchand de bœufs. Il revenoit de Tours, par des chemins de traverse, parce qu’il n’avoit point de passeport457.
Couche de Mme de Boisouillé
387Mme de Boisouillé est accouchée d’une fille chés Mr de Vauguion ; c’est la sœur de Mme de Vauguion, autrement mademoiselle de Beauchamps. Cette famille s’est retirée au Mans depuis la Révolution ; le père a émigré, et Mr de Vauguion a rachetté une partie de leur fortune. (Sapinaud de Boishuguet)458.
388On a vendangé, aux environs de la Ville, le mercredy et le jeudy, les petits clos, et le vendredy et le samedy, les Grands clos, c’est-à-dire, le 6 et le 7, le 8 et le 9 novembre. Le vin ne vaudra rien et il y aura cependant encor du vin ; il sera très vert.
Notes de bas de page
1 Enquilausie : ankylose, c’est-à-dire difficulté ou impossibilité de bouger une ou plusieurs articulations.
2 La famille occupant une maison canoniale et étant très liée à un chanoine, les obsèques sont orchestrées par un représentant du chapitre, puis enregistrées avec les sépultures capitulaires, et non sur le registre paroissial. La fillette, baptisée à Saint-Nicolas le 15 juin 1784, est plus jeune d’un an et demi que ne l’a noté le diariste. Son parrain était précisément le chanoine Louis-René Pillon de Saint-Chéreau.
3 Le 18 mars 1787, le diariste avait bien enregistré le décès du chanoine Guillory de Villeballet, mais sans mentionner le choix effectué par l’évêque pour le remplacer. Il s’agissait de Nouet de La Boissière, lequel, pour une raison qui reste à éclairer, n’est pas venu accomplir les cérémonies d’installation.
4 Le chanoine pense aux conséquences humaines de cette rigueur climatique alors que le cirier Leprince en dresse une description naturaliste : « Le froid de l’hiver de 1788 a 1789 fut excessif et si fort que sous plusieurs rapports, on a jugé qu’il avoit excédé celuy de 1709 ; il commenca au 20 novembre et augmenta, de jour en jour jusqu’au 19 ou 20 janvier, époque a laquelle seulement on éprouva un foible commencement de degel […] une grande quantité d’arbres forts et très anciens perirent par l’effet de la gelée… » (Mémoires, p. 235).
5 La lutte contre le froid passe par une ruée sur le combustible disponible à proximité, dans les espaces qu’on n’appelait pas encore péri-urbains. On aura noté le « malgré cela » du chanoine, qui révèle sans le vouloir qu’une des finalités indirectes espérées du Bureau de charité est aussi la paix sociale (S. Granger, « Le Chanoine et l’argent… », art. cité, p. 157).
6 Charles-Michel Godard d’Assé (1714-1789) avait été Président-Trésorier du Bureau des finances de la généralité de Tours. Beau-père de Leprince d’Ardenay, il est avec sa famille au cœur du récit du cirier manceau (Mémoires, p. 67-74, 80-82, 93-94, 121-125, 235-236). Le mémorialiste se souvient : « Ce fut a l’epoque du Degel que M. Godard Dassé mon beau pere mourut des suites d’une maladie asses longue mais qui n’avoit donné d’abord aucune inquietude, quoique agé de 74 ans et demi. Il avoit conservé jusqu’alors un temperament fort, Robuste et très sain. »
7 Voir au 19 mars 1773 et au 21 novembre 1786.
8 Leprince évoque ce sujet avec une grande sensibilité. Au siècle du sentiment, l’enfant n’est plus seulement un gage de postérité mais le fruit de l’amour : « Dieu m’a privé de la douce satisfaction d’avoir des enfans » écrit-il, mais après avoir adopté une nièce, il déclare « j’ay bientôt oublié les petits chagrins que j’avois éprouvé dans les premieres années de mon mariage en voiant écouler ma jeunesse sans espoir de devenir pere, de donner a ma femme et de recevoir d’elle des gages vivans de notre amour » (Mémoires, p. 177-180).
9 Rayé et corrigé par le diariste.
10 Nepveu fait ici allusion au « pont de pierre » de Tours, construit entre 1765 et 1778 pour remplacer le « Vieux Pont » du XIe siècle. Il subit de lourds dégâts lors de l’inondation de 1789, 4 de ses 15 arches furent détruites (le diariste dit 5). Reconstruit, il sera rebaptisé « pont Wilson » en 1918 (Pierre Favre et al., Le Pont de Tours, Deux siècles d’histoire, CLD et Nouvelle République, 1979, 105 pages).
11 Le diariste a été frappé par les récits de cette inondation. Des brochures ont circulé, comme par exemple Extrait d’une relation du débordement de la Loire arrivé à Orléans le dimanche au soir, 18 janvier 1789, Orléans, imp. Jacob aîné, in-4°, 4 pages (AN : F 14/1201).
12 Montreuil près Lucé : aujourd’hui Montreuil-le-Henri, à 8 km à l’ouest du Grand-Lucé.
13 Le registre paroissial de Montreuil-le-Henri désigne le défunt, Denys-Charles-Louis de Bastard, comme « ancien capitaine-commandant au régiment d’Aubigné-dragons », ce qui contredit le chanoine. D’autre part, ce dernier ne semble pas intéressé par le fait que Bastard de Fontenay était l’un des grands agronomes du Maine. Pilier du Bureau d’Agriculture du Mans, il fut l’un de ses membres les plus audacieux et les plus assidus (B. Hubert, « Les fondateurs du Bureau du Mans… », art. cité).
14 De ce fait, comme pour la fillette au tout début de l’année, le décès de « delle Louise Pélagie Élisabeth Berthelot du Gage » est enregistré avec les sépultures du Chapitre. Toutefois, comme le note le diariste, c’est « l’usage de la paroisse » (inhumation au grand cimetière) qui a prévalu sur celui du chapitre (inhumation dans l’église). Âgée de 33 ans, la jeune femme était née à Quessoy, diocèse de Saint-Brieuc.
15 Voir au 3 juin 1788.
16 Cette note, évidemment ajoutée a posteriori par le diariste, fait référence à l’exécution sommaire de L’Hermite et Geslin le 29 avril 1795 à 40 km à l’ouest du Mans : les deux chefs chouans revenaient effectivement de Rennes, comme le sait Nepveu, où avait été négocié un traité de paix mettant théoriquement fin à la première chouannerie. Les regrets exprimés à travers cette note sont une des rares indications que livre Nepveu sur sa position politique.
17 Ces assemblées électorales choisissent les députés aux États généraux. Les trois ordres travaillent séparément : le Tiers État se réunit à l’église de La Couture, le clergé dans celle des Jacobins et la Noblesse à la salle des actes de l’Oratoire. L’assemblée du clergé, composée de 942 votants, est tumultueuse. Nepveu reste indifférent et l’importance de l’événement lui échappe. Il ne donne pas même le nom des députés du clergé : Bourdet, curé de Bouère, Berthereau, curé de Teillé, Grandin, curé d’Ernée et Le Peletier de Feumusson, curé de Domfront. L’évêque Gonssans est élu in extremis, bon dernier après ces quatre curés de campagne ou de bourgade. Le bénédictin Dom Gallais raconte la scène sous une forme pittoresque : Histoire Persane, extraite d’un manuscrit arabe trouvé dans les ruines de Palmyre, in-8°, Paris, 1789 (Méd. Le Mans : Sciences et Arts 8° 1003).
18 Il : ici Jouye des Roches, le Lieutenant général devenu veuf.
19 On croit deviner sous la plume de Nepveu comme une certaine distance ironique, qui est peut-être à mettre en relation avec les conflits qui ont opposé le Lieutenant général à une partie des élites mancelles l’année précédente (voir aux 26 mai, 18 juillet et 2 décembre 1788).
20 La Maison Royale de Saint-Louis à Saint-Cyr, fondée par Mme de Maintenon, est un pensionnat pour jeunes filles de la noblesse pauvre. Cela indique que la famille Nepveu n’était pas considérée comme riche.
21 Rue du Petit Musc : située dans le quartier du Marais, cette rue était fréquentée par les prostituées et se serait appelée initialement la rue Pute-y-Muse (Jacques Hillairet, Dictionnaire historique des rues de Paris, Paris, Minuit, 1963, t. II, 719 pages, p. 258-259).
22 Sic, lire avril. Le chanoine a écrit tout son récit d’un trait, une fois revenu au Mans vers le 9 mai.
23 Henri Lefebvre d’Ormesson (1751-1808) avait succédé à son père comme administrateur de la maison d’éducation de Saint-Cyr. Il était Contrôleur-Général depuis 1783.
24 Henriette Nepveu de Bellefille ne restera pas dix ans à Saint-Cyr : voir au 14 mars 1793.
25 Versailles est déjà un haut lieu d’un tourisme avant la lettre. Les visiteurs de toutes conditions y accèdent aisément. L’étaminier Louis Simon y achève son tour de France en 1763 : « je fus voir le roi Louis XV qui allait à la chasse […]. Ensuite, je fus dans la chapelle, dans le château, dans les jardins et dans l’orangerie… » (A. Fillon, Louis Simon, Villageois…, op. cit., p. 36). Bien plus haut dans l’échelle sociale, le jeune Leprince, accompagné de son père, visite les lieux en 1755 : « J’eus la satisfaction de voir fort à mon aise le Roy et la famille Roiale, […] les grands et petits appartemens, la galerie, la chapelle, les jardins… » (Mémoires, p. 47). Quant au curé de Nouans, François-Yves Besnard, il visite Versailles en 1781 : « l’intérieur du château, […] la ménagerie, les deux Trianons, les écuries, l’hôtel des pages, la vénerie, etc. […]. Nous vîmes dîner le roi, qui mangea beaucoup, ne buvant pas mal, et la reine, qui ne goûta d’aucun plat, dont la serviette ne fut même pas dépliée » (Souvenirs d’un nonagénaire, p. 177).
26 Jean-Baptiste Réveillon (1725-1811) est un riche fabricant de papiers peints dont la manufacture employait quatre cents ouvriers dans le faubourg Saint-Antoine. Il aurait pu entrer dans l’histoire seulement pour l’aide technique qu’il apporta aux frères Montgolfier en leur fournissant papier et espace pour assembler leurs aérostats (1783). En avril 1789, il aurait suggéré, comme le rapporte incomplètement le chanoine Nepveu, de baisser à la fois le prix du pain et les salaires, de façon à faire baisser le prix des produits manufacturés pour en relancer la consommation. L’agitation n’aurait pas, cependant, été lancée par les ouvriers de sa propre manufacture mais par des émeutiers extérieurs qui, Place Royale, brûlent un mannequin baptisé Réveillon, puis envahissent la manufacture et la pillent de fond en comble, avant d’en être délogés très brutalement par les Gardes-françaises. Les évaluations du nombre de tués oscillent de 300 à 500, ce qui se situe dans l’ordre de grandeur indiqué par le diariste manceau.
27 Salpêtrier : fournisseur de salpêtre, nitrate de potassium qui sert à fabriquer la poudre à canon. Henriot, fabricant de salpêtre, avait énoncé des propositions similaires à celles de Réveillon.
28 Nepveu peut-il avoir entendu la rumeur qui parcourut la Cour selon laquelle le Duc d’Orléans aurait joué un rôle dans l’émeute Réveillon ? Cette émeute a immédiatement, et pendant longtemps ensuite, donné lieu à toutes sortes d’hypothèses apparentées à la théorie du complot.
29 Pour le chanoine manceau généralement si sédentaire, ce voyage à Paris est en soi une exception. Se trouver au cœur de Paris alors que la future révolution y frappe ses trois coups, c’est encore plus extraordinaire à nos yeux. Mais lui ne le sait pas…
30 Le diariste a noté « Nous avons retourné à Paris », mais il est difficile de savoir si ce retour eut lieu le soir même de la visite du château (3 mai) ou le lendemain, voire le surlendemain. Le chanoine et son frère ont-ils été témoins oculaires de la rentrée des États généraux à Versailles le 4 ? Sa formulation le suggère…
31 Cette entrée, de même que les quatre suivantes, est un rattrapage a posteriori : le chanoine a tenu à noter dans son Journal les événements survenus au Mans en son absence et qui lui semblent importants.
32 Le livre des Affiches du Mans : formulation représentative de l’usage courant qui consiste en fin d’année à faire relier l’ensemble des feuilles hebdomadaires de l’année écoulée. Ainsi, un abonné manceau, sans doute Véron Duverger (dont le nom est inscrit à la main sur l’une des feuilles), a-t-il fait relier sa collection des Affiches de Tours de mars 1772 à fin 1773. Ce qui vaut à la médiathèque du Mans de posséder aujourd’hui l’un des très rares recueils survivants de cet hebdomadaire, la collection tourangelle ayant péri dans l’incendie de la bibliothèque de Tours en juin 1940 (méd. Le Mans : Hist 7261 4°).
33 Référence intéressante à l’autre « livre » tenu par le chanoine Nepveu en parallèle de son Journal.
34 La pauvreté du chanoine du Bourneuf a déjà été évoquée plusieurs fois par le diariste qui semble en être très frappé (S. Granger, « Le chanoine et l’argent… », art. cité, p. 157).
35 Saint-Pierre-des-Bois : village situé à 30 km à l’ouest du Mans, entre Loué et Chantenay-Villedieu.
36 Sur le mariage de Marie-Anne Lasnier de La Tour, de Baugé, avec M. de Feumusson, voir au 5 août 1777.
37 On pourrait lire dans cette entrée elliptique la défiance du chanoine envers les processus en cours. Toutefois, il faut se souvenir qu’il vient juste d’achever l’enregistrement dans son cher Journal de ce qui s’est passé d’important à ses yeux au Mans durant son escapade parisienne du 15 avril au 7 mai. On peut donc comprendre qu’il n’ait pas souhaité gaspiller son temps d’écriture à recopier des informations disponibles par ailleurs et dont on sait qu’il les archive (voir au 27 avril, première entrée). Il convient donc de ne pas sur-interpréter cette phrase sur les États généraux.
38 Le chanoine a ici interverti les états professionnels des maris des deux sœurs Dubin, de Blois. Adélaïde, celle qui accouche le 5 juillet 1789 (d’un garçon, et non d’une fille comme Nepveu le croit), est l’épouse de Pierre-Alexandre Pottier de La Morandière, officier chez le roi. C’est sa sœur, Victoire-Marie, qui est l’épouse d’un teinturier, Gervais Savare, frère du chanoine Savare. Peu avant, celle-ci avait mis au monde des jumelles, saluées par le diariste dans son entrée du 18 avril 1789.
39 René Levasseur (1747-1834) sera l’une des figures mancelles de la Révolution, mais nul ne peut le savoir au moment où cet incident éclate. Il est alors un chirurgien estimé du Mans, spécialisé dans l’obstétrique.
40 Bernard Coppens, « Le mystère de la Cocarde », Le monde de la Révolution française, juillet 1989 (www.1789-1815.com/).
41 Ils : les jeunes gens à cocarde.
42 Le colonel des Dragons, en garnison au Mans depuis octobre 1788, est Cyrus de Valence, « élégant démagogue, très populaire, franc-maçon, inféodé au parti de Philippe d’Orléans, ennemi de Louis XVI ». À la suite de l’épisode ici raconté par le chanoine, Valence se trouve mis à la tête de la milice bourgeoise, garde citoyenne qu’on appellera plus tard garde nationale, « où il joue au petit Lafayette » (M. Auffret et P. Bois, « La période révolutionnaire », op. cit., p. 201-202).
43 Messieurs : les femmes sont-elles totalement absentes de cette première manifestation mancelle ? On peut en douter…
44 M. de Blanchardon étant Maître particulier des Eaux et Forêts, il devrait donc, théoriquement, avoir à se prononcer dans les litiges concernant les bois.
45 Dans le vent de liberté qui provisoirement souffle, on tolère que les fermiers refusent de payer les octrois, ces taxes perçues par les villes à l’entrée des marchandises. Les octrois sont la principale ressource des municipalités, mais l’État qui les a « octroyés » en prélève une partie. On estime que sur l’ensemble du Royaume en 1789 les octrois se montent à 70 millions de livres, dont 46 pour l’État.
46 Sur ce sujet, voir aux AD Sarthe : 1 Mi 145, procès verbal de l’Assemblée de l’ordre de la noblesse de la province du Maine, 20 juillet 1789, et les souvenirs de Leprince d’Ardenay (Mémoires, p. 197-201).
47 Sic. On peut penser qu’il faut lire : « dans le mois de juillet » et que le chanoine résume sous cette formulation tant les nouvelles arrivées de Paris (prise de la Bastille) que celles en provenance du reste du royaume (Grande Peur).
48 Pris par l’urgence de ce qu’il a à écrire, Nepveu omet de noter la date : on est le 23 juillet 1789. Cela correspond au bref mais important épisode historiquement appelé « Grande Peur », mouvement de panique propagé à travers les campagnes de nombreuses régions entre le 20 juillet et le 6 août. Toutefois s’il oublie de dater son récit, le diariste précise bien le jour, sans doute très présent dans les récits oraux qui circulèrent de la tragédie. Cette information perdure dans l’appellation donnée à l’événement : le jeudi fou de Ballon (Christine Peyrard, « Le Jeudi fou de Ballon dans la Grande Peur », Cahiers du Collectif républicain de commémoration, Le Mans, 1988, 55 pages). L’émeute de Ballon est l’une des rares de la Grande Peur à avoir débouché sur mort d’hommes. Ailleurs, les émeutiers ont essentiellement opéré des destructions matérielles, visant les titres seigneuriaux et les symboles du pouvoir féodal.
49 On voit surgir là, au cœur du Journal habituellement paisible du chanoine manceau, les rites et les gestuelles de la violence qui feront florès au cours des années suivantes dans les rues parisiennes, avec notamment l’image frappante des têtes coupées brandies au bout d’une fourche ici, d’une pique ultérieurement à Paris.
50 Voir au 7 février 1798.
51 Si Nepveu est témoin de la peur de la ville, F.-Y. Besnard, curé de Nouans, témoigne pour son village qu’il retrouve après une courte absence : « Tout était en rumeur dans mon bourg lorsque j’arrivais au presbytère, et le visage de ses habitants, jusqu’à ceux de mon domestique, présentaient des traits si sombres, que je ne savais s’il fallait les attribuer à la tristesse ou aux remords du crime qui venait d’être commis ou même à la résolution d’en commettre un semblable sur ma personne » (Souvenirs d’un nonagénaire, p. 203).
52 Notaire apostolique : notaire institué par un évêque pour s’occuper des bénéfices ecclésiastiques. Ce type de notaire tend à perdre de son importance au cours du XVIIIe siècle.
53 Un marchand de bois, même faisant « un gros commerce », et un notaire apostolique, ce sont des partis jugés peu valorisants aux yeux du chanoine Nepveu de La Manouillère.
54 La plupart des juifs rencontrés dans le Maine au XVIIIe siècle pratiquaient le colportage. Les comptes de fabrique montrent des juifs nomades vendant ou remettant en état les ornements des églises (André Bouton, « Les Juifs dans le Maine », Bulletin philologique et historique, année 1963, BN, Paris, 1966, pages 711-723, AD Sarthe : BIB E106).
55 Le vendredi est jour de marché au Mans. La médiocre récolte de 1788 a entraîné une hausse rapide et continue du prix des grains, et donc du pain, depuis l’été 1788. Le rigoureux hiver de 1789 ayant fait craindre une prochaine récolte à nouveau insuffisante a provoqué une hantise de la spéculation. Des troubles éclatent sur la plupart des marchés de la région.
56 Comprendre : l’Hôtel-de-Ville envoie des délégués exposer au chapitre cathédral ce qu’il souhaite pour la bénédiction des drapeaux de la milice. Sur l’expression « descendre au chapitre », voir au 18 mars 1767.
57 Sans s’appesantir, le chanoine note finement les changements subtils qui sont en train de se produire : le Chapitre naguère si sourcilleux sur son rang et sur le strict respect du protocole, offre en quelques minutes deux beaux exemples de dérogation au sacro-saint usage pour honorer ces messieurs de l’Hôtel de Ville, nouveaux hommes forts de la ville. Il est vrai que leurs délégués sont « tous gens comme il faut », comme aurait pu l’écrire Nepveu (voir au 13 janvier 1786). Il en ira tout autrement quelque temps plus tard…
58 L’évêque étant aux États généraux, le Doyen manifestement absent aussi, le premier rôle revient à l’abbé Paillé, Grand-Chantre du chapitre et donc troisième personnage du diocèse.
59 L’orateur rend hommage aux dragons de Chartres « légion distinguée par la bravoure et l’intrépidité » et à la milice citoyenne (Méd. Le Mans : H 4* 2473, Discours prononcé dans l’église du Mans, le dimanche 16 août par M. l’abbé Paillé, chanoine et chantre en dignité, vicaire général, Le Mans, Pivron, 1789).
60 Tous les quatre : les quatre chanoines désignés par le chapitre pour jouer les maîtres de cérémonie.
61 Ce si peu de chose est entré dans l’histoire sous le nom de Nuit du 4 août, au cours de laquelle les députés de l’Assemblée constituante, dans une grande euphorie unanimiste, proclamèrent l’abolition des droits féodaux et de divers privilèges. C’est l’un des grands moments de la Révolution commençante, mais le chanoine ne peut encore le percevoir. Il a raison toutefois de faire remarquer que les décisions prises cette nuit-là n’auront de valeur que lorsque le roi les aura entérinées. Ce sera le cas à l’automne, en plusieurs étapes (décret du 5 octobre, lettres patentes du 3 novembre…).
62 Le diariste n’a pas daté ce mariage : c’est le 31 août 1789 à Conlie qu’Émilie-Françoise Le Conte de Souvré, âgée de 17 ans et demi, fille de Pierre Le Conte, écuyer, et de Madeleine de Montesson, épousa René-Siméon-Charles Dubois de Montulé.
63 Si Nepveu cite une date aussi précise, c’est qu’il avait noté ce mariage dans son Journal.
64 Voir à cette date : le 10 mars 1798, rédigeant l’entrée sur le décès de Mme de Montulé, le diariste est alors revenu en arrière pour rechercher la date de son mariage et en a profité pour ajouter cette note en marge. Processus qui confirme que, même après les bouleversements opérés dans son existence par la Révolution, il continue à nourrir ce qu’on peut considérer comme une base de données avant la lettre.
65 Le chanoine Nepveu reprend le rôle qui avait été le sien lors de la Bénédiction des drapeaux de la milice (voir au 16 août précédent) et cette fois le chanoine Savare l’accompagne dans sa politesse.
66 Beaugé : Baugé (voir au 5 août 1777).
67 Ce jeune homme sans état se nomme Jacques-François Hardouin du Ravoir. Il a alors « environ 27 ans » et est fils du lieutenant de l’élection de Baugé (BMS, Le Mans, La Couture, 29 septembre 1789).
68 La commère : le diariste emploie le mot à la place de mère. Le parrain, « maître René Chevallier, ancien Conseiller du Roy notaire honoraire » est en effet le grand-père maternel de l’enfant (BMS, Le Mans, Le Crucifix, 1er novembre 1789).
69 Sans doute, écrit le diariste, preuve qu’il doute ! L’acte de baptême dit que la marraine est non pas la grand-mère paternelle, mais la « tante de l’enfant au côté paternel », veuve d’un négociant de La Flèche.
70 Le diariste avait raconté le mariage et ses difficultés aux 21-22 mai 1787.
71 Qui ne vaut pas mieux que les autres : le chanoine porte assez clairement un jugement social. Les six paroisses citées sont en effet toutes situées dans les bas quartiers qui longent la rivière Sarthe, tant rive gauche (Gourdaine, Saint-Benoît) que rive droite (Le Pré, Saint-Jean, Saint-Gilles et, plus loin de la rivière, Saint-Germain). Elles ont une population modeste et fragile, que la crise frumentaire a fait basculer dans la misère, la faim et la colère.
72 Au cas où les choses tourneraient mal et où des coups de feu seraient échangés ? Ou pour éviter qu’elles n’incitent à l’émeute ? La première hypothèse paraît la plus vraisemblable…
73 C’est-à-dire les deux compagnies rebelles de la veille.
74 Voir le récit du « jeudi fou » de Ballon au 23 juillet précédent.
75 La Ragotière : la Vagotière (voir fin décembre 1776, en note).
76 Je crois : le diariste peine à se tenir au courant, malgré la proximité entre la Vagotière et la Manouillère où, sans doute, il ne réside pas en cet hiver agité. L’enfant est une fille, née le 8 octobre et d’abord ondoyée pour laisser le temps d’organiser le baptême (ses parrain et marraine demeurent à Lisbonne…), puis baptisée le 26 novembre 1789.
77 Nepveu a signalé la mort du père (voir au 14 juillet 1789) mais passé sous silence celle de la mère.
78 Fête à bâton : le bâton dans cette acception est le bâton de confrérie, la perche au haut de laquelle sont portées la croix ou la bannière ; cette dernière peut représenter un saint, et la « fête à bâton » est alors, selon l’expression de Furetière, « la feste du Saint qui est au bout du baston ». Ici, il s’agit bien sûr de saint Julien, premier évêque du Maine et patron de la cathédrale du Mans, dont la fête est célébrée le 27 janvier.
79 Voir le Journal de Nepveu fin avril 1789. La famille dont il s’agit ici se nomme Trotté de La Bouverie, pour se différencier des autres Trotté dont traite la première entrée 1790 du Journal.
80 Ordonné prêtre en 1758, le chanoine René Trotté occupait la maison canoniale de Saint-Protais, rue des Chanoines. En 1793-1795, il subira trois ans de détention (Arch. diocèse Le Mans : dossier abbé Lochet).
81 Les deux églises étaient voisines, mais l’église abbatiale était la plus vaste. Ce qui explique d’ailleurs qu’elle ait été conservée ultérieurement, alors que l’église paroissiale sera vendue au titre des biens nationaux le 30 juin 1796 et démolie peu après (Étienne Bouton, La Couture, Une abbaye bénédictine au Mans, La Reinette, 2006, 144 pages, p. 71).
82 Ce jugement positif vient peut-être du fait que Jean de Foisy fait partie des magistrats manceaux qui s’étaient opposés à la réforme de 1788. S’il n’avait pas été alors en pointe dans le combat, c’est qu’il était absent du Mans. Il est âgé de 68 ans lorsqu’il devient maire de la ville.
83 Bonhomme : le mot s’emploie à propos d’un homme d’un âge avancé, avec parfois une connotation suggérant la bonté, la simplicité, voire une certaine ingénuité.
84 Savigné-sous-Braye : localité située aujourd’hui dans le Loir-et-Cher à 8 km de Saint-Calais.
85 Avant d’être chanoine de La Rochelle, René Jubeau, docteur en théologie, avait été chanoine de Saint-Maurice d’Angers. Impliqué dans une affaire de lettre anonyme relative à un projet d’assassinat de la marquise de Pompadour, il avait été incarcéré quelque temps à la Bastille (C. Port, Dictionnaire historique…, t. II, p. 316). Après le Concordat, il sera nommé chanoine titulaire du chapitre Saint Maurice d’Angers en 1803 (Raymond Perrin de Rouvray, L’église d’Angers pendant la Révolution, Les Éditions du Choletais, 1984 et 1986, 2 vol., 328 pages, t. I, p. 30).
86 Le retour de l’évêque après une longue absence donne lieu à des rites de bon accueil (offrande du pain et du vin) et à des discours de bienvenue. Il repart dès le 15 avril pour Paris.
87 À la suite de divers épisodes de tension autour de l’approvisionnement en grains de la ville à la veille de la récolte 1789, La Vingtrie avait été accusé par quelques notables, dont un avocat de Bellême, député suppléant de la province du Perche, d’affamer et même « d’égorger le peuple ». Il avait poursuivi ses dénonciateurs devant la Sénéchaussée du Mans, laquelle le 30 août 1790 déclare les accusations « fausses & calomnieuses ». La partie adverse avait récusé par avance ce jugement, estimant qu’il serait vicié par le fait d’être prononcé au Mans « siège de la famille nombreuse & de la fortune de [la] femme » de La Vingtrie. La médiathèque du Mans possède deux factums imprimés relatifs à cette affaire dont les titres sont éloquents : Dénonciation de crime de lèse-peuple, ou lèse-nation, à nosseigneurs de l’Assemblée nationale, et mémoire pour la Ville de Belême au Perche contre les sieurs Jullien, Intendant d’Alençon, & Bayard-La-Vingtrie, son Subdélégué à Belême, Paris, chez Gattey & Blanchon, 1789, 58 pages ; et Réfutation pure et simple des accusations intentées par quelques Particuliers de la ville de Belesme, contre le sieur Louis-Jacques Bayard de La Vingtrie, Lieutenant Général, Maire & Subdélégué de la dite ville, Chevalier de l’ordre du roi, Paris, Demonville, 1790, 22 pages (Maine 4* 2129).
88 La comparaison avec le long texte laudatif écrit par le diariste au moment du mariage montre un revirement total. Il est même tellement absolu, en moins de deux ans, que l’on peut soupçonner l’optimisme d’avril 1788 d’avoir été partiellement artificiel.
89 Le 4 février 1790, la Constituante donne naissance au département de la Sarthe constitué essentiellement du Haut-Maine (partie orientale du Maine), auquel s’ajoutent 32 paroisses angevines de la région de La Flèche et du Lude et trois paroisses du Perche. Le département est divisé en 9 districts, chacun d’eux subdivisé en cantons et communes. Il s’agit ici de dessiner le district du Mans.
90 Dès la fin de 1789, le sous-ingénieur Bruyère avait entamé les grands travaux pour aménager la butte du Greffier en promenade. Ces travaux donnaient du travail à de nombreux hommes privés d’emploi (J. Guilleux et A. Lorgeoux, Le Mans : Révolution dans la ville, op. cit., p. 27 à 34).
91 La précision des deux dernières dates s’explique par le fait que le chanoine avait noté ces faits dans son Journal. En revanche, l’année de naissance de la jeune fille indiquée par le diariste est à l’évidence erronée. L’acte de mariage apporte toutes les précisions à ce sujet, confirmant du même coup la grande différence d’âge entre les mariés. La jeune épouse a en effet été baptisée paroisse du Crucifix le 11 avril 1769 – elle a donc 21 ans –, tandis que son mari l’avait été trente-cinq ans avant, « à Feumusson, paroisse d’Yvré l’évêque le 13 février 1734 » (BMS, Le Mans, Saint-Pierre-le-Réitéré, 16 mars 1790).
92 Le don patriotique, aussi appelé contribution patriotique, est un aspect de la nouvelle fiscalité qui est censée remplacer les anciens impôts directs, déclarés illégaux dès l’été 1789. Le Contrôle général laisse d’ailleurs place à un ministère des Contributions et Revenus publics (Jean-Clément Martin, La France en Révolution 1789-1799, Belin, 1990, 256 pages, p. 86). Mais la générosité patriotique est parfois difficile à mettre en œuvre, surtout quand, comme le chanoine Nepveu, on était habitué à être un privilégié fiscal…
93 Sans doute faut-il compléter la phrase par « que j’ai effectué cette déclaration ».
94 Partout en France les chanoines, chapelains et autres clercs bénéficiers font au même moment le même type de déclaration, récapitulant avec plus ou moins d’honnêteté et de clarté leurs divers revenus. L’administration pouvait ensuite les confronter aux comptes des chapitres, les deux types de déclarations permettant une vérification croisée. Même si le diariste manceau prétend ignorer la finalité de l’opération, il était clair qu’il s’agissait d’organiser dans les meilleures conditions possibles le basculement vers un nouveau système de fonctionnement, inauguré par la Nuit du 4 août et orchestré par le Comité ecclésiastique, groupe de travail créé par la Constituante dès le 12 août 1789 « pour préparer le travail des affaires du clergé » (Jérôme Tissot-Dupont, « Le Comité ecclésiastique de l’Assemblée Nationale Constituante [1789-1791] », Revue d’Histoire de l’Église de France, t. 90, n° 225, 2004, p. 427-452).
95 Théophile Leclerc joue déjà un rôle de premier plan au Mans. Pendant le Directoire, en vendémiaire an IV, il deviendra administrateur central du département.
96 AD Sarthe : L 360.
97 En août 1799, le diariste notera ce qu’il était advenu de ce mariage, ainsi que de l’avocat Launay, père de la mariée.
98 Difficile en raison de sa forte pente, peut-on penser, et non pour ce qui fera la célébrité de cette rue au siècle suivant : les dames aux charmes vénaux…
99 La Sarthe compte 9 districts : Château-du-Loir, La Ferté-Bernard, La Flèche, Fresnay, Le Mans, Mamers, Sablé, Saint-Calais, Sillé-le-Guillaume.
100 Où l’on voit clairement que la formulation Gazette du Mans est employée par le chanoine, et sans doute par nombre de ses contemporains, pour désigner l’organe de presse hebdomadaire Les Affiches du Mans.
101 Le chanoine explique le décès par les préceptes de Rousseau : était-ce vraiment la raison de la mort de l’enfant qui aurait reçu des bains d’eau froide pour fortifier son corps ? (Daniel Tesseyre, Pédiatrie des Lumières, Vrin, 1982, 258 pages.)
102 Vilaine-la-Juhel : bourg du Bas-Maine, situé à peu près à mi-chemin entre Fresnay et Mayenne, à 60 km du Mans. On peut donc penser que ces deux Fédérés du Bas-Maine ont découvert Le Mans à cette occasion. C’est l’amorce des brassages de populations que la Révolution va entraîner.
103 Disposition marquée d’une forte charge symbolique : le chapitre, que l’on a connu si pointilleux pour faire respecter ses préséances, laisse donc sa place naturelle (les stalles) aux autorités civiles nouvelles.
104 Notation qui confirme au passage que le chanoine faisait relier ses collections des feuilles hebdomadaires (voir au 27 avril 1789, en note).
105 Étrangers : extérieurs à la ville, ce qui indique que certains groupes de Fédérés du département étaient venus accompagnés de musiciens.
106 Sans doute faut-il comprendre : il n’y a rien eu de plus grave que du bruit…
107 Sic, lire fédéral.
108 Le récit que fait Nepveu de la Fédération mancelle corrobore ce que l’on sait par ailleurs, et notamment le sentiment d’unanimisme et d’espoir qui règne. Connaissant l’ironie volontiers grinçante dont le diariste fait preuve envers les innovations en cours, on peut penser que s’il y avait eu la moindre dissonance, il l’aurait signalée, de même qu’il se tient prêt à noter les débordements du « mauvais peuple »… Il semble d’ailleurs surpris qu’il n’y ait pas eu « le moindre trouble » et que tout se soit terminé « tranquillement ».
109 En effet, l’acte de baptême du fils de « Clément-Jacques Vallée, bourgeois du Mans » et de Marie-Rose Aubry indique qu’ils s’étaient « mariés au Grand Goave, paroisse de Saint-François, isle de Saint-Domingue », le 20 mai 1783 (BMS, Le Mans, Crucifix, 27 août 1790). Grand-Goâve, aujourd’hui en Haïti, est situé à une cinquantaine de km au sud de Port-au-Prince.
110 Entendre le frère du père : « vénérable et discret maître François Gabriel Vallée, Curé de la paroisse de Neuvillette, dans ce diocèse, oncle de l’enfant ». La marraine est la grandmère paternelle de l’enfant, « Dame Gabrielle Couriot, femme Vallée ». Les deux premiers enfants du couple étant nés à Saint-Domingue, c’est lors du troisième baptême seulement que les ascendants encore en vie sont honorés.
111 On remarque la définition de la charge exprimée en fonction de la proximité du corps du roi. En effet, approcher le roi est source de prestige et souvent de bienfaits.
112 En 1787, Ouvrard de Linières avait acheté aux enchères, pour 34 230 livres, le domaine de Chatenay, situé à Saint-Saturnin, à 7 km au nord-ouest du Mans. Possédé antérieurement par les négociants en étamine Fréart, il avait été saisi tardivement à la requête d’un de leurs créanciers désireux de se rembourser de leur faillite de 1770 (Ph. Laborie, Approche de deux familles…, op. cit., p. 96). C’est aujourd’hui une maison d’hôtes (http://www.domainedechatenay.com/).
113 Il a fait tout le bien qu’il pouvoit faire à sa femme : il a pris les dispositions nécessaires pour que sa femme ne manque de rien sur un plan matériel.
114 En août 1790, à Nancy, des soldats, dont les Suisses du Régiment de Châteauvieux, sont mutinés à cause du retard dans le paiement des soldes, et ont emprisonné leurs officiers. Le Marquis de Bouillé, commandant de Metz, organise une sévère répression. L’affaire de Nancy suscite des célébrations ambivalentes. Les patriotes parisiens manifestent leur désapprobation face au châtiment décidé par Bouillé, tandis que La Fayette l’approuve et que l’Assemblée vote des félicitations à Bouillé (3 septembre 1790). Puis au Champ-de-Mars les officiers royalistes célèbrent les défenseurs de l’ordre tués à Nancy. Finalement, les mutins survivants seront amnistiés en mars 1792 par l’Assemblée législative et les Suisses encore aux galères triomphalement libérés (Alain-Michel Tornare, Vaudois et Confédérés au service de France, 1789-1798, Cabédita, 1998, 271 pages). Une contredanse célébrera même alors « La Fête de Châteauvieux » (Ensemble orchestral de Marseille, Le Bal des Citoyens, Danses et Contredanses de la Révolution, Fonti Musicali, 581105, 1988).
115 Voir au 1er février 1790, l’élection de M. de Foisy comme nouveau maire, en remplacement de Négrier de La Ferrière, qui avait été installé maire le 13 août 1782. Il s’agit pour ce dernier d’un mariage relativement tardif : il était né en 1755.
116 Porte-guidon : officier ou sous-officier portant le petit drapeau d’une compagnie de gendarmes.
117 En cette fin d’année 1790, le respect des règles relatives au mariage s’assouplit quelque peu. L’Évêque, sans doute soucieux de se concilier des alliés, se montre arrangeant avec cette grande famille et avec le major du régiment qui assure le calme au Mans.
118 Dispense du trois au quatre : il s’agit d’une dérogation autorisant une union normalement interdite, comme c’est le cas ici puisque les mariés sont cousins au 3e degré.
119 L’usage voulait en effet que le marié fasse des cadeaux aux parents et aux frères et sœurs de la mariée. On en trouve un autre exemple dans les Mémoires de Leprince d’Ardenay, p. 73.
120 La troupe de violons du Mans : expression qui laisse entendre une organisation bien structurée, dont rien, pourtant, n’a transparu dans les archives consultées. On peut penser qu’il s’agit d’une troupe rassemblant ménétriers et maîtres à danser (lesquels jouent habituellement du violon), comme ceux qui à Orléans se baptisent les Symphonistes du bal ou encore les musiciens symphonistes associés (S. Granger, Musiciens dans la Ville…, op. cit., p. 45-50).
121 Le château du Bois de Maquilly (ou Maquillé) est distant d’environ 4 km du château de Bellefille, et 3 km si on coupe à travers champs. On comprend que les hommes s’y soient rendus à pied. Voir aux 15 décembre 1783 et 16 juin 1784.
122 Il n’y avoit point d’étrangers : il n’y avait ce soir-là aucun invité extérieur à la famille. Jacques-François Nepveu de Rouillon, major du Régiment de Chartres-Dragons, a délivré aux officiers de son régiment une sorte d’invitation permanente valable le temps de ses noces, et plusieurs font le déplacement depuis Le Mans : 4 officiers le mercredi, 5 autres le jeudi et le vendredi, 10 le dimanche. À n’en pas douter, cet apport de nouveaux cavaliers, élégants et fringants, démultipliait l’intérêt des soirées et l’excitation des bals… Cela avait d’ailleurs été le cas dès l’arrivée du régiment au Mans, en octobre 1788 : « de belle prestance, les dragons bénéficient rapidement d’une grande popularité. Les officiers fréquentent le beau monde et contribuent à y développer une vie brillante de salons et, à peine plus discrète, d’alcôves » (M. Auffret et P. Bois, « La période révolutionnaire », op. cit., p. 203).
123 On peut penser que durant les années ultérieures, le souvenir de cette noce joyeuse et insouciante, dans ce château de la campagne automnale, a dû prendre dans les mémoires les couleurs nostalgiques des derniers chatoiements de la douceur de vivre de l’Ancien Régime (Claude Jamain, La douceur de vivre, D’une esthétique de la grâce au XVIIIe siècle, PUR, 2011, 218 pages). On songe bien sûr au mot de Talleyrand rapporté par Guizot, si souvent cité – et déformé : « Qui n’a pas vécu dans les années voisines de 1789 ne sait pas ce que c’est que le plaisir de vivre… » (François Guizot, Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps, 1858).
124 Sur la pauvreté de cette famille, voir janvier 1785, avril 1786, 11 décembre 1788, 27 avril 1789…
125 Bénéfice simple, ou bénéfice à simple tonsure : qui n’a pas charge d’âmes, qui ne demande pas de résidence, et qui peut être possédé par un clerc tonsuré.
126 Ménard de La Groye porte sur cette élection un jugement tout aussi positif que celui du chanoine Nepveu. Le moins ravi est l’intéressé lui-même, le négociant Leprince, qui était « alors bien tranquille à Ardenay » et qui ne rentre au Mans que deux jours après « en regrettant bien sincèrement le repos et la tranquillité » (Mémoires, p. 207-213).
127 Marçon : voir au 26 février 1788, en note. Adam-François-Bonaventure de Malherbe venait d’être appelé à l’assemblée de la noblesse de Tours (Pesche, Dictionnaire…, t. IV, p. 470).
128 Joseph Varossum des Côteaux avait été reçu procureur au Présidial en 1778 (AD Sarthe : B 978). Il devient officier municipal à l’occasion de cette élection de novembre 1790.
129 Réélu par cabale : réélu grâce à un complot plus ou moins secret. La formule dit clairement la distance qui sépare le chanoine du chirurgien. Elle reviendra plusieurs fois sous la plume du diariste dans les mois et les années qui suivent.
130 Le club des Minimes : de son vrai nom « Société des Amis de la Constitution », ce club fondé dès le 21 mars 1790 par une trentaine de Manceaux, tient ses réunions d’abord dans l’église des Minimes. Celle-ci donne sur la place des Halles, cœur de l’activité commerçante de la ville. Il s’agit d’un des premiers clubs créés dans l’Ouest, et à ce titre il reçoit en avril une lettre de félicitations de Robespierre. Le club compte rapidement 150 membres, et en juin 1791 déplacera ses réunions dans l’église de la Couture, plus spacieuse. Tous sont « citoyens actifs » (c’est-à-dire payant un impôt au moins équivalent à trois journées de salaire) et capables d’acquitter la cotisation d’entrée au club, 24 livres. Il s’agit donc pour l’essentiel de la bourgeoisie mancelle, dont quelques riches négociants (Leprince de Claircigny) et une vingtaine de curés et vicaires, dont François-Yves Besnard (Christine Peyrard, « Les Clubs révolutionnaires sarthois », Cahiers du Collectif républicain de Commémoration, 1988, 56 pages).
131 Poser les seaux : mettre les scellés.
132 Ils : les chanoines de Saint-Pierre.
133 Caguenas : cadenas.
134 Ces derniers : les membres du chapitre Saint-Michel, composé non pas de chanoines sensu stricto mais des membres du bas-chœur.
135 L’Assemblée a voté le 27 novembre 1790 le décret qui impose aux évêques, curés et vicaires un serment d’allégeance à la Constitution. Le serment est alors d’usage courant et ne discrimine donc pas particulièrement le clergé. Cependant, en manifestant la soumission des clercs à une tutelle civile, il peut paraître entrer en contradiction avec leurs engagements religieux antérieurs. C’est pourquoi il va rapidement se trouver au cœur des conflits liés à la Constitution Civile du Clergé.
136 Ces protestations ont effectivement été imprimées en un fascicule de 8 pages : la médiathèque du Mans en conserve deux exemplaires (Maine 4* 321 et Maine F* 422, pièce 41).
137 Cette longue entrée montre le chanoine Nepveu rattrapé par la réalité de l’histoire en train de se dérouler. Il n’avait pas signalé les premières protestations du chapitre cathédral du Mans au début de l’année 1790. Dès le 6 mars, pourtant, les chanoines s’étaient élevés contre le projet de l’assemblée nationale de supprimer tous les chapitres. Il n’avait pas ensuite mentionné le vote de la Constitution Civile du Clergé (12 juillet 1790) Désintérêt ou crainte d’évoquer dans son Journal des sujets fâcheux ? Toujours est-il que le diariste n’en avait dit mot. La pause des scellés dans la Cathédrale, en marquant concrètement l’interruption de l’activité capitulaire, l’oblige à regarder la réalité en face.
138 Cette installation a lieu le 7 décembre. Dans une lettre à son épouse du 10 décembre 1790, Ménard de La Groye salue le travail du nouveau maire : « je suis fort aise, ma chère amie, que l’installation de nouveaux juges en la ville du Mans se soit faite avec beaucoup de pompe et de dignité […] le peuple doit avoir un grand respect pour ses magistrats : il faut qu’il honore en eux son propre choix » (Fl. Mirouse, François Ménard de La Groye…, op. cit., p. 310).
139 Pontvallain : localité située à une trentaine de km au sud du Mans.
140 Cette dernière entrée de 1790, qui ressemble mot pour mot à d’autres rédigées durant les années antérieures, procure un effet d’irréalité comme si, au moment de Noël 1790, les élites mancelles ne tenaient plus aucun compte des réalités nouvelles qui les entourent.
141 Cette précaution introductive à l’année qui commence semblerait indiquer que le diariste destine l’ouvrage à quelque public. À plusieurs reprises, le chanoine préfère ne pas faire état du contexte politique, domaine qui n’entre pas dans son projet d’écriture et qui est réservé, selon lui, à la presse.
142 Le texte de la Constitution Civile du Clergé avait été voté le 12 juillet 1790 et était devenu loi d’État le 24 août suivant. C’est un ensemble de dispositions législatives composé de 89 articles qui ont pour but de réorganiser l’Église. Cette nouvelle organisation porte sur les offices ecclésiastiques ; seuls les offices qui ont charge d’âmes sont conservés, les autres, ceux des chanoines, des chapelains, des archidiacres, sont supprimés. Les circonscriptions territoriales sont redéfinies ; des paroisses disparaissent, d’autres sont créées. L’autorité de l’évêque est limitée, le pouvoir épiscopal devient collectif. C’est dans le système de la nomination que les changements sont les plus importants. L’élection se substitue à la nomination des titulaires ecclésiastiques qui, payés par l’État, doivent prêter serment de loyalisme. Au Mans, c’est le 16 janvier 1791 qui est choisi pour recevoir dans les églises les prestations de serment des ecclésiastiques sous la présidence des délégués des municipalités.
143 Nepveu comme tous les gens d’église à ce moment-là, n’a pas une vision exacte du positionnement des curés face à la Constitution Civile. Les fractures révélées lors du synode de 1788 puis lors de l’assemblée du Clergé en 1789 avaient fragilisé l’esprit de corps, les tensions nouvelles le font voler en éclats. Les prestations de serments pour la Constitution Civile accusent ces divisions. Un nouvel examen des sources nous permet d’affirmer que dans la Sarthe, une courte majorité (51 %) des prêtres en charge de cure en 1790 ont adhéré à la Constitution Civile du Clergé. 19 % se sont positionnés comme réfractaires. Les 30 % qui restent se fondent dans une position floue de serments ambigus : des indécis qui pour la plupart deviendront ensuite des réfractaires (M. Taroni, François-Yves Besnard…, op. cit., p. 187-189).
144 Voir le récit du mariage de Mlle de Charentais au 18 août 1780.
145 Pour la fête traditionnelle de la Saint-Julien, les scellés apposés sur les objets du culte de la cathédrale depuis le 4 décembre précédent ont été provisoirement ôtés (Maurice Giraud, Essai sur l’histoire religieuse de la Sarthe de 1789 à l’an IV, Paris, Jouve et Cie, 1920, 681 pages).
146 Le chanoine prend parti ; il ne signe pas son adhésion à la Constitution civile du clergé. Le ton ici employé par Nepveu est inhabituel. Il est blessant dans les jugements qu’il porte sur les ecclésiastiques favorables au changement apporté par les premières lois révolutionnaires.
147 Le club des Minimes fut au Mans l’animateur de l’esprit révolutionnaire au tout début du moins (voir au 25 novembre 1790, en note). Levasseur, premier président, établit un règlement. À la tête du club se succédèrent ensuite le colonel Valence (25 juin-26 décembre 1790), Philippeaux jusqu’au 31 mars 1791 et Juteau jusqu’au 30 juin.
148 Par cabale : voir au 25 novembre 1790.
149 Enragé : les Enragés sont des révolutionnaires radicaux qui revendiquent l’égalité civique et politique mais aussi sociale, préconisent la taxation des denrées, la réquisition des grains et des taxations sur les riches. On peut les situer à gauche des montagnards. Leurs idées seront développées par Babeuf, dont un des compagnons de route au Mans est Jacques-Rigomer Bazin, rédacteur de La Chronique de la Sarthe.
150 Les couvents constituent un monde fermé, conservateur et immobile, souvent fait d’attente et d’ennui, où la neurasthénie peut miner les jeunes filles.
151 Le grand-père maternel de l’enfant dont le nom manque au diariste est le Marquis de Nieul, chef d’escadre et inspecteur général des troupes de la marine. Basé à Toulon, il avait donné procuration pour ce parrainage le 25 novembre 1790.
152 Un calandre de borgrain : une machine dont on se sert pour passer et lustrer le bougrain, grosse étoffe de chanvre qui sert de doublure aux vêtements de travail.
153 Le Chevallier de Perrochel, Seigneur de Saint-Aubin de Locquenay, près de Fresnay, était un célèbre agronome, membre associé du Bureau d’Agriculture du Mans dès 1761. Il est l’auteur, ainsi que son fils, d’intéressants rapports sur l’agriculture dans leur canton (Arch. Sciences et Arts : XIX, B 11-15).
154 Par cette formulation, le diariste semble établir un lien entre le contexte politique immédiat et le décès du chevalier de Perrochel. Ce lien est bien évidemment impossible à vérifier, mais la phrase peut être lue comme un indice supplémentaire des clivages politiques qui sont en train de diviser la société.
155 Le 13 février 1791, 400 électeurs composent le corps électoral réuni à Saint-Julien pour élire le nouvel évêque. C’est l’abbé Grégoire qui est élu, mais il refuse le siège épiscopal du Mans pour choisir celui de Blois où il a également été élu.
156 L’évêque constitutionnel Prudhomme de La Boussinière est sacré à Paris le 13 mars 1791, en l’église de la Congrégation de l’Oratoire par Mgr Gobel évêque suffragant (voir glossaire) de Bâle et évêque in partibus de Lydda (titulaire théorique d’un diocèse disparu et aux mains des infidèles).
157 L’oncle paternel Jacques-Michel Le Peletier de Feumusson était auparavant conseiller à l’élection.
158 Le diariste avait laissé pressentir ce décès à venir (voir au 29 janvier 1791). Signe de la confusion qui règne alors dans la gestion de l’état civil, le décès est enregistré deux fois le 21 février 1791 : d’abord par Prudhomme de La Boussinière curé du Crucifix, et ensuite par le curé Richard de Saint-Ouen des Fossés.
159 Voir la nuit 21 et 22 mai 1787 : un mariage qui avait soulevé bien des difficultés.
160 La cérémonie a pour cadre la chapelle de l’Oratoire. Celle-ci, édifiée de 1675 à 1683, est aujourd’hui la seule église de cette époque subsistant au Mans. Son intérêt principal réside dans la qualité exceptionnelle de son décor baroque, auquel a pu participer le peintre Jean Boisnard, voisin du collège, qui travaillera plus tard au Louvre et à Versailles. Désaffectée et propriété municipale, la chapelle a été entièrement restaurée au cours des années 2000 et accueille des manifestations culturelles, notamment musicales.
161 Le parrain est Joseph-Philippe Leroyer de Forges, prêtre abbé commendataire de l’abbaye de Valmont (BMS, Le Mans, La Couture, 23 février 1791).
162 Voir au 16 septembre 1777 : le chanoine y détaillait les tenants et les aboutissants du mariage du marquis de Flers avec Mlle de Richemont.
163 Il s’agit d’Alexandrine Bastard de Fontenay (1774-1842), fille du comte Denis Bastard de Fontenay et de Madeleine Richer de Monthéard, qui épouse Marie-Géry Fontaine de Biré. Son portrait trône dans le grand salon du château de Dobert. Divorcée pendant la Révolution, elle releva ensuite seule le domaine de Dobert et y accueillit une partie de sa famille qui revenait d’émigration.
164 Le château de Pescheray, au Breil[-sur-Mérize] est situé à environ 20 km à l’est du Mans.
165 Antoine-Jean Amelot de Chaillou (1732-1795) fut secrétaire d’État à la Maison du Roi du 12 mai 1776 au 18 novembre 1783. Son fils Antoine-Léon-Anne de Chaillou (1760-1824) avait épousé Marie-Madeleine-Françoise Fontaine de Biré en 1784. En écrivant « depuis trois ou quatre ans », Nepveu évalue mal le temps, puisque 7 années se sont écoulées depuis ce mariage.
166 La rue des chanoines, qui s’étirait depuis l’escalier de la Pierre-de-Tucé jusqu’à celui des Pans-de-Gorron, était bordée de maisons canoniales, dont certaines étaient sous-louées à d’autres personnes que des chanoines, comme on le voit ici. La partie sud-ouest de la rue a été bouleversée dans les années 1870, lors de la construction du Tunnel traversant la vieille ville. En revanche, la partie la plus proche de la cathédrale n’a guère changé et donne encore aujourd’hui une belle idée de l’atmosphère d’un quartier canonial, avec de belles maisons pour la plupart protégées de la rue par de hauts murs et un portail de bois plein (voir planche X, fig. n° 19).
167 Voir au 5 juillet 1789 en note.
168 Formulation mystérieuse… qui suggère que les « mauvais sujets » vilipendés par le diariste n’étaient pas seuls à chanter, et que des musiciens reconnus ont participé à la cérémonie. Dans son ensemble en effet, le chœur de la cathédrale devenue constitutionnelle a continué à fonctionner au moins jusqu’au milieu de l’année 1791, toujours sous la direction du maître antérieur, François Marc. Celui-ci quitte Le Mans pour Paris, entre juin et novembre 1791 (S. Granger, « Au service de sainte Cécile… », art. cité, p. 123).
169 AD Sarthe : 108 J 58 et D. Audibert, Épiciers de l’Ouest…, op. cit., p. 313-325.
170 Savigné-sous-Braye : voir au 13 février 1790.
171 Très tôt après son élection, Leprince avait en effet compris que les responsabilités de Maire ne lui conviendraient pas (voir aux 14-15 novembre et 3 décembre 1790, en note). Il évoque dans ses Mémoires (p. 207-213 et 215-219), « l’esprit de vertige et d’insurrection qui commençoit a se manifester », ce qui le conduisit à profiter de la première occasion pour démissionner : « j’etois excedé de peines et de travail et si contrarié qu’il m’eût été impossible de résister plus longtemps ». Il ne cite pas même son successeur.
172 Démis de ses fonctions, Leprince est remplacé par Rémond Rameau. Le 16 avril, accompagné de conseillers municipaux, celui-ci se transporte dans différentes paroisses pour poser des scellés aux portes des sacristies des paroisses dont les curés ont refusé le serment. Il avait fait un procès retentissant au chanoine Savare légataire universel de sa tante, Élisabeth-Rosalie Rameau, veuve de Jean-Jacques-Tobie Brière, et avait obtenu un petit legs (voir aux 9 janvier 1776 et 22 décembre 1784).
173 Sainte-Barbe : propriété de Mme de Nouans (voir la première entrée de 1785, en note).
174 Nepveu avait déjà raconté le même épisode le 17 février précédent, mais en plaçant Grégoire à l’évêché de Blois. On peut voir ici un indice de la nervosité du diariste qui, submergé d’informations nouvelles, ne prend plus aussi volontiers le temps de relire son Journal pour y vérifier ses souvenirs.
175 Il a remercié : il a refusé.
176 Partout en France, l’administration cherche à rationaliser les dépenses du culte, en opérant des regroupements de paroisses, supprimant les plus petites et recherchant une meilleure adéquation entre localisation des églises conservées et territoires desservis. Les 16 paroisses de la ville du Mans sont regroupées en 4 grandes : Saint-Julien, La Couture, Saint-Benoît, Le Pré. Les paroisses mancelles supprimées étaient majoritairement servies par des curés réfractaires.
177 Faire publier à son de trompe : envoyer un crieur public clamer l’information sur la voie publique, les places et les carrefours. Ce crieur public mobilise l’attention des passants à l’aide d’une trompette (ou éventuellement d’un tambour).
178 Il va sans dire que le ci-devant chanoine Nepveu n’assiste pas à ces cérémonies. Par quel canal la description lui en parvient-elle ? Dans quelle mesure ses informations sont-elles fiables ?
179 Mgr Jouffroy-Gonssans publie le 6 février 1791 une ordonnance proclamant intrus les prêtres assermentés. Cette ordonnance fit grand bruit et pour atténuer sa portée, le Directoire départemental ordonne, le 16 avril suivant, de livrer à la justice les prêtres la lisant en chaire. C’est de là que date la véritable scission entre les deux clergés.
180 La paroisse Saint-Vincent fait partie des paroisses supprimées (voir au 11 avril 1791).
181 Planter un mai : planter un jeune arbre devant la porte d’une personne que l’on veut honorer (voir au 7 avril 1777). C’est une façon de souhaiter publiquement la bienvenue aux curés jureurs. En ce mois de mai 1791, une telle plantation est fortement chargée de symboles politiques, et elle déclenche des réactions en chaîne, comme on le voit dans les entrées suivantes.
182 Les dragons avaient conservé une relative discipline, et leur état-major de francs-maçons restait imperméable à la propagande extrémiste (M. Auffret et P. Bois, « La période révolutionnaire », op. cit., p. 211). Le « il y avoit longtemps » du diariste fait notamment allusion à de vifs incidents qui, en février, à la Comédie, avaient opposé des citoyens du parterre aux musiciens du régiment qui refusaient de jouer le Ça Ira. Une pétition de 171 citoyens avait réclamé le départ du régiment. Aussitôt, 292 « citoyens actifs » signaient une contre-pétition demandant au contraire son maintien (Serge Bertin [dir.], « Fêtes et Révolution en Sarthe », Cahiers du Collectif républicain de Commémoration, 1987, 56 pages, p. 26-27).
183 Charles-Henri Desportes de Linières (1712-1791) avait été fermier général de la baronnie de Bonnétable et intéressé dans les affaires de la Compagnie des Indes. Il avait reçu la belle maison de maître d’Amigné à Changé, tout près du Mans, par son mariage en 1742 avec Catherine-Louise-Marie Leprince. Son fils y fera construire en 1792 le château d’Amigné, qui sera démoli peu avant 1914 par M. de Castilla, son dernier propriétaire. Il n’en subsiste aujourd’hui que deux tristes dépendances.
184 Sur le chanoine et les Lumières, voir au 25 juin 1790.
185 Louis Paulmier était curé de Saint-Georges de Ballon depuis septembre 1780. Il prête serment en 1791, puis rend ses lettres de prêtrise et renonce au sacerdoce le 17 mars 1794. Il se marie le 18 août 1794 et devient secrétaire sdu canton de Ballon de l’an II à l’an IV. Il réintègre l’Église au moment du Concordat.
186 Dans la nuit du lundi 20 au mardi 21 juin 1791, Louis XVI parvient à s’enfuir des Tuileries avec sa famille. Il s’est finalement décidé à rejoindre l’armée du marquis de Bouillé, concentrée à Montmédy et à Metz. Parvenu sans encombre à Sainte-Menehould, il y est reconnu par Drouet et arrêté à Varennes (Mona Ozouf, Varennes, la mort de la royauté [21 juin 1791], Gallimard, 2005, 448 pages). Nepveu n’interprète pas Varennes comme une fuite. Il s’en tient au « départ » du roi, première version officielle.
187 Pierre-Laurent Roustel (connu plus tard sous le nom de Marat Roustel) est le premier prêtre abdicataire de la Sarthe. Il deviendra bientôt le commissaire des guerres au Mans et sera arrêté en juin 1793 (Christine Peyrard, Les Jacobins de l’Ouest, PUS, 1996, 408 pages, p. 259).
188 Le Bizot : Montbizot, à 19 km au nord du Mans.
189 Il faut lire le 25 juin.
190 Jusque-là, le clergé tenait les registres paroissiaux. Les lois des 20 et 25 septembre 1792 institueront l’état civil public tenu par les municipalités à partir du 1er janvier 1793. Entre fin 1790 et janvier 1793, la situation est confuse : tandis que le clergé constitutionnel continue légalement à tenir les registres, certaines paroisses sont abandonnées par les curés réfractaires, d’autres attendent la nomination de curés constitutionnels (Gérard Noiriel, « L’identification des citoyens, Naissance de l’état civil républicain », Genèses, 1993, vol. XIII, n° 13, p. 3-28).
191 Le mémorialiste Leprince d’Ardenay évoque pour sa part « un grand champ au milieu duquel on avoit élevé un autel sur lequel M. de la Boussinière evesque constitutionnel de la Sarthe célébra la messe et baptisa le fils d’un bon patriote » (Mémoires, p. 223).
192 Pour la fête de la Fédération, l’administration mancelle n’a pas voulu loger des patriotes enthousiastes chez un prêtre réfractaire.
193 L’enfant ondoyé le 14 est probablement Jean-Julien-Fédéré, fils de Jean Hervé, marchand et de Marie Piquet, baptisé le lendemain par Ledru, curé « intrus » du Pré, sans doute avec satisfaction (BMS, Le Mans, Notre-Dame du Pré, 15 juillet 1791).
194 Pierre-Joseph Rouvain s’illustrera en l’an III comme un des meneurs du club jacobin.
195 Sans doute faut-il ajouter ici « a été nommé curé de Pruillé ».
196 Par cette remarque aux apparences objectives, Nepveu, bien au courant des événements de Pruillé, veut signifier que ce prêtre est critiqué même dans son propre camp, et n’avait pas été jugé digne d’obtenir une cure lors du premier mouvement de nominations après la Constitution civile du clergé.
197 Le curé Guiet entretenait avec le chanoine une vieille complicité. Il était devenu curé de Pruillé en 1759, c’est-à-dire l’année où Nepveu était devenu chanoine. On le rencontre dans le Journal de Nepveu le 26 septembre 1775 pour la bénédiction de la chapelle de la Manouillère, le 20 avril 1777 lors de la visite de l’abbé de Briffe à Pruillé, en avril 1786 à la sépulture de M. Maulny curé de La Couture ou bien encore à l’occasion de la cérémonie de béatification de Gaspard Bono le 4 juillet 1787.
198 Indiscrétion : dans ce contexte, comprendre plutôt imprudence.
199 Paradoxalement, le diariste nous renseigne plus abondamment sur les actions positives du curé intrus que sur ses prétendues sottises.
200 Manteau long : le chanoine Nepveu en mentionnant ce détail veut sans doute évoquer un changement vestimentaire en train de s’opérer (Nicole Pellegrin, Les Vêtements de la Liberté, Abécédaire des pratiques vestimentaires françaises de 1780 à 1800, Aix-en-Provence, Alinéa, 1989, 208 pages).
201 Sans musique : sans accompagnement instrumental des voix des chantres.
202 Loger, dans ce contexte : être soumis au « logement des gens de guerre », obligation faite aux habitants de mettre des lieux habitables à la disposition des soldats en déplacement ou en garnison. En être exempté était un privilège apprécié… qui vient de disparaître, comme le note le diariste. Ce qui rend quelque peu étonnant son jugement positif.
203 Saint-Pavin des Champs : ancienne paroisse mancelle, à dominante rurale (voir en mars 1787, en note).
204 Il s’agit de Mme Desportes de La Fosse, née Louise-Honorine Ribot (belle-fille de Charles-Henri Desportes décédé le 23 mai 1791). Son époux faisait le commerce des étamines. Elle habitait l’hôtel Desportes (ou Belin de Béru) à l’angle nord-est de la place de l’Éperon, face aux bâtiments des boucheries et du grenier à sel. L’ensemble était dominé par l’escalier dit des Boucheries construit en 1693, lorsqu’on perça les murs de l’ancienne cité pour faciliter la communication avec le quartier de La Couture.
205 Le Bourg d’Anguy : voir au 30 août 1784, en note.
206 Dartre : maladie de la peau se caractérisant par la formation de plaques sèches et squameuses.
207 Gébernusson : le Gué Bernisson, ancien lieu-dit situé à proximité de l’abbaye de l’Épau, au sud du Mans, maintenant intégré dans le tissu urbain du Mans.
208 La famille bretonne des seigneurs de Quintin (XIIe siècle) reçut le duché-pairie à la fin du XVIIe siècle et prit le nom de Lorges. La duchesse de Lorges citée par le diariste est Marie Butault de Marsan (1718-1788) épouse de Guy-Louis de Durfort (1714-1775), duc de Quintin, dit de Lorges.
209 Le diariste s’interrompt. Il était sur le point sans doute de raconter comment en octobre 1791 la Ville avait acheté les couvents des Cordeliers et des Jacobins mis en vente comme biens nationaux, pour les raser et consacrer une bonne partie des terrains ainsi dégagés à la constitution de vastes promenades dont l’ingénieur Louis Bruyère fut chargé de dessiner les plans (D. Travier, Les Jacobins…, op. cit., p. 23).
210 La Foresterie : lieu-dit situé à 5 km à l’ouest de la cathédrale du Mans, sur la route de Laval. C’est, aujourd’hui, la pointe extrême de l’extension urbaine mancelle vers l’ouest. Au XVIIIe siècle, on était là, bien sûr, en pleine campagne, sur la paroisse de Saint-Georgesdu-Plain.
211 Le chanoine dit « nous », signe de la mobilisation de toute la famille Nepveu autour de cette grande affaire. On peut penser que c’est le diariste lui-même qui a négocié le prêt de la maison par son confrère ci-devant chanoine à Sillé-le-Guillaume.
212 Les Bois de Maquilly : le château des Amyot [à Souligné-Flacé] est à 15 km de la Foresterie par les chemins, que la saison hivernale rend trop mauvais (voir aux 15 décembre 1783, 16 juin 1784 et 19 octobre 1790).
213 Comprendre : la maison prêtée est trop petite pour y héberger des invités qui viendraient s’ajouter à la jeune accouchée et à ses gens.
214 Le lieu de l’abbé Lalande : l’exploitation agricole, le bordage, qui jouxte la petite maison de maître de l’abbé.
215 Il s’agit de Catherine-Delphine (1791-1846). Voir arbre généalogique n° 2.
216 C’est à ce moment-là que l’on comprend pleinement pourquoi l’évêque constitutionnel était si attentif à la grossesse de Mme de Rouillon. En effet, on peut penser que pour lui, comme pour une partie des nouveaux responsables publics, soumettre au baptême constitutionnel l’enfant d’une personne en vue, noble émigré de surcroît, représentait un fort enjeu de pouvoir symbolique.
217 Lire Lamboust.
218 Victoire-Louise de Lescale, âgée de 22 ans, était l’épouse de Charles-Pierre de Morel, Lieutenant de Vaisseau du Roi. Signe des temps, le curé Duportal se trompe à plusieurs reprises, hésitant à mentionner la particule avant les noms « Lescal » et « Morel » (BMS, Noyen, Saint-Germain, 4 janvier 1792).
219 L’ordre de Saint-Louis avait été réuni en 1791 avec l’institution du mérite militaire sous le nom de « Décoration militaire » pour finalement être supprimé le 15 octobre 1792. Le Boindre en fut donc l’un des derniers récipiendaires.
220 Le grade de guidon ou cornette désignait, dans la cavalerie française d’Ancien Régime, l’officier le moins gradé de chaque compagnie.
221 Il : le roi.
222 Jean-François Erpell, né en 1747 à Coblentz et mort au Mans en 1827 (voir au 7 mars 1779).
223 Commère : voir au 1er novembre 1789, en note.
224 Claude-Jacques Perrier, avocat, avait en effet épousé en premières noces, le 21 novembre 1786, Marie-Charlotte Gousseault qui était morte 10 mois plus tard. Sœur de la défunte, sa nouvelle épouse avait 22 ans de moins que lui. Elle était partie accoucher aux Mortraits, à Chaufour-Notre Dame, à 11 km à l’ouest du Mans sur la route de Laval. C’était une belle maison de maître à étage, prolongée d’une aile dotée d’un toit à la Mansart et richement décorée de boiseries. Comme on l’a déjà vu au 25 décembre 1791, accoucher à la campagne était une stratégie pour échapper au curé jureur de la paroisse urbaine.
225 À sa terre, paroisse de Saint-Saturnin : Chatenay (voir au début de septembre 1790, en note).
226 Les lois des 20 et 25 septembre 1792 feront bientôt passer officiellement l’enregistrement des actes à la mairie où se tient désormais l’état civil public. L’évêque Prudhomme ordonne au clergé de continuer à tenir les registres de catholicité mais ceux-ci révèlent peu d’activité (voir à la fin de juin 1791, en note).
227 Intéressant exemple de reconversion rapide : cet employé de bureau a changé radicalement d’employeur, mais probablement pas fondamentalement d’activité.
228 Le diariste distingue soigneusement le mariage religieux de la démarche à la mairie, laquelle n’est encore qu’une simple déclaration, qui intervient après la cérémonie religieuse, ordre qui sera ensuite inversé.
229 Il s’agit des îles anglaises de Jersey et Guernesey, lieu d’émigration proche des côtes françaises.
230 M. de Saint-Cosme meurt à Jersey un an plus tard, au mois de janvier 1793.
231 Augustin Paquinot avait été curé de Terrehault de 1751 à 1778.
232 On ne les appelle jamais pour les administrer : les curés jureurs ne sont jamais appelés au chevet des aristocrates agonisants pour leur administrer l’extrême-onction.
233 Le manoir et la terre de La Roche de Vaux ne sont pas situés à Pontvallain mais à Requeil (27 km au sud du Mans en direction du Lude).
234 En février 1792, les églises vendues comme biens nationaux étaient promises à la démolition. Les opérations commencent par l’église des Cordeliers, puis celles de Saint-Nicolas, Saint-Pavin de la Cité, Saint-Jean de la Chevrie, les Minimes. Tout ce que les entrepreneurs ne peuvent exploiter est mis en vente chez les fripiers : chaires à prêcher, autels, chapiteaux, colonnes bas-reliefs, tableaux, chapes, chasubles, devants d’autels, bannières, statues…
235 Voir au 7 mars 1779.
236 François-Xavier Yvon, originaire de Normandie était curé de Saint-Biez-en-Belin depuis 1768. Il refuse le serment et est emprisonné à la Mission en 1792. Il le sera aux Ursulines en 1796, puis en août 1797.
237 Courcemont, à 25 km au nord-est du Mans, est donc à plus de cinq heures de marche. Il a fallu mobiliser 400 hommes, pendant deux jours, pour ramener en ville quelque cinq cents litres de blé…, si l’on estime le boisseau à sa capacité au Mans, soit 20 litres (Pierre Charbonnier et Abel Poitrineau, Les Anciennes Mesures locales du Centre-Ouest d’après les tables de conversion, PUBP, 2001, 255 pages, p. 159).
238 Le Tertre est situé à Montbizot, à 16 km au Nord-Est du Mans.
239 À Saint-Domingue, l’année 1791 avait vu le soulèvement des esclaves et le massacre de 1 000 blancs, car les colons tentaient de faire reculer militairement la Révolution Française. En 1792, les Espagnols envahissent la colonie, rejoints par les esclaves insurgés et Toussaint Louverture. D’autres familles du Maine installées dans l’île vont tout perdre, tels les Pihéry de La Grifferie, à Luché, M. de Broc, des Perrais et les Vanssay, des Rouaudières (Charles Girault, La noblesse émigrée et ses pertes foncières dans la Sarthe, Laval, Goupil, 1957, 435 pages, p. 205-206).
240 Par un décret du 8 mars 1792, le Directoire de la Sarthe oblige les prêtres réfractaires de moins de 60 ans à se retirer au séminaire de la Mission. Ce décret anticipe les décisions de l’Assemblée Nationale. L’arrêté du 31 juillet suivant étend cette obligation à tous les réfractaires ; quelques 300 prêtres sont alors internés.
241 Le chanoine se fait tailler des vêtements civils pour dissimuler aux premiers regards son état clérical ; la redingote à la lévite possède trois collets en gradins, des revers séparés du collet fixés par des boutons.
242 Tant en ville qu’en campaigne : Nepveu semble se sentir menacé autant à la Manouillère qu’au Mans.
243 Le curé intrus de l’église Saint-Benoît est Louis Théreau, docteur en théologie. Se faire enterrer par un « intrus » n’est pas un problème pour cette famille, identifiée comme « démocrate » et membre de la Société des Amis de la Constitution.
244 Le commerce des cires et bougies, si florissant jusqu’alors, amorce un déclin inéluctable. La fermeture des marchés internationaux, la fuite des aristocrates et la désertion des églises par les fidèles expliquent principalement la ruine des ciriers manceaux (B. Hubert, « Le Mans, capitale de la cire… », art. cité).
245 La Société du Jardin Saint-Vincent est considérée comme un club aristocratique (voir aux 13 janvier 1786 et 26 mai 1788). La société du bourg d’Anguy, créée en 1787, a un recrutement essentiellement bourgeois. Destinées à la lecture et aux jeux de société, ces deux sociétés sont pointées par les sans-culottes comme des repaires de la contre-révolution. Elles sont vandalisées et pillées.
246 Il s’agit de la loge du Moria installée dans la maison no 1 648 louée par le notaire Bouvet, ruelle Saint-Benoît (André Bouton, Les Francs-Maçons manceaux et la Révolution Française, Le Mans, 1958, 352 pages, p. 79).
247 Pour ce premier voyage parisien, « il y a trois ans » : voir au 15 avril 1789.
248 Parti du Mans le 28 mars, le diariste a cessé toute notation pendant deux mois. Lorsqu’il reprend son Journal, on remarque que les premiers événements rapportés soit ne sont pas datés, soit le sont de manière floue (« à la fin du mois de may »), et accompagnés de formules de prudence (« je crois », « sans doute »). On peut donc penser que ces entrées procèdent d’un mécanisme de rattrapage a posteriori, comme celui observé trois ans plus tôt (voir au 18 avril 1789, en note). Quand Nepveu est-il revenu au Mans ? Il est difficile de le préciser. La première date exacte suivante figurant dans le Journal est le 1er juillet.
249 Calais-Pierre-Denis-Julien de Vanssay, seigneur de Coudereau à Brette, mourut à Malmédy (sud-est de la Wallonie à 200 km environ de Coblence) en mai 1792. Inscrit comme émigré sous le no 410, il ne sera rayé des listes que le 30 décembre 1802 (Ch. Girault, La noblesse émigrée…, op. cit., p. 251).
250 L’intrus de la Couture est Antoine Maguin. Il occupera les fonctions de président de l’administration départementale de la Sarthe sous le Directoire, avant d’être assassiné en novembre 1797 au carrefour de la Sirène.
251 Ordonner l’enterrement : organiser la cérémonie.
252 La Prée des Planches : vaste prairie longeant la Sarthe rive droite, à cheval sur les paroisses de Saint-Gilles et de Saint-Georges-du-Plain. Avant la Révolution, elle appartenait aux Jacobins. C’est sur la prée des Planches, coupée en deux par le chemin de fer, qu’à la fin du xixe siècle s’installeront l’usine à gaz et la manufacture des tabacs (V. Boitard, Les Rues du Mans…, op. cit., t. II, p. 270-271).
253 Chènevière : terrain planté de chènevis, ou graines de chanvre. La chènevière est de préférence située à proximité de la maison, pour pouvoir être abondamment fumée et attentivement surveillée.
254 On peut penser que si le diariste n’a évidemment pas assisté en personne à la procession de l’évêque constitutionnel, pour autant il n’est plus absent du Mans à cette période-là. Sa description de l’inondation et de ses conséquences est assez précise pour ne pas lui être parvenue par ouï-dire à Paris.
255 Cette fête de la Fédération, qui présente les apparences d’un culte mais sans référence à Dieu, est célébrée dans une prairie entre Le Mans et Pontlieue. Le mémorialiste Leprince d’Ardenay raconte : « toutes les autorités constituées etoient rangés autour d’une estrade sur laquelle on avoit deposé les bannieres de la liberté, les Bustes ou pretendus portraits des soi disant grands hommes du temps et l’espece d’arche dans laquelle etoit la Constitution de 1791 superbement reliée et quon presenta a l’administration et aux respects de tous les assistans qui furent obligés de prester serment de fidelité a cette nouvelle loi dont le livre qui la contenoit etoit entouré de cassolettes pleines d’encens » (Mémoires, p. 223).
256 La Suze : petite ville située à 20 km au sud-ouest du Mans. On peut penser que c’est son hôte d’un soir qui a raconté à Nepveu le contenu précis de la journée.
257 Cette année-là, la fête de la Fédération de Paris, s’est déroulée presque en catimini. Au moment où il écrit, le chanoine Nepveu n’a pas encore d’échos de cette terne cérémonie. Son inquiétude tient certainement aux nouvelles antérieurement reçues : face à l’entrée en guerre des Prussiens, l’Assemblée a proclamé « la patrie en danger » le 11 juillet.
258 Penser très bien, pour le diariste, signifie évidemment ne pas être favorable aux changements en cours. C’est le moment où se développe la formulation « bien pensant ».
259 Épeu : déformation du mot épée.
260 Tout ce récit a été écrit d’une traite, semble-t-il, donc forcément a posteriori, mais il est difficile de dire combien de temps après.
261 Le 10 août 1792, sans-culottes parisiens et fédérés venus des départements, notamment Brestois et Marseillais, attaquent les Tuileries défendues par les gardes suisses. Le combat, violent (un millier de victimes) est victorieux pour les assaillants. Cela contraint la Législative, moins d’un an après son élection, à suspendre les pouvoirs du roi et à annoncer la convocation prochaine d’une nouvelle Assemblée, appelée Convention nationale et élue au suffrage universel masculin (Michel Biard, Philippe Bourdin, Silvia Marzagalli, Révolution, Consulat, Empire, Belin, Histoire de France, J. Cornette [dir.], 2009, 715 pages, p. 93). Le chiffre de 6 000 tués avancé par Nepveu est exagéré ; 600 gardes Suisses ont été tués. Erreur de transcription ? Mauvaise information ? Propagande contre-révolutionnaire ?
262 Gouttière désigne par extension et familièrement le toit ou la soupente du toit. Dans ce sens, on le met ordinairement au pluriel (Dictionnaire de l’Académie française). Le mot est utilisé aussi pour des objets de forme semi-cylindrique, pour un cagibi ou un réduit.
263 Les autorités expédient vers l’Espagne via Angers et Nantes, 76 prêtres à pied, et 74 plus âgés en chars à bancs.
264 Nepveu confond les dates ou bien n’est, tout simplement, pas très précisément au courant, car les événements se colportent oralement, le chanoine est à ce moment-là caché et n’écrit sans doute pas à mesure. Anne Fillon a justement commenté la variabilité des dates qui fluctuent selon les sources : plusieurs mémorialistes mentionnent un départ du Mans le 28 août. Les prêtres prisonniers sont en réalité le 27 août au soir à Cérans où se déroule un scénario inédit (A. Fillon, « août 1792, Prêtres sarthois sur le chemin de l’exil, 13 minutes insolites à l’étude de Cérans et un problème de dates », Fruits d’écritoire…, op. cit., p. 333-367).
265 Le chirurgien fléchois Boucher décrit l’arrivée de ce cortège à La Flèche : « marchant deux à deux dans le silence, au milieu du grand chemin, entre deux haies de garde nationale, couverts de sueurs et de poussière, la chaleur de la saison était extrême » (Charles Boucher, Mémoires publiés par A. de Dieuleveult sous le titre Un Fléchois dans la Révolution 1789-1805, 2002, 246 pages, p. 95).
266 On sent le diariste plus concerné par ce sujet qu’il ne l’est en général par l’actualité politique. La longue marche des « taxateurs » a surgi de la forêt de Bercé, à l’automne 1792. Les 400 ouvriers de la forge de Vibraye, de la verrerie du Plessis-Dorin, les forestiers de Vibraye et de Montmirail se répandent sur les marchés et imposent la taxe des grains. De cet épicentre, des bandes se répandent dans toutes les directions. Dans la nuit du 24 au 25 novembre 1792 le tocsin sonne dans les campagnes. Le 26 à 7 heures du matin le rassemblement s’est opéré à Saint-Cosme-en-Vairais puis 2 heures plus tard à Mamers. Les troupes entrent en action et les 600 insurgés, ne pouvant résister, déposent leurs armes (214 fusils, crocs, faux sabres, piques et bâtons). Un autre groupe, parti de Ballon, atteint Le Mans le 23 novembre. Son arrivée donne lieu à des réjouissances collectives dans les bas quartiers. Ayant obtenu l’appui d’une partie de la garde nationale, les taxateurs menacent et injurient les autorités municipales jusqu’à ce qu’elles signent la taxe (Paul Bois, Paysans de l’Ouest, Paris, Flammarion, 1971, 384 pages, p. 215-220).
267 Parmi tous ses titres, César-Gabriel de Choiseul, duc de Praslin (1712-1785), était aussi baron de La Flèche et de Sainte-Suzanne.
268 Le curé de Cherré, Michel Lecornu, a d’abord prêté le serment à la Constitution civile du clergé puis se rétracte. Il sera arrêté l’année suivante.
269 Le curé remplit les formalités administratives normalement dévolues à l’officier d’état civil qui semble ne pas avoir encore été nommé.
270 Dirigé par la garde nationale mancelle, le mouvement des taxateurs s’oriente vers l’ouest. Le 26 novembre, il touche Sablé, le 27, La Flèche mais échoue chaque fois devant des renforts venus du Maine-et-Loire. Il tente un nouvel assaut vers Sablé le 28, le manque et cela lui coûte 200 prisonniers. Le mouvement s’essouffle, il se brise en décembre et la taxation ne lui survit pas.
271 À l’hôtel de Sceaux, dit parfois Rouxelin d’Arcy : voir au 20 mai 1784 (en note).
272 Sur la défunte : voir au 22 août 1777.
273 La Vove, dont Pousset a pris le nom, est une terre située à Rouillon, à environ 5 km de la Manouillère.
274 Les petits-fossés, ou rue des Petits-Fossés : courte voie qui prolongeait la rue des Grands-Fossés-Saint-Pierre le long de la collégiale jusqu’au Pont-Neuf (V. Boitard, Les Rues du Mans…, op. cit., t. II, p. 94).
275 La défunte est Françoise-Marie-Renée de Renusson d’Hauteville. Elle avait épousé Jacques-Charles-Ambroise Bouteiller de Châteaufort en 1743. Les Bouteiller, d’abord marchands-chaudronniers, s’étaient élevés en devenant maîtres de forges, puis en occupant des charges d’avocat, de conseiller au présidial, de bailli de Touvoie, et avaient été anoblis au XVIIIe siècle. Un petit fils de Mme de Châteaufort, Henri-Louis-Charles, dernier représentant de cette famille, deviendra maire du Mans de 1816 à 1830.
276 Être administré par un bon prêtre : recevoir le sacrement de l’extrême-onction d’un prêtre réfractaire.
277 Malgré la concision dont fait preuve le diariste à son égard, Charles Monnoyer (1720-1793) mérite quelques mots de biographie. Fils d’un imprimeur de Joinville-en-Champagne, il avait appris le métier avec son père, puis avec d’autres maîtres à Paris et à Alençon. Mais l’arrêt royal de 1739 fixant le nombre des imprimeries dans le royaume avait supprimé celle de Joinville. Son ancien maître d’Alençon possédant aussi un des deux établissements autorisés au Mans, Charles Monnoyer avait négocié avec sa veuve pour qu’elle démissionne en sa faveur. Le 6 avril 1751, il était devenu officiellement imprimeur du roi en la ville du Mans. L’année suivante, il avait épousé la fille d’un important libraire de la ville, Jean-François Le Barbier. Charles Monnoyer s’était ensuite illustré notamment par la publication annuelle de l’Almanach du Maine, puis par la création du premier organe de presse locale, Les Affiches du Mans (voir au 4 février 1771). Il dirige l’entreprise jusqu’en 1789, date à laquelle il la confie à son fils Charles (1758-1811), l’enragé démocrate évoqué par la plume de Nepveu (AD Sarthe : 111 AC 523 ; Méd. Le Mans : ms B 765 et fonds Cordonnier-Détrie : Les libraires dans le Maine).
278 Les dix représentants sarthois reconnaissent la culpabilité de Louis XVI ; huit d’entre eux votent la mort : Joseph-Étienne Richard, René-François Primaudière, Pierre Philippeaux, Laurent-Martial Boutroue, René Levasseur, Louis-Joseph Froger-Plisson, Emmanuel-Joseph Sieyès, Emmanuel-Pierre Le Tourneur. Les deux autres, Gabriel-René Salmon et Jacques Chevalier, choisissent le sursis et la détention.
279 Plusieurs lignes de cette entrée ont été soigneusement grattées par le diariste, sans doute à cause du danger qui menaçait.
280 Le bruit de sa mort avait déjà couru au Mans un an plus tôt (voir « dans le courant de février 1792 »).
281 Peut-on lire ici une discrète critique de la part du diariste envers la panique qui a présidé à bien des décisions d’émigration, lui qui a fait le choix de rester sur place en se cachant ?
282 Il s’agit de la famille Lau d’Allemans, seigneur de Bourg-Chemin à René dans le Saosnois.
283 Où l’on constate que le diariste, malgré les dangers qui l’environnent et la prégnance des affaires politiques, n’a pas perdu tout intérêt envers l’actualité matrimoniale de la contrée, au point de s’étonner de certains mariages, et même de persifler…
284 Michel Jupin avait été nommé chanoine et Grand-Pénitencier en 1789. Il décida de rester dans le diocèse et de poursuivre son ministère. Après quelques jours de détention, il fut conduit à Nantes, attaché à la queue d’un cheval. Il périt dans les noyades de Carrier avec son confrère Huet (Arch. diocèse Le Mans : dossier abbé Lochet).
285 Outre l’assassinat de Lepeltier de Saint-Fargeau, le Café de Foy, situé rue Richelieu le long du jardin du Palais-Royal, est célèbre pour un autre fait historique : c’est de là que le 13 juillet 1789, Camille Desmoulins avait appelé aux armes les bourgeois de Paris, leur distribuant des feuilles vertes en signe de ralliement. Il donnait ainsi le signal de l’insurrection qui s’acheva le lendemain par la prise de la Bastille.
286 Louis-Michel Lepeltier de Saint-Fargeau (1760-1793) président de l’Assemblée sous la Constituante, avait renié sa noblesse et ne signait plus que « Lepeltier ». Le soir du vote de la mort du roi, Philippe-Nicolas de Pâris, cachant un sabre sous sa houppelande, se présenta devant lui et lui dit, selon les témoignages : « C’est toi, scélérat de Lepeltier, qui as voté la mort du roi ? », ce à quoi il aurait répondu : « J’ai voté selon ma conscience ; et que t’importe ? » Pâris lui enfonça alors sa lame dans le côté en lançant : « Tiens, voilà pour ta récompense », avant de s’enfuir. Transporté chez son frère place Vendôme, Lepeltier y expire le 21 janvier 1793 vers une heure et demie du matin, quelques heures avant Louis XVI. On voit que le récit de Nepveu suit de très près la version officielle des faits, qui avait abondamment circulé. Seule sa conclusion diffère… L’académicien Jean d’Ormesson compte ce « martyre de la Révolution » parmi ses ascendants, il évoque cette parenté dans son ouvrage Qu’ai-je donc fait ? (Gallimard, 2008, p. 154).
287 Voir le Journal de Nepveu au 15 avril 1789.
288 Le mois de mars 1793 voit la situation militaire sur les frontières devenir catastrophique (défaite de Neerwinden le 16) et l’insurrection vendéenne démarrer. La création du Comité de Salut public est ratifiée par la Convention le 25 mars. On met l’accent sur la chasse aux traîtres et aux comploteurs. « Soyons terribles pour dispenser le peuple de l’être » proclame Danton qui pense qu’une répression légalisée réduit les risques de répression « spontanée » comme lors des massacres de septembre 1792. À partir du 21 mars, les comités révolutionnaires des grandes villes mettent en place une redoutable force de coercition qui conduit à arrêter n’importe quel suspect. Les vengeances personnelles et politiques se multiplient.
289 On peut ici regretter que le diariste n’ait pas pris le risque, ou le temps, de raconter plus longuement sa détention. La dernière phrase permet cependant de comprendre son soulagement, qui devait être d’autant plus marqué que peu avant sa libération, un prêtre, le curé Bodereau, avait été guillotiné au Mans pour avoir soustrait à la nationalisation des objets précieux du culte (M. Auffret et P. Bois, « La période révolutionnaire », op. cit., p. 212).
290 Nepveu tente de renouer avec ses habitudes antérieures, ainsi que le révèlent ces dérisoires entrées sur les mariages locaux. Il note après coup les événements et commet quelques inexactitudes. Mme des Caux des Londes (et non des Landes) n’est pas morte courant juillet mais le 15 juin. Il a passé plus de deux mois en prison, son monde alentour s’écroule, il s’accroche à son Journal désespérément, seul élément qui rappelle le cours normal des choses.
291 Jeanne-Marie-Renée Livré avait épousé M. Bayard de La Vingtrie, lieutenant général, subdélégué de l’Intendant et lieutenant criminel de Bellême (voir au 2 avril 1788). La Vingtrie, brouillé avec des gens influents du lieu, avait été, à la faveur des premiers troubles de la Révolution, traité d’accapareur de grains, et de concussionnaire massacreur (voir au 13 mars 1790, en note). À partir de mars 1793, l’affaire connait de multiples rebondissements. M. de La Vingtrie est balloté des geôles mancelles aux tribunaux révolutionnaires parisiens (AD 72 : L 30, 14 avril 1793, et Paul Delaunay « Les apothicaires du Haut-Maine et du Maine Angevin », Revue d’histoire de la pharmacie, no 109, 1940. p. 246-272).
292 Voir au 26 février 1788, et en novembre 1790.
293 Charles-Jean-Baptiste Thouvrey, né en Franche-Comté, oratorien, avait d’abord été professeur au collège séminaire du Mans, puis curé de Saint-Ouen-des-Fossés en 1759 et de Saint-Vincent à partir de 1769.
294 Les Affiches du Mans du lundi 19 août 1793.
295 Champion de La Livaudière avait été gentilhomme chez la Reine. Le diariste connaît certainement très bien cette famille : le château de la Livaudière est distant de 6 km seulement de la Manouillère.
296 Bréda : soirée de jeu. Mme de La Livaudière tenait donc salon le vendredi, jour du breda (Trésor du parler cénoman, op. cit., p. 85).
297 Les incarcérations sont la conséquence directe de la loi sur les suspects du 17 septembre 1793. Face à l’afflux de prisonniers, les autorités les répartissent dans l’ancien couvent des Ursulines, dans les prisons de l’Évêché et du Palais de justice ainsi qu’à la Mission et à la Visitation. Par ses dimensions, cet ensemble conventuel suscitera plusieurs projets concurrents : hôpital, manufacture, tribunal, prison centrale. Le tableau « La prison du Mans en 1793 », peint au début du XIXe siècle par Tom Drake, interprète de manière romantique l’atmosphère de l’épisode historique vécu par Nepveu (reproduction dans André Lévy, « Les Batailles du Mans, le drame vendéen », Bordessoules, Saint-Jean d’Angely, 1993, 87 pages, p. 73).
298 Comprendre : depuis la dernière entrée de mon Journal.
299 On peut supposer que sans cela, le diariste aurait à nouveau choisi la fuite.
300 À une date qui reste à préciser, Jean-Mathias Caduff ou Cadouff était devenu suisse de la cathédrale du Mans (voir au 9 février 1772, en note). En 1787, Cadouff bel et bien installé au Mans, y épouse la fille d’un charpentier. Lui même était né 42 ans plus tôt dans la république des Grisons. Il avait été soldat et était à ce titre pensionnaire du roi de France (AD Sarthe : 4E 45/306, Étude Bigot, 17 juin 1787, contrat de mariage). Le 20 octobre 1798, soit cinq ans après l’épisode ici raconté par Nepveu, le décès du Suisse est enregistré au Mans, section Égalité. Il est alors dit « concierge de l’Hospice de la Visitation ».
301 Leprince d’Ardenay évoque les déboires de sa sœur, Mme du Ranché : « Tous ses biens furent sequestrés ; la vente de ses meubles publiée a 3 differentes époques n’eut cependant pas lieu. Il ne fut vendu que deux objets de la fortune de son mary, mais le sequestre sur le reste et le discredit des assignats la mirent dans la plus grande detresse. Pour comble de malheur elle fut enfermée avec ses filles a la Visitation » (Mémoires, p. 221-222).
302 Si les différents récits des témoins de la bataille s’accordent pour décrire l’ampleur du massacre, les estimations du nombre de tués divergent. Ce débat parfois passionnel agite encore les historiens. Pour certains, 2 500 personnes au moins sont enterrées sous la place des Jacobins, près de l’Hôtel-Dieu, et à Pontlieue (A. Lévy, Les batailles du Mans… op. cit., p. 76-79). Pour d’autres, 10 000 personnes au moins ont été tuées dans les combats et la répression au Mans (Jean-Clément Martin, Blancs et Bleus dans la Vendée déchirée, Gallimard, 1986, 192 pages, p. 97). En 2009-2010, lors d’aménagements urbains, 9 charniers contenant les corps d’environ 200 victimes ont été découverts près de la cathédrale (Pierre Chevet, « Les fouilles archéologiques au Mans : trouvailles imprévues », Maine découvertes no 67, octobre 2011, p. 3-10).
303 Ceux qui étaient en place : les autorités révolutionnaires. À l’arrivée des Vendéens, le commissaire en mission, Garnier de Saintes avait fait évacuer vers Bonnétable et Bellême une partie des registres mais aussi le personnel des administrations publiques, les autorités et les prisonniers.
304 Arrivé à Bonnétable, le convoi compte seulement 11 détenus et 5 prêtres. Dans cette période de grande agitation, 64 détenus ont disparu de la compatibilité du chanoine ; les femmes ont été libérées dès le matin, des hommes se sont échappés en chemin et enfin les prisonniers âgés et malades n’ont pas pris la route.
305 Les Carmélites de Chartres étaient prisonnières dans leur propre maison, pêle-mêle avec la foule des suspects.
306 Au moment où le diariste sort de prison, les Girondins viennent d’être éliminés. Ainsi s’achève pour René-Pierre Nepveu une seconde détention de 7 mois.
307 Étant donné le contexte, on s’interroge sur la nature de ces affaires. On apprend peu après qu’il a, durant la période postérieure à sa libération, vendu sa maison de la place des Halles (voir au 19 février 1795).
308 François-André Guyonneau avait été lieutenant au régiment de La Fère puis officier de la maison de la reine. Il avait épousé en juin 1767 Anne-Gabrielle Hérisson de La Roche.
309 Dans ses Mémoires (p. 226) Leprince d’Ardenay relate cette « avanie incroiable faite a plusieurs femmes honeste qu’on traina honteusement sur la place des halles où elles furent tondues et fustigées publiquement, notamment Mlle de La Martinière connue par son zele pour les pauvres et les malades, et Mde Deviliers [Hérisson de Villiers], femme d’un conseiller du presidial laquelle mourut peu de temps après des suites de l’impression douloureuse de ce cruel et barbare traitement ».
310 Son acte de décès donne quelques précisions sur la défunte, qui est dite « cuisinière chez le citoyen Nepveu demeurant section de l’Égalité, âgée de trente ans ». Son décès, survenu le 10 pluviôse [29 janvier] à 10 heures du soir, est déclaré le surlendemain par un « cavalier national » demeurant au Mans, et par un jardinier de Pruillé-le-Chétif, tous deux âgés de 28 ans, et tous deux amis de la défunte. Le second se nomme Pierre Blin et sait signer son nom. Peut-être est-il le jardinier de la Manouillère ? On peut imaginer une certaine solidarité au sein du personnel du maître prisonnier… (état civil, Le Mans, section Égalité, 12 pluviôse an II [31 janvier 1794]). Marie[-Madeleine] Choplin était la fille d’un laboureur, qui semble lié aux micro-élites villageoises puisque le parrain de sa fille était maréchal, et la marraine fille d’un maître chirurgien (BMS, Saint-Georges-du-Bois, 18 août 1764). Or Saint-Georges est le village le plus proche de Pruillé-le-Chétif : c’est donc par cet effet de voisinage sans doute, renforcé de ses relations familiales, qu’elle était entrée au service du chanoine.
311 La dysenterie, le typhus et les fièvres ravageaient les soldats des armées vendéennes.
312 L’acte de décès de François Mulot apporte moins de précision que celui de la cuisinière : ni son lieu de naissance, ni son âge, ni son métier, ni son lien avec Nepveu ne sont indiqués. Le décès, survenu le 17 pluviôse rue de la Verrerie, est déclaré par un cuisinier de trente ans, Marin Pavé, beau-frère du défunt, et par un ami menuisier (état civil, Le Mans, section Unité, 18 pluviôse an II [6 février 1794]).
313 On sait que Nepveu est resté en prison à Chartres jusqu’au 28 avril 1794 (voir le long récit qu’il a rédigé à ce sujet a posteriori, et qu’il a placé sur la fin de son année 1793). Tous les faits notés dans son Journal pour le début de cette année 1794 ont donc été inscrits eux aussi après coup, ce qui explique le flou des datations. On remarque qu’il fait l’effort de noter des événements concernant la société mancelle, des décès exclusivement en l’occurrence, comme en une tentative désespérée de tenir sa « base de données » à jour. Mais il fait une totale impasse sur le contexte politique, lequel a pourtant été localement agité.
L’année 1794 est marquée, au Mans, par la rivalité entre les deux principaux chefs des patriotes manceaux, Levasseur et Philippeaux, tous deux députés à la Convention. À la suite de la dénonciation hardie par Philippeaux, de l’impéritie et de la corruption de certains généraux sans-culottes, Levasseur manœuvre habilement le représentant en mission dans la Sarthe, Garnier de Saintes, qui en mars 1794 fait arrêter et transférer à Paris Philippeaux et ses amis. Philippeaux est guillotiné en avril. Dans le même temps, une guérilla chouanne, diffuse et insaisissable, règne dans les campagnes du Maine (M. Auffret et P. Bois, « La période révolutionnaire », op. cit., p. 217).
314 Pierre-François Lambert est mort le 15 octobre 1794. Nepveu a repris ses habitudes de notation en temps réel et n’est plus dans le rattrapage a posteriori du récit des événements.
315 M. d’Espaignes de Vennevelle ne verra donc pas ses biens mis en vente quelques mois plus tard en novembre 1795. Situés à Avezé, Chantenay, Luché, au Lude et au Mans (hôtel rue de Couthardy) ces biens atteindront la somme de 101 895 livres, soit la seconde vente la plus importante du département, après celle des Tessé (Ch. Girault, La Noblesse émigrée…, op. cit., p. 278).
316 Ce logement, loué depuis la Toussaint 1794, n’est donc utilisé pour la première fois par Nepveu qu’en février 1795 : il a sans doute passé l’hiver à la Manouillère.
317 Nepveu déménage du centre économique de la ville aux marges de l’ancienne ville, rue Saint-Vincent [l’hôtel de Blanchardon est situé actuellement n° 34 de la rue Lionel-Royer]. Il est certain qu’une maison située place des Halles était bien mieux adaptée à un commerçant qu’à un chanoine en quête de tranquillité et de discrétion. Voir l’avis de vente dans Les Affiches du Mans, 22 prairial an III [10 juin 1795]. L’acheteur, Julien Valin, négociant en gros en épicerie, meurt 4 ans plus tard (voir au 30 juillet 1799).
318 Il s’agit de la famille Le Proust des Ageux.
319 En 1789, il ne manquait que quelques mois à Jean-Étienne Rivault pour que sa charge achetée en 1770 n’anoblisse sa famille (Linière, Armorial, t. II, p. 606-607). L’assertion du diariste l’indique, il continue à penser comme si rien n’avait changé.
320 Le divorce a été instauré par la Convention le 20 septembre 1792. Très libérale, la nouvelle loi fait du divorce un acte simple, théoriquement gratuit et accessible à tous. Il peut être demandé par consentement mutuel, ou par un des conjoints invoquant soit une incompatibilité d’humeur, soit un autre motif, et les motifs recevables sont strictement les mêmes pour les deux sexes (Dominique Godineau, Les Femmes dans la société française, XVIe-XVIIIe siècles, Armand-Colin, 2003, 254 pages, p. 221). La loi a un fort impact sur la population durant les premières années : il s’agit de résorber les difficultés conjugales antérieures accumulées. Mais dès 1795 la procédure devient plus longue et plus difficile (Agnès Walch, Histoire du couple en France, de la Renaissance à nos jours, Rennes, éd. Ouest-France, 2003, 222 pages, p. 151). Sur le territoire de l’arrondissement du Mans, durant les 24 années d’application de la loi, 95 divorces en tout et pour tout ont été prononcés, soit moins de 4 par an, et 53 sur 95 datent des deux années 1794 et 1795 (Joseph Guilleux, « L’Application de la première loi sur le divorce dans la ville du Mans », SASAS, 2002, p. 55 à 82). Supprimé en 1816, le divorce ne sera rétabli qu’en 1884, le consentement mutuel en 1975 et l’incompatibilité d’humeur… au XXIe siècle !
321 Ce faisant, Rivault fils n’est pas tout à fait représentatif des divorces des années 1792-1795 qui, pour plus des deux-tiers sont demandés par les femmes (D. Godineau, Les Femmes dans la société française…, op. cit., p. 222). On observe la même proportion au Mans : dans 68 divorces sur 95, l’initiative de la demande revient à la femme (J. Guilleux, « L’Application de la première loi… », art. cité, p. 77).
322 Voir au 30 août 1789, le mariage de la sœur ainée Françoise-Charlotte Le Conte avec Édouard-René Dubois de Montulé.
323 Une stricte égalité est adoptée entre les enfants héritiers, quels que soient leur rang de naissance ou leur sexe. La coutume du Maine d’Ancien Régime « la plus égalitaire de France » avait bien préparé les esprits aux lois républicaines, au moins pour les roturiers.
324 La Sauvagère : château situé à la sortie du bourg de Chemiré-le-Gaudin. En 1755, Jean-Baptiste de Jupilles avait vendu le domaine à Étienne de Monceaux. Sa fille Marie-Anne avait épousé Jean-Étienne Rivault en 1760. Le château restera dans cette famille jusqu’en 1829 où il passe dans la famille Tilly. Les châteaux de Bellefille et de La Sauvagère, sont distants de moins de 2 km. Il s’agit donc de gens bien connus de Nepveu.
325 Le château de Coulans, situé à moins de 2 km à l’est du bourg de Coulans-sur-Gée, adossé à un vaste bois, est un imposant bâtiment, construit au milieu du XVIIIe siècle, à un étage surmonté de mansardes, flanqué de pavillons dans lesquels sont placées les écuries et les remises.
326 Il s’agit de Denis Pasquier de Coulans, guillotiné à Paris le 21 avril 1794.
327 Anne-Thérèse Gaultier des Préaux (1748-1795) n’avait donc survécu qu’un an à son époux.
328 Ces deux frères Pasquier aux choix contrastés eurent une destinée notable. L’année précédente, Étienne-Denis (1767-1862) avait été arrêté puis jeté en prison à Paris, le 8 thermidor. Il y avait retrouvé son jeune frère Étienne (1775-1841) détenu depuis déjà 8 mois (et que le diariste a omis de citer). Ils sont sauvés par la chute de Robespierre. Étienne-Denis sera préfet de police de Paris sous Napoléon et ministre sous Louis XVIII, Président de la chambre des Pairs pendant toute la monarchie de Juillet et chancelier sous Louis-Philippe. Il laisse des mémoires (Histoire de mon temps, texte publié par le duc d’Audiffret-Pasquier, Paris, Plon, 1893-1895, 6 vol., in-8°). Jules (1774-1858) qui s’était engagé dans une unité au service de la Révolution, sera préfet de la Sarthe en 1814, directeur de la caisse d’amortissement des dépôts et consignations et conseiller d’État.
329 Edmée Pasquier (1778-1844) qui veillait alors sur sa mère, mourra sans descendance.
330 Marchands drapiers au XVIIe siècle, les Caillau avaient ensuite occupé des charges au grenier à sel du Lude et au Présidial du Mans. Ils s’agrégèrent à la noblesse par l’achat d’une charge de secrétaire du roi en 1741. Ils avaient acquis en 1757 la seigneurie d’Yvré-le-Pôlin. Mme de Caillau est Suzanne-Charlotte de Chaource (1772-1848), fille du seigneur de Piacé. L’année précédente, elle avait épousé Jacques-Pierre-Henri de Caillau, officier de cavalerie (1757-1848). Ce dernier avait été major de la milice citoyenne ou garde nationale du Mans, formée au début de 1791 et commandée par M. de Valence (Ch. Girault, La noblesse émigrée…, op. cit., p. 136-137 et R. de Linière, Armorial, t. I, p. 122-124).
331 Bien que l’Émile de Rousseau ait été publié une trentaine d’années plus tôt, le diariste relève encore une pratique qui ne se généralisera vraiment qu’au cours du siècle suivant.
332 Renée-Marie-Julienne Barbeu du Bourg avait épousé René-François Cordelet, contrôleur général des fermes du Roi, au Mans, le 13 juillet 1773.
333 Le 14 mars 1794, Barbeu du Bourg avait acheté le presbytère de Saint-Vincent, au Mans, pour la somme de 13 200 livres (Ch. Girault, La vente des biens nationaux…, op. cit., p. 78).
334 Les Barbeu étaient depuis plusieurs générations des épiciers et des apothicaires de renom. C’est à ce titre qu’Antoine Barbeu du Bourg, ardent révolutionnaire, prit la place de Leprince d’Ardenay à la présidence du tribunal de commerce (Mémoires, p. 218). Il possédait la maison de maître du Tertre à Pruillé-le-Chétif (où il fut assassiné), distante de 2 km de la Manouillère (Frédéric Boulay, Apothicaires du Mans aux XVIIe et XVIIIe siècles, Maîtrise sous la dir. de J.-M. Constant, U. du Maine, 1997, 183 pages).
335 Quatorze mois plus tard, le diariste relit son Journal et annote la suite des événements concernant cette famille. Les souvenirs ont l’air de se brouiller. La famille Lambert, qui a donné plusieurs avocats, est bien connue sur la place du Mans (voir dernière entrée de l’année 1794 du Journal de Nepveu).
336 La Constitution fut soumise au plébiscite dans les assemblées primaires, invitées en outre à se prononcer sur les décrets qui maintenaient en place les deux tiers des conventionnels. Malgré les abstentions nombreuses, le résultat fut favorable à la Constitution mais l’accueil fait aux décrets des deux tiers fut plus réticent ; au Mans, 2 sections sur 4 adoptèrent le décret des deux tiers. Le chanoine n’évoque pas l’assemblée électorale de 258 votants qui se déroule au Mans un mois plus tard et qui désigne 6 conventionnels et leurs remplaçants ; parmi eux : Sieyès, Lehault, François de La Primaudière (Marcel Reinhard, Le département de la Sarthe sous le régime directorial, Saint-Brieuc, Les Presses bretonnes, s. d. [vers 1935], 657 pages, p. 26-33).
337 Voir l’entrée non datée, située entre juin et juillet 1792, qui situe ce mariage « dans le courant du mois de mai » [1792].
338 Exporté : le diariste fait ici allusion à l’envoi forcé de prêtres hors des frontières de France, notamment vers l’Espagne. On pourrait donc traduire exporté par déporté.
339 Depuis la mort de son époux François Le Romain de Villaret en 1760, Françoise Nouet avait poursuivi le commerce avec son fils Louis-René-Michel, sieur de La Blatonnière. Fille d’un négociant en étamines du Mans, elle multiplia les risques dans la gestion de ses affaires. L’installation d’un magasin de dépôt à Paris provoqua une multiplication des dettes actives, mal recouvrées. Quand le commissionnaire parisien s’enfuit avec la caisse en Hollande, le fragile équilibre de gestion s’écroula. Les sirènes des riches profits du commerce colonial avaient également entraîné la société Le Romain à investir dans des bijoux et diamants… qui ne trouvèrent pas de débouchés et constituèrent une énorme perte. Toutes ces difficultés avaient conduit la société de commerce en cires et bougies à une retentissante faillite en 1776 (AD Sarthe : B 3889, juridiction consulaire).
340 Nepveu était un habitué de l’hôtel Fay (voir au 20 février 1780). Ce beau bâtiment de style Louis XV était situé à l’angle des rues de Paris et du Paon (voir fig. n° 10). Après le décès de Françoise Nouet, seconde épouse de François Le Romain de Villaret, M. Fay prit leur fille Françoise-Hélène Le Romain, lointaine parente, pour tenir sa maison. Les époux avaient 42 ans de différence. Le diariste semble considérer qu’il s’agit d’un geste généreux de solidarité familiale et non d’une alliance indécente entre une femme de 40 ans et un vieillard octogénaire. L’apparition d’une jeune épouse ne troublait pas le jeu des promesses d’héritages qui existaient autour de Michel-Noël Fay, lequel ne décédera qu’en 1803. Sa veuve obtiendra l’usufruit de l’hôtel jusqu’à sa mort qui interviendra le 28 février 1839.
341 Les Guyonneau étaient une famille de magistrats depuis la fin du XVIIe siècle (R. du Guerny et R. de Linière, Extrait de l’Armorial Général de France…, op. cit., p. 22).
342 Le 19 frimaire an IV [10 décembre 1795] un emprunt forcé de 600 millions fut lancé pour répondre aux besoins de trésorerie de l’État : cela représente 2 ans de contribution foncière sur le pied de l’année 1790. La solution la plus simple fut de réclamer le double de la contribution foncière. Les municipalités fournirent la liste des contribuables les plus imposés d’après les rôles de cette contribution mobilière (AD Sarthe : L 142, matrice des contributions directes). Les rôles ainsi établis provoquèrent de nombreuses réclamations (M. Reinhard, Le département de la Sarthe…, op. cit., p. 184-189).
343 Intéressante rectification de vocabulaire : bien que la Convention ait décidé de dater officiellement la naissance de la République du 21 septembre 1792, on constate que plus de trois ans après, pour le chanoine, la France demeure un royaume. De la même façon, le diariste demeure résolument hermétique au calendrier révolutionnaire adopté par la Convention en octobre 1793 et dont on n’a toujours rencontré aucune trace, même allusive, sous sa plume…
344 Mme Nepveu est l’aînée des nièces du diariste, Marie-Magdelaine Nepveu de Bellefille, épouse de Jacques-François Nepveu de Rouillon. Son mari parti en émigration (voir au 25 décembre 1791), elle a endossé le rôle de chef de famille, et, ici, de chef de foyer fiscal.
345 Leprince d’Ardenay se lamente lui aussi de cet emprunt forcé : « Emprunt forcé qui desola et gesna beaucoup toutes les maisons aisées. Jy fus taxé pour ma part a cent cinquante mille francs ; c’etoit il est vrai en assignats. Cet emprunt devoit etre rendu par douzieme, d’année en année mais il na été tenu compte que du premier douzieme » (Mémoires, p. 227).
346 La réquisition de 300 000 hommes contribue à nourrir les effectifs du camp chouan. Les jeunes gens refusent de partir. L’arrêté du 8 pluviôse an IV (28 janvier 1796) renouvelle l’ordre de faire partir les réquisitionnaires. La résistance est énergique. Le mécontentement est grand dans l’Ouest, la situation en Sarthe est agitée, F.-Y. Besnard est dépêché auprès du ministre de la guerre, du Général Hoche et de son ami La Révellière-Lépeaux pour obtenir des ordres complémentaires (Souvenirs d’un nonagénaire, p. 229-230). L’autorité militaire, sous le commandement de Hoche, intervient dans tous les départements insurgés. C’est le général Watrin, qui applique dans la Sarthe les mesures arrêtées par Hoche. Le 21 pluviôse (10 février), il proclame que seuls les chefs chouans seront exterminés.
347 On peut se demander si Nepveu vit alors au Mans ou à la Manouillère comme il avait annoncé l’avoir décidé à son retour de détention en avril 1794 (voir récit rédigé a posteriori placé à la fin de l’année 1793).
348 La résidence de la famille Lefevre de La Barre, des cousins par alliance, est située de manière imprécise par le diariste, qui donne un point de repère très approximatif puisque 22 km séparent Coulans de Chevillé.
349 L’entrée du diariste mêle les générations d’une manière confuse. Il faut comprendre : le défunt est Pierre Le Febvre de La Barre qui avait épousé Marie Mareau (du Genetay). En 1772, leur fils Jean-François s’était uni à Louise Lambert de La Vannerie (Linière, Armorial, t. II, p. 393).
350 Il peut paraître étonnant de voir la noce du fermier des Lambert conviée à la Manouillère. L’explication est simple : la jeune mariée est la sœur de Marie Choplin, la cuisinière du diariste, morte dans l’épidémie de janvier 1794. Françoise Choplin est née, elle aussi, à Saint-Georges-du-Bois, le 29 mai 1768, quatre ans après sa sœur Marie (voir le Journal de Nepveu en janvier 1794, en note). Son père était laboureur mais en 1796, ses deux frères et son oncle ne sont plus dits que bordagers (état civil, Saint-Georges-du-Bois, 5 floréal an iv [24 avril 1796], mariage de Jean Loiseau et Françoise Choplin). On se souvient que le chanoine était en prison à Chartres lors du décès de sa cuisinière : ce déjeuner offert à la noce en ce printemps 1796 est une façon de remplacer le repas d’enterrement dont il n’avait pas pu gratifier la parentèle de sa domestique lors du sombre hiver 1794.
351 Le château de Bénéhard, à environ 14 km au nord-est de Château-du-Loir, est situé sur le territoire de Chahaignes, à mi-chemin entre ce village et celui de Saint-Pierre-du-Loroüer. Construit au XVIe siècle à la place d’une ancienne forteresse, puis modifié au XVIIe siècle, il s’adosse au coteau de tuffeau et offre aux regards une belle façade Renaissance, rythmée de trois tours en avancée.
352 Avant de demeurer à Bénéhard, le directeur des fermes Leriche de Vandy était un urbain qui résidait dans l’une des plus belles maisons du Mans à la fin du XVIIIe siècle : Videbourse ou Monplaisir. D’abord maison de l’abbé de la Couture, elle avait été louée par M. de Vandy en 1785, et il avait fini par l’acquérir comme bien national en janvier 1791, pour 51 100 francs (Ch. Girault, La vente des biens nationaux…, op. cit., p. 20). Ensuite François-Yves Besnard s’y installa avec ses métiers à tisser (Souvenirs d’un nonagénaire, p. 246). Les fêtes qui s’y déroulaient au temps des abbés ont forgé sa réputation, d’où son nom. Aujourd’hui cette maison est le siège de l’institution Notre-Dame.
353 Nepveu avait évoqué Leriche de Vandy fin décembre 1772 (voir aussi au 7 août 1779, en note).
354 Ce cadet, ancien capitaine au régiment de la Couronne, s’était retiré dans une petite maison de Beaumont, achetée pour 7 000 livres par son frère. Au début de 1791, il avait été intégré à la garde nationale de Beaumont (Ch. Girault, La noblesse émigrée…, op. cit., p. 97).
355 Le frère cadet du marié, François-Joseph, était inscrit sur la liste des émigrés sous le numéro 63. Il ne sera rayé que le 22 avril 1803. Sa mère, Angélique-Anne de Jupilles était veuve depuis 1792.
356 Les jeunes époux ne disposent pas d’assez de fonds pour s’installer car la succession de François-Carrey de Bellemare est bloquée depuis 1792. Maintes fois réclamé par sa veuve, le partage ne sera effectué que le 27 juillet 1799. Trois lots de 30 000 francs environ sont alors constitués, et celui du frère émigré est confisqué (AD Sarthe : Q 22/2).
357 Abel Pivron était depuis vingt ans l’un des deux imprimeurs autorisés pour la ville du Mans. Il est au Mans le seul maître imprimeur du siècle à ne pas être issu d’une famille des métiers du livre : né d’une dynastie de boulangers, il était parvenu à s’introduire dans l’imprimerie mancelle en succédant à la famille Ysambart. Après avoir subi victorieusement les épreuves du concours de réception à la fin de décembre 1775, il avait été reçu maître imprimeur-libraire au Mans et avait prêté serment en tant que tel le 24 avril 1777. Il avait alors 33 ans. Son atelier est installé carrefour de la Sirène, à la charnière de l’axe Pont-Neuf/place des Halles (Jean-Pierre Épinal, « L’imprimerie et la librairie au Mans au XVIIIe siècle [1701-1789] », SASAS, LXXV, 1975-1976, p. 143-285). Démocrate convaincu, il est membre du Club des Amis de la Constitution depuis son origine (Ch. Peyrard, Les Jacobins de l’Ouest, op. cit., p. 58).
358 Il : comprendre « M. de Saint-Mars », père de la jeune mariée.
359 On retrouve ici un écho, bien atténué, de l’affaire qui naguère avait fait jaser la société mancelle : le remariage de M. de Saint-Mars devenu veuf, avec sa domestique, qualifiée par le diariste de gardienne de moutons (voir aux 29 janvier et 20 février 1780, et au 8 octobre 1787).
360 Consciemment ou non, le digne ecclésiastique que demeure Nepveu remet en un ordre convenable la succession des événements. En réalité, la fille de M. de Saint-Mars et de Marie Mabilleau était née le 6 juillet 1778, soit un an et demi avant que ses parents ne se marient (voir au 29 janvier 1780, en note).
361 Cette somme était constituée de nombreux emprunts : 117 000 aux Samson-Lorchère, 115 000 aux Dreux-Brézé, 80 000 aux Courcival, 53 000 aux Durfort, 30 000 aux Murat, 12 000 aux Blanchardon, etc. D’autre part, des 687 000 francs que le défunt avait déposés comme caution de ses offices, la législation révolutionnaire ne reconnaissait plus qu’un cinquième à son actif. Tout dut être vendu (Ch. Girault, L’ancien hôtel de Fondville…, op. cit., p. 22).
362 Le château de l’Épichelière, situé à environ 1 km du centre de Souligné-Flacé, et donc à 20 km à l’ouest du Mans, est aujourd’hui un bâtiment imposant et composite (avec des éléments du XVIe au XIXe siècle), entièrement entouré de douves mises en eau.
363 C’est en tant que receveur des tailles que de l’argent lui était dû par l’État.
364 C’est en 1802 seulement que seront vendus, pour 180 000 francs, les immeubles de l’Épichelière. L’important mobilier est dispersé. Beaucoup de créanciers ne furent pas remboursés, tels les Nepveu de Bellefille qui perdirent 47 000 francs (Ch. Girault, L’ancien hôtel de Fondville …, op. cit., p. 22).
365 Rue de la Juiverie : courte rue reliant la place Saint-Nicolas à la rue de la Barillerie, au pied de la ville ancienne. Situé vers le bas de la rue, l’hôtel des Garnier était ainsi localisé à proximité immédiate de celui des Cureau, rue de la Barillerie, ou, un peu plus loin, de celui des Véron, place de la Sirène. Cet hôtel, construit perpendiculairement à l’axe de la rue, est aujourd’hui situé dans l’enceinte de l’école primaire Dulac, et est occupé par des services municipaux. Pour une description de l’hôtel au temps des Garnier : Ph. Laborie, Approche de deux familles…, op. cit., p. 76-78.
366 Maison des Ruelles : situé à la sortie du Mans en direction de la Chapelle Saint-Aubin, le domaine des Ruelles, comportant un pavillon de maître et plusieurs bordages, avait été acquis par les Garnier en 1761. Pour une description de la maison des Ruelles au temps des Garnier : Ph. Laborie, Approche de deux familles …, op. cit., p. 102 et 146-150. Cette jolie maison existe toujours, cernée des bâtiments industriels et commerciaux de la zone d’activité nord, à gauche de la route d’Alençon en sortant du Mans.
367 Michel-François Vétillard du Ribert dirigeait en effet à Pontlieue, associé à son beaufrère Bérard, une importante blanchisserie de toiles, située sur la rive droite de l’Huisne, après le vieux pont jusqu’aux îles de Préau. Il avait épousé Anne-Louise-Haton de La Goupillière. Chevalier de la Légion d’honneur, il sera maire de Pontlieue (Marcel Mémin, En ses aspects humains : Pontlieue, Arnage, Ancienne Paroisse Rurale du Maine, Le Mans, Monnoyer, 1968, 427 pages). Les affaires n’avaient jamais été aussi bonnes. Déjà opulents propriétaires terriens avant la Révolution (une douzaine de fermes) les deux associés avaient acheté 175 hectares à Pontlieue, au Mans, à Brette-les-Pins et à Yvré-le-Pôlin lors de la vente des biens nationaux. Le 14 août 1796, ils venaient de se rendre acquéreurs du domaine des grands et petits Montargis à Savigné-l’évêque et à Courcebœuf pour 200 000 livres (F. Dornic, L’industrie textile dans le Maine …, op. cit., p. 250).
368 Voir le mariage évoqué en juin-juillet 1792.
369 Françoise-Jeanne-Gabriel Hérisson d’Auvours, dite de La Chaume, fille d’un conseiller au Présidial, s’était mariée en 1769 à l’âge de 29 ans, à Pierre-Jean-Baptiste-Suzanne Le Boindre de Moire (Linière, Armorial, t. I, p. 290).
370 Après le 10 août 1792, il ne restait plus au Mans que Paillé comme vicaire général. En tant que sexagénaire il n’avait pas été soumis à la déportation. Comme le raconte le diariste, Paillé avait poursuivi ses fonctions, assisté de Chevallier, ancien professeur de théologie, et de Tessier, curé de Saint-Jean des Échelles. À la mort de Paillé, Gonssans, exilé, envoie Duperrier pour mettre en oeuvre son plan de réorganisation du diocèse. Les quelques chanoines qui survivaient encore se réunissent pour nommer un vicaire capitulaire. Sont présents : La Fontaine de Bourgneuf, Roman, Pillon de Saint-Chéreau, Fay et Nepveu de La Manouillère. C’est Duperrier qui est élu et qui administre le diocèse jusqu’à l’arrivée d’un évêque.
371 Paderborn : cette ville de Westphalie est liée au Mans depuis l’an 836 (transfert des reliques de saint Liboire du Mans à Paderborn). Depuis lors, Liboire est honoré dans les deux villes. Ce sont ces liens anciens qui expliquent que l’évêque fuyant la Révolution se soit réfugié à Paderborn. Le Mans et Paderborn sont aujourd’hui des villes jumelées.
372 Saourches : lire Chaource (voir « à la fin de juillet 1795 »).
373 S’il ne commet pas une confusion de date, alors le diariste enregistre peut-être ici celle du mariage religieux. En effet, le mariage civil est prononcé en mairie le 26 germinal an V, donc le 15 avril 1797 (état civil, Le Mans, section Égalité). On se souvient que le mariage religieux pouvait alors précéder le mariage civil (voir au « 9 ou 10 février 1792 », ainsi que l’entrée suivante, en note).
374 La mariée est Gabrielle-Louise de La Porte de Sainte-Gemme[-le Robert, près d’Évron dans le Bas-Maine], fille de François-Louis de La Porte et de Gabrielle Jouye des Roches. Elle épouse ici Jean Dudevant qui deviendra baron d’Empire. Cette demoiselle sera donc en quelque sorte la « belle-mère » d’Aurore Dupin, future George Sand, qui épousera le baron Casimir Dudevant en 1822 (Jean Lepart, « Le colonel Dudevant et son épouse [1797-1837] », La Province du Maine, 1969, p. 454-473, et 1970, p. 80-101 ; Maurice Vanmackelberg, « Michel Boyer et Gabrielle de Sainte-Gemme, baronne Dudevant [1789-1841] », La Province du Maine, 1984, p. 45-63).
375 La moitié des agents ou adjoints des municipalités sont à renouveler. Au Mans, à Mamers et à La Flèche les élus avaient été nommés dans les assemblées primaires. Au les royalistes remportent un succès et écrasent les républicains modérés. Pour l’administration municipale du Mans, sur les 7 officiers municipaux 4 sont réélus : Aubert-Dupin, La Reignière, Dubut et Savarre, trésorier du chef chouan Rochecot et ex-curé de Jublains (AD Sarthe : L 209). À Paris, les Directeurs tentent un coup de force. Le coup d’État du 18 fructidor [4 septembre 1797] annule les élections dans 49 départements dont la Sarthe. Avec Maguin, l’administration municipale est épurée ; les royalistes sont destitués en septembre 1797 et remplacés par des républicains modérés (M. Reinhard, Le de la Sarthe…, op. cit., p. 263).
376 Louis-Charles-René d’Andigné, capitaine de vaisseau, était issu d’une famille angevine établie dans le Maine au XVIIe siècle. Charles, son père, était seigneur de la Cour à Asnièressur-Vègre.
377 Le récit du diariste met ici en évidence la solidarité et la connivence de la noblesse du pays sabolien : Bastard de Fontenay est le seigneur de Dobert à Avoise, paroisse d’Asnières.
378 Ou d’ailleurs, sans doute : le diariste ne sait pas situer exactement les membres de cette famille dans leurs pérégrinations. Il associe Lyon à Mme de Biré car son frère y a été tué pendant le siège en 1793. On suit Marie-Jeanne Bastard de Fontenay et Marie-Géry Fontaine de Biré à Bruxelles et dans l’Ain (Ch. Girault, La noblesse émigrée…, op. cit., p. 233-234).
379 Le Greffier : voir au 7 août 1779, en note. Selon J. Lepart (« Le colonel Dudevant… », art. cité), la « belle maison » des La Porte de Sainte-Gemme avait été construite en 1784, donc avant l’opération de lotissement des terrains du bordage du Greffier par Leriche de Vandy en 1789. Elle a été rasée en 1979 pour laisser place à la Maison des Associations et des Syndicats.
380 Le mariage de Renée Gilouppe avec un curé apostat a dû d’autant plus frapper Nepveu que, on s’en souvient, son frère Julien Gilouppe avait été un de ses amis proches (voir introduction). À la mort du chanoine Gilouppe, le diariste avait d’ailleurs noté que sa sœur, qui vivait avec lui, perdait beaucoup à ce décès.
381 Exporté : déporté (voir note 338).
382 Antoine Maguin, ex-curé constitutionnel de la Couture, devenu commissaire central du gouvernement, est assassiné le 21 brumaire an VI [11 novembre 1797] alors qu’il sortait d’une réunion publique à la salle de la Comédie. L’événement fait grand bruit et touche les esprits. La presse relaie l’événement (Chronique de la Sarthe du 24 brumaire an VI [14 novembre 1797]). F.-Y. Besnard y rend un hommage vibrant à son ami, dresse un portrait du patriote et exalte les vertus républicaines de ce citoyen « aimable et intéressant ». Pour Nepveu, Maguin est d’abord le curé « défroqué » qui a signé tous les serments, et a rompu ses vœux en se mariant. Le chanoine ne manque pas de souligner que Maguin, homme puissant du département, n’a pu empêcher la déportation en Espagne de son beau-frère, le curé de Challes. Il insinue même qu’il aurait peut-être encouragé cette déportation pour satisfaire ses projets matrimoniaux avec la demoiselle Gilouppe qu’il fréquentait déjà « du temps où elle était chez son frère ».
383 Il semble que le diariste ait intégré a posteriori cette entrée, une année trop tôt. L’enfant qui nait ici est Adolphe-Armand-Louis-Gaspard de Clermont, né le 4 décembre 1798, fils de Louis-Gaspard-Joseph de Clermont qui avait épousé en 1785 Elisabeth-Hyacinthe Lorfèbure. La mention de ses sœurs et frères ne laisse que peu de doute sur l’identité du nouveau-né qui avait pour ainés Alexandrine et Théodore-Louis-Apollinaire. Cet enfant sera nommé garde du corps du roi en 1815 et capitaine de la Garde Royale en 1822 (L.-G.-J. de Clermont, « Généalogie de la maison de Clermont-Gallerande », RHAM, 1896, p. 15-49).
384 Pour cette famille, à en croire le diariste, rien n’a changé. Il a fréquemment évoqué antérieurement le père du jeune homme qui se marie ici (voir au 15 février 1775).
385 Unité de cavalerie créée en 1667, le régiment de Chartres-Dragons prit la dénomination de « 4e régiment de dragons » en 1791. Après Valmy en 1792, Wattignies et Fleurus en 1794, il intègre l’armée Rhin-et-Moselle en 1798. Le Lieutenant-colonel Le Moine est emblématique de ces militaires sortis du rang à qui la Constituante ouvrit les grades d’officiers. Le plus souvent issus des milieux des maîtres artisans ou de la petite bourgeoisie, ils symbolisent une adhésion aux idées nouvelles (François Furet et Mona Ozouf, Dictionnaire critique de la Révolution française, Flammarion, 1988, [article « Armée »]). Le diariste semble porter un regard quelque peu admiratif sur cette promotion rendue possible par la Révolution.
386 « L’odieux massacre de M. de Montesson avait désemparé sa femme, Marie-Charlotte Cureau. Elle promène sa neurasthénie de Suisse en Italie pour échouer en Allemagne, d’où elle envoie en septembre 1792 les ordonnances de François Zaccarini, docteur à Heildeberg » (Ch. Girault, La noblesse émigrée…, op. cit., p. 204).
387 Un partage des biens de Mme Cureau eut lieu le 7 mars 1799. Chacun de ses deux enfants reçut 252 283 livres, dont plus du tiers revint à la Nation (Ch. Girault, La noblesse émigrée…, op. cit., p. 317).
388 Sur la blanchisserie de toiles Bérard-Vétillard : voir début décembre 1796.
389 Jacques-René de Clinchamps était un ancien major de la place de Port-Louis, ancien capitaine au régiment de la reine. Devenu aveugle, il ne lui restait plus que cette enfant pour prendre soin de lui : son fils, émigré, avait été fusillé le 25 août 1795 à Vannes lors de l’expédition de Quiberon.
390 Le 1er février 1798 à Beaumont, Julie de Clinchamps épouse en effet Pierre-Charles-Joseph Delelée. Deux ans plus tard, en l’an VIII, ce dernier sera nommé, par Bonaparte, membre du Conseil Général de la Sarthe. Originaires du Bas-Maine (Villaines-la-Juhel), encore maîtres-apothicaires au XVIIe siècle, les Delelée s’anoblirent par l’achat de charges. Le père du marié avait été Lieutenant particulier en la sénéchaussée royale de Beaumont, subdélégué de l’intendant de Tours (1779) et sera maire de Beaumont en 1800 (Frédérique Lépinette, Notables de Beaumont-sur-Sarthe et Beaumont-le-Vicomte [1745-1848], DEA sous la dir. de J.-M. Constant, U. du Maine, 1992).
391 Le chanoine ne peut cacher un rien de satisfaction lorsqu’il évoque un mariage d’amour. Même la Révolution ne peut lui gâcher son plaisir en ce domaine.
392 Gabriel-François Besnard du Chesnay avait acquis au Mans le 1er mars 1791, la métairie des Hauts-Étrichés comprenant 60 journaux de terres et 25 hectares de prés pour la somme de 40 100 francs.
393 Jean-Baptiste Ouvrard, sieur des Fougerais (1742-1823), avait été l’un des plus farouches opposants à la réforme Lamoignon de mai 1788. Il avait été emprisonné avec sa famille à la Visitation en même temps que le diariste (voir en septembre 1793).
394 Voir au début de septembre 1789 : le diariste avait noté divers détails sur cette union.
395 Avancer ses jours : abréger ses jours, avancer l’heure de sa mort. Mme de Montulé aurait donc succombé à ce que l’on appelait alors une maladie de langueur.
396 Une lettre ouverte par l’administration révèle qu’en décembre 1796, Dubois de Montulé était rentré de Rotterdam et qu’il attendait son épouse à Paris (Ch. Girault, La noblesse émigrée…, op. cit., p. 200).
397 Marie-Renée Chesnay avait épousé Mathieu-Guy Chesneau-Desportes (1737-1828) le 22 octobre 1765.
398 La radiation de Jacques-Nicolas Nepveu de Bellefille, père de la mariée, de la liste des émigrés le 26 avril 1798 permettait la tenue de ce mariage, probablement prévu depuis longtemps (AD Sarthe : L 64). Comble de malheur pour lui, il avait été inscrit sur la liste comme fille (Belle fille, sic !). Il dut prouver l’erreur pour être rayé définitivement, le 10 septembre 1802 (AD Sarthe : Q 21 bis/10). Sa résidence d’exil n’était pas bien loin : il vécut à Athenay de 1792 au 4 mars 1793, et du 4 mai 1794 au 29 novembre 1797 (Ch. Girault, La noblesse émigrée…, op. cit., p. 246).
399 Comprendre : Bessière.
400 La Vieillère : à 6 km au nord-ouest de Château-du-Loir. Comme le suggère le diariste, on était ici en pays de vignes, à l’extrémité occidentale de l’ancien terroir viticole de la vallée du Loir, qui s’est rétréci depuis autour de la zone de l’AOC du Jasnières (Ruillé-sur-Loir, Lhomme). Dominant la vallée du Loir, la chapelle de Sainte-Cécile, ancienne église paroissiale, a été classée monument historique en 1984, et soigneusement restaurée. Dans le cadre du réseau « Patrimoine vivant », elle accueille chaque été des spectacles et animations culturelles (http://chapellesaintececile-flee.net).
401 C’est effectivement à la Vieillère que s’éteindra « Fauvette », la filleule du diariste, le 11 juin 1838 (état civil, Flée, 12 juin 1838).
402 Voir l’entrée du 20 novembre 1769.
403 Le mariage civil a lieu le 24 mai, à Athenay, commune du château de Bellefille. Les mariés ont été entourés à la mairie par plus de monde qu’à l’église : parents et amis sont près d’une vingtaine à signer le registre. Certains, comme l’officier d’état civil, suppriment les particules (le père de la mariée, frère de notre diariste, signe « Jacques-Nicolas Nepveu Bellefille ») tandis que d’autres les étalent fièrement (« Nepveu de Rouillon »). René-Pierre Nepveu n’est pas présent, il se trompe d’ailleurs d’un jour dans la datation du mariage civil de sa nièce et filleule (état civil, Athenay, 5 prairial an VI [24 mai 1798]).
404 La raison de l’arrestation de M. Bastard de Fontenay n’est pas claire. Il s’était toujours comporté avec loyauté envers le nouveau pouvoir. Il n’avait pas fui, condamnant même ses propres enfants qui avaient émigré. Il participait à la garde nationale d’Avoise et était présent à la fête de la fédération au Mans. Son arrestation avait suscité de vives réactions de la part des patriotes du village, surpris de le voir accusé de sympathiser avec les chouans. L’administration se disait « fort embarassée, persuadée d’un côté des menaces réelles de ce conspirateur adroit et dissimulé, dont beaucoup de patriotes lui dénomaient la perfidie sans néanmoins apporter contre lui de preuves matérielles et de l’autre craignant de fronder l’opinion publique encore assez bien prononcée en faveur de l’individu et de dépasser vos instructions » (AD Sarthe : L130, germinal an VI. Voir Benoît Hubert, Au pays des deux rivières, La Sarthe et la Vègre, Pouvoirs, économie et société dans les villages de la seigneurie de Pescheseul [1685-1800], DEA sous la dir. de J.-M. Constant et A. Fillon, U. du Maine, 1989, 100 pages, p. 75-79).
405 L’inventaire de la maison mancelle du défunt, rue Courthardy, montre les signes du confort et de la sociabilité habituels à son milieu social : tableaux, fauteuils, tables à jouer et faïence d’Angleterre… S’y ajoutent des indices d’un intérêt fort pour l’observation du monde : cartes de géographie, globes terrestres, lunette d’approche en argent… (AD Sarthe : 4E 48/18, Étude Basse, 3 messidor an VI [21 juin 1798]).
406 Claire-Séverine Lhopital, Une famille dans la tourmente révolutionnaire : les Bastard de Fontenay, Maîtrise sous la dir. de J.-M. Constant, U. du Maine, 2002, 102 pages.
407 Marie-Sophie de Chaource, fille du seigneur de Piacé, avait pris pour époux en 1797 Gervais-Protais-René du Moulinet d’Hardemare. Originaire de Normandie, cette famille avait servi dans les armées du roi de France au cours du XVIIIe siècle et ne semble pas émigrer pendant la Révolution (Linière, Armorial, t. II, p. 507). Sur sa sœur, Suzanne-Charlotte de Chaource, voir « à la fin de juillet 1795 ».
408 L’état des routes s’était aggravé pendant la Révolution. En 1796, le département avait réclamé des fonds et prescrit pour 280 000 francs de travaux dont, par manque de trésorerie, 1/6e seulement sont réalisés. Dans la Sarthe, le principe d’une taxe sur les voitures et les bêtes est adopté le 10 septembre 1797. Pour la prélever, des barrières et des bureaux sont établis sur les grandes routes à la sortie des principales villes. Le tarif est déterminé par la loi du 23 décembre 1797. L’administration centrale pour assurer l’exécution de la loi fixe le nombre de barrières, nomme des inspecteurs et détermine le ressort de chacun d’eux.
409 La résistance à cette nouvelle taxe est très vive. F.-Y. Besnard, alors président de l’administration municipale, soupçonne quelque manipulation et doit faire face à l’émeute : « La colère, la machination du club… ne cessèrent de me poursuivre à partir de cette opération ; et cela au point qu’on ne tarda point à y organiser une insurrection d’ouvriers dont le motif apparent était la destruction des barrières récemment établies… » (Souvenirs d’un nonagénaire, p. 241). Le peuple se porte en foule aux barrières. Les soldats interviennent. Les désordres se prolongent pendant des mois. La perception de la taxe fut améliorée et finalement acceptée (M. Reinhard, Le département de la Sarthe …, op. cit., p. 406-409).
410 Louis-François de Caux des Londes était venu d’Alençon dans le Maine en 1775. Il était conseiller-secrétaire du roi et avait épousé Marthe-Agathe-Madeleine Boullay de Launay, d’une famille du Perche. Ils avaient acquis la seigneurie de Saint-Ouen-en-Champagne et résidaient au Mans dans une grande maison neuve, située Grande-Rue.
411 Antoinette-Marthe-Marguerite avait épousé en 1778 Charles-Toussaint-Jacques Paillard, écuyer, seigneur de Chenay (paroisse du Maine située à 8 km nord/nord-est d’Alençon). Il fut rayé de la liste des émigrés le 8 novembre 1802.
412 À Saint-Rémy : à la Chapelle Saint-Rémy, village situé à 28 km à l’est du Mans.
413 Une lettre d’avis : un faire-part.
414 Catherine-Marie-Ténestine Léon, de la paroisse Saint-Nicolas. Son père était avocat du roi au siège présidial.
415 Outre que les mariages peu harmonieux ne sont pas de son goût, le ton condescendant du diariste indique son mépris envers les nouveaux riches d’obscure extraction (« de très peu de chose »).
416 Comprendre : qu’il reprendra l’activité de son beau-père.
417 Décade : ou decadi, dixième jour de la décade, qui était censé remplacer le dimanche dans le calendrier révolutionnaire. Institué par la Convention en octobre 1793, mais démarrant rétroactivement au 22 septembre 1792, date de naissance de la République, ce calendrier divise l’année en 12 mois de 30 jours, eux-mêmes divisés en 3 décades. C’est le tout premier écho de ce calendrier sous la plume du diariste.
418 En prenant un logement à vie rue de Quatre-Roues, l’ancien chanoine s’éloignait résolument de la cathédrale et retrouvait les lieux de sa jeunesse. L’hôtel des Le Maçon, où il avait vécu enfant, était en effet situé dans cette rue (voir plan du Mans et introduction).
419 Rue Saint-Dominique : rebaptisée aujourd’hui rue Claude-Blondeau. Elle longeait l’entrée du monastère des Jacobins et l’enclos du couvent des Filles-Dieu, ce dernier étant situé à l’emplacement de l’actuel musée d’Archéologie et d’Histoire. Elle prenait naissance place des Jacobins en décrivant une courbe prononcée pour aboutir au carrefour de la Sirène.
420 Nepveu est mal informé sur le sexe du bébé qui, en fait, est une fille. Il rectifie 3 ans plus tard, au décès de l’enfant (voir 3 décembre 1801).
421 Mlle de Bouches-l’Huisne était fille de Nicolas-Guillaume Rouxelin d’Arcy, l’ancien Lieutenant-Général de police au Mans.
422 Le chant était l’un des arts d’agrément qu’il était de bon ton de faire travailler à une jeune fille. Puisqu’elle demeurait à Paris « depuis plusieurs années », l’assertion du diariste fait forcément référence à une audition antérieure, peut-être dans le cadre de la vie des salons manceaux d’avant la Révolution.
423 « Dans la nuit du 5 au 6 pluviôse an VII (24-25 janvier 1799), à 4 heures du matin, une violente secousse tellurique se produit au large de Bouin et de Noirmoutier sur la côte vendéenne et est ressentie dans toute la France et même en Europe. Il s’agit du plus fort tremblement de terre dans la région jusqu’à aujourd’hui, sans doute proche d’une magnitude de 7 sur l’échelle de Richter, accompagné par un mouvement des eaux sur le littoral. Les dégâts les plus importants sont constatés autour de Machecoul, de Noirmoutier et de Bouin, où 60 à 80, voire 150 habitations sont très endommagées » (J.-C. Martin, O. et J.-C. Limasset, « Histoire et étude des séismes », ABPO, 1992, n° 99-2, p. 97-116). Au Mans, on ressentit les secousses à 4 heures, comme l’affirme l’abbé Nepveu, en deux périodes et durant 7 à 8 secondes (André-Pierre Ledru, Analyse des travaux de la Société royale des arts du Mans, depuis l’époque de son institution en 1794 jusqu’à la fin de 1819, Le Mans, 1820, 312 pages, p. 88).
424 La ruelle des Falotiers (les falotiers sont des porteurs de lanternes) existe encore aujourd’hui. Située dans le prolongement de la rue de la Juiverie, elle fait communiquer la rue de la Barillerie avec la rue des Petits-Fossés. C’est parallèlement à cette ruelle que se dresse l’hôtel Cureau, dont Pinceloup de La Moustière avait hérité (sur cette maison, voir au 18 janvier 1775, en note, et au 17 octobre 1785).
425 À cause de l’émigration de ses deux filles cadettes, la Nation retient sur les biens propres de Jacques Pinceloup de La Moustière une valeur de 28 045 livres constituée par des fermes situées dans le Perche, et sur le patrimoine de sa femme, Marie-Charlotte Cureau, presque 80 hectares de bonnes terres (Ch. Girault, La noblesse émigrée …, op. cit., p. 346).
426 Piacé, près Beaumont : village situé à 4 km au nord de Beaumont-sur-Sarthe. Il est aujourd’hui connu pour sa « quinzaine radieuse », célébrant l’architecture contemporaine autour d’un projet dessiné par Le Corbusier pour le village (http://www.piaceleradieux.com/).
427 Voir « au commencement de juillet 1798 ».
428 Pierre-François Yver de Touchemoreau avait épousé Marie-Louise Pinceloup de La Moustière le 16 avril 1757, dans la chapelle de la Ragoterie à Yvré-l’Evêque.
429 Ce leitmotiv ne doit sans doute pas être pris au pied de la lettre (voir très peu de temps avant, au 4 février 1799), mais il est clairement un indice du traumatisme collectif ressenti…
430 M. de Touchemoreau avait dû assumer financièrement l’émigration de ses deux fils : la loi du 12 septembre 1792 obligeait les parents à fournir chaque année pendant la durée des hostilités et par enfant émigré, la solde (15 sous par jour) de deux volontaires et leur équipement. Pour la période 1792-1794, le père avait dû acquitter plus de 5 300 livres (Ch. Girault, La noblesse émigrée …, op. cit., p. 66 et 215).
431 M. Duménigue : le baron de Duminique, époux de Jeanne-Jacqueline de Broc (voir en mai 1780).
432 Phrase énigmatique : ces grandes frayeurs sont sans doute elles aussi un effet de la Révolution… En effet, la Convention avait décrété que les émigrés arrêtés en France ou pris en pays étrangers (armés ou non), seraient exécutés dans les vingt-quatre heures.
433 Voir le Journal de Nepveu à cette date.
434 Lire : Paderborn (voir au 1er février 1797). La nouvelle est confirmée au Mans trois mois après le décès de Mgr Jouffroy-Gonssans.
435 En fait, 75 ans et demi : il était né le 15 août 1723 au château de Gonsans dans le Doubs.
436 Élu difficilement député du clergé aux États généraux pour la sénéchaussée du Maine le 25 mars 1789, l’évêque du Mans avait été de ceux qui protestèrent contre la Constitution civile du clergé. Il avait émigré en 1792 d’abord en Angleterre, puis à Paderborn, où il fut accueilli par le chapitre de Saint-Liboire s’exila à Paderborn via l’Angleterre. Il meurt dans la ville allemande et est inhumé à la. Paderborn devint une terre d’exil : pas moins de 2 500 Français s’y réfugièrent, à commencer par des prêtres et le vicaire général du Mans. Les restes de l’évêque défunt ne seront jamais transférés au Mans.
437 Il est permis de se demander quel degré de solennité et de publicité ont pu revêtir ces célébrations dans la ville du Mans alors tenue par François-Yves Besnard, et presqu’en état de siège au milieu de campagnes sillonnées par les chouans (Affiches des 22-23 vendémiaire an VIII [14-15 octobre 1799]).
438 Mme Godard d’Assé était sœur du célèbre économiste Véron de Forbonnais. Étonnamment, l’abbé Nepveu ne consigne pas le ragot qui devait alors courir dans la ville et qui est livré par le gendre de la défunte, le mémorialiste Leprince d’Ardenay : « cette bonne mere devint tres infirme dans les dernieres années de sa vie ; elle avoit beaucoup d’absences ; un mauvais sujet qu’elle avoit pris pour domestique en abusa de la maniere la plus scandaleuse ainsi que de sa confiance qu’il avoit su capter » (Mémoires, p. 236). On devine ici la lassitude qui a atteint Nepveu, dont les notes se font moins bavardes.
439 Henriette Mersent, fille d’un riche négociant manceau, avait épousé en 1790, Paul Trotté de La Roche. Elle met ici au monde Henriette-Eugénie, second de ses trois enfants. Les Trotté de La Roche avaient été avocats au Présidial du Mans pendant cinq générations ; ils occupèrent aussi de très nombreuses fonctions au sein de la municipalité du Mans (Linière, Armorial, t. II, p. 681-683).
440 Des lois successives avaient restreint la mobilité. Le 31 octobre 1791, l’Assemblée Législative avait ordonné aux émigrés de rentrer avant le 1er janvier suivant sous peine d’être déchus de leurs droits. Un second décret (1er février 1792) avait rétabli l’utilisation du passeport. Le 22 octobre 1792, la Convention avait condamné à mort ceux qui rentreraient. Finalement, l’État adopte des mesures de plus en plus tolérantes, jusqu’à l’amnistie décrétée par Bonaparte.
Pour Nepveu de La Manouillère, le temps était venu de demander sa radiation de la liste. Aux yeux de l’administration, le ci-devant chanoine n’est plus jugé dangereux : elle relève qu’il a « prêté le serment de la liberté et de l’égalité le 1er mai 1793 », sans s’inquiéter de la valeur réelle de ce serment, prononcé alors qu’il était détenu à la Visitation (AD Sarthe : L 131, 2 floréal an VII [21 avril 1799]).
441 L’acte de décès révèle peu de choses sur Françoise Hélin, si ce n’est qu’elle était née à Saint-Georges-du-Plain. Son âge, indiqué par le diariste, y est confirmé : 78 ans (état civil, Le Mans, Hôpital, 21 messidor an VII [9 juillet 1799]).
442 La vente de la maison de Nepveu avait eu lieu sans doute à l’automne 1794 (voir au 19 février 1795).
443 Le 27 juillet 1799, Branche d’Or (ancien valet du marquis de La Gélinière, émigré) et sa bande de brigands (ils étaient désavoués par les royalistes et les républicains) enlèvent Trillon, ex-substitut de tribunal criminel. Cet enlèvement donne lieu à la première application de la loi des otages. L’administration départementale fait incarcérer à la Visitation les 4 otages choisis dans le camp royaliste dont parle le diariste. Puis les autorités incarcèrent Menjot d’Elbenne, ancien député au Conseil des Cinq-Cents, et inscrivent plusieurs femmes sur les listes de proscription, notamment Mmes de Rouillon, de Bellefille, des Morandais et de Bordigné, dont les maris sont partis en émigration ou se cachent (AD Sarthe : L 78, 81, 121, 283 ; Négrier de La Crochardière, Observations …, ms cité, t. III, p. 96). Mme de Bellefille et sa fille aînée quittent alors Le Mans pour échapper à l’arrestation : voir au 15 mars 1800.
444 Voir aux 4 et 24 janvier 1799.
445 Le négociant Pierre Thoré-Cohendet avait en effet acquis l’abbaye de l’Épau en juin 1791, et y avait ensuite installé une blanchisserie de toile. Plus tard, son fils Charles transformera le domaine de l’Épau en exploitation agricole modèle, dotée d’un système d’irrigation perfectionné, alimenté par deux roues hydrauliques (Étienne Bouton, Gilles Kervella, Michel Niaussat, L’Épau, l’Abbaye d’une reine, La Reinette, 1999, 150 pages, p. 78-80).
446 L’arrestation des otages a ému la population mancelle et ce d’autant que l’avocat Delaunay meurt subitement dans la prison. En rendant responsables sans distinction les opposants de toutes nuances au régime directorial, l’administration nourrit la cause royaliste (Robert Triger, La prise du Mans par les chouans le 15 octobre 1799, Fresnay-sur-Sarthe, 1899, 90 pages, p. 12).
447 Leprince d’Ardenay évoque une crise d’apoplexie « suite inevitable du chagrin de son injuste detention » (Mémoires, p. 227).
448 En effet, dès le 23 ventôse de l’an II [13 mars 1794], était prononcé le divorce de Marie-Julienne de Launay, 26 ans, et de Pierre-Marie Courtin du Plessis, 31 ans, ex-lieutenant du régiment d’Enghien, inscrit sur la liste départementale des émigrés, après un peu moins de 4 ans de mariage (J. Guilleux, « L’application de la première loi… », art. cité, p. 64).
449 Les Vétillard « du carrefour Saint-Nicolas » étaient cousins des Vétillard qui tenaient la blanchisserie de toiles à Pontlieue. Comme son cousin Michel-François, Louis-Michel Vétillard, dit du Fresne, (1771-1801), avait épousé une demoiselle Haton de La Goupillière (voir en janvier 1797). Gabrielle-Jeanne-Louise met ici au monde son second enfant. Le premier, prénommé Louis-Gabriel était né l’année précédente et deviendra un agronome réputé (Linière, Armorial, t. II, p. 708-709).
450 Marie-Josèphe-Michelle Breinterch, veuve de Jean-Joseph-Benoît Duval de Suarez (voir au 3 octobre 1779), demeurait rue des Fossés, dans une maison appartenant aux Nepveu.
451 Les années de Pierre : en fait, Pie VI ne manque pas les années Saint-Pierre, car il n’y aura pas d’année sainte en 1800. En effet, la situation difficile de l’Église ne permet pas à Pie VII de convoquer un Jubilé.
452 « Il Papa bello », le séduisant pape Pie VI, finit tristement son règne, contraint par la République française de renoncer à son pouvoir temporel et de se contenter de son pouvoir spirituel. En février 1798, il est obligé de quitter le Vatican pour Valence où il fut incarcéré. Il meurt épuisé, le 29 août 1799, à l’âge de 82 ans. Il est d’abord enseveli civilement à Valence, puis son corps est ramené en triomphe en février 1802 et enterré dans la basilique Saint-Pierre de Rome.
453 Confusion du diariste entre le titre de l’époux et le nom de jeune fille de l’épouse (voir note suivante).
454 Anne-Marie de Trie venait de mettre au monde la petite Eugénie-Henriette. Elle était l’épouse d’Alexandre-François de Lonlay, marquis de Villepail. Cette famille vivait en son château de Montdragon à La Bosse, à 35 km au nord-est du Mans, près de Bonnétable (Linière, Armorial, t. I, p. 453-455).
455 Ce nouveau-né est peut-être Paul, dont R. de Linière situe l’arrivée en 1798 (Armorial, t. II, p. 507). Voir « au commencement de juillet 1798 » (dans le texte et en note).
456 Par opposition à ce qui s’était passé lors de la Virée de Galerne fin 1793, les occupants font preuve d’une discipline et d’une modération qui étonnent les habitants du Mans. Il s’agit cette fois d’une armée organisée, regroupant quelque 3 000 hommes qui ont su converger vers la ville avec méthode, et la surprendre à l’aube (M. Auffret et P. Bois, « La période révolutionnaire », op. cit., p. 221 ; R. Triger, La prise du Mans…, op. cit., p. 28-74). Les Affiches du 15 thermidor an VII [2 août 1799] se font l’écho d’incidents intervenus les 9 et 14 thermidor. Dans celles du 20, on ne trouve plus aucun récit de l’invasion de la ville par les Chouans.
457 Dernier fils de Jacques-Nicolas Nepveu de Bellefille et de Françoise-Magdeleine Le Bon, Alexandre-Henri, né le 10 décembre 1777, était entré à l’école militaire en 1787. Le décret du 1er février 1792, qui avait rétabli l’utilisation du passeport, entraîne l’arrestation du jeune homme.
458 Françoise-Michelle Richard de Beauchamp avait épousé René-Prosper de Sapinaud de Boishuguet en 1790. Le diariste écrit Boisouillé, puis se reprend à la fin de l’article et écrit Boishuguet.
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