Chapitre 1. La montée en puissance de l’UDN, 1946-1957
p. 53-94
Texte intégral
1La Seconde guerre mondiale a eu des conséquences significatives sur la domination française en Afrique. La défaite de 1940, suivie des dissensions entre la « France libre » du général de Gaulle et le régime de Vichy, eurent un impact négatif sur le prestige de la France. La conscience politique de ceux, parmi les Africains, qui nourrissaient des réserves par rapport au colonialisme français fut considérablement stimulée par les combats qui eurent lieu sur le continent, par la présence de milliers de soldats africains sur de nombreux théâtres d’opérations, et par la manière dont la France dépendit, pour sa propre libération, des troupes alliées.
2Cette évolution des mentalités se produisit au Niger comme ailleurs. Le personnel européen de la colonie avait fait ses valises pour aller s’occuper d’affaires plus pressantes ailleurs, tandis que l’administration coloniale, fermement inféodée à Vichy, prenait une série de mesures répressives aux fins de rester maîtresse de la situation1. L’affaiblissement de la position française amena quelques-uns des chefs coutumiers du Niger à reprendre du poil de la bête – alors que leur statut avait été sérieusement compromis par la domination coloniale – et les aspirations nationalistes du petit nombre de Nigériens dont les horizons s’étaient élargis à la faveur d’une éducation moderne furent attisées par la nouvelle situation. Les dernières années du conflit mondial – 1944 et 1945 – surtout furent, pour reprendre les mots de l’un d’entre eux, « les années des grandes illusions2 ». La lutte des États-Unis contre les puissances de l’Axe et leur racisme criard, le compagnonnage entre soldats noirs et blancs au sein de l’armée américaine, les exploits héroïques de l’Union soviétique, enthousiasmèrent ces jeunes gens autant que les actions des Français libres qui, d’ailleurs, avaient promis, lors d’une conférence à Brazzaville (1944), que l’Afrique pouvait espérer des réformes politiques de fond à la fin de la guerre3.
Carte 1.1 – Connexions nigériennes (ouest).
Carte 1.1 – Connexions nigériennes (est).
3Parmi les Nigériens qui observaient ces événements, se trouvait un homme appartenant à cette classe nouvelle désignée du nom de « commis » par ses compatriotes, classe d’hommes ayant été à l’école des Blancs et ayant adopté certaines de leurs manières. Les Français les désignaient de façon plus condescendante par le mot « évolués ». Ce « commis », cet évolué, s’appelait Djibo Bakary. Au contraire de la grande majorité des « commis » d’avant-guerre4, Bakary ne descendait pas d’une famille princière. Il était un talaka, un homme du commun, quelqu’un qui, dans une société nigérienne traditionnellement hiérarchisée en statuts, appartenait aux couches d’en bas. Il avait cependant fait ses classes, d’abord à Tahoua, ville du centre du pays, puis à Niamey, la capitale. À l’exemple de tout scolaire nigérien prometteur à cette époque, il était passé de l’École primaire supérieure (EPS) de Niamey à la prestigieuse école William Ponty de Sébikhotane, au Sénégal. Il en revint « pontin » authentique, c’est-à-dire muni d’un diplôme de William Ponty et habilité à enseigner comme instituteur dans les différentes écoles du pays. À l’époque, le Niger ne disposait que d’une cinquantaine de ressortissants ayant atteint ce niveau d’instruction5.
4Dans la confédération des possessions françaises en Afrique de l’Ouest, l’Afrique-Occidentale française (AOF), le Niger faisait figure de quantité négligeable. C’était l’une des colonies les plus pauvres de la région, avec seulement 2 % de sa population ayant reçu une éducation moderne en 1945, chiffre qui grimpa péniblement jusqu’à 4 % à la veille de l’indépendance, en 1960. En 1958 encore, le pays ne comptait que 546 élèves de niveau secondaire en tout, contre environ 5 000 pour le Sénégal. Le travail salarié employait, en 1960, 13 000 personnes sur 2,5 millions d’habitants6, la majorité de la population s’activant dans le secteur agricole (vivrier et de rente), l’élevage et le commerce. La plupart des salariés étaient du reste des travailleurs non-qualifiés, généralement des saisonniers employés dans la récolte de l’arachide qui constituait alors le principal produit d’exportation du Niger. Les salariés permanents étaient au nombre de 6 0007 environ, pour moitié d’ailleurs issus de colonies plus avancées comme le Dahomey (Bénin), le Sénégal et le Soudan (Mali).
5Les « commis », comme l’indique le terme, étaient généralement employés dans l’administration coloniale ou au sein du secteur privé contrôlé par les Français. En dehors de l’enseignement, un Nigérien ne pouvait à cette époque s’attendre à voir sa carrière culminer que jusqu’à la position de commis expéditionnaire ou d’employé de bureau, tel que assistant administratif, secrétaire ou interprète. Les positions de cadre exigeaient ou en tout cas étaient réservées à un personnel plus instruit en provenance de la métropole, lorsqu’elles n’étaient pas occupées par des « AOFiens » qui, dans la logique de la politique d’assimilation, ne se privaient pas de montrer leur mépris à leurs frères nigériens. Ces derniers, quant à eux, une fois instruits, s’éloignaient de campagnes dédaignées, en quête d’emploi dans les quelques bourgades du pays8.
6Dans ce contexte de hiérarchies sociales en lente mutation, les « commis » occupaient une position ambiguë. Ils étaient souvent méprisés par les Européens. Les administrateurs coloniaux non seulement dédaignaient leurs aspirations à un statut plus élevé, mais les considéraient aussi comme des trublions potentiels. Mais d’un autre côté, ils n’étaient plus tout à fait adaptés à leur milieu d’origine. Après 1945, la plupart des « commis » émergèrent des rangs des talakawa (pluriel haoussa de talaka), voire de familles serviles qui continuaient à souffrir de ce stigmate. Ils étaient surtout issus des zones de langue zarma et songhay de l’ouest du Niger qui avaient considérablement souffert de la taxation gouvernementale, du travail forcé et du déracinement induit par les migrations. Bien que roturiers, les « commis », grâce à leur acquisition de compétences modernes, étaient associés par la population au monde de ces Français qui paraissaient tout-puissants9. Les administrateurs français eux-mêmes provenaient en majorité de la petite bourgeoisie ou des marges historiques de la France, telles que la Bretagne et la Corse. Élevés soudainement à un pouvoir sans contrôle, ils étaient considérés avec crainte par la population10.
7L’écrasante majorité de cette population résidait dans les zones rurales, et la vie dans les campagnes avait connu quelques changements notables. La culture de l’arachide dans les régions centrales et orientales, d’expression haoussa, avait transformé ces dernières en moteur économique de la colonie, ce qui amena leurs habitants à développer des sentiments régionalistes fondés sur leur plus grande contribution à l’impôt. Leur ressentiment était également nourri par le transfert de la capitale de Zinder à Niamey en 1926 et par la prépondérance des Zarma et des Songhay dans l’éducation moderne, et par suite, dans l’appareil administratif de la colonie. En effet, l’éducation française avait accompli moins de progrès dans les régions Centre et Est où les grands chefs haoussa – les Sarakuna (pluriel de Sarki) – continuaient, en dépit des reculs enregistrés face au pouvoir colonial, à exercer une grande influence sur les communautés paysannes11. Il convient d’ailleurs de noter à cet égard que, sous l’effet de la colonisation, le rôle des anciens chefs avait subi des changements drastiques à travers tout le Niger. Au cours des années 1920, les chefs étaient devenus des fonctionnaires trônant à la tête de villages et de cantons administrativement circonscrits, et la population récriminait contre le rôle qu’ils jouaient désormais dans la collecte de l’impôt, les recrutements pour l’armée et les travaux d’intérêt public, le maintien de greniers obligatoires et les nombreux abus découlant de ces nouvelles responsabilités12.
8Les « commis », avec leurs humbles origines sociales et les aptitudes modernes qui les attiraient vers les villes, se trouvaient dans une situation qui les mettait en porte à faux avec l’autorité des chefs. Il en était de même de ces groupes de ruraux placés au plus bas de l’échelle sociale, mais qui avaient pu briser, à travers leurs activités économiques, les barrières du cercle villageois. Ces activités étaient, en partie, la continuation du vieux commerce précolonial, particulièrement développé en pays haoussa13, mais elles avaient pris de nouvelles dimensions grâce à l’introduction des technologies modernes de communication et de transport et aux exigences de l’administration moderne, productrice de nouveaux métiers. Tout un peuple d’artisans, de fabricants, d’ouvriers et de différentes catégories de petits commerçants et de revendeurs avait ainsi gagné les nouveaux centres urbains du pays, dans lesquels il était également possible de trouver du travail comme domestique, garçon de bureau ou gardien. Ces gens étaient appelés « le petit peuple14 », et, comme la plupart des « commis », ils appartenaient aussi à cette classe des talakawa qui aspirait à l’ascension sociale dans l’ordre nouveau. Une autre catégorie de travailleurs urbains, mieux lotie et techniquement plus sophistiquée que la précédente, nourrissait les mêmes ambitions : chauffeurs, mécaniciens, employés des PTT, cadres administratifs subalternes – dont la position se rapprochait de celle des « commis » proprement dits. À la faveur des nouveaux investissements publics mis en œuvre après la Seconde guerre mondiale, ces classes laborieuses devinrent un prolétariat semi-urbanisé dont les membres maintinrent leurs liens avec les campagnes, mettant ainsi en place un flux continu d’idées et de biens entre la ville et l’arrière-pays.
9Par conséquent, les intérêts du « petit peuple » et des couches sociales apparentées, tout comme ceux des « commis », étaient potentiellement opposés à ceux de la chefferie15 dont le pouvoir reposait essentiellement sur le statu quo dans les campagnes et la bienveillance du maître étranger. Ces deux groupes représentaient certes une petite minorité dans un Niger sous-développé et peu urbanisé16, mais ils étaient présents dans toutes les régions disposant d’agglomérations importantes – l’Ouest, où se trouvait la capitale, tout comme le Centre et l’Est, qui, non seulement formaient le moteur économique de la colonie, mais possédaient aussi les centres urbains relativement récents de Maradi et Tahoua, en plus de la ville plus ancienne de Zinder. L’existence de ces groupes horizontalement structurés et souvent de composition multiethnique contrebalançait dans une certaine mesure les courants régionalistes qui traversaient la société nigérienne. Cette évolution sociale mesurée générait bien évidemment ses mécontents : les gens du « petit peuple » et nombre de « commis » voulaient « arriver » et cherchaient, parfois avec succès, à améliorer leur condition sociale. À noter donc que, dans ce livre, les termes et formules se référant à une sorte d’arrivisme social ne sont pas péjoratifs et décrivent simplement des phénomènes ou des catégories sociologiques.
10Le Niger colonial était cependant un endroit pour le moins ardu, et pas seulement à cause de son climat à la maigre pluviométrie et à la chaleur cuisante. Le territoire resta sous égide militaire jusqu’en 1922, et la lointaine oasis de Bilma, environnée d’un désert austère, devint la colonie pénitentiaire idéale pour discipliner les esprits rebelles. La conquête militaire fut caractérisée par une grande violence17 et l’occupation française reposa, jusqu’aux années 1930, sur l’usage occasionnel de la force armée à l’encontre des moindres velléités de soulèvement18. Un gouvernement civil à peine moins brutal succéda à cette férule martiale, mettant notamment en place le régime de l’indigénat, un dispositif légal spécial appliqué aux « sujets » africains de la France et servant à maintenir le contrôle, à punir de façon expéditive les récalcitrants et à assurer la mise en œuvre des projets reposant sur le travail forcé. À l’ouest du Niger en particulier, il s’agit là du temps du « pottol », terme populaire dérivé du mot « portage » et symbolisant les souffrances de l’ère de la corvée19.
11Le travail forcé et le régime de l’indigénat furent supprimés en 1946 dans le cadre de la refonte générale de l’ordre colonial entreprise à la suite de la Seconde guerre mondiale, mais au Niger, cette évolution n’eut que peu d’impact sur le style même du gouvernement de la colonie, incarné à cette époque par le gouverneur Jean Toby, le seul administrateur vichyste qui ait survécu à la guerre. Toby, un Breton ayant œuvré comme administrateur colonial dans les campagnes reculées du Niger, était un officier dur à cuire cultivant des idées vieux jeu sur la manière dont on devait gérer une colonie. Dans sa vision ethnicisée du pays, les chefferies furent transformées en un système de gouvernement intégré, et la position des chefs, bien que quelque peu compromise par l’ordre colonial, fut renforcée par des augmentations de salaire, l’introduction d’un système d’allocations et la création, en 1948, d’une Association des chefs traditionnels du Niger. Par ailleurs, en dépit de la libéralisation politique initiée par les réformes de 1946, Toby n’hésita pas à se mêler de la vie politique du pays, soutenant ouvertement les chefs, prenant parti sur la scène politique nationale naissante, harcelant les « commis » et manipulant les compétitions électorales20. Pourtant, son règne, qui devait se prolonger jusqu’en 1954, n’était pas en phase avec les temps nouveaux, que ce soit au Niger ou en métropole. En particulier, les « commis » et le petit peuple semi-urbain qui cherchaient à mieux établir les conditions de leur ascension sociale allaient entrer en collision avec la chefferie et ses privilèges – et en cours de route, ils allaient rencontrer l’administration coloniale.
Le premier parti politique du Niger
12Au moment où la Seconde guerre mondiale tirait sur sa fin, les conditions de l’agitation sociale et politique se trouvaient donc plus ou moins en place21. Quelques mois après la conférence de Brazzaville (janvier 1944) au cours de laquelle des réformes substantielles avaient été annoncées pour les colonies, un petit groupe de « commis » se réunit en secret sur un îlot du fleuve Niger afin de débattre de l’avenir du pays, fondant, à l’issue de la rencontre, le Groupe de la deuxième conférence de Brazzaville22. Le comité nouvellement créé s’en prit bientôt au gouverneur Toby à travers des tracts et exigea que les « étrangers » (AOFiens) soient exclus des postes d’autorité. Le premier dirigeant élu de ce groupe – qui représentait surtout les intérêts des « commis » – fut un pontin du nom de Boubou Hama, Songhay de statut social inférieur23, instituteur de son état. Esprit emporté, Hama avait eu une altercation avec le gouverneur Toby lors d’une visite rendue par ce dernier au niveau de l’EPS où il travaillait à Niamey. Il se peut que cette confrontation ait été à l’origine de son affectation à Dori24, bien que plusieurs autres « commis » aient été, au cours de cette période, éloignés de la capitale où ils se livraient à une activité politique considérée comme indésirable par les autorités. En leur qualité de fonctionnaires, les « commis » étaient naturellement vulnérables à de telles mesures de rétorsion de la part du gouvernement, mesures qui se présentaient sous l’aspect innocent de la rotation administration ordinaire. Djibo Bakary aussi fut, de cette façon, parachuté à Agadez, dans le lointain Aïr des caravanes transsahariennes, tandis qu’un autre leader des « commis » politisés, Hamani Diori, s’était retrouvé nommé à la tête de l’école primaire de Filingué, une bourgade à 180 km au nord-est de Niamey. Diori, qui était un parent éloigné de Bakary25, avait étudié, avant son départ pour Ponty, sous la férule de Boubou Hama, épisode qui constitua le point de départ de la longue amitié politique qui unit les deux hommes26.
13La conséquence principale de ces affectations fut que les trois hommes se trouvaient hors de Niamey lorsque des « commis » y créèrent, en mai 1946, le Parti progressiste nigérien (PPN). En effet, en dépit de la volonté de l’administration de maintenir la vie politique nigérienne dans le cadre plus contrôlable d’une chefferie pervertie, les choses bougeaient inexorablement. En France métropolitaine, la fin de l’occupation allemande avait conduit à l’émergence laborieuse d’une IVe République. Il fallut élire à deux reprises une assemblée constituante – une première constitution avait été rejetée par un référendum – et un nombre restreint de personnes issues des colonies furent autorisées à prendre part aux consultations en octobre 1945 et en juin 1946. La nouvelle constitution intégra l’empire dans un nouvel ensemble territorial, l’Union française, qui comprenait la métropole et les colonies, transformées en « Territoires d’outre-mer » (TOM).
14À partir de ce moment, les Nigériens cessèrent d’être des sujets pour devenir des « citoyens », libérés du travail forcé et de l’Indigénat, mais disposant d’un accès limité au droit de vote et d’un suffrage dévalué par le système du collège électoral double. Une assemblée dénommée « Conseil Général » fut élue par la combinaison déséquilibrée d’un électorat africain étriqué et d’un électorat européen disproportionné. Ces réformes, qui rendaient un modeste hommage à la tradition républicaine française de l’indivisibilité de la nation et de l’égalité des citoyens, étaient vues d’un mauvais œil par l’administration coloniale du Niger. Du point de vue de la société nigérienne elle-même, elles constituaient une avancée surtout pour les « commis », auxquels la maîtrise de l’écriture et du Français ouvraient les portes du vote – aux dépens des chefs notamment. Les « commis » bénéficiaient désormais d’un statut d’égalité républicaine, puisque les administrateurs coloniaux avaient perdu le pouvoir de justice sommaire qui pouvait s’exercer contre eux27.
15Cela dit, ces nouveaux droits étaient à maints égards purement théoriques, puisque l’assemblée du TOM ne disposait que de pouvoirs limités face à une administration décidée à ne pas jouer le jeu dans les conditions nouvelles, et il n’y avait pas de conseils locaux. Le PPN, le premier parti politique nigérien, était né dans la foulée du référendum de juin 1946. La réforme constitutionnelle, en intégrant la représentation des Africains dans le nouveau système politique, leur avait automatiquement ouvert les portes de la compétition électorale, si bien qu’une administration coloniale décontenancée – dont le chef, le gouverneur Toby, était en congé à ce moment-là – n’eut d’autre choix que de reconnaître la nouvelle formation28. Parmi les principaux personnages qui assistèrent à l’établissement du PPN, figuraient Issoufou Saidou Djermakoye, un homme qui n’était pas tellement représentatif de la classe des « commis », puisqu’il avait étudié en France et était issu d’une grande famille cheffériale, celles des Djermakoye de Dosso29, très liés aux Français30 ; Djibo Yacouba, un instituteur pontin natif de la région de Téra, à l’extrême ouest du Niger31 ; Léopold Kaziendé, ami de Hamani Diori, pontin lui aussi et ayant enseigné dans diverses régions du pays, bien qu’il ait été originaire d’un milieu mossi catholique de la Haute-Volta32 ; Courmo Barcourgné, un pontin, camarade de classe de Diori, originaire de la petite ville de Say, au sud de Niamey33 ; Adamou Mayaki, instruit dans une école moins prestigieuse du Soudan français et appartenant à une famille cheffériale d’un sous-groupe haoussa de la région de Filingué, à l’ouest du Niger34 ; et Diamballa Yansambou Maïga, un simple employé de bureau dans l’administration coloniale n’ayant qu’une instruction élémentaire, mais issu d’une famille de chefs songhay et doté d’une personnalité agressive et intimidante35.
16La présence d’hommes issus de familles cheffériales dans ce groupe n’a rien de surprenant, car l’administration coloniale avait continuellement encouragé les chefs à scolariser leurs enfants. Par ailleurs, l’appartenance à une famille cheffériale ne garantissait pas l’élection à la position de chef, puisque la rivalité de nombreux prétendants et les interventions du pouvoir colonial brouillaient les cartes. Cet état de choses ne manquait pas de générer de l’hostilité à l’encontre des chefs en place, et les querelles qui éclataient autour de ces affaires de politique locale finissaient parfois par se fondre dans des questions politiques plus larges. Issoufou Djermakoye, qui fut élu à la présidence du parti, s’y était impliqué à la suite d’un compromis qui l’avait amené à abandonner ses propres plans de création d’un parti afin d’aboutir à une entente avec les « commis ». Il fut d’ailleurs évincé de la candidature du parti à l’assemblée constituante française36. Le PPN naissant était donc peuplé essentiellement de « commis » et d’instituteurs. De plus, il était manifestement dominé par des Zarma et des Songhay, et le rôle joué par le cercle des amis de Hamani Diori était déjà notable.
17Le programme du parti exprimait, dans un langage modéré37, la nécessité d’élaborer une politique reconnaissant « l’originalité africaine » et rejetant la « fausse assimilation » postulée par l’Union française. Il était question de combattre le colonialisme et de promouvoir le développement. Les trois leaders principaux, qui n’étaient pas présents aux fonts baptismaux du parti, furent dûment informés de sa création, et ils s’empressèrent, chacun de son côté, d’en établir des antennes aux lieux où ils se trouvaient – Diori à Filingué, Hama à Dori et Bakary à Agadez. Courmo Barcourgné avait été désigné secrétaire général, et Diamballa Maïga fut chargé de la propagande, mais Boubou Hama s’imposa rapidement comme la tête pensante et l’idéologue du parti38. Le PPN commença bientôt à s’en prendre aux chefs et à l’administration coloniale, en évitant cependant de viser la France elle-même. Il se mit à exploiter systématiquement les abus des chefs et s’efforça de saper le prestige des administrateurs, toutes choses qui ne manquèrent pas d’exacerber les conflits locaux, par exemple les antagonismes entre chefs et prétendants, entre anciens esclaves et anciens maîtres, entre nomades peuls et agriculteurs sédentaires zarma/songhay, propriétaires terriens et locataires39.
18Le PPN se devait aussi de définir sa place dans la vie politique de l’AOF dans son ensemble40. Comme le montre le rôle joué par Léopold Kaziendé dans le développement du parti, le sentiment anti-AOFien avait pu être refréné : il n’empêche, les leaders du PPN craignaient que leur parti ne se retrouve aussi marginalisé, dans un parti fédéral réunissant des formations issues de tous les territoires de l’AOF, que le Niger lui-même au sein de la Fédération. Néanmoins, sous l’influence de pontins aux tendances fédéralistes, le parti envoya une délégation à Bamako, capitale du Soudan français, en octobre 1946. Au menu des discussions : la formation d’un grand parti interterritorial. À l’exception d’un Issoufou Djermakoye réticent, les délégués du Niger – parmi lesquels figuraient Boubou Hama, Diamballa Maïga et l’AOFien Tiémoko Coulibaly, un employé des PTT – participèrent avec enthousiasme aux sessions de la conférence. Elle se conclut par la fondation du Rassemblement démocratique africain (RDA), à la tête duquel fut élu l’Ivoirien Félix Houphouët-Boigny. Le manifeste du nouveau parti en appela à la liberté des peuples et à l’égalité des races. Il critiqua aussi l’autocratie qui s’exerçait sous le masque bienveillant de l’assimilation à la métropole ainsi que le concept d’« autonomie » constitutif des réformes de 1946, tout en proclamant une adhésion sans faille à l’Union française41. Une année plus tard, le PPN s’affilia officiellement au RDA sous la pression des partisans d’une action de niveau fédéral. Djibo Bakary se trouvait au nombre de ces derniers42.
19Issoufou Djermakoye quitta le PPN devenu PPN-RDA, et ses réserves quant à cette évolution s’expliquaient en partie par le fait que la représentation du RDA à Paris avait affilié le nouveau parti aux communistes plutôt qu’aux socialistes de la SFIO43 qui avaient ses préférences. Du point de vue du RDA, l’anticolonialisme bien connu du Parti communiste français (PCF), le soutien des parlementaires PCF à leurs collègues du RDA et la présence du PCF au sein du gouvernement français – rendant ainsi possible l’obtention de concessions par ce canal – étaient des facteurs décisifs pour une collaboration fructueuse. Mais le PCF fut exclu du gouvernement métropolitain en mai 1947 et les dirigeants de la IVe République se mirent à le considérer comme une menace au régime44, ce qui eut pour effet automatique de transformer ses alliés politiques africains en parias. Le PPN-RDA se trouva confronté non seulement à la vindicte métropolitaine, mais aussi aux menées du gouverneur Toby qui s’empressa d’attaquer un parti qui, jusque-là, avait impunément défié les principes cardinaux de son règne. Lors des premières élections de l’assemblée territoriale (décembre 1946-janvier 1947), il s’entremit personnellement, discourant devant les chefs dans leur propre idiome et leur demandant de combattre le candidat du RDA, ce qui eut pour effet de limiter ses succès, en particulier dans les régions Est où l’administration coloniale exerçait encore une influence considérable à travers les Sarakuna. Le gouverneur encouragea aussi un certain nombre de chefs – parfois des quasi-illettrés – à se présenter aux élections, ce qui lui permit d’avoir en fin de compte de nombreux pions au sein de l’assemblée territoriale45.
20Quelques-uns des leaders du RDA ne se laissèrent cependant pas intimider. À l’initiative de Djibo Bakary, le parti soumit une pétition au ministre français des colonies lors de sa visite au Niger en janvier 1948. Le texte qualifia ouvertement Toby de vichyste, dénonça ses interférences dans la campagne électorale récente, soulignant à cet égard le devoir de l’administration de cultiver une neutralité stricte dans la vie politique locale, et appela à son remplacement rapide46. Étant donné les circonstances de l’époque, cette action était des plus courageuse47 puisque les Français ne s’encombraient pas de scrupules dans la suppression des droits d’expression démocratique. Les représailles de Toby ne se firent d’ailleurs pas attendre. Cette année-là, le Niger avait reçu un second siège au niveau de l’Assemblée nationale48, en métropole, et le PPN-RDA devait choisir un candidat à ce poste. Au cours des luttes internes qui se développèrent autour de cette candidature, plusieurs membres du parti auraient exprimé leur préférence pour un homme originaire des régions Est49. Le premier siège nigérien à Paris était occupé par Hamani Diori, un homme de l’Ouest, région déjà surreprésentée dans le parti. Parmi les candidats potentiels, on pouvait compter Adamou Mayaki et Georges Condat, ce dernier, natif de Maradi. Cependant, Mayaki, bien que haoussa, était un homme de l’Ouest et Condat, en dehors de sa grande douceur de caractère, était un métis (Français, Peul), toutes choses qui le désavantageaient dans le contexte racialement chargé de la vie politique coloniale. Le parti aurait alors décidé de proposer la candidature de Djibo Bakary. Petit hic : bien qu’élevé à Tahoua et parlant parfaitement le haoussa, Bakary était zarma et appartenait à l’aile radicale du parti50. Quelles qu’aient été les circonstances particulières de cette décision, la désignation de Bakary stimula les ressentiments des membres du parti originaires de l’Est, et certains d’entre eux le quittèrent sur le champ51.
21Au nombre de ces insatisfaits se trouvaient Condat et Harou Kouka (un Zindérois d’origine mossi) qui décidèrent de créer ensemble un parti représentant les intérêts de « l’Est52 ». Cela devait s’appeler Parti indépendant du Niger-Est (PINE), mais Toby serait intervenu pour l’empêcher de voir le jour, selon toute apparence dans le but d’éviter la formation d’une force politique régionaliste. Que Toby ait ou non commencé à agir à ce moment précis, il prit dans tous les cas contact avec les mécontents du PPN-RDA – y compris Issoufou Djermakoye – et il invita les principaux chefs de l’Est à Niamey afin de les sonder sur l’établissement d’un parti de portée nationale. Une conférence tenue à Maradi en mai 1948 aboutit ainsi à la création de l’Union nigérienne des indépendants et sympathisants (UNIS), qui se donna comme objectif un programme parfaitement vide de sens : « déterminer les intérêts communs (politique, économiques et sociaux53) ». L’UNIS unit les chefs qui avaient subi les attaques du RDA et des politiciens contrariés comme Issoufou Djermakoye, bien que certains autres – tel que Harou Kouka – se soient tenus à l’écart, eut égard à l’immixtion du gouverneur qu’ils désapprouvaient. Condat fut désigné candidat de l’UNIS pour la députation à l’Assemblée nationale métropolitaine54.
22L’administration fut très présente dans le processus électoral. À l’approche des échéances, la grande majorité des leaders du RDA furent un à un affectés dans des coins reculés du Niger ou de l’AOF55 sous l’imputation d’indiscipline, de mauvais services et d’autres charges cousues de fil blanc. Cette tactique se situait dans la droite ligne de la stratégie de harcèlement administratif suivie par Toby depuis la formation du PPN et l’expulsion du PCF des cercles dirigeants, en métropole. S’il avait besoin d’excuses, la bureaucratie française était prête à les lui procurer, car la Guerre froide fournissait désormais des raisons toutes trouvées pour poursuivre toute personne ou groupe de personnes susceptibles de menacer la sûreté de l’État. Les archives nationales françaises témoignent amplement de l’obsession des sécurocrates du temps pour les individus et les organisations qui, en France comme en Afrique, étaient considérés communistes, ainsi que du fait qu’on estimait normal de les surveiller et de les persécuter56. Au Niger, il en résultait que tous ceux qui étaient plus ou moins proches des communistes – les gens du RDA en l’occurrence – étaient devenus une cible légitime du gouvernement. Les membres du RDA furent donc soumis non seulement à des déplacements forcés, mais aussi à la suspension, au licenciement et à l’emprisonnement57. Tandis que ces procédés mettaient à mal la campagne du RDA pour Bakary, les chefs, vêtus de grands boubous bleus en référence aux couleurs de l’UNIS, paradaient dans les véhicules officiels et battaient ouvertement campagne pour le candidat de l’UNIS. Par ailleurs, il paraît évident – et du reste, le fait a été par la suite admis par les administrateurs58 – que l’administration ne se priva pas de manipuler les résultats, soit à travers les pressions exercées sur les électeurs, soit en truquant le décompte final. Avec un soutien réel reçu à l’Est, Condat put ainsi facilement vaincre Djibo Bakary à plus de 70 % des suffrages exprimés. Néanmoins, Bakary recueillit la moitié des suffrages dans les zones urbaines (Maradi, Zinder et Niamey) et l’emporta dans les subdivisions de Say et de Filingué, à l’ouest du pays59.
23Quoi qu’il en soit, la révélation la plus importante de ces consultations électorales de 1948 était que les Français n’hésiteraient pas à truquer un scrutin si cela leur permettait d’arriver à leurs fins60. La chose, d’ailleurs, correspondait à une certaine tradition métropolitaine de manipulation électorale61, illustrée, dans ce cas, par la décision du parlement français de valider la victoire de Condat. Pour le PPN-RDA, l’épisode était de mauvais augure. Dès 1950, le gouverneur par intérim Ignace Colombani prit prétexte de violents incidents survenus en Côte d’Ivoire pour interdire tout meeting du RDA au Niger. La mesure fut accompagnée de l’interpellation de centaines de militants du RDA, de descentes de police dans les bureaux afin de s’emparer des listes de membres62, et d’actes de persécution organisés par les chefs à l’encontre de membres du parti. Les coffres du parti furent vidés et les défections se multiplièrent. À chaque nouvelle élection suivie d’intimidations diverses et variées, le parti perdit du terrain face à l’UNIS, jusqu’à ce qu’en 1953 il ne disposa plus du tout de représentants officiels. Son soutien populaire était faible à l’Ouest et pratiquement inexistant à l’est de Dogondoutchi. En somme, à partir de 1951, le premier parti du Niger était devenu un parti sans électeurs63.
Djibo Bakary et le PPN-RDA
24Djibo Bakary était à l’origine de la pétition de 1948 dans laquelle le PPN-RDA avait audacieusement appelé au remplacement de Toby, et ce fut ce même Bakary qui, en recourant au Conseil d’État sur un point de droit, obligea l’intérimaire de Toby à reformuler, de façon humiliante, son interdiction des meetings du RDA64. Ces actions soulignaient le courage et l’intelligence d’un talaka qui avait commencé à dénoncer les abus du pouvoir colonial au moment de son affectation à Agadez, au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Désigné secrétaire général d’un « groupe d’action politique65 » local, Bakary fit campagne contre la continuation du travail forcé, la manière dont on obligeait les femmes du cru à préparer les repas des camps militaire et pénal, et la pratique des châtiments corporels, visant en particulier un adjudant-chef Scarbonchi, sous-officier corse devenu tristement célèbre dans la région du fait de ses exactions.
25Aux dires de Bakary lui-même66, sa conscience politique s’était éveillée de bonne heure. Né en 1922 dans le village de Soudouré, non loin de Niamey, il était le fils d’un chef de la région. À l’âge de sept ans, il suivit un de ses oncles à Tahoua, au centre du pays, ville où son parent officiait comme interprète. Le jeune garçon diligent fut inscrit à l’école primaire et acquit aussi l’usage du haoussa, langue véhiculaire à Tahoua. De retour à Niamey, il continua ses études à l’EPS de la capitale et fut bientôt confronté pour la première fois de sa vie aux dures réalités du colonialisme. Un jour, en marchant dans les rues de la capitale, il tomba sur son père, sexagénaire et chef à Soudouré, en train de casser des pierres pour réparer une voie dégradée. Le spectacle de son père qui, en dépit de sa qualité de chef, avait été embrigadé, tel un criminel, dans une harassante corvée67, était une démonstration frappante de la manière dont le régime de l’Indigénat violait les valeurs profondes du pays, dans ce cas, le respect révérenciel pour l’âge et l’autorité traditionnelle.
26Bakary, dont l’intelligence était déjà remarquable, réussit à l’examen d’entrée à Ponty où il étudia trois ans durant (1938-1941) et où il développa de l’enthousiasme pour le scoutisme. Il introduisit d’ailleurs le scoutisme au Niger, et cet épisode est indicatif de son intérêt pour l’activisme et pour ces réseaux de relations68 qu’il multiplia par la suite au niveau de chacun de ses postes d’affectation. Après avoir enseigné à Niamey puis à Birnin Konni, au centre du pays, Bakary fut envoyé à Agadez où il tomba sous l’influence d’un marabout du nom de Papa Sidi Ka, un homme d’origine sénégalaise à l’esprit ouvert, prêchant un message d’amour et de solidarité entre les hommes. L’activisme dont Bakary fit preuve à Agadez indisposa cependant rapidement les administrateurs français, et il fut affecté à Zinder pour l’année scolaire 1946-1947. Cette décision amena Sidi Ka à organiser une marche de protestation sur le bureau du commandant de cercle, et les amis activistes de Bakary envoyèrent un télégramme à Toby. Parmi ces derniers, figurait le Togolais Joseph Akouété, alors opérateur à Radio Niamey et bien connu pour son insubordination vis-à-vis de ses supérieurs blancs. Marche et télégramme échouèrent cependant à faire annuler l’affectation de Bakary. Dès son arrivée à l’école régionale de Zinder, ce dernier s’empressa d’établir une section du PPN et, au bout de quelque temps, il avait même organisé, sur le plan politique, des membres du corps local des gardes-cercle69.
27Organisateur dynamique et enthousiaste, Bakary construisit son influence tambour battant. Il profita d’un voyage à Niamey pour raisons familiales, en septembre 194770, pour plaider avec succès, de concert avec d’autres militants du PPN, l’affiliation du parti au RDA71. Quelques-uns des membres les plus importants du parti – Hamani Diori, Boubou Hama et Diamballa Maïga en particulier – n’étaient pas présents à ce meeting. Par ailleurs, Courmo Barcourgné céda sa position de secrétaire général à Bakary, qui devint ainsi le principal responsable du PPN72. La mobilisation politique commençait pour de bon, d’autant plus que Bakary avait pris un congé sans solde sur son poste de Zinder pour mieux s’atteler au renforcement du parti. L’organisation interne avait été copiée sur celles des partis communistes. Un comité directeur de 34 personnes, représentant les différentes régions du pays, déléguait les pouvoirs de la base à un comité central et à un bureau politique de cinq membres comprenant le secrétaire général, dont la position clef était assurée à travers le principe du centralisme démocratique73. En théorie, le parti possédait des représentations réparties à travers tout le pays, géographiquement calquées sur l’organisation administrative et descendant jusqu’au niveau le moins élevé : il y avait donc des comités de canton, de village et de quartier. La mobilisation au niveau local était bien entendu sévèrement entravée par les manœuvres de l’administration et les peaux de banane jetées par les chefs, mais ces détails ne décourageaient pas Bakary74. Désormais sans salaire, il vécut de subsides prélevés sur les émoluments parlementaires de Diori. Il se lança dans de grandes tournées en automobile, en compagnie des autres membres importants du parti – Diori et Hama – afin d’en rehausser la visibilité à travers le pays. Ceux qui œuvraient pour le parti à des rangs moins élevés se déplaçaient à pied, à dos d’animal ou en pirogue, visitant les villages les plus reculés, recueillant les doléances à l’encontre des chefs ou des administrateurs et incitant les gens à joindre le parti et à consentir des contributions financières. Au niveau central, à Niamey, les bureaux du parti furent aménagés de manière permanente, à l’image de l’organisation que Bakary avait pu instaurer à Zinder où il avait bénéficié du soutien de marabouts locaux75.
28Ces dévots marabouts, ainsi que les chefs religieux traditionnels, ont joué un rôle considérable – de nature spirituelle – dans l’activisme politique. Le marabout ou « mal(l)am » (du haoussa malami, savant, enseignant) était respecté pour sa science de la religion, sa piété et, bien souvent, ses pouvoirs mystiques. À l’inverse des chefs, qui étaient plus ou moins compromis par leurs fonctions administratives dépourvues de toute aura de sacré, les marabouts étaient à même de convaincre les gens de soutenir tel ou tel parti, profitant des heures de prière pour organiser la mobilisation. Par ailleurs, les adhérents de certains ordres soufis, telle que la Tijaniya, se trouvaient aux marges de la société et combinaient une vision large et ouverte du monde avec une autorité spirituelle qui rivalisait avec les pouvoirs des chefs. Tout comme les petits commerçants itinérants dont les intérêts reposaient sur un degré élevé de mobilité socio-économique, ils étaient donc sensibles à l’activisme nationaliste. Certaines branches de la Tijaniya – tel que par exemple le Hamalisme – prêchaient une doctrine solidement individualiste, opposée à toute forme d’autorité mondaine et nécessairement hostile à l’ordre colonial. Le fait que le pouvoir colonial représentait les infidèles « Nasara » – gens de Nazareth, chrétiens – ne pouvait que renforcer cette tendance, d’autant plus qu’une propagande religieuse militante pénétrait le pays depuis le Nord Nigéria et l’Afrique du Nord tous proches. Les leaders politiques, de leur côté, étaient sensibles aux pouvoirs occultes des marabouts, comme le montrent les relations de Bakary avec Papa Sidi Kâ. Les marabouts pouvaient protéger leur carrière par leurs oraisons, ils pouvaient les défendre contre les harcèlements et rendre l’existence de leurs adversaires misérable76.
29En dehors des leaders religieux, Bakary s’essaya aussi à remettre au goût du jour la samariya, qui avait été supprimée par les Français. Le terme, qui renvoie à la jeunesse en haoussa (samari : « les jeunes »), désigne les associations traditionnelles de jeunes au sein desquelles jeunes gens et jeunes filles étaient organisés, de façon séparée, en groupes d’animation, de divertissements et de travaux collectifs. Cette tradition remontait peut-être aux temps où les lignages et les clans étaient la forme prépondérante d’organisation sociale, et, durant la période précoloniale, elle était particulièrement développée parmi les Haoussa et les Peuls. Après son adoption en pays zarma-songhay, le PPN-RDA s’attela à intégrer les associations de jeunes dans les structures du parti et à les réorienter vers la mobilisation politique77.
30Ainsi, avec l’aide des sarkin samari (leaders de la jeunesse) et des marabouts, Bakary mit en œuvre une stratégie pour arracher les paysans à la tutelle des chefs – et donc de l’administration. Par conséquent, dès la fin des années 1940, des sections du PPN-RDA avaient été établies dans plusieurs villes et le parti avait probablement acquis plusieurs milliers de membres78. En dehors de ce travail de terrain dans son pays, Bakary eut aussi recours à ses relations ouest africaines pour faire pression sur les autorités coloniales. Avec d’autres membres du parti, il se mit à écrire dans le journal Réveil, publié à Dakar, capitale de l’AOF, par un membre français du RDA, dénonçant sans relâche les abus des coloniaux et l’attitude des chefs. C’est à cette époque que le RDA commença à être en butte à la persécution, en particulier à travers la dispersion de son leadership par voie d’affectations administratives. En début 1948, Bakary apprit qu’il devait se rendre à Cotonou, au Dahomey : il refusa et fut aussitôt licencié, décision qui le rendit moins vulnérable aux pressions du gouvernement, mais plus dépendant du soutien de son parti79.
31En dépit de l’ambiance de persécution quasi-quotidienne, Bakary continua à travailler dur pour le parti et se rendit notamment, avec Hama et Diori, à la deuxième réunion interterritoriale du RDA, à Treichville en Côte d’Ivoire. La conférence, à laquelle assistaient également des membres du parti communiste français, enflamma les ardeurs des activistes africains pour la lutte contre l’impérialisme : ce fut, aux dires de Bakary, « l’effet communiste ». En tant que secrétaire général du PPN, Bakary intégra le comité de coordination du RDA80 lors de ces rencontres. Cependant, l’étroitesse des rapports entre le RDA et le PCF n’était bien entendu pas du goût des cercles dirigeants français, et les violences qui éclatèrent en Côte d’Ivoire début 1950 eurent tôt fait d’empoisonner, au Niger, les rapports entre le PPN et l’administration. L’administration prit visiblement la résolution de liquider le parti, et Bakary ne put contenir ses assauts contre les bases du PPN, ni même calmer le jeu en transférant les activités politiques au niveau des « comités de paix », des groupes d’âge ou des associations sportives et culturelles81.
32Le plus grave, cependant, c’est que l’acharnement de l’administration contre le RDA finit par créer des divergences sérieuses entre les membres du parti quant à la stratégie à adopter pour ne pas finir dans une impasse. Une aile modérée, dirigée par Hamani Diori et Boubou Hama, se dégagea face à une aile dure, menée par Bakary et soutenant que la lutte ouverte contre le pouvoir colonial devait être plus que jamais d’actualité, y compris en Côte d’Ivoire – pays où Bakary se rendit en 1950 pour se joindre aux mouvements de protestation contre l’arrestation de Houphouët-Boigny. Ces divergences s’ajoutaient à la mésentente croissante qui existait entre Bakary et les membres modérés du parti, en particulier Boubou Hama. Il semblerait que dès l’automne 1947, Bakary avait mis en doute l’authenticité de l’engagement de ce dernier. Ainsi, lors de la campagne électorale pour la députation au niveau de l’assemblée de l’Union française, Hama se serait refusé à prononcer un discours à Zinder, de peur qu’il ne lui en coûte son élection, et il aurait demandé à Bakary de dire le discours à sa place. Bakary en conclut « qu’il n’était pas un vrai militant, mais recherchait plutôt les honneurs82 ». On peut croire que le propos exprime une attaque rétroactive contre un ennemi juré : il n’en reste pas moins qu’il y avait de réelles différences d’intérêt entre les membres du parti dont les activités les exposaient aux représailles administratives et ceux qui, élus dans les assemblées métropolitaines, échappaient à toute persécution du fait de leur immunité parlementaire. De telles circonstances étaient propices aux frustrations et aux désaccords. Ainsi, Bakary dut subir un procès pour avoir vendu des abonnements au Réveil aux jeunes des samariyas, mais lorsqu’il dénonça le renvoi de quelques chefs pro-RDA de certaines circonscriptions de Niamey dans un article portant la signature du comité directeur du PPN, il fut pris à partie par Hama, qui craignait que le parti ne soit poursuivi pour diffamation. Bakary ironisera plus tard sur cette attitude – et sur les différences d’évaluation du risque qu’elle impliquait – en constatant qu’une fois élus à une assemblée, les gens avaient tendance à penser à autre chose qu’au militantisme83.
33Quoi qu’il en soit, les militants continuaient à être limogés ou mis en prison, les représentants continuaient à perdre leur siège à l’assemblée et les finances du parti s’amenuisaient en conséquence. Devant cette situation dramatique, plusieurs leaders du RDA, et surtout les parlementaires, commencèrent à songer qu’il valait peut-être mieux couper les ponts avec les communistes. Espérant qu’une telle action mettrait fin à l’hostilité de l’administration française, Houphouët-Boigny, Hamani Diori et Ouezzin Coulibaly de la Haute-Volta prirent le contrôle du comité de coordination du RDA, signèrent un accord avec les députés africains indépendants à Paris, et rompirent officiellement tout lien avec des groupes parlementaires français – en l’occurrence celui du PCF (mai-octobre 1950)84. En tant que secrétaire général du PPN et membre du comité de coordination du RDA, Bakary eut l’impression d’avoir été mis sur la touche à travers cette action. Il rédigea une réprimande acérée, exigeant que les députés soient subordonnés au comité de coordination et qu’une mission vienne au Niger expliquer le changement de ligne politique opéré dans le plus grand déni de la démocratie85.
34Bakary et de nombreux jeunes activistes du PPN avaient la nette impression que les députés, pris dans les plaisirs de la vie parisienne, étaient déconnectés de la base du parti. Cette base, qui se trouvait constamment confrontée aux mauvais procédés de l’administration et ne percevait aucun changement dans son attitude, ne parvenait pas à comprendre l’humeur nouvelle de personnalités comme Hama, qui, à présent, collaborait avec le gouvernement et rendait visite à Toby dans son palais86. Mais le problème le plus sérieux se trouvait dans le fait que – comme cela allait bientôt devenir évident à travers les directives du RDA – la rupture avec les communistes était accompagnée d’une réorientation politique par rapport à l’administration coloniale. Désormais, il fallait en effet non seulement mettre fin à la propagande communiste, mais aussi cesser toute attaque contre l’administration et adopter une attitude plus conciliante vis-à-vis des chefs. Une telle évolution mettait en jeu la défense des intérêts des « commis » et du petit peuple urbain et rural en quête d’horizons nouveaux. Elle mettait également en péril la stratégie du parti pour combattre les abus des chefs à l’encontre des paysans et – du moins aux yeux de Bakary – elle mettait tout l’appareil du parti à la merci d’une administration décidée à n’en faire qu’à sa tête87. Il se peut aussi que Bakary se soit opposé à la rupture avec les communistes en elle-même, parce qu’il s’identifiait à leur militantisme (sinon à leur idéologie) et risquait de perdre un réseau important de relations et de ressources.
35L’étendue du changement de stratégie du RDA se fit aussi sentir dans la manière même dont il était venu s’expliquer au Niger. La mission du RDA – suivant les souvenirs de Hamani Diori – fut chaleureusement reçue par le gouverneur Toby, et elle prit d’abord contact avec Boubou Hama, en lieu et place du bureau politique dirigé par Bakary et duquel Hama n’était pas membre. L’action soulignait le fait que le pouvoir, au sein du parti, se trouvait à présent entre les mains des parlementaires, et Bakary en fut profondément agacé. Lors de la rencontre avec la mission, il garda un silence désapprobateur mais dut céder au fait accompli en signant la résolution agréant la nouvelle position des députés RDA à Paris. Bakary continua ensuite à battre campagne pour le parti, faisant notamment la tournée à Say et Zinder et se rendant au Nigeria pour s’exprimer au nom du RDA lors d’un meeting politique, mais son mécontentement manifeste par rapport à la ligne politique nouvelle rendait sa position à la tête du parti clairement intenable. En mai 1951, il fut rétrogradé au poste de secrétaire à la propagande, laissant la place de secrétaire général du parti à Diamballa Maïga88.
36Néanmoins, les dissensions internes et la persistance de l’hostilité de l’administration conduisirent le PPN à une nouvelle défaite lors des élections législatives métropolitaines du mois de juin. Bakary se sentit conforté dans ses positions. Lorsqu’en décembre 1951 Diori appela les membres du parti à continuer à coopérer avec l’administration, Bakary incita les cadres à quitter le parti, condamna la rupture avec les communistes qu’il qualifia de trahison et tourna en dérision les amabilités dont Hama et Diori gratifiaient Toby. Diori réagit du tac au tac et annonça l’éviction de Bakary du parti, l’accusant de malversations et d’agitation syndicaliste sous inspiration communiste. Selon Fluchard, historien du PPN, l’accusation de malversations était infondée puisque Bakary n’était plus rémunéré par le parti depuis juillet 1949 et vivait de l’assistance d’amis politiques89.
Le redresseur de torts : vers l’Union démocratique nigérienne
37Bakary était effectivement impliqué dans le syndicalisme. Après son renvoi de ses fonctions d’instituteur en début 1948, il était retourné à Soudouré, son village natal à une douzaine de kilomètres de Niamey. Avec l’aide de sa famille, il y avait créé un verger sur les rives du fleuve Niger, et si cette entreprise satisfaisait sa passion pour le jardinage, elle lui permit également de fonder un syndicat de travailleurs agricoles dont il devint le secrétaire. Les maraîchers, le personnel de jardin et les travailleurs agricoles constituaient un large secteur d’activité dans les environs de Niamey, mais, à l’image des domestiques et des autres travailleurs non qualifiés, ils avaient du mal à s’organiser. Pour travailler dans un syndicat, il fallait être détenteur d’un certificat d’études primaires, alors que la plupart de ces personnes étaient illettrées. De nombreux travailleurs non qualifiés demandèrent donc à Bakary de les aider à établir leur syndicat, et il réussit à obtenir pour eux la reconnaissance administrative requise en janvier 195190. Dès l’abord, les syndicats nigériens s’étaient affiliés à la Confédération générale du travail (CGT), l’organisation syndicale française liée aux communistes. Après sa sortie du PPN, Bakary réunit ces groupes dans l’Union des syndicats confédérés du Niger (USCN), qui rejeta la demande de Boubou Hama de rompre les liens avec la CGT.
38Vers la fin 1951 Bakary entreprit de battre campagne autour de sa plateforme syndicale sans perdre de vue ses objectifs politiques. En vue des élections pour l’Assemblée territoriale (mars 1952), il fonda un nouveau groupe politique, l’Entente Nigérienne, ouvert aux activistes qui avaient fait défection du PPN à sa suite. Parmi ces derniers figuraient Abdoulaye Mamani, un employé subalterne de la firme commerciale française SCOA, à Zinder ; Ousmane Dan Galadima, employé de bureau natif de Madaoua, petite ville du centre du pays, interprète adjoint pour l’administration et confident de Bakary ; Issaka Samy, assistant vétérinaire originaire de Maradi, qui avait été congédié, avait connu la prison et s’était activement opposé au PPN ; Amadou Hamidou dit Gabriel, téléphoniste et télégraphiste aux PTT ; Hima Dembélé, opérateur de cinéma originaire de Niamey (photo 1.1) ; Pascal Diawara, jeune homme originaire de Dogondoutchi et travaillant au bureau de poste de Niamey ; et Boukari Karemi dit Kokino, un boutiquier zindérois originaire de Bilma et plus tard travaillant en tant que gardien91. C’est entouré de ces gens – employés dans le secteur moderne urbain mais à des échelons subalternes – que Bakary résolut de faire irruption sur la scène politique. Mais ni son parti – qui venait à peine de se créer – ni le PPN ne réussirent à contrer l’UNIS et son soutien gouvernemental, lors des élections92.
Photo 1.1 – Hima Dembélé (Les raisons de notre lutte, 10).
39Par contraste avec cette relative déconvenue politique, Bakary put satisfaire sa passion pour la justice sociale dans le domaine syndical, avec l’assistance en particulier, de Abdoulaye Mamani (photo 1.2). Des sections furent établies à Tahoua, Niamey, Maradi et, avec plus de difficultés, à Zinder. Au printemps 1952, il commença à publier un journal pour l’USCN. Le périodique, bien nommé Talaka, fut d’abord édité par ses soins avant que cette tâche ne fût confiée à Hima Dembélé93. Bakary critiqua vigoureusement les patrons et l’administration, tout en prenant des initiatives concrètes qui lui permettaient de montrer tout son mépris pour ce qu’il considérait comme étant de l’agitation purement verbale de la part du PPN94. Ainsi, il établit une Société coopérative ouvrière de consommation, à laquelle adhérèrent pratiquement tous les travailleurs de Niamey, et il se mit à préparer une grève destinée à améliorer les conditions de vie et de travail des employés. Les activités syndicales menées à Maradi en novembre 1952 tombèrent encore sous le coup de sanctions administratives, mais un nouveau Code du travail adopté en 1953 et dotant, en théorie, les syndicats africains des mêmes droits que les syndicats français, permit à Bakary et Abdoulaye Mamani d’organiser la première grève de masse du Niger, dès juillet et août 1953. Ayant les rémunérations les plus basses de l’AOF, largement dépassées par le coût de la vie, les employés réagirent avec enthousiasme à l’action, prenant les patrons français complètement par surprise95.
Photo 1.2 – Abdoulaye Mamani (Les raisons de notre lutte, 10).
40La grève aboutit à des augmentations significatives des salaires, rendant Bakary du jour au lendemain célèbre autant parmi les gagne-petit des villes nigériennes qu’au niveau du syndicalisme international. Ce fut le point de départ d’une ascension régulière dans le monde du travail. En 1951, il devint le secrétaire général d’un comité coordonnant les activités syndicales au sein de l’AOF et en liaison avec la CGT. Deux ans plus tard, la notoriété de Bakary acquit une dimension internationale après son élection à la Fédération syndicale mondiale (FSM), dominée par les communistes. En février 1954, en sa qualité de leader notable de la CGT, il l’emporta face à son collègue guinéen Sékou Touré, pour la conquête d’un siège au Conseil économique et social, en métropole96.
41La condamnation subséquente à des peines de prison97 de Bakary et des grévistes de 1953, loin de mettre un terme à l’essor spectaculaire de la notoriété de l’activiste, pouvait en fait l’accélérer. Sa carrière avait jusque-là montré qu’il était différent des autres politiciens. À l’inverse de nombre des autres « commis » qui se retrouvaient au sein du RDA et, en leur qualité de pontins, avaient développé des goûts de luxe qu’ils satisfaisaient dans des parties fines à la mode coloniale, Djibo Bakary ne prenait pas les couches inférieures de haut98. En tant que jardinier qui pouvait à tout le moins se prévaloir de mains sales, il fréquentait ouvertement les petites gens qui tâchaient de subvenir à leurs besoins dans les bas quartiers des villes du Niger99. Son ascendant sur eux s’expliquait autant par ce qu’il leur disait que par la manière dont il le disait. Le militantisme ardent de cet homme de haute taille et de svelte carrure impressionnait les Nigériens comme les Français. Il suscitait une grande curiosité, et les gens voulaient le voir100. Sa verve aiguillonnait ceux qui l’écoutaient, car il se prononçait sans réserve. Lors d’une assemblée, il déclara que tout agent colonial qui abusait des pauvres gens devait partir : ce fut la toute première fois qu’au Niger, un Africain avait eu l’audace de s’exprimer de la sorte101. En s’en prenant ainsi aux inconditionnels du colonialisme, Bakary (photo 1.3) acquit une immense popularité et gagna la confiance des populations, qui commencèrent à le considérer comme leur « sauveur102 ». De fait, « pour le petit peuple, Bakary était un prophète103 ». Cette image fut encouragée par ses partisans, qui aimaient à le décrire comme :
« Le redresseur des torts, l’invulnérable, le prophète qui se déplace à chameau104. »
42L’allusion au Prophète Mohammed représentait un symbole puissant, mis en valeur par l’image du chameau qui allait devenir l’emblème officiel du mouvement de Bakary et qui incarnait la loyauté, le cran et l’endurance105. Même les Français étaient frappés de l’éloquence de Bakary. Si son style « nerveux » et « fiévreux » rappelait à un administrateur le « labeur et la sueur des paysans du Sahel106 », d’autres agents mettaient en garde contre cet « agitateur fanatique, habile et dangereux » qu’il importait de combattre avec prudence et décision107.
Photo 1.3 – Djibo Bakary (Les raisons de notre lutte, 3).
43Après avoir fait appel de la sentence du tribunal, Bakary et ses amis firent enfin irruption sur la scène politique au printemps 1954. Par la création de leur Union démocratique nigérienne (UDN), ils avaient l’intention « d’aider les masses à s’organiser et à lutter » ainsi qu’à « construire quelque chose de propre, de sincère, de fraternel, avec une direction absolument démocratique108 ». Ce ton de militantisme populiste allait de pair avec l’origine sociale des fondateurs de l’UDN, qui comprenaient – en plus de Djibo Bakary, Ousmane Dan Galadima, Issaka Samy et Amadou dit Gabriel – Hama Sanda dit Pascal, infirmier vétérinaire à Niamey et père de Pascal Diawara ; Bokar Touré, un comptable de la capitale ; Soumaïla Maïga, barman de son état ; Issoufou Kadri, boulanger ; et Madougou Bindio et Amadou Tini, tous deux maître maçons. Le parti était donc dirigé par des gens du petit peuple et de couches apparentées, petits employés, artisans et négociants, qui, pour beaucoup d’entre eux, avaient une carrière syndicale. Les sections des villes orientales de Tessaoua et Zinder ne pouvaient se targuer que de quelques « commis », alors que le bureau de la section des jeunes, à Agadez, fort de 26 membres, comptait six tailleurs, trois cordonniers et deux menuisiers en sus d’un grand nombre de praticiens d’autres petits métiers. Bakary devint bien entendu le secrétaire général du parti, tandis que Dan Galadima (photo 1.4) prit les fonctions de secrétaire à l’organisation109.
Photo 1.4 – Ousmane Dan Galadima (Les raisons de notre lutte, 9).
44Comme les militants de l’UDN n’étaient pas des salariés de l’administration, leur parti était moins vulnérable aux pressions du gouvernement. Par ailleurs, un mois ne s’était pas écoulé depuis la création du parti que Toby quittait définitivement le Niger, remplacé par le socialiste Jean-Paul Ramadier. Ramadier s’embarqua rapidement dans une politique de développement économique qui reposait étroitement sur la coopération des « commis » et requérait moins de collusion avec les chefs110. Néanmoins, s’il était vrai que le Niger allait être à présent dirigé par un gouverneur moins implacable que Toby, il n’en restait pas moins que les Français – sans parler des administrateurs qui avaient œuvré sous la férule de l’ancien gouverneur – ne considéraient toujours pas d’un bon œil un parti qui semblait représenter le bras armé de syndicats communistes et était manifestement acquis à la cause de l’émancipation des classes inférieures111.
45La publication, le 30 avril 1954, d’une lettre ouverte de l’UDN donna le ton de ce à quoi il fallait s’attendre. Usant d’un langage combatif, le parti fustigea les chefs, l’administration et ses rivaux du PPN. Sur la base d’une analyse de la société coloniale en termes d’intérêts dialectiques, la lettre mit directement l’accent sur le fait que la lutte sociale et politique était au fondement du programme de l’UDN, non seulement par rapport au pouvoir colonial, mais aussi s’agissant de certains aspects et de certaines institutions de la société nigérienne. En une référence oblique à Toby, le parti qualifia le gouverneur colonial d’oiseau de passage qui ne pouvait s’opposer à l’évolution de la société si tous ses enfants s’engageaient dans la lutte. Cette lutte était une nécessité entraînant des sacrifices sans lesquels nul mouvement politique n’a pu accomplir quoi que ce soit de significatif. Les cibles que Bakary désigna pour le parti comprenaient ce qu’il estimait être un retour du travail forcé, les réquisitions alimentaires, l’augmentation des impôts (qui occasionna en effet une charge fiscale plus lourde que dans les autres territoires de l’AOF112), l’exploitation des producteurs d’arachide par les compagnies françaises, le refus du gouvernement d’augmenter la paie des petits salariés et la misère sociale d’une manière générale. L’UDN ratissait clairement plus large que ne le nécessitait la seule conquête du pouvoir politique. Elle critiqua l’apparition – grâce aux indemnités parlementaires – d’une « caste de petits bourgeois », soulignant le fait que les députés n’étaient normalement que les exécutants de « la volonté des masses ». Par ailleurs, l’autorité cheffériale fut condamnée comme une représentante du « féodalisme » qui était partiellement responsable de la « cynique exploitation des masses de la campagne ». Tous ces « vampires », affirmait la lettre, ne pouvaient voir en l’UDN qu’une menace pour leur tranquillité.
46Tout ceci montrait que le programme anticolonial de l’UDN était également un projet de transformation sociale qui visait autant, sinon plus, les chefs que le PPN et sa base de « commis », ciblant en particulier Boubou Hama pour de véhémentes attaques. Elle laissait entendre qu’en toute logique, on ne pouvait combattre les abus du colonialisme en se mettant du côté de l’administration, lorsque cette dernière se trouvait être la source même de l’oppression. Il s’agissait là d’une attaque mordante à l’égard du PPN, accusé d’avoir renoncé à la lutte et de s’être laissé acheter par l’administration. Par allusion à son inspiration marxiste, l’UDN indiqua qu’elle s’attaquait au colonialisme en tant que système d’exploitation plutôt qu’à des individus donnés, et elle s’enorgueillit de ses contacts dans les Pays de l’Est, tout en ajoutant astucieusement que le parti ne s’en prendrait pas au peuple de France. Hama fut tourné en dérision pour son « ambition démesurée », et l’organe du PPN qu’il dirigeait, Le Niger, fut qualifié de « feuille de chou » qui se contentait d’imprimer de la propagande gouvernementale. Bref, l’UDN se présentait comme étant le successeur naturel de la position que le PPN avait abandonné par « lâcheté et ambition113 ».
47La lutte pour la décolonisation du Niger commençait à présent pour de bon114. Tirant les leçons de la répression subie par le PPN, l’UDN accorda une large autonomie à ses sections locales. De cette manière, les activistes pouvaient plus aisément faire entendre leur voix sur les questions de politique locale et parvenir ainsi à mobiliser des adhérents. Échappant au contrôle de l’administration, les petits commerçants, les artisans, les marabouts et les manœuvres répandirent le message de l’UDN avec zèle et enthousiasme. Le message sans compromis et le langage plein de franchise du nouveau parti lui conférèrent une popularité légendaire. La formation rapide de bases de soutien fit bientôt bénéficier l’UDN d’un soutien de masse authentique et d’une participation de masse à l’intérieur de ses structures, ce qui était une première pour un parti nigérien115.
48Bien que ceci ait été en soi une réussite de grande importance, l’aspect le plus remarquable de l’essor de l’UDN résidait dans le fait que – en premier lieu – sa célébrité ne resta pas confinée dans les villes mais se répandit rapidement au niveau de la paysannerie. À peine une année après sa création, un observateur français constatait que l’UDN gagnait de nouvelles recrues dans les campagnes à un rythme alarmant. Le message du parti se disséminait facilement et pouvait se transmettre dans la plus grande discrétion, étant donné le fait que nombre de ses activistes semi-urbanisés maintenaient des liens avec leur village d’origine. Dans le cas des camionneurs, des coxeurs (sorte d’apprenti-chauffeur), des marabouts, des colporteurs, et des travailleurs des PTT, la mobilité était inhérente à leur activité. Par suite de tous ces efforts, la politique de la décolonisation pénétra enfin dans le monde rural. En second lieu, l’UDN devint non seulement populaire au niveau des classes inférieures mais s’attira aussi les sympathies d’une certaine élite intellectuelle116. Ainsi, le parti reçut le soutien de nombreux vétérinaires, ainsi que des instituteurs117, bien que la majorité de ces derniers était du côté du PPN-RDA. En visant à des changements d’ensemble fondamentaux de l’ordre social, l’UDN avait donc acquis le soutien d’échelons très différents de la société nigérienne. Il était non seulement constitué en partie politique mais, avec les apports d’institutions alliées, il avait commencé à prendre toutes les apparences d’un véritable mouvement social.
49Le fait qu’un tel statut pouvait être revendiqué par l’UDN fut aussi marqué par le nom dont le parti fut salué par les populations rurales du Centre et de l’Est : Sawaba. Le nom était emprunté au slogan identique qui saluait un parti politique radical du Nord Nigeria, la Northern (ou Nigerian) Elements Progressive Union (NEPU118). La NEPU avait été fondée en 1950 sur la base d’un programme anticolonial radical qui l’engageait dans la voie de « la démocratie et du progrès social », proclamée dans un texte connu par la suite sous le nom de « Sawaba Declaration ». Les leaders de la NEPU – petits commerçants, employés subalternes et talakawa eux aussi – militaient en faveur des démunis de la société du Nord Nigeria119. Ces derniers appelèrent le parti « Sawaba », d’un mot haoussa120 apparenté au mot sawki qu’il est difficile de traduire adéquatement, mais qui se rapproche du mot français « soulagement », et qui, donc, désigne la délivrance par rapport à une situation de misère, de contrainte ou de domination. Le fait que les gens, au Niger, aient commencé à appeler l’UDN « Sawaba » soulignait ainsi leur désir d’un soulagement et d’une détente par rapport à la pauvreté et à l’oppression, et ce désir se rattachait non pas tant aux objectifs politiques officiels du parti qu’à son programme social et au mouvement social qu’il comptait guider. « Sawaba » est traduit de manière moins appropriée comme « indépendance ». Plus exactement, il signifie « liberté », « quiétude », « tranquillité121 ».
50Pour arriver à ses fins, le parti était en possession d’une solide organisation – de fait, la seule organisation politique structurée du pays – méthodiquement orientée vers l’activisme pour le changement. Les comités autonomes de base du parti (dont il sera plus largement question sous peu) étaient regroupés en sections qui devaient populariser le slogan du parti, dénoncer les abus et aider « les masses à s’organiser et à lutter ». Les sections, à leur tour, étaient regroupées en trois régions (Ouest, Centre et Est/Nord), liées au siège du parti, à Niamey122. L’organe le plus élevé du parti était le « congrès » qui se réunissait annuellement afin de définir la ligne directrice du parti et d’élire un bureau de dix membres ou plus, et, à partir de ce bureau, un secrétariat de six membres. En dehors de Djibo Bakary et de Dan Galadima, ce secrétariat comprit, au cours de son premier exercice, Hama Sanda dit Pascal en tant que secrétaire adjoint, Amadou dit Gabriel en tant que secrétaire administratif, Bokar Touré en tant que trésorier et Issaka Samy en tant que responsable de la propagande123. Si les décisions étaient en théorie prises de façon démocratique à tous les échelons, la structure du parti, clairement inspirée par celles des organisations communistes, comprenait aussi des codifications qui assuraient la discipline et le respect de la ligne du parti. Mais à l’inverse de ce qui se passait dans d’autres formations, les comités de base de l’UDN n’étaient pas des corps sans vie124. Comme au PPN, ces comités existaient au niveau des villages et des subdivisions urbaines, en plus de ceux établis au sein des entreprises ou des agences gouvernementales. En accord avec la stratégie de la mobilisation couplée (urbaine et rurale) de l’UDN, ces comités tâchèrent d’absorber des gens issus du monde syndical comme d’organisations plus traditionnelles, et des associations rivales étaient établies lorsque les opérations de pénétration échouaient125. S’appuyant de l’expérience de Bakary au PPN, les activistes de l’UDN s’emparèrent des samariyas réfractaires au PPN qui avaient cessé d’assembler des groupes d’âge pour inclure des gens de tout âge et toute origine sociale, et qui fournissaient le personnel des comités de village et de circonscription. Les samariyas devinrent ainsi des groupes politiques, abandonnant leurs fonctions récréatives et d’entraide pour se mettre à concurrencer l’influence des chefs. Le sarkin samari jouait le rôle de délégué du parti et de propagandiste pour les échelons inférieurs, constituant des cellules locales, vendant les cartes de membre et recueillant les contributions. De même, l’UDN prit langue avec les corporations de métier traditionnelles ou sana’a (terme haoussa pour « métier ») ainsi que divers groupements féminins, notamment celui des karuwai (« femmes libres » en haoussa) locales126.
51Les karuwai étaient des femmes généralement veuves ou divorcées, qui, pour beaucoup, avaient fini par entrer en prostitution127, en particulier lorsqu’elles vivaient loin de leur région d’origine et ne disposaient pas de parentèle à même de les secourir. Cette forme de prostitution était acceptée par les coutumes précoloniales. Elle s’exerçait aussi bien en ville qu’au village et se rapprochait du rôle de courtisane. Les karuwai menaient une vie plus libre que leurs sœurs ordinaires, elles étaient relativement plus indépendantes au plan matériel et leur horizon personnel était plus large. Néanmoins, elles étaient tout de même des marginales dont l’existence comprenait un élément d’insécurité : elles n’étaient que tolérées par le reste de la société. En ce sens, le profil social des karuwai n’était pas si différent de celui des petites gens qui affluaient à l’UDN128. Certaines menaient une vie indépendante tandis que d’autres cohabitaient dans la concession de la magajiya, la patronne des femmes libres129 d’un lieu donné, qui non seulement protégeait les karuwai en tant que telles et s’arrangeait pour que leur voix fût entendue sur le plan politique, mais défendait aussi les intérêts des femmes du cru d’une manière générale130. La magajiya, choisie pour sa personnalité et libérée d’obligations familiales, pouvait facilement se consacrer aux questions de vie publique et développer une orientation politique. Elle se trouvait donc idéalement placée pour mobiliser du soutien politique131. Les griots qui étaient attachés à sa concession pour indiquer la présence de karuwai à des clients potentiels savaient organiser des cérémonies de tam-tam mêlant chants, danses et percussions pour chauffer l’ambiance au début des rassemblements politiques. Engagée par le parti, la magajiya incitait les hommes comme les femmes à voter ou à aller en grève, elle vendait les cartes de membre, collectait les cotisations et organisait des réceptions pour les leaders politiques132.
Agitation et manœuvres, 1954-1956
52L’UDN avait rebattu toutes les cartes sur le terrain politique, au Niger133. Son idéalisme politique avait frappé les esprits au sein des classes populaires134, et son message social et politique, énoncé sans ambiguïté dans ses statuts où il était question de « la réalisation d’un programme politique de démocratisation rapide, d’émancipation des populations exploitées et d’élévation de leur standard de vie135 », ne pouvait manquer d’indisposer l’administration et les autres partis politiques. Parmi ces derniers, l’UNIS s’affaiblissait graduellement du fait de scissions internes, tandis que le PPN se sentait directement pris à partie par la manière dont l’UDN se présentait comme le véritable héritier du zèle anticolonial du RDA. Cette situation était d’autant plus difficile que Bakary avait du mal à se placer hors du cadre plus large du RDA136, en partie à cause de ses opportunités de connexions internationales, mais aussi du fait d’un attachement au RDA – doté encore d’un prestigieux symbolisme dans le pays – et au noble idéal anticolonialiste que le parti interterritorial semblait avoir trahi aux yeux des militants nationalistes137. Les statuts de l’UDN proclamaient donc que le parti œuvrait « pour le triomphe de l’idéal et du programme du R.D.A. » et qualifia son prédécesseur avorté, l’Entente Nigérienne, de « comité d’action R.D.A.138 ». L’organe du parti, Le Démocrate, soutenait avec insistance que le parti demeurait loyal à l’esprit qui avait donné naissance au RDA, et réaffirmait, page après page, son adhésion aux lignes directrices du RDA139. Pis encore, en février 1955, Bakary écrivit au président du RDA, Houphouët-Boigny, exigeant que l’UDN puisse participer aux réunions du comité de coordination du RDA, dont il avait été membre en qualité de secrétaire général du PPN. Et pourtant, lors de sa réunion du mois de juillet 1955, le comité élit le PPN comme unique représentant du RDA au Niger140. Sur quoi Bakary, de concert avec deux politiciens du Sénégal et du Soudan qui partageaient ses vues, produisit un manifeste déclarant que leur tendance représentait le « véritable » RDA, appelant à une conférence des organisations de base et dénonçant ses opposants comme des défaitistes qui se servaient abusivement du RDA comme d’une plateforme électorale. Cette action consommait de fait la rupture entre l’UDN et le parti interterritorial141.
53L’UDN, tout en persévérant dans ses actions d’agitation politique, devait aussi affronter l’administration. Les nouvelles politiques de développement de Ramadier, qui dédaignait les chefs et l’UNIS, faisaient grand cas de la coopération avec les « évolués » et favorisaient donc une certaine entente avec le PPN et ses « commis », évolution qui, en fait, avait déjà été prudemment lancée par Toby, après 1952142. L’UDN, dont le programme social et économique ne pouvait apparaître que comme une menace du point de vue de cette approche gradualiste, fut confronté à la ferme hostilité du gouvernement. Toby avait mis ses subordonnés en garde contre le parti et l’un d’entre eux avait juré de le contrer avec « la plus grande détermination143 ». Cette animosité administrative pouvait aller très loin et même devenir personnelle ainsi que le démontre une confession faite dès 1950 par un administrateur qui marqua sa haine pour l’un des principaux lieutenants de Bakary, Ousmane Dan Galadima, alors employé par l’administration :
« On le dit méchant. Petit, chétif, souvent malade mais une langue de vipère… Je n’aurais aucune objection à être dispensé de ses services144. »
54Une opportunité d’obstruction fut offerte à l’administration par les élections de métropole, en janvier 1956. La liste UDN, constituée de Bakary et d’Abdoulaye Mamani, fit campagne sur une plateforme anti-taxe et échoua de peu à remporter un siège. Une liste combinée UPN-BNA, deux nouvelles formations qui avaient fait défection de l’UNIS sous l’égide, respectivement, de Georges Condat et d’Issoufou Djermakoye, s’assura un siège et l’autre siège fut regagné par Diori pour le compte du PPN. L’UDN cria à la triche, arguant que Paris avait donné consigne à Ramadier de la priver de sa victoire145. Il est impossible de confirmer cette allégation puisque seuls les résultats généraux de la consultation ont été préservés. Cependant, il est significatif que les autorités fédérales, à Dakar, aient par la suite remarqué que les progrès notables de « ce parti extrémiste » avaient pu être stoppés par « la ferme attitude de l’administration146 ». Par ailleurs, Diori avait battu Bakary avec une avance de seulement 8 000 voix (la liste UPN/BNA l’ayant emporté haut la main), ce qui laisse penser qu’il y avait à tout le moins eu possibilité de manipulation de la part des Français, qui avaient amené Houphouët-Boigny à faire campagne pour le PPN parmi les chefs du Niger occidental, peut-être avec l’aide du gouverneur. Il reste vrai, dans tous les cas, que l’UDN fut confrontée à une « forte opposition de l’Administration » durant cette campagne147.
55Quoi qu’il en soit, la plus grande surprise des élections résida évidemment dans le fait que l’UDN, au bout de seulement deux ans d’existence, avait pu recueillir un total de 74 000 voix, finissant troisième au décompte final, loin devant l’UNIS (qui avait reçu 24 000 voix, 82 000 allant au PPN et 126 000 à l’UPN/BNA). Partie de rien, elle venait ainsi de faire une première démonstration de force, profitant d’une expansion significative du droit de vote qui incluait à présent un nombre croissant de jeunes et de ruraux au sein du système politique. Les jeunes étaient mobilisés à travers les samariya tout autant qu’à travers l’Union de la jeunesse nigérienne (UJN), une branche moderne de l’UDN ayant des liens avec les syndicats. Elle était dirigée par Djibo Sékou (dit Soumari Goudel), chef du syndicat des ouvriers du bois, des métaux et du bâtiment ; Mamadou André dit Moussa, cuisinier et chef du syndicat des gens de maison ; et Hima Dembélé, éditeur du journal syndical Talaka148.
56La géographie du soutien du parti était plus compliquée. La littérature sur le Niger conduit généralement à penser que l’UDN était un parti de l’Est dont la base de soutien se limitait aux régions haoussaphones du Centre et de l’Est du pays149. Une telle vision des choses provient, dans un certain sens, des travaux de Fuglestad, un historien dont l’analyse était indûment affectée par la lecture ethno-régionale que l’on trouve dans la documentation française dont il dépendait150. En réalité, le soutien du parti était plus géographiquement dispersé et évolua à travers le temps. En 1948, en tant que secrétaire du PPN d’ethnie zarma, Bakary reçut du soutien dans les circonscriptions Ouest de Filingué et Say, en plus d’une part substantielle du vote urbain à Niamey, Maradi et Zinder. Cependant, huit ans plus tard, au cours des élections pour la métropole de 1956, les suffrages lui vinrent surtout des circonscriptions du Centre et de l’Est, en ville comme dans les campagnes, grâce à l’exemple de la NEPU, de l’autre côté de la frontière, au Nord Nigeria. L’UDN emporta ainsi plus de la moitié des votes dans la circonscription de Zinder, 70 % dans celle de Maradi et plus de 40 % dans les circonscriptions du Centre-Est, Tahoua et Tessaoua. La popularité du parti à Tessaoua dérivait en partie de l’influence de la NEPU et du dynamisme de ses leaders locaux, alors qu’à Maradi, il bénéficia du zèle d’élèves radicaux inscrits dans des établissements techniques ou autres de cette localité151. Bakary lui-même déclara à ce sujet que le Sawaba se sentait « plus à l’aise » à l’Est et qualifia Maradi de « berceau du parti152 ».
57Ces remarques datent cependant des années 1990 et, façonnées par une vision rétrospective des choses, elles ignorent le soutien dont le parti a pu bénéficier dans les villes et villages de la vallée du Niger, à l’ouest de la capitale153. Dans la seconde moitié des années 1950, des localités comme Gothèye, Bandio, Dargol, Ayorou et, dans une moindre mesure, Téra, développèrent un solide noyau sawabiste. En général, ceci avait à voir avec les origines syndicales de l’UDN dans l’ouest du pays154 ainsi qu’avec sa base de fidèles issus du petit peuple, qui lui attiraient des adhérents dans toutes les agglomérations, y compris Niamey155. Mais il y avait aussi quelques raisons plus spécifiques à ce soutien des localités de l’Ouest. Puisque Bakary était originaire du village de Soudouré, à l’ouest de la capitale, beaucoup d’habitants de la vallée Ouest le voyaient comme un fils du pays et, dans la foulée, le considéraient comme un Songhay – la distinction entre Songhay et Zarma n’étant de toute façon pas toujours très nette156. Par ailleurs, Bakary avait des liens personnels avec la petite ville de Gothèye. Après une enfance passée à Tahoua, il fut un temps confié à un tailleur, El Hadji Harouna Téla, qui était basé à Gothèye. Le chef de la ville lui était apparenté et la mère de Bakary y avait également de la famille. Gothèye devint de cette façon un tremplin pour l’UDN, et Bakary y noua des alliances politiques, visitant Gothèye et les bourgades voisines de Dargol et Bandio, et promettant des aides et des projets aux communautés locales en échange de leurs suffrages157.
58En 1956, cependant il était encore impossible de voir clairement comment toute cette évolution se traduisait en termes électoraux – l’aspect le plus frappant de la géographie des résultats des élections de métropole étant les avancées faites par l’UDN dans certaines régions de l’Est. Par contraste, le PPN ne remporta une victoire signalée que dans l’Ouest (52 000 de ses 82 000 voix), avec de larges majorités dans cinq circonscriptions Ouest, bien que Tillbéri ait été plutôt divisé et Niamey, marqué par une présence significative de l’UDN158. Le problème, pour l’UDN, restait cependant que son soutien ne parvenait pas à fournir une majorité électorale. En tant que mouvement social, il comprenait une large variété d’adhérents issus de diverses couches sociales, mais son noyau dur était constitué d’un petit peuple semi-urbanisé qui était socialement minoritaire. Il avait donc besoin d’alliés autant pour atteindre ses objectifs sociaux et politiques que pour résister à l’hostilité de l’administration. Ce dernier problème restait d’actualité, ainsi qu’on put le voir à Gothèye le 6 février 1956, lorsqu’un meeting de l’UDN auquel Bakary avait pris la parole fut perturbé par la force paramilitaire des gardes nomades, obligeant le leader de l’UDN à rester enfermé et contraignant une délégation de l’UJN de Niamey à rebrousser chemin. Une action en justice fut ensuite intentée contre Bakary et le délégué local de l’UDN, alors que le chef de Gothèye était démis de ses fonctions159. Abdoulaye Mamani et Boukari Karemi (dit Kokino), qui avait succédé à Issaka Samy au poste de directeur du Démocrate après que ce dernier ait eu maille à partir avec les autorités, furent poursuivis et condamnés à des peines de prison et autres rigoureuses pénalités pour avoir diffamé le directeur de la Sûreté. Pour des raisons similaires, le parti dut arrêter la publication de son organe et le remplaça un peu plus tard au cours de l’année par un nouveau périodique intitulé Sawaba160.
59Dans l’espoir d’élargir sa marge de manœuvre, l’UDN, en plus de chercher des alliés politiques, tâcha d’établir des rapports fonctionnels avec l’administration. Des appels exprimés dans un langage conciliant furent publiés, prônant la coopération sur la base d’un respect et d’une entente mutuels, et admettant que l’UDN avait pu commettre des « inévitables fautes inhérentes à tout jeune mouvement ». C’était là aller bien près d’une présentation d’excuse au gouverneur, dont le retour de congé fut même bien accueilli par l’organe du parti. Une déclaration indiquant que l’UDN adhérait au « système français » et préférait une union librement consentie avec la France – le slogan de « l’indépendance » n’avait pas encore retenti – fit référence au fait qu’elle acceptait les contours fondamentaux de la sphère d’influence de la France en Afrique161. Tout ceci allait s’avérer inutile, cependant, car l’administration, sous Ramadier comme sous son successeur à l’automne, Paul Bordier, continuera à préférer les autres partis du Niger, et, par conséquent, à bloquer les progrès électoraux de l’UDN162.
60Pour renforcer sa position, Djibo Bakary tâta le terrain dans diverses directions, à l’intérieur comme à l’extérieur du Niger, appelant à une union nationale et même africaine et soulignant le besoin d’un front politique commun. Alors qu’il reconnaissait à présent le PPN comme unique représentant du RDA au Niger, le PPN répondit en exigeant un retour inconditionnel de l’UDN au sein du PPN-RDA et la rupture de tout lien avec le PCF et tous ses groupes affiliés. Étant donné le rapport des forces, il s’agissait là d’une demande pour le moins excessive. De plus, toutes ces démarches avaient un côté problématique, puisqu’elles devaient être entérinées par les militants de base, surtout dans le cas de l’UDN où la base politique ne pouvait pas être simplement engagée dans une alliance politique qu’elle n’approuvait pas163. Ainsi, en mai et juin, des incidents eurent lieu dans la capitale, et une femme UDN fut molestée par des jeunes filles PPN tandis que des jeunes UDN échangèrent des injures avec un leader PPN. En fin de compte, les démarches achoppèrent sur les candidatures pour une élection partielle tenue dans la circonscription de Tillabéri, le bastion contesté du PPN. Ce parti posa la candidature de Boubou Hama, s’attendant à ce que l’UDN, comme l’UNIS et le BNA, renonce à désigner un candidat rival. Mais l’UDN, qui disposait d’un soutien appréciable dans le secteur, ne retira son candidat, Adamou Sékou, commis judiciaire et coriace militant UDN de Téra, qu’à la dernière minute. Sur quoi le PPN se refusa à tous pourparlers et les démarches de Bakary échouèrent dans l’acrimonie, menant l’organe de l’UDN à traiter Hama de « petit bourgeois de Téra164 ».
61Bakary essaya aussi de trouver des alliés sur la scène interterritoriale où il se trouvait dépourvu d’un réseau de contacts organisé. Il désirait briser d’autant plus rapidement son isolement que les Français, dans leurs tentatives de suivre le rythme de l’évolution politique en Afrique, venaient de mettre en place une réforme coloniale majeure (juin 1956). La nouvelle législation, la « Loi-Cadre », introduisait le suffrage universel dans les colonies sur la base du collège électoral unique. Cette mesure éliminait la surreprésentation des colons européens, établissait des assemblées territoriales aux pouvoirs élargis et donnait vie à des gouvernements autonomes dirigés par des Africains, quoique sous supervision du gouverneur. La Loi-Cadre était fondée sur une vision optimiste dans laquelle la France serait en mesure de contrôler la dévolution de pouvoir et garder son influence dans ses colonies165, mais en réalité, elle lança une évolution politique inexorable qui comportait deux implications significatives pour Bakary.
62En premier lieu, l’arrivée d’un grand nombre de jeunes dans le corps électoral avait un impact particulièrement positif sur les chances de l’UDN, bien que l’importance nouvelle des enjeux – qui avaient désormais à voir avec l’investissement d’un pouvoir politique véritable – ait aussi renforcé la compétition. Ensuite, l’autonomie accordée aux territoires de façon individuelle par la Loi-Cadre mettait en péril la fédération coloniale de l’AOF, si chère à Bakary et aux autres militants nationalistes, si bien qu’elle nécessita une intervention sur la scène interterritoriale. En juillet 1956, l’organe de l’UDN publia une lettre ouverte à Houphouët-Boigny, le leader RDA de la Côte d’Ivoire qui était devenu un ennemi de Bakary, mais aussi ministre en métropole, ainsi qu’à Léopold Sédar Senghor du Sénégal. Rendant hommage aux deux hommes, la lettre présenta des excuses pour la dureté de langage qui avait souvent été utilisée à l’encontre de Houphouët. Elle en appela aussi à l’unification de tous les partis politiques au sein de la Fédération afin de réaliser la plus grande autonomie possible dans le cadre de l’Union française, tout en préservant les structures de l’AOF et en conjurant la « balkanisation » de l’Afrique de l’Ouest – son affaiblissement par voie de fragmentation territoriale, menant à la domination par des puissances non-africaines. Cette proposition agréa à Senghor mais Houphouët – leader du RDA, allié du PPN et, comme les Français, un partisan des entités territoriales – n’y répondit pas166.
63On prétend qu’au cours de ces opérations de rapprochement avec le PPN-RDA, Bakary aurait accepté de rompre ses liens avec le PCF. De fait, il a beaucoup été question de ces liens, des convictions communistes présumées de Bakary, de son divorce supposé d’avec les communistes en 1956, et de la souplesse idéologique qui l’aurait conduit à s’allier avec le parti socialiste métropolitain, SFIO. À cet égard, Bakary fut accusé d’insincérité quant à ses convictions idéologiques tout autant que par rapport à ses dispositions supposées de rupture avec les communistes. De tels reproches, combinés aux liens que Bakary aurait établis avec la SFIO – cette question est abordée plus amplement dans la prochaine section – servirent à bloquer le rapprochement avec le RDA, qui, tout en soutenant le gouvernement socialiste en métropole, était allié à un autre parti gouvernemental français et n’encourageait pas les relations étroites avec la SFIO en tant que telle167.
64Ces accusations semblent avoir été très largement basées sur une mauvaise lecture de l’idéologie de l’UDN et ne tenaient pas compte de la rhétorique du parti à ce sujet. Le contexte de la Guerre froide poussait aux simplifications abusives sur ce plan, et les Français, tout comme leurs alliés africains, se refusèrent à prendre l’idéologie du parti au sérieux, d’autant que les accusations de communisme permettaient de le combattre plus efficacement168. Par ailleurs, ils ont pu en faire une montagne par crainte des extraordinaires capacités d’organisation de Bakary169.
65Bakary lui-même nia que l’UDN ait jamais entretenu ce qu’il qualifiait de « relation organique » avec le PCF et soutint que les syndicats devaient s’organiser en un mouvement interterritorial qui n’aurait de liens ni avec la CGT ni avec aucune autre union syndicale de métropole170. Mais si ses dénégations à propos de liens « organiques » entre l’UDN et le PCF étaient effectivement correctes, elles éludaient la question de l’existence avérée de relations entre membres de l’UDN – y compris Bakary lui-même – et organisations communistes françaises ou autres, en Afrique comme en Europe. Par ailleurs, la présence (de 1954 au début de 1957) de Bakary au Conseil économique et social de la métropole sur la base de son adhésion à la CGT constituait un lien on ne peut plus officiel, tout autant d’ailleurs que l’affiliation de l’organisation de la jeunesse du parti, l’UJN, à la Fédération mondiale de la jeunesse démocratique (FMJD), une structure liée à la FSM d’obédience communiste171. À un niveau plus personnel, les contacts avec les membres du PCF et leurs alliés de la CGT entraînaient une assistance variée de la part des communistes, notamment sous la forme d’appui juridique en cas de poursuites, d’aide au niveau des structures métropolitaines, d’invitations à des conférences internationales, ou encore de formations syndicales offertes soit dans les centres du PCF en France, ou à travers les « groupes d’études communistes » (GEC) qui œuvraient dans toute l’Afrique francophone172. Par ailleurs, des membres du PCF participaient à des conférences en Afrique et rendaient de temps en temps visite à des membres de l’UDN au Niger, des gens tels que Bakary et Daouda Ardaly, un militant UDN de Niamey qui avait assisté à un festival de la jeunesse PCF à Paris en 1954173.
66Tout ceci datait en grande partie de l’époque où les membres de l’UDN faisaient encore partie du PPN-RDA. En fait, bon nombre de nationalistes africains acceptaient avec plaisir cette assistance, au temps où le RDA était affilié au PCF. Les membres de l’UDN, en particulier les talakawa, qui progressaient lentement mais sûrement sur l’échelle sociale à travers leur maîtrise de savoirs faires modernes, ne voyaient aucune raison de renoncer à ce soutien. Des hommes comme Daouda Ardaly, Hima Dembélé et Dandouna Aboubakar – un menuisier ou ébéniste analphabète qui, plus tard, apprit à lire et à écrire et put s’affirmer comme animateur syndical à Maradi – maintinrent leurs rapports avec la CGT ou établirent de nouveaux contacts avec les organisations communistes d’Europe de l’Est174. C’est ainsi que le parti réussit à mobiliser des ressources externes, en argent comme en nature, pour ses combats175.
67En dépit de tout, on ne pouvait cependant parler de liens formels et officiels avec le parti communiste, encore moins de subordination politique de l’UDN à ce parti, quels qu’aient été les souhaits du Bloc de l’Est par rapport au ralliement de l’UDN et de formations similaires à sa lutte « anti-impérialiste » contre l’Occident. On n’est pas non plus fondé à conclure de ces détails que l’UDN nourrissait une idéologie communiste. Bakary disait ouvertement n’être pas un communiste, ce qu’il rattacha, de façon rétrospective, à sa foi musulmane. Au début de 1956, l’UDN et son leader déclarèrent qu’ils approuvaient fortement la position anticolonialiste des communistes. Ils étaient reconnaissants des services qu’ils avaient rendus à leur combat et refusaient de leur montrer de l’hostilité. Sur le plan idéologique, cependant, Bakary affirma ne pas partager leurs idées, ni non plus celles des socialistes de métropole, et il rejeta la soumission de l’Afrique à des idéologies « importées ». Les problèmes du continent devaient plutôt être pris en charge par les Africains eux-mêmes d’abord, et l’aide d’autrui devait venir seulement après, tout en prenant en compte les « réalités africaines » et les valeurs humaines propres à l’Afrique. Tout en mettant en avant le talaka en tant qu’« homme du Peuple », cette position postulait une idéologie qui visait à « transcender les contradictions de [la] société nigérienne » et impliquait une multiplicité de catégories sociales toutes unies dans l’objectif de l’émancipation du pays et de la fin de la domination et de l’exploitation coloniales. En d’autres termes, Bakary énonçait un discours nationaliste passionné infus de références qui, implicitement, étaient d’inspiration marxiste176.
68Son affirmation selon laquelle l’association du RDA avec les communistes avait été « une simple nécessité tactique » liée au contexte de la vie politique en métropole était cependant loin d’être l’entière vérité177. On a pu s’en apercevoir lorsque Bakary prétendit prendre ses distances vis-à-vis des communistes lors de ses démarches de 1956 ou encore lors de son rapprochement supposé avec les socialistes français de métropole un peu plus tard au cours de cette même année, puisque ces manœuvres, quelle qu’ait été leur véracité178, n’eurent guère d’effet sur les activistes eux-mêmes. D’un autre point de vue, il est possible de dire que Bakary ne s’est pas dissocié des communistes pour la simple et bonne raison qu’il n’était de toute façon pas un véritable marxiste. Il s’est trouvé qu’il avait des intérêts communs avec eux, intérêts qui devaient survivre aux manœuvres tactiques qui prenaient à présent place.
Le triomphe du Chameau
69Après l’échec du rapprochement UDN-RDA, d’autres réalignements furent mis en route dans un contexte de positionnement des différents partis en vue des bouleversements politiques qui allaient être introduits par la Loi-Cadre. Pour commencer, l’UPN de Condat fusionna avec le BNA, ce qui eut pour effet de revigorer les intérêts principalement des chefs dans les régions Est. Puis des pourparlers s’engagèrent entre le BNA et le PPN-RDA, échouant à la dernière minute à cause de désaccords entre Issoufou Djermakoye et Boubou Hama – rivaux politiques depuis 1946 – ou à cause d’une intervention de la métropole en faveur d’un nouveau regroupement interterritorial, proche de la SFIO, et qui devait inclure l’UDN. Quelle qu’ait été la vérité quant à cette dernière assertion, elle contredit complètement les préférences de l’administration pour le PPN179.
70Plusieurs réalignements échouèrent, et, lors des premières consultations municipales du pays, tenues le 18 novembre 1956 à Niamey et à Zinder, les partis politiques du Niger firent face à l’électorat chacun de son côté. Il s’agissait là de centres urbains, dans lesquels l’UDN pouvait faire montre de sa force. Le prix de la victoire : des conseils intégralement élus dans les deux villes, et, à Niamey, un maire élu180. L’UDN avait déjà publiquement sommé les Français de ne pas interférer avec les libertés électorales, s’ils ne voulaient pas transformer la Loi-Cadre en Loi-Bluff. Lors d’une chaude campagne électorale, son organe se gaussa des partis qui l’avaient dédaigné au sujet du mutisme qu’ils avaient soigneusement gardé des années durant afin de ne pas offenser « Dame Administration181 ». Il clama que c’était les militants de l’UDN qui avaient fait les frais de la fureur des maîtres coloniaux, et non les « lâches » du BNA ou les « matamores » du PPN, qui auraient aidé à briser certaines des actions de grève du parti en échange de meilleures rémunérations. Ni les « engraissés de l’éléphant » (le symbole du RDA) ni « les profiteurs du cheval » (le symbole tout chefférial du BNA), ni non plus « les hésitants de l’UNIS » n’avaient osé combattre la discrimination raciale et sociale, l’imposition accablante des populations urbaines et l’oppression des masses rurales. De plus, ils savaient parfaitement que c’était l’UDN qui avait été la cible du harcèlement policier, des actions en justice, des « calomnies idéologiques » et des sanctions administratives du fait de son aspiration à « plus de bien-être et de liberté ». L’organe du parti conclut, cependant, par un appel à « tous les hommes de bonne volonté » à aider au triomphe du seul parti loyal à la cause de l’unité sans exclusive, et à contribuer à l’amélioration du « sort de toutes les couches de la population182 ».
71Bien que l’électorat n’ait pas lu ces diatribes, elles ont du moins donné le ton de la campagne. L’allusion à des ambitions sociales élargies et le fait de présenter le parti comme un mouvement social aspirant à unir les groupes politiques et sociaux du pays sous sa conduite nationaliste aboutit à des résultats tangibles. Pour la première fois, l’UDN apparut comme le plus grand parti de l’échiquier politique, s’emparant de 21 sièges sur un total de 54 – 27 pour Niamey comme pour Zinder –, résultat plus ou moins également reparti entre les deux villes. Avec 11 sièges, l’UDN devint le premier parti de Zinder, prenant une petite avance sur le BNA (9 sièges) et dépassant largement le PPN (4 sièges), tandis que la liste locale prenait le reste des sièges. Même la capitale, située dans une circonscription dominée par le PPN, donna 10 sièges aux hommes de Bakary, et le parti talonna le PPN-RDA (13 sièges) tout en distançant le BNA (4 sièges). Si la victoire du PPN à Niamey démontra sa vigueur politique, les résultats généraux indiquèrent qu’il l’avait pris d’un peu trop haut lors de ses pourparlers avec ses rivaux politiques.
72Ayant ainsi considérablement renforcé sa position par rapport aux élections législatives de métropole de janvier, mais toujours dépourvu de majorité, l’UDN entra en conciliabule avec le BNA. Les informations que nous possédons sur les échanges entre les deux partis, et sur la manière dont ils parvinrent à un accord, sont quelque peu contradictoires. Avant les élections, Bakary avait émis quelques signes amicaux, y compris à destination de l’association des chefs, appelant à éviter tout conflit fratricide183. L’échec soudain des pourparlers entre le PPN et le BNA, à quelques semaines du scrutin, lui fournit bientôt une occasion en or de battre le PPN sur son propre terrain. Bakary aurait approché Issoufou Djermakoye, ou ce dernier plutôt aurait pris contact avec le leader de l’UDN, ainsi que semblent le suggérer le témoin de leurs échanges, Adamou Mayaki, et le compromis sur lequel les deux partis se mirent d’accord : sans consulter sa base, le BNA offrit à Bakary son soutien pour qu’il devienne maire de Niamey en échange de la position de vice-maire de Zinder, ville dans laquelle il occupait la seconde place. Une haine commune à l’encontre de Boubou Hama – qui convoitait également la position de maire de Niamey – aurait sous-tendu cet accord. De façon plus importante, l’entente fut renforcée par l’annonce surprise, au lendemain du scrutin, le 19 novembre, d’une fusion des deux partis qui établissait la section nigérienne d’un nouveau groupe interterritorial, le Mouvement socialiste Africain (MSA), en voie de fondation184.
73Le nouveau parti né de cette fusion portait le nom officiel de MSA-Niger (ou « Massa » en langage populaire), mais continua en fait à être désigné par le nom informel de sa composante UDN, « Sawaba ». Le comité directeur provisoire du Sawaba, présidé par Issoufou Djermakoye, avait Bakary au poste de secrétaire général, Amadou dit Gabriel, co-fondateur de l’UDN au poste de deuxième vice-président et Diop Issa, un membre de l’UDN et ingénieur électricien originaire du Sénégal, au poste de deuxième secrétaire adjoint. Bien que le premier vice-président et le premier secrétaire adjoint aient été des membres du BNA, l’UDN exerçait une influence considérable au sein de la nouvelle formation comme on put le constater à travers le programme politique du MSA. Ce texte avait résolu, entre autres objectifs, de combattre toute forme d’oppression et de discrimination et de défendre les intérêts de ses partisans urbains comme ruraux. Il s’agirait notamment d’aider les syndicats et de mettre en œuvre un large programme d’amélioration de la sécurité sociale et d’aide au crédit pour une grande variété de métiers urbains – petit commerce, diverses catégories d’artisans, en somme, des métiers exercés par les gens du petit peuple qui constituaient le noyau dur de l’UDN185.
74Le programme entendait aussi soutenir la paysannerie en appelant à l’abolition des « servitudes incompatibles avec la liberté individuelle et la dignité humaine » ; à la lutte contre les abus commis au cours de la collecte de l’impôt ; à l’interdiction de l’expropriation des terres et de « la dîme », une imposition impopulaire qui portait sur un dixième du revenu annuel de tout musulman et que les chefs estimaient leur être dû. Cette partie du programme du MSA – ou plutôt du Sawaba – s’opposait directement aux intérêts des chefs du pays. Un certain nombre d’autres clauses ne pouvaient guère constituer de compensation adéquate à cet égard, étant donné leur ambiguïté. Ainsi, les chefs devaient recevoir une éducation politique tandis qu’il serait procédé à une « rénovation » de leur institution ; leurs « légitimes revendications » seraient soutenues ; leur « véritable démocratisation » effectuée ; des interventions directes résoudraient les conflits entre chefs et talakawa ; les coutumes qui perturberaient l’harmonie des relations entre les deux groupes seraient abolies ; « les prérogatives normales de la chefferie » seraient préservées ; et toute servilité dommageable aux intérêts des masses et au prestige des chefs serait proscrite. Il ne fait pas de doute que certaines de ces clauses avaient été introduites à l’instigation du BNA. Mais on pouvait fort bien y voir des menaces à l’encontre des intérêts de ses partisans cheffériaux et y sentir l’influence que l’UDN exerçait sur l’élaboration du programme. Par ailleurs, si la fusion donnait une voix aux chefs dans le nouveau système de la Loi-Cadre, le compromis politique, brillant du point de vue de l’UDN, s’étendait aussi au domaine symbolique si vital dans la politique électorale d’une société sous-développée : tout en adoptant pour le moment le jaune du BNA, le Sawaba continua sa marche en avant sous le symbole de l’endurance de l’UDN – le Chameau186.
75En tant que MSA-Niger, le Sawaba devait entrer en contact avec les socialistes de la SFIO187. Il s’agissait là des suites du pacte post-électoral entre l’UDN et le BNA plutôt que d’un quelconque accord prémédité entre Bakary et le gouverneur sortant Ramadier188. Bakary nia avoir eu des contacts avec la SFIO avant février 1958 et soutint que la fusion était le résultat de circonstances locales et nullement d’une interférence des socialistes de métropole – alors que l’idée d’un regroupement socialiste interterritorial correspondait bien à son nationalisme marxisant et à son désir de briser l’isolement fédéral de l’UDN189. En fait, la fusion représentait un triple coup pour Bakary, puisqu’elle permettait au Sawaba de prendre le contrôle des deux plus grandes villes du pays, mettait un terme à son isolement interterritorial et lui donnait des représentants officiels à Paris (Condat, Mayaki et Djermakoye ayant chacun un siège au niveau de différentes institutions métropolitaines). Dans son autobiographie rétrospective, Bakary put donc décrire la fusion comme une consécration de la ligne politique du Sawaba, en dépit du fait qu’elle constituait aussi une avancée certes malaisée pour le BNA qui ne bénéficiait plus des faveurs de l’administration et avait besoin d’alliés pour protéger ses intérêts dans le contexte des changements démocratisants de la Loi-Cadre190.
76Le PPN-RDA était « doublé », et il était furieux. Ses membres au conseil municipal boycottèrent la réunion qui aboutit à l’élection de Bakary au poste de maire de la capitale, secondé par Diop Issa en qualité de premier adjoint. Après avoir mobilisé tous leurs partisans au RDA, les conseillers PPN présentèrent leur démission. Le gouverneur Bordier dissout alors le conseil et annonça de nouvelles élections pour amener à l’inclusion d’autres groupes – ce qui s’avéra être un pas de clerc révélateur de ses préférences politiques. Les suites de l’épisode furent humiliantes pour lui, puisque le ministre des colonies l’obligea à revenir sur cette mesure. Bordier envoya alors Bakary, Djermakoye et Hamani Diori à Paris afin qu’ils y discutent avec Houphouët-Boigny, ministre dans le gouvernement de la métropole au titre du RDA, et arrivent à un accord. Le 30 novembre 1956, un texte signé par Diori, Houphouët et – pour le MSA – Djermakoye, ainsi que par un officiel de la SFIO, stipula que le PPN acceptait de coopérer avec le conseil municipal à condition que de nouvelles élections fussent organisées pour désigner le maire et ses adjoints. Le poste de maire, indiquait l’accord, irait au MSA tandis que les deux partis se partageraient les postes d’adjoint sans possibilité d’objecter à leur nomination191. Neuf jours plus, le conseil de Niamey se réunit de nouveau. Bakary, gardant un silence supérieur à travers toute la séance, était le seul candidat au poste de maire et fut réélu par tous les membres du conseil. Diop Issa se contenta du poste de deuxième adjoint afin de céder celui de premier adjoint à Boubou Hama, qui, ensuite, sous des applaudissements chaleureux, déclara que le PPN n’avait plus de raison de ne pas coopérer avec le MSA192.
77L’élection du porte-parole du petit peuple au poste de premier magistrat de la capitale fut célébrée avec jubilation à la résidence de Bakary193. Mais en dépit de la nouvelle profession de loyauté de Boubou Hama, le PPN n’avait aucune intention d’accepter sa défaite avec bonne grâce. Diori assura, dans une circulaire interne, que le MSA était un stratagème malhonnête visant à arracher le gouvernement de Niamey au PPN. Le parti allait donc coopérer en apparence tout en fomentant la discorde et en laissant les contradictions internes du MSA faire leur œuvre. Diori s’engagea à ne manquer aucune occasion de dénoncer « ce monstre hybride ». Ceci soulignait effectivement un problème fondamental de la fusion, car on est fondé à se demander ce qui pouvait bien unir des gens aussi différents que Saloum Traoré par exemple – un adhérent UDN du Soudan très actif dans le monde syndical – et quelqu’un comme le Sultan (Sarki) de Zinder194. Si le MSA ouvrait au Sawaba les portes des chefferies historiques du Gobir, du Katsina et du Damagaram (Zinder) au Centre et à l’Est195, la fusion avec le BNA était une alliance de forces représentant des intérêts contradictoires. Son annonce lors d’un meeting à Niamey fut reçue avec quelque incrédulité au niveau des militants de base196 qui se créaient une existence nouvelle entre villes et campagne. Les petites gens du Sawaba exploraient les horizons de plus en plus larges d’une lente modernisation, processus qui ne semblait guère pris en charge par la conclusion d’un marché avec les forces sociales qui incarnaient les limitations de l’existence quasi-traditionnelle à laquelle ils tâchaient d’échapper. Mais Djibo Bakary était très conscient du fait que son mouvement ne parviendrait à réaliser les changements sociaux tant souhaités que s’il s’adaptait aux circonstances et passait ce genre de marché avec des forces politiques qui pouvaient considérablement accroître le nombre des adhérents du Sawaba197. Puisqu’un accord avec les « commis » du pays ne pouvait pas produire les chiffres qu’il fallait et était de toute façon repoussé par le PPN, Bakary n’avait pas d’autre choix que de se tourner vers les représentants de la chefferie au BNA. La nécessité de cette approche en termes de realpolitik ne s’arrêtait d’ailleurs pas au contrôle des conseils municipaux, puisque, dans le contexte du suffrage universel mis en place par la Loi-Cadre, le MSA pouvait offrir au Sawaba la majorité aux élections générales de 1957. Les stratégistes du parti firent donc de leur mieux pour attirer les leaders cheffériaux de leur côté. Ainsi, à Bosso, sur les bords du Lac Tchad, le chef de secteur de canton local, Aba Kaka, et le sarkin samari de la petite ville, furent persuadés de se joindre au mouvement à travers la promesse d’une restauration de Bosso au statut de chefferie à part entière, statut que les Français lui avaient ôté en faveur d’une bourgade voisine198.
78Le leader du Sawaba était donc déterminé à « vendre » la fusion à la base de l’UDN199. Une circulaire de décembre 1956, sentant l’approche du pouvoir, parla de tournant décisif et borna la validité de l’accord avec le RDA à Niamey seulement. Le leadership du MSA promit de faire une tournée dans le pays pour expliquer la fusion avec le BNA et en appela au calme dans les rangs. À présent que le peuple s’apprêtait à saisir le contrôle de ses propres affaires, l’ère de la propagande devait céder le pas au temps de l’action. Pour rassurer les militants de l’UDN, les chefs furent avertis que leurs intérêts se trouvaient dans la coopération avec un mouvement qui respectait les revendications légitimes de chacun. Le parti promit de s’entremettre dans les cas de conflits entre chefs et paysans. Il expliqua que la fusion le dotait de représentants en France et avança avec plus d’assurance qu’elle allait aboutir au contrôle des deux tiers de l’Assemblée territoriale du Niger. Le parti travaillerait à la satisfaction des « légitimes revendications de toutes les catégories sociales » et à « l’émancipation politique » du Niger dans le cadre d’une « véritable Union française ». Les adhérents de l’UDN et du BNA devraient se rendre compte que « le signe de la grandeur » se trouvait dans le fait de « mourir en soi pour renaître dans le plus grand nombre ». L’objectif unique devait être à présent de s’élever au-dessus des « rancœurs du passé » pour mieux prendre en main la responsabilité concrète des affaires du pays200.
79Ceci était plus facile à dire qu’à faire. Bakary s’aperçut que le fait de prendre à son bord les barons cheffériaux du BNA obligeait ses adhérents à un énorme ajustement, ce qui n’était pas sans poser quelques « problèmes délicats ». Mais, enflammé par la conviction nationaliste et l’activisme populaire au sein de l’UDN, il était bien décidé à les résoudre201. À la fin de l’année, le premier congrès territorial du MSA-Niger approuva la ligne politique du Sawaba, qui prônait une solution socialiste au sous-développement, en prenant toutefois en compte l’« originalité » de l’Afrique et les « conditions réelles » du Niger. Le mois suivant, Bakary améliora sa stature internationale grâce à la formation du regroupement interterritorial du MSA dont il devint le secrétaire général, et qui, sur la base d’une fédération de partis du Sénégal, du Soudan, de la Mauritanie, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée et du Niger, avait mis en place une structure qui pouvait rivaliser avec le RDA202.
80En février 1957, une grande tournée à l’intérieur du pays fut organisée. Un convoi de trois Land Rovers transportant Bakary et des leaders du BNA se déplaça jusqu’à Maïné-Soroa dans l’extrême est du pays, apaisant les fidèles du parti, expliquant la nouvelle stratégie et, dans la foulée, démarchant les votes en vue du scrutin législatif prévu pour le 31 mars. Les réactions populaires furent, à ce qui fut rapporté, délirantes, la délégation du parti étant partout reçu au son extatique des cris de ralliement « Sawaba ! Sawaba ! Sawaba sawki ga Allah203 ! ». Cet enthousiasme était certainement présent à Zinder, où se tint l’un de plus gros meetings204. Pendant que le MSA et le PPN œuvraient activement à gagner du soutien dans les zones rurales, Zinder, fief du MSA, ne fut guère l’objet d’une campagne en règle puisque les deux partis considéraient que les résultats y étaient courus d’avance205. D’une manière générale, le parti était certain que la victoire ne pouvait plus lui échapper, et que le petit peuple du Niger – tant urbain que rural – se rallierait en nombre à son appel pour la délivrance. Avec l’addition du vote rural des régions Centre et Est du Niger à sa base syndicale, et étant donné le gonflement du vote jeune par l’introduction du suffrage universel, ce résultat fut effectivement atteint. Remportant pratiquement deux tiers des voix (64 %), le MSA s’empara de 41 des sièges de l’Assemblée, laissant seulement 19 sièges au PPN-RDA. Il reçut plus de 80 % des voix des régions très peuplées du Centre et de l’Est, plus de la moitié des votes de l’extrême Est et se tira d’affaire avec un score impressionnant de 37 % à l’Ouest206. En accord avec la Loi-Cadre, Djibo Bakary (photo 1.5) fut nommé vice-président du Conseil de gouvernement, donc Premier ministre de fait, et il fut invité par les Français à former le premier gouvernement autonome du Niger. Le Sawaba avait gagné.
Photo 1.5 – Djibo Bakary (Les raisons de notre lutte, 9).
Notes de bas de page
1 M. Djibo, Les transformations politiques au Niger à la veille de l’indépendance (Paris, 2001), 45 et F. Fuglestad, « UNIS and BNA : The Rôle of “Traditionalist” Parties in Niger, 1948-1960 », Journal of African History, 16 (1975), 119.
2 D. Bakary, Silence ! On décolonise : Itinéraire politique et syndical d’un militant africain (Paris, 1992), 16.
3 Ibid.
4 Djibo, Les transformations, 43-44. Le mot « commis » est mis entre guillemets lorsqu’il est utilisé pour connoter la classe sociale, et sans guillemets lorsqu’il est utilisé au sens premier du terme.
5 Fuglestad, « UNIS and BNA », 122 ; Djibo, 50, Les transformations ; C. Maman, Répertoire biographique des personnalités de la classe politique et des leaders d’opinion du Niger de 1945 à nos jours (Niamey, 1999) vol. 2, 175. Bien que fils de chef, Bakary était de naissance humble. F. Fuglestad, A History of Niger 1850-1960 (Cambridge, 1983), 161. Talaka désigne toute personne sans pouvoir, toute personne qui reçoit des ordres, et la catégorie peut donc inclure les enfants du chef. Interview avec Issa Younoussi, Niamey, 22 févr. 2008.
6 Djibo, Les transformations, 47. F. Fuglestad, « Djibo Bakary, the French, and the Referendum of 1958 in Niger », Journal of African History, 14 (1973), 316, donne un chiffre de 14 000 pour 1956.
7 Chiffres de 1959. Djibo, Les transformations, 47.
8 Ibid., 47-48.
9 Fuglestad, « UNIS and BNA », 121-124 et R.B. Charlick, Niger : Personal Rule and Survival in the Sahel (Boulder, San Francisco et Londres, 1991), 21.
10 Entretien avec Elhadj Illa Salifou, Niamey, 25 nov. 2003.
11 Fuglestad, « UNIS and BNA », 125.
12 Djibo, Les transformations, 45. Les greniers du gouvernement étaient impopulaires à cause de la manière autoritairement verticale dont ils avaient été introduits et du fait que les paysans n’exerçaient aucun contrôle sur leur gestion. A. Salifou, Le Niger (Paris, 2002), 138-143.
13 Voir P.E. Lovejoy, Caravans of Kola : The Hausa Kola Trade, 1700-1900 (Zaria, 1980).
14 Fuglestad, History of Niger, 171, 181 ; Bakary, Silence !, 76, 126, 137-138, 145, 152, 158.
15 Charlick, Niger, 48.
16 En 1960, la population urbaine du pays se montait à 5 % de la population totale. Charlick, Niger, 23. Niamey avait 15 000 habitants en 1955 (ce qui était le double de sa population de 1945), Maradi 10 000 et Zinder 13 000. Fuglestad, History of Niger, 171, qui évalue le prolétariat urbain du pays à moins de 1 % de sa population.
17 Voir en particulier J. Suret-Canale, Afrique noire occidentale et centrale, vol. 1 : géographie, civilisations, histoire (Paris, 1958), 239-269.
18 Par exemple K. Idrissa, « The Kawousan War Reconsidered », in J. Abbink, M. de Bruijn and K. van Walraven (dir.), Rethinking Resistance : Revolt and Violence in African History (Leyde et Boston, 2003), chap. 8.
19 C. Fluchard, Le PPN-RDA et la décolonisation du Niger 1946-1960 (Paris, 1995), 24 et Djibo, Les Transformations, 40-41 et 48.
20 Fuglestad, History of Niger, 158-160 ; ibid., « UNIS and BNA », passim ; et Djibo, Les transformations, 45-46. Même Fuglestad, historien qui défend le rôle des Français au Niger et développe des idées révisionistes sur la dernière époque de la domination coloniale française, admet que de telles mauvaises pratiques électorales eurent lieu.
21 Le meilleur compte-rendu général de la vie politique du Niger au lendemain de la Seconde guerre mondiale est l’analyse excellente – quoique un tantinet laxiste sur la chronologie – de Djibo, Les transformations.
22 Djibo, Les transformations, 49. Fluchard, Le PPN-RDA, 31, l’appelle l’Amicale des fonctionnaires.
23 Voir sa notice biographique in S. Decalo, Historical Dictionary of Niger (Metuchen, NJ et Londres, 1979), 115-116.
24 Fluchard, Le PPN-RDA, 32. La région de Dori faisait alors partie du Niger. Au début de 1948, elle intégra le territoire voltaïque à la suite de la reconstitution de la colonie de la Haute-Volta.
25 Pour la nature de ces liens de parenté, voir Salifou, Le Niger, 155-156. Pour une biographie, voir A. Salifou, Biographie politique de Diori Hamani : Premier président de la république du Niger (Paris, 2010).
26 Decalo, Historical Dictionary, 90.
27 Voir Fuglestad, History of Niger, 147-152, qui est ordinairement plus fort sur le rôle des Français dans la vie politique nigérienne que sur sa dimension nigérienne elle-même.
28 Djibo, Les transformations, 49 et Fuglestad, History of Niger, 155.
29 « Koy » est le titre des chefs zarma. Les koys de Dosso, une ville à 140 km à l’est de Niamey, acquirent la suprématie au sein de la chefferie zarma au cours de l’ère coloniale, lorsque les koys furent considérés comme des chefs de canton. J.-P. Rothot, L’ascension d’un chef africain au début de la colonisation : Aouta le conquérant (Dosso – Niger) (Paris, 1998) et Djibo, Les transformations, 36 n. 3
30 Decalo, Historical Dictionary, 95 ; Maman, Répertoire biographique, vol. 1, 245-246 ; Fuglestad, History of Niger, 154.
31 Decalo, Historical Dictionary, 93-94 et Maman, Répertoire biographique, vol. 1, 408.
32 Fluchard, Le PPN-RDA, 34 et Decalo, Historical Dictionary, 136. Voir aussi les mémoires de L. Kaziendé, Souvenirs d’un enfant de la colonisation (Porto Novo, 1998), vol. 4, 48 subsq.
33 Decalo, Historical Dictionary, 76, affirme qu’il était zarma. Fluchard, Le PPN-RDA, 36 dit qu’il était peul.
34 Decalo, Historical Dictionary, 161 ; Maman, Répertoire biographique, vol. 1, 336-337 ; Fuglestad, « UNIS and BNA », 128.
35 Decalo, Historical Dictionary, 152-153. Maïga est un titre nobiliaire songhay porté par ceux qui prétendent descendre des souverains de l’Empire songhay, les Askia. Djibo, Les transformations, 211 n. 3.
36 Djibo, Les transformations, 49 et Fluchard, Le PPN-RDA, 36.
37 Ce détail est rapporté par Adamou Mayaki, in A. Talba, Une contribution à l’étude des partis politiques nigériens : Le témoignage de Adamou Mayaki (Bordeaux, 1984), 22-23.
38 Fluchard, Le PPN-RDA, 38-39.
39 Fuglestad, History of Niger, 157-158.
40 Pour le compte-rendu le plus détaillé – encore que plutôt factuel – de l’histoire du PPN, voir Fluchard, Le PPN-RDA.
41 Texte in G. Lisette (un participant), Le combat du Rassemblement Démocratique Africain pour la décolonisation pacifique de l’Afrique Noire (Paris et Dakar, 1983), 26-28.
42 Fuglestad, History of Niger, 155 ; Fluchard, Le PPN-RDA, 45-48, 55 ; Djibo, Les transformations, 50.
43 Section française de l’internationale ouvrière.
44 Fuglestad, History of Niger, 157.
45 Fluchard, Le PPN-RDA, 73 et Fuglestad, History of Niger, 156.
46 Pour ce texte, voir Fluchard, Le PPN-RDA, annexe 5.
47 Elle n’était donc pas « puérile » comme le soutient Fuglestad (History of Niger, 160), qui, dans sa partialité pour les Français, ignore le ressentiment que le comportement de l’administration créait parmi les « commis ». Le fait que le ministre des colonies ait envisagé de remplacer Toby avant de changer d’avis n’altère pas cet aspect de la question.
48 On ne s’occupe pas ici du contexte politique général des élections aux assemblées métropolitaines, puisqu’elles ont reçu un traitement extensif ailleurs. Voir J.-R. de Benoist, L’Afrique-Occidentale Française de la conférence de Brazzaville (1944) à l’indépendance (1960) (Paris, 1982) et E. Mortimer, France and the Africans 1944-1960 : A Political History (Londres, 1969).
49 Les circonstances exactes de la candidature du RDA sont difficiles à reconstituer du fait d’informations contradictoires. Voir Fuglestad, History of Niger, 161 (sur la base d’entretiens non identifiés) et Fluchard, Le PPN-RDA, 79 (sur la base d’une publication tardive du PPN-RDA). Bakary, dans son autobiographie (Silence !), garde le silence sur cette question.
50 Ibid.
51 Fluchard, Le PPN-RDA, 79.
52 Entretien avec Georges Condat, Niamey, 27 nov. 2003. Ils étaient de vieux amis, sur la base d’origines régionales communes. Entretien avec Harou Kouka, Niamey, 26 nov. 2003.
53 Cette formule figure dans les statuts qui auraient été élaborés dans les bureaux du gouverneur. Voir Fluchard, Le PPN-RDA, 77-78.
54 Adamou Mayaki les rejoignit par la suite. Fuglestad, History of Niger, 161 ; ibid., « UNIS and BNA » ; Fluchard, Le PPN-RDA, 77-80 ; Djibo, Les transformations, 5 ; Talba, Une contribution, 46 ; Bakary, Silence !, 85.
55 Fluchard, Le PPN-RDA, 76 et 88-89 ; Fuglestad, History of Niger, 160-161 ; Bakary, Silence !, 56.
56 Un dossier caractéristique de la Guerre froide montrant comment le PCF et les institutions apparentées en Europe et en Afrique étaient surveillés est intitulé CAOM, Cart. 2246. Voir aussi Fuglestad, « UNIS and BNA », 129.
57 Parmi ceux qui ont été condamnés dans ces circonstances figuraient Diamballa Maïga, le propagandiste du parti et Courmo Barcourgné, le secrétaire général. Fluchard, Le PPN-RDA, 87-88.
58 Fuglestad, « UNIS and BNA », 129.
59 Ibid.
60 Fluchard, Le PPN-RDA, 82.
61 Voir A. Garrigou, Le vote et la vertu : Comment les Français sont devenus électeurs (Paris, 1992) et J.-P. Charnay, Les scrutins politiques en France de 1815 à 1962 (Paris, 1964).
62 Voir par exemple « Photocopie de listes d’Africains trouvés lors des dernières perquisitions dans les différents locaux du P.C. Pour exploitation locale éventuelle », 3 juillet 1952, 15 ; CAOM, Cart. 2246/B3.
63 Fluchard, Le PPN-RDA, chap. 6 ; Fuglestad, « UNIS and BNA », 130 ; Djibo, Les transformations, 51-52 ; et Talba, Une contribution, 73.
64 Fluchard, Le PPN-RDA, 76 et 94.
65 Maman, Répertoire biographique, vol. 2, 175.
66 Voir son autobiographie Silence !
67 Bakary, Silence !, 22-23; interview avec Abdramane Adamou (fils du jeune frère de Bakary), Soudouré, 27 févr. 2008 ; J.-R. de Benoist, « Du Parti progressiste nigérien au Sawaba : Djibo Bakary parle », Politique africaine, juin 1990, nos 38, 98.
68 Pour l’importance du scoutisme dans la socialisation de Bakary, voir la préface de son autobiographie, Silence !, par N’Diaye Abdoulaye. Sa troupe de scoutisme s’appelait ironiquement « Troupe Monteil » d’après un officier subalterne (capitaine) français qui fut à la tête de l’une des premières missions militaires à pénétrer au Niger au xixe siècle.
69 Bakary, Silence !, 26-28, 72-75 ; Benoist, « Djibo Bakary parle », 100 ; dossier Akouété ANN, 86 MI 1 C 1.2.
70 Benoist, « Djibo Bakary parle », 101.
71 Fluchard, Le PPN-RDA, 55. Sur la base du témoignage de Bakary.
72 Ibid., 55-56.
73 Fluchard, Le PPN-RDA, 57-58 et Bakary, Silence !, 52. Selon l’autobiographie de Bakary (Silence !, 52), le PPN a été modelé sur le Parti progressiste soudanais (PSP) du Soudan avec lequel le Niger a un moment partagé sa représentation métropolitaine. Mais cela renvoyait peut-être surtout à la dénomination.
74 Fluchard, Le PPN-RDA, 57 et Bakary, Silence !, 78-79.
75 Bakary, Silence !, chap. 6.
76 Djibo, Les transformations, 46 ; Charlick, Niger, 21 et 48 ; et Fuglestad, History of Niger, 131.
77 Charlick, Niger, 14 ; Decalo, Historical Dictionary, 198 ; H. Djibo, La participation des femmes africaines à la vie politique : les exemples du Sénégal et du Niger (Paris, 2001), 104.
78 Fluchard, Le PPN-RDA, 60-64 et K. Idrissa, « La dynamique de la gouvernance : administration, politique et ethnicité au Niger », in ibid. (dir.), Le Niger : État et démocratie (Paris, 2001), 47.
79 Talba, Une contribution, 29-32 ; Fluchard, Le PPN-RDA, 58, 61, 63, 66, 89-90 ; Bakary, Silence !, 56.
80 Benoist, « Djibo Bakary parle », 102 ; Fluchard, Le PPN-RDA, 68-69. Textes in Lisette, Le combat du Rassemblement Démocratique Africain, 88-108.
81 Fluchard, Le PPN-RDA, 95.
82 Benoist, « Djibo Bakary parle », 101. Également « Union démocratique nigérienne : Lettre ouverte aux Nigériens », Paris, 30 avr. 1954 (texte in Fluchard, Le PPN-RDA, 374 subsq.).
83 Fluchard, Le PPN-RDA, 61, 89-90, 96 ; Benoist, « Djibo Bakary parle », 102-103 ; Bakary, Silence !, 90.
84 Fluchard, Le PPN-RDA, 99-101 ; Lisette, Le combat du Rassemblement Démocratique Africain, chap. 3.
85 Texte in Fluchard, Le PPN-RDA, 97-99.
86 Ainsi que l’a indiqué Maï Maïgana, un bureaucrate de carrière. Fluchard, Le PPN-RDA, 102.
87 Benoist, « Djibo Bakary parle », 103 and Fluchard, Le PPN-RDA, 104. De ce point de vue Fluchard, Le PPN-RDA, 103-104, se trompait clairement en supposant que le désaccord sur la rupture avec les communistes était simplement le résultat de rivalités personnelles plutôt que de différences idéologiques.
88 Salifou, Le Niger, 160 et Fluchard, Le PPN-RDA, 102-104.
89 Tel que Maïga Abdoulaye, vétérinaire né au Soudan. Annuaire Politique du Niger (Paris et Dakar, n. d., ca. 1957-1958) ; Fluchard, Le PPN-RDA, 109-111.
90 Bakary, Silence !, 125-126 ; Benoist, « Djibo Bakary parle », 105 ; Fluchard, Le PPN-RDA, 139.
91 Basé sur des données biographiques recueillies dans plusieurs archives et dans Maman, Répertoire biographique, vol. 1. Galadima, ainsi que son nom l’indique, était issu d’une dynastie cheffériale mais se tint en dehors des cercles du pouvoir de la chefferie. Le surnom de Karemi dérivait de la chaîne de cinéma des Entreprises Petrocokino à Niamey/Zinder, pour laquelle il a pu travailler, ou dans les environs d’un établissement de laquelle il a pu vivre. Interviews avec Mounkaila Beidari et Ousmane Dan Galadima, Niamey, 23 févr. 2008 ; Bakary, Silence !, 152. Sur le titre de « Galadima » voir Decalo, Historical Dictionary, 107.
92 Fluchard, Le PPN-RDA, 127-128 et Fuglestad, « UNIS and BNA », 130.
93 A. Mayaki, Les partis politiques nigériens de 1946 à 1958 : Documents et Témoignages (Niamey, 1991), 58 ; Fluchard, Le PPN-RDA, 139 ; Fuglestad, History of Niger, 172.
94 Voir « Union Démocratique Nigérienne : Lettre Ouverte aux Nigériens », Paris, 30 avr. 1954 ; Fluchard, Le PPN-RDA, 110 ; et Bakary, Silence !, chap. 7.
95 Fuglestad, History of Niger, 172 ; Fluchard, Le PPN-RDA, 140 ; et Bakary, Silence !, 137-139.
96 Fluchard, Le PPN-RDA, 141 ; Benoist, L’Afrique-Occidentale Française, 228 ; Fuglestad, History of Niger, 172 ; Salifou, Le Niger, 162 ; Confidential/NOFORN. State Department. Bureau of Intelligence and Research. Research Memorandum RAF-26, 30 mars 1962 ; PRO, FO 371/161689.
97 « Territoire du Niger. Affaires Politiques et Administratives. Revue des événements du quatrième trimestre 1953 », Niamey, le 13 déc. 1953, J. Toby, 18 ; « Synthèse de l’activité syndicale pour le quatrième trimestre 1953 », 6 ; tous deux CAOM, Cart. 2246/D.4.
98 Fuglestad, History of Niger, 162 et 172 et Fluchard, Le PPN-RDA, 148.
99 Bakary, Silence !, 137-138.
100 Entretien avec Ali Talba, Niamey, 4 févr. 2003.
101 Entretien avec Mounkaila Albagna, Niamey, 6 déc. 2003.
102 Ibid., 29 nov. et 6 déc. 2003.
103 Ibid., 29 nov. 2003.
104 Comme cela a été noté par l’un de ses ennemis politiques, Adamou Mayaki (Les partis politiques nigériens, 58), qui l’a aussi comparé à un tapis volant voguant de ville à ville pour apporter son aide « soi-disant » désintéressée aux démunis et aux victimes d’injustice.
105 Entretien avec Zoumari Issa Seyni, Niamey, 5 févr. 2003.
106 Au cours d’une conversation avec Fuglestad, « Djibo Bakary », 319.
107 Cité par Fuglestad, History of Niger, 181.
108 Cité par Salifou, Le Niger, 163.
109 Une année plus tard, Galadima devint secrétaire général adjoint. La Voix Libérée, no 1, mars-avril 2011, 42 ; Mayaki, Les partis politiques nigériens, 57 ; Procès-verbal de la réunion de la Jeunesse Sawaba d’Agadez, 8 août 1958 ; ANN, 86 MI 1 E 52. Voir aussi Fuglestad, « UNIS and BNA », 132-133. Abdoulaye Mamani de Zinder avait le certificat d’études primaires, CEPE. Maman, Répertoire biographique, vol. 1, 333. A Tessaoua, Abdou Ali Tazard, un instituteur, était membre de l’UDN depuis sa création. Entretien avec Abdou Ali Tazard, Tessaoua, 9 févr. 2006.
110 Fuglestad, « UNIS and BNA », 131-132.
111 Fluchard, Le PPN-RDA, 144.
112 Afin de couvrir les dépenses pour les nouvelles infrastructures du Niger. Fuglestad, History of Niger, 174-176.
113 « Union Démocratique Nigérienne : Lettre Ouverte aux Nigériens », Paris, 30 avril 1954.
114 Voir aussi « Création de Club des Amis du Sawaba CLAS », Niamey, non daté (ca. 1990).
115 M. Djibo, « Les enjeux politiques dans la colonie du Niger (1944-1960) », Autrepart, no 27, 2003, 48 et Fuglestad, History of Niger, 181.
116 Ibid. ; Djibo, Les transformations, 54 ; Idrissa, « La dynamique de la gouvernance », 47.
117 Tels que Abdou Ali Tazard, l’enseignant de Tessaoua mentionné en n. 109 ci-dessus, et Mounkeïla Issifi, un instituteur de Téra. Maman, Répertoire biographique, vol. 1, 347.
118 Bakary lui-même l’attribue à cette source. Silence !, 146.
119 People’s Redemption Party : Basic Party Documents. A Short Profile of the People’s Redemption Party. The Principles and the General Programme of the People’s Redemption Party. The Constitution of the People’s Redemption Party (sans lieu, 1996) ; R.L. Sklar & C.S. Whitaker, “Nigeria”, in J.S. Coleman & C.G. Rosberg (dir.), Political Parties and National Integration in Tropical Africa (Berkeley, Los Angeles et Londres, 1964), 597-654 ; and Despatch no 5 : H.A. Twist, Kaduna, to Viscount Head, High Commissioner United Kingdom, Lagos, 31 July 1961 ; PRO, DO 177/59. Texte de la Déclaration du Sawaba (« Sawaba Declaration ») in A. Abba (dir.), The Politics of Mallam Aminu Kano : Documents from the Independence Struggle 1950-1960 (Kaduna, 1993).
120 D’origine arabe ou saab/sawb veut dire « être correct ». Online Bargery’s Hausa-English Dictionary ([www.koshigaya.bunkyo.ac.jp/hslaiman/], consulté le 11 janv. 2005).
121 Djibo, Les transformations, 54 & « Les enjeux politiques », 52 ; entretien avec Ali Issaka, Niamey 29 févr. 2008. G. Chaffard, Les carnets secrets de la décolonisation (Paris, 1967), vol. 2, 274 ; Fuglestad, History of Niger, 185. Les noms de l’organe du parti et de son syndicat affilié (Le Démocrate et Talaka respectivement ; voir ci-dessous) soulignent aussi cette dimension sociale.
122 L’Ouest comprenait les cercles ou provinces de Tillabéri, Niamey et Dosso ; le Centre, Tahoua et Maradi ; et l’Est/Nord, Zinder, Gouré, Agadez et Nguigmi. « Statuts de l’Union Démocratique Nigérienne », art. 6-7 (texte ANN, 86 MI 1 E 5.2).
123 De plus, un comité directeur composé du bureau et de deux délégués de chaque région devait se réunir chaque semaine afin d’orienter la prise de décision entre les congrès. Lorsque le comité directeur n’était pas en session, le bureau – qui comprenait le secrétariat et son secrétaire général – devenait l’organe supérieur du parti. Voir les « Statuts de l’Union Démocratique Nigérienne », art. 21.
124 Par ailleurs, les statuts de l’UDN stipulaient que les membres du parti élus au niveau des institutions coloniales ou métropolitaines étaient responsables des organes politiques du parti et de leurs décisions. Ibid., art. 15.
125 Fuglestad, « Djibo Bakary », 316.
126 Waykuru en Songhay/Zarma. Djibo, La participation des femmes africaines, 104. Fuglestad, History of Niger, 181 ; ibid., « Djibo Bakary », 316 ; Fluchard, Le PPN-RDA, 142 ; Idrissa, « La dynamique de la gouvernance », 47. Les « femmes libres » étaient aussi très actives dans la NEPU. R.S. Kwewum, The Story of Gambo Sawaba (Jos, 1990).
127 Karuwanci est le mot haoussa pour « prostitution », synonyme de waykuurutaray en Zarma/Songhay. F. Mounkaïla, « Femmes et politique au Niger : présence et représentations », in Idrissa, Le Niger, 381.
128 Qui paraissait être leur point d’attache politique le plus naturel bien qu’elles se soient – elles et leurs leaders – aussi mobilisées pour la cause du RDA. Voir Djibo, La participation des femmes africaines, 92 et le chap. 2 de cet ouvrage. Après 1958, lorsque le RDA établit sa domination, les prostituées furent aussi enrôlées dans ce parti. Voir par exemple « Bulletin de renseignements hebdomadaire », 710, no 21, 20-26 mai 1963 ; SHAT, 5 H 123.
129 Utilisé au singulier comme au pluriel. Au départ, magajiya était le titre de la sœur aînée ou de la fille du chef haoussa responsable des affaires féminines au palais. Au long du vingtième siècle, il prit progressivement le sens de patronne des intérêts des femmes libres locales et puis celui de la madame d’un bordel. Le Songhay use du même terme. Mounkaïla, « Femmes et politique », 380.
130 Ibid., 381-382. Sur la prostitution, voir S. Bernus, Niamey : Population et habitat ; documents d’enquêtes (« documents » d’Études nigériennes, 11 ; IFAN – CNRS : no pl., ca. 1964), 34-35 et C. Piault, Contribution à l’étude de la vie quotidienne de la femme Mawri (Études nigériennes, 10 ; Paris, 1972), 104-109.
131 La première association de femmes (1956) fut ainsi dirigée par les quatre magajiya de Niamey. Cependant, bien qu’elles aient été des symboles de la force des femmes, ce furent ces femmes qui se mobilisèrent pour le parti, l’inverse n’étant pas vrai, puisque les questions féminines reçurent peu d’attention et les magajiya furent utilisées à des fins de propagande pour le parti en quête de résultats électoraux. Elles étaient aussi gênées dans leurs efforts par le manque de réaction d’une part considérable de la population féminine et par le manque de cadres compétentes parmi elles. Bernus, Niamey, 35 ; Djibo, La participation des femmes africaines, 104-105 ; Mounkaïla, « Femmes et politique », 381.
132 Piault, Contribution à l’étude de la vie, 105 ; Djibo, La participation des femmes africaines, 91, 104 et 415 n. 149.
133 Idrissa, « La dynamique de la gouvernance », 64.
134 Entretiens avec Moumouni Daouda, Tillabéri, et Djibo Foulan, Bandio, 3-4 nov. 2005.
135 Art. 1.
136 Fluchard, Le PPN-RDA, 113.
137 « Le RDA a trahi l’Afrique ». Entretien avec Sao Marakan, Niamey, 29 janv. 2003.
138 « Née du comité d’action R.D.A. créé le 15 janvier 1952, l’UDN entend œuvrer pour le triomphe de l’idéal et du programme du R.D.A. ». Art. 1 « Statuts de l’Union Démocratique Nigérienne ». Fluchard, Le PPN-RDA, 142 ; Bakary, Silence !, chap. 10 ; Benoist, « Djibo Bakary parle », 105-106.
139 Voir par exemple Le Démocrate. Organe bi-mensuel de l’Union Démocratique Nigérienne, no 57, 30 juin 1956. Également Fluchard, Le PPN-RDA, 146-147.
140 On ne sait pas vraiment si Bakary fut exclu ou s’il avait décidé de ne pas venir. Pour des versions différentes de cet épisode, voir Fluchard, Le PPN-RDA, 156-160 et Bakary, Silence !, chap. 8.
141 Voir le « Manifeste pour un véritable Rassemblement Démocratique Africain », Conakry, 9 juillet 1955 (texte in Fluchard, Le PPN-RDA, 385-391).
142 Fuglestad, « UNIS and BNA », 131-132 ; ibid., History of Niger, 180 ; Fluchard, Le PPN-RDA, 151.
143 Fuglestad, History of Niger, 181, n. 204.
144 Cité (et retraduit de la citation anglaise) par W.F.S. Miles, Hausaland Divided : Colonialism and Independence in Nigeria and Niger (Ithaca, NY et Londres, 1994), 135.
145 Bakary, Silence !, 114. Bakary a aussi allégué ceci dans un entretien avec Djibo, Les transformations, 54. Également Fluchard, Le PPN-RDA, 174 et Fuglestad, History of Niger, 182. Voir pour l’UPN (Union progressiste nigérienne) et le BNA (Bloc nigérien d’action) Fuglestad, « UNIS and BNA ».
146 « Synthèse des Faits Politiques pour le Premier Trimestre 1956 » ; CAOM, Cart. 2233/D.2. Également Djibo, « Les enjeux politiques », 48.
147 Comme l’a noté Fuglestad même, « UNIS and BNA », 132. Voir aussi Djibo, « Les enjeux politiques », 48 et ibid., Les transformations, 54-55, citant un entretien avec Condat sur le rôle de Ramadier.
148 L’UJN avait son propre organe, La Tribune des Jeunes. « L’action communiste en A.O.F., 1955 » ; CAOM, Cart. 2246. L’un des leaders de la jeunesse UDN à Zinder était Amada Bachard, vice président et alors âgé de 22 ans. Entretien avec Amada Bachard, Niamey, 14 déc. 2009.
149 Voir par exemple Idrissa, « La dynamique de la gouvernance », 64. Des vues plus nuancées ont été présentées à cet égard, pour les années 1950, par Charlick, Niger, 46 et Djibo, « Les enjeux politiques », 58.
150 Voir son History of Niger, 182 et surtout « Djibo Bakary », passim.
151 Entretiens avec Kane Boukari, Niamey, 7 août 2008 (par Issa Younoussi) et Hamidou Adamou Abdoulaye, Niamey, 19 déc. 2009 ; Fuglestad, History of Niger, 182 ; Fluchard, Le PPN-RDA, 176 ; Benoist, « Djibo Bakary parle », 107 ; Djibo, Les transformations, 55, n. 2, qui parle de 44 % à Zinder.
152 Benoist, « Djibo Bakary parle », 107 et Bakary, Silence !, 153.
153 Conversations avec Jean-Pierre Olivier de Sardan et Mounkaïla Sanda, Niamey, 27-28 oct. 2005.
154 Comme cela a été judicieusement noté par Decalo, Historical Dictionary, 43.
155 Charlick, Niger, 46.
156 Entretiens avec Boubakar Djingaré et Tahirou Ayouba Maïga, Niamey, 27-28 oct. 2005 ; conversation avec Issa Younoussi, Niamey, 28 oct. 2005 ; J.-P. Olivier de Sardan, Les sociétés Songhay-Zarma (Niger-Mali) : Chefs, guerriers, esclaves, paysans (Paris, 1984), 274.
157 Bakary, Silence !, 151; interviews avec Mounkaila Albagna, Niamey, 29 nov. et 6 déc. 2003 ; Mamoudou Béchir, Dargol, 31 oct. 2005 ; Djibo Harouna, Gothèye, 1er nov. 2005 ; et Mamane Boureïma, Bandio, 4 nov. 2005. Pour le soutien UDN/Sawaba à Ayorou, voir chap. 7.
158 Entretien avec Moumouni Daouda, Tillabéri, 3 nov. 2005. Dans la zone de Niamey le PPN l’emporta avec 58 %. L’UPN/BNA gagna 7 provinces au total, dans l’Ouest, l’Est et le Nord. Djibo, Les transformations, 55.
159 Bakary, Silence !, 149-151 et entretien avec Mounkaila Albagna, Niamey, 29 nov. 2003.
160 Dirigé par Hima Dembélé, qui avait dû faire face à une action en justice un an plus tôt, Bakary et Adamou (Assane ?) Mayaki. Fluchard, Le PPN-RDA, 146, 178 et 188 et Djibo, Les transformations, 57.
161 Le Démocrate, no 54, 5 mai 1956, 1-2.
162 L’affirmation de Fluchard selon laquelle Bakary et Ramadier réussirent à réaliser un rapprochement en échange de l’adhésion de Bakary à la SFIO est erronée et basée sur les écrits inexacts de Chaffard, qui a pu être influencé par les vues subjectives de l’ennemi de Bakary, Boubou Hama. Si Ramadier fit des offres à l’UDN, on ne sait pas précisément quelles elles furent et elles ont été contrebalancées par le soutien accordé au PPN et, à un moindre degré, au BNA et, en novembre 1956, par une tentative d’invalidation de l’élection de Bakary à la mairie de Niamey (voir ci-dessous). Voir Fluchard, Le PPN-RDA, 176-178 ; Fuglestad, « Djibo Bakary », 317 ; et ibid., History of Niger, 183 ; et pour un compte-rendu lucide, Les transformations, 56-59.
163 Djibo, Les transformations, 57. Sur l’appel à l’unité de Bakary, voir Le Démocrate, no 57, 30 juin 1956.
164 Voir Fluchard, Le PPN-RDA, 179-185, qui a eu accès à la correspondance entre les deux partis sur cette question. Les données sur Sékou ont été recueillies dans Maman, Répertoire biographique, vol. 1, 378 et entretien avec Harou Kouka, Niamey, 26 nov. 2003.
165 Mortimer, France and the Africans et A. Keese, « Quelques satisfactions d’amour-propre : African Elite Integration, the Loi Cadre, and Involuntary Decolonisation of French Tropical Africa », Itinerario, 27 (2003), 1, 33-57.
166 Voir Bakary, Silence !, 163-168 (y compris le texte de la lettre) ; Le Démocrate, no 57, 30 juin 1956 ; Benoist, L’Afrique-Occidentale Française, 322 ; Fuglestad, History of Niger, 183. Sur la balkanisation, voir B. Neuberger, “The African Concept of Balkanisation”, Journal of Modern African Studies, 14 (1976), 523-529.
167 Fuglestad, History of Niger, 183. Voir aussi Benoist, L’Afrique-Occidentale Française, 322-323.
168 Selon Bakary, son parti était parfois appelé « UDN-RDAK » – le « K » renvoyant au Kominform. Benoist, « Djibo Bakary parle », 105.
169 Voir Lettre de Niamey datée du 15 nov. 1957 à Neufinck, chef de cabinet du haut-commissaire Dakar, no 1835/SP, non signée ; CAOM, Cart. 2199/D.15 : Djibo Bakary, « formé dans les écoles de cadres para-communistes », était « certainement le personnage le plus doué, le plus travailleur, le plus dynamique et le plus méthodique du personnel politique nigérien ».
170 Fluchard, Le PPN-RDA, 181.
171 Lettre de Niamey datée du 15 nov. 1957 à Neufinck ; « L’action communiste en A.O.F. », 1955.
172 Djibo, Les transformations, 57 ; Benoist, L’Afrique-Occidentale Française, 228 ; Fluchard, Le PPN-RDA, 53-54 ; Salifou, Le Niger, 64.
173 Premier ministre. SDECE. Destinataire no 501, 5 janv. 1961 et 19 mai 1961, annex ; SHAT, 10 T 717/D.2 ; présidence du conseil. SDECE, référence 7.894/IV, 2 juin 1958 ; CAOM, Cart. 2195/D.5.
174 Bulletin de renseignements, 22 mars 1957 ; CAOM, Cart. 2198/D.2 ; « L’Action Communiste en AOF », juillet 1958 et présidence du conseil. SDECE, notice de documentation : « L’Action Communiste en Afrique Noire », 17 déc. 1958, Référence 14005/IV/K ; tous deux in CAOM, Cart. 2246 ; « Recueil des principaux renseignements reçus par le Bureau d’Études de Dakar pour la période du 30 juillet au 5 août 1959, no 41 » ; CAOM, Cart. 3687 ; entretiens avec Ali Amadou, Abdou Adam & Hamidou Adamou Abdoulaye, Niamey, 31 janv. 2003, 29 nov. 2003 et 19 déc. 2009.
175 Par exemple l’obtention de billets d’avion, un fait dont Bakary se vanta de manière provocante devant ses adversaires. Pour plus de détails, voir le chap. 9.
176 Voir Le Démocrate, 4 févr. 1956 (texte Bakary, Silence !, 114 subsq.). Voir également Djibo, Les transformations, 58 et Benoist, « Djibo Bakary parle », 102.
177 Bakary, Silence !, 118.
178 Fuglestad, « Djibo Bakary », 318. Je n’ai trouvé aucune preuve de l’une ou l’autre manœuvre.
179 Djibo paraît des plus fiable sur ce point, Les transformations, 56-8. Voir aussi Fluchard, Le PPN-RDA, 45, 49, 186-187 et Talba, Une contribution, 47.
180 Fuglestad, History of Niger, 182 et Salifou, Le Niger, 165.
181 Le Démocrate, no 57, 30 juin 1956 et ibid., no 65, 17 nov. 1956 (plus loin extrait de Mayaki, Les partis politiques nigériens, 58-60) Voir aussi Talba, Une contribution.
182 Voir Le Démocrate, no 65, 17 nov. 1956. Voir aussi Fluchard, Le PPN-RDA, 186.
183 Bakary suggère que le rapprochement commença dans l’Est. « Rapport moral présenté par le secrétaire général du Mouvement socialiste africain (MSA) », sans date, mais présenté au second congrès de mai 1957 (texte dans Talba, Une contribution).
184 Fluchard, Le PPN-RDA, 186 et 190-191 ; Benoist, « Djibo Bakary parle », 108 ; Mayaki, Les partis politiques nigériens, 60 ; Talba, Une contribution, 43 ; Fuglestad, « UNIS and BNA », 132.
185 Le texte nomma spécifiquement les bouchers, les négociants en bétail et arachide, les « dioulas » (commerçants musulmans de longue distance), les boulangers, les tailleurs, les cordonniers, les forgerons, les tanneurs, les tisserands, les potiers et les teinturiers. « Programme d’action de la section nigérienne du Mouvement socialiste » (26/12/1956), Niamey, 8 févr. 1957 (texte dans Fluchard, Le PPN-RDA, 395-400). Mayaki, Les partis politiques nigériens, 63 ; Bakary, Silence !, 168 ; Salifou, Le Niger, 166 ; Fluchard, Le PPN-RDA, 192 et 394 ; et Djibo, Les transformations, 63.
186 « Programme d’action de la section nigérienne du Mouvement socialiste » Voir aussi Bakary, Silence !, 168 ; Djibo, Les transformations, 210 ; Olivier de Sardan, Les sociétés Songhay-Zarma, 224 subsq. ; Fuglestad, History of Niger, 183.
187 Fluchard (Le PPN-RDA, 190) soutient que Bakary avait accepté, au cours des pourparlers avec le BNA, d’envoyer une lettre à Jacques Duclos du PCF pour lui notifier sa démission de la CGT, et une autre pour adhérer officiellement à la SFIO. La première lettre a pu concerner sa place au Conseil économique et sociale de métropole, qu’il quitta début 1957. Bakary aurait aussi émis une condamnation de l’invasion de la Hongrie par les Soviétiques. Chaffard, Les carnets secrets, 272. Mais voir n. 178 ci-dessus.
188 Il est possible que Issoufou Djermakoye, qui cultivait des relations étroites avec la SFIO depuis les années 1940, ait joué un rôle à ce niveau, ainsi que le suggère Bakary Silence !, 168. Concernant les erreurs sur le rôle du gouverneur Ramadier dans cette affaire, voir la n. 162 ci-dessus. L’assertion de Chaffard (Les carnets secrets) selon laquelle Bakary fut contraint par le gouverneur de s’engager dans l’opération de fusion sous les auspices de la SFIO, et devait donc sa prédominance à Ramadier, a été écartée par Djibo, Les transformations, 56-58. Bakary avait bien trop confiance en lui-même pour accepter d’être mené à la baguette.
189 Benoist, « Djibo Bakary parle », 108 et Bakary, Silence !, 167-168. L’allusion de Fuglestad (History of Niger, 182-183) à l’établissement de liens étroits entre le MSA et la SFIO est contredite par l’autonomie revendiquée par les sections territoriales du premier et l’assentiment du second à cet égard. Benoist, L’Afrique-Occidentale Française, 325.
190 Bakary, Silence !, 168 et Fuglestad, History of Niger, 183.
191 Djibo, Les transformations, 58-59 ; Fluchard, Le PPN-RDA, 190-191 ; Bakary, Silence !, 167. Texte de l’accord chez Talba, Une contribution, 44-45.
192 « Procès Verbal. Session de décembre 1956 du conseil municipal de Niamey » et « Rapport sur la séance du conseil municipal de Niamey, du 9 décembre » ; tous deux CAOM, Cart. 2185/D.4.
193 Talba, Une contribution, 46.
194 Diori allégua faussement que le MSA était simplement le résultat de pressions administratives. Parti progressiste nigérien (Section nigérienne du RDA) no 263/CD : Circulaire (non datée mais ca. 30 nov. 1956) ; CAOM, Cart. 2185/D.4.
195 C. Raynaut et S. Abba, « Trente ans d’indépendance : repères et tendances », Politique Africaine, 1990, no 38, 7.
196 Talba, Une contribution, 43.
197 Voir ses arguments dans son autobiographie (Silence !, 168-169).
198 Entretiens avec Katiella Ari Gaptia et Aba Kaka, Bosso, Lac Tchad, 13 févr. 2006.
199 Le BNA n’était pas confronté à une telle nécessité, puisqu’il était régi de façon verticale. Fuglestad, « UNIS and BNA », 132.
200 Circulaire, bureau provisoire, MSA, 9 déc. 1956 (in Mayaki, Les partis politiques nigériens, 66-68).
201 Bakary, Silence !, 169 et « Rapport moral présenté par le secrétaire général du Mouvement socialiste africain ».
202 « Rapport moral présenté par le secrétaire général du Mouvement socialiste africain (MSA) » ; Bakary, Silence !, 169-170 ; Benoist, L’Afrique-Occidentale Française, 325.
203 Fluchard, Le PPN-RDA, 198 et 215. « Sawaba ! Sawaba ! Sawaba, la clémence divine ! »
204 Mayaki, Les partis politiques nigériens, 68 et Bakary, Silence !, 170.
205 « Rapport sur le moral. Le colonel Barbotu (?), délégué du commandant militaire pour le Niger Est à Monsieur le général commandant la 4e brigade, Niamey. Élections territoriales, Zinder, » 3 avril 1957 ; SHAT, 5 H 239.
206 Charlick, Niger, 49 ; Fluchard, Le PPN-RDA, 198-199 ; et Fuglestad, History of Niger, 184.
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