Épilogue. Dénouements et mémoire
p. 681-737
Texte intégral
1Dans la nuit du 14 au 15 avril 1974, presque neuf ans après que Amadou Diop ait lancé sa grenade sur les dignitaires du régime (et une bonne décennie après la mutinerie du capitaine Diallo), le règne du RDA prit fin. En un plan bien combiné, des contingents des FAN d’Agadez, de Zinder et de Tahoua convergèrent vers la capitale au cours du week-end de Pâques. Le détachement de Zinder avait pris la route le samedi après-midi, 13 avril, avec l’intention de s’emparer de l’aéroport1, tandis que d’autres troupes marchaient sur Radio Niger, le camp militaire de Tondibia, les dépôts de munition et le palais présidentiel2. Le commandant du Sawaba à Bosso, Aba Kaka, qui était hospitalisé, venait juste d’être ramené à la prison civile, lorsque les détachements de soldats s’y introduisirent3. À une heure du matin, le 15, ils occupaient l’aéroport, détenant Boubakar Moussa – le demi-frère de Diori et chef de la Sûreté, qui rentrait d’un voyage à l’extérieur –, après quoi un escadron se rendit au siège même de la Sûreté, qui fut pris sans grande difficulté. Une heure plus tard, les FAN contrôlaient des bâtiments clefs en ville et se mettaient à arrêter les ministres (y compris Diamballa Maïga). Ils détinrent aussi Boubou Hama et plusieurs officiels du RDA. Au palais présidentiel, cependant, ils rencontrèrent de la résistance. Diori – peut-être de façon typique – se rendit presque aussitôt et fut amené en pyjama, mais les membres touaregs de la Garde présidentielle, peut-être excités par son épouse, se montrèrent décidés à résister4. Pendant quelques heures, il y eut des combats au cours desquels « L’Autrichienne » a peut-être elle-même utilisé une arme ; elle fut tuée avec une dizaine d’autres personnes, peut-être plus5. Que l’acte ait été accidentel ou pas6, la mort de l’épouse de Diori – le symbole détesté d’un régime corrompu – mit un terme à l’opposition. Les milices du RDA furent rapidement mises hors de combat et, à cinq heures du matin, le chef d’État-major, le lieutenant-colonel Seyni Kountché, annonçait à la radio que l’armée avait le contrôle de la situation. Bientôt, les militaires ordonnaient la rétrocession des armes et munitions dont les milices et la gendarmerie, défenseurs clef de l’ancien régime7, avaient été pourvues.
2Le second coup d’État du Niger – après le coup « corse » de septembre 1958 – résulta, entre autres raisons, de l’inaction des Français. Contrairement à 1963, l’accord de défense qui autorisait leur intervention ne fut pas mis en œuvre, et comme Diori avait été surpris dans son sommeil, il n’avait pas pu appeler la chambre à coucher de l’ambassadeur. Les Français avaient un plan de secours – « Opération Cheval Noir » – destiné à évacuer les Diori sur leur base de Niamey en cas de danger, mais il ne fut pas non plus mis en action8. Les chercheurs nigériens pensent que les Français devaient être au courant des plans de l’armée, et, étant donné les qualités reconnues de leurs services de renseignement, il est difficile de croire que leurs représentants sur le terrain n’avaient perçu aucun signe annonciateur, tels que les inévitables mouvements de troupes9. Des auteurs soulignent que les relations avec la France s’étaient refroidies du fait d’un certain nombre de questions, y compris la guerre civile au Nigeria, la rupture des liens avec Israël et surtout la tentative de Diori de négocier de meilleures conditions pour les accords sur l’uranium nigérien, dont l’exploitation avait débuté quelques années plus tôt. Si l’on a donc soutenu que les Français, par encouragement actif ou neutralité bienveillante, étaient derrière le coup10, la thèse relève, en l’absence de recherches dans des archives inexplorées, de la spéculation contextuelle. S’il est vrai que l’ambassadeur du Niger à Paris supplia les Français d’intervenir, il convient de se rappeler que le coup eut lieu au cours du week-end pascal et que la vie politique métropolitaine était marquée par un vide résultant du décès du président Pompidou le 2 avril. L’officier français en charge de « Cheval Noir » avait quitté Niamey pour une excursion au Parc du W et n’aurait pas pensé à déléguer ses responsabilités opérationnelles, et les FAN exécutèrent leur plan avec efficacité et promptitude. Jacques Foccart appela les chefs d’État africain le matin du coup, mais il était alors trop tard pour en changer l’issue : son meeting de l’après-midi avec le Premier ministre français, qui n’était autre que Pierre Messmer – l’homme qui avait si largement contribué au renversement de Djibo Bakary 16 ans plus tôt – dut faire face à un fait accompli. Il est donc probable que Paris fut pris au dépourvu11. Si les exploits du Sawaba et du capitaine Diallo avaient montré qu’un coup d’État ne pouvait réussir que si les bienfaiteurs du RDA étaient pris par surprise, les hommes des FAN détestaient les troupes françaises encore stationnées dans le pays, en particulier les officiers ayant mission de conseillers auprès de l’armée nigérienne ; ils avaient dû laisser les Français en dehors de leurs plans, se souvenant également de l’intervention de la métropole au Gabon (1964). Kountché et l’un de ses co-conjurés, Moumouni Adamou Djermakoye, diront par la suite publiquement que les Français n’étaient pas impliqués, Djermakoye affirmant que les putschistes étaient au courant de l’existence de la ligne téléphonique reliant le palais à l’ambassadeur de France, qu’ils avaient choisi délibérément le week-end pascal pour l’élément de surprise qu’il permettait, et que le trépas soudain du président Pompidou avait encouragé leur passage à l’action. Par ailleurs, durant la nuit du coup, ils auraient dit à l’ambassadeur que les citoyens français subiraient des représailles en cas d’intervention des forces métropolitaines12.
3En 1974, l’armée avait développé des griefs considérables par rapport à un certain nombre de questions. Le RDA ne lui avait jamais fait confiance, surtout après la mutinerie de Diallo, et il avait essayé de la garder sous un contrôle rigoureux, l’accusant, en 1969, de comploter encore contre le gouvernement. Ces éléments, auxquels s’ajoutèrent de nouvelles mesures de contrôle, accrurent les frustrations causées par la manière dont les milices étaient choyées, les perspectives limitées de promotion, et le fait que l’armée ait été contrainte de participer à la collecte de l’impôt (ce qui, d’un autre côté, l’amena à découvrir la catastrophe qui se déroulait dans les campagnes dévastées par la sécheresse). En plus de l’irritant continu que constituait la présence militaire française, le leadership de l’armée fut contrarié par l’accord de défense signé avec la Libye sans que le corps des officiers ait été consulté. L’annonce d’une réorganisation des Forces armées et l’imminence d’un congrès du RDA poussèrent les officiers à l’action13. Leur ressentiment s’ajouta aux troubles qui agitaient plus généralement la société et qui, comme on l’a vu dans le dernier chapitre, étaient devenus de plus en plus aigus. Les mécontentements des étudiants à propos de la corruption et des monopoles de privilège menaient à des flambées de colère régulières, occasionnant des huées contre Pompidou lors d’une visite d’État, une répression violente – à laquelle l’armée fut contrainte de prendre part – et des mesures draconiennes à l’encontre des enseignants et des fonctionnaires. La baisse des prix de l’arachide contribua à la catastrophe sociale et économique représentée par la pire sécheresse depuis plusieurs décennies, et, comme si cela ne suffisait pas, l’aide alimentaire nécessaire à la survie des ruraux fut sujette à des détournements auxquels « l’Autrichienne » elle-même aurait pris part. Les dissensions qui en résultèrent au sein du parti laissèrent le leadership dans un état d’inertie et conduisirent à la destitution d’un régime épuisé. Le lendemain du coup, les militaires furent fêtés par des foules enthousiastes et le mois suivant, Kountché annonça la fin de la présence des troupes française (ce qui, en soi, indique que le changement de régime ne bénéficiait pas du soutien de la métropole14).
4Si ces évènements revêtirent aussi une importance capitale pour les sawabistes – Amadou Diop se souviendra plus tard que sa voyante chinoise lui avait dit que tous ses désirs se réaliseraient au mois d’avril15 –, les anciens porte-parole du petit-peuple n’y eurent aucune part. Le temps du Chameau était passé, comme on peut le déduire du chagrin notable dans les mémoires de Kaîro Alfari, qui affirma que ceux qui applaudissaient le plus frénétiquement le coup d’État avaient compté parmi les soutiens les plus zélés du RDA16. Souhaitant cependant partir sur de nouvelles bases, le gouvernement de Kountché ordonna la libération de centaines de sawabistes qui languissaient encore en prison. Lors d’une cérémonie, le 17 avril, un des officiers ayant mené le coup, Moumouni Djermakoye, s’adressa aux survivants du mouvement. Aboubakar dit Kaou, qui était, à ce moment-là, en réclusion depuis dix ans, prit la parole au nom des prisonniers et exprima sa reconnaissance pour l’action de l’armée17. Ali Amadou, alors à la prison civile de Niamey, se rappellera plus tard de la manière dont il fut libéré au lendemain du coup, tandis que Aba Kaka, suivant ses propres souvenirs, sortit deux jours après l’événement, le 17. À Tahoua, Ousmane Dan Galadima et Boubakar Djingaré, entre autres, furent mis en liberté, mais dans le cas de Djingaré, la libération fut gâchée par la maladie – certains de ceux qui n’étaient pas malades développèrent des troubles liés à l’abondance soudaine de nourriture. À Agadez aussi les sawabistes restants furent libérés, mais Daouda Hamadou se rappellera plus tard que lorsque les FAN arrivèrent pour ouvrir les portes, on leur demanda de rester sur place jusqu’à ce que le transport puisse être organisé. Comme s’en souvient Soumana Idrissa, des camions arrivèrent et ramenèrent les prisonniers à Niamey où certains retrouvèrent leur famille. D’autres regagnèrent rapidement leur région d’origine ; Aba Kaka, par exemple, réussit à retourner à Diffa puis à Bosso. De tels retours pouvaient être joyeux : Ali Mahamane Madaouki se fit prendre en photo pour l’occasion, en compagnie d’autres prisonniers – témoignage encore de la conscience historique de soi des sawabistes. Soumana Idrissa, en revanche, eut un retour au bercail moins heureux, puisqu’il trouva la concession familiale de Gothèye détruite, une forme de représailles ordinaire sous le RDA18.
5Au début, les militaires ne prirent que des mesures symboliques pour réparer ces misères. En novembre, un décret amnistia les « condamnés politiques », c’est-à-dire les sawabistes condamnés par la Cour de sûreté le 12 octobre 1964, les 11-12 novembre 1964 et le 25 mai de l’année suivante. Parmi les « bénéficiaires » de la mesure se trouvaient Sallé Dan Koulou et ses camarades. Les victimes des exécutions de la région Ouest reçurent aussi une grâce posthume, des personnes telles que Tini Malélé, commandant de zone, et Altiné Gnogolo, le maquisard de Gothèye fusillé sous le regard de sa fiancée. Le même geste toucha la mémoire de Yacouba Issa, un membre de la brigade de Dan Koulou fusillé à Madarounfa, et celle de Kanguèye Boubacar, le coxeur entraîné en Algérie et dont l’exécution à Magaria avait causé des troubles. Comme nous l’avons vu au dernier chapitre, Madougou Namaro ne vécut pas non plus assez longtemps pour profiter du symbolisme de la mesure. Il y eut presque 70 personnes à bénéficier de cette manière, aussi bien des cadres domestiques que des maquisards comme Ali Mahamane Madaouki, Amadou Roufaï Malam Garba (photo E.1), Malam Karégamba et Baoua Souley, pour n’en nommer que quelques-uns. Des personnes impliquées dans la mutinerie de 1963 en bénéficièrent également – des militaires tout autant que des sawabistes tel que le frère de Djibo Bakary, Sanda Hima19.
Photo E.1 – Amadou Roufaï Malam Garba, Zinder, 2003.
6Quelques victimes des exécutions de la région Ouest, comme Boubacar Amirou et Souley Mossi, ne sont pas mentionnées, sans aucun doute parce qu’elles étaient tombées sous les coups de la terreur extrajudiciaire. Par ailleurs, le décret ne couvrit pas les verdicts prononcés en 1966-1967 ou ceux des procès de Tahoua et Agadez (1969). Pire, alors qu’un si grand nombre de sawabistes avaient été victimes de licenciements à caractère politique, le nouveau gouvernement décida que l’amnistie n’entraînait pas un droit automatique sur les emplois qu’on avait pu avoir dans la fonction publique20. D’autres personnes avaient bien entendu pris la place, profitant des difficultés vécues par l’avant-garde du petit peuple, et il n’était pas possible de revenir en arrière sans créer de nouveaux problèmes. La réintégration de sawabistes dans le secteur public serait décidée par le ministre de la Fonction publique (i. e., au cas par cas), et si la mesure d’amnistie fit mention d’une restitution des droits à la pension de retraite, tout le monde n’en jouit pas. Ainsi, Ousseini Dandagoye, le militant de Zinder, fut confronté à un problème auquel de nombreux sawabistes ont dû faire face. Comme il n’avait jamais été ni jugé, ni condamné, il ne reçut aucun arriéré de salaire pour son travail à la poste ; il se rappellera plus tard comment un juge lui dit que « la politique avait décidé de ne pas le payer », si bien qu’il dut se contenter d’une pension incomplète21.
7Du coup, du point de vue des sawabistes de premier plan (qui n’avaient rien perdu de leur énergie), il restait beaucoup à faire au niveau politique, bien que la plupart des anciens militants qui, dans leur majorité, avaient travaillé dans le secteur privé ou l’économie « informelle », avaient du mal à reprendre une vie normale. Djibo Bakary fit savoir, depuis Conakry, qu’il souhaitait rentrer au pays, affirmant que la situation au Niger devait être améliorée pour offrir de nouvelles perspectives au peuple. De même, Ousmane Dan Galadima, lorsqu’il fut reçu par Kountché (qui, paraît-il, se mit également en frais pour recevoir Amadou Diop), aurait dit au leader de l’armée que le Sawaba suivrait de près les actions du gouvernement. Il refusa un poste d’ambassadeur en Allemagne de l’Est puisque, de son point de vue, c’était là une manière d’écarter les gens, et il préféra rester au Niger22. Bien entendu, une telle attitude ne prenait pas en compte le fait que, pour tout dire, le mouvement n’existait plus, et si Kountché avait offert aux sawabistes quelques réparations morales, il était déterminé à empêcher tout retour à la politique des partis qui avait engagé pendant si longtemps le pays dans des luttes sans issue. En fait, Kountché avait fait le serment de combattre, en plus de la corruption et de l’impéritie administrative (tous éléments justificatifs de sa prise de pouvoir), tous les « clans idéologiques23 ». Il ne fait pas de doute que ceci concernait aussi le RDA, mais comme le chef militaire savait ce dont les agitateurs du petit peuple avaient été capables, les sawabistes étaient prévenus.
8Étant donné la rivalité Sawaba-RDA, on ne saurait peut-être blâmer Kountché de détester les partis politiques, bien que l’option de gouverner à travers les chefs traditionnels (en sus des groupements féminins et d’une Samariya ressuscitée24) servait à perpétuer son règne. Il était peut-être inévitable que ce personnage ascétique, voire dur et acerbe, s’accroche au pouvoir. Le régime de Kountché ne devait pas tarder à s’institutionnaliser, en partie à travers la mobilisation des technocrates et des intellectuels et le renvoi progressif d’officiers militaires du conseil central de gouvernement25. Si le gouvernement s’inscrivait dans le contexte de régimes arrivant au pouvoir à travers des coups d’État militaire dans les années 1970, la prise de contrôle de Kountché était marquée par une paranoïa structurelle. Les premières victimes en furent ses pairs officiers, qui rejoignirent les dirigeants du RDA en prison.
9Néanmoins, l’appel lancé par Kountché aux sawabistes de l’étranger afin qu’ils contribuent au bien du pays était sincère. Parmi les militants de l’extérieur, l’impression était qu’avec la chute de la ligue franco-RDA et l’émergence d’un gouvernement de caractère plus nationaliste, les choses iraient dans une meilleure direction. Par conséquent, les sawabistes petits et grands décidèrent de rentrer, espérant enfin trouver le sawki – cette forme de calme – dont ils avaient soif. Mossi Salifou, le tailleur en butte aux tracasseries de Niamey, rentra de Bamako, amenant avec lui son épouse malienne, et si l’on ne dispose d’aucun moyen de savoir combien de centaines de petits suspects recherchés par le BCL avaient répondu à l’appel de Kountché, on peut supposer que nombre d’entre eux revinrent au Niger : s’ils avaient lutté pour s’établir dans d’autres pays, leurs familles désiraient les retrouver26. Parmi les cadres mieux placés, Amada Bachard, ancien speaker à Radio Pékin, rentra cette même année de Conakry, tandis que l’étudiant Sawaba Bachir Boukary, après avoir obtenu son diplôme en URSS, rentra en 1975, s’établissant à Maradi. Zoumari Issa Seyni (photo E.2) revint aussi cette année et s’installa dans la capitale. Tahirou Maïga, le géologue qui était déjà revenu du temps du RDA, se souviendra plus tard de la manière dont le gouvernement avait envoyé un avion pour ramener les diplômés – qui étaient évidemment plus précieux aux yeux du régime – afin d’intégrer certains d’entre eux dans la fonction publique. De ce fait, Daouda Hamani, qui avait étudié à l’université d’État de Moscou, épousé une Russe et prit résidence en Algérie, décida lui aussi de rentrer. Kaîro Alfari répondit également, fier de sa formation (y compris en mécanique supérieure, en France) ; le sawabiste en lui avait clairement ressenti l’appel aux « fils du pays », à présent qualifiés de véritables nationalistes dont le Niger avait plus que besoin. Même Issoufou Assoumane, qui, rendu amer par le chômage, avait de nouveau quitté le pays en 1969, rentra – dans son cas, en 1977, après avoir travaillé comme ingénieur en Algérie depuis 197327. Les diplômés furent suivis, ou précédés, par le redresseur des torts lui-même. Selon son fils, Ahmed Sékou, une délégation se rendit à Conakry pour le convaincre de rentrer, et si Sékou Touré l’aurait averti que c’était encore un peu tôt, Bakary avait le mal du pays et retourna au Niger en octobre 1974, 15 ans après son départ. Abdoulaye Mamani aussi revint, mettant fin à plus d’une décennie d’exil à Alger28.
Photo E.2 – Zoumari Issa Seyni, Niamey, 2011.
10Cependant, si Bakary avait publiquement fait savoir qu’il soutenait le coup d’État, Kountché aurait été prévenu qu’il s’agissait de quelqu’un de spécial29 – ce qui renvoie sans doute à l’engagement politique passionné de Bakary et à son inaptitude à jouer les seconds violons. Dès le départ, la paranoïa de Kountché marquait un désir obsessionnel d’écarter les rivaux, et pour ce faire, il tâcha de diviser pour mieux régner et d’instiller la peur pour assurer son emprise. Les remaniements ministériels et les campagnes de lutte contre la corruption servirent à cela, tandis que le boom croissant de l’uranium (menant par ailleurs à plus de corruption) lui permettait de susciter une clientèle politique. Dans ces circonstances, les crises se succédèrent avec une régularité inquiétante. En février 1975, une campagne de lutte contre la corruption mena à l’arrestation de l’officier qui avait dirigé l’assaut contre la résidence de Diori. Environ un an plus tard, le régime fut secoué par sa première vraie tentative de coup d’État, entreprise par quelques-uns des compagnons de putsch de Kountché. Le soulèvement, qui fit un grand nombre de victimes, fut étouffé et mena à une série d’arrestations, à une cour martiale qui prononça des peines d’emprisonnement et de mort, et à plusieurs exécutions30.
11La psychose du régime frappa aussi les sawabistes. Kountché en était rapidement venu à une situation de mésentente avec son no 2, Sani Souna Sido, qui, par conséquent, se retrouva vite sur une voie de garage. En août 1975, il fut arrêté pour une tentative de coup d’État qu’il aurait préparée avec la complicité de civils, dont Djibo Bakary et un ancien chef de cabinet de Diori (et personnalité importante du monde des affaires). L’accusation déclarait qu’ils avaient essayé de constituer un de ces clans idéologiques interdits par Kountché, et qu’ils voulaient rétablir « des partis dissous » – une imputation rappelant douloureusement l’époque du despotisme RDA. Si Bakary aura eu à promettre de ne plus se mêler de politique à son retour au pays, il n’est pas impossible (quoique cela ait suivi plutôt rapidement la chute du RDA) qu’il ait eu des échanges avec un ancien acolyte de Diori31, en plus de l’officier militaire, bien qu’on ne dispose d’aucun moyen de savoir si cela avait pu porter sur des plans pour un coup. Ce qui est plus pertinent, c’est que les sawabistes qui continuaient à s’intéresser à la politique pouvaient avoir eu du mal à garder leurs opinions pour eux-mêmes. L’année suivante, lorsqu’il exécuta des personnes condamnées pour une autre tentative de coup d’État, un pamphlet issu d’un groupe baptisé « Association des amis de Djibo Bakary » appellera Kountché à se retirer et à éviter l’erreur commise par le RDA32. En décrivant les charges dressées contre Bakary, Radio Niger fit allusion à des réunions nocturnes avec des sawabistes, et de fait, Dan Galadima se rappellera plus tard de la manière dont ses camarades et lui-même essayèrent de rencontrer le redresseur des torts. Étant donné le passé du Chameau, il n’y a rien de surprenant à ce que les petites gens aient échangé des vues politiques au cours de visites, bien que cela se soit probablement déroulé dans le contexte d’une camaraderie nourrie par des décennies d’action et l’expérience collective de la persécution : nombreux furent ceux qui continuèrent à se fréquenter et à s’entraider (leur vie sociale ayant été oblitérée) – demandant par exemple à Bakary de dire un mot en leur faveur au gouvernement pour retrouver un emploi33.
12Quoi qu’il en soit, Bakary fut arrêté sans inculpation ni accusations précises, mais avec une réputation délibérément salie par des rumeurs disant qu’on avait trouvé des millions de francs sur lui34. Ce fut le signal d’une vague de détentions visant plusieurs des lieutenants de Bakary. Dan Galadima et Idrissa Arfou, ancien commandant de maquis pour l’Ouest, furent appréhendés à peine un an et demi après avoir recouvré la liberté. Comme s’en souviendra plus tard le chef d’État-major du Sawaba, ils furent rejoints par Jimra Orgao, l’ancien instituteur sawabiste de Bonkoukou malmené par des interrogateurs français35 ; Ibrahim Issa (l’ancien responsable à l’information du ministère de la Défense condamné pour la mutinerie de 1963) ; Hamed Garba, syndicaliste36 ; et, tristement, Adamou Sékou : le premier idéologue du Sawaba, brisé depuis longtemps par Bilma et ayant fait la paix avec le RDA, fut de nouveau pris. Abdoulaye Mamani aussi fut mis aux arrêts et – tout comme le redresseur des torts lui-même – il fut finalement contraint de prendre le chemin de l’honneur. Adamou Assane Mayaki, le ministre de Bakary, fut aussi appréhendé, mais plus tard, au mois de janvier suivant – sa troisième arrestation depuis l’indépendance. En 1977, le régime arrêta Mounkaila Albagna, le commando de Dargol, apparemment sur des soupçons d’activité politique. On le laissa partir au bout de deux mois. À Maradi, la police détint Bachir Boukary, l’interrogeant sur les réunions du Sawaba. Si Boukary fut relâché, les misères de Albagna n’étaient pas terminées. S’étant mis à faire du syndicalisme, il fut de nouveau interrogé en 1983. On le laissa partir, puis on le reprit encore et il passa plusieurs jours en prison. Le sawabiste fut finalement estourbi. Après sa relaxe, Albagna décida qu’il en avait eu assez et cessa de faire du syndicalisme – muselé, sinon démoralisé37.
13Une fois arrêté, Bakary fut amené à la garnison de Nguigmi, où, ironiquement, plusieurs de ses anciens antagonistes du RDA étaient détenus38. Les conditions de vie en prison, à en juger par ce qu’elles étaient parmi les hommes du RDA à Agadez, étaient bien plus meilleures que sous le régime Diori39 (bien que Sani Souna Sido, l’officier arrêté avec les sawabistes, devait mourir dans des circonstances qui rappellent l’ancien régime40). Dans tous les cas, conscient de son rôle historique, Bakary se mit à travailler à ses mémoires, tout en étant gêné par le manque de documentation41. Le leader du Sawaba passa plusieurs années de cette manière jusqu’à ce que les autorités le transfèrent dans un camp pénal d’Agadez avant de le placer en résidence surveillée à Niamey, d’abord dans une villa de l’État, dans le quartier Terminus, puis chez lui. Il ne lui était pas permis de sortir ou d’aller rendre visite à sa famille, à Soudouré42.
14Ainsi, si le redresseur des torts paya le prix de ses activités politiques de manière tardive, la longueur de sa détention, au bout de 15 ans d’exil, rendit ce prix rien moins que négligeable. Cependant, ses lieutenants durent aussi faire face à des punitions cruelles. En 1976, ils furent amenés au camp de Dao Timmi, dans l’extrême nord-est, loin dans le Sahara, sur le plateau du Djado. Les conditions régnant dans ce camp ressemblent à celles de Bilma, mais probablement en pire – le campement minuscule établi dans un terrain accidenté des hauteurs de Totomaï était aussi peu populaire chez les militaires43 et l’évasion était hors de question. Dan Galadima et ses camarades y passèrent quatre ou cinq pénibles années. Comme Abdoulaye Mamani s’en rappellera plus tard, il était enfermé – tout seul – dans l’obscurité presque complète d’une cellule souterraine. Comme ils n’avaient pas été inculpés, personne ne savait où ils se trouvaient. Le régime ne rendit public leur lieu d’incarcération qu’au bout d’une année, les autorisant à recevoir du courrier44. De façon héroïque, Mamani, qui, au cours de ses années en Algérie avait développé son talent littéraire, essaya de supporter la mise en isolement en travaillant sur un roman intitulé Sarraounia. Suivant son propre compte-rendu, il se servit de papier toilette et de carnets qui lui avaient été passés en catimini par des gardiens obligeants, profitant de rayons de lumière passant au travers de l’embrasure d’un conduit d’aération. Il lui arriva de détruire ce qu’il avait écrit pour éviter d’être découvert – ce qui le contraignait à tout reprendre à nouveau. De même, son compagnon de prison Ibrahim Issa (photo E.3), qui avait aussi publié ses écrits par le passé, semble aussi avoir travaillé sur de nouveaux textes45.
Photo E.3 – Ibrahim Issa en 1979 (I. Issa, La vie et ses facéties, 1982).
Revenu au monde
15Si Adamou Assane Mayaki fut libéré en 1977, Ibrahim Issa sortit probablement deux ans plus tard46. Pour la plupart d’entre eux, les autres furent relâchés vers 1980 (peut-être un peu plus tard dans certains cas). Dan Galadima, par exemple, sortit cette année, tandis que Mamani avait déjà été transporté en 1979 dans un hôpital d’Agadez. Il avait commencé à souffrir de glaucome, causé sans nul doute par le temps passé dans les cachots de Dao Timmi. Il fut libéré l’année d’après47. Adamou Sékou le fut probablement à la même époque – en 1983, on le retrouve membre de la magistrature de Zinder ; il prit sa retraite en 198448. Bakary continua à vivre dans le cadre confiné de la résidence surveillée. La brutalité dont ses lieutenants avaient souffert était hors de toute proportion et si les gens du RDA aussi furent la cible de la cruauté de Kountché, les sawabistes étaient des hommes – approchant la cinquantaine pour nombre d’entre eux – qui avaient déjà développé des problèmes de santé du fait de leur détention sous Diori. Par voie conséquence, ce qui restait de leur posture critique en fut complètement refroidi. L’Association des amis de Djibo Bakary se dissout elle-même au cours de l’été 1976 et on n’entendit plus ensuite parler d’aucune activité collective des sawabistes au plan politique ou social49.
16En général, cependant, l’avènement du régime de Kountché entraîna la fin de la répression des militants du Sawaba. Les problèmes de Oumarou Janba, le Zindérois qui, depuis sa libération dans les années 1960, avait été en butte aux tracasseries, cessèrent avec la chute du RDA. Il en fut de même de Djibo Harouna, qui n’avait pu avoir accès à la scolarisation du fait des activités politiques de son père et qui s’était du coup mis à travailler comme tailleur. La famille de Moumouni Daouda (frère de Daouda Hamani, l’étudiant à l’université d’État de Moscou), cessa enfin d’être surveillée. De même, Abdou Ali Tazard, l’enseignant qui ne se mêlait plus depuis longtemps de politique, fut complètement débarrassé des harcèlements avec l’arrivée des militaires. La famille de Madougou Namaro, dont la mort en 1973 avait forcé l’un des fils à quitter l’école et à trouver un travail, fut aussi finalement laissée tranquille50.
17Les gens du Sawaba (militants de l’intérieur, maquisards, étudiants, leaders) purent ainsi commencer à tâcher de retrouver une place dans la société. En général, ceux parmi les anciens commandos qui se tirèrent d’affaire parvinrent à exercer un de ces humbles métiers qui avaient toujours été la spécialité des petites gens. Leur instruction limitée jouait bien entendu ici un rôle. Beaucoup reprirent tout simplement les activités qu’ils avaient menées avant d’intégrer l’armée du mouvement. Daouda Hamadou, par exemple, qui avait d’abord été « tablier » avant de se faire tailleur, reprit sa place derrière la machine à coudre. D’autres connurent un modeste changement de carrière, comme Amadou Diop, qui, apparemment, ne pouvait reprendre son travail de camionneur et trouva un emploi dans le bâtiment – à l’instar de Noga Yamba, qui travailla aussi comme ouvrier du bâtiment. Des gens comme Ali Mahamane Madaouki, évidemment plus instruits, furent mieux lotis ; après avoir passé une année à se remettre des épreuves de la prison, il travailla en qualité de commis pour un commerçant avant de se faire engager dans une banque à Zinder, y passant le restant de sa carrière tout en décrochant un certificat en comptabilité. L’ancien chef de camp Ali Amadou, qui avait étudié au Niger et au Sénégal, travailla dans une agence gouvernementale de contrôle des prix avant d’entrer, sur la fin des années 1980, dans le secteur privé. Idrissa Arfou eut aussi de la chance à travers son fils, qui parvint à intégrer la Garde présidentielle. Mais d’autres continuèrent à connaître des difficultés. Mounkaila Albagna, qui souhaitait poursuivre son instruction lorsqu’il rejoignit le Sawaba, mais qui avait fini par subir une formation militaire, eut du mal à trouver un emploi. Il se rendit à un moment donné à Lomé afin d’y travailler pour un commerçant français. De même, Soumana Idrissa vécut sa libération comme s’il était « revenu au monde », mais la ruine de la concession familiale l’obligea à retourner au Ghana en quête de travail – tout comme Ali Issaka, qui se rendit sur la côte pour commercer. Boubakar Djingaré, ayant travaillé comme maçon, mais étant malade à sa libération, trouva un emploi au niveau de l’Office des produits vivriers du Niger, à l’instar d’un autre élève de Nankin, Hassane Djibo. Djingaré allait travailler à l’Office neuf ans durant mais reçut, à la retraite, une pension inadéquate51.
18Certains des militants de l’intérieur qui n’avaient ni été impliqués dans la guérilla, ni étudié à l’étranger, se tirèrent mieux d’affaire, comme le montre le cas de Tahir Moustapha, qui put commencer une carrière dans une entreprise commerciale et voyager à l’étranger, visitant les Pays-Bas entre autres endroits. Il devait par la suite devenir directeur d’une société de construction. De façon similaire, Maman Tchila, le sawabiste de Zinder qui avait connu une vie de harcèlement, entreprit de faire du commerce. Adamou Sékou, après sa retraite de la magistrature, commença à travailler pour la compagnie Shell52, ce qui renvoie au contexte de pensions inadéquates et de privatisation de l’économie, au cours des années 1980.
19Si, avec l’arrivée de Kountché, les hommes de la base bénéficièrent de la fin des tracasseries, mais non d’une amélioration notable de leur statut, les étudiants Sawaba, par contraste, profitèrent plus nettement du changement. Nombre d’entre eux furent intégrés dans la fonction publique – renforçant ironiquement un régime qui ne reflétait guère la volonté populaire, même si Kountché gagna une réputation d’ami des pauvres. Ainsi, Sao Marakan, qui n’était pas un étudiant Sawaba mais qui avait sympathisé avec le mouvement, réussit à devenir juge. Daouda Hamani, grâce à ses études de biologie en Union soviétique, devait atteindre une position éminente dans les milieux scientifiques et médicaux. Bachir Boukary partit à Filingué, où il trouva un emploi dans l’élevage. Il devait par la suite devenir sous-préfet adjoint de Dosso. D’autres personnes qui avaient fait des études techniques réussirent aussi. Tahirou Maïga, par exemple, vit ses années d’étude en géologie à Kiev récompensées par un emploi bien rémunéré au PNUD, après quoi il devint directeur d’une mine d’étain dans l’Aïr53. Kaîro Alfari mena une carrière dans le génie civil, devenant directeur du programme de construction de la route Tahoua-Arlit ainsi que d’autres projets portant sur les infrastructures54. Enfin, Zoumari Issa Seyni commença une carrière dans l’éducation, enseignant dans différentes écoles ; en sa qualité d’historien rompu aux traditions orales de l’ouest nigérien, il obtiendra un poste d’enseignant à l’université (1986)55.
20La trajectoire de Mounkaila Beidari est plus exceptionnelle. Désenchanté par la décision de Bakary d’abandonner la lutte, le fugitif du Sawaba avait décidé de rester en Europe. C’est à Berlin Ouest qu’il eut vent du putsch. Il écrivit à Niamey et posa sa candidature pour une bourse – un des rares sawabistes à étudier avec une bourse de l’État, se souviendra-t-il plus tard avec un sourire. Après l’obtention de son diplôme en 1978, Beidari rentrera au pays et intégrera la diplomatie, avec affectations à Addis-Abeba, au Cameroun et aux Nations Unies, en dehors du ministère des Affaires étrangères, à Niamey56. Ainsi, d’une certaine manière, le jeune homme en colère de la capitale symbolise les sawabistes qui ont prospéré au temps de Kountché, compensant les souffrances endurées sous l’ancien régime. La biographie de Beidari trouve un parallèle dans celle de Hassane Igodoé qui avait été formé à la guérilla en Algérie et au Ghana. Igodoé avait apparemment pu échapper à la capture (au moins jusqu’en 1966-1967) et intégrera plus tard la diplomatie57.
21Les sawabistes ayant travaillé pour Radio Pékin forment une catégorie spéciale, y compris Amada Bachard, qui revint l’année du coup, et Hamidou Adamou Abdoulaye, qui resta dans la République Populaire58. Bachard obtint un emploi à Radio Niger, et s’il présentait les nouvelles suivant la perspective du gouvernement (comme on l’avait formé à le faire), on le laissa tranquille, y compris durant les arrestations de 1975. Il devait continuer à travailler comme journaliste jusqu’à sa retraite (1997). Hamidou Abdoulaye ne revint au Niger qu’en 1982, assistant d’abord aux remous liés à l’affaire de la « Bande des Quatre » avant que Kountché ne lui demande de rentrer au pays. Il intégra lui aussi Radio Niger, appelée, depuis 1974, La Voix du Sahel, lui apportant le bénéfice de son expérience et de ses compétences linguistiques59. De cette façon, nombre des aptitudes professionnelles cultivées lors des années de clandestinité du Sawaba trouvait à présent à s’insérer au cœur du système politique. D’un autre côté, certains des cadres du mouvement continuèrent à maintenir les contacts internationaux qu’ils avaient bâtis au cours de leurs visites dans les pays de l’Est ; Mamoudou Pascal, par exemple, se rendra au moins trois fois avant sa retraite en 1990 à des conférences syndicales en Europe de l’Est60.
22Les trajectoires des sawabistes après 1974 sont donc variées et influencées par les expériences passées : lorsque Aba Kaka, dont les liens avec le Sawaba remontent à la querelle de la chefferie de Bosso, au cours des années 1950, rentra chez lui, il y trouva qu’une autre personne occupait la place de chef de canton. Deux ans plus tard, ce dernier mourut et le commando obstiné vengea finalement l’insulte qui lui avait été infligée en se faisant élire à la chefferie61. Cette continuation ou reprise d’anciennes occupations était plus explicite dans le cas des cadres (en provenance du BNA) qui s’étaient déjà réconciliés avec le RDA avant la guérilla du Sawaba. Des hommes comme Diougou Sangaré et Gonimi Boukar, qui avaient décroché un emploi avant l’indépendance et n’avaient pas subi de harcèlements à la suite des affrontements armés, poursuivirent leur carrière sans interruption jusqu’à la retraite régulière62. Ils représentaient les modérés et pragmatiques qui s’étaient retirés à temps de la lutte63. Mahaman Dan Bouzoua, le cerveau des campagnes électorales du Sawaba à Zinder, dont la défection en 1959 avait choqué les militants, continua une carrière à succès en qualité d’inspecteur du travail (il devait faire le Hadj), tandis que Sékou Hamidou, qui avait été blessé par balle lors du référendum, mena une carrière distinguée d’expert médical64. D’autres cadres, qui avaient été moins prompts à abandonner le mouvement, purent néanmoins poursuivre leur carrière. Georges Condat, tout comme le cadre UDN Illa Salifou, continua à travailler dans la diplomatie, obtenant un poste d’ambassadeur aux États-Unis avant de prendre sa retraite en 197665. De façon plus modeste, Alazi Soumaila, qui s’était réconcilié avec le RDA après la défaite du Sawaba, quitta le ministère des Finances pour un emploi à la SONARA, la société de commercialisation de l’arachide, avant de travailler comme comptable dans le secteur de l’uranium. Il prit sa retraite en 1992. Aboubakar dit Kaou, âgé déjà de 54 ans à l’époque du putsch, reçut sa pension en 1976, accumulée sur des emplois passés. Un certain nombre de ces personnes (quoique pas Kaou) verront leur carrière couronnée par l’inclusion dans la liste des décorés du Niger66.
23De fait, ces différences de destinée allaient sceller la rupture du mouvement et saper toute vigueur qu’il aurait pu rassembler, quoique, comme on le verra plus loin, sans annihiler son importance en termes de mémoire, de conscience historique et de loyautés durables entre « camarades ». Ceci vaut même pour la deuxième génération, i. e. les enfants des militants qui avaient vu leurs parents persécutés et avaient souffert de diverses formes de harcèlements de la part du RDA (exclusion du système éducatif et du monde du travail, surveillance de domicile, traumatisme d’avoir un père en prison). Individus distincts, à présent, et non membres d’un mouvement, ils devaient, eux aussi, lutter pour compenser la perte d’une décennie. Certains allaient réussir, comme Ibrahim Bawa Souley, fils de Baoua Souley, l’élève de Nankin qui a échappé à l’exécution. Alors que le père se retirait en 1987, le fils (bien connu sous le sobriquet « IBS ») se frayait un chemin au sommet, payant pour son instruction et, après le coup d’État, obtenant des postes dans différentes sociétés avant de devenir un homme d’affaires artisan de sa propre réussite et propriétaire, entre autres choses, d’une compagnie de commerce et de transport67. Par contraste, Mamadou Ousmane, l’un des fils de Ousmane Dan Galadima qui fut contraint de fuir le Niger à l’âge de sept ans, connut des emplois modestes. Avec quelques années d’instruction secondaire au Mali, il était revenu en 1972. Il fut embauché à la SONARA et devait, à partir des années 1990, s’investir dans le petit commerce. Plus tard, Amadou Madougou, l’un des fils de Madougou Namaro, devait parvenir à une position avantageuse au sein de la société publique de télécommunications. Enfin, Ahmed Sékou, le benjamin de Bakary, ne fut pas inquiété sous Kountché et put terminer son instruction secondaire avant d’entreprendre des études de médecine à Cuba68.
24La mise en résidence surveillée de son père fut levée en 1984, concluant neuf ans de réclusion69. Cependant, Bakary continua, même après cela, à être surveillé. Poursuivant la rédaction de ses mémoires, il fut averti que leur publication pourrait réveiller de vieilles tensions. Contraint de communiquer leur contenu, il décida de reporter la finalisation de ses mémoires à une date ultérieure70. Abdoulaye Mamani fut mieux loti – il devait rapidement acquérir la maturité d’un écrivain de qualité. À sa sortie de prison en 1980, il se maria et mit la dernière main à son roman Sarraounia, qui fut publié à Paris cette même année71. Au cours de son séjour algérien, il avait déjà pris goût pour la poésie, écrivant sur des thèmes comme « la liberté », « le sang » – publiés pour la première fois dans l’organe du mouvement, Sawaba –, « la révolte », « l’espoir » et « l’exil », des thèmes portant manifestement l’empreinte de ce qu’il avait vécu72. Sarraounia met en scène la reine d’un État précolonial qui, dotée de pouvoirs magiques, résista à l’avancée du colonisateur français. Le récit est basé sur la reine des Azna de la région maouri, à l’est de Dosso, et s’inspire de la mission Voulet-Chanoine, l’expédition de 1899 qui fit beaucoup de morts, ternit la réputation de la France et devint la quintessence de l’agression coloniale73. En fin de compte, la guerrière ne put, bien entendu, vaincre les Français, mais, de façon révélatrice, cela ne l’empêcha pas de se dresser contre eux74 : si le roman se situe à l’époque précoloniale, son auteur sawabiste doit avoir été tout autant inspiré par son expérience des actions de la métropole à l’ère de la décolonisation, y compris le vain recours du Sawaba aux tactiques de la guérilla pour résister à la ligue franco-RDA. Mamani devait écrire un autre récit, Une nuit au Ténéré75, basé également sur son expérience personnelle, dépeignant la soif, l’enfermement et le silence absolu du désert. Dans la même veine, Ibrahim Issa devait publier un recueil de poèmes après sa sortie de prison. Certains d’entre eux, comme « Sahara », peuvent être lus comme un récit des années de Dao Timmi, évoquant de façon saisissante un monde marqué par un soleil implacable, une terre calcinée et une terrifiante désolation76.
La rébellion dans l’histoire du Niger
25L’histoire n’a retenu de la révolte du « petit peuple » que l’idée d’une entreprise stupide vouée à l’échec. En bonne part, cette opinion convenue – créée par la ligue franco-RDA afin de mieux souligner sa légitimité apparemment incontestable, et reprise par des reporters dénués d’esprit critique – peut être écartée comme une forme de vision après-coup tissée d’anachronismes par rapport à ce que les acteurs historiques savaient ou avaient pu savoir avant et pendant la lutte. Cette opinion ignore également les motivations des hommes qui, dans quelque contexte historique que ce soit, peuvent avoir autant d’impact sur le cours des événements que n’importe quelle condition objective matérielle77. Il en est résulté une représentation faussée à caractère téléologique : en lisant l’histoire à l’envers, la révolte ne peut manquer de s’abîmer dans la défaite.
26Cette image est fondamentalement non historique et ignore plusieurs faits. D’abord, l’invasion avait été soigneusement préparée, basée sur une stratégie indiquant une réflexion poussée et un degré de coordination qui permettront aux maquisards d’intervenir simultanément sur toute la largeur du territoire national. Ensuite, un grand nombre des commandos n’était pas des victimes passives égarées par le leadership du Sawaba, comme le régime se plaisait à le suggérer, mais des combattants acharnés ayant subi un dur entraînement en Algérie ou au Vietnam, et qui attaquèrent leurs cibles parfois à plus d’une reprise. Troisièmement, les maquisards qui, du point de vue culturel, étaient fermement enracinés dans la société dans laquelle ils se battirent, montrèrent, durant de nombreuses années (1960-1966), une ténacité qui contredit l’image réduisant leurs actions à un caprice poursuivi au cours de quelques mois d’automne et conclu par un attentat solitaire contre le président. La longue période au cours de laquelle ils menèrent des opérations d’infiltration était basée sur la conscience de la faiblesse réelle du régime : avec son administration divisée marquée par de nombreuses fissures opposant l’État au parti et les milices aux Forces armées, la Première République avait à sa tête un leadership déséquilibré, disjoint et paranoïaque. Sans contrôle de soi et faiblement enraciné dans la société, il était exposé à des tensions générationnelles et régionales qui se donnèrent libre cours sous le règne du RDA et ses protecteurs français exprimèrent souvent de l’inquiétude quant à sa fragilité. Du coup, les sawabistes avaient raison de penser que le régime pouvait être abattu. En arguant que la répression avait fait de la rébellion un acte nécessaire à la satisfaction de la soif de la libération et de l’apaisement, les paysans de la région Ouest montrent donc une compréhension plus profonde de la situation que les observateurs plus instruits qui la rejettent de façon rétrospective.
27Les raisons de la défaite du Sawaba se trouvent dans un nombre complexe de facteurs qui ne peuvent être vus de ceux qui balaient trop aisément d’un revers de la main l’entreprise du mouvement. Déclenchant prématurément leur attaque en septembre 1964, sans réviser leur stratégie à la suite de la découverte des cellules, les membres du leadership virent considérablement réduit l’avantage qu’ils auraient pu retirer de l’élément de surprise. Ceci renforça les autres facteurs à portée négative : un environnement géographique contraire à la guérilla (surtout à cette époque de l’année, où la plupart des régions perdaient leur couvert végétal et les champs étaient peuplés de moissonneurs) ; un hinterland souvent peu sûr du fait de conditions similaires et d’autorités peu fiables ; et la grande dispersion des unités, situation pour laquelle ils n’étaient pas suffisamment équipés ; sans compter – de façon cruciale – le fait que la plupart des communautés n’étaient pas adéquatement mobilisées, ayant été matées par les milices du RDA. Si le caractère foncièrement rural du Niger et l’origine semi-urbaine des petites gens menaient inévitablement à infiltrer autant les villes que les campagnes, la vulnérabilité des ruraux face aux intimidations du pouvoir en place rendait leur mobilisation difficile. Dans ce contexte, les effectifs déployés sur le terrain se révélèrent des plus insuffisants et les calculs du mouvement sur le ralliement du peuple, fatalement déficients.
28Le leadership se rendait compte du problème et chercha, par la suite, à mettre en œuvre une percutante stratégie urbaine basée sur l’assassinat ainsi que sur un coup d’État impliquant partiellement l’armée. Cette stratégie mettait l’accent sur la rapidité – et comme le Sawaba avait toujours montré qu’il considérait les bienfaiteurs du régime comme l’ennemi ultime (la France), on voit clairement qui il espérait prendre par surprise. Si rien ne laisse penser qu’en préparant le putsch de 1974, l’armée avait à l’esprit ces vicissitudes et s’efforça de prendre la métropole de court (bien que la mutinerie de Diallo, avec sa dimension sawabiste, faisait partie de son patrimoine institutionnel78), cet aspect de la question confère à la rébellion sawabiste un sens plus profond. L’éviction des troupes métropolitaines et l’abandon du traité de défense avec la France par Kountché au lendemain du coup ne peuvent s’expliquer uniquement par le fait que les FAN détestaient leurs conseillers français79. Cette aversion doit aussi être située dans le contexte idéologique plus général du Niger postcolonial, dans lequel le mouvement syndicalisé du « petit peuple » s’opposa au RDA à partir d’une posture nationaliste dotée d’une plus grande conscience de soi, au point de se dresser contre la métropole. La reconnaissance par Kountché de la République Populaire de Chine après le coup d’État constitue l’apogée historique de luttes plus anciennes, même si son régime se refusa à toute transformation révolutionnaire de la société80.
29Si la révolte du Sawaba était le précurseur nécessaire de l’ère Kountché81, un autre élément soulignant son importance – quoique par défaut – se trouve dans la consolidation graduelle de l’appareil répressif de l’État. Il est profondément ironique que le Niger, à travers la destruction d’un mouvement moderne visant à la réforme, au progrès économique et à la transformation de la société, soit parvenu à éviter les épreuves et les tribulations du Tchad voisin. D’un autre côté, le fait que le FROLINAT devait réussir à vaincre le gouvernement avait beaucoup à voir avec le type de mobilisation différent pratiqué par ses leaders. Alors que le Sawaba avait agi suivant le caractère général du « petit peuple » et rechercha un soutien d’envergure nationale, un soutien qui ne fusse pas confiné à une région spécifique mais qui ait pour base la présence de marginaux semi-urbanisés à travers le territoire du pays, au Tchad, la puissance des forces rebelles reposa résolument sur l’impulsion du sentiment ethno-régional. Si l’État du Niger ne réussit jamais, lui non plus, à subjuguer la périphérie géographique, sa persécution des sawabistes devait doter son centre de moyens répressifs considérables82. Au cœur, se dressaient les institutions du renseignement (le BCL, la Sûreté et leur univers d’espions et d’agents), soigneusement cultivées par les Français et graduellement transmises à des Nigériens sélectionnés et formés pour maintenir la plus haute vigilance. Les Français mirent aussi au point les pratiques sécuritaires sous-tendant cette évolution, même leurs aspects infâmes, comme les procédés d’interrogatoire et de torture, qui furent parfois décalqués de la guerre d’Algérie (quoique cela n’ait sans doute pas été le cas des morts en détention, qui indiquent un manque de professionnalisme et relevèrent en général de la brutalité plus discrétionnaire des paramilitaires).
30Les origines du régime – si manifestement fabriqué et mis en selle par les Français – donnèrent naissance à une forme de gouvernance factice et malaisée, poussant ses responsables officiels à pratiquer un contrôle totalitaire afin de se sentir en sécurité. Ceci est symbolisé par l’emplacement même du BCL à l’intérieur du complexe présidentiel. La chasse à l’homme des sawabistes sous la Première République inculqua la crainte de ses dirigeants au peuple et le régime Kountché ne fit qu’exploiter les pratiques répressives établies sous la ligue franco-RDA. Enrichis par les revenus de l’uranium, les militaires consacrèrent d’énormes ressources à l’extension du système répressif qu’ils avaient hérité, menant, entre autres choses, au recrutement de milliers d’informateurs supplémentaires83. Le BCL demeura au cœur de cette toile, devenant le symbole des peurs populaires84. Bien que complètement pris en main par des Nigériens à présent, il resta physiquement situé dans le même espace, non loin de la résidence présidentielle. De plus, il reçut l’usage d’un autre bâtiment, en face du ministère des Affaires étrangères, sur le boulevard de la République, et connu sous le nom de « brigade » du BCL. Un rapport de Amnesty International indique que les séances de torture qui s’y déroulaient différaient dans une certaine mesure de celles qui furent pratiquées sous les Français et le RDA85. La nouvelle brutalité était symbolisée par le chef du BCL, Amadou Oumarou dit Bonkano, dont la personnalité grossière représente en un sens la fusion de courants de violence qui avaient caractérisé la Première République : l’une supervisée par les Français et appliquée au BCL, méthodique et ciblée, quoique cruelle si nécessaire ; l’autre arbitraire et occasionnellement incontrôlée, représentée par la gendarmerie et son patron86. D’une manière générale, l’avènement des militaires était marqué par de tristes et frappants éléments de continuité – s’étendant du rôle pivot de la paranoïa au sein du système politique (symbolisé d’abord par Diamballa Maïga, puis Seyni Kountché) à la persistance de terribles conditions d’emprisonnement marquées par un régime alimentaire exécrable et insuffisant, le manque de soins médicaux, la mort en prison (de nombreuses victimes étant elles-mêmes militaires). Ainsi, les graines de la répression semées par la ligue franco-RDA portèrent fruit.
31La destruction du « petit peuple » comme force politique avait eu pour base sociale l’hégémonie des « commis », représentée par le RDA et se distinguant par des pratiques économiques qui punissaient les marginalisés et avantageaient les grands intérêts, français et autres87. Les éléments marquants de cette hégémonie comprenaient un mode de vie d’inspiration occidentale, des positions bureaucratiques confortables et des mises plus ou moins importantes dans le système de corruption du régime – avec « l’Autrichienne » à la tête de la pyramide. Cette base sociale étroite, tout en recherchant sa légitimité idéologique dans une acceptation éhontée de l’encadrement néocolonial du Niger (qui se poursuivit tard dans le règne du RDA), est signalée par une insécurité psychologique ayant ses racines dans l’avènement du régime. Bien entendu, la nature implacable de son emprise avait aussi des racines locales88 et la compétition violente pour le pouvoir, au cours des années 1950 – avec sa conception presque territoriale de fiefs électoraux considérés comme des « propriétés » – indique une notion intransigeante du pouvoir, notion partagée par les gens du Chameau également. Mais la puissance française qui servit de support à l’hégémonie du RDA a sans aucun doute exacerbé la tyrannie de la Première République.
32Les inquiétudes du régime étaient personnifiées par son président qui, du point de vue de la rébellion du Sawaba, était à bien des égards un lâche profiteur capable, à des moments clefs, de faire montre d’une dureté que ne surpassaient pas les autres figures de l’État. Bien entendu, il est possible de répliquer qu’il s’agit là d’une évaluation trop sévère, d’autant plus que l’histoire de la Première République est empreinte de la notion d’un triumvirat dont Diori, son membre le plus « doux », représentait la face humaine, avec la réputation de ne pas être responsable des horreurs commises en son nom ; et les excès du régime seraient dus aux personnages plus déplaisants qu’étaient le président caractériel du RDA et le maniaque ministre de l’Intérieur89.
33Cependant, si les excentricités personnelles de Hama, Maïga et Diori sont des faits historiques, une telle objection ressemble à une volonté de transférer les fautes d’une personnalité politique sur son entourage, une tendance universelle dans les systèmes politiques où se fait sentir le besoin de faire montre d’une illusion minime de légitimité. Il est vrai que Boubou Hama et Maïga détenaient un pouvoir considérable et que Diori a, de temps à autre, adopté une approche plus amène à l’égard de ses ennemis, mais plusieurs faits militent contre une évaluation indulgente de son rôle. Les manifestations les moins ragoûtantes de sa suprématie – les passages à tabac et la torture des détenus – se produisirent à proximité de sa résidence, à l’intérieur du complexe présidentiel. Il est impossible que Diori n’ait pas été au courant de ceci, et toute affirmation dans ce sens est non seulement contredite par les témoignages de victimes hurlantes, mais aussi par les rapports des Français disant qu’il était conscient des méthodes de la police. Pendant longtemps, Diori ne fit rien pour restreindre la férocité de la gendarmerie ou de Maïga qui la supervisait, même s’il était trop proche des figures principales de la machine à réprimer (par le sang comme par l’alliance matrimoniale) pour nier toute responsabilité dans ses atrocités. Son inaction trouve sa raison, tout simplement, dans les bénéfices qu’il retirait des abus, et si Diori versa des larmes sur la mort de Koussanga Alzouma, il fit chorus avec le mensonge qui couvrit la mort par torture de Boubacar Diallo – un de ses propres ministres. Même si c’est le président qui mit un terme aux exécutions une fois le danger initial passé, il montra, à des moments clefs, peu de miséricorde à l’endroit de ses adversaires vaincus. Il a aussi joué un rôle central dans la chasse implacable aux sawabistes, petits et grands, longtemps après que la crise se soit apaisée.
34En signant l’ordre de tirer à vue, Diori se rendit responsable des excès ayant accompagné les mesures du gouvernement. C’est dans son propre jardin que le corps de Dandouna Aboubakar fut jeté pour y pourrir de manière profanatoire et c’est à l’intérieur du complexe présidentiel que les sawabistes passèrent leurs premiers moments de détention, étant exhibés en sa présence devant la presse. Il existe un témoignage sur la manière dont Diori joua un rôle dans ces humiliations. Au printemps 1966, quatre détenus, dont Djibo Seyni et Diop qui avait été sévèrement torturé, furent traînés hors de leur cellule afin de faire face à un journaliste occidental. Vêtu de vêtements défraîchis, ils furent amenés dans le jardin présidentiel où les soldats les forcèrent à se tenir debout et à observer la promenade du président avec, paraît-il, de la peur dans les yeux (ils n’avaient pas encore été condamnés90). Ainsi, s’il est vrai que Diori donna ses lunettes à son assassin raté91, cela était une marque de son hypocrisie. De bien de façon, sa personnalité équivoque reflétait la nature du régime : les appréhensions de Diori et son affection pour les voyages à l’étranger, avec le luxe qui allait avec, renvoyaient à la dépendance néocoloniale des Nigériens privilégiés et faisaient écho aux craintes d’une classe dominante plongée dans les malversations – les propriétés parisiennes du président soulignant cette corruption n’étaient pas le monopole d’une épouse détestée, d’autant plus que Diori, du fait d’une loyauté mal placée, refusait de sévir contre des acolytes coupables de prévarications92. Lorsqu’il se mit finalement à demander de meilleures conditions lors des négociations sur l’uranium, c’était trop tard pour changer sa réputation – son départ ignominieux mettant en exergue la façon dont son rôle historique contraste avec le refus du « petit peuple » de s’incliner devant une force supérieure93.
Un mouvement social sur le champ de bataille
35La Guinée et le Niger étaient au-devant des forces résistant aux efforts déployés par les gaullistes pour garder quelque contrôle sur les possessions africaines de la France qui, pour beaucoup d’entre elles, étaient, en 1958, décidées à prendre plus de distance politique que la Ve République ne souhaitait alors le tolérer. Si Sékou Touré est parvenu à détacher son territoire de l’emprise française, surtout après y avoir été poussé par la base du mouvement nationaliste guinéen94, il est tentant de spéculer sur ce qui serait arrivé si le Sawaba avait réussi de manière similaire. La rivalité entre le Sawaba et le RDA révèle une conception du pouvoir qui le réduit à un jeu à somme nulle, ce qui, même avant l’intervention gaulliste, ne présageait rien de bon pour le processus démocratique. Les émeutes orchestrées par le gouvernement Bakary en avril 1958 et les actions du RDA dans la période menant aux affrontements de ce mois montrent la difficulté d’atteindre un compromis. Le règne du Sawaba avait déjà illustré la manière dont la victoire d’une formation politique pouvait donner libre cours à l’antagonisme de groupes sociaux – le remuant « petit peuple » essayant de consolider ses avancées en érodant la position d’une classe cheffériale qui dépendait du statu quo. Du coup, on peut penser qu’une victoire du Sawaba au référendum aurait pu déchaîner une animosité similaire entre le « petit peuple » et les « commis » (comme ce qui s’est de fait passé sous le règne du RDA de façon inverse). Leurs relations étaient antagoniques du point de vue social, bien que les intérêts des « commis » et des petites gens – tous deux relevant de la couche inférieure des talakawa – se dressaient de même façon contre ceux des chefs. Que serait-il arrivé au RDA dans de telles circonstances ? Aurait-il été banni par un gouvernement dominé par Bakary, tout comme le Sawaba l’avait été par la ligue franco-RDA ? Les suites immédiates des troubles d’avril montrent que le parti tomba sous le coup de mesure restreignant ses prérogatives parlementaires.
36Un gouvernement Sawaba serait-il donc devenu, à la fin, le règne de la populace ? Les événements historiques du Niger au cours des années 1950 ne se prêtent guère à l’optimisme. L’autoritarisme auquel succomba la Guinée sous Sékou Touré nous rappelle qu’une victoire des couches populaires au plébiscite n’offrait pas la garantie d’un gouvernement démocratique. Mais la plupart des pays, y compris ceux qui avaient opté pour la communauté française, réduisirent, au lendemain de l’indépendance, le champ du pluralisme politique – au cas où ce dernier avait pu survivre aux coups du référendum95. Par ailleurs, comme l’a noté Schmidt, l’évolution de la Guinée vers l’autoritarisme n’était pas inévitable et résulta plutôt de contingences historiques96. En suggérant une descente sans frein vers la dictature sur la base du rejet de la communauté française, on commet en fait l’erreur d’une lecture rétrospective des faillites postindépendance du parti au pouvoir en Guinée : un récit téléologique similaire à la représentation faussée du soulèvement du Sawaba. Dans tous les cas, la comparaison avec l’histoire de la Guinée ne saurait produire une image identique. Il convient par exemple de noter que, pour créer un gouvernement majoritaire, Bakary avait été prêt à passer un compromis avec la classe cheffériale, les ennemis mêmes du « petit peuple ».
37Quoi qu’il en soit, laissant de côté cette hypothèse d’évolution alternative, on ne dispose que de l’histoire réelle, à savoir l’annihilation délibérée de l’unique mouvement social moderne du Niger par une alliance transnationale d’intérêts de la métropole et des « commis ». Si la grâce de la défaite a historiquement sauvé les sawabistes, ils ont connu une expérience fascinante, non pas tellement celle de la violence à grande échelle, mais celle de l’agitation politique d’activistes attachés à une cause qui se développa en même temps que les aspects moins reluisants de la campagne électorale. Les dommages résultant des opérations de guérilla n’ont pas pu affecter plus de quelques centaines d’hommes97, en excluant les victimes civiles des représailles du régime (morts et surtout réfugiés, dont les effectifs ne peuvent être reconstitués), commandos exécutés et victimes du régime carcéral. Aussi traumatisantes qu’aient été de telles expériences pour les individus, la signification profonde de la rébellion du Chameau se situe ailleurs. Les sawabistes étaient le produit d’une culture politique historiquement spécifique qui avait pris forme dans une ère de transition socio-économique aux avancées plus lentes en AOF qu’ailleurs, mais qui, au cours des années 1950, avait abouti à des changements qui allaient prendre de l’importance sur le long terme. Pour la première fois, se mettaient en place des groupes sociaux dont la structuration était avant tout horizontale. Le « petit peuple » en était un, et, de concert avec des couches un peu mieux loties et dotées d’une plus grande sophistication technique, il avait pris racine dans un monde semi-urbain qui émergeait à travers le territoire de la colonie.
38Par définition, leur position était ambivalente et marquée par une mobilité sociale réelle mais limitée – donnant naissance à des insatisfaits qui avaient intérêt à un changement de plus grande ampleur. Ayant des comptes à régler non pas seulement avec l’ordre colonial et ses bases raciales, mais avec tous les détenteurs de statuts hérités, le « petit peuple » se plongea graduellement dans l’enseignement prescriptif de Marx et Lénine et les instructions du monde syndical. Il élargit ses horizons et acquit une perception des aspects pénibles de la société, notamment ses inégalités socio-culturelles, la pauvreté, et l’encadrement biaisé de la sphère d’influence métropolitaine : Ali Amadou, le militant de Téra, eut ainsi la conscience éveillée à Dakar après avoir été confronté à l’attitude hautaine de de Gaulle, tandis que dans ses pensées plus tardives, Mounkaila Albagna, le commando de Dargol, se demandera « pourquoi les gens devaient vivre encore comme en 190098 ». Jeunes par l’âge comme par le comportement, les militants du Sawaba étaient animés par des passions politiques au fond desquelles se trouvaient la colère ainsi que des conceptions culturelles dans lesquelles la promesse messianique de la délivrance et d’une ère nouvelle occupaient une place de choix et informaient l’action du parti – politique comme militaire. Son langage était celui d’un nationalisme d’inspiration marxiste assorti de la volonté de recourir à la force. La violence n’était jamais loin de l’agitation politique, basée sur des notions culturelles partagées également par les autres formations socio-politiques, mais qui, dans le cas des petites gens, bénéficiait de la légitimité apportée par le message révolutionnaire du marxisme.
39Poussés davantage dans cette voie par une persécution systématique99 qui ne laissait que peu ou pas d’alternative, les sawabistes tâchèrent de transformer les agitateurs en maquisards avec l’aide des Algériens, de l’exemple cubain et du Grand timonier. Il en résulta une fusion curieuse d’activiste politique mâtiné de maquisard combattant qui, au lieu de s’imposer par la force à la population, entra dans le champ de bataille à la manière de l’agitateur de l’ancien temps – bien qu’armé, espérant toujours complaire à son électorat et le conduire dans la marche sur La Havane afin de mettre fin à toute souffrance ; la tragédie des commandos gît dans cette mentalité millénariste plus que militaire de gens qui, comme un ancien du Vietnam s’en rappellera plus tard, « se battirent avec du courage, pas des armes ». Mais les continuités historiques singulières entre l’agitation du « petit peuple » des années 1950 et l’invasion des maquisards de 1964 ne doit pas inspirer la dérision. Plusieurs aspects de l’insurrection, telle que la rapidité dont la stratégie du Sawaba était empreinte, étaient aussi informés par des principes militaires bien établis, et le fait que les opérations se poursuivirent après la première défaite sur le champ de bataille montre que la transformation en commandos était bien avancée. Le même ancien du Vietnam soutiendra de manière douteuse que sans le coup d’État contre Nkrumah, le mouvement aurait persévéré et vaincu le RDA100.
40Cette assurance était alimentée par la conviction que la violence pouvait contribuer au changement. Elle le peut bien entendu, dans certains cas, mais dans bien d’autres, l’usage de la violence peut facilement s’avérer contre-productif. Le fait que les sawabistes ont développé de l’aveuglement à cet égard avait non seulement beaucoup à voir avec l’expérience de l’agitation politique dans les rues de Gothèye, Maradi ou Tessaoua, mais aussi avec les idéaux de libération révolutionnaire qui, à l’heure du Spoutnik, avaient atteint une portée si mondiale, impliquant que le socialisme réel offrait effectivement une alternative politique – en particulier pour des petites gens syndicalisés persécutés à la fois par les « commis » et les Français101. Établis et légitimes, les différents courants de l’idéologie marxiste désignaient l’objectif que les agitateurs du Sawaba se devaient de poursuivre et les moyens violents qu’ils avaient à disposition. En même temps, si la formation et l’armement du Bloc de l’Est donnaient l’impression que le renversement du RDA était une option viable, l’idéologie marxiste et ses dérivés discursifs (léninisme, maoïsme, prescriptions du FLN, écrits du Che, et avis de l’Oncle Ho) offraient tous des éléments spécifiques qui les rendaient particulièrement attrayants aux yeux du « petit peuple » : comme le souligne Colburn102, ces dogmes partageaient tous une vision romantique soutenant la pertinence d’une transformation herculéenne de la société à travers une lutte cataclysmique destinée à détruire l’ordre ancien. Ce faisant, ils présentaient en général peu d’indications précises sur la manière dont la rupture avec le passé devait s’accomplir, sans parler d’un plan cohérent de gouvernement pour le remplacer – en d’autres termes, une conception romantique du changement révolutionnaire bien adaptée à la mentalité millénariste des sawabistes103. Comme nous l’avons noté, « Sawaba » renvoie à l’idée d’un désir de tranquillité qui, comme de nombreuses formes de nationalisme africain des années 1950-1960, représentait, dans une certaine mesure, un aboutissement mystique, l’aspiration à une situation de calme. La manière scrupuleuse dont des maquisards comme Hassane Djibo, l’agent d’agriculture de Kollo, et Dodo Hamballi, le commando du secteur de Zinder, tinrent leurs carnets, copiant les leçons du Grand Timonier ou prenant des notes sur les représentants du féodalisme dans leur région, indique à tout le moins une certaine confiance dans la valeur miraculeuse de formules lointaines. Ainsi, si cette vision romantique embuait les perspectives sur la réalité des choses, elle n’était pas seulement un trait de caractère de Djibo Bakary disant à ses cohortes d’attaquer l’adversaire à coups de bâton, elle était aussi partagée par les hommes de rang – bien des années plus tard, le commando formé en Algérie Ali Mahamane Madaouki, en observant les problèmes vécus par le Niger dans le nouveau millénaire, songera que le peuple se soulèvera de nouveau104.
41Il reste que, comme on l’a vu dans les conclusions du chapitre 13, Bakary lui-même (et le leadership du Sawaba) portent, dans ce contexte, une lourde responsabilité pour la mauvaise tournure des choses du point de vue militaire – par exemple, la décision précipitée de passer à l’attaque sans réviser une stratégie qui avait été mise en péril par la découverte prématurée de cellules, l’armement inadéquat des maquisards et les effectifs insuffisants d’hommes en fin de compte envoyés à la mort. Étant donné leur niveau d’instruction, l’aveuglement des dirigeants par rapport au côté contre-productif de la violence est moins pardonnable, et si la recommandation de Djibo Bakary de recourir aux bâtons était vraie, il ne s’agirait pas seulement d’un signe de forte émotion, mais d’une preuve de frivolité – surtout au vu de sa crainte personnelle de la violence physique (voir chapitre 6).
42La profession de foi de Madaouki mentionnée ci-dessus souligne un des aspects les plus fascinants de l’histoire du mouvement Sawaba, i. e., le fait qu’un grand nombre de militants étaient tout simplement des personnages extraordinaires. Une histoire qui porte sur des luttes politiques concerne nécessairement aussi des agitateurs, et c’est pour cela que ce livre a mis l’accent sur les personnalités, les idées, les passions ainsi que sur le background personnel des hommes et des femmes du Sawaba ; cela montre que leur révolte relève non seulement d’un récit politique, mais aussi d’une histoire sociale. En ce sens, il y a peu de chose que l’on pourrait reléguer au domaine du privé, et donc du non pertinent, puisque les sawabistes évoquent un type d’activistes qu’on peut qualifier de « gens ordinaires peu ordinaires » : des talakawa issus des couches inférieures ou exerçant les professions les plus humbles, qui ont développé des rôles ou des profils non accordés aux activités courantes de leur métier, ou dépassant de loin leur place dans la société105.
43Des charpentiers illettrés comme Dandouna Aboubakar ont donc pu devenir des tribuns populaires ; un technicien de cinéma a pu s’élever au statut de porte-parole syndical (Hima Dembélé) ; et un camionneur a pu se transformer en révolutionnaire, éperonné par une vision du monde que l’autodidacte a élaboré à partir de fragments divers de doctrine socialiste et d’une immersion culturelle dans l’univers soufi (Diop). Des boutiquiers comme Boukary Karemi dit Kokino ont développé le zèle ardent de l’activiste social, tandis que des agents de société commerciale sont devenus des poètes (Abdoulaye Mamani), des postiers ont acquis les compétences d’un professionnel de la campagne électorale (Sallé Dan Koulou) et des commis de tribunal et des interprètes se sont révélés des penseurs politiques (Adamou Sékou, Ousmane Dan Galadima) – un peu à l’image de l’agitation assortie de cogitation des cordonniers et autres artisans des débuts de l’ère moderne, en Europe106. Ceci était facilité par le fait que les petites gens du Sawaba, ayant franchi les limites de l’existence villageoise, avaient pu élaborer leur imaginaire – à travers leurs voyages107, le fait d’être connecté aux ondes radiophoniques (plusieurs d’entre eux, comme Joseph Akouété et Oumarou Moustapha, étaient des opérateurs radio108) ou leurs rapports avec l’écran de cinéma (comme ce fut le cas de Dembélé et peut-être de Kokino). De nouveaux trains de pensées menèrent à de nouveaux modes d’action.
44Ce faisant, les sawabistes développèrent une large palette de rôles. Certains devinrent des critiques sempiternels, tel Dan Galadima, dont la langue provoquait le ressentiment des Français, mais dont l’ascétisme, combiné à une apparence physique qui n’était pas sans rappeler Ho Chi Minh, suscitait de la fascination109, d’autant plus qu’il croyait fermement en la rectitude de vues centrées sur la justice sociale110. Son rôle se rapprochait de celui de Bakary lui-même, qui fut la source d’une vision passionnée qui, combinée à son charisme, gagna au mouvement un si grand nombre d’adhérents. À l’autre bout du spectre, des militants usaient de leurs talents pour la débrouillardise pour faire avancer la cause, y compris financièrement (en ce temps-là aussi l’argent était nécessaire à la politique), avec pour conséquence la possibilité d’encourir des accusations de malversations de la part d’autorités – il est vrai – vindicatives. Des hommes comme Joseph Akouété, Saloum Traoré et Sallé Dan Koulou firent tous de la prison ou furent accusés d’implications dans des affaires louches – étaient-ils des filous, des profiteurs ou simplement des gens placés au bas bout de l’échelle sociale et qui voulaient l’escalader ? D’autres encore jouèrent le rôle du coupable impénitent : Dandouna Aboubakar, ne craignant pas de se bagarrer avec un député RDA avant de porter plainte à la Sûreté ; Djibo Issa, le mécanicien et chercheur de renseignements, rendant la vie insupportable au personnel de la prison avec son incessant boucan ; ou Koundédé, l’activiste de Tessaoua, qui asticotait le RDA local de ses mordantes railleries. Ils n’étaient pas loin du rôle du bagarreur de rue : Djibo Issa aimait injurier les Européens – les civils comme les hommes en place ; Amadou Diop, qui n’hésitait pas à s’encenser lui-même, était doté d’un courage enraciné dans la confortable impression d’immunité inspirée par le soufisme ; et Gambo Sawaba, cet archétype de l’agitatrice, se fit agresser lors de bagarres avec les ennemis de la NEPU mais, à l’instar de ses sœurs émeutières de Niamey, n’eut guère de scrupules à envoyer elle-même des horions. Mais si la colère servait de base à ceci, il y avait aussi de nombreux militants à l’esprit pondéré, tel que Aba Kaka, excellant dans la pratique du coup de main propre à la guérilla, et Siddi Abdou, qui poussa l’héroïsme jusqu’au sacrifice ultime.
Notre problème était avec la France
45La décolonisation du Niger atteignit son zénith (dans le sens du désengagement d’avec l’Empire français) au printemps 1958, plutôt qu’à l’indépendance, deux ans et demi plus tard. Les images du photographe anonyme montrant la police poursuivant des marginaux armés dans les rues de la capitale sous la conduite d’agents français, en fin avril, illustrent la manière dont la IVe République a laissé les événements échapper à son contrôle. Ceux qui lâchèrent les Bella sur le RDA étaient des personnes haut placées dans la hiérarchie du Sawaba (beaucoup étant proches du gouvernement de Bakary, lorsqu’ils n’en faisaient pas partie). La police, la Garde Territoriale, les services de renseignement, avaient à ce stade été infiltrés par des représentants des petites gens, ce qui prit complètement les Français de court. Avec les efforts du Sawaba pour capitaliser sur la confrontation en renforçant son emprise sur l’Assemblée et en accroissant son influence sur l’administration, ces événements constituaient un coup d’État par la bande menant à la prise en main révolutionnaire de l’État. Il s’agit là du point culminant des processus mis en train par la Loi-Cadre deux ans plus tôt, processus qui conférèrent aux Africains un contrôle croissant sur les affaires territoriales, mais étaient aussi symptomatiques de l’affaissement de la IVe République. Peu de temps après les violences nigériennes, la Guinée connut à son tour de graves émeutes111.
46Cette évolution fut interrompue par la Ve République – issue aussi d’un coup d’État, mais en métropole –, et il fallut attendre Kountché pour que le Niger retrouve un niveau de contrôle plus important que ce que les Français étaient prêts à concéder. Ceci ne veut pas dire que le RDA n’avait aucun problème avec eux (il avait des appréhensions quant à l’étendue de son autonomie dès le départ), mais les origines du régime restreignaient considérablement son champ de manœuvre. Comme l’éloge embarrassant prononcé par Diori lors de son discours inaugural de Premier ministre le montre clairement, la formation de son gouvernement et l’établissement d’une prétendue république en décembre 1958 n’auraient pas pu se produire sans une soumission complète à l’idée que se faisaient les Français de l’existence politique du Niger : cette notion comprenait la continuation d’une très forte présence française, au point de falsifier l’histoire du pays (la république n’avait rien d’indépendant) et de faire de Diori un Quisling : comme le remarquera plus tard un sympathisant du Sawaba, le RDA avait « trahi l’Afrique112 ». C’était effectivement là un point de vue largement répandu parmi les radicaux l’Afrique de l’Ouest113. Comme le note Chafer, l’intervention gaulliste de 1958, suivie d’une forme de décolonisation truquée deux ans plus tard, eut un coût, à savoir la marginalisation des forces militantes presque partout (étudiants, syndicats, mouvements de jeunes) et leur destruction ou absorption dans des partis uniques, avec, en général, la métropole et ses alliés modérés collaborant pour parvenir à ce but114.
47Certes, ce fut la base du RDA qui poussa le leadership sur la voie de l’indépendance, mais le « oui » délivré au moment crucial du référendum de 1958115 signifie qu’il ne pouvait pas aller au-delà de la création d’une néo-colonie – comme le démontre le fait que la marseillaise fut jouée au soir de l’indépendance. La différence entre le régime colonial et l’époque suivante était bien peu notable, au moins pour le « petit peuple » (au Niger, mais aussi au Nord Nigeria116), ce qui était peut-être un signe prémonitoire. Cinquante ans d’indépendance ne produiraient que fort peu en matière de développement. Si Diori avait promis de donner la priorité à l’indépendance économique117, il était contradictoire de la rechercher au sein du pré carré, et l’échec patent à parvenir à une amélioration significative des conditions de vie dans le pays, ainsi qu’à un degré de stabilité macroéconomique vis-à-vis du monde extérieur, est une condamnation supplémentaire de la ligue franco-RDA. Ce n’est pas à dire que l’alignement sur le Bloc de l’Est (sans parler de l’autarcie) aurait marché, mais le chemin emprunté par le RDA peut être rétrospectivement interprété comme un argument hypothétique en faveur de l’idée qu’il fallait rompre les liens politiques avec la métropole avant l’indépendance, argument défendu par le gouvernement Bakary. Même si l’ère Kountché et les périodes suivantes durent tôt ou tard faire face aux rudes contraintes découlant de l’économie politique du Niger, la brutalité avec laquelle la Première République fut mise en place ne peut trouver de justification dans la nécessité de l’aide métropolitaine. Ainsi, comme le remarquera plus tard amèrement Kaîro Alfari, l’ingénieur du Sawaba, les Français n’avaient pas tenu leurs promesses économiques118.
48En outre, on ne peut réduire l’histoire au seul développement macroéconomique : elle laisse des traces dans la conscience des acteurs historiques. S’il est un domaine où les formations politiques du pays différaient, il se trouvait dans le fait que le Sawaba se voulait le promoteur de « grandes idées pour le Niger119 ». Comme cette position pouvait mener à la rupture des liens avec le pré carré, elle induisit l’hostilité des gaullistes qui avaient l’intention de préserver le rang de puissance mondiale de la France, et donc, sa sphère d’influence – spécialement dans cette zone du Niger. La position adoptée au référendum était donc importante, comme on peut en juger par la tournée de de Gaulle en Afrique (cette consultation avait aussi une portée personnelle pour lui, puisqu’elle devait légitimer son coup). Mais les désaccords entre Français et sawabistes portaient en fait sur deux points. Il y eut d’abord la volonté du Sawaba de donner aux relations extérieures une forme plus moderne, qui jouerait le plus possible en faveur des intérêts du Niger. « L’amour pour tous les peuples » de Bakary impliquait l’établissement de liens avec d’autres pays, et l’éventualité d’un déclin de l’influence relative de la France – quoique pas son éclipse. Cette vision non-conflictuelle, coopérative, des relations internationales (un rapport à l’économie politique des affaires étrangères plus mûr que celui de la métropole) produisait une posture révisionniste qui se voulait conciliante à l’égard des intérêts de la métropole : l’influence française ne devrait pas réellement en pâtir. Cependant, cet amour pour tous les peuples signifiait que les liens avec Paris devaient être aménagés après l’accès à l’indépendance, alors que les gaullistes voulaient les mouler complètement d’après leurs désidérata néocoloniaux – et donc avant la décolonisation officielle. La dispute du Sawaba avec le RDA se trouvait donc non pas dans un rejet de la coopération avec la France ou dans la volonté de rompre avec la métropole (volonté qui n’existait pas), mais dans le souhait de nouer des liens avec plusieurs pays développés. Comme le militant zindérois Maman Tchila le soulignera par la suite, c’était là une « très grande différence » d’avec le régime de Diori120. Sa dépendance totale vis-à-vis de la France devait faire obstacle à l’autonomie d’action au plan international et donc à l’accroissement de l’influence du pays, ce qui aurait pu lui permettre de peser dans la balance à l’époque de la concurrence planétaire due à la Guerre froide. Du même coup, le RDA était marqué par une pensée politique sclérosée.
49Ensuite, les petites gens repoussaient l’exigence gaulliste d’un accord complet avec leur prise de pouvoir, au point où l’on verrait des nationalistes africains se plier à leurs combinaisons constitutionnelles. Une soumission aussi totale portait non seulement atteinte à la notion nationaliste de dignité, mais heurtait aussi les sensibilités culturelles : l’on ne se soumet totalement qu’à Allah – d’où l’importance du droit de dire « non », ou, comme Mounkaila Albagna l’indiquera plus tard, « notre problème était avec la France121 ». Avec le temps, le Sawaba se mit à tirer une fierté obsessionnelle de cette posture (d’autant plus qu’elle l’avait mené à sa perte), comme le RDA le nota avec justesse lorsqu’il la qualifia de « talisman » du mouvement. Au point de vue idéologique, elle apparut comme un rejet de la néo-colonie en faveur de « l’indépendance effective122 ».
50Ainsi, l’annihilation du mouvement politique constitué par le « petit peuple » du Niger, qui ne représentait pourtant guère de danger pour la puissance des gaullistes, fut le premier pas dans la consolidation de la Ve République. Les conséquences à long terme furent terribles pour le Niger, puisque la répression liée à l’intervention de 1958 introduisit un blocage politique qui devait perdurer jusqu’à la fin de l’ère Kountché (1987)123. La France porte une lourde responsabilité à cet égard, symbolisée par le rôle pivot joué par ses agents du renseignement dans les interrogatoires des sawabistes. Si ces officiels n’ont pas personnellement tourmenté leurs victimes, ils ont donné des ordres à cet effet. Ils assistaient aux séances de torture, supervisaient la maltraitance des détenus et étaient seuls à décider si les réponses des victimes étaient suffisantes, et si l’on pouvait stopper les abus. Comme cela a été noté dans ce livre, les noms de ces agents sont connus. Ils figurent non seulement dans les témoignages oraux des sawabistes, mais on peut les retrouver à l’identique dans les archives nationales du Niger. Ces dernières, tout comme les archives militaires et les dossiers des services secrets de la France, contiennent parfois la mention explicite ou des allusions aux mauvais traitements – appliqués par ces agents français ou leurs subalternes nigériens. Au début de l’ère Kountché, ces hommes retournèrent en métropole. Ils y furent nommés à des positions administratives qui, même si elles étaient plutôt modestes, jettent une lueur d’incongruité sur l’État français lui-même.
51Le langage déshumanisant utilisé par les Français à l’endroit du Sawaba (ils le comparaient ordinairement à une maladie qu’il fallait éradiquer) résume une hostilité si implacable qu’elle les amena à saluer le lynchage de maquisards comme une « réaction saine » de la population124. Cette haine pouvait se donner d’autant plus libre cours que les Français la plaçaient dans le contexte de la Guerre froide – imbriquée dans les abus du temps – et de leur hostilité vis-à-vis de l’Algérie et d’autres mouvements rebelles, comme l’UPC du Cameroun, avec laquelle la lutte du Sawaba fut associée bon gré mal gré. Mais la destruction du mouvement des petites gens n’était pas seulement gratuite, elle était frivole : la communauté française devait rapidement s’avérer d’importance transitoire, en dépit du propos cynique de Foccart sur « les siècles » de différence entre les circonstances qui, en 1960, amenèrent la France à accepter l’indépendance officielle du Niger, et l’année 1958. Malgré leurs désaccords, les Français auraient probablement pu arriver à leurs fins avec un gouvernement Sawaba, ou au moins auraient pu avoir des garanties suffisantes pour leurs intérêts : même s’ils avaient laissé le « non » l’emporter, il n’y a nulle raison de croire – du point de vue de la vision du monde du Sawaba – que la France et le Niger auraient été incapables de négocier un nouveau mode de coopération prenant en compte les intérêts de la métropole.
52Au lieu de quoi, les gaullistes contraignirent inutilement des électeurs désireux de voter selon l’air du temps à emprunter exprès un chemin cahoteux en termes d’affaires internationales. Comme en Guinée, l’initiative de la rupture avec Bakary vint de la métropole, et conduisit à la mise en œuvre du premier coup d’État moderne en Afrique. La manière dont il fut conduit est peut-être typique de l’attitude des Français vis-à-vis du pouvoir, attitude marquée, de façon caractéristique, par un cynisme qui ne laisse guère de champ aux principes. Cette attitude prévalait encore plus chez les acolytes de de Gaulle, dont l’attitude intraitable constituait une rupture d’avec les crispations de la IVe République. Dans leur volonté de gagner, ils foulèrent les autres au pied sans aucun scrupule – un Messmer désinvolte dira plus tard qu’après avoir aidé à renverser Bakary, ce dernier « sombrer[ait] dans de médiocres intrigues d’exilés et des tentatives terroristes sans espoir125 ». Mais de telles postures n’étaient, bien entendu, pas propres aux Français. Elles sont typiques de tout détenteur du pouvoir qui agirait comme si la fin justifiait les moyens. Elles indiquent une légèreté d’esprit126 qui dissimule ce que le pouvoir inflige aux dominés et qui contribue à expliquer l’usage cavalier qu’en firent les Français. La destruction du Sawaba n’est pas un fait exceptionnel dans l’Afrique française, comme le démontre l’annihilation bien plus sanglante de l’UPC camerounaise127. Dans le contexte nigérien, le processus fut assorti du langage déshumanisant du racisme, illustré par les propos de diplomates britanniques rendant compte du traitement reçu par les sawabistes128.
53Les responsables de la tragédie nigérienne partirent chacun de son côté. Don Jean Colombani fut récompensé par la Légion d’Honneur, tandis que Pierre Messmer devait atteindre les sphères les plus élevées de la métropole en devenant l’un des 40 Immortels de l’Académie française (1999)129. Le pire peut-être se trouve dans l’apologie révisionniste élaborée par l’historien Fuglestad, qui, en suggérant que le Sawaba s’était infligé à lui-même sa défaite, qui n’aurait donc pas résulté de la fraude et de l’intimidation, essaya de priver les victimes de la brutalité française de la dernière chose qui leur restait – la vérité130. Ceci renvoie à la question de savoir ce qu’est, en fin de compte, l’histoire, chose dont la notion est étroitement liée à la conception de soi que se fait l’historien. Cet ouvrage a été écrit avec la prémisse que les historiens, en tant qu’observateurs du comportement de leurs congénères, ne peuvent se tenir à l’écart de la question fondamentale de la moralité. Il a donc été conçu avant tout non pas comme une abstraction utile au développement des théories historiques, mais comme une tentative de sauver une génération de l’oubli, et de la réinsérer au cœur de l’histoire, d’où elle fut évincée pour des raisons politiques. Ceci est une étape nécessaire du processus conduisant à rendre justice à ceux qui ont souffert d’une époque de tyrannie (bien que cela ne doive pas les disculper par rapport à leurs propres actions). L’histoire du Sawaba montre aussi que la férocité des Français, qui peut être vue comme une forme d’amoralisme bureaucratique, gît aux origines mêmes de la Ve République – soulevant ainsi des questions sur la nature de l’État français dans la seconde moitié du xxe siècle. En ce sens également, il importe de pousser à la prise de conscience de ce que les Français ont fait au Niger, même s’il ne s’agit pas là du pire secret de la métropole. Les citoyens français qui travaillaient au Niger en 1964 dans le domaine du développement, et qui démissionnèrent pour protester contre la répression, ont servi l’honneur de la France ; on ne saurait en dire autant de ses sécurocrates. Mais l’ouverture graduelle des archives métropolitaines et l’avis favorable donné à l’accès aux dossiers du renseignement, si vital pour l’écriture de cet ouvrage, indique peut-être que les temps ont changé.
Le Sawaba à l’ère de la démocratisation
54Le décès de Seyni Kountché, qui mourut d’une tumeur au cerveau dans un hôpital parisien en novembre 1987, inaugura un processus menant à de profonds changements dans le système politique du Niger. À Kountché succéda un autre officier, Ali Saibou, qui annonça son intention de rompre avec la tyrannie militaire en introduisant une amnistie générale et en appelant à une réconciliation nationale et à la « décrispation ». Il ne s’agissait pas là de vaines paroles. Les nouveaux dirigeants abolirent le symbole de la terreur politique – le BCL – et la vie quotidienne devint bien plus décontractée, tandis que les Nigériens redécouvraient une liberté d’expression qui n’avait plus existé depuis la fin des années 1950131. Djibo Bakary fut l’un des premiers sawabistes à bénéficier de cela, lui qui, comme nous l’avons vu, souffrait toujours de restrictions depuis la fin de sa résidence surveillée. Il fut même reçu par Ali Saibou (tout comme Diori132) en signe de changement véritable. En 1990, il se servit de cette nouvelle ambiance de liberté politique pour prendre la parole lors d’un rassemblement public, et des milliers de personnes affluèrent au niveau du bâtiment de l’USTN, s’installant sur les toits, les automobiles, et dans les arbres, pour entendre le légendaire redresseur des torts que la plupart d’entre eux n’avaient jamais vu133. Ses vieux camarades Adamou Sékou et Diop Issa, son ancien ministre des Finances depuis longtemps expulsé du pays, l’encouragèrent à reprendre la rédaction de ses mémoires. Bakary le fit avec l’assistance d’un journaliste sympathisant du Sawaba, Ali Talba, et termina le premier volume (sur trois prévus) qui décrit sa trajectoire politique jusqu’à l’indépendance, et qui fut publié à Paris en 1992134.
55Mais les réformes du régime étaient limitées puisqu’il entendait rester à la tête de l’État, avec l’aide d’un nouveau parti unique, le Mouvement national pour la société du développement (MNSD), fondé en mai 1989135. À ce stade, cependant, la fin prochaine de la Guerre froide commença à se faire sentir à travers l’Afrique, et le Niger aussi se trouva pris dans les troubles sociaux et une agitation croissante. Ce mouvement était piloté par les étudiants de l’université, les enseignants et les syndicats. Leurs exigences étaient centrées sur, entre autres choses, le retour au multipartisme, et leur agitation connut son point culminant dans des affrontements violents qui firent plusieurs morts (février 1990). Ces événements, ainsi que l’évolution du contexte international – dont la nouvelle attitude adoptée par la France à l’égard des régimes non-démocratiques – menèrent le gouvernement à sa perte. Avec une rébellion touarègue au nord mettant en question la suprématie des peuples sédentaires du Niger, le régime se sentit obligé de renoncer à l’hégémonie de son parti et de réviser la constitution pour autoriser le pluralisme politique. Ceci déclencha une chaîne d’événements qui aboutirent rapidement à subordonner le gouvernement à une Conférence Nationale qui réduisit son rôle à l’administration des affaires courantes tout au long de ses sessions (juillet-novembre 1991)136.
56La Conférence, inspirée par une réunion similaire tenue au Bénin, s’efforça de dresser un bilan d’envergure nationale. Rassemblant pas moins de 1 200 personnes représentant une pléthore de groupes, d’associations, de syndicats et de partis politiques qui, à présent, poussaient comme des champignons, elle s’ouvrit pour débattre non seulement des grandes lignes d’un nouvel ordre constitutionnel, mais aussi de l’expérience politique du pays depuis l’indépendance. Les délégués examinèrent une foule de questions, y compris des crimes politiques anciens, les actes de corruption, de répression et d’abus de pouvoir. Une commission fut établie pour produire un rapport sur ces questions137. Les sawabistes purent aussi prendre part à cette catharsis nationale, bien qu’ils aient dû faire de la place pour de nombreuses autres délégations. Le comité préparatoire de la Conférence était composé de plus de 60 membres. Il comprenait Ibrahim Mayaki (fils de Adamou Assane Mayaki), qui représentait une fédération syndicale, ainsi que Ali Talba et Sao Marakan, en qualité de délégués du parti ressuscité, portant à présent le nom officiel de Union des forces populaires pour la démocratie et le progrès (UDFP-Sawaba). Talba et Marakan n’avaient pas joué de rôle actif dans le mouvement auparavant, bien qu’ils en aient été des sympathisants. Cependant, Alazi Soumaila, membre du comité directeur du Sawaba à une époque, devint le premier vice-président du présidium de la Conférence, bien que cela ait été en qualité de représentant syndical. Sao Marakan (photo E.4) réussit aussi à accéder à la vice-présidence de la commission crimes politiques et abus, un organe clef de l’assemblée. Le parti avait aussi une représentation officielle à la Conférence : Bachir Boukary, par exemple, représentait la section UDFP de Zinder et Ousmane Dan Galadima aussi se rendit à Niamey pour contribuer aux débats. Il se rappellera plus tard comme il se rendit chaque jour à pied au lieu où se déroulait la Conférence, participant aux délibérations et prononçant un discours sur la répression subie par le mouvement. Pour la première fois depuis 1958, des militants du parti étaient en mesure de parler ouvertement aux Nigériens de leur sort ; une liste des pertes fut compilée afin d’attirer l’attention sur les nombreuses victimes de la communauté des sawabistes138.
Photo E.4 – Sao Marakan, Niamey, 2011.
57Cependant, les horreurs qui les avaient frappées n’étaient qu’une partie des nombreuses infamies débattues à la Conférence, qui fut dominée par le règlement de comptes datant de l’ère Kountché139. Pire, le mouvement était à présent divisé, puisqu’en dehors de l’UDFP (dirigée par Bakary), Mamoudou Pascal mena un autre groupe de militants rassemblés au sein d’une dénommée Union démocratique nigérienne, UDN-Sawaba. À la Conférence, Pascal fit circuler un communiqué accusant Bakary, Abdoulaye Mamani et même Dan Galadima de s’être comportés en « monarques » plutôt qu’en révolutionnaires140. L’expérience ne parvint donc que fort peu à adoucir les souffrances des sawabistes ou à alléger leur frustration. Comme Ali Amadou s’en souviendra plus tard, le plaidoyer demandant la réhabilitation des cadres du mouvement (alimenté sans aucun doute par l’espoir de compensations financières) resta sans réponse. Les hommes du Chameau durent se contenter de la décision prise plus tard de rebaptiser l’une des places de la capitale en l’honneur de Bakary, le premier maire de Niamey – de façon idoine, près du Petit Marché, base de nombre de ses anciens soutiens des classes laborieuses (photo E.5)141. Il reste que quelques sawabistes ont participé aux travaux préparatoires devant guider le pays vers un nouvel ordre constitutionnel. Alazi Soumaila et Ali Madougou (fils de Madougou Namaro) furent élus au Haut Conseil de la République142, organe de 15 membres chargé du contrôle de l’exécutif durant la période transitionnelle devant aboutir à des élections multipartites. Sao Marakan et Abdoulaye Mamani furent nommés membres d’une commission chargée de rédiger une nouvelle constitution143.
Photo E.5 – Place Djibo Bakary, au Petit Marché, Niamey, 2005.
58Le parti (UDFP-Sawaba) fonda ses espoirs sur une liste de candidats aux législatives – 74 aspirants pour un total de 83 sièges. Alazi Soumaila se présenta à Niamey et Abdou Ali Tazard, l’enseignant, brigua un siège dans la circonscription de Maradi (dont faisait partie Tessaoua). Pour la circonscription de Zinder il y eut plusieurs candidatures, dont celles de Mahaman Dan Bouzoua, qui avait remporté un siège lors du difficile scrutin de décembre 1958, ainsi que celles de Bachir Boukary et de Amada Bachard, le speaker de Radio Pékin144. La campagne fut menée avec de vieux slogans portant sur le « sawki », et le parti se mit en valeur à travers un argument historique qui le présentait comme la somme de toute l’expérience syndicale et historique au service des masses laborieuses (photo E.6). Cependant, si d’anciens commandos comme Amadou Diop et Ali Mahamane Madaouki décorèrent les murs de leurs habitations avec des pamphlets de l’UDFP, les élections (tenues en février 1993) furent un coup de massue pour les fidèles du Sawaba. Seuls Ali Tazard et Dan Bouzoua parvinrent à gagner des sièges – de façon typique, dans les vieux bastions de Zinder et Tessaoua. Le Sawaba reçut le modique soutien de 3,13 % des électeurs (39 000 tout au plus), et si cela était légèrement mieux que le score de son vieux rival, le PPN-RDA, les résultats du scrutin présidentiel qui suivit assénèrent la preuve finale que les sawabistes ne constituaient plus un mouvement politique au sens propre du terme. Bakary reçut 1,68 % des voix (un petit peu moins que l’homme du RDA), qui allèrent pour la plupart au candidat du MNSD (Mamadou Tandja), démontrant l’importance durable de ceux qui avaient grimpé l’échelle politique au cours de leur carrière militaire sous Kountché145.
Photo E.6 – Dépliant de campagne de l’UDFP-Sawaba.
59Avec l’arrivée de nouvelles générations d’électeurs, la rivalité entre le Sawaba et le RDA avait tout simplement perdu de son importance. Le débat politique était monopolisé par des gens plus jeunes (syndicalistes, représentants de la jeunesse et des étudiants, anciens militaires) qui pouvaient prétendre à être plus en phase avec les défis du temps présent. Mais pour le restant de la décennie, le climat politique, tout en étant bien plus libre qu’au cours des 30 premières années de l’indépendance, fut des plus instable, marqué par un champ politique clivé et deux coups d’État militaire qui – même s’ils furent suivis d’un retour à la caserne – ne diminuèrent certainement pas l’importance des figures militaires dans l’équation politique146. Au fond, ceci avait beaucoup à voir avec le manque d’expérience démocratique, qui n’était jamais parvenue à s’intérioriser ; sur le long terme, il s’agit là, au moins en partie, d’une conséquence de l’asphyxie des efforts d’émancipation politique et sociale de la fin des années 1950.
60Dans ces circonstances, l’UDFP perdit ses deux sièges à l’Assemblée au cours de nouvelles élections (1995) et ne put les retrouver au scrutin de 1996, organisé sous un nouveau régime militaire147. Dans un paysage politique biaisé par le pouvoir en place et par l’importance croissante de l’argent, il devint impossible de revenir sur les devants de la scène (même si les électeurs se sentaient encore intéressés par le message du parti). Sans députés, le manque de fonds devint un obstacle débilitant, surtout dans le contexte des campagnes électorales des années 1990, bien plus dispendieuses que ce qu’on avait jamais pu voir auparavant.
61Par conséquent, les sawabistes partirent chacun de son côté, en quête de survie politique. Dès 1993, les députés du parti avaient rejoint un groupe parlementaire conduit par le prééminent MNSD. Bakary admit lors d’une interview de 1990 qu’il détenait une carte de membre du MNSD et sympathisait avec Ali Saibou, bien qu’il « ne pens[ait] pas MNSD148 ». S’il s’agissait d’une tactique de survie, pour certains sawabistes, cette formation politique était simplement moins inacceptable – étant issue de l’ère Kountché qui, en comparaison avec la Première République, constituait le moindre de deux maux. Ainsi, lors du second tour de la présidentielle de 1993, l’UDFP soutint vainement la candidature de Mamadou Tandja, et le nouveau secrétaire général du parti, Issoufou Assoumane, se mit par la suite à tisser des liens plus étroits avec le MNSD. Cette position avait aussi les faveurs de Bakary ; en fait, plusieurs militants suivirent cette voie149. Après les élections de 1995 au cours desquelles le MNSD arriva brièvement aux affaires, Assoumane fut ministre des Mines et de l’Énergie. Au début, Ibrahim Mayaki, le fils du ministre Sawaba Adamou Assane Mayaki, s’était lui aussi allié au MNSD, mais lorsque les militaires reprirent les commandes de l’État (1996), il passa dans leur camp et débuta une brève carrière politique couronnée par la nomination au poste de premier-ministre (1996-1999)150. Il y eut d’autres militants qui soutinrent ou même adhérèrent au MNSD, tels que Gonimi Boukar et Diougou Sangaré (par le passé, ces hommes avaient déjà passé des compromis avec le RDA) tout comme la famille de Moumouni Daouda à Tillabéri, qui transféra son allégeance au MNSD avant de se tourner vers le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS) d’obédience gauchiste : il se peut que d’un point de vue idéologique, ce parti dynamique qui séduit les jeunes, les sans-emploi et les cols blancs soit un successeur naturel du Sawaba. Par exemple, Saïbou Abdouramane, le paysan Sawaba de Dargol si malmené par les gendarmes du RDA, prit l’habitude de voter PNDS en cas d’absence de candidat UDFP. Par contraste, lors des législatives de 1996, « IBS », le fils de Baoua Souley, qui avait rejoint l’UDFP, parvint à se faire élire dans un groupe d’indépendants – tout comme Katchalma Oumar dit Paul, ancien membre de l’unité de maquisards de Aba Kaka. Ils représentèrent respectivement Niamey et Diffa et gardèrent leur fauteuil jusqu’au second coup d’État de la décennie (1999)151.
62Au-delà de ces différences de trajectoire, cependant, le fait remarquable demeure que de nombreuses personnes continuèrent à entretenir des loyautés politiques par rapport au passé lointain – au moins au début. À l’avènement de la libéralisation politique, plusieurs enfants des sawabistes de la première génération suivirent la voie empruntée par leurs pères et adhérèrent à l’UDFP, tandis que leurs parents rejoignaient également le parti ressuscité plutôt que toute autre grande formation. Les amers souvenirs de famille jouèrent certainement un rôle à cet égard ou, comme dans le cas de Mamadou Ousmane, le fils de Dan Galadima, les problèmes économiques des années 1990 : ces dernières poussèrent Ousmane vers le parti ayant le message marxiste le plus évident (il devint représentant du bureau de l’UDFP [photo E.7])152.
Photo E.7 – Mamadou Ousmane Dan Galadima, Niamey, 2003.
63Mais il était inévitable que les tragédies du passé et les déceptions des années 1990 mènent à des joutes internes au parti. Au lendemain du scrutin de 1993, le mouvement connut une deuxième scission, certains cadres adoptant une posture centre-gauche au sein d’un nouveau groupe (Union démocratique des forces révolutionnaires, UDFR-Sawaba), qui, jusqu’en 1996, était allié au groupe alors majoritaire à l’Assemblée (de façon pénible, aux côtés du PPN-RDA153). La ligne pro-MNSD du leadership de l’UDFP suscita le ressentiment de cadres d’esprit plus militant, tels que Ousmane Dan Galadima et Mounkaila Beidari. Menés par « IBS », ils demandèrent au redresseur des torts de changer d’optique (1994), soulignant le fait que le MNSD représentait des gens, à savoir les militaires, qui n’avaient pas traité les sawabistes avec douceur. L’association avec le MNSD n’était effectivement pas dépourvue de tout opportunisme – ses membres, plus que tout autre groupe, représentaient l’accès au pouvoir et au privilège. Mais l’opposition à la ligne MNSD aboutit à l’éviction de plusieurs cadres (Dan Galadima et « IBS », ainsi qu’au moins une dizaine d’autres personnes) du leadership du parti. En outre, la santé de Bakary était déclinante et ses absences forcées, suite à un traitement médical à l’étranger, créèrent une perte de direction et un vide de pouvoir favorable au développement de petites querelles au sein du leadership de l’UDFP. Le succès des tentatives de Issoufou Assoumane de s’emparer de la présidence en 1998 (après le décès de Bakary), aggravé par une personnalité dominatrice et des manœuvres opiniâtres, alimenta les animosités. Les problèmes ne tardèrent pas à éclater au grand jour lors d’un rassemblement à Tahoua (2001), où les anti-MNSD reprirent du poil de la bête et « IBS » vainquit Assoumane lors d’une élection pour la présidence du parti – l’ingénieur dépité quittant tout à fait le Sawaba pour établir sa propre formation, amenant avec lui quelques troupes154.
64Si le calme revint au sein des rangs éclaircis du parti, de nouvelles tensions reparurent au cours des premières années du millénaire, à propos de l’alignement sur le MNSD, qui était alors arrivé à une position de suprématie après la victoire de Mamadou Tandja à la présidentielle (1999). Sanda Mounkaila préférait que l’UDFP suive le MNSD. Il s’agit d’un militant de la seconde génération, de Tillabéri. Apparenté à Djibo Bakary, il s’était élevé à une position de direction dans le parti et Tandja le récompensa avec un poste ministériel dans son premier gouvernement155. Avec les six conseillers municipaux de l’UDFP, ceci contribua à alléger le sempiternel problème du financement, mais mena aussi à de nouveaux désaccords. Mounkaila souligna que le parti ne pouvait croître sans l’alliance de forces plus puissantes, accusant « IBS », le président du parti, de ne pas comprendre l’essence de la politique. Par contraste, certains des militants originaires des régions de l’Est n’éprouvaient guère d’enthousiasme à l’égard du rôle de Mounkaila, considéré comme un représentant de la région Ouest (ces rivalités Est-Ouest, peut-être nourries par des facteurs ethniques, ont été rares dans l’histoire du mouvement, autant que les sources le laissent penser) ; d’autres problèmes allaient mettre à mal les relations entre les militants dans la capitale156. Tout ceci ne mena cependant pas à de nouvelles scissions ou évictions. Comme le notera Sanda Mounkaila, le Sawaba avait eu bien assez de martyrs – même si le fait que le parti était à présent essentiellement une structure politique défunte aurait rendu toute sanction officielle sans grand effet157.
65Sous ces récriminations, gisent de vieux ressentiments datant des premiers jours de l’UDFP, tandis que se faisait aussi sentir le besoin de régler des comptes à propos d’un passé plus lointain. Avec la réintroduction du pluralisme politique, Djibo Bakary avait essayé de reprendre les rênes du parti. Bien que devenu à présent un vieillard, il ne pouvait se contenter d’un rôle honoraire, et certains se rappelleront plus tard de la façon dont Bakary, flanqué de Ali Talba et de Sao Marakan, se présentait aux réunions et s’adressait aux militants de l’UDFP, expliquant ses vues avec une assurance caractéristique et donnant des ordres que beaucoup n’acceptèrent pas, surtout pas ceux qui avaient subi le gros de la répression. Le comportement de Bakary créa des divisions et éloigna un grand nombre de personnes. Du coup, des membres militants comme Dan Galadima et Beidari se rapprochèrent, au cours des années 1990, de « IBS » (dont la position sur l’affiliation au MNSD paraissait plus convenable). Ils s’opposèrent aussi à Bakary sur le choix du secrétaire général, soutenant la candidature de Issoufou Assoumane pour contester des prétendants comme Marakan et Talba, alors que Beidari aussi arrachait à l’un des acolytes de Bakary une position dans la capitale158.
66Bien entendu, l’histoire du Sawaba planait comme un nuage noir sur le présent. Comme on l’a vu, Beidari avait été consterné de découvrir, en 1973, que Bakary avait abandonné la lutte alors que ses fidèles végétaient en prison. La décision prise par Bakary de se réconcilier, en novembre 1987, avec Diori – qui lui était apparenté – n’a peut-être pas amélioré les choses. Le leader du Sawaba, qui, à cette occasion, fut photographié avec Diori, se serait excusé de l’attentat commis contre ce dernier, selon une source du RDA159. Ceci se produisait en un temps où les sawabistes pouvaient enfin s’engager dans un débat franc sur les tournants fatidiques pris par l’histoire du Chameau. En 1974-1975, alors que la haine partagée du RDA était encore fraîche et que la paranoïa de Kountché se manifestait, aucune occasion de mettre le leadership face à ses responsabilités quant aux conséquences de la précipitation avec laquelle les commandos avaient été déployés en 1964 ne s’était présentée. À ce stade, ces spectres du passé avaient acquis une présence plus nette, alors que les sawabistes devenaient des vieillards ; beaucoup d’entre eux n’avaient guère connu la réussite professionnelle et devaient aller à la retraite dans des conditions modestes tout en disposant de beaucoup de temps, ce qui les menait à repenser leur vie et à la comparer à celle des autres.
67Dans un tel contexte, l’absence de cohésion politique ne pouvait que susciter des règlements de compte. Ainsi, les anciens commandos comme Ali Amadou, diront dans leurs ressouvenirs, que les maquisards avaient simplement été envoyés, sans que la stratégie ait été débattue, et si des militants comme Maman Tchila semblent en avoir discuté avec Bakary de façon normale, d’autres s’en prirent âprement au redresseur des torts pour ses erreurs. Mounkaila Albagna, lors d’une rencontre avec Bakary dans les années 1990, le traita d’aventurier méritant le châtiment qu’il avait reçu. Ces reproches n’étaient pas tous entièrement fondés – la guerre contre le RDA avait, après tout, été l’entreprise d’un mouvement social dans son intégralité et le chef du Sawaba a lui aussi payé en termes d’exil et d’emprisonnement. Mais ces réprimandes étaient sous-tendues par la conscience des voies divergentes prises par les vies des membres (maquisards versus étudiants, militants de l’intérieur versus leadership), ainsi que des différences de souffrances endurées : Albagna, qui avait été privé de scolarité à travers son recrutement dans les forces commando, se rappellera plus tard de la manière dont Bakary avait envoyé ses propres enfants acquérir une instruction à Cuba160. Si les querelles du parti, après 1990, aiguisèrent ces ressentiments (si elles n’en ont pas créé en partie l’amertume161), ces derniers avaient aussi beaucoup à voir avec la tension naturelle entre le leadership et les militants de base, qui admiraient Ousmane Dan Galadima pour avoir mis la main à la pâte (bien qu’il partageait évidemment la responsabilité de l’échec militaire), mais non Bakary ou Abdoulaye Mamani – ce dernier, souligna-t-on, écrivait des livres et portait une cravate162 !
68Dans ces conditions, l’UDFP demeura sans direction, puisque trop de gens la revendiquaient comme étant leur héritage, tandis que le manque d’argent et sa disponibilité intermittente n’arrangèrent nullement les choses163. Néanmoins, au fur et à mesure que la perspective du pouvoir politique reculait, les sawabistes se mirent plus que jamais à user de leurs réseaux pour maintenir les amitiés, sans les entraves des jalousies politiques, et sur la base non seulement de douleurs partagées, mais aussi de la conscience de la place spéciale que leur mouvement occupait dans l’histoire du Niger – certains d’entre eux n’étaient en effet pas dénués de complexe de supériorité par rapport à leurs compatriotes. Si l’UDFP ne fonctionnait guère politiquement parlant, les réunions continuèrent à se tenir au bureau du parti164, mais plutôt sous la forme d’une compagnie des anciens, d’un club d’amis, où les camarades peuvent parler du passé, échanger les derniers potins et trouver la chaleur d’une vie sociale. Cela n’était pas sans importance pour des gens qui, pour plusieurs d’entre eux, n’avaient pas pu fonder un foyer : Soumana Idrissa, par exemple, devait se marier de façon tardive, ayant des enfants à un âge avancé, alors qu’un autre maquisard, Boubakar Djingaré, ne se maria jamais et mourut sans enfants165. L’idée de faire partie d’une famille était profonde166 – une tentative fut faite de lancer un Club des amis du Sawaba (CLAS), qui s’enorgueillit de ce que ses membres avaient suivi le chemin de l’honneur et qui présenta le Sawaba comme une « école de solidarité167 ».
69De fait, en faisant de la recherche de terrain parmi les sawabistes au début du nouveau millénaire, on découvre une communauté de gens très proches les uns des autres et continuant à maintenir le contact. Ceux qui résidaient dans la même ville se voyaient de façon régulière, formant cercle pour échanger des vues sur les affaires politiques du moment. Cela pouvait inclure des personnes plus jeunes ayant développé des liens avec la vieille garde du fait de leurs origines familiales (photo E.8). Les sawabistes restèrent aussi en relation avec les anciens militants qui se trouvaient ailleurs, ou qui étaient au courant de l’endroit où ils vivaient, et qui s’attendaient à ce qu’ils les reçoivent (eux ou leurs enfants) lors de leurs déplacements. Les attaches se raffermirent à l’occasion d’événements de famille (le chef de Bosso, Aba Kaka, dirigeant la cérémonie de mariage du petit-fils de Dan Galadima168), et les nouvelles du décès d’un camarade se répandaient rapidement au sein de la communauté. Il en fut de même à propos du travail de terrain entrepris pour cet ouvrage – les gens se rendirent rapidement compte que des entretiens se déroulaient, certains se présentèrent au milieu d’une conversation, les téléphones sonnèrent, l’auteur fut amené chez des amis afin de les rencontrer169.
70La vie des sawabistes au cours des années 1990, et plus tard, dans le nouveau millénaire, fut marquée par la fluctuation des étapes marquantes du grand âge : les difficultés de la retraite, économique aussi bien que mentale ; les problèmes de santé croissants ; et, pour un nombre grandissant, le décès. Mounkaila Albagna se débattit dans des difficultés, avec une retraite modeste, tout comme Ali Amadou qui, vers 2008, vécut un moment à Lomé – Albadé Nouhou, un de ses camarades et ancien étudiant Sawaba, était mort à ce stade. Mamoudou Pascal, qui avait sillonné les quatre coins de la planète pour le compte du parti, vivait dans un véritable taudis170. Sao Marakan, le juge, avait aussi pris sa retraite, plus aisé mais vivant dans une modeste concession niameyenne, tandis que Zoumari Issa Seyni, l’historien formé grâce au mouvement, continua à travailler à l’université, jusqu’à la retraite, lorsqu’il se mit à travailler pour un institut pédagogique/maison d’édition. Issoufou Assoumane vivait toujours dans la capitale en 2003 – dans le confort, même s’il restait mécontent des brouilleries survenues avec ses camarades. Hassane Djibo, le maquisard formé à Nankin qui fut sauvé de l’exécution par les marabouts de Say, avait, à ce stade, souffert d’une attaque qui le priva de la parole, un problème avec lequel il vivait encore en 2008. En 2003, Maman Tchila vivait à Zinder avec une pension, se battant contre une détérioration de la vue (il s’était rendu en France pour traitement171). Un autre Zindérois, Ali Mahamane Madaouki vivait dans une maison en banco d’un vieux quartier, tout comme Amadou Diop, qui, avec sa famille nombreuse (photo E.9), résidait dans une maison à étages avec des entrées resserrées, datant d’avant l’ère française (comme il ne manqua pas de l’indiquer). Le domicile de Madaouki était devenu un point de rencontre pour les camarades, qui suivirent d’un œil critique l’invasion de l’Irak par les États-Unis avec un globe à portée de main – comme l’expliqua Madaouki, ils étaient peut-être pauvres, mais ils vivaient dignement (photo E.10)172. Certains des militants de l’intérieur et étudiants Sawaba de la ville vivaient dans des circonstances plus prospères, tels que Bachir Boukary, qui, pour reprendre ses termes, était « bien arrivé173 » ; Oumarou Janba ; et Tahir Moustapha (sinon Ousseini Dandagoye, qui travaillait alors toujours pour la Croix-Rouge).
Photo E.8 – Sanda Mounkaila (rangée de devant, au centre) avec des militants jeunes et vieux, au siège du parti, à Niamey, 2011.
Debout au milieu et à droite, les anciens maquisards Aboubacar Abdou et Idé Harouna dit Baradji. À la gauche de Mounkaila, l’ancien maquisard Ibrahim Baro dit Tri Tri.
Photo E.9 – Amadou Diop et des membres de sa famille, Zinder, 2003.
Photo E.10 – De g. à d. : Ali Mahamane Madaouki, Noga Yamba et Amadou Roufaï Malam Garba, en costume du vendredi, Zinder, 2003.
71En 2006, Aba Kaka occupait encore ses fonctions de chef174. Au mois de février de cette année, il rentrait juste d’une tournée dans son secteur lorsqu’il accepta un entretien sur ses exploits de maquisard dans l’ombre et la verdure de l’espace où il tenait cour en sa qualité de chef (photo E.11). L’un de ses anciens alliés, Boulama Boukar, le chef de village de Bosso qui avait aidé à l’assaut de Kaka, vivait encore, tout comme Moustapha Hamidou, le sawabiste de Nguigmi qui avait été formé dans l’Extrême-Orient et vivait à présent dans sa ville natale, gérant une librairie. Certains membres du commandement de Bosso, tels que l’élève de Marnia Bachir Moustapha dit Moutti et Katchalma Oumar dit Paul, étaient morts175. Un autre militant de la région, Limane Kaoumi, le fabricant de meubles, vivait à Diffa, encore vivement conscient de l’histoire de son mouvement. Abdou Ali Tazard, après avoir perdu son siège de député de Tessaoua, rejoignit un autre habitant de la ville, Diougou Sangaré, dans la retraite176. À présent octogénaire, ce dernier continuait à travailler sur ses documents privés, qui comprennent des matériaux sur les sawabistes du lieu177.
Photo E.11 – Aba Kaka (debout, troisième à partir de la droite) avec des membres de sa famille et de sa cour cheffériale, Bosso, Lac Tchad, 2006.
72Dans la capitale, de nombreux anciens militants vécurent l’ère Mamadou Tandja (2000-2010) chacun dans des circonstances renvoyant en gros au rôle qu’il avait joué dans l’histoire du mouvement. Ainsi, des diplômés du Sawaba comme Tahirou Ayouba Maïga et Kaîro Alfari étaient plus à l’aise que la plupart de leurs camarades, même s’ils menaient une existence plutôt modeste par comparaison avec les niveaux de vie de l’époque, rendus extravagants par l’aggravation de l’enrichissement personnel. Vers la fin de la décennie, Alfari s’était adouci (il avait subi une amputation de la jambe, à cause du diabète). Georges Condat, résidant toujours à son domicile du quartier Lakouroussou et de plus en plus fragile, put voir le cinquantenaire de l’indépendance178. Mounkaila Beidari, en dépit de ses déconvenues politiques des années 1990, avait continué à prospérer – il devait figurer dans la liste nationale des décorés et, en 2009, s’était installé dans une maison plus confortable179. Monique Hadiza (photo E.12) continua à résider dans une habitation modeste d’un des beaux quartiers de Niamey, Terminus, chérissant toujours, en dépit du divorce, un portrait de Dembélé fixé au mur. Cependant, nombre des petites gens véritables du Sawaba continuèrent à vivoter dans les humbles conditions de leur existence antérieure, à Niamey ou ailleurs. Mossi Salifou, le tailleur, pouvait être vu en 2008 dans une simple concession du quartier niameyen de Banifandou ; un homme d’apparence modeste, il passait son temps à lire le Coran en dépit de sa mauvaise vue et de son grand âge (il est né en 1922)180. Ali Issaka, un camarade de quartier, et bien plus jeune, se tirait mieux d’affaire. Petit commerçant à l’indépendance, il avait continué à exercer son ancienne profession et avait réussi à étendre ses affaires (il y avait à présent des relations commerciales à Cotonou). Occupé par sa vie professionnelle, il a perdu tout intérêt pour le passé. Cependant, si les souvenirs de prison étaient déplaisants et si les affaires avaient pu souffrir de rapports avec la politique, les enfants de Banifandou ne permettaient pas à Issaka d’oublier – ils l’appelaient ouvertement « Ali Sawaba », le sobriquet par lequel il était connu dans tout le quartier181. L’histoire refusa aussi de prendre ses distances pour Boubakar Djingaré, le maquisard de Nankin qui continuait à se débrouiller et qui, en 2005, apparaissait bien frêle pour son âge (68 ans)182.
Photo E.12 – Monique Hadiza, Niamey, 2005.
Le garçon au devant est le petit-fils de feu Hima Dembélé.
73Pour les gens qui, par le passé, avaient soutenu le Sawaba dans la vallée du fleuve, la vie n’avait guère changé, fluctuant entre les migrations du travail et les contraintes de l’agriculture. En 2009, Djibo Harouna, le tailleur de Gothèye apparenté à des sawabistes, exerçait toujours son ancien métier et, sans être extrêmement pauvre, vivait dans une concession typique de la bourgade, donc simple par rapport aux standards de la capitale. Le commando de la ville, Soumana Idrissa, avait des problèmes de santé et fut visiblement ébranlé d’apprendre le décès, quelques mois plus tôt, de Amadou Diop, qui avait survécu à nombre de ses camarades (automne 2009). À ce stade, Daouda Hamadou, le maquisard d’Ayorou, avait vieilli, mais cela n’empêcha pas le moins du monde l’évocation de souvenirs vivaces devant sa modeste demeure.
74Généralement, les sawabistes de la seconde génération réussirent mieux que leurs parents. Il en est ainsi des fils de Madougou Namaro et de « IBS », le fils de Baoua Souley183. Mais cela est aussi vrai pour les professionnels sawabistes de la radio (à l’exception de Diop). Amada Bachard avait pris sa retraite à la fin des années 1990, bien qu’il ait continué de travailler à l’occasion au cours de la décennie suivante. Vivant dans une maison confortable de la banlieue est de Niamey, il se montrait satisfait en dépit de son échec à obtenir un siège de député en 1993. Hamidou Abdoulaye également paraissait satisfait, jouissant des avantages de la retraite184. L’ancien membre du Cordon Rouge était devenu un soutien de Tandja au point de défendre le coup d’État constitutionnel du président en 2009, entrepris pour se maintenir au pouvoir. Abdoulaye considérait Tandja comme un nationaliste doté de l’esprit de Djibo Bakary et Seyni Kountché, et si le tragique de la trajectoire du Niger se trouve en effet dans le fait que les seuls dirigeants conscients, et ayant réussi, étaient des militaires, une telle attitude était bien différente du militantisme révolutionnaire des anciens agitateurs du Sawaba. Cependant, Bachard et Abdoulaye avaient été profondément affectés par leurs années dans la Chine communiste. Abdoulaye, surtout, ayant séjourné à Pékin jusqu’aux années 1980, admirait les Chinois, affirmant qu’en Chine, les ministres labouraient le sol et se déplaçaient à bicyclette au lieu de se promener dans des véhicules « bourgeois » ; les « contre-révolutionnaires » et les « démagogues » étaient sous contrôle. Selon lui, cela contrastait avec la situation du Niger contemporain, où régnait le gaspillage et où rien ne pouvait s’accomplir « sans cravache185 ». L’exemple des rigueurs de Kountché suscitait aussi son approbation, ainsi que celle de Bachard. Sans nul doute, le fait que tous les deux avaient été endurcis en Extrême-Orient n’était pas sans rapport avec de telles opinions, mais elles étaient en fait largement partagées par les sawabistes, aussi bien les cadres instruits que les petites gens typiques du mouvement186. Si ces attitudes relevaient de cet aveuglement qui avait empêché la compréhension des conséquences possibles de la violence politique, l’approbation rétrospective de Kountché était fortement affectée par les orageuses années 1990 (ainsi que par la corruption galopante qui devint la marque de fabrique de l’ère du multipartisme187).
75Il n’en reste pas moins qu’elle contrastait nettement avec les opinions de ce personnage hors du commun, Ousmane Dan Galadima. Les rencontres avec le marxiste inoxydable (en 2003, 2006 et 2008) montrent qu’en vieillissant, il ne perdait rien de son esprit combattif. Ayant survécu aux pires traitements qui pouvaient frapper un être humain, il était sans peur. « Le scorpion » continuait à critiquer la politique du gouvernement (au point de dire au président Tandja à sa face qu’il avait mal agi) ; l’admiration populaire pour son courage et la simplicité de sa vie l’ont rendu intouchable. En 2006, avant un nouvel entretien, il venait de rendre visite au préfet de Madaoua pour parler de la famine de l’année précédente, un dossier encore en main. Deux ans plus tard, à l’âge de 81 ans, Dan Galadima passa quelque temps chez des parents à Niamey pour un traitement médical188. Assis sur un matelas, dans une pièce austère, et environné de ses papiers, un transistor à portée de main, le penseur du Sawaba se tenait aussi informé sur l’actualité que jamais, discutant de la mondialisation – un synonyme de l’impérialisme –, critiquant la France et l’enrichissement personnel des politiciens du Niger (qui avaient deux repas par jour !) et parlant contre le ministre de la Justice ; le frêle petit homme aurait pu captiver les foules (photo E.13)189.
Photo E.13 – Ousmane Dan Galadima, Niamey, 2008.
76La différence d’avec cet autre éminent sawabiste, Abdoulaye Mamani, n’aurait pas pu être plus grande. Comme on l’a vu, après Dao Timmi, le syndicaliste de Zinder s’était tourné vers l’écriture, parvenant à gagner le respect du monde littéraire pour un talent poétique qui devait en partie son développement à ses activités du Sawaba190. Si Mamani était, dit-on, capable de mouvoir un auditoire avec son talent d’orateur, s’engageant pour un temps dans des activités politiques d’ordre général, certains disent qu’il se sentait vieux et paraissait moins attiré par l’UDFP que ses camarades191. Un homme réservé à présent, ses intérêts s’étaient concentrés sur des questions culturelles, y compris l’établissement d’un musée dans sa ville natale. C’est dans le domaine littéraire que Mamani devint l’un des rares sawabistes à atteindre à la réhabilitation complète. En 1993, rendu presque aveugle par un glaucome, il reçut le prix littéraire le plus important du Niger, qui lui avait été refusé auparavant et qui portait ironiquement le nom de Boubou Hama – « l’homme sans cœur ». Déprimé par le retard à reconnaître son œuvre, Mamani refusa le prix. Puis il changea d’avis, mais, tour du destin, mourut dans un accident de voiture en se rendant à Niamey pour y être honoré192.
77S’il est trop facile de suggérer que la littérature nigérienne avait réconcilié de vieux ennemis193, on a du mal à ne pas voir le symbolisme de cette cruelle tournure des événements. De façon similaire, le redresseur des torts lui-même souffrit de problèmes de santé – il avait des maux d’estomac, résultats, selon son benjamin, des années d’exil et de détention qui l’avaient affaibli. En 1993-1994 Bakary se trouvait à Cuba pour traitement médical (il se rendit également en France pour cela). De façon regrettable, les deuxième et troisième tomes de ses mémoires ne virent jamais le jour, et il n’eut pas à rendre compte de sa décision de déployer les commandos. Cela aurait pu être trop pénible ; en outre, Bakary avait une tendance typique à considérer sa vie du point de vue de son action syndicale194. Il est d’autant plus dommage qu’il n’ait pas pu terminer son œuvre autobiographique (et en fait que personne, jusqu’à présent, n’ait pensé à écrire sa biographie) que Djibo Bakary semble avoir eu une personnalité fascinante, bien que très complexe, non seulement tissée de contradictions, mais aussi dotée d’une vision idéologique du monde très consciente, à côté de traits idiosyncratiques moins compréhensibles. Ainsi, on ignore ce qu’il pensait à ce stade de sa vie, bien qu’un témoignage de son fils indique qu’il était insatisfait – sinon déçu – par ce qu’il avait accompli195. Quel qu’ait été le cas, Djibo Bakary, le politicien le plus charismatique du Niger à l’époque moderne, mourut le 16 avril 1998, âgé de 76 ans. Les participants d’une réunion de l’USTN observèrent une minute de silence196. Les dirigeants militaires du pays organisèrent des funérailles à Soudouré, où ils firent élever une salle funéraire. En présence de dignitaires, le chef de la lutte pour le soulagement du peuple fut mis en terre, de façon appropriée, aux côtés de Sanda Hima – son frère persécuté (photo E.14). La tombe se trouve à un jet de pierre de la résidence construite par Bakary dans les années 1950, et à présent en ruine197. Sa maison natale avait elle aussi disparu, et si le chef du « petit peuple » avait laissé un puits aux habitants, construit à l’époque de son règne, Soudouré n’a jamais réellement profité de la brève suprématie du Sawaba : son morne aspect offre une puissante image de la futilité ultime des combats du Chameau198.
Photo E.14 – La sépulture de Djibo Bakary. À droite, celle de son frère.
78De plus en plus de militants commencèrent à disparaître aussi. Diop Issa, le camarade de Bakary au cours des années 1950, était mort un an auparavant (il repose au cimetière Montparnasse, à Paris199), et Adamou Sékou et Aboubakar dit Kaou décédèrent au début du millénaire200. En 2005, ce fut le tour de Baoua Souley, le commando arrêté au Nigeria, et père de « IBS ». Idrissa Arfou, l’un des commandants de la zone Ouest, était mort plus tôt (avant 2003) et le frêle Boubakar Djingaré suivit en 2008-2009201. Djibo Sékou (dit Soumari Goudel), le vieux syndicaliste et confident de Bakary, mourut peut-être en mars 2003. À cette époque, Jimra Orgao, l’enseignant de Bonkoukou, était encore en vie (il s’était installé dans l’est du pays, à Mayahi202). On manque de détails sur plusieurs membres du mouvement, tel que Alazi Soumaila et des commandos comme Djibo Seyni, Hassane Igodoé, Issaka Samy et Issoufou Danbaro – en 2003 Dodo Hamballi, dont l’arrestation avait eu des conséquences aussi fatidiques, était sans doute mort depuis longtemps, tout comme Dan Boula Sanda Makamari (1988), torturé lors de sa capture ; Mounkeïla Issifi (le député Sawaba de Téra, également victime de torture, et mort en 1983) ; et Ibro Garba, le député de Konni qui avait connu plusieurs séjours en prison et qui décéda en 1997203. Issaka Koké vivait toujours en France, à Montauban, en 1994 (on ignore en quelle année il mourut). Enfin, son prédécesseur au ministère de l’Agriculture du gouvernement Bakary, Adamou Assane Mayaki, mourut à l’été 2003, quelques mois seulement après un entretien – il était déjà très malade alors, avec une infection de la jambe qui menaçait de se transformer en gangrène204.
Traumatisme
79J’avais rencontré Mayaki au mois de janvier de cette année. Tard un après-midi, j’entrai dans une concession modeste du centre de Niamey et l’aperçus à l’autre bout de la cour, assis dans une simple chaise de jardin – un vieillard avec une jambe dangereusement enflée, le pied pris dans des bandages déposé sur une chaise en face de lui. Il était en compagnie de son épouse métisse (mi-corse, mi-nigérienne) ainsi que d’un de ses plus jeunes fils – non pas l’ancien Premier ministre, mais un intelligent jeune docteur en philosophie politique. Comme l’entretien avait été organisé à travers un intermédiaire, Mayaki avait préparé un exposé manuscrit sur le référendum de 1958205, qui, même aujourd’hui, demeure une véritable obsession parmi les sawabistes. Sa signification n’était après tout pas inoffensive, puisqu’elle colore toute une vie de persécution, d’échec et d’idéaux compromis206. En relatant l’histoire de sa vie, Mayaki souligna particulièrement la constance de la répression qui les avait frappés. Il avait été lui-même emprisonné à trois reprises, ce qui (avec les problèmes de santé qui en étaient découlés) avait laissé l’empreinte ineffaçable d’être en permanence traqué et de n’avoir jamais eu du temps – du temps pour agir, pour vivre, pour dire son histoire. Bien que son propos ait été une description passive de l’histoire du mouvement, il faisait exactement écho aux réminiscences de Maman Tchila, à Zinder : « Nous n’avons jamais eu le temps », dit-il, essayant d’exprimer l’impression de persécution permanente et expliquant que, quelle qu’ait été l’action entreprise par les militants, elle les menait toujours à l’arrestation207. Cette paranoïa était le reflet des ambitions totalitaires du RDA, et le souvenir de l’impuissance se traduisit dans l’impression de n’avoir jamais eu un moment de répit. Si, dans le cas de l’entretien de Mayaki, son fils et son épouse fournirent des clarifications pleines de colère, l’ancien ministre du Sawaba donna une impression de résignation, tout en luttant pour préserver une apparence de dignité menacée par sa fin proche. La rencontre produisit une profonde impression, soulignant fortement la puissance destructrice des forces historiques. S’il faut le rappeler, elle montre qu’en dernière analyse, l’histoire concerne des personnes de chair et d’os et ne saurait être réduite à une discussion théorique qui n’existe que pour l’agrément intellectuel du chercheur.
80L’idée qu’ils n’avaient jamais eu le temps de raconter leur histoire implique que, même au moment de mon arrivée au Niger (2002-2003), beaucoup de sawabistes semblaient ne pas en être encore arrivés à assumer le passé. La catharsis que les militants ont connue au début de la décennie précédente était incomplète. En dehors du podium restreint de la Conférence nationale, seul le décès de Abdoulaye Mamani (1993) semble avoir eu un effet à cet égard : un grand nombre de militants assistèrent aux funérailles, certains marchant à l’aide d’une canne, et de nombreux camarades se revirent pour la première fois depuis des décennies, les embrassades cédant la place aux conversations, bientôt suivies de larmes – ce fut un spectacle pitoyable, selon les témoins208. Avec le début du nouveau millénaire, nombreux restaient ceux qui étaient encore tournés vers le passé. Comme l’image de Dembélé sur le mur le montre, certains ne voulaient pas oublier, d’autres, comme « Ali Sawaba », ne le pouvaient pas, du fait de leur environnement, et ma propre quête de témoins survivants eut pour effet de remuer les souvenirs.
81Mais il semble que le moment était idéal pour commencer à recueillir les témoignages sur la rébellion. Pendant tant d’années, les militants et les commandos avaient gardé le silence – un silence imposé par les forces qui les avaient vaincues. Le silence prescrit du dehors est oppressif, puisqu’il interdit la vérité aux victimes. Comme le soutient Milan Kundera, il peut être considéré comme l’une des facettes clefs de l’exercice du pouvoir. Cependant, le silence des sawabistes était aussi volontaire, du fait du caractère indicible de certains aspects du passé. Avec le temps, un tel mutisme peut guérir les blessures, ou pas, mais dans tous les cas, le passage du temps est nécessaire pour que la remémoration se produise sans trop de douleur – et pour que le traumatisme devienne gérable209. Dans la presque totalité des cas, les acteurs du passé qui ont pu être retrouvés ont répondu positivement à la requête de raconter leur histoire. En fait, leur enthousiasme fut débordant et leur assentiment à parler, sans réserve, menant souvent à une irrésistible cascade de mots, de récits, d’histoires – l’auteur recevant instruction de ne pas oublier de noter tel nom, de consigner tel événement, de marquer telle clarification. Cet intérêt était aussi partagé par les sawabistes de la seconde génération. En 2006, Amadou Madougou, un des jeunes fils de Madougou Namaro, me rechercha de propos délibéré après avoir eu vent de ma présence à Niamey, afin de me parler du sort malheureux de son père. Je n’ai rencontré de réticence que dans deux ou trois cas tout au plus, et même alors, un récit a pu être consigné. De fait, tout en tâchant de préserver mon autonomie de chercheur210, je dois admettre que j’ai été profondément touché par la passion avec laquelle mes interlocuteurs ont répondu à ma quête. C’est aussi la raison pour laquelle le livre leur est dédié.
82Il y eut des moments délicats au cours de ces entretiens. En 2005, les villageois de l’ouest de la vallée du fleuve gardaient encore un vif souvenir des représailles du RDA – les spectateurs gardant un silence respectueux au moment où leurs porte-parole relataient les abus. Pour certains, ces réminiscences pouvaient être difficiles à supporter. À Soudouré, trois ans plus tard, le plus jeune frère survivant de Djibo Bakary, Adamou Souna (à présent octogénaire avancé) commença à sangloter doucement lorsqu’on lui demanda ce qui était arrivé au mouvement de son frère. Il se reprit, mais éclata de nouveau un peu plus tard en larmes, s’excusant de ce que ces souvenirs constituaient pour lui une « torture morale211 ». Ce n’était pas la première crise émotionnelle à laquelle j’assistai. Lors de ma première rencontre avec Djibo Harouna, en 2005, il était installé derrière sa machine à coudre, dans son atelier de Gothèye, et se mit à pleurer en racontant la manière dont sa famille avait perdu sa concession de Niamey – son père malade se voyant obligé de quitter la capitale et les perspectives d’avenir de son fils (qui avait jusque-là été à l’école) se dégradant brutalement. Ce genre de mauvais souvenirs était facilement transmis à la génération suivante. En 2006, Madougou Namaro montra que la saga de la famille, avec la santé de son père irrémédiablement abîmée en détention, avait fait une profonde impression sur lui.
83Tristes souvenirs, certaines réminiscences étaient clairement plus traumatiques. En 2009, je rencontrai de nouveau Soumana Idrissa. L’élève du Vietnam était plus vieux, mais ses souvenirs semblaient plus nets que lors du premier entretien, au cours duquel il lui avait fallu du temps pour se rappeler des noms, des événements, des choses vécues (c’était alors la première fois qu’il en parlait en présence d’une personne extérieure). Au cours du second entretien, il se rappela comment il avait été en compagnie de Siddi Abdou, le chef d’unité qui allait se suicider dans la région de Tahoua, et comment il avait vu son camarade quitter Ansongo sur un chameau – pour ne plus jamais le revoir. Ayant dit cela, Idrissa craqua212.
84Si les faiblesses du grand âge peuvent avoir joué leur rôle ici, les horreurs vécues par certains au cours des années 1960 étaient suffisamment fortes pour imprimer leur marque sur les témoignages, ce qui, une fois de plus, montrait que mon projet de livre n’était pas un simple exercice académique. En 2008, j’eus un autre entretien avec Mounkaila Beidari, le sawabiste de Niamey en colère, cette fois dans sa nouvelle demeure : la propriété élégamment aménagée dans un nouveau quartier de la ville, dotée d’un charmant jardin, soulignait la manière dont il avait réussi sa vie, montrant qu’il était l’un des meilleurs exemples de cadres qui avaient pu surmonter les difficultés de l’ère RDA. Mais les aménités de sa demeure ne touchaient que la surface de son existence, comme cela devint évident lorsque Beidari se mit à raconter, pour la deuxième fois, et de son plein gré, les séances de torture subies de la part des Français au BCL. En revisitant ce calvaire, il répéta son récit de 2003, ajoutant de nouveaux détails avant d’éclater en sanglot. Je tâchai de l’apaiser, mais comme le sawabiste essuyait ses yeux et essayait de se contrôler, marmonnant que « les Corses étaient des animaux », il parut évident que les cicatrices à ses poignets, causées par le resserrage des menottes, étaient indicatives d’un grave traumatisme à l’intérieur213.
85Et Beidari n’était pas seul dans ce cas, comme le laissent penser les témoignages portant sur Mounkeïla Issifi, le député Sawaba de Téra qui fut rapporteur à l’Assemblée nationale et se retrouva à la colonie pénale de Bilma (1961). Nous avons vu qu’il subit plus tard des électrochocs au BCL. Le calvaire le détruisit, aussi bien physiquement que mentalement – à sa libération, Issifi fut hospitalisé pour traitement. Après sa sortie, il rentra chez lui et demeura la plupart du temps dans sa concession, sans plus jamais travailler ; il avait 38 ans. Il souffrit d’une dépression nerveuse, devint tendu et agressif, incapable de supporter le bruit – la famille devait être coite, et les enfants se comporter de façon exemplaire. Devenu renfermé et pensif, Issifi se cloîtra dans sa chambre, y lisant et priant, ne sortant en général que pour se rendre à la mosquée qui se trouvait à deux pas de chez lui. En 1983, il eut une nouvelle crise, tomba malade et mourut deux jours plus tard. Il avait 54 ans214.
86Bien entendu, tous les participants à la révolution du Sawaba ne furent pas traumatisés. Certains réussirent à absorber l’épreuve de manière à la rendre contrôlable. Ousmane Dan Galadima, par exemple, ayant subi le même calvaire, trouva l’apaisement dans la sûreté de ses convictions. S’il fut évidemment touché lorsque je lui rendis de nouveau visite en 2006, pressant sa tête contre ma poitrine pour marquer nos retrouvailles, la détermination du petit marxiste resta impressionnante. De notre première entrevue en 2003, je me souviens comment, après un long entretien, le septuagénaire fluet partit prestement, prenant le chemin de son champ d’oignon situé à plusieurs kilomètres de la ville. En prenant congé, je lui avais poliment demandé des nouvelles de la récolte de l’année en cours – sur quoi je fus inondé d’informations sur les chiffres de la production, les prix et l’exportation de l’oignon.
87En dehors de ces remarquables personnalités, le passé restait douloureux pour de nombreux militants, ce qui était sans nul doute aggravé par les difficultés du présent. Dans beaucoup d’entretiens, la dernière question soulevée se rapportait à l’opinion des sawabistes sur l’évolution du Niger indépendant. Le sujet s’avéra délicat, puisqu’il révélait un sentiment de déception non seulement aigu, mais aussi profondément personnel. La critique de la domination française au Niger montra que le néocolonialisme n’était pas un stérile concept idéologique mais un immense drame privé accompagné de lamentations à propos de « vivre en 1900 ». Quelqu’un comme Ali Amadou faillit pleurer en comparant les réalisations économiques du Niger avec celles de ses voisins, tandis que des personnages plus ardents comme Kaîro Alfari, Amadou Diop et Mounkaila Albagna exprimèrent de l’amertume quant à l’enrichissement personnel qu’ils voyaient autour d’eux et au rôle de la France dans l’économie du pays. Bien entendu, cette colère était aussi alimentée par la conscience que d’autres Nigériens (en particulier des jeunes générations) avaient réussi à tirer bien plus profit de ce système qu’eux-mêmes n’avaient pu. Mais c’était aussi clairement plus que cela : il s’agissait d’un mélange d’exaspération et de désillusion dont l’acuité provenait aussi de l’idéalisme avec lequel les sawabistes avaient vécu l’ère de la décolonisation et ses étouffements, lorsqu’ils étaient guidés par l’urgence de devenir une nation « effective215 » et par l’idée qu’il fallait être « quelqu’un qui [était] prêt à racheter… à alléger les souffrances du peuple216 ».
88Du coup, si, dans ces circonstances, certains montraient un esprit de détachement qui, sans entraver la persévérance217, indiquait l’acceptation d’une destinée soutenue par une plus grande conscience spirituelle (plusieurs d’entre eux devinrent plus religieux en prison218), d’autres paraissaient avoir continué à vivre ces combats intérieurs – désirant ardemment un calme et un apaisement qui ne viendraient jamais. Je fus régulièrement confronté à l’expression de frustrations quant au manque de reconnaissance de la communauté des sawabistes et de leur rôle de précurseurs de l’ère Kountché, avec sa conscience politique, tout autant que du fait d’être méconnus par les jeunes générations. Certains me montrèrent fièrement leurs diplômes ; douloureusement, d’autres soutinrent l’égalité entre Français et Nigériens. Mais cela ne saurait dissimuler le sentiment d’humiliation qui existait parmi ces gens, conscients d’être une communauté de vieux hommes sommairement mis sur une voie de garage de l’histoire. Bien que les sawabistes n’aient pas été sans leurs fautes, je n’ai pas pu m’empêcher d’éprouver de la sympathie pour eux. On peut se demander ce que cela veut dire, en fin de compte, d’avoir raté sa vie, de vivre avec des ambitions anéanties. L’histoire punit implacablement l’échec et met l’historien en face des limites de son savoir : jusqu’où peut-on descendre dans les profondeurs des traumatismes personnels et construire une histoire qui se rapproche d’aussi près que possible de la manière dont les acteurs en question l’ont vécue, sans toutefois devenir cette mémoire elle-même219 ?
89Ce livre montre qu’une histoire de vaincus est radicalement différente d’une histoire conçue du point de vue du vainqueur. Pour le Niger spécifiquement, il offre un sombre amendement à l’historiographie de la Première République, qui persiste à offrir des bilans qui ne font pas état de l’étendue de son despotisme220. On ne peut que s’étonner des sacrifices que le Niger en était venu à attendre de ses citoyens. Le sort enduré par Mounkeïla Issifi – qui, après tout, n’avait jamais rejoint les forces de la guérilla221 –montre que même ceux qui avaient tenu un temps les fonctions les plus honorables n’étaient pas à l’abri des cruautés les plus ignobles. En revisitant l’histoire du Niger des années 1950-1960, on peut donc découvrir des aspects importants de la nature de l’ordre postcolonial, surtout à une époque où l’intérêt des Nigériens pour cette époque se met à croître : si Hassane Djibo, l’élève de Nankin, ne voulait rien d’autre, à sa sortie de prison, qu’oublier222, la curiosité pour le passé ne fait que grandir à l’aube du nouveau millénaire. Mamoudou Pascal (photo E.15) rêve d’écrire l’histoire du mouvement et, en 2010, des journalistes lancèrent le tournage d’un documentaire sur le Sawaba223.
Photo E.15 – Mamoudou Pascal, Niamey, 2011.
Notes de bas de page
1 Moumouni Adamou Djermakoye (l’un des participants au coup d’État), 15 avril 1974 : Mémoires d’un compagnon de Seyni Kountché ([www.Editions-Nathan-adamou.com], n. d., accédé le 1er nov. 2010).
2 Ibid. et Africa Contemporary Record, 1974-1975, B 722 subsq. ainsi que Djermakoye, 15 avril 1974.
3 Comme s’en souvient Aba Kaka. Interview, Bosso, 13 févr. 2006.
4 E. Jouve, « Du Niger de Diori Hamani au gouvernement des militaires (1974-1977) », Revue française d’Études politiques africaines, 13 (1978), no 149, 21-22.
5 Ibid. ; Djermakoye, 15 avril 1974 ; Africa Contemporary Record, 1974-1975, B 722 subsq.
6 Djermakoye (15 avril 1974) affirme qu’il s’agit d’un accident. Pierre Messmer (Les blancs s’en vont : Récits de décolonisation [Paris, 1998], 247) le conteste. Débattu in A. Salifou, Le Niger (Paris, 2002), 204.
7 Djermakoye, 15 avril 1974 ; Africa Contemporary Record, 1974-1975, B 722 subsq. Dans le contexte de l’hostilité entre l’armée et la gendarmerie, il n’y a guère d’indication que cette dernière ait soutenu le coup comme l’affirment R. Higgott & F. Fuglestad, « The 1974 Coup d’État in Niger : Towards an Explanation », Journal of Modern African Studies, 13 (1975), 3, 397. Mais voir K. van Walraven, « Opération Somme : la French Connection et le coup d’État de Seyni Kountché au Niger en avril 1974 », Politique africaine, no 134 (juin 2014), 133-154.
8 Higgot et Fuglestad, « The 1974 Coup », 396 ; Le Monde (Paris), 26 avril 1974.
9 M.M. Issa, « Le régime militaire de Seyni Kountché (1974-1987) », in K. Idrissa (dir.), Armée et politique au Niger (Dakar, 2008), 135-136 ; K. Idrissa, « Les régimes militaires entre 1974 et 1999 au Niger », in ibid., 167 ; Salifou, Le Niger, 205 ; Le Monde (Paris), 26 avril 1974.
10 Issa, « Le régime militaire de Seyni Kountché », 135-136 ; Salifou, Le Niger, 205 ; C. Raynaut, « Trente ans d’indépendance : repères et tendances », Politique africaine, 38 (juin 1990), 11-13.
11 Le Monde (Paris), 26 avril 1974 l’indique clairement. Voir aussi Jouve, « Du Niger de Diori Hamani au gouvernement des militaires », 21 et 24 ; Higgot et Fuglestad, « The 1974 Coup », 395-396 ; Africa Contemporary Record, 1974-1975, B 725.
12 Issa, « Le régime militaire de Seyni Kountché », 136 ; Djermakoye, 15 avril 1974 ; Africa Contemporary Record, 1974-1975, B 722 subsq. ; Jouve, « Du Niger de Diori Hamani au gouvernement des militaires », 23-24. De façon différente A. Salifou, Biographie politique de Diori Hamani : Premier président de la république du Niger (Paris, 2010), 247 subsq. Ceci a été pour une bonne part corroboré par mes recherches subséquentes dans les archives de Foccart. Van Walraven, « Opération Somme », passim.
13 Issa, « Le régime militaire de Seyni Kountché », 132-134 ; A. Mahamane, « La naissance de l’armée nationale du Niger : 1961-1974 », in Idrissa, Armée et politique au Niger, 82-84 ; Higgot et Fuglestad, « The 1974 Coup », 394-395 ; Djermakoye, 15 avril 1974.
14 J. Baulin, Conseiller du Président Diori (Paris, 1986), 84 ; Idrissa, « Les régimes militaires », 166-167 ; F. Martin, Le Niger du Président Diori : Chronologie 1960-1974 (Paris, 1991), 375 subsq. ; Issa, « Le régime militaire de Seyni Kountché », 126 ; M. Tidjani Alou, « Les militaires politiciens », in Idrissa, Armée et politique au Niger, 98 ; Messmer, Les blancs s’en vont, 247 ; Africa Contemporary Record, 1974-1975, B 724 ; Salifou, Le Niger, 216-217 ; Jouve, « Du Niger de Diori Hamani au gouvernement des militaires », 25.
15 Interview, Zinder, 13 févr. 2003.
16 K. Alfari, Mémorandum sur les fraternelles relations franco-nigériennes (Union de la jeunesse patriotique du Niger, Niamey, 2003), 58 (remerciement à Kaîro Alfari).
17 Djermakoye, 15 avril 1974.
18 Interviews Ali Amadou, Niamey, 28 janv. 2003 ; Amadou Diop, Zinder, 13 févr. 2003 ; Aba Kaka, Bosso, 13 févr. 2006 ; Ousmane Dan Galadima, Madaoua, 7 févr. 2003 ; Boubakar Djingaré, Niamey, 27 oct. 2005 ; Soumana Idrissa, Gothèye, 1er oct. 2005 ; Daouda Hamadou, Ayorou, 20 déc. 2009. Ibrahim Baro dit Tri Tri fut aussi mis en liberté cette année. Interview, Niamey, 22 oct. 2011.
19 République du Niger – Conseil militaire suprême : Décret no 74-291/PCMS/MJ du 22 novembre 1974 portant amnistie des condamnés politiques. En dehors des personnes mentionnées ci-dessus et en excluant les militaires impliqués dans la mutinerie de 1963, le décret concernait Barao Balla ; Mounkaila Djibo ; Amadou Salou ; Seidou Doule ; Maliki Niandou ; Boubou (Bombou) Mazou ; Amadou Demba ; Ganda Idé ; Touré Ibrahim dit Boureima Barkiré ; Oumarou Malam Bala ; Issoufou Soumaila dit Banakoye ; Abdou Kadri Talata dit Boullassane ; Souley Seibou (Chaibou Souley) ; Hamidou Mahamane dit Daagagé ; Elhadji Mahamadou ; Niandou Ousseini ; Inoussa (Younoussa) Garantché ; Boubakar Seydou ; Yacouba Dari ; (Dioumassi) Albarka Oumarou dit Waou ; Soumana Issaka (Djibrilla Dembélé) ; Hassane Djibo ; Mounkaila Halidou ; Robert Seguinikin ; Moundio Diawara ; Oumarou Kif Amadou ; Diallo Amadou ; Zodi Ikhia ; Yahaya Assane ; Yahaya Alhassane ; Liman Abdou ; Walli Karingama ; Souna Djerma ; Moussa Kadri dit Sodié ; Adamou Elhadji Koffo ; Yayé Madougou ; Gourouza Maina ; Hima (Hina) Sylla ; Adamou Hima dit Alpha Kimba ; Saidou Issa ; Dobi Abdou ; Habi Diori ; Amadou Maisadjé Tawayé ; Idé Talibo Kouré ; Wankoye Hamado ; Harouna Hamani ; Diallo Mamadou ; Kangaye Bonkoukou (décédé) ; Tahirou Ousseini.
20 Décret no 74-291/PCMS/MJ du 22 novembre 1974 portant amnistie des condamnés politiques.
21 Interview, Zinder, 11 févr. 2003 (paraphrase).
22 Africa Contemporary Record, 1974-1975, B 724 ; interviews Ousmane Dan Galadima, Niamey, 7 févr. 2003 et Amadou Ibrahim Diop, Zinder, 13 févr. 2003.
23 Salifou, Le Niger, 214 ; Higgot et Fuglestad, « The 1974 Coup », 398.
24 Idrissa, « Les régimes militaires », 169-170.
25 Tidjani Alou, « Les militaires politiciens », 99 ; Issa, « Le régime militaire de Seyni Kountché », 143-147.
26 Interview Mossi Salifou, Niamey, 29 févr. 2008 et chap. 14, niveau n. 75-78.
27 Interviews Bachir Boukary, Zinder, 11 févr. 2003 ; Tahirou Ayouba Maïga, Niamey, 28 oct. 2005 ; Issoufou Assoumane, Niamey, 30 janv. 2003 ; Boubakar Djingaré, Niamey, 27 oct. 2005 ; Moumouni Daouda (le frère de Daouda Hamani), Tillabéri, 3 nov. 2005 ; Zoumari Issa Seyni, Niamey, 18 nov. 2002 (+ CV) ; Kaîro Alfari, Niamey, 22 févr. 2008 ; Amada Bachard, Niamey, 14 déc. 2009 ; Hamidou Adamou Abdoulaye, Niamey, 19 déc. 2009.
28 Interview Ahmed Sékou Djibo Bakary, Niamey, 1er mars 2008 ; Jouve, « Du Niger de Diori Hamani au gouvernement des militaires », 37.
29 Interview Ahmed Sékou Djibo Bakary, Niamey, 1er mars 2008 ; Jouve, « Du Niger de Diori Hamani au gouvernement des militaires », 21.
30 Un autre coup d’État avorté devait suivre en 1983. Raynaut, « Trente ans d’indépendance », 14-15 ; Issa, « Le régime militaire de Seyni Kountché », passim ; Idrissa, « Les régimes militaires », 172-173 ; Jouve, « Du Niger de Diori Hamani au gouvernement des militaires », 36-38.
31 Dont l’importance est mise en exergue par sa qualité d’homme d’affaires. Voir aussi D. Diallo, Seyni Kountché (Niamey, 2000), 46 et Africa Research Bulletin (political series), août 1975.
32 Raynaut, « Trente ans d’indépendance », 14 ; Jouve, « Du Niger de Diori Hamani au gouvernement des militaires », 37 ; S. Decalo, Historical Dictionary of Niger (Metuchen, NJ et Londres, 1979), 44 ; Salifou, Le Niger, 221 ; L. Kaziendé, Souvenirs d’un enfant de la colonisation (Porto Novo, 1998), vol. 6, 223 ; Baulin, Conseiller du Président Diori, 157-158.
33 Interviews Boubakar Djingaré, Niamey, 27 oct. 2005 ; Ousmane Dan Galadima, Madaoua, 7 févr. 2003 (qui affirme que les Français avaient mis Kountché en garde à propos des sawabistes) ; Amada Bachard, Niamey, 14 déc. 2009.
34 D. Bakary, Silence ! On décolonise : Itinéraire politique et syndical d’un militant africain (Paris, 1992), 283 ; interview Oumarou Janba, Zinder, 10 févr. 2003.
35 Interview Ousmane Dan Galadima, Madaoua, 7 févr. 2003 ; chap. 7, niveau n. 101.
36 Hamidou Garba, qui in 1960 fut accusé d’être impliqué dans le « Plan B » ? Voir chap. 8, niveau n. 6-7.
37 Interview Ousmane Dan Galadima, Madaoua, 7 févr. 2003 ; Adamou Assane Mayaki, Niamey, 29 janv. 2003 ; Mounkaila Albagna, Niamey, 29 nov. 2003 et 19 oct. 2011 ; Bachir Boukary, Zinder, 11 févr. 2003 ; I.A. Mayaki, La caravane passe (Paris, 1999), 7 ; C. Maman, Répertoire biographique des personnalités de la classe politique et des leaders d’opinion du Niger de 1945 à nos jours (Niamey, 1999) vol. 1, passim.
38 Maman, Répertoire biographique, vol. 1, 249 ; Bakary, Silence !, 283; Kaziendé, Souvenirs d’un enfant, vol. 6, 222-223 ; Decalo, Historical Dictionary, 43.
39 Voir Kaziendé, Souvenirs d’un enfant, vol. 6, 226-227.
40 Ainsi avait-on appris qu’il était mort d’une crise d’épilepsie, avant que des allégations ultérieures n’imputent son décès à la torture. Issa, « Le régime militaire de Seyni Kountché », 139 et 158 n. 28.
41 Silence !, 283 (il s’agit du premier volume d’une trilogie programmée).
42 Ibid. ; Africa Research Bulletin (pol. series), avr. 1980. Son fils se souvient incorrectement qu’il fut amené à Agadez, puis « Diffa », où il aurait vécu en résidence surveillée. Interview Ahmed Sékou Djibo Bakary, Niamey, 1er mars 2008. Maman, Répertoire biographique, vol. 1, 249 dit que Bakary resta en prison jusqu’en 1984, avant d’être mis en résidence surveillée. Cela aussi est incorrect, puisqu’il existe une image de Bakary dans la cour de sa maison en 1983 (section des photos in Bakary, Silence !). Voir plus loin. Alors qu’il était en résidence surveillée au quartier Terminus, Bakary donna une interview à un journaliste et y déclara que ses idées socialistes étaient une erreur. Les conditions très contrôlées de l’interview jettent cependant le doute sur de tels propos. La Voix Libérée, no 1, mars-avr. 2011, 29.
43 Djermakoye, 15 avril 1974.
44 Interview Ousmane Dan Galadima, Madaoua, 7 févr. 2003 ; West Africa, 28 juin-4 juillet 1993 ; Kaziendé, Souvenirs d’un enfant, vol. 6, 223 ; introduction de J.-D. Pénel à A. Mamani, Œuvres poétiques, (Paris, 1993), 9 ; Maman, Répertoire biographique, vol. 1, 378.
45 West Africa, 28 juin-4 juillet 1993 ; J.-D. Pénel, « Abdoulaye Mamani, Another Strange Destiny », Tydskrif vir Letterkunde, 42 (2005), 2, 143 (numéro spécial dirigé par Antoinette Tidjani Alou).
46 Interview Adamou Assane Mayaki, Niamey, 29 janv. 2003 ; Mayaki, La caravane passe, 7. Peut-être Mayaki avait-il été enfermé ailleurs.
47 Entretiens avec Ousmane Dan Galadima, Madaoua, 7 févr. 2003 et Mme Mamani Abdoulaye (veuve de Mamani), Zinder, 10 févr. 2003 ; West Africa, 28 juin-4 juillet 1993. À Agadez, Mamani continua à écrire (bien que la cellule de camp militaire à Agadez qu’il mentionna dans une interview renvoyait peut-être à Dao Timmi). Voir Sahel Dimanche, 11 déc. 1992.
48 Maman, Répertoire biographique, vol. 1, 378.
49 Baulin, Conseiller du Président Diori, 158 n. 4.
50 Interviews Oumarou Janba, Zinder, 10 févr. 2003 ; Tahir Moustapha, Zinder, 10 févr. 2003 ; Djibo Harouna, Gothèye, 1er nov. 2005 et 18 déc. 2009 ; Moumouni Daouda, Tillabéri, 3 nov. 2005 ; Abdou Ali Tazard, Tessaoua, 9 févr. 2006 ; Amadou Madougou, Niamey, 24 févr. 2006.
51 Interviews Ali Mahamane Madaouki, Zinder, 14 févr. 2003 ; Daouda Hamadou, Ayorou, 20 déc. 2009 ; Amadou Ibrahim Diop, Zinder, 13 févr. 2003 ; Ali Amadou, Niamey, 28 janv. 2003 ; Mounkaila Albagna, Niamey, 29 nov. 2003 et 19 oct. 2011 ; Soumana Idrissa, Gothèye, 1er nov. 2005 ; Boubakar Djingaré, Niamey, 27 oct. 2005 ; Hassane Djibo, Niamey, 22 févr. 2008 ; et email Ali Mahamane Madaouki à l’auteur, 6 juillet 2011.
52 Maman, Répertoire biographique, vol. 1, 378 ; interviews Tahir Moustapha, Zinder, 10 févr. 2003 ; Maman Tchila, Zinder, 9 févr. 2003.
53 Interviews Sao Marakan, Niamey, 16 nov. 2002 ; Moumouni Daouda, Tillabéri, 3 nov. 2005 ; Bachir Boukary, Zinder, 11 févr. 2003 ; Tahirou Ayouba Maïga, Niamey, 28 oct. 2005.
54 Issoufou Assoumane obtint finalement un emploi d’ingénieur au Niger, au niveau de la compagnie nationale d’électricité, NIGELEC, jusqu’à y occuper un poste de directeur. Interviews Kaîro Alfari, Niamey, 30 oct. 2005 et 22 févr. 2008 ; Issoufou Assoumane, Niamey, 30 janv. 2003. Aboubacar Abdou, qui fut maquisard mais avait aussi étudié dans l’Union soviétique, devint un diplomate en poste au Ghana. Interview, Niamey, 22 oct. 2011.
55 CV Zoumari Issa Seyni.
56 Interview Mounkaila Beidari, Niamey, 28 novembre 2003.
57 Interviews Mounkaila Albagna, Niamey, 29 nov. 2003 ; ibid. & Ali Amadou, Niamey, 15 déc. 2009 ; Surveillance du territoire (Bureau de coordination), no 396/SN/ST : Organisation terroriste « Sawaba » (Recueil des dirigeants et militants actifs en fuite) ; ex. no 000148, dest. le sous-préfet de Dosso.
58 Un autre ancien speaker de Radio Pékin, Adamou Loutou, était déjà rentré en 1967 et avait trouvé un emploi à la cimenterie de Malbaza, à l’est de Konni. Bureau de coordination et de liaison, no 879/BCL : Étudiants et boursiers du Sawaba de Retour des Pays de l’Est, 18 oct. 1968 ; ANN, 86 MI 1 E 8.14.
59 Interviews Amada Bachard et Hamidou Adamou Abdoulaye, Niamey, 14 et 19 déc. 2009.
60 Syndicat national de l’administration générale (SNAG) : Itinéraire syndical de Mamoudou Pascal (pièce détenue par l’auteur) et interview Mamoudou Pascal, Niamey, 22 févr. 2003.
61 Interview Aba Kaka, Bosso, 13 févr. 2006. Il y a là un parallèle partiel avec Maïdanda Djermakoye, le pharmacien dont le sawabisme n’avait jamais plu à sa famille – la dynastie Djermakoy de Dosso. Il devait être élevé à la prestigieuse chefferie de la province en 2000. Interview Maïdanda Djermakoye, Dosso, 17 févr. 2006 et email Issa Younoussi à auteur, 2 déc. 2010.
62 Dans l’enseignement, l’administration et la diplomatie. Sangaré fit du commerce international par la suite. Maman, Répertoire biographique, vol. 1, 266 et 376 ; interviews Gonimi Boukar, Niamey, 5 nov. 2005 et Diougou Sangaré, Tessaoua, 9 févr. 2006.
63 Comme nous l’avons vu au chap. 8 (niveau n. 83), il en était de même de Badéri Mahamane, qui devint préfet de Tahoua. Maman, Répertoire biographique, vol. 1, 199.
64 Ibid., 228, 378-380. Bouzoua fut brièvement maire de Zinder entre 1974 et sept. 1975.
65 Ibid., 224-225 ; interview Georges Condat, Niamey, 27 nov. 2003 ; chap. 12 n. 204.
66 Maman, Répertoire biographique, vol. 1, 178-179 et 185, 380. Alazi reçut l’Ordre du Mérite du Niger en 1978, Illa Salifou, la Grand-Croix de l’Ordre national du Niger. Sékou Hamidou reçut plusieurs médailles, y compris en France et dans d’autres pays.
67 Ibid., 202 et 281 ; interviews Ibrahim Bawa Souley, Niamey, 5 févr. 2003 et 29 févr. 2008.
68 Interviews Mamadou Ousmane Dan Galadima, Niamey, 27 nov. 2003 ; Amadou Madougou, Niamey, 24 févr. 2006 et 17 oct. 2011. Madougou devint directeur du service juridique de la SONITEL.
69 Elle fut levée à l’occasion d’une amnistie qui toucha une quarantaine de personnes. Africa Research Bulletin (pol. series), avr. 1984.
70 Bakary, Silence !, 283-284.
71 Interview Mme Mamani Abdoulaye, Zinder, 10 févr. 2003.
72 Mamani, Œuvres poétiques, passim.
73 Le titre complet était Sarraounia : Le drame de la reine magicienne (Paris, 1980). Voir A. Salifou, Histoire du Niger (Paris, 1989), 158-160 et E. Séré de Rivières, Histoire du Niger (Paris, 1965), 206. Pour Sarraounia O. Tandina, « Sarraounia, an Epic ? », Research in African Literatures, 24 (1993), 2, 23-32. Sarraounia fut transformé en scénario de film (avec la collaboration de Mamani), et, bien que Kountché en ait arrêté le tournage au Niger, le film sortit en 1986 et gagna le grand prix du Festival Panafricain du cinéma de Ouagadougou en 1987. Pénel, « Introduction », 12.
74 Pénel, « Introduction », 33.
75 Voir B. Magnier (dir.), Paris-Dakar et autres nouvelles (Paris, 1987), 57-64 ; Pénel, « Abdoulaye Mamani », 146.
76 I. Issa, La vie et ses facéties : Poèmes (Niamey, ca. 1982). Issa écrivit aussi sur la ville de Gao et les montagnes du Hoggar, en Algérie – y a-t-il été au cours de la lutte ? Comme Mamani, il écrivait sur des thèmes panafricains. C’était aussi un observateur perspicace de la vie quotidienne, qui influença ses thèmes.
77 Ces argumentations ont aussi été énoncées dans des études sur le soulèvement polonais de Varsovie. Voir par exemple N. Davies, Rising ’44: The Battle for Warsaw (Londres, 2005).
78 L’un des putschistes de 1974 fut soupçonné, en 1964, de sympathies sawabistes. Djermakoye, 15 avril 1974. Voir aussi Issa, « Le régime militaire de Seyni Kountché », 133.
79 Salifou, Le Niger, 216-117 ; Africa Research Bulletin (pol. series), mai 1974. Un petit contingent français devait retourner au Niger en 1979.
80 Jouve, « Du Niger de Diori Hamani au gouvernement des militaires », 40.
81 Comme l’ont fièrement affirmé certains militants. Entretiens avec Mounkaila Beidari, Niamey, 28 nov. 2003 et Kaîro Alfari, Niamey, 30 oct. 2005.
82 Robert Buijtenhuijs a clairement sous-estimé la brutalité politique du régime Diori et la manière dont elle a servi à éviter la trajectoire tchadienne. Voir son Le Frolinat et les révoltes populaires du Tchad, 1965-1976 (La Haye, 1978), 438.
83 Issa, « Le régime militaire de Seyni Kountché », 142.
84 Salifou, Le Niger, 270.
85 Un rapport d’Amnesty (propriété de l’auteur) parle de victimes accrochées par les pieds et battus.
86 La croyance aux forces surnaturelles de son ancien chef, Garba Badié, évoque étrangement la personnalité de Bonkano, qui est issu d’une famille maraboutique. P. Chilson, Riding the Demon : On the Road in West Africa (Athens, GA et Londres, 1999), 69-71.
87 Voir chap. 7, niveau n. 45.
88 Ainsi que le soutient F. Fuglestad, « UNIS and BNA : The Rôle of “Traditionalist” Parties in Niger, 1948-1960 », Journal of African History, 16 (1975), 113-135, mais voir, à cet égard, pour un traitement subtil du concept de culture J.-P. Olivier de Sardan, « Le culturalisme traditionaliste africaniste : Analyse d’une idéologie scientifique », Cahiers d’études africaines, 50 (2010), 419-453.
89 Voir, de façon typique, Salifou, Le Niger, 152 et Higgot et Fuglestad, « The 1974 Coup », 387.
90 Le Niger, 16 mai 1966.
91 Interview Amadou Ibrahim Diop, Zinder, 13 févr. 2003.
92 Le Monde (Paris), 25 avr. 1974.
93 Une source affirme que Diori a essayé de protéger sa famille des militaires qui pénétraient au palais. Jouve, « Du Niger de Diori Hamani au gouvernement des militaires », 22.
94 Voir E. Schmidt, Mobilizing the Masses : Gender, Ethnicity, and Class in the Nationalist Movement in Guinea, 1939-1958 (Portsmouth, NH, 2005).
95 Voir T. Chafer, The End of Empire in French West Africa : France’s Successful Decolonization ? (New York, 2002) ; A. Zolberg, Creating Political Order : The Party-States of West Africa (Chicago, 1966) ; F. Cooper, « Possibility and Constraint : African Independence in Historical Perspective », Journal of African History, 49 (2008), 167-196.
96 E. Schmidt, « Anticolonial Nationalism in French West Africa : What Made Guinea Unique ? », African Studies Review, 52 (2009), no 2, 23-24.
97 Un sympathisant du Sawaba a affirmé par deux fois que 140 commandos avaient été tués, suggérant peut-être dans un entretien que ce chiffre concernait la seule région de Tahoua. Si ce dernier élément est clairement exagéré, le fait qu’il ait été un juge et avait accès aux dossiers de justice explique-t-il ce chiffre ? Mais il peut avoir consulté le livre de Georges Chaffard (Les carnets secrets de la décolonisation [Paris, 1967], vol. 2, 325), qui estime les pertes à 136 personnes pour les opérations de l’automne 1964, sur la base de sources du régime. Interviews Sao Marakan, Niamey, 16 nov. 2002 et 29 janv. 2003.
98 Entretien avec Mounkaila Albagna, Niamey, 29 nov. 2003.
99 Entretien avec Ali Mahamane Madaouki, Zinder, 14 févr. 2003.
100 Entretien avec Soumana Idrissa, Gothèye, 18 déc. 2009.
101 K. van Walraven, « Sawaba, Niger and the Revolution of a Social Movement (1954-1966) » ; document « Lutter dans les Afriques » ; université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 22-23 janvier 2010.
102 F.D. Colburn, The Vogue of Revolution in Poor Countries (Princeton, 1994).
103 Voir aussi K. van Walraven et J. Abbink, « Rethinking Resistance in African History : An Introduction », in J. Abbink, M. de Bruijn et K. van Walraven (dir.), Rethinking Resistance : Revolt and Violence in African History (Leyde et Boston, 2003), 33-34.
104 Entretien avec Ali Mahamane Madaouki, Zinder, 14 févr. 2003.
105 On s’inspire ici de E. Hobsbawm, Uncommon People : Resistance, Rebellion, and Jazz (New York, 1998).
106 E. Hobsbawm et J.W. Scott, « Political Shoemakers », in Hobsbawm, Uncommon People, 18-43.
107 Comme on l’a noté, les infirmiers vétérinaires, représentants de la catégorie mieux lotie alliée au « petit peuple », étaient importants du fait de la nature itinérante de leur profession et de leur position d’intellectuels ruraux. Il y a ici un parallèle inattendu avec le rôle des vétérinaires dans l’essor du mouvement fasciste néerlandais des années 1930.
108 Les opérateurs radio ont tenu une place importante au sein d’autres mouvements de rébellion, tels que Foday Sankoh du Revolutionary United Front de Sierra Leone et Pol Pot des Khmers Rouges.
109 Afrique Nouvelles, 8-13 juin 1967, no 1.035.
110 Interviews Ousmane Dan Galadima, Madaoua, 8 févr. 2003 ; 16 févr. 2006 ; Niamey, 23 févr. 2008.
111 I/E : Incidents au Niger et en Guinée – Exécution de mes instructions no 944/DC du 13 mai 1958 confirmées par T.O. chiffré du 22 mai 1958 ; CAOM, Cart. 1041 et 2255/D.2 ; C. Rivière, Guinea : The Mobilization of a People (Ithaca, NY et Londres, 1977), 72-73.
112 Interview Sao Marakan, Niamey, 29 janv. 2003.
113 Voir par exemple Ousmane Sembene’s L’Harmattan : référendum (Paris, 1980 [1re éd. 1964]) ; Journal d’une défaite autour du référendum du 28 septembre 1958 en Afrique noire de Ahmadou Dicko (publié à titre posthume, Paris, 1992).
114 T. Chafer, The End of Empire in French West Africa : France’s Successful Decolonization ? (Oxford et New York, 2002). Également, K. van Walraven, « Decolonization by Referendum : The Anomaly of Niger and the Fall of Sawaba, 1958-1959 », Journal of African History, 50 (2009), 269-292.
115 Pour son importance, voir Van Walraven, « Decolonization by Referendum ».
116 R.S. Kwewum, The Story of Gambo Sawaba (Jos, 1990), 93.
117 Synthèse de renseignements intérieurs. 3e trimestre 1960, période du 1er août au 30 oct. 1960, no 2619 ; SHAT, 5 H 95.
118 Interview, Niamey, 30 oct. 2005.
119 Entretien avec Kaîro Alfari, Niamey, 30 oct. 2005.
120 Entretiens avec Maman Tchila, Zinder, 9 févr. 2003 et Abdou Ali Tazard, Tessaoua, 9 févr. 2006.
121 Interview, Niamey, 29 nov. 2003.
122 Le Niger, 26 juillet 1965 ; Parti Sawaba, Pour un front démocratique de la patrie (Bureau politique : Niamey, 1962), 48 ; entretien avec Mounkaila Albagna, Niamey, 29 nov. 2003.
123 M. Djibo, Les transformations politiques au Niger à la veille de l’indépendance (Paris, 2001), 271.
124 Événements survenus en Afrique francophone pendant la semaine du 12 au 18 oct. 1964 ; SHAT, 10 T 210 ; Renseignements, 8 juin 1961 ; ANN, 86 MI 3 F 3.5. Cela montre que les adhérents de Bakary représentaient non pas seulement un parti politique quelconque, mais un mouvement doté d’une influence potentiellement significative.
125 P. Messmer, Après tant de batailles : Mémoires (Paris, 1992), 244.
126 L’importance de l’insouciance du détenteur du pouvoir comme manière d’expliquer les actes de répression a été soulignée (dans un contexte il est vrai très différent) par Hannah Arendt, Eichmann in Jerusalem : A Report on the Banality of Evil (Londres, 2006 ; 1re éd. 1963).
127 Voir par exemple M. Terretta, « Cameroonian Nationalists Go Global : From Forest Maquis to a Pan-African Accra », Journal of African History, 51 (2010), 189-212.
128 Voir ci-dessus, chap. 13 niveau n. 2.
129 [http://www.academie-francaise.fr/immortels/index.html], accédé le 21 déc. 2010.
130 Voir chap. 4. F. Fuglestad, « Djibo Bakary, the French, and the Referendum of 1958 in Niger », Journal of African History, 14 (1973), 2, 313-330. La question a été traitée en détail in Van Walraven, « Decolonization by Referendum ».
131 Salifou, Le Niger, 255-256 ; A. Niandou Souley, « La démocratisation au Niger : bilan critique », in K. Idrissa (dir.), Le Niger : État et démocratie (Paris, 2001), 292 ; Idrissa, « Les régimes militaires », 177.
132 J.-G. Maignan, La difficile démocratisation du Niger (Paris, 2000), 52.
133 Ceci est tiré d’une nécrologie de date et provenance inconnues, probablement Ma’aykaci : Le Travailleur. Organe Officiel d’Information de l’Union des Syndicats des Travailleurs du Niger.
134 Bakary, Silence !, 5 et 283.
135 Salifou, Le Niger, 256-257.
136 Ibid., 264-265 ; Raynaut, « Trente ans d’indépendance », 27-28 ; Idrissa, « Les régimes militaires », 179-180 ; Maignan, La difficile démocratisation du Niger, 59-60 ; J.-J. Raynal, Les institutions politiques du Niger (Saint-Maur, 1993), 62.
137 K. Idrissa, « La dynamique de la gouvernance : administration, politique et ethnicité au Niger », in ibid., Le Niger : État et démocratie, 68-69 ; Niandou Souley, « La démocratisation au Niger », 302 et 307-308 ; Raynal, Les institutions politiques du Niger, 64 ; Salifou, Le Niger, 264-275 ; Maignan, La difficile démocratisation du Niger, 59-67.
138 Maman, Répertoire biographique, vol. 2 (Niamey, 2003), 480-494 ; Contribution de la délégation de l’UDFP-Sawaba au succès de la conférence nationale des forces vives du Niger, Niamey, 29 juillet 1991 ; Liste des Nigériens militants ou sympathisants du Sawaba morts dans les prisons du régime de Diori Hamani (UDFP-Sawaba, Niamey, n. d.) ; interviews Sao Marakan, Niamey, 16 nov. 2002 ; Ousmane Dan Galadima & Bachir Boukary, Madaoua & Zinder, 7 et 11 févr. 2003. Au cours de la Conférence nationale, Kaîro Alfari, l’ingénieur du Sawaba, plaida la cause d’une région Ouest appauvrie.
139 Salifou, Le Niger, 266-273 et Maignan, La difficile démocratisation du Niger, 65-66.
140 Pascal accusa Bakary d’erreurs graves et insinua que les deux autres avaient mené une vie de luxe au Maroc et en Algérie. Une autre accusation (fort peu probable) était que Dan Galadima – un fervent marxiste – avait encouragé des sentiments régionalistes dans le parti. Communiqué n° ? : Ils se sont comportés tous mal en exil. UDN/Sawaba, n. d., mais 1991. Signé Mamoudou Pascal ; Maman, Répertoire biographique, vol. 2, 486 ; A.K. Koudizé, Chronologie politique du Niger de 1900 à nos jours (Niamey, 1991), 66. Ce parti fut mort-né, tout comme une formation politique établie plus tard par Pascal.
141 Interviews Ali Amadou, Niamey, 31 janv. 2003 and 15 déc. 2009.
142 Maman, Répertoire biographique, vol. 2, 494 ; interview Amadou Madougou, Niamey, 17 oct. 2011.
143 La commission avait 47 members. Maman, Répertoire biographique, vol. 1, 94-95.
144 Les autres candidatures pour Zinder étaient celles de Abdou Salam Tari ; Moussa Mamadou ; Saley Issoufou ; Maï Moussa Moussa ; Mamane Moussa ; Issoufou Moungaye ; Mme Bachard Amina Halilo ; Maman Lawan Bachir ; Ab[ ?] Mamadou ; Amadou Tidjani Tangam ; Ousmane Gagara. Ibid., 102 et 104 ; vol. 2, 499 ; tract « Votez vos candidats U.D.F.P. Sawaba ; Département de Zinder » (propriété de l’auteur). Voir photo E.6.
145 Ses scores étaient de nouveau plus élevés dans les régions de Maradi et Zinder. Maman, Répertoire biographique, vol. 1, 98-104 ; Raynal, Les institutions politiques du Niger, 287-313.
146 Tidjani Alou, « Les militaires politiciens », passim.
147 Le PPN-RDA retint un siège en 1995 mais ne semble pas avoir proposé de candidat l’année d’après. Maman, Répertoire biographique, vol. 1, 111-119.
148 Ibid., 107. L’interview parut dans Haske : Bimensuel nigérien d’information et de réflexion, no 2, 15 juillet 1990 et fut réimprimée dans Bakary, Silence !, 289-296.
149 Maman, Répertoire biographique, vol. 2, 148 ; Comité de réflexion UDFP – Sawaba : le coordinateur Ibrahim Bawa à Monsieur Djibo Bakary, Président de l’UDFP/Sawaba, Niamey, 14 juin 1994.
150 Maman, Répertoire biographique, vol. 2, 256-257 ; Mayaki, La caravane passe, passim.
151 Maman, Répertoire biographique, vol. 1, 126-131, 282, 305-306, 376 ; information orale Issa Younoussi à auteur, Niamey, 5 nov. 2005 ; interviews Diougou Sangaré, Tessaoua, 9 févr. 2006 ; Moumouni Daouda, Tillabéri, 3 nov. 2005 ; Saïbou Abdouramane, Dargol, 31 oct. 2005.
152 Interview Mamadou Ousmane Dan Galadima, Niamey, 27 nov. 2003.
153 S. Decalo, Historical Dictionary of Niger (Lanham, MD et Londres, 1997), 317 ; Maman, Répertoire biographique, vol. 1, 98.
154 Ibrahim Bawa à Bakary, 14 juin 1994 ; interviews (à Niamey) : Ibrahim Bawa Souley, 5 févr. 2003 ; Issoufou Assoumane, 30 janv. 2003 ; Ali Amadou, 31 janv. 2003 ; Mamadou Ousmane Dan Galadima, 27 nov. 2003 ; Mounkaila Beidari, 23 févr. 2008 et 18 oct. 2011 ; Sanda Mounkaila, 28 oct. 2005.
155 Il devint ministre de la Jeunesse. Issoufou Assoumane, au début du règne de Tandja, fut brièvement ministre de l’Environnement. Interview Sanda Mounkaila, Niamey, 28 oct. 2005.
156 En 2008 il y eut quelques problèmes entre « IBS » et Mounkaila Beidari, qui représentait la section de Niamey.
157 Sanda Mounkaila était à ce stade soutenu dans sa ligne pro-Tandja par Mounkaila Beidari, qui, comme on l’a vu ci-dessus, s’y était d’abord opposé. Interviews Ali Amadou, Niamey, 31 janv. 2003 ; Amadou Ibrahim Diop, Zinder, 13 févr. 2003 ; Boubakar Djingaré, Niamey, 26 oct. 2005 ; Oumarou Janba, Zinder, 10 févr. 2003 ; Sanda Mounkaila, Niamey, 28 janv. 2003 et 28 oct. 2005 ; Mounkaila Beidari, Niamey, 18 oct. 2011.
158 Entretiens (tous à Niamey) avec Ibrahim Bawa Souley, 26 nov. 2003 et Mounkaila Beidari, 28 nov. 2003 et 23 févr. 2008.
159 Interview Abdou Adam, Niamey, 29 nov. 2003 ; Bakary, Silence !, photo 11.
160 Entretiens avec Ali Amadou, Niamey, 28 janv. 2003 ; Maman Tchila, Zinder, 9 févr. 2003 ; Mounkaila Albagna, Niamey, 29 nov. 2003 et 19 oct. 2011.
161 Ceci s’inscrit typiquement dans le contexte dynamique de l’histoire orale. Voir aussi Schmidt, Mobilizing the Masses.
162 Interview Mounkaila Albagna, Niamey, 6 déc. 2003. Ceci rappelle les accusations de Mamoudou Pascal. Voir son Communiqué n° ? : Ils se sont comportés tous mal en exil. UDN/Sawaba, n. d., mais 1991.
163 Interview Ibrahim Bawa Souley, Niamey, 29 févr. 2008. La présidence du parti continue à faire l’objet de chamailleries. Si elle fut d’abord assumée par Bakary (jusqu’en 1998), puis par Issoufou Assoumane (1998-2001) et depuis 2001 par « IBS », aucun congrès n’a été convoqué après 2001. Nombreux sont ceux qui affirment que « IBS » ne le voulait pas. En décembre 2009, il convoqua finalement un congrès pour mars 2010, mais peu de jours avant le rassemblement d’une soixantaine de délégués (sur un total de 80) à Zinder, il l’annula. Sanda Mounkaila et ses troupes organisèrent cependant une réunion, tandis que les sections du parti à Maradi, Tahoua, Tillabéri, Zinder, Niamey et Agadez protestèrent plus tard contre le fait qu’on ne les avait pas mises au courant du report. Sanda Mounkaila fut dûment élu président en même temps que les membres d’un nouveau bureau exécutif national. « IBS » poursuivit Sanda Mounkaila en justice, sans succès, et les résolutions du congrès furent maintenues. Il a, paraît-il, fait appel, mais il est clair qu’il était devenu de plus en plus isolé, se concentrant surtout sur ses affaires (échange téléphonique avec « IBS », Niamey, 18 oct. 2011). Avec le retour du pluralisme politique, la fonction de secrétaire général revint d’abord à Assoumane (1993-1998) puis à Sanda Mounkaila (1998-2004), tandis qu’après 2004 un comité ad hoc, dans lequel Mounkaila Beidari joua un rôle, fut établi. Ousmane Dan Galadima fut vice-président pendant un moment dans les années 1990. Interviews Mounkaila Beidari & Sanda Mounkaila, Niamey, 18 et 22 oct. 2011 et Jugement civil no 348, 22/11/2010, confirmé en appel (email Sanda Mounkaila à auteur, 22 juin 2012).
164 Interview Ali Amadou, Niamey, 31 janv. 2003.
165 Interviews Soumana Idrissa, Gothèye, 1er nov. 2005 ; Hamidou Adamou Abdoulaye, Niamey, 19 déc. 2009. Ceci rappelle la vie conjugale instable d’autres militants, tels que Hima Dembélé et Gambo Sawaba. Voir chap. 8, niveau n. 90 et Kwewum, The Story of Gambo Sawaba, 116-117.
166 Interview Bachir Boukary, Zinder, 11 févr. 2003.
167 Tract « Création du Club des amis du Sawaba (CLAS) » ; Niamey, sans date (propriété de l’auteur). En 2011, Sanda Mounkaila pensait à relancer l’initiative. Interview, Niamey, 22 oct. 2001.
168 Entretien avec Ousmane Dan Galadima, Madaoua, 16 févr. 2006.
169 Observations personnelles au cours de différents entretiens.
170 Conversation téléphonique Zoumari Issa Seyni, Niamey, 23 févr. 2008 et interview Mamoudou Pascal, Niamey, 23 oct. 2011.
171 Interview Maman Tchila, Zinder, 9 févr. 2003 et Zoumari Issa Seyni, Niamey, 26 oct. 2011.
172 Voir aussi photo E.1. Interview, Zinder, 14 févr. 2003. Il y vivait encore en début 2010. Ali Mahamane Madaouki à auteur, 5 janv. 2010.
173 Un de ses compagnons d’exil, Nagir Hadji, occupait à ce stade un poste important dans le système judiciaire du pays. Interview Bachir Boukary, Zinder, 11 févr. 2003.
174 De même, à ce stade (2006-2008) Maïdanda Djermakoye était encore chef de province de Dosso, très pris par ses fonctions représentatives et statuant sur des litiges familiaux. Interview, Dosso, 17 févr. 2006 et conversation téléphonique depuis Niamey, 21 févr. 2008.
175 Katchalma Oumar mourut dans un accident de la route en 1999. Maman, Répertoire biographique, vol. 1, 306. L’année du décès de Moutti n’est pas connue, mais se situe avant 2004. Interviews Mounkaila Beidari, Niamey, 28 nov. 2003 ; Kanembou Malam, Diffa, 12 févr. 2006. Voir photo 12.6.
176 L’autre député UDFP, Dan Bouzoua, après avoir perdu son siège à l’Assemblée, fut pour un an préfet de Tillabéri ; il mourut un an plus tard (1997). Maman, Répertoire biographique, vol. 1, 228.
177 Il mourut en 2011, ou avant. Ses dossiers, qui comprennent des documents gouvernementaux, devraient être transférés à l’ANN.
178 Le Sahel, 2 août 2010 (via [www.tamtaminfo.com], accédé le 24 janv. 2011). Il décéda le 27 oct. 2012 ([www.lesahel.org], accédé le 25 juin 2014). En 2005, Gonimi Boukar menait aussi une existence confortable dans sa demeure niameyenne, se souciant peu de la destruction d’un mouvement qu’il avait depuis longtemps abandonné.
179 Beidari fut fait Commandeur de l’Ordre national du Niger et devint, à la retraite, ministre plénipotentiaire des Affaires étrangères.
180 Voir photo 8.4.
181 Entretien avec Ali Issaka, Niamey, 29 févr. 2008.
182 Photo 12.3.
183 Le plus jeune fils de Bakary, Ahmed Sékou, semblait en 2009 avoir du mal à tirer profit de ses études de médecine. En 2011 Amadou Madougou travaillait toujours à la SONITEL. Il mourut en 2014. Email Issa Younoussi à auteur, 5 mai 2014. Son frère Ali travaillait à la direction du Gawèye, un hôtel cher. Interview Amadou Madougou, Niamey, 17 oct. 2011.
184 Il était passionné de pêche. En 2009, un de leurs anciens collègues de Pékin, Mamoudou Omar, était très âgé et vivait encore en Allemagne (peut-être Berlin), où il s’était installé à une époque antérieure de sa vie. Interviews Amada Bachard et Hamidou Adamou Abdoulaye, Niamey, 14 et 19 déc. 2009. On ne sait pas ce qu’il est advenu de Adamou Loutou, qui, à son retour au Niger, avait travaillé à la cimenterie de Malbaza (n. 58 ci-dessus).
185 Interview Hamidou Adamou Abdoulaye, Niamey, 19 déc. 2009.
186 Qui, cependant, soutint également le comportement autoritaire de Tandja. Interviews Amada Bachard, Niamey, 14 déc. 2009 ; Tahirou Ayouba Maïga, Niamey, 28 oct. 2005 ; Daouda Hamadou, Ayorou, 20 déc. 2009.
187 Ceci est vrai des Nigériens d’une manière générale.
188 Il avait des problèmes neurologiques. Un de ses fils fut hospitalisé à cause de complications dues au diabète. Voir note suivante.
189 Interviews, Madaoua, 7-8 févr. 2003 et 16 févr. 2006 ; Niamey, 23 févr. 2008.
190 Pénel, « Introduction », 13.
191 Interview Oumarou Janba, Zinder, 10 févr. 2003.
192 Comme dans le cas de Ibrahim Issa, cet autre poète du Sawaba qui fut primé en 1989 – après sa mort –, Mamani reçut le prix à titre posthume, au cours d’une cérémonie à Niamey, l’argent allant à sa famille. Pénel, « Abdoulaye Mamani », 144 ; Projet de restitution et de diffusion des œuvres des hommes de lettres et de culture nigérien du xxe siècle, n. d. ; la nécrologie de P. Chilson in West Africa, 28 juin-4 juillet 1993. Voir aussi Sahel Dimanche, 11 août 1985 et 11, 18 et 25 déc. 1992 pour des interviews de Mamani portant sur Sarraounia (livre & film) et sur ses recherches sur l’histoire du Kanem-Bornou. Dans celle en date du 11 déc. 1992, il indique qu’il avait d’abord refusé le prix, parce qu’il pensait qu’il devait d’abord être décerné à Ibrahim Issa.
193 Pénel, « Introduction », 9.
194 Interview Ahmed Sékou Djibo Bakary, Niamey, 1er mars 2008 (qui affirma détenir en archive des dossiers de son père, qui, cependant, ne furent pas montrés à l’auteur) ; Bawa à Bakary, 14 juin 1994. Lors d’une interview pour l’émission de Radio France Internationale « Mémoire d’un continent : Le syndicalisme en Afrique », Bakary, tout en insistant sur ses activités syndicales, ne parla pas de la rébellion.
195 Interview Ahmed Sékou Djibo Bakary, Niamey, 1er mars 2008.
196 Voir la nécrologie citée en n. 133.
197 Photo 7.2.
198 En 2008 l’un des frères de Djibo Bakary – Adamou Souna – vivait encore, tout comme sa sœur Zongo Hima et ses parents de la génération suivante. Un de ses neveux, Amadou Bakary Maiga, qui avait été greffier de justice à Zinder avant de s’établir à Gamkallé, mourut fin 2007. Interview Idrissa Yansambou, ANN, Niamey, 20 févr. 2008. Le médecin personnel de Bakary, Souna Mamadou, était mort deux ans plus tôt.
199 Malick N’Diaye, cet autre sawabiste d’origine sénégalaise, était déjà mort en 1968 et avait été inhumé à Gao. Maman, Répertoire biographique, vol. 1, 239 et 353.
200 Ce dernier mourut à Maradi. Entretiens avec Sao Marakan, Niamey, 16 nov. 2002 et Adamou Assane Mayaki, Niamey, 29 janv. 2003. Henri Georget, né à Agadez et l’un des rares Européens à se mettre du côté du Sawaba lors du référendum de 1958, mourut en 2001. L’homme d’affaires était devenu un membre de la fédération internationale des employeurs. Bureau international du travail, Conseil d’administration, Genève, juin 2001. Mashoud Pascal (voir chap. 9) mourut aussi cette année. Interview Mamoudou Pascal (son frère), Niamey, 23 oct. 2011.
201 Interview Ibrahim Bawa Souley, Niamey, 29 janv. 2008 ; Mounkaila Albagna, Niamey, 29 nov. 2003. Noga Yamba, le maquisard de Zinder et ouvrier du bâtiment, décéda le 22 déc. 2010. Email Ali Mahamane Madaouki à auteur, 6 juillet 2011.
202 Seeda : Mensuel nigérien d’informations générales, no 6, sept. 2002 ; interview Ibrahim Bawa Souley, Niamey, 5 févr. 2003.
203 Hamballi avait un fils sous-préfet de Madaoua et un parent qui, en 2009, était professeur à la retraite de l’université de Sokoto au Nigeria. Labo Bouché, député de Maradi avec des origines dans l’UNIS, mourut en 1981 et Eugène Tégama, qui avait remporté un siège parlementaire à Zinder en décembre 1958, décéda en 1996. Interviews Mounkaila Albagna, Niamey, 6 déc. 2003 ; Limane Kaoumi, Diffa, 12 févr. 2006 ; Hamidou Adamou Abdoulaye, Niamey, 19 déc. 2009 ; Moutari (?) Dan Boula Sanda, Zinder, 15 févr. 2006 ; Maman, Répertoire biographique, vol. 1, 283, 310, 348 et 397.
204 Interview Adamou Assane Mayaki, Niamey, 29 janv. 2003 ; email Ibrahim Bawa Souley à auteur, 6 août 2003. Aba Kaka, le chef des commandos de Bosso, mourut le 5 septembre 2013. Sao Marakan, sympathisant du Sawaba, décéda le 13 mai 2014. Emails Issa Younoussi à auteur, 11 sept. 2013 et 14 mai 2014.
205 Survol sur le Sawaba de mars 1957 à septembre 1958, signé Assane Adamou Mayaki, n. d.
206 Voir Van Walraven, « Decolonization by Referendum », 290.
207 Interviews Adamou Assane Mayaki, Niamey, 29 janv. 2003 et Maman Tchila, Zinder, 9 févr. 2003 (paraphrase).
208 Interview avec un agent de l’ANN (qui connaissait un fils de Mamani), Niamey, 28 févr. 2008.
209 Voir (également à propos des vues de Kundera) D.W. Cohen, The Combing of History (Chicago et Londres, 1994).
210 Le fait de n’être ni Français ni Nigérien servit à renforcer cette extériorité.
211 Interview, Soudouré, 27 févr. 2008.
212 Interviews Soumana Idrissa, Gothèye, 1er nov. 2005 et 18 déc. 2009. Idrissa mourut dans un hôpital de Niamey le 6 février 2012 après une courte maladie. Email Abdoul-Rahamane Soumana Idrissa (son fils) à auteur, 3 septembre 2012.
213 Interview, Niamey, 23 févr. 2008.
214 Entretien de l’auteur et de Issa Younoussi avec Tahirou Ayouba Maïga, Niamey, 21 oct. 2011 ; email Issa Younoussi (avec des souvenirs personnels sur Issifi) à auteur, 5 août 2010 ; Maman, Répertoire biographique, vol. 1, 347-348.
215 Interviews Ali Amadou, Niamey, 31 janv. 2003 ; Amadou Ibrahim Diop, Zinder, 13 févr. 2003 ; Mounkaila Albagna, Niamey, 29 nov. 2003 et 19 oct. 2011 ; Kaîro Alfari, Niamey, 30 oct. 2005 ; Ali Issaka, Niamey, 29 févr. 2008 ; Seeda, no 6, sept. 2002 (interview Djibo Sékou dit Soumari Goudel).
216 Kwewum, The Story of Gambo Sawaba, 121, citant un entretien avec elle, (« Someone who [was] out to redeem … to lessen the hardship of people »).
217 Voir, ici, Pénel, « Abdoulaye Mamani », 146-147.
218 Interviews Ousseini Dandagoye & Mahaman Tidjani Alou, Zinder & Niamey, 11 et 24 févr. 2003.
219 Voir, d’une manière générale, Cohen, The Combing of History.
220 Voir par exemple la biographie de Diori par Salifou (Biographie politique de Diori Hamani), qui élude complètement la responsabilité de Diori dans les cruautés du régime.
221 Email Issa Younoussi à auteur, 26 oct. 2010, rapportant un entretien avec Tahirou Ayouba Maïga.
222 Interview, Niamey, 22 févr. 2008.
223 Le projet de Pascal était intitulé « Histoire du parti Sawaba 1954-1990 » et était censé être publié par la maison d’édition de « IBS » (Imprimerie Ibrahim Bawa Souley). En 2011, vieilli (77) et à moitié aveugle, il n’avait apparemment pas mené le projet à sa fin. Interviews Mamoudou Pascal, Niamey, 23 oct. 2011, et Moussa Tchangari, Niamey, 22-23 oct. 2011. Les mémoires de figures politiques comme Issoufou Djermakoye et Moumouni Adamou Djermakoye indiquent aussi un intérêt plus grand des Nigériens pour l’histoire postcoloniale de leur pays.
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