28 Comme on l’a vu, cette généalogie est fausse depuis Marin jusqu’à Michel, qui n’est pas fils d’André et qui est né en 1659. On trouve bien un Marin Simon marié en 1620 à Louise Maloyer et décédé en 1638, mais il ne peut pas être l’ancêtre de Louis Simon, non plus qu’un André Simon, baptisé en 1638, fils d’un Pierre Simon.
29 * L’âge tardif au mariage s’ajoute à la brièveté de la vie pour faire de l’aïeul un personnage rare. Le minutier de Cérans montre que les premiers nés n’ont eu aucune chance de connaître, dans 64 % des foyers leur aïeul paternel, dans 56 % leur aïeul maternel, dans 39 % leur aïeule paternelle, dans 37 % leur aïeule maternelle. Que dire des puînés ? (A. Fillon, « À la recherche des aïeuls du Maine… », Fruits d’écritoire…, op. cit., p. 209-240).
30 * Cet intertitre n’existe pas dans le manuscrit. Ajouté par Anne Fillon dans l’édition de 1996, il s’inspire directement de Louis Simon (ms1, lignes 2 et 3).
31 Le mal de l’an, dit aussi « carreau », * se manifestait par des coliques et des convulsions, notamment chez le nourrisson au cours de sa première année.
32 Plain-chant : chant à l’unisson accompagnant les cérémonies de l’Église catholique. * Dans le village sans école qu’est La Fontaine Saint-Martin, la transmission des quatre fondamentaux du savoir se fait ici du père au fils.
33 * Le père de Louis avait lui-même reçu le chant d’Église de son propre père sacristain. Et le père de celui-ci « était aussi fameux chantre d’Église » (ms 2).
34 * Charles-Louis de Froullay fut évêque du Mans de 1723 à 1767.
35 * Ces « grands changements » concernent non seulement le chant mais l’ensemble de la liturgie.
36 * Il faut sans doute lire « elle s’affaiblit ».
37 * Sans la grossesse d’Anne Cureau, Louis-François Simon ne l’aurait pas épousée. Son inconduite postérieure ne peut se dissocier de l’immense solitude de ce garçon doué, dans l’impossibilité de faire valoir ses talents. Marié à une femme totalement illettrée et confiné dans un village aux horizons étroits, il a besoin de l’auberge qui est pour lui à la fois la gazette, le théâtre et la tribune.
38 * Syndic de la paroisse : représentant de la communauté villageoise dans ses démarches pour défendre ses intérêts (devant la justice notamment). Il est élu pour un an par l’assemblée générale des chefs de familles.
39 * Dans la maison d’un étaminier, l’argent ne rentre que lorsque la pièce de quarantetrois aulnes est livrée au marchand. Et pour tisser cette pièce, l’ouvrier doit se tenir à son métier durant 6 à 7 semaines.
40 * Louis-François Simon emprunte d’abord à Jean Ory, jardinier du château, en échange d’une rente annuelle de dix livres. À l’automne 1742, l’argent manque au moment d’acheter les provisions et le ménage emprunte 200 livres en hypothéquant tous ses biens. La somme est considérable : le revenu annuel d’un sarger. En 1743, L.-F. Simon vend sa terre du Genetay à Courcelles et trois mois après, il liquide les restes de son héritage.
41 En 1752, le seigle était passé de 9 sols à 80 sols le boisseau.
42 La guerre de la Nauvre est la guerre de Hanovre. * La prononciation locale n’aspire pas le « h ». Il s’agit de la guerre qui sera dite plus tard de Sept Ans (1756-1763).
43 * Cet « ami » parti à la guerre était probablement Joseph Sassier, soldat, puis caporal, enfin sergent au régiment de Vatan. Fils d’un huissier d’Oizé, il était apparenté à une famille de La Fontaine.
44 L’auberge de la Chasse aux cerfs était située à la sortie de la ville de La Flèche, près des remparts, au-delà du lieu appelé la « Contrescarpe ».
45 * À deux reprises dans la même journée, l’aubergiste prend soin du jeune homme naïf et exalté qu’il voit se mettre en danger dans sa salle d’auberge.
46 * Le premier pont de Sèvres, construit en 1684 sur décision de Louis XIV afin de faciliter les déplacements entre Paris et Versailles, se trouvait à l’extrémité de l’Île Seguin et était construit en bois.
47 Sainte-Marguerite peut désigner une paroisse près de Pornichet (qui n’est certes pas une île mais qui aurait pu être la dernière étape du soldat avant la rencontre), ou, comme l’a suggéré André Corvisier, l’île Sainte-Marguerite de Lérins, en face de Cannes et non en Basse-Bretagne. Dans ce cas, le soldat se serait très largement écarté de sa « route », mais son admission serait toutefois possible en cette année 1763 où affluent à l’hôtel royal les blessés et mutilés et où, selon les chiffres donnés par André Corvisier, on en admet 7 223, alors que la moyenne des années normales est de 1 000 par an.
48 Bergobsom : c’est Bergen op Zoom, une ville des Pays-Bas qui fut prise par les Français en 1747 pendant la guerre « de la reine d’Hongrie », c’est-à-dire la guerre de succession d’Autriche (1740-1748).
49 * La voie fluviale joue un rôle essentiel dans la circulation intérieure de la ville. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, l’augmentation du trafic fluvial se conjugue à la volonté d’embellissement pour entraîner des transformations : démolition des maisons sur les ponts, création de nouveaux quais et ports, expulsion de certains métiers (Isabelle Backouche, La Trace du fleuve, La Seine et Paris [1750-1850], Paris, EHESS, 2000, 431 pages).
50 * La Monnaye de Paris était alors située à l’emplacement actuel de la rue Boucher et des magasins de la Samaritaine et de la Belle Jardinière. Un nouvel hôtel de la Monnaie de Paris, construit quai de Conti par l’architecte Jacques-Denis Antoine, fut achevé en 1775 (Dov Zerah, La Monnaie de Paris : 12 siècles d’Histoire, Paris, Le Cherche Midi, 2006, 113 pages).
51 * L’Hôtel des Invalides, chargé de débarrasser la ville d’une mendicité menaçante, vit ses pensionnaires devenir trop nombreux à la suite des guerres de Louis XV. La visite de Louis Simon se place à la veille de profonds changements : l’idée d’une retraite militaire finit par s’imposer et la réforme de Choiseul crée une pension d’invalidité (1764). Seuls les individus nécessitant des secours médicaux et moraux sont maintenus dans l’institution parisienne (Jean-Pierre Bois, « Les soldats invalides au XVIIIe siècle : perspectives nouvelles », Histoire, Économie et Société, 1982, vol. 1, nos 1-2, p. 237-258).
52 La maison de secours Saint-Gervais dépendait de l’hôpital Saint-Gervais, qui aurait été fondé en 1171 pour donner l’hospitalité aux pauvres passants.
53 Les domestiques des bonnes maisons portaient des chemises garnies de dentelle.
54 La foire Saint-Ovide se célébrait au mois de septembre, avec octave, en présence d’« un concours extraordinaire de peuple » selon La Description historique de la ville de Paris de Piganiol de La Force.
55 * Sans paraitre impressionné par la différence d’échelle – du moins un demi-siècle plus tard – Louis Simon trouve dans ses références villageoises un point de comparaison avec la foire parisienne.
56 Le culte de Saint Ovide avait été créé ex-nihilo à Paris. C’est le duc de Créqui, ancien ambassadeur à Rome, qui, ayant reçu du pape Alexandre V « un corps saint tiré des catacombes et honoré du nom de Saint Ovide martyr » en avait fait présent aux religieuses capucines, d’abord installées sur l’emplacement de la place Vendôme puis transférées plus tard rue neuve des Petits-Champs. * La translation de ces reliques se termina le 10 septembre 1665 par une procession solennelle. Saint Ovide, saint jusqu’alors inconnu, et pour cause, des Parisiens, devint rapidement un élément important du paysage religieux. Le pèlerinage prit une ampleur croissante, au point de devenir l’une des plus grandes foires parisiennes des XVIIe et XVIIIe siècles.
57 L’anecdote des deux pieds gauches n’est pas mentionnée par V. Berger qui décrit avec minutie « les trois temps de l’authentification des reliques ». Louis Simon colporte-t-il des rumeurs ? (Vivien Berger, « Translations en contexte(s). Le cas parisien de saint Ovide », Fl. Brayart [dir.], Des contextes en histoire, Paris, Bibliothèque du centre de recherches historiques, 2013, 347 pages, p. 229-234).
58 * Horloge de bois : grande horloge en bois massif, de forme souvent violonnée, avec une ouverture vitrée permettant de voir le balancier, aujourd’hui appelée « comtoise », alors que toutes les régions en ont produit.
59 * Le bruit permanent de Paris est souvent évoqué et notamment dans le Tableau de Paris de Louis-Sébastien Mercier : « il n’y a point de ville au monde où les crieurs et les crieuses des rues aient une voix plus aigre et plus perçante ».
60 Louis Simon remarque la hauteur sous voûte de la cathédrale de Beauvais, qui est en effet de 48,20 m.
61 La duite est le nom donné à un fil isolé de la trame.
62 L’étaim est un fil de laine plus ou moins fin.
63 * Panne : étoffe (de laine, soie, coton) travaillée comme le velours, dont le poil plus long et moins serré est couché, et qui sert dans la confection de vêtements ou dans l’ameublement.
64 * Étoffe croisée, et, substantivement, du croisé : étoffe fabriquée à quatre marches au moins et dont les fils de la trame sont plus serrés que dans l’étoffe à deux marches (Littré).
65 * L’habileté des étaminiers du Maine faisait d’eux une sorte « d’aristocratie des tisserands ». Selon l’Encyclopédie méthodique, l’étamine du Mans « exige une belle filature telle qu’on ne peut guère espérer l’étendre en France » (Panckoucke, 1785, tome 1er, p. 363-364).
66 * Rhains : Reims.
67 Chef : tête.
68 Vœux : ex-voto.
69 * Comme on en voit ailleurs : Louis Simon fait ici discrètement allusion aux ciriers du Mans qui avaient fait des ex-voto une de leurs spécialités.
70 * La collection d’outils de ciriers Lemarchand, au Mans, comporte des moules en terre de membres (pieds, bras) pour les blessures, et d’enfants entiers de la taille d’une poupée pour les couples stériles.
71 * Découverte : dépouillée.
72 La calmande était un satin de laine qui se fabriquait à cinq marches et cinq lames, se travaillant sur l’envers.
73 * En réalité, lorsque Louis Simon va à Saint-Sulpice, l’architecte Servandoni n’a pas terminé ses travaux. Sont édifiés les deux premiers ordres de la façade tels qu’on peut les voir aujourd’hui ainsi que le premier étage des tours.
74 Sainte-Geneviève la Neuve, dont les murs ne sont encore qu’à 3,20 m de hauteur, comme le confirment les descriptions de l’époque, est le futur Panthéon.
75 * Les Champs-Élysées que Louis Simon découvre ne comportent alors que médiocres guinguettes et baraques de foires. Deux ans après son passage, le roi permet la construction de bâtiments de part et d’autre de l’avenue. Les célèbres chevaux de bois ne s’installeront qu’en 1777. Les rapports du garde-suisse en poste aux Champs-Élysées à partir de cette date, montrent la coexistence sociale qui régnait sur la promenade (Arlette Farge, Flagrants délits sur les Champs-Élysées : les dossiers de police du gardien Federici [1777-1791], Paris, Mercure de France, 2008, 448 pages).
76 * Neully : Neuilly. C’était alors le pont de bois construit au début du XVIIe siècle. Neuf ans après le passage de Louis Simon, un ouvrage de cinq arches de pierre en anse de panier de 219 mètres de long, est conçu par l’ingénieur Jean-Rodolphe Perronet, fondateur de l’École des Ponts et Chaussées. Construit dans le prolongement de l’avenue de Neuilly, il est inauguré le 26 septembre 1772 en présence de Louis XV.
77 * La machine de Marly était une machine hydraulique complexe chargée d’alimenter Versailles en eau.
78 * Ce calvaire du Mont Valérien attirait les Parisiens pieux en procession le long d’un chemin bordé de chapelles matérialisant les stations du chemin de croix.
79 * Saint-Cloud est alors une destination prisée des promeneurs parisiens.
80 2 lieues correspondent à 8 km environ.
81 * L’ambassadeur de Venise à Paris est alors Domenico Almoro (voir introduction).
82 * Huit coureurs habillés en blanc : il s’agit peut-être de huit des vingt-quatre Gardes de la Manche, Gardes du corps du roi dont l’uniforme était à fond blanc, brodé d’or (voir introduction).
83 * Ouzard, pour housard, prononciation et forme attestées au XVIIIe siècle pour hussard. Le Dictionnaire de l’Académie traduit : « Houssard & Housard, cavalier hongrois… ».
84 Selon Louis Simon les ouzards mesuraient près de 2,30 m, * mais il a manifestement conscience de l’exagération de cette évaluation (« l’on disait »).
85 * Versailles étant ouvert à tous, la sécurité est assurée par de nombreux corps armés, dont les évolutions semblent avoir marqué le voyageur du Maine (voir introduction).
86 * La chapelle palatiale que visite Louis Simon avait été achevée en 1710 : c’était le dernier grand chantier porté par Louis XIV, qui avait mobilisé l’architecte Jules Hardouin-Mansart et les meilleurs peintres et sculpteurs. La richesse et la complexité du programme iconographique mis en œuvre avait de quoi déconcerter le jeune villageois.
87 * L’entretien de la ménagerie construite par Le Vau en 1663 fut délaissé et dès 1751 l’architecte Gabriel constate sa dégradation. Les animaux sont quasiment en liberté, dans des bâtiments en ruine, lorsque Louis XVI réfléchit au transfert des rescapés au Jardin des Plantes de Paris (Joan Pieragnoli, « La Ménagerie de Versailles », Versalia, n° 15, 2010, p. 174-175).
88 * À St Cyr : Louis Simon fait référence au pensionnat destiné aux jeunes filles de la noblesse pauvre, créé en 1684 par Louis XIV à Saint-Cyr (actuellement Saint-Cyr-l’École, Yvelines), à la demande de Mme de Maintenon.
89 * Quand Louis Simon passe au château de Rambouillet, celui-ci appartient au duc de Penthièvre, qui se consacre principalement à l’embellissement des jardins, développant le réseau de canaux et aménageant 25 hectares du parc à l’anglaise (Sophie Cueille, Le domaine de Rambouillet, Paris, Monum-Éditions du patrimoine, 2005, 64 pages). Le voyageur du Maine, un demi-siècle après, n’a retenu que le nombre de fenêtres.
90 Les dimensions que Louis Simon attribue aux deux clochers de Chartres correspondent à 122,80 mètres et 110,10 mètres. Le Grand Dictionnaire Larousse du XIXe siècle indique les hauteurs de 122 et 112,05 mètres.
91 * Faire la conduite : raccompagner, reconduire sur un bout de chemin… La même expression est employée pour désigner l’accompagnement rituel d’un compagnon quittant une ville, escorté sur la route du départ par un cortège de compagnons portant la canne.
92 * Bonnétable : petite ville située à 27 km en droite ligne au nord-est du Mans, soit environ 5 heures et demie de marche.
93 * Au lieu de l’ancienne route (avant la construction de la Royale 23) qui menait du Mans à Paris par Bonnétable, Bellême, Châteauneuf-en-Thymerais, Dreux… et demandait cinq jours en chaise de poste, véritable aventure relatée par Leprince d’Ardenay (Mémoires d’un notable manceau…, op. cit., p. 45-46 et 56-59), Louis Simon emprunte des chemins de traverse : piéton, il met également cinq jours pour effectuer le trajet en sens inverse, en marchant aussi la nuit du 24 au 29 octobre 1763.
94 Le Juliané était une magnifique horloge astronomique, haute d’environ 8 mètres, installée dans le bras nord du transept de la cathédrale du Mans par le cardinal de Luxembourg vers 1512. * Toutes les heures défilaient des automates en bois peint figurant les douze apôtres, frappant sur des timbres une mélodie en l’honneur de saint Julien, commençant par « Juliano Praesuli ». Dans une lettre de 1861, l’abbé Tournesac rapporte qu’un siècle plus tôt l’on disait « allons entendre les Julianos ». Il ajoute qu’à une fenêtre apparaissaient des figures représentant les jours de la semaine, de bonne mine pour les lundis, mardis, mercredis et jeudis, maigres pour vendredi et samedi, et dotées d’un parfait embonpoint pour le dimanche. L’horloge indiquait aussi les heures et les minutes, la marche annnuelle du soleil sur l’écliptique, son lever et son coucher, les phases lunaires ainsi que le mouvement des planètes. (Paul Gélineau, « Études sur l’horlogerie ancienne dans le Maine », SASAS, 1933-1934, p. 67-105).
95 * Issu de la famille des princes de Monaco, Louis-André de Grimaldi fut évêque du Mans de 1767 à 1777. Le journal de Nepveu de La Manouillère se fait le témoin des « Fastes, mondanités et scandales, l’effervescence des années Grimaldi » (Journal d’un chanoine du Mans…, op. cit., p. 151-300).
96 Il semble que Mgr de Grimaldi avait fait retirer le Juliané de la cathédrale car les visites continuelles troublaient les offices. Mais cet évêque avait la réputation d’être libertin, d’où les soupçons de Louis Simon.
97 * Ces chansons nouvelles se répandaient du Pont Neuf parisien aux villages par transmission orale et par les livrets de colportage.
98 * Paragraphe éloquent d’une part sur l’amour maternel exprimé par la réaction d’Anne Cureau, d’autre part sur les circulations déjà très actives des lettres et paquets.
99 * Décédée le 10 novembre 1763, la jeune fille est inhumée le lendemain « en présence de Pierre Simon son grand père, de René Boucher et Louise Renou et beaucoup d’autres qui ont dit ne signer ». Seul le curé Semelle signe l’acte (Ad Sarthe : BMS La Fontaine Saint-Martin 1762-1792, vue 16/163).
100 * Louis-François Simon et Anne Cureau sont frappés plus cruellement que la moyenne des parents de la région. Il est peu de familles qui aient dû faire six enfants pour en garder un. La pauvreté n’est certainement pas étrangère à ce triste record. C’est le seul décès d’un de ses frères et sœurs que Louis Simon décrit et commente (à l’exception d’une autre allusion ms 64).
101 * Amant : galant, soupirant.
102 M. Cosset peut à peu près certainement être identifié comme étant Julien Cosset, né le 22 mars 1743 à Ligron, fils de François, potier en terre, et de Marie Rolland. Son frère François avait épousé Marie Fougery, alliée à maître Lefranc, notaire du village, et à François Fougery, maréchal à La Fontaine. * Julien Cosset avait 20 ans lorsque sa promise mourut. Il ne contracte une union que quatre ans plus tard, le 19 mai 1767, avec Marie Patoil, fille d’un vigneron. Il est alors qualifié de journalier (Ad Sarthe : BMS Ligron 1740-1770, vue 563/649).
103 * Vielle, ou vielle à roue : instrument à cordes muni d’un clavier, dont les cordes sont frottées par une roue actionnée par une manivelle. La vielle à roue connaît un grand essor au XVIIIe siècle, du haut en bas de la société. L’engouement aristocratique a suscité un volumineux corpus musical pour la vielle, où abondent les pièces à l’allure « popularisante » destinées à évoquer les bergers d’Arcadie. Était-ce ce répertoire que jouait Louis Simon ?
104 * Page 64 du manuscrit, Louis Simon nous indique qu’il jouait du fifre.
105 * Bombarde : instrument à vent en bois, à anche double. Son dessus, appelé chalemie, est l’ancêtre direct du hautbois.
106 En indiquant qu’on ne jouait pas aux boules « dans des jeux arrêtés », Louis Simon veut marquer la différence avec l’époque où il écrit : les villages commencent alors à avoir un espace spécifiquement aménagé pour le jeu de boules.
107 Bouquets : fêtes de fin de moisson, où un bouquet était offert à la fermière, planté sur la dernière gerbe.
108 Érussées : veillées de travail au cours desquelles on arrachait les feuilles des tiges de chanvre pour obtenir, avec un temps de rouissage moins long, la décomposition de la partie fibreuse de la plante. * Les érussées ont lieu fin août pour les pieds mâles et fin septembre pour les pieds femelles.
109 * Jouer du violon pour faire danser la jeunesse : l’utilisation d’un ménétrier extérieur au groupe des danseurs, et qui plus est jouant du violon, indique que la jeunesse du village, en ce début des années 1760, commence à dédaigner les rondes chantées pour entrer dans l’ère de la contredanse.
110 * Maîtresse : au vu du contexte du récit, on pourrait ici traduire le terme par « prétendante ». En tout cas il ne s’agit que d’une fréquentation légère, sans dimension charnelle, en amont même du « temps de “conter fleurette”, première phase du badinage » (Anne Fillon, « Les Fleurs de l’amour », Bulletin des Historiens Modernistes. L’amour à l’Époque Moderne, PUPS, 1994, p. 101-117).
111 * Anvoise : Avoise, village situé sur le cours de la Sarthe à 24 km à l’ouest de La Fontaine.
112 * La jeune fille allant et revenant de faire les provisions quotidiennes du couvent traversait sans cesse le village.
113 * Fugace point de repère temporel dans ce récit sans date. Il s’agit du carême de l’année 1765 (voir en 4e partie, la reconstitution du calendrier des amours).
114 Vis-à-vis : en face.
115 * Le langage de Louis Simon est ici emprunté aux chansons nouvelles en vogue qui disent à propos du « refus d’un autre amour » : « Je veux ignorer la tendresse, Qu’on ne me parle plus d’aimer, car c’est une folie, Je veux rester garçon » (A. Fillon, Les Trois Bagues…, op. cit., p. 328-329).
116 * Où peut-on se « procurer » des livres au village ? On peut en acheter au colporteur, mais surtout en emprunter à ceux qui en possèdent, c’est-à-dire les minces élites villageoises et au premier chef le curé.
117 * L’arrivée du nouveau curé, Marie-Olivier Semelle, en juillet 1751 (Ad Sarthe : G 395, folio 92), va mettre les sciences profanes à la portée du jeune Louis, qui a alors dix ans. Le curé Semelle est à La Fontaine le premier représentant de l’esprit des Lumières. Louis Simon pouvait trouver dans sa bibliothèque des ouvrages d’histoire, de géographie, des récits de voyage, des traités de droit et de médecine, etc. (voir « La Traque de l’historien »).
118 * On remarque que chanson profane et chant d’Église vont de pair dans les souvenirs de l’étaminier.
119 Faire la sacristie : préparer l’église pour les cérémonies, les baptêmes, mariages, enterrements.
120 Durant l’année 1764, Louis Simon est sept fois « garçon de cérémonie » ou parrain.
121 * Sans amitié : sans amour.
122 * 24 juin 1765 : l’arrivée de Nannon Chapeau à La Fontaine Saint-Martin est un événement majeur, gravé d’une date précise dans la mémoire du vieil étaminier qui rédige ses souvenirs. En ce jour de Saint-Jean, date de début et de fin des louages de domestiques, les deux jeunes filles se succèdent dans le poste de servante tourière du prieuré.
123 * L’église, lieu de mixité, permet d’apercevoir l’autre sexe. Il faut ajouter que les rôles actifs remplis par Louis lors de la messe dominicale le distinguent et le valorisent aux yeux de la nouvelle paroissienne.
124 Un certain nombre de villageois étaient désignés par un surnom, qui s’appliquait aussi à leur femme, et à leurs enfants. C’est le cas de la Saint-Louis. * Ces surnoms peuvent se transmetre de père en fils ou en fille sur plusieurs générations.
125 Le « nom de garçon » était le diminutif porté jusqu’au mariage.
126 * Elle était à l’office du Tour : la Saint-Louis emploie une périphrase élégante pour exprimer le fait que Nannon travaillait au tour comme servante.
127 * On avait dû l’appeler autrefois « maître Chapeau » en Anjou et après quelques années à La Fontaine, il était devenu le « père Chapeau » ou le « bonhomme Chapeau ».
128 * Premier bouvier et conducteur du domaine : si le bouvier est celui qui soigne, garde ou conduit les bœufs, le premier bouvier est en quelque sorte le contremaitre ou régisseur du domaine qui dirige (conduit) les valets de ferme.
129 * On retrouve dans cette formulation un écho de la répugnance envers le service d’autrui, déjà exprimée plus haut par Louis Simon disant « je preferai mon metier a l’Etat de domesticité » (ms 11).
130 * Très savant chantre et très zélé pour enseigner le plain-chant : cette description des talents du chapelain laisse penser qu’il avait pu être formé au chant d’Église dans une maîtrise d’enfants de chœur (psallette).
131 * Cette phrase énigmatique peut faire allusion à la possibilité pour le jeune homme de valoriser ultérieurement son bagage de chanteur, dans l’hypothèse d’une migration vers une ville dont les églises gratifiaient leurs chantres de gages qui venaient compléter les revenus tirés de l’activité artisanale, souvent textile.
132 * Ce passage constitue un témoignage rarissime au sujet de la formation cantorale des chantres de village (voir introduction).
133 * Le pavillon du côté du cimetière : une partie de ce pavillon subsiste aujourd’hui. C’est celui qui est situé sur la droite de l’entrée quand on se dirige vers l’emplacement du couvent. En vis-à-vis, le pavillon symétrique côté gauche a été conservé (devenu une maison particulière, il ne se visite pas).
134 * Une voix « forte » est attendue du bon chantre et la puissance vocale, marqueur de l’identité paroissiale, est source de fierté vis-à-vis des paroisses voisines : « le volume sonore du lutrin figure parmi les indices de la puissance et du prestige de la collectivité villageoise » (X. Bisaro, Chanter toujours…, op. cit., p. 71).
135 * L’Amour ici utilisé comme substantif est un écho du vocabulaire des chansons (A. Fillon, Les Trois Bagues…, op. cit., « Pour Louis Simon : l’école chansonnière », p. 325-332).
136 La Grande Rochelle : ferme située à environ 2 km au nord du bourg.
137 * Nous sommes donc au tout début de décembre 1765.
138 * Louis Simon dit cela pour badiner, car le mot amant signifiant « galant agréé », on ne peut en avoir trois à la fois.
139 La pièce de Bouquet : le champ près du lavoir de Bouquet.
140 * Ce lavoir est référencé dans une étude publiée en 2015 par deux Guides-habitantes des Amis de Louis Simon : J. Chartier et A. Louveau, Lavoirs en Sarthe, op. cit., p. 40 et 145-146.
141 La Porcherie était une ferme proche du Couvent. * Il s’agissait d’un accès plus discret permettant à la jeune fille de regagner sa chambre au sein du prieuré sans attirer l’attention.
142 Faire l’amour : (à cette époque) faire la cour.
143 Ruelle du lit : espace laissé entre le lit et le mur.
144 L’inventaire dont parle Nannon Micaux correspond à sa part dans la succession de son père.
145 * On croit, là encore, entendre presque mot pour mot les paroles d’une chanson du temps.
146 * Ces grosses jambes peuvent correspondre à de l’œdème, parfois symptôme d’insuffisance cardiaque congestive.
147 * Hydropisie : « enflure causée en quelque partie du corps par les eaux qui se forment & qui s’épanchent » (Dictionnaire de l’Académie Françoise). En relevant ce décès précoce, le mémorialiste rend implicitement hommage à la perspicacité de son père.
148 Comprendre : alors que je revenais de chanter, je rencontrai Nannon Chapeau…
149 Tour : pièce(s) d’un monastère de religieuses cloîtrées, située(s) hors de la clôture et communiquant avec l’extérieur. * C’est en quelque sorte l’interface entre le monde clos des religieuses et l’effervescence du monde villageois. On apprend ici que la jeune tourière dispose d’un « logement de fonction » (une chambre) situé à proximité immédiate de son lieu de travail.
150 Fouasse (fouace ou fouée) : galette de froment pétrie avec du lait et du beurre * Certains bordagers doivent en livrer à leur propriétaire en plus de leur fermage. Ici, en sens inverse, la fouasse devient une sorte de rémunération en nature que le couvent délivre à ses employés.
151 * Nous sommes toujours dans l’hiver 1765-1766.
152 * Les garçons du couvent : les valets employés aux travaux agricoles du couvent, qui est aussi une exploitation.
153 * Un dîner de morue : la morue, régal de mi-carême, arrivait par bateau à Malicorne. Or le courrier de la poste aux lettres, Follenfant, qui était de La Fontaine, passait par Malicorne pour porter et chercher les missives à Sablé (A. Fillon, Louis Simon étaminier…, op. cit., vol. 2, p. 346).
154 Saint-Mathias : le 24 février.
155 * Je fus invité : on peut penser que si les domestiques du couvent invitent Louisot c’est pour ses talents de musicien et de chanteur, propres à apporter de l’animation à leur fête.
156 Certaines fermes « vendent à la guinguette », c’est-à-dire vendent du vin comme les cabarets. C’est le cas de la Touche, mais aussi de la Ségrairie, une ferme du château * située à la sortie du village sur le chemin qui mène vers la grand’route de La Flèche.
157 * Aller en ferme : prendre un bordage à bail, devenir fermier.
158 * Leur monter : monter leur ménage. La condition de domestique est transitoire, le temps de réunir la somme qui permettra de financer l’installation en tant qu’exploitants agricoles et que foyer autonome.
159 * Pierre Patoy ne possédait pour tout bien que le pécule amassé pendant qu’il était domestique. Vu son âge, cela peut toutefois représenter une somme non négligeable, économisée durant ces années où il a été nourri et logé.
160 * Revenons à la Ségrairie : la formule évoque le style du conteur de tradition orale qui ramène ses auditeurs vers le fil du récit après une digression.
161 * La visite de Louisot à son grand-père est intéressée : elle lui permet de passer la fin de journée positionné à un emplacement statégique au cœur du village pour ne pas manquer le passage de Nannon entre la Ségrairie et le couvent (voir fig. n° 17).
162 Les chansons nouvelles disent « La peine perce nos cœurs » (A. Fillon, Les Trois Bagues…, op. cit., p. 329).
163 * Nous remettre : nous réconcilier.
164 Faire des ouvrages à la broche : tricoter.
165 * On peut penser que Louis Simon réécrit quelque peu ici le long discours qu’il prête à son père. Il en profite pour énumérer ce qu’il considère lui aussi sans doute, au soir de sa vie, comme les qualités nécessaires à une bonne épouse.
166 * C’est cet oncle Ory qui est propriétaire du livre sur lequel Louis Simon écrira ses souvenirs.
167 * Aller boire bouteille ensemble : formule qui perdure aujourd’hui sous la forme « aller boire un pot ». Louis Simon invite l’oncle de Nannon en terrain neutre, dans un cabaret fléchois.
168 Il y avait eu dans la région plusieurs épidémies de peste bovine.
169 * Aller servir : entrer au service de quelqu’un.
170 Louis Simon écrit indifféremment Mercier ou Lemercier. Bonne Fontaine était une grande ferme dépendant du château de Malicorne, située à 1,5 km à l’ouest de Villaines * [aujourd’hui Villaines-sous-Malicorne], soit à environ 15 km de La Fontaine. Comme le sait le vieux marchand fléchois, l’église paroissiale de Villaines est dédiée à saint Germain.
171 Le galand est celui qui courtise, l’amant est, en principe, un galant agréé. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, il arrive qu’on confonde les deux termes.
172 * On remarque ici la complexité recherchée de la formulation.
173 Dîner : déjeuner de midi.
174 * Ici, le mémorialiste semble avouer qu’il avait quelque peu brodé sur la réalité pour rassurer son père.
175 * Dès le lendemain de l’entrevue des deux pères, la relation des deux jeunes gens a donc changé de nature : du temps de « conter fleurette », on est passé à la phase de « fréquentation autorisée », et Louisot s’est hissé au statut de galant agréé (A. Fillon, « Les Fleurs de l’amour… », art. cité, p. 103).
176 * Près d’un demi-siècle plus tard, Louis Simon a gardé mémoire précise de la liste de ses achats, confirmant ainsi l’importance de l’offrande des cadeaux dans le rituel de la fréquentation amoureuse.
177 * Diamant cristal : verre taillé à la façon d’un diamant.
178 * Casaquin : corsage à basques, plus ou moins longues.
179 * Toile de picot à fleurs : piqué de coton imprimé (ici de fleurs, motif fréquent).
180 * Siamoise : mot dérivé de Siam (aujourd’hui la Thaïlande), et désignant initialement les somptueuses étoffes de soie apportées par les ambassadeurs du roi de Siam à Louis XIV. Le sens s’élargit ensuite à des tissus de coton imprimé très divers.
181 * Nannon ouvre chaque matin l’abbatiale, mais les rendez-vous des deux amoureux n’ont lieu que le dimanche, seul jour où l’on s’autorise à consacrer du temps à ce type d’activité : dans cette société, les affaires de cœur n’interfèrent pas avec l’activité professionnelle.
182 * Sonner d’un grand matin l’angelus : les cloches invitent à la prière du matin par trois séries de trois tintements suivis d’une pleine volée. On récitait l’angélus, prière de dévotion mariale, le matin, le midi et le soir. Pour courir à son rendez-vous dominical, Louis Simon sonne de plus grand matin : bel exemple de la fluctuation du temps entre les mains d’un sonneur amoureux !
183 * Malgré la formulation qui semble installer le récit sur une longue durée, seul l’été 1766 a vu ces rendez-vous matinaux de Louisot et Nannon. Durant l’été 1765, les deux jeunes gens se connaissaient seulement de vue, Anne Chapeau étant arrivée à La Fontaine le 24 juin 1765. Et durant l’été 1767, ils sont mariés depuis six mois.
184 * À la formule rituelle (« en gage », « en foi », « en considération de mariage »), Louis Simon ajoute le sentiment (A. Fillon, « Les Fleurs de l’amour… », art. cité, p. 102).
185 Les femmes de tisserands passaient les fils de trame pour avancer le travail de leurs maris, car cela ne nécessitait pas de technique particulière.
186 * Comprendre : où il faut acheter toute sa nourriture à l’extérieur. Un artisan de village dispose néanmoins d’un jardin vivrier pour produire une partie de l’alimentation familiale (légumes, petits élevages de poules, de lapins), mais évidemment pas le blé en quantité pour le pain quotidien. C’est à cela sans doute que se réfère la phrase du père Chapeau.
187 * Cette superbe déclaration de rébellion d’une fille face à son père met à mal les idées reçues qui répètent à l’envi que tous les mariages d’autrefois étaient arrangés par les parents. Dans l’Ouest, au moins, « régions de famille conjugale et de faible autorité parentale » (A. Fillon, « La culture villageoise… », art. cité, p. 614), cette idée reçue est fausse.
188 Le chapelain était l’aumônier des religieuses et le procureur était leur homme d’affaires.
189 * Apprendre un état : apprendre un métier. Aux yeux de l’aumônier et du procureur, il aurait été logique qu’une nièce de curé soit mise en apprentissage, par exemple chez une maîtresse couturière ou lingère.
190 * Au Mans pour être chanoine : le chapelain des bénédictines de La Fontaine avait obtenu un canonicat dans l’un des deux chapitres du Mans, vraisemblablement celui de la cathédrale Saint-Julien (voir « La Traque de l’historien »).
191 * Le 22 juin 1766, autre date précisément inscrite dans la mémoire du vieil homme.
192 Bon homme (bonhomme) : homme du peuple, paysan, et d’âge mur (Trésor du parler cénoman, p. 75).
193 * Si Louis Simon se sent obligé d’ajouter cette précision c’est sans doute qu’au moment où il écrit, la Ségrairie est toujours une ferme mais ne fait plus office de cabaret.
194 * Les deux structures cultuelles du village ont fixé l’horaire de leur messe dominicale de manière à ne pas être en concurrence : à 9 heures au couvent, horaire douillet pour les dames pensionnaires, et « le matin » à la paroisse, ce qui veut dire nettement plus tôt.
195 * Louis Simon suggère ici qu’il existe une alliance spontanée entre les travailleurs de la terre, qui s’opposeraient « naturellement » aux artisans du bourg, dont il est.
196 La femme Salmon, c’est Louise Renoult, qui a épousé six mois plus tôt Guillaume Salmon, un marchand-colporteur de Fillé.
197 La « vieille femme pensionnaire du couvent » était une de ces dames nobles, généralement parentes d’une religieuse, qui s’y retiraient pour y finir leurs jours.
198 * Les quatre hommes qui escortent Nannon sont : Pierre Patoy le promis éconduit, « Roinnard son parent » [ms 32], François Bouruet, le second bouvier du couvent « cousin germain de l’ancien galand à Nannon » [ms 25], ainsi que le fils du fermier-cabaretier de la Ségrairie [ms 33].
199 * Le chapelain Guiard, « parti au Mans pour être chanoine », n’a donc pas été immédiatement remplacé.
200 * Saint-Jean-de-la-Motte est un village situé au nord-est de La Fontaine, à 6,5 km du couvent, soit presqu’une heure et demie de marche.
201 * La messe du couvent aurait donc duré moins d’une heure, si du moins l’on se fie au récit rédigé si longtemps après, dont la part de reconstruction est impossible à mesurer.
202 * Louis Simon répète mot pour mot cet adage déjà écrit à la page immédiatement précédente. Sans doute peut-on entendre là l’écho d’une phrase qu’Anne Chapeau et lui se sont souvent répétée ensuite.
203 * Faisait l’amour : en principe faisait la cour. En réalité, Louise Soyer est alors enceinte de trois mois (voir « La Traque de l’historien »).
204 * Sans doute à l’auberge du Croissant, la mieux placée pour servir de poste d’observation au cœur du village.
205 « Une chambre » ne signifie pas une « chambre à coucher », mais une des pièces, différentes de la salle commune.
206 Au droit de : en face de. Louis Simon avait appelé Le Soleil l’auberge qu’il avait bâtie.
207 * Aller après : hâter le pas à la suite de, poursuivre, pourchasser.
208 Étrenner : porter pour la première fois.
209 * Nous allions chantant : même si la phrase suivante présente cela comme un élément de la stratégie du jeune homme, elle fait surtout écho à une pratique répandue et normale.
210 * Aller plus fort : marcher d’un meilleur pas, avancer plus vite.
211 Avenages : terres autrefois réservées à la culture de l’avoine, du nom d’une ancienne redevance payée en nature au seigneur.
212 La borne carrée est encore visible à cet endroit * (en 1996).
213 * On peut penser que ces « romans d’amoureux » ne provenaient pas des étagères du curé… Il s’agissait vraisemblablement de romans de la bibliothèque bleue achetés au colporteur ou empruntés à quelque autre possesseur local de livres.
214 * Le paragraphe commencé sur un mode lyrique et exalté se clôt sur des considérations plus triviales : Nannon porte les vêtements neufs offerts par Louisot et celui-ci se sent floué, car il les considère comme lui appartenant encore.
215 Chapelle : chance. * Coubard se moque de l’éploré avec une ironie grinçante.
216 * Louis Simon a donc raccompagné jusque chez lui le domestique du meunier de La Rochelle.
217 * L’assemblée : la fête patronale, occasion de danse et de rencontres entre les jeunes des villages environnants.
218 * Cette haute chambre où se réfugie le jeune homme pour se consoler avec son violon existe toujours, à l’étage de l’actuelle « Maison de Louis Simon » à La Fontaine Saint-Martin (voir: http://www.amisdelouissimon.fr/).
219 * Je le mettais d’accord : j’accordais mon violon (avant de commencer à en jouer).
220 Quérir : chercher.
221 * Gas (gars) : terme familier pour désigner un garçon. Louis Simon utilise aussi le terme de « garçon » (ms 37).
222 * Il faisait encore brun : il faisait sombre, le soleil ne s’était pas encore levé. La scène se passe donc de très grand matin, puisque nous sommes fin juin.
223 * Une croix : une épreuve (cf. l’expression encore usitée « chacun sa croix »).
224 * C’était un jour de fête : ce mardi de Saint-Jean est chômé, Louisot sert et chante la messe paroissiale.
225 Batterie : bagarre, rixe, échauffourée.
226 * Château-Sénéchal : hameau situé à 6 km et demi au sud-ouest de La Fontaine en direction de Clermont-Créans.
227 * On se souvient que le dimanche matin, 22 juin, le père Chapeau était parti pour La Flèche et avait promis de n’être « pas longtemps à [son] voyage » [ms 32]. La densité du récit du mémorialiste est telle que c’est cinq pages de son manuscrit plus loin [ms 37] qu’il raconte la suite, c’est-à-dire ce qu’il était advenu lorsque Nannon et ses quatre accompagnateurs à qui elle avait proposé de parler à son père devant eux [ms 33] avaient retrouvé le père Chapeau, sur le chemin de son retour de La Flèche à La Fontaine, dans l’après-midi du dimanche. C’est seulement le mardi 24, après la messe de la Saint-Jean, que Louis en obtient le récit par le fils du fermier-cabaretier de la Ségrairie, témoin oculaire de toute l’affaire puisqu’il avait accompagné Patoy et ses deux cousins à la rencontre du père Chapeau.
228 Angevine : Notre-Dame l’Angevine, fête de la Nativité de la Vierge le 8 septembre, très en honneur dans l’Ouest. * Or on est le 22 juin : le père Chapeau et Patoy prévoient donc un délai de deux mois et demi avant les noces.
229 * Prendre une ferme : prendre une ferme à bail, en location, donc s’installer comme métayer (closier, bordager), le plus souvent pour une durée de 9 années.
230 * La motivation exacte du voyage de Nannon à La Flèche reste à ce stade un peu obscure : pourquoi décide-t-elle d’aller voir cette tante et pourquoi en fait-elle la promesse à Patoy ? Espérait-elle mieux réussir à rompre hors de la présence de son père ?
231 * La jeune fille a donc dormi dans sa famille à La Flèche, et le lendemain mercredi au marché de la ville elle a retrouvé trois des quatre protagonistes du dimanche, Patoy et ses deux cousins. L’informateur de Louisot est, cette fois, son faux ami Coubard, le domestique du meunier de La Rochelle.
232 * Où l’on voit intervenir un nouveau témoin, resté anonyme, mais qui manifestement joue lui aussi un rôle dans la tension qui se noue entre les deux amoureux contrariés.
233 * Sans doute Fleur était-il allé faire des achats au marché de La Flèche, avec son cheval « de fonction ». Il est le pourvoyeur du couvent, c’est-à-dire qu’il ravitaille le Prieuré en grains, farine, bois et généralement toutes marchandises volumineuses et lourdes (A. Fillon, Les Trois Bagues…, op. cit., p. 223).
234 * Une lettre conçue en ces termes : quelle mémoire Louis a-t-il pu garder de ce texte vieux de plus de quarante ans ? Quelle part en a-t-il recomposée a posteriori ? Ou bien a-t-il sous les yeux la lettre que Nannon, malgré son mouvement d’humeur, n’aurait finalement pas brulée ?
235 M. Dumur : le procureur des religieuses.
236 * La lettre de rupture est, elle aussi, inspirée des paroles des chansons nouvelles.
237 Anne Chapeau ne savait pas lire.
238 * Cette rapide information donnée en passant laisse croire qu’à La Fontaine seuls les dimanches correspondant à des fêtes religieuses particulières (ici : la Saint-Pierre) donnaient lieu à une messe chantée. Cela paraît étonnant au vu du soin mis à former des chantres et au vu des habitudes du temps.
239 Corbillon : corbeille contenant le pain bénit.
240 * Intéressante répartition des rôles entre le père et le fils. On retrouve le mot « office » utilisé pour désigner l’une des tâches nécessaires au fonctionnement du culte.
241 * Voilà la troisième des rares dates précises qui jalonnent le récit de l’étaminier. La « batterie » avait eu lieu dix jours plus tôt.
242 Au Château : à Château Sénéchal, où se trouvait une auberge du Croissant, halte habituelle sur la route entre La Fontaine et La Flèche * (voir plus haut, ms 37).
243 Vingt lieues : 80 km.
244 * En 1790, le personnel énuméré par l’inventaire détaillé du couvent ne fait guère apparaître de « garçons domestiques du couvent » (An : F 19/611/2, voir « La Traque de l’historien »). On peut supposer qu’en ce mois de juillet 1766, où les travaux agricoles battent leur plein, de jeunes valets sont venus renforcer les effectifs de base de la colonie masculine du Couvent.
245 * Nannon porte des coiffes de toile blanche, sans fantaisie, de toile commune ou de toile de brin plus fine.
246 * Le départ rapide de Bouruet, qui quitte le couvent en pleine saison de travaux agricoles, a-t-il un lien avec l’incident du 22 juin ?
247 * Au droit de Ligron : ils empruntent la route royale en direction de La Flèche. Louis Simon quitte ses compagnons à l’embranchement du chemin qui mène à Ligron, soit à 4,5 km de chez lui.
248 * Louis Simon accomplit au moins 22 km de marche dans la journée pour ses affaires de cœur : une distance modeste au regard des étapes de plus de 70 km lors de son voyage de 1763.
249 * Hôtesse : aubergiste. Cabarets et auberges sont souvent tenus par des femmes.
250 * Il faut imaginer la jeune fille, escortée de son frère, enquêtant à travers la cité fléchoise, pénétrant dans les cabarets, s’enquérant de Patoy. Même à l’échelle d’une petite ville – La Flèche compte alors environ 4 000 habitants – une telle recherche dût faire jaser.
251 * On remarque ici la teinture de culture juridique de la jeune fille : elle sait qu’il lui faut des témoins pour officialiser la rupture.
252 * Nous joindre : nous rattraper. Malgré la collation prise en chemin, Louis, Anne et son frère sont parvenus à La Fontaine avant que Patoy, qui a dû perdre du temps à chercher ses cousins dans La Flèche, ne les rejoigne. Louis écrit « par bonheur pour moi » car il reste convaincu qu’il aurait été rossé par les trois hommes.
253 * Il n’y fut pas : il ne se rendit pas à l’invitation. Le père et la fille Chapeau, à l’abri de l’enceinte du couvent, sont hors d’atteinte des trois visiteurs.
254 * Le galant éconduit sait qu’il a perdu la partie et il ne revient plus à La Fontaine entre le 14 juillet et le 8 septembre 1766. On se souvient que la fête de l’Angevine était la date fixée par le père Chapeau le 22 juin pour les noces de sa fille et de Patoy (voir ms 37).
255 * Portail de l’avenue : entrée principale du Couvent au bout d’une « avenue », longue allée rectiligne plantée d’arbres (voir fig. n° 17).
256 Femelles : Anne Chapeau, qui est angevine, a probablement dit « fumelles », terme familier pour désigner les filles. Et Louis Simon a dû corriger ce mot jugé « patois ».
257 * Là encore on peut soupçonner une ré-écriture complaisante a posteriori. Dans les chansons des livrets de colportage abondent les expressions : « Écoutez ma triste aventure, et le récit de mon malheur », « Je perdrais plutôt la vie », « Je veux mourir ou vous aimer » (A. Fillon, Les Trois Bagues…, op. cit., p. 330).
258 Voir fig. n° 17.
259 * Il exagère à peine : on voit que bien des années plus tard l’écriture de ses souvenirs fait ressurgir l’épisode de manière cuisante.
260 * Le récit renoue ici avec les jours heureux d’avant la « batterie », quand la semaine était illuminée des rendez-vous dominicaux matutinaux, tels qu’ils avaient été évoqués page 30 du manuscrit.
261 La Saint-Louis : 25 août.
262 * Cette « mademoiselle Jamin », dont son cousin Turpin parlait depuis « assez longtemps » à Louisot comme d’un parti intéressant (voir ms 37), habite Cérans. Elle n’est pas une habituée de la fête locale de La Fontaine puisque l’étaminier ne la connaissait pas antérieurement (« on dit qu’elle est jolie et riche », ms 37). La formulation « ne manqua pas » fait donc référence non à une participation habituelle à l’assemblée, mais à une visite déclenchée par la nouvelle qui lui est parvenue – sans doute par Turpin – concernant le possible mariage prochain du jeune homme convoité.
263 Louis Simon emploie le mot collation au masculin, ce qui est étrange.
264 * Louis a déjà raconté tout cela par anticipation à la p. 41 de son manuscrit.
265 Le franc équivaut à la livre. Louis Simon emploie indifféremment les deux termes. * Au moment où il écrit, le mot franc a détrôné la livre d’Ancien Régime.
266 * Être publié : faire publier les bans annonçant un mariage. Sauf dispense d’un ou deux bans délivrée par l’évêque, les projets de mariage doivent être annoncés publiquement trois dimanches ou fêtes successifs dans la paroisse de résidence des promis. Nannon Chapeau demeurant maintenant depuis plus d’un an à La Fontaine, il n’est plus nécessaire de publier ses bans dans sa paroisse précédente. Patoy doit donc avoir un informateur à La Fontaine s’il veut être tenu au courant rapidement.
267 * Dans ce temps-là : la formulation répétée deux fois à si peu de distance indique que le mémorialiste a conscience des changements intervenus entre sa jeunesse et le temps de l’écriture. La Révolution a bousculé bien des habitudes ancestrales tant dans la législation que dans le calendrier liturgique.
268 * J’étais fils unique : quatre frères et sœurs de Louis étaient morts en bas-âge, et sa dernière sœur est morte subitement à l’âge de 19 ans (ms 17). Louis était donc le seul espoir de ses parents pour assurer leurs vieux jours, ce qui lui offre une justification pour ne pas quitter le village. Mais la suite montre que sa réticence a aussi une cause sentimentale.
269 * Dans ce paragraphe, le mémorialiste reprend encore une fois toute la liste de ses griefs envers sa bien aimée. On sent que ces jours cruciaux de juin 1766 sont restées pour lui d’une actualité cuisante.
270 Faire laid : expression locale encore usitée, qui signifie avoir le visage fermé.
271 * Cette note ajoutée dans la marge laisse supposer qu’en se relisant le mémorialiste a jugé devoir corriger sa formulation « mon bonange me consolait »…
272 * Renoncer : renier.
273 * Le temps a tant passé, en effet, que nous sommes ici arrivés au tout début de décembre 1766.
274 * Malicorne est un gros bourg situé sur la rivière Sarthe à 33 km au sud du Mans. De La Fontaine Saint-Martin à Malicorne il y a 12 km, soit environ 2 heures et demie de marche à la belle saison.
275 Nonchalance : sens ancien d’indifférence.
276 L’affronter : lui faire un affront.
277 * Censé servir de chaperon à sa sœur, le petit frère marche loin devant, laissant les deux amoureux se quereller loin de ses oreilles, à nouveau sur le thème récurrent des événements de juin précédent.
278 Anne Chapeau avait deux oncles prêtres : l’un, Charles-Pierre Bruneau, curé de Malicorne depuis 1751, l’autre, René Bruneau, vicaire de la paroisse et aumônier de M. et Mme de La Châtre au château de Malicorne. La tante, qui avait élevé Anne Chapeau, habitait la ferme de Bonne Fontaine à Villaines * (voir ms 28).
279 * Le bonhomme m’annonça : le père Chapeau donna la parole à Louisot, sans doute après quelques mots annonçant que le temps de la conversation généraliste menée depuis le début du repas était clos et qu’une annonce sérieuse était imminente.
280 * Comme lors de son entrevue avec le patriarche de la famille au printemps précédent (ms 28-29), Louis Simon emploie – ou s’attribue a posteriori – une formulation sophistiquée pour sa demande.
281 * Leur frère : le père Chapeau est en réalité leur beau-frère, veuf de leur sœur.
282 * Le curé formule sa mise en garde dans le présent éternel des sentences proverbiales (A. Fillon, Louis Simon étaminier…, op. cit., vol. 2, p. 410).
283 * Claude-Louis-Raoul de La Châtre (1745-1824), comte de Nançay puis duc de La Châtre, est un personnage important dans le domaine militaire et politique (voir « La Traque de l’Historien »).
284 * René Bruneau devient en effet curé de Spay un peu plus de cinq ans après la visite des amoureux, le 6 février 1772. Ce bourg de la vallée de la rivière Sarthe, est distant de 13 km du Mans et de 20 km de La Fontaine. La cure, au revenu estimé à 1 000 livres, était à la présentation de l’évêque du Mans et comptait 310 communiants (Le Paige, Dictionnaire…, op. cit., t. 2, p. 516-517).
285 * Sur l’héritage de l’oncle René Bruneau, voir plus loin ms 58.
286 * Douze ans après la visite des amoureux, Charles-Pierre Bruneau résigne sa cure de Malicorne (Ad Sarthe : G 404, f°263, avril 1778). Il y décèdera le 15 janvier 1779 et est inhumé le surlendemain en présence du clergé des environs et de ses frères René, curé de Spay, et Louis, fermier à Villaines (Ad Sarthe : BMS Malicorne 1766-1792 (1), vue 233/519, 17 janvier 1779).
287 * Nous ne vous oublierons pas : nous vous coucherons sur notre testament, vous récolterez une part de notre héritage.
288 * La tante Mercier se repent elle-même de n’avoir pas fait faire l’apprentissage d’un métier à sa nièce lorsqu’elle était chargée de l’élever à Villaines (ms 28), comme s’en étonnaient le chapelain et le procureur du couvent (ms 31).
289 * Jusqu’alors, le rituel a bien respecté les jours consacrés au travail. Mais là, on se trouve tout à coup tributaire d’un calendrier extérieur, dicté par l’urgence pour Patoy qui sacrifie un jour de travail pour venir à La Fontaine « dans la semaine » avec un huissier, puis dicté par ces messieurs du présidial de La Flèche : le 9 janvier 1767 est un vendredi.
290 * Louis Simon n’a pas assisté au procès en personne, mais il a gardé en mémoire ce que lui en a raconté Nannon, sans doute parce que celle-ci, dans ce contexte impressionnant pour une jeune fille de la campagne, avait été réconfortée de trouver une compagne dans la même situation qu’elle.
291 * L’inventaire du couvent en 1790 mentionne au 4e rang de la liste des employés : « Jeanne Housseau agée de 47 ans, exerçant l’emploi de tourriere et de sonnetiere depuis vingt six ans ». Compte tenu des approximations de ce type de document, il peut s’agir de la jeune fille qui avait succédé à Nannon Chapeau en janvier 1767 (An : F 19/611/2).
292 Vas-tu pas moins prendre Simon : vas-tu quand même prendre Simon ? * Dans ce monde où les jeunes gens du même âge se vouvoient, où les enfants vouvoient leurs parents, et les patrons souvent leurs employés, on observe qu’en revanche l’abbesse tutoie sa tourière.
293 * Qui s’attendait en moi : qui s’attendait à ce que je l’épouse (prétend Louis Simon) ou qui du moins l’espérait, on dirait aujourd’hui qu’elle « avait des vues sur lui ».
294 Bru : belle-fille.
295 * La rivale, fine mouche, a bien compris qu’Anne Cureau, la mère de Louis, était plus ferme et plus déterminée que son mari…
296 * Le bonhomme ou la bonne femme : ici, les beaux-parents.
297 * Se mettre un fagot au cou : se charger volontairement d’un fardeau.
298 * De juillet 1766 à fin janvier 1767.
299 * Cultivateur : terme utilisé à partir de la Révolution. Pris au piège de l’écrit rétrospectif par l’écriture tardive du récit de sa jeunesse, Louis Simon commet un anachronisme en attribuant un mot du XIXe siècle à une réalité de la décennie 1760.
300 * Aux marches du palais… de justice.
301 * On sent la fierté du vieil étaminier se remémorant ces paroles.
302 * Le point de repère du calendrier liturgique se réfère à saint Julien. Sa fête, célébrée à la cathédrale du Mans le 27 janvier depuis le XIIe siècle, était devenue un événement liturgique majeur auquel les dignitaires ecclésiastiques de tout le diocèse étaient tenus de participer. Le jour prévu pour les noces est donc le lundi 26 janvier 1767.
303 La milice, destinée à soutenir l’armée active, avait été créée en 1688, supprimée quelques années, puis recréée et réorganisée en 1726. Elle levait, par tirage au sort, un milicien par paroisse parmi les célibataires ou veufs de 16 à 40 ans, sauf de nombreuses catégories exemptées. Les intendants et subdélégués venaient dans chaque paroisse organiser le tirage dans un chapeau. Le billet noir (sur lequel était écrit « milicien ») désignait l’homme appelé à servir. La milice était extrêmement impopulaire.
304 * Ligron et Courcelles sont les deux paroisses voisines au sud-ouest et à l’ouest de La Fontaine. Le danger est donc tout proche.
305 * Nous épouser : nous marier. Le verbe est alors régulièrement utilisé sous cette forme.
306 M. de Broc est Charles-Michel de Broc, fils aîné de Charles-Eléonor de Broc – luimême frère cadet du marquis Louis-Armand – et de Marie-Gabrielle Menon de Turbilly. Il est sous-lieutenant au Régiment de la Reine et n’a pas encore 17 ans. Il était probablement venu saluer ses tantes religieuses au Couvent, Renée-Armande, Élisabeth-Armande et l’abbesse Louise-Marie-Madeleine, avant de rejoindre, dix-sept jours plus tard son régiment à Castres (voir fig. n° 24).
307 Il conduisit la mariée sous le crucifix : il lui donna le bras jusqu’à l’entrée du chœur.
308 * Flambeau : faisceau de mèches enduites de cire qu’on portait autrefois à la main pour s’éclairer.
309 * Nannon extériorise son allégresse en se gratifiant elle-même d’un surnom fréquent dans le monde militaire. Le connaît-elle par le biais d’anciens soldats présents dans le pays, ou par l’intermédiaire de ce qu’elle a entendu raconter des livrets de colportage ?
310 * Pour regagner son logement au couvent.
311 * Si le mariage a été célébré le samedi 24 janvier au soir afin d’échapper au tirage au sort imminent, le repas de noces se déroule à la date initialement prévue, le lundi 26, « veille de Saint-Julien 1767 », jour auquel les divers invités ont prévu de se rendre disponibles.
312 C’était une tradition, pour les mariés, d’aller saluer le seigneur de paroisse. À La Fontaine, il s’agissait d’une dame de paroisse, l’abbesse du Couvent, * ou plus exactement la prieure. C’était alors Louise-Marie-Madeleine de Broc (voir « La Traque de l’historien »).
313 * Les alliances étaient alors le plus souvent en argent, comme l’était la bague offerte un dimanche matin du printemps précédent dans le cimetière du couvent (ms 30).
314 Plusieurs danses à la fois : aucune salle n’étant assez grande pour réunir toute la jeunesse du village, il fallait engager plusieurs violoneux pour animer plusieurs espaces de danse. Louis Simon cite « plusieurs danses à la fois » comme la preuve qu’il s’agissait d’un beau mariage. * La « jeunesse du bourg » danse essentiellement des contredanses.
315 * Trois violons : le mot violon, dans cette acception, désigne par métonymie celui qui en joue.
316 * Notre chambre : la chambre haute à cheminée qui existe toujours à l’étage de l’actuelle « Maison de Louis-Simon » à La Fontaine-Saint-Martin (http://www.amisdelouissimon.fr/). C’est un privilège rare pour un nouveau couple que d’avoir une chambre à soi pour sa nuit de noces (voir fig. n° 41).
317 * Il faut vraisemblablement lire ici plutôt le mot « aurait ».
318 * Mon malheur : nouvelle référence à l’affaire du 22 juin 1766.
319 * Lire : quoique je ne me fusse rapproché d’elle.
320 * On retrouve ici sous la plume de Louis des mots proches de ceux des chansons nouvelles : une charmante beauté, une piquante beauté, la beauté qui m’engage, la beauté dont mon cœur est enchanté, la beauté que je sers… (A. Fillon, Les Trois Bagues…, op. cit., p. 327).
321 Cinq pieds = 1,65 m.
322 * Matrone ou sage-femme ? Si Anne avait été sélectionnée dans sa paroisse pour aller au Mans suivre les cours d’obstétrique dispensés par la célèbre Mme du Coudray de décembre 1777 à février 1778 (S. Bertin et S. Granger, Femmes en Sarthe…, op. cit., p. 62-63), on peut penser que Louis l’aurait mentionné avec quelque fierté dans ses souvenirs.
323 * Chanson déshonnête : nées au Pont-Neuf puis se répandant jusque dans les villages, certaines chansons nouvelles utilisaient pour parler d’amour un vocabulaire luxuriant, polisson, voire paillard, débordaient d’allusions ambigües et filaient les métaphores frôlant la grivoiserie.
324 * 30 F : 30 francs. Le mémorialiste utilise pour des comptes de 1767 l’unité monétaire qui a succédé à la livre à la Révolution. En un an et demi de travail au prieuré (où elle était logée, nourrie, blanchie), Nannon n’avait pas réussi à accumuler un pécule consistant.
325 Anne Chapeau redevait un écu de 3 livres au Couvent où, étant tourière, elle recevait des sommes d’argent pour faire les commissions.
326 * Il donna la noce entière : il assuma la totalité des frais occasionnés par les festivités nuptiales, par égard pour les difficultés matérielles des Chapeau, alors que l’usage prônait plutôt un partage égalitaire du coût de la noce entre les deux familles.
327 L’aune, mesure égale à la longueur des deux bras étendus, correspond à 1,18 m. 40 aunes représentaient donc un peu plus de 47 mètres.
328 Huge : terme local pour huche.
329 * Le métier à tisser l’étamine sur lequel Louis Simon travaillait aux côtés de son père, ainsi que tout l’équipement (équipage) qui l’accompagne.
330 * Cette dernière phrase a été ajoutée en interligne : à la relecture Louis Simon a voulu chiffrer ce « grand avantage ».
331 * La halle se dresse sur la place, entre l’église paroissiale et le Couvent (voir le plan reconstitué du village, fig. n° 17).
332 * Cette maison du « bas du bourg » a fait l’objet d’une restauration menée par l’association Les Amis de Louis Simon et est aujourd’hui un espace dédié à la vie quotidienne villageoise des XVIIIe et XIXe siècles ouvert au public (voir introduction et http://www.amisdelouissimon.fr/).
333 * Je tenais : je louais, j’étais locataire (voir introduction).
334 * Maison et jardin : cette maison est dotée d’un jardin vivrier d’environ 2 200 m2 qui fournit une partie de la nourriture familiale, contrairement à l’avenir prédit par le père Chapeau à sa fille, de se retrouver dans une « chambre » où il faudrait « tout acheter ».
335 * Pontvallain est un bourg situé à 13 km au sud-est de La Fontaine Saint-Martin
336 * Sur ces accords familiaux pour prendre en charge la fin de vie des vieillards du Maine : A. Fillon, « À la recherche des aïeuls du Maine (1700-1800) », art. cité, Fruits d’écritoire …, op. cit., p. 209-240.
337 * Pierre Simon, le grand-père de Louis, meurt en réalité le 29 février 1768, soit sept mois seulement après le déménagement croisé évoqué par le mémorialiste. Il est inhumé le lendemain « en présence de son fils Louis, François Degoulet, Pierre Fougerard et autres plusieurs qui ont dit ne signer fors le soussigné ». Cet unique soussigné est le fils du défunt, Louis-François Simon. Malgré son grand âge, Pierre Simon est encore qualifié de sacriste dans cet acte ultime par le curé Semelle (Ad Sarthe : BMS La Fontaine-Saint-Martin 1762-1792, vue 49/273).
338 * Cette dernière phrase a été ajoutée en interligne : à la relecture Louis Simon a voulu préciser de quoi souffrait plus particulièrement son grand-père.
339 * Après avoir détaillé les arrangements matériels convenus lors des noces (qui auraient fait l’objet d’un contrat de mariage, s’il y en avait eu un), ce qui a entrainé sa plume jusqu’à l’année 1768, le mémorialiste revient ici en arrière pour évoquer des visites rendues à la famille, qui ont eu lieu, dit-il peu après les noces, aux « beaux jours du printemps » 1767.
340 * Le mémorialiste a déjà présenté ces deux frères Bruneau, oncles d’Anne Chapeau : voir ms 48.
341 * Pas de cadeau de noces, donc, ce qui semble étonner le jeune homme, sans que l’on sache si ce qu’il explique par « leur coutume » relève d’une pratique familiale, ou plus largement d’habitudes angevines qui seraient sur ce point différentes de celles du Maine.
342 * Villaines-sous-Malicorne : voir ms 28 et notes afférentes. La légende raconte que le seigneur de La Flèche aurait donné ce lieu à un de ses soldats appelé Simon. Celui-ci, amoureux, aurait construit un château, flanqué d’un village en forme de cœur en l’honneur de sa belle. Aujourd’hui, il ne reste plus de ce Simon d’autrefois que le château de la Roche Simon et la forme du village. Cette légende et ses analogies amusantes étaient-elles connues de Louis et Anne ?
343 * Lire « puis ».
344 * Bazouges, Sainte-Colombe, Clermont (aujourd’hui Clermont-Créans) : villages gravitant autour de La Flèche, dans cette partie de l’Anjou que la départementalisation de 1790 attribuera à la Sarthe. Emmenant le jeune couple jusqu’à plus de 25 km de chez lui, ces visites durent nécessairement plusieurs jours, on peut considérer qu’elles équivalent à un « voyage de noces ».
345 * Riches et gros fermiers : laboureurs. Le mémorialiste emploie ici un vocabulaire contemporain du temps de l’écriture.
346 * Elle : Anne Chapeau.
347 * Moines récollets : religieux de l’étroite observance de saint François, issus d’une réforme accomplie en Espagne au XVIe siècle. Ils avaient un monastère à Château-du-Loir.
348 * Sur ce grand-oncle de Nannon, René Ory, marchand de vins à La Flèche : voir ms 28-29.
349 * Avoir des espérances : compter sur des héritages ultérieurs.
350 Ailleurs, Louis Simon parle de cinq héritages.
351 * Hardes et linge : sans connotation spécialement péjorative, le mot hardes désigne les vêtements. Le linge peut être à la fois les pièces de lingerie (chemises, mouchoirs de col…) et les draps et torchons dont l’accumulation est signe d’aisance. La mère de Louis découvre avec plaisir que sa nouvelle belle-fille apporte un trousseau fourni.
352 * Ménagère : économe, sachant ménager ses ressources.
353 * Ramasser : ici, amasser.
354 * Marie Bruneau s’est éteinte à l’Hôtel-Dieu de La Flèche le 17 octobre 1763 (Ad Sarthe : La Flèche, sépultures Hôtel-Dieu, vue 177/382).
355 * La plus belle fille que lon pû voir : Louis Simon emploie à propos de feue sa bellemère, qu’il n’a évidemment pas connue, des termes équivalents à ceux qu’il avait utilisés pour décrire sa propre mère (« Sétait la plus belle fille qu’on pouvait voir », ms 4) et ensuite Nannon au tout début de leur idylle (« la plus belle fille quil y eut dans le pays », ms 25).
356 * Jacques Chapeau et Marie Bruneau s’étaient en réalité mariés le 31 janvier 1736 dans le village natal de l’épouse, près de La Flèche (Ad Sarthe : Sainte-Colombe, BMS 1724-1743, vue 161/273). Les parents Bruneau, qualifiés de fermiers, étaient alors décédés. L’épouse était assistée de ses frères et sœurs dont l’aîné, déjà prêtre, était son curateur. Était également présent son oncle René Ory, celui-là même que Louis est allé visiter lors de son « enquête », en avril 1766 (ms 28-29).
357 * Un peu de chagrin : des tensions, voire des frictions.
358 * Née à la ferme du cossu manoir de l’Argenterie à Saint-Quentin-les-Beaurepaire en Anjou, Anne Chapeau avait passé une partie de sa jeunesse à la métairie de Bonne-Fontaine à Villaines, grande ferme du château de Malicorne (voir ms 28).
359 * Le vouvoiement du galand a laissé place au tutoiement du mari.
360 * Sur cet article : à ce sujet.
361 * Un : lire une. Louis Simon élide le e, car il fait mentalement la liaison avec le mot suivant commençant par une voyelle. Même élision immédiatement après pour « un autre ».
362 * Portrait d’anthologie d’une femme parfaite…
363 Bignotte est une déformation de bigote. * Le Trésor du parler cénoman donne aussi « biguenotte » ou « biguenette » (p. 70).
364 * Pour faire tenir sur la page tout ce qu’il voulait dire de sa défunte épouse, le mémorialiste a écrit très petit et très serré. Cette page 55 du manuscrit comporte 3 200 signes. La page précédente en comporte 2 350, et la suivante 1 738 seulement.
365 * Louis et Anne vont avoir 7 enfants en 13 ans et demi. Le mémorialiste a voulu consacrer une page spécifique à ces sept naissances, page soignée, bien écrite et aérée par des sauts de lignes entre chaque enfant.
366 * À qui peut penser le vieil étaminier en écrivant cela ? Sans doute à des descendants soucieux de connaître leur généalogie comme lui a tenté de voir clair dans la sienne.
367 * Un intervalle protogénésique (entre le mariage et la première naissance) de dix mois est fréquent et bien dans la norme. Anne Chapeau a alors 26 ans et demi.
368 * Le parrain et la marraine de la première née sont traditionnellement choisis pour honorer les grands-parents survivants de chaque lignée. Le choix des parrains et marraines suivants est un indicateur plus fiable du cercle des relations du couple, avec en particulier par deux fois la formulation « mon ami ».
369 * Intéressant exemple où s’exprime de manière déterminée la volonté de la jeune mère, résistant à une pression sociale ou familiale non nommée (« quelqu’uns »).
370 * Sur les liens entre la famille de Broc et le couple Simon / Chapeau : voir ms 51.
371 * Le premier espace intergénésique est de 17 mois et demi. La mère a 28 ans.
372 * Thérèse est un prénom rare au village. Il a été mis à la mode dans certains cercles par la littérature libertine (Thérèse philosophe, 1748). C’est aussi un titre de contredanse en vogue (« La Thérèse », Le Répertoire des Bals, vol. 3, 1765). Le second prénom, Louise, est peut-être un hommage à l’abbesse.
373 * Curieusement, le grand père paternel, Louis-François Simon, n’a pas été choisi pour parrainer le 2e enfant, peut-être parce que nulle femme dans la lignée maternelle ne pouvait être la marraine. Boulanger et célibataire, Noël Morin est âgé de 25 ans. Sa commère est la cousine Catherine Bellanger, 34 ans. Il ne serait pas impossible que malgré la différence d’âge, on ait songé à essayer de marier ces deux beaux partis.
374 * L’intervalle intergénésique est cette fois de 16 mois depuis la deuxième naissance. Anne Chapeau, la mère, a 29 ans.
375 * Ce premier fils est parrainé par son oncle maternel Jean, le chaperon du temps des amours, et par Marie Turpin, fille de celui qui s’était entremis pour présenter à Louis sa riche cousine, Mlle Jamin.
376 * Augustin, le 4e enfant, arrive 30 mois après le troisième. Les espaces intergénésiques commencent à s’allonger. Sa mère a 32 ans.
377 * Mon ami : Louis Lemonnier partagera avec Louis les responsabilités paroissiales.
378 * Notre frère : Jean Chapeau est le frère d’Anne Chapeau, donc le beau-frère de Louis Simon.
379 * L’intervalle est cette fois de 29 mois. La mère a 34 ans et demi.
380 * L’enfant reçoit son premier prénom de Perrine Toutain, couturière tailleuse d’habits que Louis Simon accompagne parfois chez le notaire de Foulletourte pour y signer des actes. Son parrain, Philippe Lemercier, est closier à La Grande Chaîne. Ces deux-là finiront par s’épouser.
381 * Le 6e enfant survient 23 mois après le précédent. La mère a maintenant 36 ans et demi.
382 * Paul Micaux est sabotier et époux d’une sœur de Madeleine Lejeune, la couturière qui voulait rompre l’idylle de Louisot et Nannon. Quant à la marraine, c’est la fille de Michel Pageot qui travaillait le plain-chant en compagnie de Louisot chez le chapelain du couvent vers 1765-1766.
383 * Ce 7e et dernier enfant est séparé du précédent par 44 mois et demi. La mère a maintenant 40 ans.
384 * Agathe est un prénom rare au village. Il est alors porté par Agathe-Louise d’Orvaux, fille du châtelain née sept ans plus tôt : on peut déceler ici un phénomène d’imitation de la part du couple Simon/Chapeau.
385 * Le choix du parrain, le nouveau vicaire, et de la marraine, sœur du curé, consacre les liens étroits du chantre sacristain avec le clergé paroissial.
386 * Selon nos moyens : la formule sous-entend que s’ils avaient été plus fortunés, les parents auraient fait d’autres choix. Le mémorialiste pense-t-il à la mise en nourrice, évoquée dès la phrase immédiatement suivante ? On sait qu’en ville, c’était alors une pratique très largement répandue, dans toutes les couches de la société urbaine.
387 * Louis souligne comme une vertu supplémentaire de son épouse le fait qu’elle allaite ses enfants. L’allaitement maternel n’a pourtant rien d’exceptionnel dans les campagnes et Anne Chapeau apparait ici comme très représentative des habitudes villageoises.
388 * Cette mise en nourrice, qui a permis une reprise plus rapide de l’ovulation, explique l’intervalle plus court entre Thérèse et la naissance suivante (16 mois).
389 * Tetein : tétin, le bout du sein, que tête le nourrisson.
390 * Périssait : dépérissait.
391 * Recourir à l’allaitement artificiel est une décision hardie.
392 * La répartition des tâches entre homme et femme est très claire : les soins aux jeunes enfants sont l’affaire exclusive des femmes.
393 * On peut ici soupçonner un souci de distinction qui pousserait le mémorialiste à employer le mot « sage-femme », jugé plus correct que le mot « matrone ».
394 La bonne femme : expression familière pour désigner la sage-femme.
395 * En amont de l’accouchement, Anne Chapeau prépare tout ce qui sera nécessaire au bon déroulement des opérations, en particulier les linges et les langes. Jusqu’au XIXe siècle, on emmaillotait le bébé serré pour qu’il grandisse droit et bien formé.
396 * On met une poule au pot pour fournir à la jeune mère de quoi reconstituer ses forces. Un complément carné est le régime recommandé aux accouchées, mais Anne Chapeau ne le suit que partiellement. Ne pas aimer le gras est une qualité aux yeux de Louis qui plus loin préconise « mangez plus en maigre qu’en gras » (ms 61).
397 * Beurée : tartine (Trésor du parler cénoman, op. cit., p. 68), sous-entendu « tartine de beurre » (A. Fillon, Louis Simon étaminier…, op. cit., vol. 2, p. 493).
398 * La répartition traditionnelle des tâches selon le genre des individus est ici très nettement exprimée : l’homme à l’extérieur, allant et venant, la femme restant à la maison ou à ses abords immédiats, jardin, cour de ferme.
399 * Les employer : employer, occuper utilement les enfants à mesure qu’ils grandissent. À ce stade, le mémorialiste ne fait aucune allusion à l’instruction qu’il leur a aussi donnée (voir ms 61).
400 * Le chemin de Bouquet est le chemin qui mène du bourg vers le lavoir (voir fig. n° 17).
401 Cinq journaux de terre : Un journal représente en principe l’espace où un homme pouvait ouvrir un sillon en une journée, mais il avait une valeur très différente selon les régions. Ici il s’agit de cinq journaux de 44 ares, soit 2 hectares 20.
402 * Aller à l’herbe : couper de l’herbe pour la nourriture du bétail, travail traditionnellement féminin. Pour la litière, on utilisait souvent des fougères qui proliféraient dans la région. Anne Chapeau devenue bordagère se charge aussi probablement de la traite des deux vaches.
403 * Faire des trammes, c’est précisément le destin dont son père avait menacé Nannon (voir ms 30).
404 * Rabillet : habillait, peut-être avec la notion complémentaire de ravauder, réparer les vêtements des enfants.
405 * Il faut comprendre : 60 livres de fermage, de loyer, par an. À comparer aux 30 livres payées pour la petite maison à étage du « bas du bourg » et son jardin d’un demi-journal (2 200 m2).
406 * Voir ms 28 et 54.
407 * La maison où je demeure à présent : c’est la maison qui est parfois nommée le Grand Logys située à peu de distance de la maison « du bas du bourg », de l’autre côté de la rue principale. Louis Simon et Anne Chapeau y ont vécu de 1781 à 1786 puis de 1797 jusqu’à leurs décès respectifs.
408 * Bien que La Fontaine soit plus proche du Mans, ces habitants du « Maine angevin » sont habitués à se tourner naturellement vers La Flèche ou Angers. Jacques Chapeau avait passé une partie de sa vie en Anjou, il y retourne se faire soigner et finalement y mourir, le 15 janvier 1770, à l’Hôtel-Dieu (« Jacques Chapeau, veuf de Marie Bruneau, âgé de 57 ans, né à Bazouges », Ad Maine-et-Loire : S Hôtel-Dieu-Hôpital St-Jean 1763-1773, vue 115/180, acte du 20 janvier 1770). Merci à David Audibert pour cette découverte inédite.
409 Insinuation : formalité établie par l’ordonnance de Villers-Cotterêt en 1539 et définitivement organisée par l’édit de 1703. Elle consistait à faire inscrire sur un registre les dispositions des actes dont le public avait intérêt à avoir connaissance. Le contrôle des actes des notaires, enregistrés dans la quinzaine, fut rendu obligatoire par un édit de mars 1693. À partir de1704, les droits d’insinuation et les droits de contrôle furent perçus en même temps dans les bureaux du contrôle des actes. C’est pourquoi Louis Simon les évalue ensemble.
410 L’hommage au seigneur, ailleurs appelé « lods et ventes », était un droit seigneurial sur la mutation d’un héritage tenu à cens. On voit que les frais de l’acte notarié représentent moins de 3 %, les frais d’insinuation et de contrôle, moins de 2 %, et le droit d’hommage 5,5 %.
411 * Elle avait un caractère difficile.
412 * La satisfaction d’emménager dans une maison qui lui appartient donne lieu à la première date précise depuis le récit des amours (en dehors des naissances des enfants).
413 * Voir le plan reconstitué du village (fig. n° 17).
414 * Nouveau doublement de loyer, alors que la surface de terre est moindre que dans la location de 1774 (3 journaux ici contre 5 alors). Mais cette auberge, bien placée au cœur du village est manifestement d’un bon rapport : « Nous nous y arangions trés bien ».
415 * Si l’expérience d’aubergiste n’occuppe que 10 lignes du manuscrit, elle a tout de même duré plus de dix ans.
416 * J’agetai : j’achetai.
417 La busse était une mesure de capacité valant dans le Maine entre 230 et 240 litres. Dans la petite région considérée, la busse valait 244 litres. En 1786 le bon vin de Clermont, mûri sur les coteaux du Loir près de La Flèche, valait donc un peu plus d’un sol le litre.
418 * Louis Simon a fait ensuite ce qu’il prévoit ici : voir plus loin, ms 75 à 77.
419 * Le mémorialiste commet une erreur d’un mois. Décédé l’avant-veille, René Bruneau est inhumé à Spay le 16 décembre 1788, en présence de 5 curés et vicaires voisins, de son frère Louis et de deux neveux, dont Jean Chapeau, le jeune frère d’Anne, devenu charron à Malicorne (Ad Sarthe : BMS Spay 1786-1792, vue 37/94). L’oncle Bruneau avait résigné sa cure à la fin du mois de septembre précédent (Ad Sarthe : G 409).
420 Un certain nombre d’habitants de La Fontaine savaient pourtant signer. Mais ils n’étaient pas capables d’écrire une lettre ou de répondre à une enquête.
421 * Les affaires publiques.
422 L’an X de la République : du 23 septembre 1801 au 22 septembre 1802.
423 * Je fits l’antreprise : j’entrepris, avec la connotation « je pris le risque ». Non loin de là, sur la même « grande route » (ancienne royale n° 23), un lieu-dit s’appelle encore La Belle Entreprise.
424 * Il s’agit de capter les chalands de la « grande route » en faisant bâtir une auberge. Le terrain était admirablement situé, au carrefour de la route royale Paris-Nantes et de la route du Grand-Lucé à Sablé qui traversait le bourg de La Fontaine.
425 * Louis-Philippe-François d’Orvaux (né à Angers en 1740) avait été Lieutenant de cavalerie. Il décéde le 12 janvier 1790 en son château du Maurier. Son épitaphe le qualifie de « comte d’Orvaux » (Raoul de Linière, Armorial de la Sarthe, Le Mans, M. Vilaire, t. II, p. 537-538).
426 Revenu de la troupe : rentré de l’armée. * Augustin Simon avait appartenu à la 13e brigade d’infanterie légère (Ad Sarthe : 908 QQE, registre d’enregistrement, Le Lude). Agé de 28 ans en l’an X, sans situation, ce fils aîné (depuis la mort de Louis en 1782) est sans doute un sujet difficile qui causera bien des soucis à ses parents.
427 * Avantageux : lucratif.
428 La mare sur le terrain de l’auberge à bâtir avait 1,65 m de profondeur.
429 * Malgré la déclaration de soumission apparente d’Anne, les deux époux dialoguent en fait d’égal à égal, y compris au sujet des difficultés techniques du projet sur lesquelles Anne alerte son mari.
430 Le chevalier Louis-François d’Arlanges, chevalier de Saint-Louis, avait épousé Louise-Agathe d’Orvaux, fille de Louis-Philippe d’Orvaux. * Elle décédera au château du Maurier le 11 janvier 1809, dernière de cette branche des d’Orvaux.
431 * Augustin et Paul. Ce dernier exerçait le métier de tailleur de pierres.
432 * Voir fig. n° 34 (dessin de Michel Avril, 1996).
433 * Louis Simon commet une erreur de date. Ce n’est qu’en 1808 qu’il se défait, au profit de Jean Lestringant tailleur de pierres, de la maison héritée de son père, et non pas, comme il le laisse entendre, au tout début des travaux (A. Fillon, Louis Simon, étaminier…, op. cit., vol. 2, p. 564).
434 * Il s’agit de l’un des héritages d’Anne Chapeau.
435 * Achetée du gouvernement : il s’agit de biens ci-devant appartenant au clergé ou à des nobles émigrés et devenus « biens nationaux », termes que Louis Simon se garde bien d’employer. Selon Henry Roquet, la lande de Pierre couverte faisait 4 arpents (un peu moins de 2 ha) et devait son nom à la présence de mégalithes auxquels on prêta longtemps des pouvoirs magiques.
* District : subdivision administrative créée en 1790, intermédiaire entre les cantons et le département, qui fut supprimée dès 1795. La Sarthe comportait 9 districts.
436 * Cette pièce de terre avait été adjugée 3 400 livres conjointement à Louis Simon, Michel Fougery, Pierre Cureau (son cousin), François Pageot, Julien Ménager et Jacques Loriot.
437 * Le prieuré fut acheté par Pierre-Louis Charles, receveur de l’enregistrement à La Flèche, pour la somme de 36 200 livres. Il fit rapidement détruire l’essentiel des bâtiments pour les monnayer sous forme de matériaux de construction.
438 Tuffeau : pierre blanche tendre, très répandue dans la région. * Ces pierres récupérées sur « la sacristie » sont notamment les encadrements de portes et de fenêtres.
439 * Le lieu sera rapidement rebaptisé « le chêne vert », à cause de l’arbre planté en face et qui vit toujours.
440 2 ventôse an XI : 21 février 1803. * Augustin se marie un peu rapidement car il va être père de famille six mois plus tard. La mariée, Geneviève-Victoire Rousseau, un riche parti, est la fille du boulanger établi en octobre 1801 en face des Simon.
441 * Ma chère amie : le tendre vocabulaire du temps des amours ressurgit. Anne disparaît entourée de ses 5 enfants survivants, tous établis à proximité : Augustin à l’auberge du Soleil, Anne sans doute installée à Spay, Paul a construit sa maison (« Beaulieu »), sur l’ancienne pièce de Bouquet, tout près du bourg, Agathe est sa voisine et Thérèse vit chez eux. Les petits enfants sont nombreux.
442 * Comme pour sa sœur Élisabeth (ms 17), Louis accuse la médecine d’avoir empiré le mal.
443 * Mercredi saint : le mercredi de la semaine sainte, qui précède le dimanche de Pâques.
444 * On remarque le souci minutieux du détail, tant sur la date que sur l’âge de la défunte.
445 * Le curé de Cérans est alors Pierre-Ambroise Houdayer (1777-1822). Voir « La Traque de l’historien ».
446 * L’abbé Letertre est resté à La Fontaine. Lors de la vente des biens du couvent, il a acquis le 11 mai 1791 la propriété de la Bourne, où il vit en compagnie de Marie-Anne Duclos, l’ancienne organiste du couvent (pour localiser la Bourne : voir fig. n° 14).
447 * Au bout de l’an : pour l’anniversaire du décès.
448 * Une cérémonie concélébrée par quatre prêtres est un honneur auquel le sacristain-chantre Louis Simon est sensible.
449 * Ménage : « gouvernement domestique & tout ce qui concerne la dépense d’une famille… » ou encore « conduite que l’on tient dans l’administration de son bien » dit le Dictionnaire de l’Académie contemporain de Louis Simon, ce qui correspond au sens que le mémorialiste a en tête si l’on en juge par ses phrases suivantes. Il parle plutôt du fonctionnement de la maison que de son nettoyage.
450 * La répartition de la gestion domestique entre les deux époux est révélatrice : à la femme les achats du quotidien, à l’homme les investissements lourds qui n’ont lieu qu’une fois par an et nécessitent anticipation et négociation (la provision de blé, le bois de chauffage, les tonneaux de vin).
451 * Être à même : avoir la possibilité, être en situation de.
452 * Marie-Anne Duclos, née fin novembre 1759 à Laval, avait donc 43 ans passés au moment du décès d’Anne Chapeau.
453 L’abbé Letertre avait légué à Marie-Anne Duclos la jouissance de La Bourne qu’elle avait vendue en viager à M. Fouqueré. Le testament de l’abbé Letertre avait été attaqué et déclaré nul.
454 * Payet : ici, valait, rapportait.
455 * À viage : en viager.
456 * On ignore quels étaient au juste les rapports entre l’ancien chapelain et l’ancienne organiste du couvent et sur quelles logiques leur cohabitation s’était organisée.
457 * Le « grand monde » que Marie-Anne Duclos avait fréquenté, elle, la fille d’un tisserand lavallois, n’était autre que les religieuses et les pensionnaires du prieuré, issues des grandes familles de la province.
458 * Un peu moins en réalité, quoique l’épisode ne soit pas précisément daté, puisque Marie-Anne Duclos a « seulement » 47 ans et deux mois lors de son mariage.
459 * S’écarter de la bienséance : il faut relativiser le jugement de Louis Simon à propos de l’audace de langage de l’organiste, dont le comportement demeure très décent. Il avait déjà fait ce type de remarque à propos de Nannon (ms 22 et ms 46).
460 * On note l’élégance de la formulation…
461 Jacques Chédieu avait succédé à René Bruneau comme curé de Spay * en 1788. Il était resté lié au couple Simon, comme on l’a vu par sa présence aux deux services funéraires d’Anne Chapeau.
462 * Je ne matendais pas dans une telle Reponce : là encore le mémorialiste reproduit presque mot pour mot ce qu’il avait écrit au sujet du Louisot rendu « tout niais » par l’audace de Nannon (ms 25).
463 * Louis Simon est alors âgé de 65 ans.
464 * Je ne poussa pas plus loin cet article : je ne poursuivis pas la conversation sur ce sujet délicat.
465 * Vincent Chédieu est un ancien militaire.
466 * Où l’on voit une noce jouer son rôle dans la formation d’un nouveau couple… mais en dehors des générations habituellement concernées par le processus.
467 * Le 27 janvier 1807. Soit, par hasard, quarante ans presque jour pour jour après les noces de Louisot et Nannon.
468 Marie-Anne Duclos mourut le 27 août 1808, un an et demi après son mariage. * Son décès est déclaré à la mairie le lendemain par Louis Simon lui-même, qui signe l’acte (Ad Sarthe : état civil La Fontaine Saint-Martin, MD 1793-1832, vue 365/568). La biographie de Marie-Anne Duclos est en ligne sur la base Muséfrem : http://philidor.cmbv.fr/ark:/13681/1hdkx5xyrvgnzebqi6j6/not-455459
469 * Ainsi se termine, sur cette note mélancolique, la partie proprement autobiographique des souvenirs de Louis Simon. Les 41 lignes de cette page 60 du manuscrit sont entièrement consacrées à cette dernière histoire, tout avortée qu’elle soit. Cela confirme que la grande affaire de sa vie méritant écriture fut bien, en effet, d’ordre sentimental. La suite du livre, organisée selon un plan thématique et non plus chronologique, est moins personnelle.