Chapitre 5. Fortunes déclinantes
p. 211-244
Texte intégral
1Bien qu’orchestrée, la défaite du « non » ne se réduisit pas à la correction d’un point de vue politique. Ses répercussions s’étendirent bien au-delà de l’influence rectificatrice que l’électorat nigérien aurait exercée sur un aspect de la politique gouvernementale. Depuis l’été, la stratégie de la métropole revenait à exiger une soumission sans réserve à un dessein constitutionnel qui devait légitimer la prise de pouvoir de de Gaulle et maintenir l’influence de la France au nord et au sud du Sahara, au moins pour le moment. Le fait que le Sawaba ait eu l’audace de s’opposer aux Français avait rendu nécessaire, au moins aux yeux de certaines personnalités clefs, son effondrement total. Tel était d’autant plus le cas que la métropole avait dû encaisser la perte de la Guinée, qui, comme on s’y attendait, avait voté « non », en partie grâce à l’emprise du parti de Sékou Touré sur le pays. Le 2 octobre, la Guinée devenait indépendante tandis qu’une France boursouflée de dépit quittait le pays. Cette rupture, non désirée du côté guinéen, était complète, car il fallait faire du pays un exemple négatif de ce qui pouvait arriver à tous ceux qui mécontenteraient l’illustre général1.
2Pour de Gaulle, l’humiliation qu’il considérait avoir subie de la main du chef de la Guinée impliquait également Djibo Bakary qui, à son avis, était « de connivence avec Sékou Touré2 ». Ce langage négatif révélateur mis à part, il est vrai que le Sawaba cultivait de nombreux liens politiques et syndicaux avec la Guinée et, comme nous l’avons vu au chapitre 3, il avait étroitement synchronisé sa position avec celle des Guinéens. Cependant, dans l’esprit de partisans de la ligne dure comme Soustelle, Lejeune et Michel Debré – qui devait bientôt devenir le premier chef de gouvernement de la Ve République – il fallait se débarrasser de Bakary surtout à cause de l’importance stratégique du Niger représentée par ses gisements d’uranium, sa proximité avec l’Algérie et sa résistance au projet d’un Sahara contrôlé par l’OCRS. Ces personnalités étaient proches des généraux français d’Algérie et considéraient le Nigérien qui avait osé dire « non » comme un dangereux agitateur qu’il fallait éliminer. On pense que Soustelle, en particulier, était au cœur de ces plans3. C’est avec ce contexte à l’esprit qu’il faut considérer l’hostilité vindicative des actions de Colombani.
3Ainsi, dès la mi-septembre, le gouverneur préparait déjà la chute du parti, et non pas seulement la défaite de la campagne du « non ». Houphouët-Boigny, ministre en métropole et leader de l’interterritoriale RDA avait, lui aussi, avant même le référendum, promis à ses alliés du Niger que le gouvernement Sawaba ne survivrait pas à une défaite du « non ». L’hostilité de Houphouët à l’encontre de Bakary datait de l’époque où le RDA avait rompu avec les communistes, et elle n’avait fait qu’empirer à la suite de l’essor du Nigérien comme étoile montante de l’ensemble rival du PRA4. La défaite du « non » avait, pour reprendre les mots de Foccart, « marqué » Bakary. Le fait qu’il restait en fonction comme Premier ministre du Niger et maire de Niamey représentait, selon Messmer, une « situation absurde et pleine de menaces » qui devait être résolue aussitôt que possible5. Trois jours avant la proclamation des résultats du référendum, le haut-commissaire affirma de façon hâtive que le gouvernement de Bakary devrait se démettre bon gré mal gré. Cependant, à ce moment-là, Messmer préférait encore régler l’affaire sans dissolution de l’Assemblée territoriale6.
4Pourtant, il y a de bonnes raisons de croire que les Français désiraient non seulement la déconfiture de Bakary, mais aussi la ruine du Sawaba. Dans tous les cas, une telle conclusion a dû apparaître assez rapidement. Au début, les Français, qui penchaient fortement pour un gouvernement dirigé par Diori, le leader du PPN, auraient poursuivi leurs tentatives de division du Sawaba en détachant Condat de Bakary, dans l’espoir que Condat soutiendrait la candidature de Diori – ce qu’il ne fit pas7. Puis, à la mi-octobre, le comité directeur du PRA exprima la crainte que les Français n’allassent jusqu’à dissoudre l’Assemblée elle-même8 – la source du pouvoir du Sawaba – et non pas seulement le cabinet. De fait, dans son rapport sur le référendum, qui fait partie d’un dossier daté du 25 octobre mais qui a dû être rédigé plus tôt9, Colombani note que la formation d’un nouveau gouvernement ne pouvait se faire qu’à travers la dissolution de l’Assemblée et, donc, la convocation de nouvelles élections. Deux jours plus tard, il ajouta que le Sawaba continuait à jouir d’un soutien considérable à l’Assemblée comme ailleurs, ce qui permettrait à un sawabiste modéré de diriger un nouveau cabinet10. Cela lui paraissait inacceptable dans la mesure où une telle évolution fournirait des capacités de blocage au Sawaba, mais aussi parce que les Français voulaient en finir avec un parti dont l’indépendantisme l’avait amené à s’opposer à leur projet de communauté11. Nul compte n’était tenu du fait que les députés et ministres Sawaba avaient déclaré, le 6 octobre, qu’ils acceptaient les résultats du référendum et étaient prêts à travailler au sein du cadre autonome de la communauté12.
5Comme le montre leur déclaration, les cadres Sawaba étaient toujours en butte aux harcèlements. À la suite du référendum, le Niger connut une vague d’affectations administratives, de renvois et de promotions. Les chefs traditionnels furent, en particulier, l’objet d’une purge politique, comme ce fut le cas – pour ne donner qu’un exemple – d’Aba Kaka (photo 5.1), devenu chef de canton de Bosso, près du Lac Tchad, et qui fut écarté, puis révoqué et finalement incarcéré13. Le PRA et le Sawaba se plaignirent tous deux des restrictions de liberté, de la terreur, de l’arbitraire, et du fait que le gouverneur se trouvait placé au-dessus des lois comme du temps de l’Indigénat14. Même si ces déclarations avaient certainement leur côté hyperbolique, on voit bien, par exemple, qu’à la suite de la dissolution du cabinet de Bakary (sur laquelle nous revenons plus loin), ses ministres africains reçurent immédiatement l’ordre d’évacuer leur résidence sous peine d’expulsion – en un contraste humiliant avec leurs collègues européens. Contrairement à la coutume, il ne fut pas permis au parti de diriger un gouvernement intérimaire15.
Photo 5.1 – Aba Kaka, Bosso, Lac Tchad, 2006.
6Les Français n’avaient cure du fait qu’en œuvrant à la chute du Sawaba, ils détruisaient aussi la seule entité qui, au Niger, ressemblait à un mouvement social moderne. Messmer voulait rétablir une emprise totale sur le pays16. Cela correspondait intimement aux vues de Colombani, qui déplorait « l’abandon administratif » en face d’un Sawaba qui étendait son organisation et construisait ainsi, à son avis, un gouvernement parallèle contre lequel ne se dressaient que des « forces divergentes et peu cohérentes17 ». En fait, l’idée selon laquelle le pays échappait à l’emprise française était très proche des conclusions de Marcel Boyer qui avait conduit l’enquête sur les émeutes d’avril et découvert un service de renseignements défaillant et des forces de sécurité échappant de plus en plus au contrôle des Français. Cependant, contrairement à Boyer, qui travaillait sous la supervision finissante de la IVe République, Colombani n’en appela pas à une accélération du départ de la métropole. Son rapport sur le référendum s’avéra plutôt être une rupture brutale avec le passé18, plaidant pour un engagement renforcé de l’administration, qui compterait sur les chefs pour se maintenir aux commandes. Exprimant une vision fortement ethnicisée du Niger, ce rapport révèle une conception de l’emprise des chefs qui, dans ses aspects caricaturaux et dépassés, rappelait le temps de Toby19 et ne pouvait prendre en compte un mouvement des forces sociales tel que celui incarné par le Sawaba. Dans ce contexte, Colombani affirma que la victoire du « oui » était largement due aux efforts des chefs, idée qui s’implanta fermement dans l’historiographie du Niger en dépit de son caractère erroné, puisque le « non » fut, en fin de compte, vaincu par des mesures prises par l’administration20.
7D’un point de vue formel, les résultats du référendum ne contraignaient pas Bakary à démissionner, et encore moins forçaient-ils les membres de l’Assemblée territoriale à rendre leur tablier. Techniquement, le gouvernement n’avait pas subi une motion de censure. Il avait exprimé sa volonté de continuer à travailler dans le cadre de la communauté et pouvait encore compter sur un soutien considérable au sein des députés, en dépit de la vague de défections dont il avait souffert. Ainsi, la déclaration du Sawaba du 6 octobre, une semaine après le référendum, réitéra la confiance de 33 députés pour Bakary et pour le président de l’Assemblée, Condat21. Néanmoins, ce chiffre a dû inclure au moins trois parlementaires qui n’étaient plus des soutiens solides du Premier ministre, puisque dix des 40 députés Sawaba22, la plupart d’entre eux issus du BNA, s’étaient déclarés en faveur du « oui » lors de la période menant au vote23. Le 1er octobre, le Comité d’entente franco-nigérienne pour le Oui de Issoufou Djermakoye et Bâ Oumar appela les Français à nommer un nouveau gouvernement. Le 6, ce comité fut transformé en parti politique en bonne et due forme – l’Union franco-nigérienne, UFN – dirigé par Djermakoye, l’ancien mutin Adamou Mayaki et Gaston Fourrier24. Fourrier était l’un des dix dissidents du référendum, comme Moha Rabo, député de Tahoua, qui démissionna officiellement du Sawaba le 9. Ainsi, à la mi-octobre, les services de renseignement français rapportaient que 34 députés exigeaient à présent la démission de Bakary de son poste de Premier ministre, mentionnant nommément six de ces dix (anciens) membres du parti25. Mais, considérant ce chiffre, au moins 14 (anciens) membres du parti ont dû porter leur concours au RDA (18), en plus de Adamou Mayaki et d’un député qui s’était, semble-t-il, désolidarisé du RDA26.
8Si la position de Bakary était à présent remise en question, il ne s’ensuivait pas que le Sawaba était au bout du rouleau en tant que parti parlementaire. À la fin octobre, Colombani estimait que le Sawaba pouvait encore compter sur 26 ou 27 représentants. Dans une assemblée parlementaire de 60 sièges, ceci impliquait que le parti détenait encore une majorité relative contre le RDA (18 députés), ceux qui étaient passés du côté de l’UFN des chefs (14 ou 15 députés en sus de Mayaki) et un indépendant – tant que ces derniers ne constituaient pas un front uni. Au regard des ambitions aiguisées par le poste de Premier ministre et des risques de perte de siège qu’impliquaient une dissolution de l’Assemblée et de nouvelles élections, une telle unité n’avait rien d’évident, et le Sawaba pouvait donc orienter ou bloquer la sélection du successeur de Bakary, d’autant plus que, selon les Français, plusieurs députés hors Sawaba ne s’étaient pas encore décidés sur la question d’un nouveau gouvernement27.
9Mais l’administration devait d’abord affronter Bakary lui-même. Avec un bloc solide de députés derrière lui, le leader du Sawaba avait, au départ, décidé de persévérer. Se référant au coup d’État du gouverneur commis le 19 septembre, il en appela à un retour de la légalité et déplora le harcèlement de ses cadres ainsi que les pressions exercées sur ses députés pour qu’ils abandonnent le camp de la majorité parlementaire. Des communiqués furent émis pour rappeler que seule l’Assemblée, et non le gouverneur, pouvait renvoyer le cabinet28. À la mi-octobre, lors de la réunion du comité directeur du PRA à Paris, Bakary protesta contre les tentatives de dissolution de son gouvernement29. Les jeunes militants protestèrent aussi contre les menées du gouverneur qui avait, de fait, placé leur parti hors la loi. Ils l’accusèrent d’avoir ordonné des expéditions punitives dans les régions qui avaient voté « non »30. Le fait que Colombani cherchait à pousser ses mesures contre le gouvernement jusqu’à la persécution judiciaire devint évident lorsque les accusations montées de toutes pièces contre des ministres – accusations ayant servi à légitimer le coup d’État et à immobiliser la campagne du parti – furent utilisées pour poursuivre Bakary, Saloum Traoré (ministre des Affaires sociales) et le ministre des Finances Diop Issa pour « graves détournements » de fonds31. En qualifiant de façon insultante Issa de plus remarquable des conseillers stupides, avides et surexcités de Bakary32, Colombani conféra à ces actions oiseuses – centrées sur des bagatelles comme l’usage des voitures et de l’essence – une touche de méchanceté.
10Du coup, le 6 octobre, les ministres et députés Sawaba en appelèrent à la fin du harcèlement et à la libération des personnes détenues pour raison politique33. Le jour suivant, la section nigérienne de l’UGTAN rencontra à Niamey des délégués syndicaux de Maradi, Zinder et Magaria afin de soutenir cet appel. Répondant à son comité directeur interterritorial à Conakry (au sein duquel Bakary était représenté), elle demanda à ses membres de se préparer à une « grève générale et illimitée » au cas où leur tribun serait forcé de démissionner34.
11Mais les circonstances avaient radicalement évolué depuis la grande époque de la suprématie du Sawaba. Comme les décrets de septembre étaient encore en vigueur, la grève, prévue pour le 9 octobre et qui dépendait des travailleurs du secteur privé, pouvait être facilement interdite35. Par ailleurs, alors que les autres partis criaient victoire sans entrave et laissaient libre cours à leurs ambitions, les sawabistes devaient à présent être sur leur garde36. Comme les personnalités politiques luttaient pour se placer avantageusement et que le RDA, en particulier, se préparait à la revanche et montrait une assurance toute neuve, Bakary n’était pas tiré d’affaire. Le 8 octobre, Boubou Hama (RDA), Issoufou Djermakoye (UFN), Zodi Ikhia (FDN) et Audibert de la Section nigérienne de l’association pour le soutien à l’action du général de Gaulle, envoyèrent un télégramme triomphal à la métropole exigeant la dissolution du cabinet et de l’Assemblée37. Les Français aussi ne voulaient pas faire la moindre concession, de peur que Bakary ne s’en serve pour leur rendre la monnaie de leur pièce. Comme le dit Messmer :
« [J]e ne veux pas faire de cadeaux à un homme qui cherchera certainement à prendre sa revanche. »
12La pression devint donc plus intense. Colombani invita Bakary à tirer les conséquences de la défaite du « non », ce qu’il rejeta38. Puis Messmer entra en contact avec l’interterritoriale PRA, représentée par les Sénégalais Senghor et Lamine Guèye, Hammadoun Dicko (Soudan), Jean Hilaire Aubame (Gabon) et Sourou Apithy (Dahomey). On ne sait d’où vint l’initiative, ni ce qui poussa le PRA à s’impliquer dans l’affaire. Les hommes en question eux-mêmes, parmi lesquels figurait également Hubert Maga du Dahomey, indiquèrent par la suite que l’initiative était venue de Messmer, qui aurait contacté Senghor par téléphone dans la soirée du 13 octobre39. Bien que les mémoires de Messmer ne se prononcent pas sur la question40, l’historien du PPN, Fluchard, suggère que l’initiative provenait des hommes du PRA qui se seraient rendus compte de la mauvaise passe dans laquelle se trouvait Bakary et voulaient aider autant que possible à recouvrer de l’influence du Sawaba41. Mais à ce stade déjà les jeunes du Sawaba se méfiaient de leurs mobiles, faisant remarquer que Senghor s’était tenu à l’écart de la rencontre entre Bakary et de Gaulle en août. Par ailleurs, en dehors des Guinéens, les autres sections territoriales du PRA avaient choisi de voter « oui ». Les jeunes sawabistes signalèrent donc que Senghor et les autres leaders du PRA tenteraient d’éliminer Bakary qui, en tant que secrétaire général, avait été la personnalité dominante du parti depuis Cotonou42. Mais si l’idée, pour les leaders du PRA, avait été de poignarder leur rival dans le dos, cette motivation fut apparemment contredite par les actions ultérieures de Senghor. De toute façon, une action de ce type affaiblirait la position du PRA en contribuant à réduire l’influence de sa section nigérienne. Senghor a peut-être engagé la manœuvre avec trop de légèreté, y voyant là une manière temporaire mais nécessaire de normaliser les relations entre la France et le Niger43.
13Étant donné les gens à qui ils avaient affaire, les hommes du PRA – qui ne disposaient d’aucun mandat pour négocier en faveur du Sawaba – avaient agi de manière fort cavalière. Du point de vue de la réalité politique, Bakary ne pouvait garder le poste de Premier ministre, mais le Sawaba représentait toujours un bloc de députés considérable. Sur cette base, les hommes du PRA conseillèrent à Cornut-Gentille à Paris, et à Messmer à Dakar, la formation d’un gouvernement d’union nationale au sein duquel tous les partis seraient représentés et qui serait dirigé par un autre membre du Sawaba – sans doute Condat – ou Issoufou Djermakoye. On a même indiqué qu’il avait été question d’un portefeuille pour Bakary lui-même44. Senghor, Guèye, Aubame, Apithy et Dicko rencontrèrent Messmer à Dakar dans l’après-midi du 14 octobre, en l’absence de Bakary, à la demande de Messmer semble-t-il mais plus probablement parce que le leader du Sawaba se trouvait encore à Paris. Les hommes du PRA conclurent un accord qui, apparemment, n’a pas été couché sur le papier. Senghor et ses lieutenants affirmèrent plus tard qu’il comportait la démission immédiate du gouvernement Bakary ; la convocation de l’Assemblée qui, tout en recevant la garantie de la neutralité du gouverneur, procéderait à un vote amenant tous les partis au gouvernement ; et la restauration de l’ordre constitutionnel. Guèye, Dicko et Maga se rendraient à Niamey pour convaincre Bakary de donner son accord. Cependant, Messmer se rappelle avoir écouté ces propositions sans s’engager, insistant sur le fait que, dans tous les cas, la démission de Bakary constituait une condition préliminaire et devait être obtenue avant toute chose. Colombani aussi exigea la démission sans condition de Bakary45.
14Ainsi, quelle que soit la haine des Français à l’encontre de Bakary, il ne s’agissait là que d’un prétexte pour en arriver à l’étape suivante46, la dissolution de l’Assemblée. Le leader du Sawaba affirmera, plus tard, qu’il s’était rendu compte du piège. Mais comme il voulait sauvegarder la position de son parti, il accepta de se démettre, à condition que le Sawaba nomme son successeur47. Il ne semble pas, cependant, que rien de tout ceci ait été couché sur le papier. Dans la soirée du 19 octobre, un mois après le coup d’État de Colombani, Guèye, Dicko et Maga arrivèrent au palais du gouverneur, à Niamey, pour assister à l’exécution de l’« accord » avec Messmer. Bakary, peut-être rassuré par leur présence et accompagné de Condat, remit sa démission. Les circonstances politiques ne lui laissaient pas le choix. Du point de vue légal, le procédé lui-même était insolite puisque le gouvernement aurait dû présenter sa démission au corps qui avait approuvé sa formation, l’Assemblée territoriale. Mais la règle constitutionnelle n’était pas en état de marche48.
Duperie et dissolution : l’Assemblée rompue
15Pour les Français, il ne restait plus, à présent, qu’à s’occuper de l’Assemblée. Cependant, plusieurs personnalités continuaient encore à prendre au sérieux l’option d’un changement de gouvernement sans dissolution de l’Assemblée ni élections législatives. D’autres misaient sur l’obtention du poste de Premier ministre pour eux-mêmes. Colombani permit, pour un temps, à ces manœuvres politiques de se poursuivre49, mais, en partie du fait de ses propres actions, un blocage apparut bientôt, lui donnant la possibilité d’orienter les événements dans le sens souhaité.
16Le RDA rejeta tout net le compromis d’un gouvernement d’unité nationale proposé par le PRA, tandis qu’à Paris, le ministre Cornut-Gentille était toujours résolu à éliminer purement et simplement le Sawaba de la scène politique. Afin d’assurer sa position, le parti mit George Condat en avant comme successeur de Bakary. Si Condat, un métis ancien combattant, bénéficiait d’une certaine sympathie à Paris, le RDA considérait qu’il avait été souillé par son implication dans la campagne du « non » et entrepris de le dénigrer auprès d’un envoyé métropolitain. Il soutint que le nouveau Premier ministre devait provenir du camp du « oui ». Le Sawaba mit alors en avant Maïtournam Moustapha, l’un des vice-présidents de l’Assemblée qui n’était pas très apprécié du noyau UDN depuis sa défection en faveur du « oui ». Il ne parut pas non plus soulever l’enthousiasme au niveau des autres partis. Même Gabriel d’Arboussier se positionna pour le poste, mais étant originaire du Soudan et métis, il ne séduisit pas les membres du RDA et encore moins la majorité des sawabistes. Selon Issoufou Djermakoye, le Sawaba aurait été jusqu’à lui offrir le poste de Premier ministre pour un an, à travers Maurice Camara, l’émissaire de Bakary. Les sawabistes semblent l’avoir accepté, quoique non sans difficulté car nombre d’entre eux l’accusaient de trahison pour avoir fait défection en faveur du « oui ». Sa candidature fut également rejetée par Hamani Diori du RDA50. Adamou Mayaki, qui avait déjà rompu avec le Sawaba en novembre 1957, aurait aussi été mis en avant, dans ce cas précis par des dissidents qui avaient lâché le Sawaba durant le référendum. Bakary lança un appel aux leaders politiques du Niger pour qu’ils s’élèvent au-dessus de leurs querelles afin de former un gouvernement de coalition. Tout ceci fut en vain car le RDA se considérait comme l’architecte de la victoire du « oui » et revendiquait la position de Premier ministre pour Diori, en dépit du fait que le parti était minoritaire à l’Assemblée. Le Sawaba, cependant, le tenait pour aussi marqué par sa position lors du référendum, que le RDA le faisait dans le cas de Condat51.
17Cette impasse était due, en partie, au fait que Colombani ne pratiquait nullement la neutralité qu’il affectait dans sa correspondance avec Cornut-Gentille et Messmer52. Comme Messmer se le rappela plus tard, le gouverneur encourageait discrètement mais activement les députés à présenter leur démission afin de déclencher une dissolution de l’Assemblée53. Le RDA, constatant que les Français préféraient que Diori succède à Bakary, et ayant observé la manière dont ils avaient géré le référendum, avait tout intérêt à ce qu’un scrutin fût imposé sous Colombani plutôt que de faire partie d’une coalition au sein de laquelle il ne serait qu’un parti minoritaire dépourvu d’influence. Dans ces conditions, il était difficile de mettre fin au blocage. Le 26 octobre, le bureau politique du Sawaba appela de nouveau la classe politique à s’élever au-dessus des querelles mesquines et à se rassembler dans un gouvernement d’unité nationale, tout en demandant encore une fois que ses cadres ne soient plus harcelés54. Un peu plus tôt, Maurice Camara avait courageusement averti Colombani, dans une lettre, que le parti ne se laisserait pas écarter de l’échiquier politique par des moyens non conformes55. Mais à vrai dire, depuis le 19 septembre, son champ de manœuvre était considérablement réduit. Même un sawabiste modéré comme Condat se souviendra, plus tard, qu’après le référendum, les arrestations et les interrogatoires se multiplièrent56, ce qui, sans réussir à abattre un parti enraciné aussi bien dans le monde syndical que dans les zones rurales, ne manqua pas d’entraver ses activités.
18D’un point de vue politique, l’appel du 26 octobre du Sawaba était donc un plaidoyer du faible57. À peine une quinzaine de jours plus tard, une délégation du PPN-RDA et de chefs ayant fait défection du Sawaba rendait visite à Houphouët-Boigny en Côte d’Ivoire. Œuvrant dans le sillage de leur première visite, au mois d’août, Houphouët s’attacha, à présent, à la mise au point d’un accord sur le partage des postes gouvernementaux. Le RDA, parti des « commis », et les représentants de la chefferie du Niger n’avaient guère d’atomes crochus et ne parvinrent que difficilement à s’entendre. Issoufou Djermakoye, à la tête de l’UFN nouvellement constituée, aurait préféré le puissant ministère de l’Intérieur ou la présidence de l’Assemblée. Néanmoins, en sa qualité d’opportuniste qui avait plusieurs fois changé de bord, il n’était pas en position d’être trop exigeant. Les ambitions de Diamballa Yansambou Maïga, l’intransigeant vice-président du PPN qui avait été au cœur des émeutes d’avril, se dressaient sur son chemin, ainsi que celles de Boubou Hama, le président du PPN. Par conséquent, on se mit d’accord pour que Diori, secrétaire général du PPN, devienne le président du Conseil de gouvernement (Premier ministre) et Hama le président de l’Assemblée, tandis que Djermakoye dut se contenter de la vice-présidence du cabinet et, comme promis, d’un futur ministère de la Justice. Maïga acquit le ministère de l’Intérieur58. Assuré de l’assistance franco-ivoirienne, cet accord à la va vite prévoyait, non sans arrogance, que l’alliance RDA-UFN – baptisée « Union pour la communauté franco-africaine », UCFA – sortirait victorieuse d’éventuelles élections.
19Colombani se hâtait de dissoudre l’Assemblée afin qu’un parlement nouvellement constitué puisse participer à l’élection du président de la Ve République59. L’élection, par les assemblées métropolitaines et coloniales, d’un nouveau chef d’État – de Gaulle bien entendu – était programmée pour le 21 décembre, et, étant donné les circonstances, elle n’allait être qu’une formalité. Afin cependant d’éviter toute atteinte à la légitimité de de Gaulle, elle ne devait être entachée d’aucun vote négatif. Une Assemblée territoriale qui ne serait pas dominée par le Sawaba paraissait donc plus sûre. Puisque le délai constitutionnel entre la dissolution de l’Assemblée et de nouvelles élections était de un mois, le gouverneur devait agir avant la troisième semaine de novembre60. Bien qu’il était aidé dans cette optique par des députés comme Adamou Mayaki, qui démissionna de l’Assemblée le 761, de nombreux parlementaires n’avaient guère envie de suivre cet exemple. Le 27 octobre, Colombani envoya à Messmer et Cornut une motion signée, selon ses dires, par 33 députés appelant à la dissolution de l’Assemblée62. Si cette motion, datée à la main du 23 octobre, contenait au moins 32 noms reconnaissables, cette action était prématurée puisque, le 7 novembre, le gouverneur dut reconnaître qu’on ne pouvait compter que sur 29 députés sur 6063. Il lui fallut une semaine encore avant de pouvoir fournir 32 − ou 3164 − noms. Nombreux, parmi ces députés, étaient ceux qui avaient subi des pressions, reçu de l’argent ou été victimes de tromperies. Selon des chefs qui avaient lâché le Sawaba, Colombani fit venir les parlementaires hésitants à son palais pour les convaincre ou les intimider. Dans certains cas, les députés ou leurs parents furent menacés de la perte de leur position de chef ou d’affectations à des postes lointains de l’administration territoriale. Le journaliste Chaffard affirme que plusieurs députés illettrés furent amenés à signer une lettre de démission dissimulée au milieu de formulaires de paiement d’indemnités. Des transfuges du Sawaba admirent que certains prirent l’argent de Pierre Vidal ou reçurent la promesse de nouvelles fonctions. Dans deux cas au moins, les démissions furent suivies de nominations à des postes importants dans l’administration65. Comme nous l’avons vu, Messmer confirma par la suite l’implication de Colombani, sans néanmoins entrer dans les détails de son action. Cependant, plusieurs démissions de députés paraissent on ne peut plus suspectes. 17 au moins furent établies sur des formulaires identiques et n’étaient vraisemblablement pas des actes individuels de démission66.
20Mais tout ceci importe peu, car la validité légale de ces démissions ne peut être établie. Contrairement à ce que requerrait la procédure parlementaire, les lettres n’avaient pas été adressées à la présidence de l’Assemblée mais à Colombani, qui, le 13 novembre, les envoya à Cornut-Gentille, à Paris. Le lendemain, Cornut soumit au gouvernement métropolitain un projet de dissolution de l’Assemblée du Niger et d’organisation d’élections pour le 14 décembre. Les lettres de démission n’arrivèrent à l’Assemblée territoriale elle-même qu’au cours de l’après-midi, aux fins d’enregistrement pour le lendemain matin, 15 novembre. À ce stade, le président de l’Assemblée et les autres députés se trouvaient mis devant le fait accompli. Le gouverneur avait postdaté la lettre accompagnant les démissions du 13 afin de légitimer son action. Il prétendra plus tard que cette peu ordinaire tournure des événements résultait de l’absence du président de l’Assemblée, affirmation rejetée, cependant, par Condat. Dans tous les cas, Colombani n’avait pas cru bon d’aviser dans les délais, en ses lieu et place, les vice-présidents de l’Assemblée ou sa commission permanente – dont l’un des membres, Ousmane Dan Galadima, était, de toute façon, encore en prison. En fait, le gouverneur et le ministre de la France d’outre-mer avaient déjà commencé à s’occuper de logistique électorale le 9, soit quatre jours avant que l’assemblée parlementaire du Niger ne soit congédiée67.
21L’interterritoriale PRA fut scandalisée. Senghor, en particulier, était furieux, selon toute probabilité parce qu’il avait l’impression que sa réputation était en jeu, ayant aidé à convaincre Bakary de se démettre en vue de la formation d’un gouvernement d’union nationale. Le 19, Senghor et Lamine Guèye tinrent une conférence de presse à Paris. Les deux Sénégalais, tous deux pro-français, se livrèrent à une critique cinglante des actions françaises depuis la mi-septembre. Ils accusèrent les Français d’avoir commis des actes immoraux et des illégalités flagrantes, se référant à la suspension du gouvernement de Bakary le 19 septembre et à la dissolution de l’Assemblée en violation de l’accord entre Messmer et le PRA sur un gouvernement unissant tous les partis. Exposant les mesures introduites par Colombani, ils l’accusèrent de duperie et de tricherie et le rendirent responsable de l’instauration d’un régime d’arbitraire et de terreur. Les principes les plus élémentaires de la démocratie avaient été violés et les représentants de la République française avaient manqué à leur parole d’une manière qui révélait un choquant « mépris des principes moraux sur lesquels se fondent les rapports entre les pays ». Il y avait là de quoi mettre en question leur confiance dans cette communauté que les Français s’évertuaient à établir. Les hommes du PRA refusèrent de croire que ces manœuvres avaient pu être accomplies sans la bénédiction de Messmer et du ministre de la France d’outre-mer. Cependant, comme cela était généralement le cas avec les politiciens de l’Afrique française, ils affirmèrent ne pas croire que de Gaulle lui-même avait été au courant de la combine – ce qui, comme nous l’avons vu, était pour le moins discutable68.
22Colombani répondit à ces critiques avec une tranquille insouciance. Il se contenta de ressortir les accusations montées de toutes pièces dont il avait accablé Bakary en septembre, tout en s’assurant que la chose ne fût pas rendue publique au Niger même, où cela pouvait déchaîner encore plus les passions69. Entre-temps, Lamine Guèye était reçu par de Gaulle. Il réitéra les demandes du PRA exigeant que des instructions soient données pour des élections libres et honnêtes. Plus spécifiquement, une commission électorale devait superviser le déroulement du scrutin. Le général de la France aurait donné sa parole70.
Élections
23Mais les Français n’avaient nullement l’intention d’agir de la sorte. Jacques Soustelle, figure clef de la ligne dure, ministre de l’Information en métropole, fit comprendre qu’« en raison des oppositions qui agitent actuellement le Niger, la prochaine consultation électorale dans ce territoire [serait] suivie par le gouvernement avec une vigilance particulière71 ». Au lieu de mettre en place une commission indépendante, les Français confièrent le contrôle du scrutin, comme lors du référendum, à un membre du système judiciaire – dans le cas d’espèce, le président de la cour d’appel de Cotonou. Colombani notifia les administrateurs français qu’ils devaient observer une neutralité stricte au cours des élections qui allaient avoir lieu. Cependant, comme ces ordres avaient été rendus publics, et en prévision de ce qui allait se produire en réalité, il est probable qu’ils faisaient partie d’une opération de relations publiques destinées à camoufler l’implication de l’administration72. Ainsi, au moment même où le gouverneur envoyait à ses subordonnés une correspondance interdisant l’usage des véhicules de l’administration aux fins de campagne, le bureau politique du Sawaba se plaignait déjà du fait que ces véhicules avaient été déployés pour des tournées effectuées par des membres de l’administration et de l’alliance UCFA73. Même Fuglestad admet, dans son apologie du gouverneur, que ses ordres étaient restés « dans une certaine mesure » lettre morte74.
24Dans un tel contexte, la mesure d’interdiction des réunions publiques promulguée en septembre pouvait être appliquée de manière partisane, comme l’indique un télégramme ambigu de Colombani qui, tout en mettant l’accent sur la liberté d’association, soulignait que les rassemblements pouvaient être prohibés s’ils menaçaient l’ordre public ou se tenaient sur la voie publique75. C’est le Sawaba, plutôt que l’UCFA, qui allait se plaindre à maintes reprises d’embûches rendant impossible la tenue de ses rassemblements : interdiction, menace de dispersion. En même temps, les représentants de l’UCFA et les administrateurs français en appelaient publiquement à la proscription des rassemblements du Sawaba ou exprimaient le désir de les voir interdits – au point, quelques fois, d’amener Colombani à leur demander d’être plus mesurés dans leurs propos76. Mais les souvenirs des quelques mois écoulés étaient encore frais dans les mémoires, si bien que chaque agent de l’administration était bien conscient de ce que le gouvernement français réservait à un mouvement qui s’était (au moins du point de vue gaulliste) refusé à collaborer avec la Ve République. Le parti de Bakary, qu’il fallait écraser complètement, était dans la ligne de mire77, si bien que les premières prévisions le donnaient perdant aux élections. À la mi-novembre, les services de renseignement français avaient la certitude que le parti serait « largement battu », ce que Colombani répéta sous forme de prévision une semaine avant le scrutin. Rétrospectivement, les Français concluront que les élections n’avaient rien produit d’inattendu78. Dans ce contexte, les instructions orales suffisaient à guider chefs et administrateurs dans la direction voulue, ce dont le Sawaba se douta tout au long de la campagne79.
25Les élections menaçaient ainsi de devenir une réédition du référendum, mais de façon plus violente80 puisque le RDA sentait que la victoire était à portée de main et qu’il pourrait tirer vengeance du passé, tandis que le Sawaba, de son côté, allait devoir se battre pour sa survie. Les remarques de Soustelle avaient causé une grande agitation au sein des milieux sawabistes81, mais les militants du parti étaient résolus à en découdre. Maïga Abdoulaye, ancien ministre de la Fonction publique, fut nommé directeur de campagne82. Le premier obstacle à franchir fut de mettre au point une liste de candidats, en sachant que le parti ne disposait que de neuf jours pour y arriver et les mesures de Colombani avaient rendu les regroupements plus compliqués. En conséquence, le parti ne put établir une liste complète. Ses candidats de Dosso, Dogondoutchi, Niamey, Filingué et Tillabéri – toutes zones où, en dehors de la capitale, sa présence était faible ou contestée – étaient tous des nouveaux venus, alors que les défections qu’il avait subies le privaient de candidats à Nguigmi et Agadez. Étant donné la fraude massive qui s’était produite à Tahoua au moment du référendum, Bakary substitua Maradi à Tahoua, escomptant mieux tenir sa base parlementaire dans cette ville. Une solide équipe sawabiste comprenant Condat, Sallé Dan Koulou, Diougou Sangaré, Hima Dembélé et Aboubakar dit Kaou, fut mise en place pour les élections à Tessaoua, localité qui, à la suite du référendum, était apparue comme un bastion clef du Sawaba qui y bénéficiait, au demeurant, du soutien des scolaires. En tout, le Sawaba lança cinq anciens ministres dans la bataille alors que la majorité de ses militants (UDN) s’était engagée dans les luttes qui s’annonçaient. La sélection des candidats révèle que la stratégie adoptée consistait à abandonner les régions de l’Ouest (Téra excepté) en faveur de celles du Centre et de l’Est. Avec Bakary menant campagne à Maradi, Condat se présentant à Tessaoua et Mamani se battant à Zinder, les affrontements y trouvèrent leur point d’orgue. Pour les Français, les meilleures chances du Sawaba se seraient trouvées à Tessaoua et Maradi83.
26Si Zinder n’a pas été mentionné, c’est peut-être parce que Hamani Diori avait décidé de s’y présenter, plutôt qu’à Niamey. Assisté des candidatures d’un fils du Sultan, Yacouba Siddo et du transfuge français du Sawaba Robert Dumoulin, il espérait évincer Mamani du cœur même du soutien au Sawaba. Le RDA, qui jouissait de fort peu de soutien à l’est de Dogondoutchi, pouvait aussi y gagner l’envergure nationale que se devait de posséder un parti de gouvernement. L’UCFA semble avoir bénéficié d’une connaissance anticipée de la dissolution de l’Assemblée et put soumettre une liste de 60 noms au 21 novembre, c’est-à-dire un candidat proposé pour chaque siège. La coalition forgée en Côte d’Ivoire était fondée sur des listes conjointes par circonscription ainsi que sur un pacte qui amenait le RDA à présenter 31 candidats, les chefs 18, l’UFN huit, et les autres formations alliées, trois. Cependant, 30 candidats en tout représentaient les intérêts des chefs ou appartenaient à des familles cheffériales. Avec neuf Français se présentant pour la députation, l’alliance UCFA représentait un pas en arrière, permettant un retour de l’influence métropolitaine à travers une résurrection de la puissance des chefs, quoique, cette fois-ci, en alliance précaire avec les « commis » du RDA qui étaient, pour la plupart, des talakawa. La coalition UCFA présentait ainsi des fractures potentielles desquelles le Sawaba espérait bénéficier. Mais, comme nous l’avons noté au chapitre 1, nombre des premiers « commis » qui avaient milité pour le RDA provenaient de familles cheffériales (voire princières), une réalité qui raffermissait la nouvelle coalition, au même titre que le passé commun d’opposition au « petit peuple84 ».
27Lors d’une visite au Niger en début décembre, Léopold Sédar Senghor essaya en vain d’organiser un rapprochement tardif entre le RDA et le Sawaba, puis il participa à la campagne du Sawaba. Le parti essaya aussi de mobiliser le soutien du Ghana, qui reçut une demande de 25 millions de francs de Bakary, en vue d’aider à rétablir sa position. Les Français s’attendaient à le voir se rendre au Ghana avant le scrutin (la All-African People’s Conference allait y prendre place) en compagnie de Ganda(h) Djibo, son ancien secrétaire privé et de Koussanga Alzouma, son adjoint lors de son passage au ministère de l’Intérieur85.
28Sans surprise, les ressources mises à la disposition du RDA étaient infiniment plus vastes. Comme lors du référendum, la Côte d’Ivoire fournit des véhicules, de la main-d’œuvre et – selon le Sawaba – des fonds, en plus des propagandistes et des gendarmes qui arrivèrent via la Haute-Volta. Bakary protesta, auprès de Colombani, contre le fait que trois camions de gendarmes et de gardes étaient arrivés de Haute-Volta et il lui demanda d’éloigner des opérations de campagne électorale les Ivoiriens en arme. Le gouverneur ne démentit que l’accusation d’introduction illicite d’armes. La campagne de l’UCFA fut autorisée à utiliser les véhicules administratifs ainsi que des véhicules venus du Nord Nigeria86. Ces derniers étaient un résultat de la campagne énergique menée par le Sarki du Gobir et par Bouzou Dan Zambadi, le Sarkin Katsina de Maradi. Ainsi que nous l’avons vu au chapitre 3, les leaders religieux du Nord Nigeria avaient encore de l’influence dans ces régions. Ainsi, les Sarakuna bénéficiaient de leurs connexions avec les autorités cheffériales nigérianes. Ces dernières devaient être plus enclines à se lier avec les gens de l’UCFA à présent que Bakary avait perdu de sa superbe et que leurs propres opposants de la NEPU s’étaient alliés avec le Sawaba, alliance consolidée par des contacts établis lors de la AAPC87. Comme les Nigérians et les Nigériens des zones frontalières votaient parfois dans les élections de l’un ou l’autre pays, Colombani ordonna à ses subordonnés de laisser les véhicules du Nigeria traverser la frontière sans entrave – véhicules qui, sans doute, transportaient les gens aux lieux de vote, ou pouvaient être utilisés pour la campagne de l’UCFA. Le Sawaba protesta avec véhémence, accusant le Sarki du Gobir de recruter des yan banga, des voyous du Nigeria, pour des bagarres, et dénonçant la distribution de bulletins de vote aux Nigérians ainsi que leur transport vers des bureaux de vote88. Une pratique similaire aurait eu lieu à Magaria, impliquant Dumoulin et Djermakoye89. Par contraste, les véhicules de la campagne du Sawaba étaient souvent bloqués. Un mécanicien travaillant pour un service gouvernemental fut notamment réprimandé pour avoir réparé la voiture du candidat du Sawaba Laro Sako, ce que le commandant de cercle de Tahoua considéra comme un acte politique90.
29L’UCFA s’engagea dans la bataille électorale avec le symbole du RDA (l’Éléphant), la couleur jaune – qui avait marqué la campagne du « oui » – et des photographies de de Gaulle, en violation de la réglementation91. L’impression donnée par tout cet appareillage fut que les élections étaient un autre référendum, ce qui ne contribua guère à détendre l’atmosphère. La campagne de l’alliance prolongeait donc celle qui avait été menée pour le plébiscite. Diori et Djermakoye essayèrent de tirer parti au maximum de l’appel du Sawaba pour l’indépendance, faisant une déclaration qui soulignait la nécessité d’éliminer le parti qui avait tenté d’exclure le Niger de la communauté avec la France. Une victoire du Sawaba mènerait à une dictature marxiste entachée de terreur. Bakary protesta contre les tentatives de stigmatiser son parti comme étant anti-français et en appela à de véritables élections législatives au lieu d’une répétition du référendum. Son parti riposta en taxant le RDA de groupe ayant succombé aux séductions de l’argent. Dans une tentative plus directe d’acquérir des électeurs, le Sawaba aurait promis aux agriculteurs une augmentation du prix de l’arachide qui était alors en période de commercialisation92. En dehors de ces échanges, il ne semble pas y avoir eu de débats portant sur des questions de programme politique. La campagne se développa plutôt autour de l’affrontement des forces politiques dominantes, indiquant clairement aux électeurs que les puissances tutélaires se trouvaient du côté de l’UCFA. Dans ce contexte, le Sawaba ne pouvait mener – comme au référendum – qu’une campagne modeste, diffusant son message surtout par le bouche-à-oreille. Nous ne disposons pas de données nous permettant d’évaluer l’effet du référendum sur l’attitude des gens, ni celui de l’humiliation subie par le Sawaba depuis septembre, ni non plus celui du soutien fourni par les chefs et l’administration à l’UCFA. Mais le passage du Sawaba au pouvoir avait été probablement trop bref pour compenser ces revers, d’autant plus que nombre des décisions prises en faveur de ses sympathisants avaient été annulées. Le parti n’avait plus qu’à espérer que les loyautés établies demeureraient inébranlables et que la couche sociale qui formait sa pierre angulaire – le petit peuple et groupes proches – persévérerait dans son allégeance. Cependant, le petit peuple était minoritaire et, de manière générale, les électeurs sentaient probablement qu’ils devaient surveiller leurs arrières étant donné la campagne impérieuse des chefs et de leurs commanditaires métropolitains93.
30La répression accentua l’importance de ce fait. Au début de la campagne, le Sawaba protesta contre la pluie d’affectations qui s’abattit sur ses cadres, nombre desquels furent mutés loin de leur région d’origine. Abouba Yattara, un petit fonctionnaire originaire du Soudan et établi à Gothèye, aurait été « parachuté » à Zinder, environ 1 000 km à l’est. Bakary se plaignit auprès du gouverneur du fait qu’une vingtaine de cadres de son parti avaient été mutés pour des raisons politiques, tandis que les sociétés privées avaient commencé à licencier les employés soupçonnés d’accointances sawabistes94. De plus, informa-t-il ses amis ghanéens, plusieurs de ses militants se trouvaient en prison95. À en juger par les plaintes déposées au niveau de l’administration, des personnes battant campagne furent effectivement arrêtées – bien que les nombres n’aient pas été massifs. Il y eut aussi des menaces d’incarcération, des interrogatoires, des consignes à demeurer à disposition de la gendarmerie, des accusations portant sur des amendes arbitraires. Ceux qui battaient campagne pour l’UCFA ne se plaignirent de rien de tout ceci. L’objectif aurait été de provoquer des défections, de décourager la campagne (du Sawaba) et de punir la participation aux bagarres96.
31En ce qui concerne les conditions dans lesquelles se déroula la campagne, nous disposons de plus de données que dans le cas du référendum. Le Sawaba bombarda l’administration de lettres et télégrammes sur les pratiques de campagne de ses adversaires. Ces messages, en plus de communications préparées par des administrateurs, furent recueillis par un inspecteur métropolitain qui avait été chargé d’observer le scrutin, avant d’être par la suite déposés aux archives coloniales françaises97. On verra, dans la section suivante, les difficultés rencontrées par le Sawaba lors de sa campagne : ici, nous nous concentrons sur les chefs et les administrateurs qui jouèrent un rôle important dans les activités de campagne et dans la persécution des militants du Sawaba – deux actions qui allaient de pair. Les commandants de cercle auraient organisé des réunions pour garantir la protection du gouvernement aux chefs de canton. Les chefs s’activèrent donc en faveur de la cause de l’UCFA, sous couvert des candidatures de certains d’entre eux qui avaient été désignés lors d’une réunion de l’Association des chefs, au cours de la seconde moitié du mois de novembre. Ainsi, le commandant de cercle de Magaria reconnut que les chefs de la région qui n’étaient pas candidats aux élections menèrent vigoureusement campagne pour l’UCFA98. Le chef de subdivision de Tanout signala aussi à Colombani que le chef de canton rendait visite aux chefs de village mais ne menait pas ouvertement campagne, si bien qu’il préférait ne pas lui donner l’ordre de rentrer en ville99. Cette ambiguïté créait un champ de manœuvre assez large permettant aux chefs d’utiliser leurs fonctions (par exemple les tournées officielles) pour faire pression sur les électeurs sans laisser de traces documentées pouvant mettre en évidence la responsabilité des Français. L’administrateur de Tanout télégraphia à Colombani, non sans hypocrisie, qu’il « ne [pouvait] être rendu responsable rapprochement chefferie RDA et il [était] impossible d’interdire à l’électeur manifester opinion personnelle en raison de sa parenté avec chefs. Il ne s’agit pas donc intimidation électeurs100 ».
32Cependant, des chefs de canton de la région de Tessaoua auraient admis que le commandant de cercle du cru leur avait dit de s’en prendre aux militants du Sawaba. Le chef de canton de Mayahi, par exemple, aurait donné l’ordre de pourchasser tout sawabiste de son canton. La violence physique, les brimades et l’intimidation furent mises en œuvre au nom des chefs par leurs auxiliaires, les dogari. Les chefs prétendent avoir reçu des instructions à cet égard lors d’une réunion de l’Association des chefs à Niamey, ou même de la bouche du gouverneur en personne. Par exemple, comme les Français le reconnurent eux-mêmes, à Miria, à l’est de Zinder, le militant sawabiste Abdou Kankoura fut malmené par un représentant du chef de canton sans que ce dernier intervienne101. Les harcèlements et les provocations se firent souvent sous prétexte de maintien de l’ordre public. À Miria, les gardes de cercle mirent fin à un meeting du Sawaba parce que ses organisateurs avaient usé d’un haut-parleur sur la place du marché, et à Karofane, au nord de Madaoua, le commandant de cercle voulut interdire un meeting « en raison » – ainsi qu’il le câbla au gouverneur – « intention que m’ont manifesté candidats Sawaba créer des troubles si étaient gênés pour liberté de parole par propagandistes adverses102 ». Partout, les gardes-cercle auraient été dépêchés avec des bulletins UCFA103. Les chefs de Maradi et des environs étaient particulièrement actifs, peut-être parce que Bakary se présentait dans cette circonscription104. Les chefs du Gobir se seraient réunis à Tibiri, près de Maradi, le 26 novembre, sur l’initiative de Bouzou Dan Zambadi, afin d’organiser le harcèlement des cadres du Sawaba, harcèlement qui se poursuivit plusieurs jours durant, apparemment. Zambadi lui-même aurait ordonné la persécution de quiconque clamerait des slogans du Sawaba. Sur ses instructions, une unité de commandos armés aurait été mise en place pour pourchasser les activistes105. Le Sultan de Zinder, dont le fils se présentait aux côtés de Diori, mena une intense campagne de propagande pour l’UCFA au cours de plusieurs sorties, et il fut accusé, de concert avec le chef de Miria, de harcèlements et d’intimidation de militants du Sawaba. Il avait fait vœu d’expulser les représentants du parti de la région. Dans la zone de Golé, au sud de Dosso, Issoufou Djermakoye et Diori auraient également menacé les électeurs de déportation s’ils votaient Sawaba106.
33Dans ces circonstances, les administrateurs français pouvaient souvent se contenter de rester passifs devant les actes de violence107. Mais ils intervinrent eux aussi directement dans la campagne, parfois avant même son lancement officiel, comme à Maradi, Say et Niamey, et souvent, sous couvert des responsabilités logistiques liées aux élections108. Le chef de subdivision de Tanout fit une tournée pour rétablir le contact (le télégramme ne dit pas avec qui) et contrôler l’organisation des bureaux de vote, rejetant au passage les allégations du Sawaba à propos de l’assistance apportée au RDA109. Mais en mettant en place les commissions chargées d’organiser la distribution des cartes d’électeurs, le chef de subdivision de Maïné-Soroa reconnut qu’il avait essayé de combattre de fausses rumeurs répandues par des animateurs de la campagne du Sawaba110. L’administrateur de Maïné aurait autorisé les instituteurs, les infirmiers et les chefs de canton à aller en tournée de campagne. Il fut accusé – ainsi que son collègue de Madaoua – de tenir des meetings électoraux au profit de l’UCFA. À Zinder, les sawabistes accusèrent l’inspecteur de police Roger de distribuer des portraits de de Gaulle, qui étaient également détenus par Djermakoye et ornaient généralement les véhicules de l’UCFA111. Pierre Brachet, commandant de cercle de Maradi, aurait ordonné à des chefs de village de molester les militants du Sawaba ou toute personne clamant des slogans ou tentant de tenir un meeting de ce parti. Il fut accusé – ainsi que ses chefs de subdivision – d’accomplir de nombreuses sorties dans l’arrière-pays (pour raisons de propagande). Brachet, le Sarkin Katsina et des administrateurs de la région de Dakoro, auraient contraint des adhérents du Sawaba à abandonner le parti. Ils présentèrent leurs activités comme des tournées administratives de routine, ou comme des visites rendues aux chefs aux fins de discuter de questions de logistique électorale, et démentirent toute pratique d’intimidation. Mais le chef de subdivision de Dakoro aurait menacé la population de l’abandon de la France au cas où elle voterait Sawaba, ce qui entraînerait des conséquences économiques désastreuses. Il aurait aussi intimidé des personnes battant campagne, les menaçant d’arrestation et imposant des amendes arbitraires112.
34Dans la région clef de Tessaoua, le commandant de cercle, Périé, s’activa en faveur de l’UCFA, faisant la tournée dans son cercle pour dire aux chefs d’user de tous les moyens de répression contre les cadres du Sawaba. Périé aurait décrit le Sawaba comme un ennemi de la France et aurait essayé d’intimider ses adhérents afin qu’ils abandonnent le parti. Le commandant de cercle démentit toute imputation de campagne en faveur de l’UCFA, nia avoir attaqué le Sawaba, déclara n’avoir pas incité à la violence et affirma (faussement) que la région était calme et qu’il n’y avait eu que quelques blessés au cours des opérations de campagne électorale. Mais tout en assurant que ses tournées entraient dans le cadre de visites de courtoisie liées à sa prise de fonction, il reconnut avoir parlé avec les chefs de « la situation née du Référendum113 ». Par ailleurs, lors d’une rencontre avec Condat et Senghor, Périé aurait été jusqu’à insulter le président de l’Assemblée et son partenaire sénégalais. Ces allégations peuvent avoir une part de vérité, puisque Périé avait été nommé avec pour mission de réaffirmer l’emprise française après que son prédécesseur, marsan, ait été incapable d’empêcher une victoire du « non » au référendum. La même chose se produisit à Nguigmi, où le commandant de cercle fut remplacé par Laroza114.
35En général, les administrateurs n’avaient guère besoin d’encouragements pour importuner un parti dont les cadres militants avaient vilipendé les bureaucrates coloniaux. Dès lors, Colombani se trouvait dans la posture confortable de n’avoir qu’à refréner de temps à autre leur enthousiasme, comme lorsque le commandant de cercle de Madaoua voulut porter plainte pour diffamation contre Bakary après les élections115. Il en fut de même pour le cas du chef de subdivision de Tanout à qui il fut notifié de ne pas se mêler de propagande électorale bien que Colombani ait ajouté, de façon ambiguë, qu’il devait se déplacer pour organiser les lieux de vote. Peu enthousiaste – tout comme le commandant de cercle de Magaria – à propos de l’avis appelant à refréner les chefs, il se contenta de leur demander de tempérer leur propagande116. Mais pour tâcher d’éviter un effondrement complet de l’ordre public, les administrateurs essayèrent parfois de contenir l’appétit de vengeance des chefs à l’encontre du petit peuple qui leur avait naguère taillé des croupières. Ainsi, le commandant de cercle de Konni écrivit à son chef de canton pour lui intimer de ne pas interdire l’accès de la mosquée aux personnes non affiliées au RDA, puisqu’une telle mesure avait toutes les chances de provoquer des troubles. Le chef de canton de Tirmini, près Zinder, aurait obligé ses talakawa à jurer sur le Coran qu’ils voteraient pour le RDA117.
Pistolets et isoloirs : en campagne dans des conditions de harcèlement
36Dans ces circonstances, le Sawaba ne pouvait pas mener une campagne normale. Par contraste avec les plaintes déposées par l’alliance UCFA, ses protestations devaient constituer un épais dossier, constamment nourri par les télégrammes que ses militants envoyaient pour rendre compte des vexations subies. Les Français prétendirent qu’il ne s’agissait là que d’une stratégie permettant de monter un dossier pour recours contentieux, et ils rejetèrent plusieurs accusations tout en ignorant simplement le reste. Mais la régularité et le caractère systématique des protestations, jusqu’aux derniers jours de la campagne, leur confère, dans le contexte général du moment, une crédibilité particulière118. Au reste, ces protestations éclairent d’un jour exceptionnel la nature violente de la campagne électorale vers la fin de la période coloniale.
37La plus grosse difficulté provenait du bannissement des lieux traditionnellement dévolus aux meetings politiques – marchés, mosquées, places publiques –, si bien que s’il voulait se faire entendre, le parti était obligé de se rendre vulnérable aux interventions policières. Les gardes-cercle patrouillaient dans les villages pour faire obstruction aux meetings du Sawaba, et comme les chefs se sentaient rassurés par le retour de la protection française, le rapport des forces avait un peu partout évolué en faveur d’autorités « traditionnelles » qui incitaient à présent la population à virer de bord, rendant ainsi le parti vulnérable à un accueil hostile119. Mais le parti ne pouvait pas se laisser toujours intimider et les leaders comme les militants se sentirent contraints de payer à plusieurs occasions de leur personne pour la cause.
38Par conséquent, et contrairement au temps passé, les candidats du Sawaba subirent de façon régulière les huées, les lazzis ou pis120. Le 27 novembre, le comité Sawaba de Tessaoua écrivit à Colombani, exigeant que les opposants arrêtent de caillasser les véhicules du parti avec du sable et des pierres et menaçant d’avoir recours à des contre-mesures si rien n’était fait à ce sujet121. En dehors de l’humiliation liée aux revers manifestes de fortune du parti, ces incidents pouvaient facilement dégénérer en troubles plus graves. Par exemple, lorsqu’un sympathisant UCFA hua des activistes en campagne arrivant en voiture dans la région de Madaoua, le candidat Sawaba Abdou Doka aurait saisi le coupable à la gorge et aurait, dans sa rage, déchiré sa chemise, le menaçant avec un couteau, tandis que ses compagnons s’occupaient de leurs adversaires politiques. Une personne fut blessée122. Comme l’incident le montre, les militants du Sawaba prenaient la précaution de s’armer. Ceci était non seulement compatible avec une tradition d’agitation révolutionnaire et une familiarité avec les bagarres, mais constituait aussi une réponse logique au fait que le rapport des forces avait drastiquement changé en défaveur du parti. Comme nous le verrons plus loin, les leaders du parti en particulier étaient inquiets à propos de leur sécurité personnelle.
39Ainsi, à travers le pays, le Sawaba dut affronter des obstacles qui, bien trop souvent, menèrent à des incidents. On empêcha les délégations du parti d’entrer dans des villes et des villages, des voitures furent endommagées ou contraintes de quitter la route, des meetings furent interdits ou perturbés. L’UCFA avait en fait voulu qu’on interdise à Bakary, Diop Issa et Saloum Traoré de se présenter aux élections du fait des actions en justice intentées contre eux pour détournement de fonds à l’époque du référendum. Une telle mesure n’avait cependant aucun intérêt pour Colombani, qui voulait que le tribun du Sawaba soit défait de manière crédible, sur le champ de bataille123. Si le Niger occidental paraît avoir été relativement calme, du fait de la prédominance générale du RDA, il y eut des troubles dans la vallée du fleuve ainsi que dans les secteurs de Gaya, Konni et Margou. Dans la nuit du 26 novembre, une rixe éclata à Gothèye, un bastion du Sawaba, après quoi les sawabistes furent mis aux arrêts et emmenés à Téra. Dans les zones de Gaya, Konni et Margou, il y aurait eu des incidents suscités par Djermakoye et d’autres chefs. La tournée que Senghor fit en faveur du Sawaba, y compris dans les régions de Tessaoua et Madaoua, semble y avoir conduit à une recrudescence d’affrontements. Le comité UCFA de Tessaoua se plaignit de la présence de cet « agitateur » et d’autres candidats de l’UCFA voulurent le chasser124.
40Les troubles les plus sérieux se produisirent en fait dans les régions du Centre et de l’Est, puisque c’était là que le Sawaba essaya de défendre ses bases. À Matamey, au sud de Zinder, Yaou Ibrah, le candidat Sawaba originaire de Magaria, reçut une claque sur le visage lors d’un meeting électoral ; à Maïné-Soroa, un rassemblement fut interdit ; et à Souloulou, près de Guidan-Roumji, à l’ouest de Maradi, une délégation du parti fut forcée d’annuler une visite après avoir rencontré des sympathisants de l’UCFA. Il y eut d’autres accueils hostiles de ce type à Kornaka et dans la ville de Dakoro, tout comme à Goula et Djirataoua (au nord et au sud de Maradi125). Plus grave : plus à l’est, à Bouné, au sud de Gouré, des auxiliaires du chef de canton auraient contraint les partisans du Sawaba à marcher nus à travers le marché du fait de leurs opinions politiques, accusation démentie par le chef126. Abdou Kankoura, l’activiste de Miria déjà mentionné, fut attaqué avec un sabre et dut être soigné à l’hôpital pour des blessures décrites comme graves par le Sawaba et comme anodines par les Français127. Même les chefs du parti pouvaient courir des risques, à en juger, par exemple, par les incidents survenant sur la route. Le 10 décembre, un militant du RDA, Adamou Bako, et ses partisans, conduisant un camion dans les environs de Maradi, auraient essayé de rentrer dans une Peugeot 203 qu’ils pensaient transporter Bakary. La Peugeot aurait évité la collision en quittant la route, après quoi le chauffeur du camion, un certain Bily, aurait arrêté le moteur pour laisser ses camarades descendre et briser les vitres du véhicule, tandis que des gendarmes auraient observé la scène sans intervenir. Bakary, qui n’était pas sur place, envoya un câble dramatique à Senghor et d’autres collègues du PRA, disant que
« adversaires tentent écraser par gros camion voiture Peugeot dans laquelle supposent être Djibo puis organisèrent guet-apens sur piste marché Souloulou128 ».
41Cette référence hyperbolique à une embuscade ne venait pas seulement de la chaleur du moment, mais aussi du risque véritable de contact physique avec des antagonistes. Le 26 novembre, par exemple, un sawabiste du nom de Dan Maningo arriva en voiture à Tibiri, le jour du marché. Il essaya de parler mais fut coupé à plusieurs reprises et l’ambiance devint si hostile qu’il dut se réfugier dans la maison d’un ami. Une bagarre éclata et deux cadres Sawaba qui montaient la garde devant la voiture furent blessés et durent être conduits à Maradi pour y recevoir des soins. Maningo n’osa pas quitter la maison de son ami et ne put partir qu’à l’arrivée du chef de subdivision et de ses gendarmes129. Par ailleurs, après des années de campagne électorale menée librement, les hommes de l’UCFA montant la garde aux abords des villes ont dû paraître de véritables agresseurs prêts à assaillir les militants en campagne ou à les empêcher d’accomplir des visites. Même les principaux lieutenants de Bakary furent confrontés à de pareilles avanies. Le 28 novembre, par exemple, une délégation constituée de Malick N’Diaye, un proche de Dan Galadima originaire de Madaoua, Labo Bouché, député de Maradi, et l’indomptable Dandouna Aboubakar, fit une tournée dans la région de Maradi, suivie par une voiture transportant des gardes du parti. En route pour Dakoro, ils essayèrent de faire une escale à Kornaka mais virent qu’ils n’y étaient pas les bienvenus. Ils poussèrent jusqu’au village d’Ajékoria où ils furent hués et contraints de reprendre la route. Lorsqu’ils prononcèrent leur discours sur la place du marché de Dakoro, ils furent conspués et injuriés, tant et si bien qu’un dénommé Kaka, cadre Sawaba, se saisit d’une pierre et la lança sur un antagoniste armé d’un sabre. Il fut arrêté et ses collègues s’éloignèrent de la foule hostile et quittèrent la ville. Ce type de scène humiliante se produisit dans le cas du redresseur des torts lui-même, toujours à Dakoro, mais à deux jours du scrutin, lorsque Bakary, escorté de N’Diaye et Dandouna, fut empêché de tenir un meeting. Les trois hommes se sentirent apparemment menacés, car N’Diaye se cacha chez un commerçant local et, en compagnie de Bakary et Dandouna – jadis la glorieuse avant-garde des talakawa – il s’éclipsa de la ville au cœur de la nuit pour prendre la route de Zinder130. Bakary a dû éprouver plus souvent ce genre de menace car, quelques jours plus tôt, un militant Sawaba de Maradi télégraphia au siège du parti, dans la capitale :
« Complot destiné assassinat Bakary Djibo découvert Madaoua commandant Cercle saisi mettre gouverneur devant responsabilités et alerter Dakar131. »
42Voyageant depuis Niamey, le chef du Sawaba se rendit à Maradi et Madaoua dans la nuit du 8 décembre, se retrouvant apparemment au cœur du tumulte et du chahut des activités de campagne, car il affirma de façon dramatique qu’un complot avait été monté contre sa vie. Dans une explication plus révélatrice, il souligna qu’il userait de son droit de légitime défense « en cas d’attaques132 ». De fait, au regard de ces incidents et des évènements que nous verrons plus loin, même Colombani semble s’être inquiété d’un possible effondrement de l’ordre public, câblant ses subordonnés à propos d’incidents sérieux qui étaient survenus et les mettant en face de leurs responsabilités :
« En ce qui vous concerne vous devez prévenir incidents dans toute mesure possible et agir avec la plus grande fermeté en vue maintien ou rétablissement de l’ordre public133. »
43En dehors des pressions physiques, les obstructions ont dû être immensément frustrantes pour un parti si rompu aux exercices de campagne électorale. À Tessaoua, le Sawaba câbla furieusement Colombani et ses subordonnés à plusieurs reprises, indiquant qu’il disposait de preuves irréfutables sur les interférences de Périé, que ses activistes avaient été tabassés impunément et qu’il était résolu à défendre ses positions. En ce qui concerne l’hostilité des chefs, il affirma sans équivoque que, « connaissant bien la mentalité de ces derniers », il restait convaincu qu’« ils ne [pouvaient] agir que sur recommandation expresse de l’autorité locale ». Dans la région de Magaria, Diop Issa exprima sa frustration dans une lettre au commandant de cercle, se plaignant que les chefs empêchaient les candidats d’entrer dans les cantons « pour faire la propagande » du parti134. À Madaoua, un certain Moustapha envoya un câble évocateur au siège du parti, à Niamey, à propos de la région de Bouza, au nord de la ville :
« Canton Bouza demeure chasse gardée chefferie administration où aucun militant Sawaba ne peut pénétrer – STOP – commandant et gendarme sembleraient maintenir Madaoua loi exception135. »
44Abdoulaye Mamani, à Zinder, envoya aussi de nombreux télégrammes. Comme ces derniers étaient adressés au siège du Sawaba, dans la capitale, et non au gouverneur, ils dévoilent les conditions de campagne, puisqu’ils ne visaient pas principalement à la propagande. Bien que Zinder était un bastion traditionnel du parti, à l’instar de Tessaoua, la campagne n’y avait rien d’un jeu d’enfant. De graves incidents eurent lieu « partout », les meetings furent systématiquement interdits et l’« administration [entreprit] campagne ouverte contre nous », avec le « marché Zengou en Cercle gardes armés police et dogaris empêchant propagande Sawaba ». Cette exaspérante expérience fut sobrement résumée par un câble du 29 novembre dans lequel Mamani dit au siège du parti, à Niamey :
« Impossible faire campagne librement136. »
45Ces protestations ne pouvaient guère mettre fin au sentiment d’impuissance, comme le montra le comité Sawaba de Zinder lorsqu’il assortit ses accusations à l’encontre du Sultan de Zinder et du chef de Miria d’une plainte sur le silence du gouverneur. Le parti maintint cependant un flot constant de remontrances, ne serait-ce que parce qu’il ne pouvait rien faire d’autre, réitérant en vain l’exigence de l’établissement d’une commission électorale, implorant les commandants de cercle d’interdire aux chefs et aux gardes d’accéder aux isoloirs et demandant la fin des harcèlements et de la mobilisation de l’administration en faveur de l’UCFA137.
46Dans ces circonstances, la campagne électorale évolua vers une explosion de violence. Comme nous l’avons vu, la région de Maradi était pratiquement fermée aux activités de campagne du Sawaba du fait des actions de l’administration comme du Sarkin Katsina Bouzou Dan Zamabadi et du Sarkin Gobir. Puisque Bakary se présentait dans ce cercle, c’est ici que les démêlés avec l’UCFA prirent leur caractère le plus virulent. Un des premiers incidents eut lieu le 25 novembre, lorsque Malick N’Diaye et Dandouna Aboubakar arrivèrent à Dan Issa, au sud de Maradi. Bien qu’escortés de deux véhicules remplis de sympathisants, leur discours au marché local fut mal reçu. La foule était hostile, des insultes furent échangées et les militants du Sawaba furent pris dans de violents affrontements. Même N’Diaye et Dandouna – un homme grand et imposant au caractère indomptable – auraient pris part à la bataille, blessant deux antagonistes avant de se retirer vers des lieux plus sûrs138.
47Dans la zone de Maradi, vers le 28, un certain Hama Santa aurait été molesté chez lui, un homme du nom de Labo aurait reçu un coup de feu et un autre, dénommé Goje, aurait été blessé au couteau139. À Maradi même, des agents du Sarkin Katsina auraient attaqué trois militants du Sawaba, tandis que, dans un autre incident, le commissaire de police du cru, Georges Clément, aurait tiré sur un cadre du parti. Il s’agit là d’un pic momentané dans des violences au cours desquelles les militants du Sawaba, fidèles à la tradition de combat de rue des yan iska140, auraient attaqué une voiture du RDA en provenance de Niamey, brisant ses fenêtres et assiégeant la demeure du leader RDA François Perret, armés de triques et de hachettes. Les gendarmes les dispersèrent non sans difficulté, après quoi les gens qui défendaient la maison montèrent une contre-attaque au cours de laquelle plusieurs sawabistes furent blessés – l’un d’entre eux par balle ou, comme l’affirmèrent les Français, par un coup de couteau – et durent être soignés à la clinique communautaire. Avec les gendarmes patrouillant dans les rues de Maradi, le commandant de cercle Brachet rapporta que la première semaine de campagne s’était déroulée « sous le signe de la brutalité », blâmant les yara, ou jeunes, du Sawaba pour pratiquement tous les incidents141.
48Il s’agissait là du prélude à de nombreux affrontements dans la région de Maradi et ailleurs. Tibiri fut de nouveau la scène d’une bagarre le 3 décembre. Un sympathisant du Sawaba, Hadji Bouzou, y aurait été blessé par des partisans du Sarkin Katsina142. Une semaine plus tard, la campagne atteignit de nouveaux sommets. Au matin du 10 décembre, Bakary, N’Diaye et Dandouna Aboubakar montèrent un rassemblement pour les gens de Madarounfa qui détestaient si cordialement le Sarkin Katsina de la ville voisine de Maradi. À 11 heures, ils commencèrent à parler sur la place du marché. L’intrépide Dandouna et le redresseur des torts s’étaient mis debout sur le coffre d’une Land Rover pour s’adresser à des centaines de sympathisants. 20 minutes plus tard, des voitures et un camion remplis de sympathisants du RDA arrivèrent, menés par Adamou Bako, François Perret et un député ivoirien du nom de Abdoulaye Amadou. Les Français alléguèrent que le leader du Sawaba aurait, lui-même, attiré l’attention de ses partisans sur les gens du RDA qui, selon le Sawaba, étaient armés de bâtons et de pierres. Leur arrivée qui, en elle-même, était une provocation, aurait poussé les jeunes du Sawaba à l’attaque, incités, à en croire les Français et l’UCFA, par Dandouna. Les hommes du RDA auraient lancé des pierres et les Français parlèrent d’« échauffourée violente » au cours de laquelle les sawabistes auraient attaqué les véhicules du RDA, brisant ses vitres et malmenant ses occupants. Confrontée à un millier d’antagonistes, la délégation du RDA se retira et dut faire un détour par le Nigeria pour retrouver un havre de sécurité à Maradi. Sept à dix d’entre eux avaient été blessés, y compris le député ivoirien et un agent français de l’Agriculture qui s’était retrouvé par inadvertance dans la mêlée et avait reçu des horions. Le Sawaba allégua que certains de ses cadres avaient été malmenés par des douaniers. Djibo Bakary a dû être ébranlé par les scènes de violence, car il décampa rapidement, suivi par ses lieutenants, une décision qui envenima les choses. Par conséquent, le gouverneur câbla Dakar :
« Sollicite envoi urgent peloton Gendarmerie supplémentaire pour Maradi où avion pourrait le déposer143. »
49Entre-temps, Bakary avait continué son chemin jusqu’au marché de Tibiri, au nord-ouest de Maradi, où il arriva à 15 h 30 avec quatre voitures transportant N’Diaye, Dandouna, Labo Almajir (un commerçant et cadre de Maradi) et un étranger de robuste carrure (sans doute un garde du corps) en dehors de lui-même. Si un millier de personnes environ s’étaient réunies pour les entendre parler, les couvrant de bruyantes acclamations144, tous les participants à ce rassemblement n’étaient pas dans les meilleures des dispositions à leur égard. Laissant derrière eux les choquants évènements de la matinée, Bakary et Dandouna se juchèrent sur leurs voitures et tentèrent de s’adresser à la foule hurlante. Apparemment, ils se sentirent menacés, parce que le garde du corps remit à Bakary un pistolet que ce dernier aurait glissé dans son boubou145. La foule essaya de couvrir sa voix en braillant « oui », le slogan du référendum. L’ardent Dandouna (photo 5.2) se mit à hurler en retour, clamant que le gouverneur, les Européens et les chefs n’étaient rien et qu’il tuerait quiconque voterait « oui », soulignant son affirmation en dégainant son pistolet et en le brandissant à la face de l’auditoire – qui reflua. Tenant son pistolet dans une main, l’agitateur syndicaliste se mit à répandre, de l’autre, des brochures estampillées de l’image du Chameau. La foule bruyante s’en empara et les déchira à la face des leaders du Sawaba146.
Photo 5.2 – Dandouna Aboubakar – la seule image que nous avons de lui (Sawaba, déc. 1964).
50Cette scène illustre de façon graphique les circonstances singulières dans lesquelles les activistes du parti se trouvaient, et comment ils étaient acculés à recourir à des tactiques contre-productives. Ainsi, le lendemain matin, Malick N’Diaye fut pris dans une bagarre avec un représentant du RDA à l’aérogare de Maradi où il s’était rendu, dans la voiture de Bakary, pour récupérer un juriste et camarade politique, Maître Diaw. Selon le chef d’escadron de la gendarmerie, N’Diaye aurait accidentellement laissé tomber son arme – un pistolet automatique 9 mm – et en fut avisé par un Français du cru. Il s’en saisit et le remit dans son vêtement. Brachet, commandant de cercle d’esprit partisan, allègue, cependant, qu’il l’avait dégainé au cours de l’altercation avec l’homme du RDA. Quoi qu’il en soit, des jeunes gens trouvèrent la voiture de Bakary – qui était absent – garée de l’autre côté de l’aérogare et s’acharnèrent sur elle avec des pierres, des barres et des triques, brisant toutes les vitres et démolissant la carrosserie, mettant ainsi la Peugeot hors d’état de marche. Tout ceci, en liaison ou non avec l’incident du pistolet, se serait produit sous les yeux de l’administration qui, selon le Sawaba, demeura impassible. De fait, Brachet balaya la chose d’un revers de la main, considérant qu’il s’agissait là d’une « simple infraction » de « garnements », tandis que N’Diaye devait être poursuivi pour possession illégale d’arme. Bakary envoya un télégramme au PRA à propos de l’esclandre. L’épisode a dû être extrêmement pénible pour un homme dans l’univers duquel les petites gens étaient mobilisés pour le bien commun des talakawa, déchaînant de temps en temps la féroce énergie des marginaux contre leurs adversaires – jeunes marginaux qui, à présent, en véritable racaille, semblaient s’être tournés contre le tribun lui-même147.
51Mais une tradition de militantisme révolutionnaire ne s’éteint pas aussi facilement. De nombreux sympathisants et adhérents du parti étaient encore prêts à voler au secours du Chameau, par la force des armes si nécessaire. Il en était ainsi surtout dans les régions de Tessaoua et Zinder où le soutien au parti était très vivace. Le 5 décembre, la violence embrasa Dan Kori, un village à 20 km au nord de Tessaoua, en proie à de vieilles querelles de chefferie qui avaient divisé la communauté entre partisans du Sawaba et du RDA. Le Sawaba y étant majoritaire, Illiassou Katché, un sympathisant du Sawaba et prétendant à la chefferie du canton entra dans le village à dos de cheval, accompagné par deux cadres du parti. Selon le chef du village, ils incitèrent la population à attaquer les partisans du RDA. Peu après, quelques voitures apparurent, transportant des dignitaires Sawaba en campagne, y compris Aboubakar dit Kaou, candidat à la députation pour Tessaoua. Ils prononcèrent des discours exhortant les habitants à voter Sawaba, jouèrent des disques et distribuèrent de la petite monnaie aux enfants. Après leur départ, une bagarre éclata entre des gens armés de sabres, de matraques, de couteaux et de hachettes. Un certain Kassoum Dan Tanin et un dénommé Bouzou – partisans du Sawaba – auraient attaqué un partisan de l’UCFA en route pour la mosquée, tandis qu’un autre sawabiste aurait mis le feu à la concession d’un résident. Une dizaine de personnes furent blessées, gravement pour certains, y compris un sympathisant du RDA qui avait été attaqué à la hachette et dut être évacué sur l’hôpital de Zinder148. Finalement, deux jours plus tard, quatre candidats Sawaba de Zinder, accompagnés par pas moins de 50 sympathisants, se rendirent en camion à Miria où le chef local s’était beaucoup investi dans l’obstruction de la campagne de ce parti. À cinq heures de l’après-midi, ils entreprirent de battre campagne sur la place du marché, mais les gardes-cercle intervinrent pour les empêcher de parler. En représailles, leurs compagnons auraient attaqué les gardes avec des matraques, des pierres et des manivelles, blessant trois policiers, y compris le brigadier149. Ce fut une victoire à la Pyrrhus.
Chute
52L’aspect le plus frappant des résultats électoraux fut un taux de participation qui culmina à 24,8 % − le taux le plus bas de l’histoire électorale du Niger. Les Français le justifièrent en faisant allusion aux obligations de la vie agricole (vente d’arachides, déplacements des communautés pastorales), mais il est bien possible qu’ils se trouvèrent plus près de la vérité lorsqu’ils mentionnèrent la lassitude électorale, dans le sens, cependant, où un grand nombre d’électeurs auraient été découragés par les conditions générales de contrainte marquées par des éclats de violence. L’ambiance créée par l’administration et les chefs avait, pour la seconde fois, donné l’impression que l’électorat n’avait pas vraiment le choix, ce qui a dû renforcer l’indifférence des électeurs et conduit à une stratégie du retrait. Les obligations agricoles n’avaient pas grand-chose à voir avec les bas taux de participation, comme le montre le fait que l’affluence des électeurs dans les zones arachidières de Madaoua et Magaria était nettement au-dessus de la moyenne (45,65 % et 30,4 %), sans doute en partie à cause du degré de mobilisation des chefs de la région150. Dans les environs de Maradi, où tant d’incidents s’étaient produits, l’affluence se limita à 17 % des électeurs inscrits, tandis que le taux de participation du Cercle de Zinder – férocement disputé entre le Sawaba et le pouvoir chefférial du Sultan et de son allié Diori – fut l’un des plus bas du pays (13,7 %). En fait, la participation n’atteignit nulle part la ligne des 50 %, ni même le quart des inscrits dans 11 cercles sur 16. En comparaison avec le référendum, les taux de participation chutèrent partout, parfois de façon significative, à l’exception de Konni et Madaoua (cette dernière ville enregistrant seulement une petite augmentation). Même dans la capitale, à peine 20 % de l’électorat se présenta aux bureaux de vote151.
53Comme le référendum, les élections furent marquées par une forte mobilisation administrative et militaire152. En dehors du peloton de gendarmerie transporté par avion à Maradi à la demande de Colombani et des gendarmes armés en provenance de Côte d’Ivoire, une unité de gendarmerie du Soudan, présente depuis sa réquisition lors du référendum, était restée sur place153. Le Sawaba se plaignit auprès du gouverneur à propos de l’effet intimidant du déploiement de troupes sur les routes menant de Téra à Niamey et Nguigmi, mais Colombani expliqua que les véhicules de l’armée servaient à transporter les urnes et autre matériel électoral jusqu’aux régions les plus reculées du pays154. À cet effet, les garnisons locales avaient fourni plus de 50 véhicules et 100 officiers et sous-officiers. Ces derniers furent également chargés de gérer les bureaux de vote. Une plainte de Condat à ce sujet fut balayée d’un revers de la main au prétexte, entre autres raisons, que les présidents civils (d’obédience Sawaba) failliraient ou avaient failli à leurs obligations – Colombani se contentant de donner instruction à ses subordonnés de présider autant que possible en tenue civile. Les assesseurs pouvaient être – et étaient en effet – choisis parmi les chefs, y compris des membres du RDA ou de l’alliance UCFA. Une irrégularité sérieuse fut commise par la décision de laisser des gens dépourvus de carte d’électeur mettre leur bulletin dans l’urne en se contentant de prouver leur identité, ce qui, dans les faits, conféra aux chefs présents une influence indue155. Il y eut également quelques autres irrégularités de moindre importance qui n’ont pas pu avoir un impact décisif156.
54Si, au niveau de certains bureaux, des sympathisants du Sawaba ont pu remplir les fonctions d’assesseur ou ont pu choisir une personne qui leur convenait157, les mesures de l’administration ont généralement eu pour résultat de soumettre le processus de vote aux impératifs politiques de l’heure. Par conséquent, au bout de plusieurs semaines de violence et étant donné la prédominance de la campagne de l’UCFA, le jour du scrutin fut relativement calme158. Il y eut cependant plusieurs plaintes au sujet du degré de contrôle exercé par les opposants. Diop Issa critiqua la présence des chefs de canton et des dogaris au niveau des isoloirs, puisqu’ils avaient clairement fait montre de leur intention de pousser les électeurs à voter pour l’UCFA. Par exemple, à Illéla, au nord de Konni, le fils du chef de canton, un candidat de l’UCFA, se serait installé à côté de l’urne afin de montrer aux électeurs le bulletin qu’ils devaient choisir. Au niveau d’autres bureaux de vote, les électeurs auraient été contraints de montrer le contenu de l’enveloppe au chef de canton avant de la déposer dans l’urne. Dans certaines localités, les auxiliaires des chefs auraient escorté les électeurs jusqu’à l’isoloir. En contraste, à Tajaé, au sud de Illéla, ils auraient battu le représentant local du Sawaba, Dan Tchi, alors qu’à Madarounfa et Korohane, à l’ouest de Dakoro, les représentants du Sawaba auraient été expulsés du bureau. C’est dans la région de Dakoro que des accusations non spécifiées de fraude ont été notées, fraude qui aurait touché jusqu’à 60 % des votes exprimés. Dans le cercle de Tahoua, des électeurs nomades de l’UCFA auraient à maintes reprises été autorisés à déposer 10 à 50 bulletins de vote au nom de parents, exerçant un droit de vote par procuration que les Français avaient mis en place – en dépit des protestations du Sawaba – en apparence pour permettre aux militaires de voter. C’est aussi à Dakoro, la ville où la campagne du Sawaba avait été systématiquement entravée, que l’on aurait empêché les assesseurs du Sawaba d’arriver jusqu’aux isoloirs. Les plaintes des représentants du parti furent, cependant, systématiquement ignorées159.
55Il est probable que la pression administrative avait été, dans l’ensemble, de grande importance pour l’issue finale, une victoire éclatante de cette UCFA qui, pourtant, n’avait été établie que tout récemment. Dans une Assemblée de 60 sièges, le parti de Bakary chuta de 41 sièges à 11, l’UCFA gagnant 48 sièges – alors que le RDA en avait acquis 19 en 1957 – tandis qu’un siège revenait, à Nguigmi, à un candidat indépendant proche du RDA. Mais les résultats et le taux de participation indiquent que la manipulation ne fut pas universelle, ou qu’elle ne fut pas complètement efficace partout. Au reste, du point de vue des intérêts politiques français, cela n’était pas tout à fait nécessaire. Certaines des irrégularités analysées par Mamoudou Djibo par rapport aux listes électorales et à l’annonce des résultats relevaient sans doute plus des déficiences générales de la logistique électorale que de la fraude délibérée. Dans tous les cas, ils n’ont pas pu affecter de manière décisive les résultats160. Pour les Français, l’enjeu était la création d’une Assemblée dotée d’une confortable majorité UCFA qui participerait à une élection convenable de de Gaulle tout en sauvegardant l’influence de la France au Niger (et dans ses régions sahariennes). À cet égard, il était nécessaire que le Sawaba – y compris son leader – soit globalement défait afin de mettre fin une bonne fois pour toutes à l’influence de Bakary sur les institutions du Niger161.
56Ainsi, dans l’ensemble, les résultats constituèrent une défaite cinglante pour le parti, remettant en cause sa position politique. Le Sawaba ne prit que les cercles de Tessaoua et Zinder alors que 14 des 16 circonscriptions du pays tombaient dans l’escarcelle du parti adverse. Dans toutes les circonscriptions de l’Ouest, en dehors de Téra et de la capitale, les opposants du Sawaba l’emportèrent avec des marges énormes. La part du Sawaba y atteignit à peine le tiers de celle de l’UCFA, ou considérablement moins162. Il en fut de même à Tahoua, qui fut un lieu de fraude massive lors du référendum, ainsi que des régions où l’administration et les chefs avaient mené une intense campagne d’intimidation, comme Madaoua et Magaria. Dans les circonscriptions où le Sawaba était bien établi, il existe des signes plus ou moins manifestes d’actes de manipulation ou d’intentions frauduleuses portant sur le dépouillement et la proclamation des résultats. Un télégramme officiel de proclamation des résultats omit ceux de Gouré, où le Sawaba avait réalisé un score représentant plus de la moitié du total du vote UCFA (3 693 contre 5 294 pour l’UCFA). Durant le décompte des voix à Maradi, circonscription si furieusement disputée entre Bakary et l’administration, les résultats fluctuèrent considérablement, demeurant presque à égalité jusqu’à ce que plus de la moitié des voix aient été comptées, puis donnant soudain une avance légère à l’UCFA, la liste du Sawaba s’arrêtant à 6 020 voix, bien au-dessus de la moitié du vote UCFA (10 079)163.
57Le caractère flagrant des tentatives françaises de fraude peut être mesuré par ce qui s’est passé à Tessaoua. Le commandant de cercle, Périé, y invalida les résultats de trois bureaux de vote, sans, semble-t-il, fournir de raisons, mais éliminant ainsi un millier de votes Sawaba. Puis, le 16 décembre, il déclara la liste UCFA gagnante avec une marge de 290 voix. Ce résultat était si contraire à la réalité de la prédominance du Sawaba que ses représentants à Tessaoua télégraphièrent à Dakar. Les leaders du PRA, Senghor et Mamadou Dia, câblèrent Cornut-Gentille à Paris pour protester contre la tournure des évènements. Colombani en fut informé et fut obligé de télégraphier à Périé pour s’enquérir des raisons de l’annulation de voix qu’il avait décidé. Sans se donner la peine de s’expliquer, le commandant de cercle se contenta de modifier le compte et deux jours après la première proclamation, la liste du Sawaba fut déclarée gagnante avec une marge de 677 (13 643 contre 12 966 pour l’UCFA164). Au niveau de l’autre bastion du Sawaba, Zinder, la fraude était plus difficile à mettre en œuvre, bien que le taux de participation réduit semble indiquer que les autorités s’étaient efforcées de décourager les électeurs du Sawaba de prendre part au processus. Elles auraient également essayé d’annuler les résultats de certains lieux de vote165. Au final, cependant, la liste du Sawaba fut déclarée élue. Elle comprenait Mahaman Dan Bouzoua, dont les efforts dans le secteur de Tanout avaient considérablement contribué à la victoire du parti, Abdoulaye Mamani et Badéri Mahamane166. La marge entre les listes UCFA et Sawaba telle que rapportée par les Français fut très étroite (126) et a pu être trafiquée. Dans tous les cas, en comptant sur l’influence du Sultan – de façon si typiquement française – l’administration avait mal évalué la force du vote syndical et l’importance du petit peuple local. La candidature du secrétaire général du PPN, Diori, si étranger à la région167, ne pouvait contrebalancer ce fait et tourna à la défaite humiliante de l’homme qui était promis au poste de Premier ministre. Diori, qui espérait évidemment légitimer sa nomination à la tête du gouvernement par l’élection à l’Assemblée territoriale, câbla vainement le gouverneur pour qu’il retarde la proclamation des résultats sur la base d’irrégularités au niveau de deux des circonscriptions de Zinder168.
58Néanmoins, la présence du Sawaba fut oblitérée partout ailleurs, le parti perdant tous ses sièges au profit de l’alliance UCFA169 y compris au niveau de circonscriptions qui avaient toujours été acquises au Chameau. À l’ouest de Tessaoua, la représentation du parti s’évanouit du sein des communautés citadines de Maradi, Tahoua et Téra, alors que (tout comme en 1957) ses bases normalement substantielles de la capitale et de localités plus petites comme Gothèye et Gaya ne lui donnèrent pas la majorité au niveau de leurs cercles respectifs – ces derniers étant également perdus en faveur du RDA. Signe symbolique de la chute du parti de son piédestal, même Djibo Bakary, le talaka et prophète qui avait conduit si triomphalement le petit peuple du Niger au gouvernail de l’État, fut vaincu par une liste menée par – ironie du sort ! – Adamou Mayaki, l’opportuniste tortueux d’origine cheffériale que le tribun détestait tant. Sa défaite était peut-être en partie due au fait que la région de Maradi n’était pas son champ de bataille traditionnel, puisqu’il avait laissé son fief de Tahoua à Maurice Camara. Le fait que la liste Sawaba de Maradi comprenait des personnalités influentes comme Dandouna Aboubakar, un charpentier du cru et agitateur coriace, ne pouvait contrebalancer cette difficulté puisque la participation de Bakary avait déclenché la mobilisation de chefs puissants, comme le Sarkin Katsina ainsi que celle d’administrateurs français résolus à mettre en échec son élection170.
59De fiers défenseurs du parti, qui avaient bataillé au cours de nombreuses campagnes et transformé le mouvement en machine de guerre efficace, subirent un sort similaire. Ousmane Dan Galadima, le fonctionnaire subalterne originaire de Madaoua, si actif dans les débats parlementaires, n’avait pas pu présenter de nouveau sa candidature puisqu’il se trouvait toujours en prison. Des hommes comme Adamou Sékou, idéologue du parti et questeur à l’Assemblée ; Issaka Koké, le vétérinaire diplômé de Ponty et député UDN de Gouré, qui fut ministre des Travaux publics et de l’Agriculture ; Diop Issa, qui fut adjoint au maire de Niamey sous Bakary, secrétaire général adjoint du MSA et ministre des Finances ; Baoua Souley, infirmier de formation, activiste du Sawaba et député de Maradi (photo 5.3) ; et Maurice Camara, membre du noyau UDN qui fut rapporteur de la commission financière de l’Assemblée – tous ces hommes furent évincés de l’Assemblée afin de céder la place aux acolytes du RDA. Ce parti, tout d’un coup, vit sa représentation s’étendre au-delà de Dogondoutchi. Dans ces circonstances, la victoire, à Tessaoua et Zinder, de sawabistes bien connus avec un pedigree UDN – Sallé Dan Koulou, Hima Dembélé et Abdoulaye Mamani – n’était qu’une maigre consolation.
Photo 5.3 – Une image rare de Baoua Souley, Berlin Ouest, 1964 (Ibrahim Bawa Souley).
60Mais après des mois de brutalités exercées par l’administration de Colombani et tous les problèmes rencontrés par la campagne du parti au cours des semaines précédentes, le résultat général n’avait pas dû surprendre. Il a dû paraître, à tout le moins, une prolongation des misères et de la persécution qui taraudaient le mouvement depuis septembre171. Ainsi, le coordinateur de la campagne, Maïga Abdoulaye, ne prit pas la peine de se présenter à la dernière réunion avec l’inspecteur métropolitain chargé de superviser le scrutin. Ces rencontres étaient devenues de plus en plus lugubres puisque l’inspecteur, Pinassaud, n’avait absolument rien fait à propos des protestations du Sawaba172. Il écourta sa mission avant même la proclamation des résultats qu’il était censé examiner au plus près et reconnut, dans son rapport, n’avoir pas mis le pied hors de la capitale et s’être complètement reposé sur les informations qui lui avaient été transmises au cours de rendez-vous avec le gouverneur. Il va sans dire que les plaintes du Sawaba ne furent jamais vérifiées in situ, et le Conseil du contentieux ne répondit jamais à ses remontrances173.
61La nouvelle Assemblée fut aussi convoquée avant la proclamation officielle des résultats. Cette absurdité couronna une période de gouvernement anticonstitutionnel inaugurée par le coup d’État de Colombani. Boubou Hama, le président du PPN-RDA et ennemi juré de Bakary, fut élu président de l’Assemblée. Le jour suivant, le 18 décembre, l’Assemblée procéda à la nomination des membres du gouvernement. Bien qu’il était à présent dépourvu de siège parlementaire, Hamani Diori fut élu Premier ministre du Niger, en contradiction avec la Loi-cadre qui exigeait que le chef du gouvernement soit le chef de la majorité parlementaire. Le cabinet de Diori comprenait plusieurs membres du BNA qui avaient abandonné Bakary, Issoufou Djermakoye (vice-président du cabinet), Adamou Mayaki, Zodi Ikhia, et Mouddour Zakara. Le RDA, cependant, était prédominant avec sept ministres contre deux pour l’UFN, un pour le FDN de Ikhia et deux postes pour l’Association des chefs. L’alliance UCFA avait donc cessé d’exister en pratique, au profit du RDA174. Il n’y a pas de meilleur symbole du fait que la nomination – en conformité avec l’accord de Côte d’Ivoire – de Diamballa Yansambou Maïga au poste de ministre de l’Intérieur. L’attribution de ce puissant ministère au seul leader du RDA à déplorer la mort d’un parent lors des batailles de rue d’avril allait s’avérer d’importance capitale175.
62Les 11 députés du Sawaba, dont la présence au niveau des commissions parlementaires en fonction était éclipsée par les membres du RDA, refusèrent de prendre part à la constitution du cabinet176. Abdoulaye Mamani présenta une résolution à l’Assemblée appelant à la création d’une « Fédération Primaire » des territoires de l’AOF qui adhérerait ensuite à la communauté avec la France. Il exprima des craintes par rapport à la faiblesse d’un Niger réduit à lui-même, mais sa proposition fut rejetée. Une demi-heure après l’investiture du cabinet de Diori, l’Assemblée décida, en présence de Don Jean Colombani, que le Niger devenait une république et un État membre de la communauté. Tous les sawabistes s’abstinrent – le nombre le plus élevé d’abstentions dans les territoires français d’outre-mer. La Loi-Cadre n’était désormais plus en vigueur177. Le lendemain, Colombani leva les mesures d’intervention prises en septembre, restaurant les pleins pouvoirs du gouvernement178. Le parlement nigérien participa dûment à l’élection de Charles de Gaulle à la présidence de la communauté, le 21 décembre179.
63En un discours particulièrement douloureux pour les cadres du Sawaba, Diori rendit hommage à la mission que les « explorateurs, bâtisseurs, pacificateurs, militaires, fonctionnaires… missionnaires » de la France avaient accomplie, et pour laquelle « les enfants de ce pays [voulaient] témoigner toute leur gratitude ». Le Chameau, dont le patron conservait encore une emprise précaire en tant que maire de la capitale, parut frappé d’engourdissement en cet instant et ne put rien faire de plus que d’importuner l’un des ministres RDA, Courmo Barcourgné, en mettant en question la légitimité de son élection à l’Assemblée. Mais ceci ne put empêcher le cabinet du RDA de demander au parlement, trois jours avant la fin de l’année, de lui accorder des pouvoirs spéciaux pour une période de six mois, officiellement afin de mettre en place les institutions de la république180. C’était là une manifestation inquiétante de la défaite du Sawaba.
Photo 5.3 – Une image rare de Baoua Souley, Berlin Ouest, 1964 (Ibrahim Bawa Souley).
Notes de bas de page
1 M. Crowder, « Independence as a Goal in French West AfricanPolitics : 1944-1960 », in W.H. Lewis (dir.), French-speaking Africa : The Search for Identity (New York, 1965), 35-36. Voir, pour les efforts pitoyables auxquels se livrèrent les Français, E. Mortimer, France and the Africans 1944-1960 : A Political History (Londres, 1969), 329-334.
2 C. de Gaulle, Mémoires d’espoir. vol. 1 : Le renouveau 1958-1962 (Paris, 1970), 62.
3 Mortimer, France and the Africans, 361 et G. Chaffard, Les carnets secrets de la décolonisation (Paris, 1967), vol. 2, 295.
4 M. Djibo, Les transformations politiques au Niger à la veille de l’indépendance (Paris, 2001), 132.
5 Foccart parle. vol. 1 : Entretiens avec Philippe Gaillard (Paris, 1995), 170, et P. Messmer, Après tant de batailles : Mémoires (Paris, 1992), 243.
6 Télégramme Messmer à France outre-mer, nos 784-785, 29 sept. 1958 ; CAOM, Cart. 2181/D.1 bis. Background également in K. van Walraven, « Decolonization by Referendum : The Anomaly of Niger and the Fall of Sawaba, 1958-1959 », Journal of African History, 50 (2009), 269-292.
7 Parti de regroupement africain, conférence de presse, 19 nov. 1958 ; CAOM, Cart. 2257/D.3/4.
8 Pour le texte de ce communiqué, voir Djibo, Les transformations, 134.
9 Rapport sur le Référendum du 28 sept. 1958 en Afrique-Occidentale française, Dakar 25/10/58 ; CAOM, Cart. 2221/D.1.
10 Chef du territoire du Niger à Monsieur le ministre de la FOM, Paris, et M. le haut-commissaire de la République en AOF, Dakar, 27 oct. 1958 ; CAOM, Cart. 2181/D.1 bis (lettre).
11 Djibo, Les transformations, 137.
12 Communiqué députés Sawaba, 6 oct. 1958. Le texte de ce communiqué et des suivants provient – à moins d’une mention contraire – de « Parti Sawaba. Pour l’Indépendance effective du Niger : Les raisons de notre lutte » (Bureau du Parti Sawaba : Bamako, 15 janv. 1961), 41.
13 À Nguigmi, pendant six mois. Interview avec le sarkin samari du Sawaba, Katiella Ari Gaptia, Bosso, Lac Tchad, 13 févr. 2006.
14 Communiqué députés Sawaba, 6 oct. 1958 et Parti de regroupement africain, conférence de presse, 19 nov. 1958.
15 On donna cinq jours aux ministres pour faire leurs paquets. Parti de regroupement africain, conférence de presse, 19 nov. 1958 ; Djibo, Les transformations, 135 ; télégramme Messmer à France outre-mer, nos 854-855, 25 oct. 1958 ; urgent ; CAOM, Cart. 2181/D.1 bis.
16 Messmer, Après tant de batailles, 243 : « il faut reprendre en main la situation au Niger ».
17 « Rapport sur les opérations électorales concernant le scrutin du 28 sept. (Référendum) », sans date. Pour la source, voir n. 9 ci-dessus.
18 Il est intéressant de songer que Colombani a bien pu lire le rapport de Boyer sur les émeutes d’avril lorsqu’il entra en fonction, puisqu’il s’agissait là de l’une des documentations récentes les plus importantes sur le pays.
19 Son rapport conclut : « Au-dessus de ces remous, les Chefs et les corps sociaux traditionnels, sûrs de leur force actuelle, nous observent et nous jugent ; il me paraît difficile de nier la considération et la protection que méritent ces valeurs séculaires… ». « Rapport sur les opérations électorales concernant le scrutin du 28 sept. (Référendum). »
20 Ibid. ; chap. 4 du présent ouvrage ; F. Fuglestad, « Djibo Bakary, the French, and the Referendum of 1958 in Niger », Journal of African History, 14 (1973), 313-330 et V. Thompson, « Niger », in G.M. Carter (dir.), National Unity and Regionalism in Eight African States (Ithaca, NY, 1966), 153 ; N. Bako-Arifari, Dynamique et formes de pouvoir politique en milieu rural ouest-africain : Étude comparative sur le Bénin et le Niger (thèse doctorale, Paris, 1999), vol. 1, 228 ; Djibo, Les transformations, 130 et 271.
21 Communiqué députés Sawaba, 6 oct. 1958.
22 Initialement 41. En fin 1957, cependant, Adamou Mayaki fut exclu du parti. Voir chap. 2.
23 Mouddour Zakara ; Alghabit Ag Moha ; Amadou Issaka ; Moha Rabo ; Yacouba Siddo ; Toumani Sidibé ; El Hadj Kadi Oumani ; Maïtournam Moustapha ; Boukari Zakaria ; Gaston Fourrier.
24 C. Fluchard, Le PPN-RDA et la décolonisation du Niger 1946-1960 (Paris, 1995), 260.
25 Moha Rabo ; Yacouba Siddo ; Maïtournam Moustapha ; Toumani Sidibé ; Boukari Zakaria ; et El Hadj Kadi Oumani. « Recueil des principaux renseignements reçus par le Bureau d’Études de l’A.O.F. pour la période du 14 au 31 oct. 1958 », no 9 ; CAOM, Cart. 2248.
26 Étant donné ce qui se produisit par la suite, on doit conclure que, sur la fin en tout cas, 15 députés Sawaba se révéleront peu fiables ou succomberont aux pressions : Yacouba Siddo ; Maïtournam Moustapha ; Paul Achaume ; Mouddour Zakara ; Moha Rabo ; Robert Dumoulin ; Yahaya Touraoua ; Boukari Zakaria ; Toumani Sidibé ; Kadi Oumani ; Algabit Ag Moha ; Gaston Fourrier ; Abdoussalé Tankari ; Amadou Issaka ; Hassane Sourghia Maïga. Comptes rendus politiques in C. Maman, Répertoire biographique des personnalités de la classe politique et des leaders d’opinion du Niger de 1945 à nos jours (Niamey, 1999), vol. 1.
27 Chef du territoire du Niger à Monsieur le ministre de la FOM, Paris, et M. le haut-commissaire de la République en AOF, Dakar, 27 oct. 1958.
28 « Recueil des principaux renseignements… 14 au 31 oct. 1958 », no 9 et communiqué du Sawaba communiqué, sans date, mais octobre 1958.
29 Pour le texte de ce communiqué de Paris, voir Djibo, Les transformations, 134.
30 Lettre ouverte au Bureau politique du Sawaba ; Groupe de jeunes, Niamey, 5 oct. 1958 ; CAOM, Cart. 2181/D.1 bis.
31 Télégramme Messmer à France outre-mer, nos 854-855, 25 oct. 1958. Urgent ; CAOM, Cart. 2181/D.1 bis ; « Les raisons de notre lutte », 47.
32 « Rapport sur les opérations électorales concernant le scrutin du 28 sept. » et chap. 4 de cet ouvrage.
33 Communiqué députés Sawaba, 6 oct. 1958.
34 Résolution section nigérienne de l’UGTAN, Niamey, 7 oct. 1958 (signée Zakou – président et Hima Dembélé – secrétaire). Texte in « Les raisons de notre lutte », 45-46.
35 Thompson, « Niger », 166 et Djibo, Les transformations, 91.
36 Ces circonstances nouvelles apparaissent clairement dans une lettre de Maurice Camara, bureau politique Sawaba, à chef du territoire du Niger, 5 oct. 1958 (texte in « Les raisons de notre lutte », 43-44).
37 Texte in Djibo, Les transformations, 132.
38 Messmer, Après tant de batailles, 243.
39 Alors que ce dernier se trouvait peut-être à Paris pour la rencontre du comité directeur du PRA avec Bakary. Parti de regroupement africain, conférence de presse, 19 nov. 1958.
40 Messmer, Après tant de batailles, 243.
41 Fluchard, Le PPN-RDA, 261.
42 Lettre ouverte au Bureau politique du Sawaba ; Groupe de jeunes, Niamey, 5 oct. 1958, conclue par l’exclamation « Que Dieu me préserve de mes amis ». Le Sénégalais Mamadou Dia aurait été le membre du comité directeur qui se serait opposé à la démission de Bakary. Djibo, Les transformations, 133-134 et 136.
43 « Les raisons de notre lutte », 47.
44 Chaffard, Les carnets secrets, 295. Également Fluchard, Le PPN-RDA, 261-262.
45 Parti de regroupement africain, conférence de presse, 19 nov. 1958 ; Messmer, Après tant de batailles, 243.
46 Ainsi que les leaders du PRA leaders l’ont par la suite soutenu également. Parti de regroupement africain, conférence de presse, 19 nov. 1958.
47 Djibo, Les transformations, 136 (interview de Bakary). De préférence Condat, peut-être parce que l’affable président de l’Assemblée pouvait être plus facilement contrôlé. « Les raisons de notre lutte », 47.
48 Djibo, Les transformations, 134-135 et Chaffard, Les carnets secrets, 295.
49 Chef du territoire du Niger à Monsieur le ministre de la FOM, Paris, et M. le haut-commissaire de la République en AOF, Dakar, 27 oct. 1958.
50 Selon Djermakoye lui-même, il aurait refusé le poste du fait d’une entente avec Houphouët-Boigny. Fluchard, Le PPN-RDA, 261.
51 Ibid., 261-263 ; Djibo, Les transformations, 136-137 ; Chef du territoire du Niger à Monsieur le ministre de la FOM, Paris, et M. le haut-commissaire de la République en AOF, Dakar, 27 oct. 1958 ; Parti de regroupement africain, conférence de presse, 19 nov. 1958 ; « Recueil des principaux renseignements… 14 au 31 oct. 1958 », no 9.
52 Chef du territoire du Niger à Monsieur le ministre de la FOM, Paris, et M. le haut-commissaire de la République en AOF, Dakar, 27 oct. 1958.
53 Messmer, Après tant de batailles, 243.
54 Texte in Djibo, Les transformations, 139.
55 Maurice Camara, bureau politique Sawaba, à chef du territoire du Niger, 5 oct. 1958.
56 Interview de Georges Condat, Niamey, 27 nov. 2003.
57 Djibo, Les transformations, 139.
58 Fluchard, Le PPN-RDA, 263 (qui affirme que la réunion d’Abidjan eut lieu le 28 octobre, mais sans donner d’autre source que Chaffard) et Djibo, Les transformations, 174.
59 Chef du territoire du Niger à Monsieur le ministre de la FOM, Paris, et M. le haut-commissaire de la République en AOF, Dakar, 27 oct. 1958.
60 Djibo, Les transformations, 141.
61 Fluchard, Le PPN-RDA, 264.
62 Chef du territoire du Niger à Monsieur le ministre de la FOM, Paris, et M. le haut-commissaire de la République en AOF, Dakar, 27 oct. 1958. Motion in CAOM, Cart. 2181/D.1 bis.
63 Djibo, Les transformations, 139 (sur la base d’un télégramme de Colombani).
64 Ibid., 142 et comme Senghor l’a soutenu dans une conférence de presse le 16 décembre. Texte in D. Bakary, Silence ! On décolonise : Itinéraire politique et syndical d’un militant africain (Paris, 1992), 215-220.
65 Djibo, Les transformations, 140 et Chaffard, Les carnets secrets, 296-297 (ce dernier, sans donner de sources).
66 Voir Parti de regroupement africain, conférence de presse, 19 nov. 1958 ; conférence de presse, 16 déc. 1958 (note 64 ci-dessus) ; Djibo, Les transformations, 142.
67 Djibo, Les transformations, 141-144. Fluchard, Le PPN-RDA, 264-265, croit que Condat était absent.
68 Voir le début de ce chapitre et le chapitre 4. Parti de regroupement africain, conférence de presse, 19 nov. 1958. Les accusations furent reprises lors de la conférence de presse du 16 décembre.
69 Chaffard, Les carnets secrets, 297-298.
70 Ibid., 297 ; Parti de regroupement africain, conférence de presse, 19 nov. 1958 ; G. Dugué, Vers les États-Unis d’Afrique (Dakar, 1960), 155.
71 Cité in Dugué, Vers les États-Unis d’Afrique, 155.
72 Ibid., 155-156. Comme le Sawaba le suggère dans son organe Azalaï, no 68, 29 déc. 1958 (texte in Fluchard, Le PPN-RDA, 269-270). Fuglestad (« Djibo Bakary », 329) prend les instructions de Colombani à la lettre.
73 Maïga Abdoulaye, bureau politique Sawaba, à chef du territoire, lettres no 17/E + 18/E, 4 déc. 1958 ; lettre datée du 8 déc. 1958. À moins d’indication contraire, la correspondance sur les élections provient de la direction du Contrôle, Mission Pinassaud ; CAOM, Cart. 1040.
74 Fuglestad, « Djibo Bakary », 329 (« To a certain extent »).
75 Télégramme chef du territoire à tous les Cercles et Subdivisions, 27 nov. 1958.
76 Maïga Abdoulaye, bureau politique Sawaba, à chef du territoire, lettre 8 déc. 1958 ; Fiche de renseignements, source : E, valeur A/1, origine Maradi, n. d. ; télégrammes : Cercle Madaoua à chef du territoire, 10 déc. ; chef du territoire à Cercle Madaoua, 11 déc. ; Cercle Zinder à chef du territoire, 7 déc. ; Maidah Achaume, Tessaoua, à chef du territoire, 8 déc.
77 Fuglestad, « Djibo Bakary », 329.
78 « Recueil des principaux renseignements reçus par le Bureau d’Études de l’A.O.F. pour la période du 16 au 22 nov. 1958 », no 12 ; ibid., 8 au 14 déc. 1958, no 15 (tous deux CAOM, Cart. 2248) ; et télégramme chef du territoire à France outre-mer, copie sur Dakar, no 150, 8 déc. ; CAOM, Cart. 2181/D.1 bis.
79 Maïga Abdoulaye, bureau politique Sawaba, à chef du territoire, lettres no 18/E, 4 déc. 1958.
80 Fuglestad (« Djibo Bakary », 329) se trompe complètement sur ce point.
81 Fluchard, Le PPN-RDA, 266 et Dugué, Vers les États-Unis d’Afrique, 156.
82 Djibo Bakary, secrétaire général du Sawaba, à chef du territoire, 24 nov. 1958.
83 Djibo, Les transformations, 150-152 ; entretien de Issa Younoussi avec Kane Boukari, Niamey, 7 août 2008 ; Fluchard, Le PPN-RDA, 269 ; « Recueil des principaux renseignements… 16 au 22 nov. 1958 », no 12.
84 Djibo, Les transformations, 150-152, 203 ; « Recueil des principaux renseignements… 16 au 22 nov. 1958 », no 12.
85 Copie communication 1er nov. 1958, ambassadeur de France Accra à France outre-mer, 4 nov. 1958, no 11771 ; CAOM, Cart. 2181/D.1 bis et Recueil, n. 84. On ne sait si ces sources ont été mises à disposition. Il existe une indication sur une brève participation de Bakary à l’AAPC, peut-être avec Abdoulaye Mamani, un certain Mamouda Maida et Isa Ibrahim (sans doute Ibrahim Issa – un journaliste et cadre d’obédience Sawaba –, et non le Issa Ibrahim du RDA à Zinder). T. Yakasai, The Story of a Humble Life : An Autobiography, vol. 1 (Zaria, 2004), 144.
86 Djibo, Les transformations, 154, 159-160 ; Djibo Bakary, secrétaire général du Sawaba, à chef du territoire, Niamey, lettres 25 et 27 nov. 1958 ; P. Deu, Commissaire Divisionnaire, chef des services de police du Niger, à chef du territoire, no 1780/PSC-RG, Niamey, 3 déc.
87 Les leaders de la NEPU présent à l’AAPC étaient Aminu Kano, Malam Abubakar Zukogi, M.K. Ahmed, Gambo Sawaba, Malam Yahaya Sabo, Sani Darma et Tanko Yakasai, qui affirme y avoir rencontré les leaders du Sawaba (n. 85 ci-dessus). Yakasai, The Story of a Humble Life, 143.
88 Djibo, Les transformations, 159 ; Malick N’Diaye, comité Sawaba Maradi, à chef du territoire, 27 nov. 1958 ; Sawaba Maradi au commandant de Cercle Maradi, 11 déc. ; candidats Sawaba Maradi à chef du territoire, 11 déc. ; chef du territoire à Cercle Madaoua, 13 déc., télégraphiant : « Vous demande faire preuve tolérance à l’égard des véhicules non immatriculés Niger. Assurez libre circulation tous véhicules. »
89 Télégramme Sawaba Magaria à Sawaba Niamey, non daté.
90 Djibo, Les transformations, 159 ; télégrammes chef du territoire à tous Cercles et Subdivisions, non daté et Cercle Madaoua à chef du territoire, 14 déc. 1958 ; note Y. Riou, commandant de Cercle Tahoua, à M. Sylvain, service de l’hydraulique Tahoua, 1er déc.
91 Comme dans le secteur de Ouallam, à l’Ouest. Issa Bakary Maïga, Sawaba Tillabéri, à chef de subdivision Ouallam, lettre, 8 déc. 1958.
92 25 000 au lieu de 21 000 ou 20 000 francs la tonne. Djibo, Les transformations, 150 et 154 ; Fluchard, Le PPN-RDA, 267 ; télégrammes Issa Ibrahim, RDA Zinder, à chef du territoire et chef du territoire à Cercles Maradi, Madaoua, Tessaoua, Zinder, Magaria, 1er et 2 déc. 1958.
93 Djibo, Les transformations, 153 et 157.
94 Y compris les Entreprises Vidal qui employaient de nombreux Bellas. Bakary donna cette liste de cadres mutés et des lieux où ils se retrouvèrent selon toute probabilité : Maïné-Soroa : Ousmane Ben Mamadou, Maï Laouane ; Tahoua : Amadou Alkali, Ibrahim Doka, Mahaman Toga ; Téra : Amadou Sallé, Amadou Ouabanaïzé ; Maradi : Barmou Batouré, Djibo Maïlafia, Moussa Hassane ; Tillabéri : Issa Bakary ; Say : Ousmane Diallo ; Niamey : Hassaou Néïno, Dodo Hamballi, Mamoudou Pascal. Bureau politique Sawaba à chef du territoire, 29 nov. 1958 ; Djibo Bakary, secrétaire général du Sawaba, à chef du territoire, lettre 24 nov. ; Maïga Abdoulaye, bureau politique Sawaba, à chef du territoire, lettre 18/E, 4 déc.
95 Ambassadeur de France Accra à France outre-mer, 4 nov. 1958, no 11771 (n. 85 ci-dessus).
96 Télégrammes Georges Condat, Tessaoua, à chef du territoire, 9 déc. 1958 ; Cercle Tessaoua à chef du territoire, 10 déc. ; Taambari Tchiloko, Sawaba Dakoro, à chef du territoire, 14 déc. ; Maïga Abdoulaye, bureau politique Sawaba, à chef du territoire (lettre), 10 déc.
97 La mission Pinassaud citée en n. 73 ci-dessus.
98 Djibo, Les transformations, 154 ; télégramme Cercle de Magaria à chef du territoire, 9 déc. 1958.
99 Télégramme chef de subdivision Tanout à chef du territoire, 5 déc. 1958.
100 Djibo, Les transformations, 154 ; télégrammes chef de subdivision Tanout à chef du territoire, 12 déc. 1958.
101 Aboubakar dit Kaou, Diougou Sangaré, Sallé Dan Koulou, Comité Sawaba Tessaoua, à chef du territoire, lettre no 4/CST, 27 nov. 1958 ; Diougou Sangaré, Sawaba Tessaoua, à commandant de Cercle Tessaoua, lettre no 12/CST, 5 déc. ; Maïga Abdoulaye, bureau politique Sawaba, à chef du territoire, lettres, 28-30 nov. ; télégrammes comité Sawaba Zinder à chef du territoire, chef du territoire à commandant de Cercle Zinder, 29 nov. ; Cercle Zinder à chef du territoire, 1er déc. ; Sawaba Tahoua à Bureau politique Sawaba Niamey, 26 nov.
102 Colombani donna notification de ne pas interdire la réunion mais d’intervenir en cas de trouble. Télégrammes Cercle Zinder à chef du territoire ; comité Sawaba Zinder à chef du territoire ; Cercle Madaoua à chef du territoire ; chef du territoire à Cercle Madaoua, 7, 8, 10, 11 déc. 1958.
103 Chef du territoire à tous Cercles & Subdivisions, 13 déc. 1958, qui nièrent en nombre un tel épisode.
104 Djibo, Les transformations, 154.
105 Malick N’Diaye, comité Sawaba Maradi, à chef du territoire, lettre, 27 nov. 1958 ; lettre ouverte de la section Sawaba de Maradi à Monsieur le commandant de Cercle de Maradi, 28 nov. 1958 ; télégrammes Sawaba Maradi à ?, 29 nov. et ibid. à chef du territoire, 4 déc.
106 Maïga Abdoulaye, bureau politique Sawaba, à chef du territoire, lettre, 28 nov. 1958 ; télégrammes Sawaba Zinder à chef du territoire, 3, 9 et 13 déc. Télégramme Cercle Zinder à chef du territoire, 5 déc. Les Français nièrent avoir exercé de la contrainte. Sur le télégramme de Dosso, chef du territoire à Cercle Maradi, 7 déc. et Cercle Dosso à chef du territoire, 9 déc. Les Français nièrent dans ce cas également.
107 Télégramme Sawaba Maradi à Sawaba Niamey, date non connue.
108 Djibo, Les transformations, 154 ; Djibo Bakary, secrétaire général Sawaba, à chef du territoire, lettre, 24 nov. 1958.
109 Télégrammes chef de subdivision Tanout à chef du territoire, 6 et 12 déc. 1958 ; comité Sawaba Tanout à chef du territoire, 10 déc.
110 Télégramme Subdivision Maïné-Soroa à chef du territoire & Cercle Gouré, 2 déc. 1958, Sawaba Maïné-Soroa à chef du territoire, 29 nov. L’administrateur câbla « J’ai dû… passer sur marchés pour redresser certaine propagande ».
111 Télégrammes Sawaba Zinder à chef du territoire, 9 déc. 1958 ; Maïga Abdoulaye à chef du territoire, sans date ; Cercle Zinder à chef du territoire, 12 déc. ; Sawaba Maïné à direction Sawaba Niamey, 1er déc. ; Adame Zaroumeye, Sawaba Dosso, à ?, 1er déc. ; Djibo Bakary, secrétaire général Sawaba, à chef du territoire, 25 nov. ; Maïga Abdoulaye, bureau politique Sawaba, à chef du territoire, lettre no 17/E, 4 déc.
112 Télégrammes Sawaba Maradi à ?, 29 nov. et Sawaba Maradi à chef du territoire, 4 déc. ; chef du territoire à Cercle Maradi, 7 déc. ; Cercle Maradi à chef du territoire, 8 déc. ; Taambar Tchiloko, Sawaba Dakaro, à chef du territoire, 14 déc. ; P. Garreau, chef de subdivision centrale Maradi, à commandant de Cercle Maradi, lettre, 10 déc.
113 Télégrammes Sawaba Tessaoua à chef du territoire, 3 déc. 1958 ; Cercle Tessaoua à chef du territoire, 3 et 5 déc. ; entretien de Issa Younoussi avec Kane Boukari, Niamey, 7 août 2008.
114 Djibo, Les transformations, 128 ; interview de Georges Condat, Niamey, 27 nov. 2003.
115 Télégramme Cercle Madaoua à chef du territoire, 10 déc. 1958 et Djibo Bakary au commandant de Cercle Madoua (lettre), 9 déc. Colombani gribouilla « Non » en marge.
116 Télégrammes chef du territoire à chef de subdivision Tanout, 6 déc. 1958 ; Cercle Magaria à chef du territoire, 9 déc. ; subdivision Tanout à chef du territoire, 5 déc. À Tanout, ceci ne mit pas fin aux plaintes du Sawaba.
117 E. Bruneton, commandant de Cercle Konni, à El Hadj Assane, chef de canton Konni, lettre, 8 déc. 1958 ; Maïga Abdoulaye, bureau politique Sawaba, à chef du territoire, lettre, 28 nov. Il ne semble pas que rien ait été fait à propos de cette dernière affaire.
118 Télégramme chef du territoire à France outre-mer, 9 déc. 1958 ; Djibo, Les transformations, 156.
119 Djibo, Les transformations, 153. Même les Français le reconnurent. Voir un rapport de Pierre Brachet, Cercle Maradi, 30 nov. (Direction du Contrôle, Mission Pinassaud).
120 Télégramme Cercle Madaoua à chef du territoire, 7 déc. 1958.
121 Aboubakar dit Kaou, Diougou Sangaré, Sallé Dan Koulou, Comité Sawaba Tessaoua, à chef du territoire, lettre no 4/CST, 27 nov. 1958.
122 Télégramme Cercle Madaoua à chef du territoire, 11 déc. 1958.
123 Télégrammes Issa Ibrahim, RDA Zinder, à chef du territoire et chef du territoire à France outre-mer, 1er-9 déc. 1958.
124 Maïga Abdoulaye, bureau politique Sawaba, à chef du territoire, lettre, 28 nov. 1958 ; télégrammes comité Maidah (UCFA), Tessaoua, à chef du territoire, 4 déc. ; chef du territoire à Paris et Dakar, 9 déc. ; commandant de Cercle Tillabéri à chef du territoire, 29 nov. À Zinder, Senghor fut hébergé par Abdoulaye Mamani. Voir dernière source mentionnée in chap. 6, n. 107.
125 Télégrammes Sawaba Magaria à ?, Cercle Magaria à chef du territoire, 2 et 9 déc. 1958 ; subdivision Maïné à chef du territoire & Cercle Gouré, 2 déc. ; Sawaba Maradi à commandant de Cercle Maradi, lettre, 12 déc.
126 Télégrammes chef du territoire à Cercle Gouré & Cercle Gouré à chef du territoire, 10-12 déc.
127 Télégrammes comité Sawaba Zinder & Cercle Zinder à chef du territoire, 29 nov., 1er déc.
128 Télégramme Djibo Bakary à Senghor, Dia, Lamine Guèye, Maradi, & Sawaba Maradi à commandant de Cercle Maradi, lettre, 11-12 déc. 1958.
129 Rapport Pierre Brachet, Cercle Maradi, 30 nov. 1958.
130 Ibid. et Fiche de renseignements, source : E, valeur A/1, origine Maradi, n. d.
131 Télégramme Maradi I 22 9 0807 Urgent Kaiga Sawaba Niamey, 9 déc. 1958.
132 Djibo Bakary à commandant de Cercle Madaoua (lettre) et télégrammes chef du territoire à Cercles Maradi et Madaoua, Cercle Madaoua à chef du territoire, 9-10 déc. 1958, le dernier message démentant une telle tentative ou même la survenue des incidents.
133 Télégramme chef du territoire à tous Cercles et Subdivisions, 9 déc. 1958.
134 Télégrammes Sawaba Tessaoua à chef du territoire, 25 nov. et 3 déc. 1958 ; Diougou Sangaré, Sawaba Tessaoua, à commandant de Cercle Tessaoua, lettre no 13/CST, 5 déc. ; I. Diop à Monsieur l’administrateur en chef de la FOM commandant le Cercle de Magaria, 5 déc. Aussi, W.F.S. Miles, Hausaland Divided : Colonialism and Independence in Nigeria and Niger (Ithaca, NY et Londres, 1994), 135.
135 Télégramme Mustapha, Madaoua, à Sawaba Niamey, 30 nov. 1958.
136 Télégrammes Mamani Zinder 10 28 8 à Sawaba Niamey, sans date ; Mamani Zinder à Sawaba Niamey, non daté ; Mamani à ? (probablement siège Sawaba) 29 nov. 1958. Le Zengou est l’un des vieux quartiers de la ville.
137 Télégrammes Sawaba Zinder à chef du territoire, 3 déc. 1958 ; Bureau politique Sawaba à France outre-mer & Dakar, non daté ; lettres Djibo Bakary, secrétaire général Sawaba, à chef du territoire, 27 nov. ; Maïga Abdoulaye, bureau politique Sawaba, à Chef du Teritoire, 10 déc. ; I. Diop à Monsieur l’administrateur en chef de la FOM commandant le Cercle de Magaria, 5 déc.
138 Rapport Pierre Brachet, Cercle Maradi, 30 nov. 1958 ; interview de Hamidou Adamou Abdoulaye, Niamey, 19 déc. 2009 ; Le chef du territoire du Niger, officier de la Légion d’honneur, au ministre de la France d’outre-mer, 23 déc. 1958, avec trois comptes rendus d’incident à Madarounfa, Tibiri et Dan Kori ; CAOM, Cart. 2189/D.12 (référé dorénavant chef du territoire, compte-rendu). Le rapport Brachet était ouvertement de parti pris.
139 Lettre ouverte de la section Sawaba de Maradi à Monsieur le commandant de Cercle de Maradi, 28 nov. 1958.
140 Voir chap. 2 de cet ouvrage.
141 Rapport Pierre Brachet, Cercle Maradi, 30 nov. 1958 ; Maïga Abdoulaye, bureau politique Sawaba, à chef du territoire, lettre, 28 nov. ; conférence de presse Senghor, 16 déc. (n. 64). Pour yara, voir cha. 2.
142 Télégramme Sawaba Maradi à chef du territoire, 4 déc. 1958.
143 Divers télégrammes (Sawaba, UCFA, administration), 10-11 déc. 1958 ; chef du territoire, compte-rendu. Les Français rejetèrent directement la faute de l’incident sur Bakary et non, partiellement, sur le RDA, avec un juge de Maradi montrant même l’intention de le mettre en détention préventive.
144 Fiche de renseignements. Source : E, valeur A/1, origine Maradi, n. d.
145 Après l’avoir d’abord chargé, suivant un témoin. Chef du territoire, compte-rendu.
146 Une autre source affirme que Dandouna avait à ce moment-là remis son pistolet dans sa poche. N’Diaye aussi se mit debout sur une voiture mais aurait rangé son arme dans ses vêtements lorsqu’il commença à parler à la foule, peut-être dans l’intention de l’apaiser. Ibid., comprenant cinq récits de témoins oculaires différant légèrement sur certains points.
147 P. Brachet, l’administrateur en chef commandant le Cercle de Maradi, à Monsieur le gouverneur de la FOM chef du territoire du Niger, lettre, 14 déc. 1958 ; message commandant Escadron Maradi à commandant Groupe Niger Niamey no 422/4, 12 déc. ; télégrammes Sawaba Maradi à Sawaba Niamey, date ? ; Bakary à Senghor etc., Maradi, 11 déc.
148 L’UCFA pointa le doigt sur les sawabistes locaux Arzika (oncle deIlliassou), Labo, Argi-Amoumoune, Dan Zakara, Balla et Chawai. Illiassou and Arzika furent interrogés. chef du territoire, compte-rendu ; télégrammes candidats UCFA Tessaoua à chef du territoire, 5 déc. 1958 ; Maidah Achaume Tessaoua à chef du territoire, 8 déc. ; chef du territoire à France outre-mer, copie à Dakar, no 149, 8 déc.
149 Télégramme Cercle Zinder à chef du territoire, 7 déc. 1958 ; chef du territoire à France outre-mer, copie à Dakar, no 151, 8 déc.
150 À Konni et Tahoua (régions non arachidières) aussi la participation fut nettement au-dessus de la moyenne (32,8 % et 40,9 %), mais seulement légèrement à Tessaoua (27 %). Djibo, Les transformations, 164-166 et Fluchard, Le PPN-RDA, 268-269.
151 Les taux les plus bas furent ceux de 2 cercles à l’est : Gouré (13 %) et Nguigmi (12,2 %). Pour une excellente analyse, voir Djibo, Les transformations, 164 subsq.
152 Interview de Gonimi Boukar, Niamey, 5 nov. 2005.
153 Djibo, Les transformations, 153.
154 Maïga Abdoulaye, bureau politique Sawaba, à chef du territoire, lettre no 20/E, 6 déc. 1958 et notes gribouillées en marge par Colombani.
155 Djibo, Les transformations, 154-158 ; télégrammes Cercle Magaria à chef du territoire et chef du territoire à tous Cercles et Subdivisions, 13 déc. 1958.
156 Certains bureaux de vote auraient été déplacés, sans raisons démographiques, vers des zones favorables à l’UCFA. Des bulletins de vote auraient été distribués à des Nigérians alors que le Sawaba n’aurait pas reçu, dans les régions de Tahoua et Zinder, un grand nombre des bulletins qui lui revenaient. Djibo, Les transformations, 157-159 ; Sawaba Maradi à commandant de Cercle Maradi, lettre, 11 déc. 1958 et Maïga Abdoulaye, bureau politique Sawaba, à chef du territoire, lettre no 19/E, 6 déc.
157 Télégrammes Cercles Magaria et Madaoua à chef du territoire, 14 déc. 1958.
158 Télégrammes différents Cercles et Subdivisions à chef du territoire, 14 déc. 1958.
159 Djibo, Les transformations, 158 et 169-171 ; télégrammes Sawaba Dosso & Tambari Tchiloko, Sawaba Dakoro, à chef du territoire, 14 déc. 1958 ; Issa Diop à Monsieur l’administrateur en chef de la FOM commandant le Cercle de Magaria, 5 déc. 1958 ; Sawaba Maradi à commandant de Cercle Maradi, lettre, 11 déc.
160 Djibo, Les transformations, 162, 166 et 170.
161 Ibid., 167.
162 Voir la liste in ibid., 163. À Niamey, le Sawaba gagna 6 960 voix contre 14 310 pour l’UCFA et à Téra 4 850 contre 6 857 pour l’UCFA.
163 Ce télégramme omit également les résultats pour Magaria. Ibid., 162.
164 Ibid., 167 et télégramme chef du territoire à Cercle Tessaoua ? déc. 1958.
165 Djibo, Les transformations, 168, qui, cependant, ne fournit pas ses sources.
166 Fuglestad, « Djibo Bakary », 330. Pour ces sawabistes, voir chapitres 2-3 ci-dessus et Maman, Répertoire biographique, 47. Pour tous les députés élus, voir n. 176 ci-dessous. Les élections se firent sur la base de listes pour chaque parti et de majorité relative (la moitié plus un).
167 Djibo, Les transformations, 168.
168 Télégramme Hamani Diori à chef du territoire, 15 déc. 1958.
169 En dehors de l’indépendant qui l’a emporté à Nguigmi.
170 Djibo, Les transformations, 167.
171 Interview de Gonimi Boukar, Niamey, 5 nov. 2005.
172 Note Pinassaud à France outre-mer, 18 déc. 1958.
173 Djibo, Les transformations, 171.
174 Ibid., 172-173, 187 ; Fluchard, Le PPN-RDA, 270-271 ; Maman, Répertoire biographique, 50 ; Chaffard, Les carnets secrets, 300.
175 Voir chap. 2 du présent ouvrage.
176 Djibo, Les transformations, 172. Il se peut qu’ils aient été absents, tout comme Hima Dembélé, Sallé Dan Koulou, Diougou Sangaré, Eugène Tégama et Amadou Aboubacar (dit Kaou) l’avaient été la veille, ou peut-être le gouvernement avait refusé de noter leur action dans les registres du parlement. Abdoulaye Mamani et Georges Condat étaient au moins présents à la reprise de la session après une pause, au cours de cette même soirée du 18 décembre. Contrairement aux affirmations de Mamoudou Djibo, les députés Sawaba (Mamani, Abdou Boukary, Mahaman Dan Bouzoua, Badéri Mahamane, Brah Moustapha, Tégama [Zinder] ; Condat, Dan Koulou, Sangaré, Dembélé, Aboubakar dit Kaou [Tessaoua]) eurent accès aux commissions parlementaires, mais n’occupèrent jamais plus de 1 à 3 sièges sur un total d’environ une dizaine. Maman, Répertoire biographique, 47. République du Niger assemblée constituante. Procès-verbaux. Session extraordinaire du 17-12-58 au 22-12-58 ; session ordinaire du 29-12-58 au 20-1-59, 27-30. ANN, 86 MI 1 PO 22.14.
177 Les procès-verbaux de l’Assemblée laissent penser que le vote se fit par acclamation, ce qui eut également pour effet de marginaliser la minorité des députés Sawaba. Assemblée constituante. Procès-verbaux, 15-17 ; « Synthèse politique », no 167/CP, déc. 1958-janv. 1959 ; CAOM, Cart. 3684 ; Fluchard, Le PPN-RDA, 270 (sur la base d’un entretien avec Bakary) ; Djibo, Les transformations, 172-173.
178 Djibo, Les transformations, 175.
179 J.-R. de Benoist, L’Afrique-Occidentale Française de la conférence de Brazzaville (1944) à l’indépendance (1960) (Paris, 1982), 430. Je n’ai pas d’informations sur le vote des députés Sawaba, qui n’a pas été marqué dans les registres parlementaires.
180 Djibo, Les transformations, 175-176, qui contient le texte de Diori, et Assemblée constituante. Procès-verbaux, 40-50.
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