Chapitre 7. Guerres et combattants dans un diocèse de la frontière maritime de la France
p. 157-179
Texte intégral
1Le chanoine Ruffelet est, à n’en pas douter, un homme de son temps en ce qui concerne sa façon d’aborder ce que l’on pourrait qualifier d’histoire militaire de la ville et du diocèse de Saint-Brieuc. Visionnaire sur bien des aspects, il offre, sur ce point, une approche des plus classiques, décevante aussi pour une part en raison même de la faible place qu’il accorde aux questions touchant à la guerre.
2Certes, nous le verrons, Saint-Brieuc d’une part, son diocèse d’autre part, ne connaissent plus qu’exceptionnellement les conséquences des opérations militaires qui pourraient s’y dérouler : de la fin des guerres de la Ligue, en 1598, au tournant des années 1760-1770 qui voient la rédaction des Annales briochines, seules la descente britannique de 1758 à Saint-Briac et la bataille qui en résulte le 11 septembre sur la plage de Saint-Cast font exception1. Il convient pourtant de ne pas oublier que la Bretagne en général, le diocèse de Saint-Brieuc en particulier, constituent une portion parmi les plus exposées des frontières maritimes de la France ; parmi les plus exposées, mais aussi parmi les plus mobilisées dans la défense d’un « pré carré » de plus en plus menacé alors que croît la rivalité franco-anglaise puis franco-britannique, notamment au cours de ce que l’on a pris coutume de qualifier de « Seconde guerre de Cent Ans », celle opposant la France et la « Perfide Albion » entre 1689 et 1815. L’on pensera, bien évidemment, à la mise sur pied de milices garde-côtes, à l’édification de batteries côtières, aux conséquences négatives pour la pêche et le cabotage de la présence de la croisière britannique au large des côtes du diocèse, etc. Mais les habitants de l’intérieur ne sont pas épargnés eux non plus : les guerres maritimes face à la Grande-Bretagne tout au long du XVIIIe siècle ont pour principale conséquence de rompre les liens commerciaux entre Saint-Malo et Cadix, ports par lesquels transitent les précieuses toiles bretagnes destinées au marché sud-américain.
3C’est ce décalage entre les réalités de la guerre vécues, au quotidien, par les Bretons des environs de Saint-Brieuc et la description – pour le moins sommaire – qu’en propose Ruffelet que nous souhaiterions mettre ici en exergue.
De « grands » hommes et quelques événements marquants
4La guerre, dans les Annales briochines, plus que des faits, ce sont des hommes, de « grands » hommes dont la principale particularité tient moins à une brillante carrière militaire qu’à des origines locales. Rares sont d’ailleurs ceux qui furent amenés à faire montre de leurs aptitudes au combat en Bretagne même.
De « grands » hommes originaires du diocèse de Saint-Brieuc
5Aux côtés d’un Pierre de Perrien, marquis de Crénan, « fait Lieutenant Général des Armées du Roi2 » en 1693, d’un Charles-Yves Le Vicomte, comte de Rumain, marquis de Coetanfao, du comte de Coëtlogon, du marquis Le Sénéchal de Carcado, respectivement promus « maréchal des Camps & Armées du Roi » et lieutenants-généraux en 17483, d’un marquis de Bréhand, « Maréchal de Camp & Inspecteur Général d’Infanterie4 », mort en 1765, personnages de rang assez secondaire dans l’histoire militaire du pays qui ne retiennent l’attention du chanoine qu’en raison de leur relative contemporanéité – Ruffelet en a sans doute croisé voire connu certains –, quelques rares individus, quelques familles aussi ont une tout autre dimension. Passons rapidement sur la famille de La Rivière5, qui occupe les fonctions de gouverneur de la ville de Saint-Brieuc et de la tour de Cesson à compter de 1667 : son rayonnement est essentiellement local. Il en va bien différemment de la famille de Lorges dont sont issus plusieurs officiers généraux de premier rang, à commencer par le fameux maréchal de Lorges6, de la famille de Goyon-Matignon, dont sont issus Jacques, maréchal de France en 1579, ou Charles-Auguste, chargé en 1708 d’accompagner Jacques Stuart « dans la tentative qu’il vouloit faire sur l’Ecosse7 ».
6Les figures de premier plan sont plus rares encore. Trois retiennent plus particulièrement l’attention dans la longue liste fournie par Ruffelet. Le premier d’entre eux est Alain-Emmanuel de Coëtlogon, fait maréchal de France au moment de sa mort en 17308. Né à Rennes en 1646, fils d’un conseiller au parlement de Bretagne, il avait rejoint la Marine en 1670 après deux années au sein de l’Armée. Lieutenant de vaisseau en 1672, capitaine de vaisseau en 1675, il se distingue en Sicile, au combat de Palerme et à celui d’Agosta durant la guerre de Hollande, puis en 1686, face à deux vaisseaux espagnols qu’il vainc avant de participer au bombardement d’Alger en 1688. Chef d’escadre durant la guerre de la Ligue d’Augsbourg, il combat à Bantry en 1689, à Béveziers l’année suivante puis à Barfleur et La Hougue en 1692, son intervention s’avérant décisive pour sauver Tourville. Il est également à Saint-Malo en 1693, lorsque les Anglais lancent une machine infernale sur la ville, rare occasion finalement pour ce Breton de participer à la défense de la province qui l’a vu naître. Lieutenant-général en 1701, il remplit les fonctions de vice-amiral lors du combat de Velez-Malaga en 1704. Ce sera d’ailleurs son dernier engagement sur mer puisqu’il commande ensuite la Marine à Brest avant de devenir membre du conseil de Marine en 1715, durant la Régence, puis vice-amiral du Levant en 17169. Louis-Robert-Hippolyte de Bréhan, comte de Plélo10, est indéniablement un homme de stature comparable. Né en 1699, sous-lieutenant des gendarmes flamands en 1717, colonel en 1722, commandant le régiment des dragons de Plélo, il abandonne cependant rapidement ses fonctions militaires pour la diplomatie en 1727 après avoir vendu son régiment. Bénéficiant de l’appui de sa belle-famille – il a épousé une Phélippeaux de La Vrillière, petite-fille, fille et sœur de secrétaires d’État de Louis XIV et Louis XV –, il est nommé ambassadeur de France au Danemark en 1729. C’est à ce titre qu’il prend la tête du petit corps expéditionnaire – 2 000 hommes seulement – envoyé par Louis XV en Pologne pour soutenir le tout nouveau roi, Stanislas Lezczinski, assiégé par les Russes dans Dantzig. C’est au cours de ces opérations que le comte de Plélo perd la vie, tué lors d’un assaut désespéré le 27 mai 173411. C’est aussi au combat que le maréchal de Guébriant trouve la mort le 24 novembre 1643, des suites d’une blessure reçue 7 jours plus tôt au siège de Rottweil, en pleine guerre de Trente Ans. Issu d’une longue lignée de militaires, Jean-Baptiste Budes, comte de Guébriant, était né à Saint-Carreuc, au château du Plessis-Budes, en 160212. D’abord soldat en Hollande, contraint à fuir la France suite à un duel, il ne revient qu’en 1630 pour devenir capitaine dans le régiment de Piémont puis aux Gardes françaises en 1631. Il combat en Picardie en 1636, dans l’Empire en 1637 puis à nouveau en 1638-1639, cette fois aux côtés de Bernard de Saxe-Weimar, avant de lui succéder, à sa mort en juillet 1639, à la tête de la petite armée que le prince allemand a réunie au service du roi Louis XIII. Il sert alors en Franche-Comté, possession espagnole, avant d’attaquer Ratisbonne avec les Suédois en 1640. Promu maréchal de France le 22 mars 1642 après ses victoires de Wolfenbüttel et Kempen en 1641 et 1642, gouverneur d’Auxonne à compter de 1641, il bénéficie d’obsèques solennelles à Notre-Dame de Paris, à l’instar, une quinzaine d’années plus tard, de sa veuve, Renée du Bec Crépin, la « maréchale de Guébriant », « non moins illustre que son mari » nous dit Ruffelet13.
7De « grands » hommes – ou de « grandes » dames… – originaires ou liées à la Bretagne donc, mais fort peu impliqués, à quelques exceptions près, dans les événements militaires touchant à la province et, plus encore, au diocèse de Saint-Brieuc : tel est le paradoxe des Annales briochines qui s’attachent pourtant à décrire la longue litanie des conflits que le « pays » eut à traverser.
La mémoire vive des guerres civiles
8Les grands faits guerriers touchant à l’histoire briochine sont en effet largement décrits, proposant une lecture, en négatif, des épisodes les plus durablement marquants. Ce sont les guerres « civiles », celles qui virent la division de la Bretagne en deux camps, qui occupent la place principale sous la plume de Ruffelet.
9Ainsi, tout d’abord, de la guerre de Succession de Bretagne, de 1341 à 1365, marquée par la prise de Jugon par Charles de Blois, l’un des prétendants, en 1342, sa reprise par Jean de Montfort, futur duc Jean IV, en 1364, mais aussi, pour l’auteur des Annales, par la signature du traité de Guérande, en 1365, qui permet à l’évêque de Saint-Brieuc, par ailleurs chancelier de Bretagne, d’obtenir la restitution des Châtelets, le manoir épiscopal confisqué par Jean de Montfort14. Ainsi des troubles réguliers que connaît le duché à la fin du XIVe et dans la première moitié du XVe siècle, résultant pour une part de la confrontation franco-anglaise, une période marquée par la prise de Jugon par Bertrand du Guesclin en 1373, par celle du château de Plancoët par le duc en 1389 et sa destruction, par le siège de Saint-Brieuc en 1394 par les troupes du connétable de Clisson, par la capture de plusieurs places du Penthièvre en 1420 – Lamballe, Jugon ou la Roche-Suhart –, en réponse à l’attentat contre la personne du duc, Jean V, fomenté par Olivier, comte de Penthièvre, et son frère Charles, tous deux fils de Charles de Blois15. Ainsi aussi de la guerre d’Indépendance qui voit le siège du château de La Chèze, en 1487, et la prise de Quintin, la même année, le comte de Quintin étant « un des principaux Seigneurs ligués alors contre le Duc de Bretagne16 ».
10Ainsi, enfin et surtout, des guerres de la Ligue, « tems d’horreur & de confusion » auxquels Ruffelet consacre plusieurs entrées des Annales briochines, pour les années 1590, 1591, 159217 – quand bien même il se montre bien silencieux sur les six années suivantes18. Il est vrai que c’est sans doute au cours des premières années de la guerre que le diocèse de Saint-Brieuc a été le plus touché. Villes et places fortes sont successivement assiégées par l’un ou l’autre des deux camps : Moncontour est prise par le prince de Dombes, au nom des armées du Roi, en 1590, assiégée en mars 1591, puis attaquée par le duc de Mercœur en 1593. En avril 1590, les ligueurs prennent Le Guémadeuc, en Pléneuf, pillent Bienassis, en Erquy. En juillet 1590, c’est au tour de la ville de Lamballe de tomber entre les mains des royalistes, les troupes de Mercœur, toujours maîtresses du château, les poussant cependant à lever le siège, tandis qu’une nouvelle tentative échoue en juillet 1591 en se soldant par la mort du fameux La Noue, « l’un des plus grands Capitaines de son siècle » selon Ruffelet19. L’année suivante, les troupes royales perdent Quintin, prise par les ligueurs, le débarquement à Paimpol de quelque 2 400 combattants anglais, envoyés par la reine Elisabeth pour soutenir les troupes royales, ne permettant pas de faire évoluer de manière significative l’équilibre des forces en cette zone de la province20. Les plus importants combats sont sans doute ceux qui se livrent en 1592 – et non 1591, comme l’écrit Ruffelet – autour de la tour de Cesson, initialement tenue pour le roi : dans les semaines qui suivent la victoire ligueuse de Craon, Jean d’Avaugour, sieur de Saint-Laurent, entend profiter de l’avantage acquis sur les marches de la province. Après avoir pris Malestroit, il avance vers Saint-Brieuc qui est occupée le 31 juillet tandis que le siège est mis devant la tour de Cesson, avec l’aide de Briochins chargés d’aménager les tranchées. Le 8 août, alors que d’Avaugour a établi son camp dans la plaine Saint-Michel, les troupes royales de Sourdéac prennent position près du manoir de la Ville-Bougault, au sud-est de la ville, et parviennent à desserrer l’étreinte ligueuse autour de la tour assiégée21. La bataille qui s’en suit permet aux royaux de s’avancer jusqu’à la cathédrale, la soldatesque en profitant pour piller les archives du chapitre, mais la nouvelle de l’approche d’une colonne espagnole vers Quintin conduit Sourdéac à suspendre les opérations. Cesson reste aux royalistes, Saint-Brieuc aux ligueurs, ce qui n’empêche pas, ainsi que le précise le chanoine, « l’Armée des Espagnols, Lorains, Lansquenets et autres gens de guerre », pourtant alliée des ligueurs bretons, de piller la ville de Saint-Brieuc quelques mois plus tard, en octobre-novembre 1592, après la prise de Quintin par Mercœur22.
11Mais l’ennemi n’est pas seulement « intérieur » : il est aussi pour une part extérieur.
Les côtes sous les coups de l’ennemi
12Nombreuses sont les menaces pesant sur la Bretagne en général, le diocèse de Saint-Brieuc en particulier, en raison de la position stratégique de la province entre France, Espagne et Angleterre. Les troupes « étrangères » y interviennent régulièrement. Ainsi de ces Espagnols et Lorrains de 1592 comme des Anglais de 1591, guère plus soucieux les uns que les autres de la population locale23. Ainsi des « François24 » qui accompagnent Olivier de Clisson en 1394 au moment du siège de Saint-Brieuc. Ainsi, enfin, des « Normans », très présents dans le duché depuis 913, contre lesquels Alain Barbetorte remporte « une victoire complette25 » près de Saint-Brieuc en 936, sans que l’on sache si le combat eut lieu à Péran, en Plédran, ou ailleurs.
13Mais ce sont les côtes du diocèse qui se montrent les plus exposées à cette menace extérieure. Le raid mené par « les Anglois [qui] ravagent l’Isle de Brehat » en 1409, pillant et rasant le château, brûlant les maisons, contraignant les habitants « de se retirer dans le continent26 » n’est qu’une de ces multiples descentes que connaissent les littoraux bretons au cours de cette période. Si des troupes hollandaises débarquèrent bien à Belle-Île en 1674, si des rumeurs de descente en soutien aux Bonnets rouges révoltés se répandirent bien en 1675, il n’est pas certain cependant que la « frégate ostendoise » venue s’échouer cette année-là « sur la grève de Plérin » ait participé à une opération de ce genre27 : il est probable que l’incident, mineur, ne soit ici rapporté par Ruffelet qu’en raison du rôle tenu alors par les miliciens de cette paroisse littorale, commandés par un de ses aïeux. La descente contre Lorient, en 1746, est une opération d’une tout autre ampleur : l’escadre de l’amiral Lestock parvient à mettre à terre les quelque 5 000 hommes du général Sinclair, contraignant la milice garde-côtes à se replier vers Lorient en laissant le champ libre aux troupes britanniques qui mettent le siège devant la ville le 5 octobre28. Si ce corps expéditionnaire rembarque moins d’une semaine plus tard sans avoir pu atteindre ses objectifs, l’inquiétude a été vive en Bretagne comme à Versailles, justifiant la venue du duc de Penthièvre : c’est à cette occasion que le gouverneur de la province fit d’ailleurs « sa première entrée dans la ville de S. Brieuc », étant « reçu avec grande solennité en qualité de Chanoine honoraire dans l’Eglise Cathédrale29 » ainsi que le note l’auteur des Annales briochines. Ruffelet néglige cependant de signaler que l’événement eut des répercussions bien plus directes sur les principales villes du diocèse – Saint-Brieuc, Lamballe ou Quintin – qui envoyèrent des détachements de leurs milices urbaines pour combattre les troupes du général Sinclair.
14Plus étonnant sans doute est la place, somme toute limitée, accordée à la principale bataille qui se tint dans les limites du diocèse de Saint-Brieuc : celle de Saint-Cast, remportée le 11 septembre 1758 par le duc d’Aiguillon sur le corps expéditionnaire du général Bligh. Le combat, livré sur la plage même, vient en fait clore toute une série de descentes menées par les Britanniques sur les côtes de France entre septembre 1757 et septembre 1758, à l’initiative de William Pitt. La dernière de ces opérations, qui débute par un débarquement le 4 septembre à Saint-Lunaire dans le but d’attaquer Saint-Malo, se solde ainsi par un échec patent pour le ministre de George II : les conditions météorologiques ne permettant guère la traversée de la Rance, les troupes britanniques doivent envisager un rembarquement dans l’anse de Saint-Cast, où s’est réfugiée la flotte du commodore Howe. Ce rembarquement se fait le 11 septembre sous le feu des troupes françaises concentrées là par le duc d’Aiguillon, commandant en chef de la province de Bretagne. Si la plus grande partie des redcoats regagne les vaisseaux de la Navy sans trop de pertes, l’arrière-garde, composée de troupes d’élites, guards et grenadiers, est presque entièrement détruite ou capturée30. Ruffelet ne s’étend guère sur l’événement en lui-même, il est vrai plus important sur le plan de la politique intérieure, quelques mois après les lourdes défaites de Rossbach et Louisbourg, que d’un strict point de vue militaire. C’est la médaille, gravée en l’honneur de la victoire à l’initiative des états de Bretagne qui, quelques semaines après Saint-Cast, s’ouvrent justement à Saint-Brieuc, qui retient son attention. Tout en rappelant le rôle du duc d’Aiguillon dans la victoire – le chanoine se montre d’ailleurs plutôt modéré envers celui qui incarne, au moment où il rédige les Annales briochines, le « despotisme royal » –, notre auteur met en avant le rôle tenu par « la noblesse et le peuple armoricain31 » dans l’événement.
15Cette vision des choses est pour le moins partiale, ne serait-ce que parce que les volontaires bretons ne représentent qu’à peine 1 % des effectifs engagés et parce que les miliciens garde-côtes de Basse-Bretagne restèrent pour la plupart en réserve, loin du cœur des combats du 11 septembre 175832. Il n’en reste pas moins qu’implicitement, Ruffelet rappelle ainsi que la défense du « pays » de Saint-Brieuc est, pour une part au moins, l’affaire de ses habitants.
La défense du « pays » : l’affaire de ses habitants ?
16En faisant des habitants du pays de Saint-Brieuc les principaux piliers de sa défense face à des incursions extérieures, Ruffelet fait sien l’un des topoï du temps, largement véhiculés par les élites citadines à travers la France de manière générale, la Bretagne plus particulièrement33. Si cette vision est de plus en plus critiquée, notamment de la part des officiers de l’armée royale, il n’en reste pas moins qu’elle justifie non seulement le maintien d’importantes milices bourgeoises dans la plupart des villes du diocèse, mais aussi l’entretien de fortifications dont l’utilité militaire n’est plus guère apparente.
Les fortifications urbaines, le passé plus que le présent
17Les fortifications des villes du diocèse de Saint-Brieuc sont dans les années 1760, alors que Ruffelet rédige les Annales briochines, un souvenir plus ou moins lointain dont ne subsistent que des traces fort inégales… lorsque ces fortifications existèrent.
18Le cas de la ville de Saint-Brieuc est de ce point de vue fort significatif et assez exceptionnel : elle est l’une des rares de Bretagne – la seule ? – à ne pas bénéficier en effet de remparts dignes de ce nom, y compris dans les derniers siècles du Moyen Âge. Ainsi que le rappelle Ruffelet, en 1394, les Briochins, assiégés par les troupes du connétable de Clisson, « se réfugient dans la cathédrale34 ». Il en avait d’ailleurs été de même en 1375 déjà et, deux siècles plus tard, en août 1592, c’est dans la cathédrale que les ligueurs de Saint-Laurent soutiennent les assauts des troupes royales qui viennent de faire lever le siège de la tour de Cesson. Ce n’est en effet qu’en 1628 que l’on « commence à bâtir les murailles de la Ville de S. Brieuc35 » précise le chroniqueur. Que l’on commence : car l’édification de cette enceinte ne sera jamais parachevée36. Le projet en remonte à 1623, des lettres patentes de Louis XIII accordant aux Briochins le droit de se fortifier dans les mois qui suivirent une attaque de huguenots rochelais contre Fort La Latte. Un premier plan, trop ambitieux, est abandonné en 1627, le gouverneur de la province poussant à l’édification d’une simple muraille à créneaux de 24 pieds de hauteur et 5 d’épaisseur en son sommet – de l’ordre de 7 et 1,5 m. Entre-temps, le financement des travaux a été obtenu par la levée d’un droit exceptionnel sur les boissons alcoolisées, « d’un sou par pot de vin, de 3 deniers par pot de cidre et d’autres breuvages vendus en détail dans la ville, faubourgs et havre du Légué ». Mais, dès 1641, alors que seules quelques toises des murs ont été construites, les travaux s’interrompent. Ils reprennent en 1686, suite à une assemblée des « nobles bourgeois et habitants de la ville et communauté », répondant en cela à un ordre du roi Louis XIV « de continuer à la construction des murailles, tours et fortifications de cette ville », une partie des recettes des octrois devant permettre de faire face aux coûts engendrés. En un contexte de plus en plus difficile économiquement, il ne semble pas que ces injonctions aient été suivies d’effets. L’embryon d’enceinte de Saint-Brieuc en reste donc à l’état de quelques portes et pans de murs37.
19C’est en effet à contretemps que l’on s’efforce d’édifier des remparts à Saint-Brieuc38. Depuis des décennies, l’heure est à l’abandon des fortifications urbaines, lorsqu’elles ne sont pas tout simplement détruites. Passons sur le cas, ancien, du château de Plancoët, dont la destruction remonte à 1389 ou à celle – la première – du château de Lamballe en 1420, conséquence de la félonie des Penthièvre39. L’essentiel des démolitions est postérieur aux guerres de la Ligue et aux « troubles excités dans le Royaume par César de Vendôme, duc de Penthièvre40 », entre 1614 et 1617. Il faut y voir la marque de l’imposition de sa volonté par un monarque absolu en butte aux révoltes régulières des grands du royaume. « La paix ayant enfin été rendue à cette Province, Henri IV, pour prévenir les maux infinis que les Garnisons de plusieurs Places fortes avoient causés à la Bretagne, ordonna la démolition » de la tour de Cesson dès 1598 ainsi que le rappelle notre chanoine, qui trouve ici l’occasion de rappeler le rôle de ses ancêtres : ce sont en effet « les Sieurs de Précréhant & Ruffelet, Sénéchal Royal de S. Brieuc, [qui] furent chargés en 1598 de l’exécution des ordres du Roi41 ». Une quinzaine d’années plus tard, c’est la ville de Moncontour qui, au début des guerres de la Ligue, « entourée de murs & défendue par un Château, flanqué de quatre tours », « passoit pour forte », subit les conséquences des décisions royales42. En 1614 encore, le Parlement de Bretagne, soutenant le roi, arrête que « ce qui a été fait et fortifié depuis les six mois au château de Lamballe sera démoli, et les terres provenant des bastions ou éperons démolis seront esplanadées et transportées plus loin, en sorte qu’elles ne puissent plus servir à l’avenir pour la fortification dudit château43 ». Il faut attendre 1626 cependant pour qu’en quelques semaines, entre le 15 septembre et le 28 novembre, la destruction soit effective44 : entre-temps, Richelieu avait donné une nouvelle impulsion à la démilitarisation des places-fortes de l’intérieur du pays45.
20Est-ce à dire que le diocèse se retrouve sans le moindre ouvrage propre à assurer sa défense ? Loin s’en faut. La priorité n’est plus cependant aux fortifications de l’intérieur en un royaume que le monarque absolu entend pacifier. C’est donc sur les frontières, et notamment les frontières maritimes, que se déplace l’effort de l’État qui se substitue de plus en plus aux villes et aux grands seigneurs. Fort La Latte bénéficie au cours du XVIIIe siècle de réaménagements lui permettant de prendre sa place dans le dispositif de protection des côtes nord de la Bretagne, et notamment de Saint-Malo, avec en 1756 un mortier et dix canons – dont six de 36 et un de 24. Surtout, des batteries côtières sont aménagées tout au long du littoral : de Lancieux à Pordic, l’on n’en compte pas moins de 9 en 1756, mettant en œuvre de l’ordre de 31 pièces d’artillerie si l’on y inclut celles de la tour des Ebihens et de Fort La Latte46. Certes, la puissance de ces canons est souvent très modeste au regard de ceux des navires, anglais ou hollandais, qu’ils pourraient être amenés à affronter. Certes, leurs servants, simples miliciens garde-côtes, ne sont pas toujours à la hauteur techniquement. La chose n’en illustre pas moins non seulement la littoralisation progressive des fortifications mais aussi la place prise par les milices dans les efforts de défense des côtes du royaume (voir carte 7).
Milice bourgeoise, milice provinciale et milices garde-côtes
21Une quarantaine de villes bretonnes disposent, au XVIIIe siècle, d’une milice bourgeoise. Ces troupes, dont l’origine remonte à la période médiévale, jouèrent un rôle non négligeable lors des troubles des guerres de la Ligue. Toutefois, au dernier siècle de l’Ancien Régime, leur fonction militaire s’est largement amoindrie quoique la plupart des villes du diocèse de Saint-Brieuc en aient encore une puisqu’un état de 1703 recensant les détachements mobilisables pour la défense littorale attribue un contingent de 100 hommes à Saint-Brieuc et Lamballe, 50 à Quintin et Moncontour et même 30 à Jugon47 (voir carte 8).
22On ne dispose néanmoins de renseignements précis, grâce à des archives fournies, que sur la milice urbaine de Saint-Brieuc48 qui semble conserver toute sa vitalité jusque dans les années 1780. La ville est divisée en sept quartiers, formant chacun une compagnie d’une centaine d’hommes : on compte ainsi 760 miliciens en 177649. Des listes précises sont dressées tout au long du siècle, mentionnant pour chaque compagnie les officiers mais également les habitants susceptibles de servir, insistant particulièrement sur ceux possédant des armes. Si beaucoup de Briochins renâclent face au service qu’implique l’appartenance à la milice urbaine et cherchent à s’en exempter, les notables, au contraire, prisent fort les places d’officiers. Le prestige de ces postes reste important, d’autant qu’ils participent souvent d’un véritable cursus honorum menant au bureau de ville : n’oublions pas que le maire est de droit colonel de la milice urbaine. Quelques familles, comme les Dubois de Bosjouan et les Poulain de Corbion ont tendance à truster à la fois les grades de capitaines et de lieutenants et l’échevinat. La nomination de ces officiers est d’ailleurs complexe puisqu’ils sont à la fois proposés par la communauté et désignés par le gouverneur de la ville, sous couvert, néanmoins, d’une ratification par le gouverneur de Bretagne. Le prestige de l’uniforme et des épaulettes motive les notables briochins qui, en 1780, sollicitent de pouvoir en porter, l’intendant ne pouvant que leur opposer une fin de non-recevoir, leur rappelant que le règlement du 21 février 1779 interdit tout port d’uniforme ou de distinctions militaires aux troupes municipales50.
23Le service quotidien de la milice bourgeoise consiste principalement en la garde, c’est-à-dire des patrouilles nocturnes et une présence au corps de garde. Certes, on peut douter de l’efficacité de ces quelques hommes pas toujours très motivés et patrouillant à heure fixe mais, du moins, à défaut d’arrêter ou dissuader les délinquants, ils assurent une certaine sécurité « psychologique » aux bourgeois. La principale faiblesse de la garde bourgeoise vient de ce que de nombreux assujettis se font remplacer par des pauvres moyennant quelques sous. De façon compréhensible, les remplaçants n’entendent pas prendre de risque et ne déploient pas un zèle excessif dans l’accomplissement de leur mission… D’ailleurs, si elle subsiste à Saint-Brieuc, la communauté de Lamballe assure, en 1730, ne pas y être soumise et ne pas l’exercer51. Il n’en reste pas moins que, expression forte du patriotisme urbain, la milice est présente dans toutes les grandes occasions : passage d’un haut personnage (intendant, commandant en chef, ministre, prince du sang…), Te Deum pour une victoire royale, célébrations pour la naissance d’un enfant royal, etc. Lorsque l’intendant de Bretagne Caze de La Bove passe par Quintin le 16 juin 1775, 80 hommes de la milice bourgeoise sous les armes l’accueillent au nom de la cité52.
24En raison de la proximité du littoral et de la menace britannique pesant sur ces mêmes côtes en période de conflit, les milices bourgeoises bretonnes, et particulièrement celle de Saint-Brieuc, conservent une fonction militaire. Des détachements sont ainsi régulièrement envoyés sur la côte, celui de Saint-Brieuc intégrant plusieurs paroisses rurales des environs53. Lorsque, en 1746, les Britanniques menacent Lorient, de nombreuses villes bretonnes envoient un détachement au secours de la cité assiégée. Saint-Brieuc parvient alors à mobiliser 200 hommes, conduits par M. Villemain Souvestre, Lamballe presque autant et Jugon 25, souvent de simples artisans, quelques compagnons marchant même pour leur maître54. C’est la dernière véritable mobilisation de cette envergure mais, en 1780 encore, des miliciens briochins sont envoyés sur le rivage pour préserver un navire corsaire malouin malencontreusement échoué et à la merci d’éventuels adversaires britanniques55. L’idéal d’une milice urbaine prenant une part active à la défense du « pays » subsiste par conséquent à la fin de l’Ancien Régime à Saint-Brieuc, sans doute à Lamballe et à Jugon, peut-être moins à Quintin et Moncontour, et le chanoine Ruffelet s’en fait naturellement l’écho.
25Une autre troupe non-professionnelle contribue notablement à la défense du diocèse de Saint-Brieuc, la milice garde-côtes. Quoique ses origines remontent à la période du duché breton, cette institution connaît une rationalisation sous les règnes de Louis XIV et, plus encore, de Louis XV. L’ordonnance du 25 février 1756 lui donne une indéniable impulsion et contribue à transformer en une véritable troupe militarisée ce qui ne fut pendant longtemps qu’une cohue indisciplinée. L’aire de recrutement de la milice garde-côtes s’étend jusqu’à une distance de deux lieues – de l’ordre de 8 kilomètres – du littoral, villes non comprises, puisqu’elles possèdent leur propre milice urbaine. Dans les paroisses concernées, presque tous les hommes de 18 à 60 ans – les exempts sont rares – appartiennent d’office aux compagnies du guet, qui n’effectuent aucun service en temps de paix et qui, en période de conflit, doivent seulement stationner comme sentinelles dans les guérites et corps de garde jalonnant le littoral afin de signaler toute flotte ou tout navire suspect. Pour ces 80 000 hommes – environ 10 800 dans le diocèse de Saint-Brieuc –, la charge est donc relativement limitée. Il en va différemment pour ceux des compagnies détachées, désignés par tirage au sort parmi les célibataires de 18 à 45 ans, dont on attend un service actif en temps de guerre, à savoir servir les batteries côtières en répliquant aux feux des navires ennemis et, le cas échéant, s’opposer à une descente de soldats britanniques. Le diocèse de Saint-Brieuc comprenant deux capitaineries après la réforme de 1756, celles de Saint-Brieuc et de Matignon, les hommes de ces compagnies détachées y sont un millier – 500 hommes par capitainerie –, sur un total de 10 000 pour la province.
26Il convient toutefois de relativiser la valeur militaire de ces troupes, qui effectuent pourtant de véritables manœuvres deux fois l’an, au moins à partir de 1756. D’un aide-major de la milice bourgeoise de Landerneau affirmant qu’une compagnie de troupes réglées, soit moins d’une centaine d’hommes, bat, dans tous les cas, 500 hommes de milice, garde-côtes comme bourgeoise, à Voltaire qui, dans L’ingénu, met en scène des garde-côtes mourant de peur à la vue d’un navire anglais, les contemporains accordent peu de crédit à ces troupes composées pour l’essentiel de paysans56. Les Britanniques eux-mêmes les méprisent volontiers et en font peu de cas, le caporal Todd, qui participe aux expéditions de 1758, affirmant à propos des miliciens : « nous savons qu’ils ne résisteront pas quand ils seront attaqués, puisqu’ils fuient toujours dans la plus grande confusion57 ». Un officier, le capitaine Clerk, renchérit : « [ils] imaginent au début qu’ils peuvent se battre et ont de bonnes intentions jusqu’au moment où tout le monde se dérobe et cède presque avant qu’une section fasse feu58 ». Ces milices montrent toutefois en plusieurs occasions leur utilité contre les corsaires, comme en 1756, lorsque leur intervention dissuade deux bâtiments britanniques de s’emparer des canons et munitions d’une goélette française échouée à Dahouët59, épisode finalement proche de celui relaté par Ruffelet pour l’année 1675, la « frégate ostendoise60 » qu’il évoque ne pouvant être qu’un bâtiment corsaire. En fait, les autorités militaires françaises attendent surtout des compagnies détachées qu’elles fassent nombre lors d’une menace ennemie et, éventuellement, qu’elles gênent un débarquement puis retardent la marche de l’adversaire.
27Un dernier type de service militaire pèse sur les habitants du diocèse, du moins sur une petite minorité d’entre eux, la milice provinciale, dite aussi royale. Notre chanoine souligne bien sa création en 168861, plus exactement par l’ordonnance du 20 novembre. Si l’on peut y voir une réminiscence des francs-archers de Charles VII (1448) ou des Légions de François Ier (1534), remonter aux troupes communales médiévales voire aux Romains relève bien de l’illusion d’une époque soucieuse d’ancrer dans un lointain passé ses propres institutions. Toutefois, Ruffelet ne fait ici que suivre les érudits de son époque62. En réalité, la milice de 1688 est bien une création ex-nihilo, dans le contexte d’une guerre imminente, celle de la Ligue d’Augsbourg, qui oppose bientôt la France à tous ses voisins européens. D’abord destinés à la garde des forteresses, les miliciens sont bien vite incorporés aux troupes de ligne lors des guerres louis-quatorziennes puis, de façon moins systématique, lors de celles de Louis XV.
28Le recrutement de cette « milice de terre », qui exclut ainsi logiquement les paroisses ressortissant à la garde-côtes et, jusque dans les années 1730, les villes, se fait par tirage au sort. Une fois retranchés les nombreux exempts et, surtout, inaptes – beaucoup de garçons ne mesurent pas les 5 pieds réglementaires –, les célibataires de 18 à 40 ans tirent le billet sous le contrôle du subdélégué de l’intendant de Bretagne. Toléré, malgré certaines ordonnances contraires, davantage pratiqué en ville qu’en milieu rural, le recours à la substitution semble moins répandu en Bretagne que dans d’autres provinces63. L’exemple des miliciens de Lamballe à la fin des années 1750 montre d’ailleurs que si la plupart d’entre eux sont d’origine modeste, ils n’appartiennent généralement pas à la catégorie des déshérités.
29À partir de 1726, la milice provinciale bretonne comporte 7 bataillons portant chacun le nom du centre de rassemblement : Nantes, Rennes, Vannes, Carhaix, Dinan, Redon et bien évidemment Saint-Brieuc. Les limites de ce dernier ressort ne se calquent pas sur celles du diocèse puisqu’il inclut une grande partie du Trégor. Le bataillon de Saint-Brieuc est finalement supprimé en 1776, peut-être pour donner des gages aux états provinciaux et au parlement de Rennes – cette suppression devant se traduire par un allégement de la fourniture en hommes –, alors que l’« affaire de Bretagne » agite la province. Son ressort est alors partagé entre les quatre bataillons voisins, une trentaine de paroisses, essentiellement gallèses, rejoignant celui de Dinan, une vingtaine celui de Vannes, une quinzaine, parmi les plus occidentales et toutes bretonnantes, celui de Carhaix, et moins de dix, voisines de Loudéac, celui de Redon64.
30Comme le remarque avec justesse le chanoine Ruffelet, le bataillon de Saint-Brieuc participe aux différents conflits du règne de Louis XV65. Il convient à ce propos de noter qu’à l’instar de leurs homologues bretons, ces miliciens servent, pour l’essentiel, en dehors de la province, alors que, en plusieurs occasions, des bataillons poitevins voire aquitains viennent assurer la défense du littoral breton. En 1727, période de paix mais de tensions avec l’Autriche au moment de la « guerre de Gibraltar », il monte par exemple la garde dans les environs de Dunkerque66. Il séjourne ensuite en Hainaut pendant la guerre de Succession de Pologne et même au-delà67. Lors de la guerre de Succession d’Autriche, en Flandres, il participe notamment au siège d’Ostende en août 1745, intégré au sein de l’armée commandée par le maréchal de Saxe, comme le remarque non sans fierté Ruffelet, le maréchal étant sans conteste le plus brillant chef de guerre du règne de Louis XV68. Même si la découverte de nouveaux horizons pour des jeunes gens n’ayant souvent jamais quitté leur province voire les environs de leur paroisse ne doit pas être négligée, le sentiment de déracinement et l’angoisse l’emportent très certainement chez ces miliciens. Ils paient en outre un lourd tribut à la guerre, succombant davantage aux maladies pernicieuses qu’aux combats proprement dits. De mai 1746 à décembre 1747, les 7 bataillons bretons perdent ainsi 589 hommes dans les hôpitaux flamands69.
31Fortifications délabrées ou inexistantes, milices bourgeoises peu efficientes, bataillon briochin de la milice provinciale engagé loin du littoral breton, en Flandres ou ailleurs : on le voit, au moment où Ruffelet rédige les Annales briochines, la défense du diocèse de Saint-Brieuc ne peut plus s’appuyer sur les seules forces locales, et ce depuis 150 ou 200 ans au moins. Désormais, c’est aux troupes royales que revient cette mission.
Un « oubli » de Ruffelet : les troupes réglées de l’Armée royale…
32Ce sont les troupes réglées de l’Armée royale qui, bien plus que les maigres effectifs d’une milice bourgeoise et de milices garde-côtes bien peu efficaces, assurent en cas de conflit l’essentiel de la protection éventuelle de la ville de Saint-Brieuc d’une part, de son diocèse d’autre part. Le chanoine briochin n’en dit mot pourtant, alors même que les municipalités de Saint-Brieuc, Lamballe, Quintin ou Moncontour, ou les généraux des paroisses rurales y consacrent nombre de leurs délibérations, signe de l’importance – croissante – du sujet au cours du XVIIIe siècle.
Une présence récurrente… voire permanente
33Le diocèse de Saint-Brieuc, comme l’ensemble de la Bretagne, fournit peu de troupes à l’armée réglée, qui recrute surtout à Paris et dans les provinces du Nord et de l’Est. Divers facteurs géographiques, sociaux et culturels expliquent le peu d’engouement des jeunes Bretons, encore plus les ruraux que les urbains, à s’engager dans les troupes du roi70. Ainsi, lorsque, après la réforme de 1764, le prestigieux régiment des Gardes françaises se met à recruter en province, seul se distingue en Bretagne M. de La Moussaye, qui engage 11 recrues à Lamballe entre le 16 juillet 1785 et le 12 juillet 1789, total assez faible, puisqu’un de ses homologues de Saumur en recrute près du double71. En revanche, cette armée de ligne est bien présente dans la province, et même de plus en plus au fil du XVIIIe siècle, particulièrement à partir de la guerre de Sept Ans.
34Plus nombreuses en période de conflit, ces troupes se concentrent autour de Brest et, dans une moindre mesure, de Saint-Malo et de Lorient. Un des deux itinéraires les plus empruntés, la route du nord menant de Saint-Malo à Brest, traverse ainsi le diocèse de Saint-Brieuc. De Dinan, les troupes font étape à Lamballe puis à Saint-Brieuc, avant de partir vers Guingamp ou, pour une minorité, vers Châtelaudren. De rares compagnies voire bataillons provenant du pays vannetais ou s’y rendant séjournent occasionnellement à Uzel et Moncontour. En 1755-1756, pas moins de 17 régiments d’infanterie, 3 de cavalerie et un bataillon de milice parcourent, au moins en partie, la route allant de la Normandie à Brest et, de ce fait, traversent le diocèse72. Ces soldats ne se contentent d’ailleurs pas de passer : certains séjournent pendant plusieurs mois. Seule la ville de Saint-Brieuc, toutefois, héberge régulièrement bataillons et régiments d’infanterie, les officiers répugnant à disperser les compagnies alors que les autres localités peuvent difficilement loger les 500 hommes d’un bataillon. Ponctuellement néanmoins, Lamballe et Quintin accueillent des détachements. Il en va différemment de la cavalerie et des dragons, le souci principal des états-majors étant d’assurer une fourniture suffisante en fourrage, quitte à séparer les différentes compagnies, parfois réparties sur un vaste territoire. Par exemple, durant l’été 1755, l’état-major et deux compagnies du régiment Colonel-Général dragons sont à Lamballe, alors que Jugon et Moncontour hébergent chacun une compagnie, le reste de l’unité séjournant à Saint-Méen, Combourg et Montfort73. Lamballe, Moncontour mais également Quintin servent fréquemment de quartier à la cavalerie tout au long du siècle74. Cependant, les séjours sont irréguliers dans les plus petites localités : les propriétaires de casernes de Moncontour se plaignent d’ailleurs, en 1764, que les bâtiments demeurent vides depuis trois ans, ce qui les prive de loyer75.
35Si les régiments en quartiers dans le diocèse font peu de recrues, il n’en va pas de même de certains officiers du cru. Passons sur les enrôlements forcés, qui cessent pratiquement après le règne de Louis XIV, activité dans laquelle s’illustre tristement le sieur Visdeloup de Bonamour, officier de Royal-La Marine qui, en 1711, fait régner la terreur à Quintin, Moncontour et dans les campagnes environnantes, les jeunes paysans n’osant même plus fréquenter les marchés76. Par contre, c’est tout à fait légalement que sont recrutées les compagnies de Chollet et de Treffa l’aîné du régiment de Saxe-Volontaires en 1745 et 1746, partie dans le pays rennais, partie dans les diocèses de Saint-Brieuc et de Tréguier77. Avec 10 recrues chacune, Saint-Brieuc et Plélo équivalent d’ailleurs la ville de Rennes.
36Cette présence de soldats souvent originaires d’autres provinces, parfois étrangers – l’armée française compte autour de 20 % de soldats allemands, suisses, irlandais, etc. – se révèle souvent pesante pour les populations mais sans doute encore plus pour les autorités locales, d’abord chargées de leur procurer un logement.
Casernement et logement des gens de guerre
37Jusqu’à la fin de l’Ancien Régime perdure le logement des gens de guerre, c’est-à-dire l’obligation faite aux habitants d’héberger chez eux des soldats, quitte à leur céder leur lit. Les militaires ont également droit à l’« ustensile », principalement composé d’une marmite, de couverts et d’un accès au feu pour cuisiner leur ration quotidienne de viande, généralement sous forme de soupe. Toutefois, ce mode d’hébergement régresse en Bretagne dès le début du règne de Louis XV, si bien qu’il ne subsiste, sauf exception, que pour les séjours de courte durée n’excédant pas deux nuits. Le dérangement n’en est pas moins réel au sein des familles, alors que se développe l’intimité et que le nombre relativement important d’exempts fait retomber la charge sur les artisans et boutiquiers78.
38Les séjours des troupes se succèdent en période de conflit alors que les périodes de paix se caractérisent par leur absence ou leur rareté. Ainsi, à Saint-Brieuc, à l’instar des autres villes du diocèse, plusieurs régiments ou bataillons sont en quartiers durant toute la guerre de Sept Ans, le tout pratiquement sans interruption79. Par exemple, le régiment de Guyenne, arrivé le 13 décembre 1759, part le 6 mars 1760 et est remplacé par le régiment de Foix dès le 29 mars. En revanche, la cité briochine n’accueille aucune troupe notable entre le 12 avril 1763 et le 5 juin 1768.
39Plusieurs ordonnances royales généralisent le casernement des troupes à partir de 1716, la gestion en étant confiée à la commission intermédiaire des états de Bretagne, créée en 1734. Ces casernes ne sont la plupart du temps que de grandes maisons louées par les municipalités et qu’il faut ensuite aménager, les habitants devant y apporter des fournitures : mobilier (lits, tables, bancs) mais aussi draps, couvertures… À Lamballe, toutefois, Micault de Mainville, frère du correspondant de la commission intermédiaire des états, fait construire une grande bâtisse avec des écuries au rez-de-chaussée pour loger deux compagnies de cavalerie, caserne qu’il loue ensuite à la Province80. Faute d’initiatives privées semblables dans les autres villes du diocèse, les responsables municipaux se contentent de louer de grandes maisons vides, en accord avec le correspondant local de la commission intermédiaire des états de Bretagne. La conservation des archives de celui de Saint-Brieuc, Chouesmel de La Salle, permet de dresser le plan de la répartition de ces casernes pour le siège de l’évêché. On constate que, contrairement aux souhaits des officiers, soucieux de la discipline de leurs hommes, ces dernières sont relativement dispersées, même si émergent quelques espaces préférentiels, comme les environs de la place Saint-Pierre, les rues de Gouët et de Saint-Gouéno ainsi que le quartier Fardel81.
40Même si chaque troupe reste rarement casernée plus d’une année au même endroit, et quelquefois bien moins, militaires et civils sont contraints de cohabiter. Certes, les années 1760-1770, au cours desquelles écrit Ruffelet, n’ont plus rien à voir avec celles du début du siècle, encore moins avec le siècle précédent : la discipline des troupes a notablement progressé et les habitants n’ont généralement plus affaire à des soudards brutaux et sans scrupule, ce qui n’exclut pas quelques cas de violence. En outre, certaines épidémies progressent bien au pas du soldat, ce qui explique que l’arrivée, en 1779, du régiment du Maine à Saint-Brieuc répand l’épouvante car certains hommes seraient porteurs de la « maladie de Dol82 ».
41D’autre part, s’ils constituent indubitablement une charge pour un certain nombre de particuliers, les militaires sont également des consommateurs, quand bien même la faiblesse de leur solde les pousse fréquemment à solliciter un crédit auprès des petits commerçants. Le désir d’améliorer l’ordinaire conjugué aux préventions des officiers envers une oisiveté jugée délétère pour les mœurs expliquent la participation de ces troupes à de grands travaux. On voit ainsi, à l’automne 1780, 105 hommes du régiment d’Aquitaine, caserné à Saint-Brieuc, envoyés à Lamballe pour régulariser et élargir le cours du Gouessant, sous la direction de l’ingénieur des Ponts-et-Chaussées Perroud83. En revanche, si, occasionnellement, quelques soldats possédant une qualification exercent une activité professionnelle auprès d’un maître artisan, jamais la main-d’œuvre militaire ne concurrence massivement les ouvriers locaux, ce qui se produit parfois dans l’Est et le Nord de la France. Au final, s’établit le plus souvent une cohabitation pacifique entre civils et militaires, débouchant à l’occasion sur des relations plus fortes, comme en témoignent quelques mariages ainsi que certains parrainages d’enfants par des soldats84. Chassin de La Villechevalier, échevin puis maire de Quintin, entretient avec les officiers de passage logés sous son toit des relations fort cordiales dont témoigne son journal, qui précise quelquefois la province d’origine du militaire, son nom, son grade voire certaines particularités de son régiment, fruits de conversations que l’on imagine fort courtoises85.
42Au total, pour les contemporains du chanoine Ruffelet, la guerre dans ce territoire de la frontière maritime de la France qu’est le diocèse de Saint-Brieuc repose bien moins sur le souvenir, fugace, de quelques grandes figures ou sur la mémoire de quelques rares opérations menées sur le littoral de la Bretagne nord – celles de 1758 mises à part – que sur une multitude de faits bien plus concrets, rappelant aux uns et aux autres la présence lancinante de la « chose militaire » dans leur quotidien.
43Cette chose militaire, ce sont avant tout les différentes formes de mobilisation, volontaires ou contraintes, que constituent les milices bourgeoises, provinciales et garde-côtes auxquelles en général l’on souhaite avant tout échapper. C’est aussi le logement des troupes, fort inégalement réparti et touchant surtout les principales villes situées sur les grandes routes, Saint-Brieuc et Lamballe au premier chef, Moncontour, Quintin, Châtelaudren, Uzel de manière plus ponctuelle. Ce sont encore les charrois au profit de l’armée, bagages un jour, boulets un autre, ou bien le simple passage de régiments entiers ou de soldats isolés à la recherche de leur unité : l’on trouve régulièrement la trace de ces hommes dans les registres de sépultures, à l’instar de ceux de Jugon, mentionnant la mort « de maladie », en décembre 1762, de Jacques Avenel, « soldat du corps royal de l’artillerie » ou ceux de Saint-Brieuc signalant le décès en août 1771 de Jean David Aron des Salles, originaire de Montreux, dans le canton de Bern, « soldat au régiment suisse d’Erlach », qui prit soin au préalable d’abjurer sa foi protestante. C’est enfin la naissance, plus ou moins attendue, d’un certain nombre d’enfants, légitimes à l’instar, en 1755, de Marie Henriette, fille de Robert Le Most, « cavalier dans le régiment de Dampierre, compagnie de St-Gilles actuellement en quartier à Châtelaudren », ou non, telle cette Anne Charlotte « fille illégitime de Françoise Morvan », née quelques jours plus tard dans la même paroisse, dont tout laisse à penser que le parrain, Charles Merlin, de la même « compagnie de St-Gilles, régiment de Dampierre », pourrait être le père.
44On est loin, ici, de la vision de la guerre et des combattants du chanoine Ruffelet. Gageons en effet que, plus qu’un maréchal de Guébriant ou qu’un Coëtlogon, chef d’escadre, la figure aujourd’hui oubliée de ce Charles Merlin fut bien plus proche du vécu de la plupart des Bretons.
Notes de bas de page
1 Sur les menaces sur le littoral du nord de la Bretagne du XVIe siècle aux années 1760, voir Lagadec Y., Perréon S. (en collaboration David Hopkin), La bataille de Saint-Cast (Bretagne, 11 septembre 1758). Entre histoire et mémoire, Rennes, PUR, 2009, 451 p.
2 Voir infra, Annales 1693.
3 Voir infra, Annales 1748.
4 Voir infra, Annales 1765.
5 Voir infra, Annales 1667, 1696 ainsi que la Liste des gouverneurs et maires, notices 28, 29, 30, 31.
6 Voir infra, Annales 1405, 1691, 1745, 1768.
7 Voir infra, Annales 1579 et 1708.
8 Voir infra, Annales 1730.
9 Taillemite E., Dictionnaire des marins français, Paris, Tallandier, 2002, p. 105 et Granier H., Marins de France au combat, t. 2 : 1610-1715, Paris, France-Empire, 1994, p. 299.
10 Voir infra, Annales 1734.
11 Sur ce personnage, voir Kerviler R., Répertoire général de bio-bibliographie bretonne, Rennes, Plihon, 1899, rééd. 1978, t. 3, p. 187-190 et Rathery E.-J.-B., Le comte de Plélo. Un gentilhomme français au XVIIIe siècle, Paris, Plon, 1876.
12 Sur le maréchal de Guébriant, voir notamment Kerviler R., Répertoire général…, op. cit., t. 4, p. 93-97. Ruffelet mentionne par ailleurs Sylvestre Budes, « parent et contemporain du fameux Bertrand du Guesclin », « moult vaillant & hardi Chevalier » selon Froissart, mort en 1379, et Joseph-Marie Budes, comte de Guébriant, fait chef d’escadre le 1er janvier 1757. C’est lui notamment qui, commandant de L’Orient, un vaisseau de 80 canons, dirige l’escadre blanche, forte de sept vaisseaux, lors de la bataille des Cardinaux le 20 novembre 1759. Sur cette branche de la famille Budes de Guébriant, voir Aubert de la Chesnaye des Bois F.-A., Dictionnaire de la noblesse, contenant les généalogies, l’histoire et la chronologie des familles nobles de la France, Paris, Duchesne, 2e éd., 1772, t. IV, p. 675 et Vergé-Franceschi M., Les officiers généraux de la marine royale, 1715-1774, Paris, Librairie de l’Inde, 1990, t. 4, p. 1603-1613 et t. 7, p. 65-66.
13 Voir infra, Annales 1643. Elle fut notamment chargée de conduire à Stanislas IV, roi de Pologne, la princesse Marie-Louise de Gonzague, épousée par procuration, et devient ambassadrice du roi de France dans ce pays, ambassade dont les péripéties sont contées par Le Laboureur J., Relation du voyage de la Royne de Pologne et du retour de Mme la mareschalle de Guébriant, ambassadrice extraordinaire, Paris, Camusat, 1647. Elle meurt le 2 septembre 1659 à Périgueux, pendant les négociations du traité des Pyrénées auxquelles elle avait souhaité assister en se faisant conférer le titre de première dame d’honneur de la jeune reine Marie-Thérèse d’Autriche. Sur ce personnage, voir Carré H., « La maréchale de Guébriant à l’armée d’Allemagne (1643) », Le Mercure de France, 1er octobre 1920, p. 82-112.
14 Sur la guerre de Succession de Bretagne, voir Cassard J.-C., La guerre de succession de Bretagne, dix-huit études, Spézet, Coop Breizh, 2006, 356 p. Par ailleurs, infra, Annales 1342 et 1365.
15 Voir infra, Annales 1342, 1389, 1394, 1420.
16 Voir infra, Annales 1487. Sur les tensions politiques au sein du duché au tournant des XVe et XVIe siècles et sur la guerre d’Indépendance, voir Leguay J.-P., Martin H., Fastes et malheurs de la Bretagne ducale, 1213-1532, Rennes, Ouest-France, 1982, p. 389-433.
17 Voir également infra, Annales 1579.
18 Sur la Ligue en Bretagne en général, dans la région de Saint-Brieuc en particulier, voir le récent ouvrage de Le Goff H., La Ligue en Bretagne. Guerre civile et conflit international (1588-1598), Rennes, PUR, 2010, 573 p.
19 Sur les opérations autour de Lamballe, voir Dutemple C., Histoire de Lamballe, réédition, Paris, Res Universis, 1990, t. I, p. 140-153.
20 Le Goff H., « Tractations diplomatiques et opérations militaires dans la région de Saint-Brieuc durant l’été 1591, à partir de documents anglais inédits », MSECDA, t. CXXXVIII, 2010, p. 51-136.
21 Le Goff H., « La bataille de Cesson et de Saint-Brieuc, 7/9 août 1592 », MSECDA, t. CXXXVII, 2009, p. 249-265 et Ambroise B., Saint-Brieuc pendant les guerres de la Ligue, Mémoire de master 2 (P. Hamon, dir.), université Rennes 2, 2010, p. 123-144.
22 Ambroise B., Saint-Brieuc pendant les guerres de la Ligue…, op. cit., p. 147.
23 Voir infra, Annales 1592 et 1591.
24 Voir infra, Annales 1394.
25 Voir infra, Annales 937.
26 Voir infra, Annales 1409.
27 Voir infra, Annales 1751. Sur ce point, voir Chotzen Ch.-M., « Le gouvernement hollandais et la révolte du Papier timbré. L’amiral de Ruyter et la Bretagne en 1675 », AB, 1942, p. 105-109 et Bruijn J.-R., The Dutch Navy of the Seventeenth and Eighteenh Centuries, Columbia, University of South-Carolina Press, 1993, p. 91.
28 Cette descente a donné lieu à de nombreuses publications. Nous ne retiendrons ici que les travaux très complets de Diverres P., « L’attaque de Lorient par les Anglais (1746) », MSHAB, 1930 p. 267-338 et 1931, p. 1-112, ainsi que les mises en perspectives proposées plus récemment par Harding R., « The Expedition to Lorient, 1746 », Age of Sail, n° 1, 2002, p. 34-54 et Pourchasse P., « La Vierge contre les Anglais : mémoire d’un non-événement (Lorient, 1746) », ABPO, t. 114, 2007, p. 185-194.
29 Voir infra, Annales 1746.
30 Sur cette bataille, voir Lagadec Y., Perréon S. (en collaboration David Hopkin), La bataille de Saint-Cast…, op. cit.
31 « … Nobilitatis et Populi Armorici », voir infra, Annales 1758.
32 Sur la construction de ce mythe de la victoire « bretonne » de Saint-Cast, voir Hopkin D., Lagadec Y. et Perréon S., « La bataille de Saint-Cast (1758) et sa mémoire : une mythologie bretonne », ABPO, t. 114, 2007, p. 195-215.
33 Le recours à l’arrière-ban de la noblesse de la province en 1746 dit d’ailleurs combien ces valeurs dépassent largement ces seules élites citadines. Il en va de même de la mobilisation de quelques dizaines de volontaires au moment des opérations britanniques contre Saint-Malo à l’été 1758 ; sur ces questions, Lagadec Y., Perréon S. (en collaboration David Hopkin), La bataille de Saint-Cast…, op. cit., p. 174-180, et Perréon S., L’Armée en Bretagne au XVIIIe siècle. Institution militaire et société civile au temps de l’intendance et des États, Rennes, PUR, 2005, p. 131-134.
34 Voir infra, Annales 1394.
35 Voir infra, Annales 1628.
36 Sur ces questions, Riet D., La ville et les armes. Milices et troupes à Saint-Brieuc au XVIIIe siècle, mémoire de maîtrise (F. Lebrun, C. Nières, dir.), université Rennes 2, dact., 1978, p. 20-22.
37 La remarque de Ruffelet sur la façon dont la ville se dote de canons pour sa défense dit bien, par ailleurs, les limites des défenses de la ville aux XVIIe et XVIIIe siècles comme dans les siècles précédents : non seulement elle est dépourvue de murs, mais elle ne dispose que de huit canons, dont deux sont hors d’usage. Saint-Brieuc n’aurait guère eu les moyens de résister à l’attaque d’une armée régulière.
38 Riet D., La ville et les armes…, op. cit., p. 22 rappelle d’ailleurs que dès le début des années 1780, une décennie à peine après la parution des Annales briochines, plusieurs voix s’élèvent pour que l’on détruise les maigres fortifications de Saint-Brieuc.
39 Voir infra, Annales 1389 et 1420.
40 Voir infra, Annales 1590.
41 Voir infra, Annales 1591. Sur la tour de Cesson, voir Trévédy J., « La tour de Cesson et la forteresse de Saint-Brieuc », MSECDN, 1893, p. 47-142.
42 Voir infra, Annales 1590.
43 Arrêt cité par Dutemple C., Histoire de Lamballe…, op. cit., t. 1, p. 164.
44 Voir infra, Annales 1590.
45 Sur la destruction des fortifications en Bretagne dans le premier tiers du XVIIe siècle, voir Duval M., « La démilitarisation des forteresses au lendemain des guerres de la Ligue (1593-1628) », MSHAB, 1992, p. 283-305.
46 Il y a en outre 15 corps de garde et 9 pavillons afin de transmettre l’alerte sur la même portion de côte (Richelot R., « La côte de Bretagne depuis Lancieux jusqu’à Pordic d’après un manuscrit du chevalier Mazin, 1756 », MSECDN, 1970, t. XCIX, p. 62-88). En 1777-1778, d’après un état des batteries des côtes de Bretagne, il y aurait au moment de l’entrée en guerre contre l’Angleterre 17 batteries et 42 bouches à feu sur le littoral des capitaineries de Plancoët, Saint-Brieuc et Paimpol ; Lacombe C., « Les milices garde-côtes en Bretagne d’après la réforme du maréchal de Belle-Isle, 1756-1778 », Actes du 91e Congrès national des sociétés savantes, Rennes, 1966, Paris, CTHS, 1969, p. 29.
47 Service hist. de la Défense/Département de l’Armée de terre – A1 1704, « Distribution des milices bourgeoises des villes de Bretagne » et Perréon S., L’Armée en Bretagne au XVIIIe siècle…, op. cit., p. 139.
48 Voir infra, Annales 1692.
49 Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine – C 1143, état de la milice bourgeoise de Saint-Brieuc, août 1776.
50 Cité par Riet D., La ville et les armes…, op. cit., p. 57-58.
51 Nières C., Les villes de Bretagne au XVIIIe siècle, Rennes, PUR, 2004, p. 466.
52 « Journal d’un habitant de Quintin au dix-huitième siècle », MSECDN, t. LXXXV, 1956, p. 44-45.
53 En 1714, il s’agit de Pordic, Plérin, Plouvara, Saint-Donan, La Meaugon, Trégueux, Plédran, Pommeret et Planguenoual ; Riet D., La ville et les armes…, op. cit., p. 62.
54 Service hist. de la Défense/Département de l’Armée de terre – A1 3188, lettre du subdélégué de Lamballe, 6 octobre 1746. Voir aussi le récit qu’en fait Dutemple C., Histoire de Lamballe…, op. cit., t. 1, p. 103-106.
55 De Goué A., Les charges et obligations militaires de la Bretagne depuis la fin du XVIe siècle jusqu’en 1789, Paris, A. Rousseau, 1906, p. 77.
56 Cité par Corvisier A., « Quelques aspects sociaux des milices bourgeoises au XVIIIe siècle », dans Les hommes, la guerre et la mort, Paris, Economica, 1985, p. 228 et Voltaire, L’ingénu, Lausanne, s. n., 1767, p. 51-52.
57 Todd Caporal W., The Journal of the Corporal Todd 1745-1762, Stroud, Sutton, 2001, p. 87.
58 Lettre au général Ligonier, 15 juillet 1757, TNA, WO72/4 (Rochefort Papers). Nous remercions le professeur Richard Harding de nous avoir communiqué cette source.
59 Durand C., Les milices garde-côtes en Bretagne de 1716 à 1792, Thèse, Rennes, 1927, p. 76.
60 Voir infra, Annales 1751.
61 Voir infra, Annales 1688.
62 En témoigne, par exemple, l’ouvrage du jésuite Daniel, qui traite de la « milice française » (mais en fait de toute l’armée) depuis l’Antiquité ; Daniel Père G., Histoire de la milice françoise et des changemens qui s’y sont faits depuis l’établissement de la Monarchie françoise dans les Gaules jusqu’à la fin du règne de Louis le Grand, Paris, Saugrain, 1728, 2 vol.
63 Perréon S., L’Armée en Bretagne au XVIIIe siècle …, op. cit., p. 164-168.
64 Les paroisses contributrices du diocèse de Saint-Brieuc se retrouvent dès lors pour la plupart au sein du bataillon de Dinan, et pour une minorité dans ceux de Vannes et de Redon. Alors que la plupart des paroisses de la subdélégation de Quintin ressortissent au bataillon de Dinan, quelques-unes, dont Quintin et Plounévez, font partie de celui de Vannes ; Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine – C 4704, tableau pour la répartition du tirage au sort dans la province, années 1780.
65 Voir infra, Annales 1688.
66 Perréon S., L’Armée en Bretagne au XVIIIe siècle …, op. cit., p. 169.
67 Nieres C., Les ville de Bretagne …, op. cit., p. 459.
68 Hennet L., Les milices et les troupes provinciales, Paris, L. Baudoin, 1884, p. 90-93.
69 Service hist. de la Défense/Département de l’Armée de terre – Ya 487, décès dans les troupes de milice.
70 Perréon S., L’armée en Bretagne…, op. cit., p. 170-173 et « Le recrutement de l’armée de terre au XVIIIe siècle. L’exemple breton », ABPO, 2001, n° 3, p. 69-85.
71 Chagniot J., Paris et l’armée au XVIIIe siècle. Étude politique et sociale, Paris, Economica, 1985, p. 500-501.
72 Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine – C 927 et C 4699. Cela correspond à environ 20 000 soldats.
73 Perréon S., L’Armée en Bretagne …, op. cit., p. 220, et Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine – C 4699.
74 Plusieurs états des années 1780 ne mentionnent toutefois plus Moncontour. Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine – C 928, état de casernement pour le 1er mars 1788 notamment.
75 Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine – C 4698, supplique adressée aux États de Bretagne, 1764.
76 Service hist. de la Défense/Département de l’Armée de terre – A1 2347, dossier et correspondance, avril-juillet 1711.
77 Service hist. de la Défense/Département de l’Armée de terre – 7 Yc 40.
78 Pour Saint-Brieuc, voir l’« État des habitants de la ville de Saint-Brieuc sujets au logement des troupes », 1767, cité par Riet D., La ville et les armes…, op. cit., p. 94-96.
79 Galmiche E., « La vie militaire à Saint-Brieuc sous l’Ancien Régime et au début de la Révolution », AB, 1918-1920, p. 131-132.
80 Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine – C 3812, p. 9-10. Un traité est conclu avec la commission intermédiaire des états de Bretagne le 10 décembre 1754.
81 Arch. dép. des Côtes-d’Armor – C 95, pièces comptables du correspondant à Saint-Brieuc de la commission intermédiaire des états. En 1788, 5 casernes sur un total de 21 sont situées rue de Gouet ; Galmiche E., « La vie militaire… », art. cité, p. 130-131.
82 Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine – C 89, requête des administrateurs de l’hôpital de Saint-Brieuc. Sur cette épidémie de 1779, voir Lebrun F., « Une grande épidémie en France au XVIIIe siècle : la dysenterie de 1779 », dans Coll., Sur la population française au XVIIIe et au XIXe siècles. Hommage à Marcel Reinhard, Paris, Société de démographie historique, 1973, p. 403-415, Lebrun F., « Les épidémies en Haute-Bretagne à la fin de l’Ancien Régime (1770-1789). Présentation d’une enquête collective », Annales de démographie historique, 1977, p. 193-205 et Goubert J.-P., Malades et médecins en Bretagne (1770-1790), Paris, C. Klincksieck, 1974, p. 356-380.
83 Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine – C 518, lettre du maire Boullaire Duplessix à l’intendant, 28 octobre 1780. Sur la question des soldats travailleurs en Bretagne, voir Perréon S., « Le triomphe de l’utilitarisme. Pouvoir municipal et soldats en Bretagne dans la seconde moitié du XVIIIe siècle », MSHAB, t. LXXXVI, 2008, p. 277-290 et Perréon S., « La pelle et le fusil : la contribution militaire aux travaux publics en Bretagne à la fin de l’Ancien Régime », Revue historique des armées, n° 249, 2007, p. 114-123.
84 À Jugon, au milieu du XVIIIe siècle, l’épouse d’un cavalier est marraine de l’enfant d’un menuisier alors que celle d’un officier navigant porte sur les fonts baptismaux la fille d’un soldat. Un cavalier du même régiment de Conti obtient un congé pour se marier ; Olivier-Martin F., Notes historiques sur la ville et la châtellenie de Jugon des origines à 1789, Jugon, Rue des scribes, rééd. 1985, p. 208-212.
85 « Journal d’un habitant de Quintin… », art. cité, p. 50-56.
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