Annexe 3 : Les chansons de Leprince d’Ardenay
p. 279-280
Texte intégral
1Au retour d’un mariage à Angers où son jeune frère Claircigny s’était épris de la cousine de la mariée13, il chante avec son cousin Desportes, fils d’un maître de forges anobli, pour se moquer du jeune garçon en pleurs ayant dû quitter sa « petite maitresse » Nicole : « non, non, collette n’est point trompeuse, […] », chanson que nous appellerions aujourd’hui « un tube », dans lequel les débordements de sensibilité sont accompagnés « d’un érotisme ambigu et maniéré14 ».
2Cette chanson fut répandue pendant plus de cinquante ans dans les villages où pénétraient les livrets de colportage, dans la bourgeoisie des villes et dans la noblesse provinciale. La situation décrite est déconnectée du mariage : l’amour trouve sa justification en lui-même. La vague venue de Paris met à la mode un nouvel art d’aimer au ton distingué et aux limites ambigues qui correspondent bien à l’idéal villageois de l’époque. Il a paru opportun de livrer au lecteur les paroles originales de cette chanson et de les remettre dans la bouche d’un homme important et sérieux comme Leprince d’Ardenay :
Non, Non, Colette n’est point trompeuse
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3De la même manière, lorsque Leprince d’Ardenay compose une chanson pour exprimer son antipathie pour le reversi (Chapitre XVII : les plaisirs d’Ardenay), c’est sur l’air de « Lison dormait ». Cette chanson des livrets de colportage peut-elle aussi être qualifiée de « déshonnête ». Si l’on considère que Leprince chanta ces couplets un peu grivoix pour Mde de Beaufond, sa belle-sœur, on peut imaginer que la pudeur des dames du monde, si bien éduquées et respectables, était placée au même niveau que celle du peuple des campagnes.
Lison dormait
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4Le vocabulaire des chansons des livrets de colportage, proche de celui utilisé par Leprince lui-même pour décrire la nature désigne un lieu où par essence les plaisirs et le bonheur peuvent s’épanouir. Cette fascination physiocratique ressurgit au moment « de la grande affaire ». C’est à la campagne, plus qu’ailleurs, que peuvent s’épanouir les cœurs. Si les villageois s’accomodent très bien du monde idyllique que leur ont concocté les rédacteurs des livrets, les jeunes gens des villes vivent déjà dans cette nature maîtrisée, dans ce monde de loisirs dont ils jouissent grâce à leur double résidence ville-campagne.
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