1 Quelques travaux remarquables existent cependant sur les commissaires, en particulier : C. Colin, Pierre Régnard le Jeune et le quartier de police de St Eustache (1712-1751), maîtrise Paris VII, 1990 ; N. Dyonet, « L e commissaire Delamare et son Traité de la police (1639-1723) » in C. Dolan (dir.) Entre justice et justiciables, les auxiliaires de la justice intermédiaires entre la justice et la population de la fin du Moyen Âge au xxe siècle, p. 101-119 ; S. Kaplan, « Notes sur les commissaires », RHMC n° 28, 1981, p. 669-687 ; Ch. Romon, Mendiants et vagabonds à Paris d’après les archives des commissaires au Châtelet, 1700-1784, thèse EHESS, 1981.
2 L.-S. Mercier, Le Tableau de Paris, 1782-1788, chap. « Commissaires ».
3 Selon C.-J. de Ferrière, Dictionnaire de droit et de pratique, t. 1, art. « Commissaires au Chastelet », 1769 ; les commissaires « représentent dans toutes leurs fonctions les juges au civil, à la police et au criminel ». Sur leurs fonctions, voir également : N. T. des Essarts, Dictionnaire universel de police, 1786-1789 ; N. Delamare, Traité de police, 1705-1738.
4 Cette très longue carrière a produit des archives nombreuses et bien conservées, Archives nationales, série Y, articles 11305 à 11443.
5 L.-S. Mercier, Tableau de Paris, dans Paris le jour, Paris la nuit, éd. R. Laffont, 1990, p. 57-58.
6 Le commissaire « ancien » est chargé de cordonner l’action des autres commissaires et des inspecteurs départis dans le quartier. Cette fonction ne dépend pas nécessairement de l’ancienneté effective et semble dépendre de plus en plus, passé 1750, du choix fait par le lieutenant général de police. Chénon père a habité plusieurs hôtels dans le quartier du Louvre : rue Bailleul en 1751, rue St-Honoré de 1751 à 1760 et enfin rue Baillet. Il est sans doute propriétaire de ce dernier hôtel.
7 J. Berlière, Les commissaires du quartier du Louvre 1751-1791. Contribution à une histoire de la praxis policière dans le Paris du second xviiie siècle, thèse de l’École nationale des Chartes, 2008, chap. 1.
8 L’office de commissaire au Châtelet voit son prix augmenter tout au long du xviiie siècle. Après avoir été de 40 000 livres (£) en 1750, il peut atteindre jusqu’à 80 000 £ en 1782. Lenoir évoque des sommes de 100 000 £ à la veille de la Révolution.
9 « Trop souvent le commissaire est absent ; il est allé à ses plaisirs, ou apposer des scellés », L.-S. Mercier, Tableau de Paris, chap. 489.
10 D’autant que Chénon a toujours su s’entourer de clercs particulièrement efficaces, capables en son absence d’assurer la gestion des affaires et la réception des plaignants dans son hôtel.
11 Les commissaires doivent conserver les archives des anciens possesseurs de leur office. Il n’est pourtant pas systématique que l’ancien possesseur de l’office ait été en poste dans le même quartier que le nouveau commissaire. Aux Archives nationales, les archives de Demortain ne sont pas conservées avec celles de l’office de Chénon père, à l’exception de ce document.
12 Les papiers de Chenon ne sont pas les seuls à présenter ce type de documents qui traduisent la montée en puissance des procédures d’enregistrement des populations, voir par exemple, Noms, demeures et distribution des décrotteurs placés sur le pont Notre-Dame et qui en ont obtenu la permission, sd, et État des marchandes d’oranges qui ont obtenu la permission de vendre des oranges sur le Pont-Neuf à commencer du mois de décembre 1784 pendant une année, AN Y 12 528, V. Milliot, « L a police des métiers ambulants et métiers non corporés de Paris au xviiie siècle », La polizia del lavoro : il definirsi di un ambitodi controllo, Università di Messina, 30 novembre/1 dicembre 2007, séminaire international organisé par Accademia Peloritana dei Pericolanti – Centro internazionale di ricerche e studi sociologici, penali e penitenziari (INTERCENTER) – Dipartimento di scienze della storia e della documentazione storica, Università di Milano – Dipartimento di storia e comparazione degli ordinamenti giuridici e politici, Università di Messina et surtout, V. Denis, Une histoire de l’identité, 1715-1815, Seyssel, Champ Vallon, 2008.
13 Albert reçoit l’état définitif le 23 mai 1776, deux mois après l’avoir demandé à Chénon.
14 AN, Y 11 403.
15 Les archives du commissaire n’indiquent pas si l’avis de l’homme de terrain a finalement été suivi par ses supérieurs.
16 « L a sansibilité que jet cru apersevoir ens vous lors de mons nenterrogatoire menspire assez de confiense pour vous suplier de mettre hutille. Vous le pouvé puisque les vois de consiliasons ettant ouverte a mons negard, ille nes questions que de devire ma defanse de selle de madame Desarnaud et de démontrer à monsieur le lieuxtenant de polisse dons vous savet la confiense le quite de sette devisions », lettre de la femme Bourgeteault, prisonnière au Petit Châtelet, 15/07/1780
17 Plusieurs embastillés citent nommément le commissaire Chénon fils et dépeignent leur arrestation en des termes très vifs dans des mémoires imprimés au moment de la Révolution – comme Le Prisonnier d’État de J.- Ch.- G. Le Prévôt de Beaumont (1791).
18 Le refus d’écouter un visiteur laisse, contre toute attente, des traces écrites. Ainsi, parmi les minutes de Louis Cadot, on trouve mention de nombreux plaignants qui précisent que c’est la deuxième, voire troisième fois, qu’ils viennent, le commissaire n’ayant pas daigné les entendre, prétextant un emploi du temps chargé, à la précédente visite.
19 Sur la question de l’embourgeoisement des commissaires, cf. les travaux de D. Garrioch. Par exemple, « The People of Paris and their police in the eighteenth century : Reflections on the introduction of a « modern » police force », European History Quaterly, 1994, p. 511-535. La notion de « bourgeoisie » a fait l’objet d’une nouvelle réflexion critique pour la fin du xviiie siècle, J.-P. Jessenne (dir.), Vers un ordre bourgeois ? Révolution française et changement social, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007.
20 Les interventions des curés parisiens semblent se faire de plus en plus rares à la fin du xviiie siècle. Ou peutêtre ne sont-elles pas mentionnées au magistrat ?
21 « T u as finy avec Monsieur le curé, mais tu n’as pas finy avec moy. Il faut que je te donne tant de coups que tu meures comme un chien, sans confession. Je ne veux pas que tu passes l’année avec moy », puis le mari se met à frapper à coups de canne sa femme en train de prier à genoux. (AN, Y 11 314) : plainte datée du 27 novembre 1751, de Marie Élizabeth Lavoine épouse Regnault, 22 ans, émancipée par mariage, contre son mari de moins d’un an, demeurant rue Sainte Marguerite, faubourg Saint-Antoine. Elle s’était retirée depuis deux mois à la Salpêtrière. Elle prévoit une demande en séparation de biens. Soulignons que le commissaire du Louvre n’est pas celui le plus proche de son domicile.
22 Cette dilatation de l’aire de recrutement de la clientèle a été interprétée par D. Garrioch comme un signe de l’accroissement de la mobilité quotidienne de la population parisienne, The Making of Revolutionnary Paris, London, Los Angeles, University of California Press, 2002, p. 252-253, cartes de localisation de la clientèle du commissaire Langlois (1709) et du commissaire Picart Desmarets (1788).
23 C. Colin, op. cit., p. 262.
24 C’est du moins ce que l’ont peut déduire des rares mentions faites dans les procès-verbaux de Chénon des arguments qu’il a utilisés.
25 Ceci est confirmé a contrario par l’étude des rébellions auxquelles Cadot et Chénon fils, moins appréciés des Parisiens, doivent faire face : ils n’ont pas les mêmes rapports avec la population parisienne. Par ailleurs, ces bonnes relations ont une utilité professionnelle pour le commissaire qui trouve dans les réseaux de sociabilités qu’il a su tisser l’essentiel de ses informateurs.
26 Comme le souligne V. Milliot, « l’on peut être tenté de souligner la division qui gagne le monde des commissaires, les résistances qui se manifestent à l’encontre d’une évolution qui valorise leur activité policière au détriment de leurs tâches de magistrat », « L e métier de commissaire : bon juge et « mauvais » policier ? », in C. Dolan (dir.), op. cit., p. 128. Pour leurs réformes, les lieutenants généraux s’appuient donc sur des hommes de confiance et qui semblent partager leurs vues.
27 AN, Minutier central, ET/XXIII /525. Les lettres de provision d’office datent du 15 juin 1743, AN, V1 335.
28 Lettres de provision d’office de Louis Cadot du 9/11/1731, AN, V1 284. Il restera au Louvre de 1731 à 1761, avant de passer les trois dernières années de sa carrière dans le quartier du Temple, sans que l’on sache d’ailleurs s’il y est enfin nommé « ancien ». Un cas de figure similaire survient dans le quartier de la Place Maubert avec le commissaire Lemaire, nommé ancien en 1758 dés son arrivée dans ce département, auquel Sartine confie à la fin des années 1760 la rédaction du mémoire sur la police de Paris, demandé par la Cour de Vienne, V. Milliot, « Saisir l’espace urbain : mobilité des commissaires et contrôle des quartiers de police à Paris au xviiie siècle », RHMC 50-1, janvier-mars 2003, p. 54-80 et, et S. Kaplan, V. Milliot, « La police de Paris, une « révolution permanente » ? Du commissaire Lemaire au lieutenant de police Lenoir, les tribulations du Mémoire sur l’administration de la police (1770-1792) », dans C. Denys, B. Marin, V. Milliot (dir.), Réformer la police. Les mémoires policiers en Europe au xviiie siècle, Presses universitaires de Rennes, 2009 (à paraître).
29 À titre de comparaison pour la seule année 1751, Pierre Chénon dresse 559 actes et Cadot 333. Par la suite, les écarts ne cessent d’augmenter entre les totaux des affaires traitées par les deux commissaires.
30 Sur la question des rapports entre Compagnie des commissaires et lieutenant général de police, cf. V. Milliot, Gouverner les hommes et leur faire du bien, Mémoire d’HDR, université Paris 1, 2002, p. 168-169.
31 Première mention dans un acte du 5 décembre 1785, AN, Y 11 428.
32 Entre autres, lettre du 21 septembre 1785 de De Crosne à Chénon : « Je ne puis qu’applaudir à vos différentes opérations pour mettre cette affaire en règle, et je vous remercie de votre attention à m’en informer », AN, Y 11 428.
33 AN, Y 11 363. La police et les Parisiens ont encore en mémoire les troubles de 1749-1750 à la suite d’« enlèvements d’enfants ». Voir en particulier Ch. Romon, « L ’affaire des enlèvements d’enfants dans les archives du Châtelet (1749-1750) » dans Revue historique, n° 3, 1983, p. 55-95 ; A. Farge et J. Revel, Logique de la foule. L’affaire des enlèvements d’enfants. Paris 1750, Paris, 1988.
34 Les originaux des procès-verbaux sont conservés avec les archives du commissaire Chénon, papiers dits de la Bastille, AN, Y 11 441.
35 F. Funck-Brentano, Catalogue des manuscrits de la bibliothèque de l’Arsenal, Archives de la Bastille, vol. IX, p. 257.
36 Sur la Librairie, voir par exemple les travaux de R. Darnton, The Forbidden Best-Sellers of Pre-Revolutionnary France, Norton Company, N. Y and London, 1995 ; The Corpus of Clandestine Litterature in France, 1769-1789, Norton Company, N. Y and London, 1995 et G. Gersmann, Im Schatten der Bastille : die Welt der Schriftsteller, Kolporteure und Buchhändler am Vorabend der Französischen Revolution, Stuttgart, 1993, qui font appel, entre autres, aux archives de Chénon père, et également les éléments de synthèse dans D. Roche, Les Républicains des Lettres. Gens de culture et Lumières au xviiie siècle, Paris, Fayard, 1988, p. 29-46.
37 Ms. 12 629, Bibliothèque nationale de France, bibliothèque de l’Arsenal.
38 Après une augmentation croissante du nombre de perquisitions, le maximum est atteint en juin 1789, avec 51 perquisitions, soit 90 % de l’ensemble des procès-verbaux dressés ce mois-là par Chénon.
39 Cf. R. Cheype, Recherches sur le procès des inspecteurs de police (1716-1720), Paris, 1975.
40 Arrestation du conseiller au Parlement Fréteau le 21 novembre 1787 (AN, Y 11 442), par Chénon père et l’inspecteur Quidor. Des rumeurs de brutalités policières se mettent à circuler dans Paris, et le commissaire cherche à s’en dédouaner. On a donc plusieurs brouillons de lettres qui viennent compléter son procès verbal.
41 Parmi ceux qui ont attiré l’attention sur l’existence de telles « équipes », E.-M. Benabou, La prostitution et la police des mœurs au xviiie siècle, Paris, Perrin, 1987 et C. Romon, Mendiants et vagabonds à Paris d’après les archives des commissaires au Châtelet, 1700-1784, thèse de doctorat de 3e cycle, EHESS, 1981, 2 vol. multigraphié et « Mendiants et policiers à Paris au xviiie siècle », HES, 1982, n° 2, p. 259-295.
42 Ancien exempt de la maréchaussée à Fontainebleau, Goupil prend officiellement la suite du célèbre d’Hémery comme inspecteur de la Librairie, de 1774 à 1777. Voir les travaux en cours de J.-P. Vittu et S. Juratic sur le Journal de la Librairie de l’inspecteur d’Hémery, menés à l’IHMC-CNRS.
43 Les deux visiteuses les plus assidues sont les femmes Malbranche et Lahure, qui viennent quasi quotidiennement, pendant plus de vingt ans – respectivement de 1758 à 1779 et de 1768 à 1790 – « spontanément » offrir leur aide à la justice. Mais on pourrait aussi citer la veuve Dodine (1757-1761), ou la femme (Le) Mansou à la longévité aussi remarquable (1757-1783).
44 Nous parlons ici uniquement du commissaire Chénon père : les occasions où les revendeuses se rendent chez Cadot puis chez Chénon fils peuvent se compter sur les doigts d’une main.
45 Le 12 octobre 1752, Chénon fait écrouer à For-l’Évêque Geneviève Ouin, revendeuse qui n’avait pas inscrit ses achats et ventes sur son registre, prétextant qu’elle était illettrée, AN, Y 11 317. Remarquons que cette femme n’avait jamais apporté d’indications au commissaire. En revanche, les informatrices de Chénon pour la plupart également illettrées, n’ont jamais de problème avec la police. Sont-elles toutes en règle ou le commissaire sait-il monnayer son silence à bon escient ?
46 40 sols puis seulement 20 sols à partir de 1764 quand le lieutenant général de police impose des économies. Au même moment, une chemise en relativement bon état est revendue 30 sols
47 Par exemple le 15 et 22 mars 1760, AN, Y 11 341, ou encore le 8 octobre de la même année, AN, Y 11 343.
48 24 décembre 1760. Un jeune homme, après avoir exposé un paquet de bas (volé quai de la Mégisserie), s’enfuit « intimidé par la revendeuse ». La femme Laudé, autre revendeuse, ayant vu toute la scène d’un peu plus loin, « lui a conseillé de se sauver du côté de la rue de la Monnaie, ce particulier s’est saisi d’un train de carrosse pour courir plus vite, la comparante l’a suivi et sous prétexte de l’échapper tout à fait, elle l’a fait entrer en notre hôtel. Quand cet homme s’est aperçu qu’il était détenu, il a voulu s’en aller mais elle, aidée de ses camarades, l’a retenu », AN, Y 11 343.
49 La source est donc partiale. Lenoir fait de l’incident une lecture différente : ce qui l’intéresse, c’est l’existence d’un meneur derrière les émeutes. La police avait également cherché des meneurs et vu un vaste complot derrière les émeutes de la guerre des Farines en 1775.
50 Nous ne savons pas quand Pierre Chénon est mort, mais nous savons que, le 22 avril 1793, il a obtenu son certificat de civisme, AN, F7 4 799. à cette date, il habitait toujours rue Baillet.
51 J.-C.-P. Lenoir, Mélanges, f. 305 v., Bibliothèque Municipale d’Orléans, ms. 1423.
52 S. L. Kaplan, « Note sur les commissaires », RHMC, 1981, p. 680.
53 Manuel, La Police de Paris dévoilée par l’un des administrateurs de 1789, Paris, an II.
54 La volonté de professionnalisation de la police, de spécialisation des tâches exprimée par les lieutenants généraux successifs contribue à proposer un nouveau modèle, beaucoup plus fonctionnel et centré sur la « sûreté publique », V. Milliot, art. cité dans C. Dolan (dir.) Entre justice et justiciable…, op. cit., p. 134.