1 Le Petit Robert définit la commémoration comme la « cérémonie destinée à rappeler le souvenir d’une personne, d’un événement. Spécialement : mention que le prêtre fait des morts au cours de la prière du canon à la messe » (Petit Robert, édition 1977).
2 Pour reprendre le titre de l’ouvrage de Raul Hilberg (Hilberg, 1988).
3 Cette question est remarquablement traitée par Annette Wieviorka à propos d’Auschwitz (Wieviorka, 2005).
4 De manière significative, les références à la Shoah sont récurrentes dans les ouvrages sur lesquels nous nous sommes appuyés pour parler de patrimoine et de mémoire, que ce soient ceux de Françoise Choay, de Joël Candau, de Patrice Béghain, de Régine Robin ou de Michel Rautenberg.
5 Nous faisons référence ici aux « assassins de la mémoire » tels que les a désignés Pierre Vidal-Naquet.
6 Dans son film, Guillaume Moscovitz nous fait entendre le témoignage de jeunes du village qui sont toujours persuadés que ce sont des centaines de milliers de polonais (non juifs) qui ont trouvé la mort ici.
7 Ces petits cailloux renvoient à un rituel de deuil juif : « nous mettons un caillou sur la tombe marquer que nous avons été là, non pas afin que le disparu le sache, car son âme en avait déjà conscience, mais pour que nous le sachions. Nous sommes des êtres matériels et avons besoin de gestes physiques qui expriment la réalité de notre présence en ces lieux. Le caillou est notre “carte de visite”. Les fleurs se fanent mais le simple petit caillou, symbole de l’éternité, témoigne de notre vénération impérissable pour la mémoire de notre bien-aimé. Nous restons liés jusqu’à la fin des temps » Lorie Palatnik (2006). [http ://www.lamed.fr/judaisme/Concepts/1661.asp].
8 . Raymond Federman, Les Inrockuptibles, n° 436, avril 2004
9 Le Monde, 5 mai 2005.
10 Qui a eu lieu le 17 mai en 2006. Il y avait 6 000 participants qui ont marché entre les sites d’Auschwitz et de Birkenau.
11 Comme en témoigne également la multiplicité des petits cailloux et des emballages degies, qui matérialisent des rituels de deuil.
12 Dans cette première phase de la solution finale, les nazis n’avaient pas encore entrepris d’enregistrer les noms de leurs victimes.
13 N’oublions pas non plus les 20000 Tsiganes assassinés à Birkenau, dont la mémoire a mis plus de temps à être reconnue.
14 Avec son portail emblématique du système concentrationnaire, frappé du célèbre « Arbeit macht frei ».
15 Il est extrêmement troublant par exemple de revoir les images d’A. Resnais qui filme les prairies de Birkenau sans dire un mot du génocide (Nuit et brouillard, 1956).
16 Comme en témoigne le rejet à la fin des années 1950 d’un projet de monument qui proposait de barrer l’ensemble du camp de Birkenau d’une large bande de pierre noire (Wieviorka, 2005).
17 Ce qu’Annette Wieviorka appelle les « stigmates de l’assassinat industriel » (Wieviorka, 2005, p. 82).
18 Savoir par exemple que les déportés étaient « triés » dès leur sortie des wagons ou qu’il y avait 4 personnes par châlit.
19 Parmi les projets de monuments contemporains qui prennent le contre-pied de cette conception classique du monument dominateur et « phallique », nous pouvons signaler celui du camp de Rivesaltes. L’architecte Rudy Ricciotti parle d’« un projet horizontal qui s’enchâsse dans le sol, sans façade, non planté » (Dépêche AFP, 21 décembre 2005). Le mémorial devrait être inauguré en 2008.
20 Et encore, le simple fait d’avoir rebaptisé la place et donc mis en place une signalétique correspond à un marquage visible.
21 D. Peschanski nous rappelle que l’on parle du « siècle des camps » (Peschanski, 2002
22 Avec les camps de Belzec et Birkenau, nous sommes encore dans un autre registre, celui du camp d’extermination et de l’industrialisation du génocide.
23 Il faut préciser que contrairement aux juifs internés, ils n’ont généralement pas été victimes la déportation.
24 Le décret du 6 avril 1940 visait à « astreindre (les nomades) à une résidence forcée sous la surveillance de la police et de la gendarmerie » (Sigot, 1994, p. 62).
25 Annette Wieviorka parle de la « désinvolture » avec laquelle la mémoire de la persécution Tsiganes a été traitée en Allemagne (Wieviorka, 2005) : les survivants ont eu le plus grand mal à se faire reconnaître comme victimes (ce qui a été également été le cas en France [Sigot, 1994]).
26 E. Filhol explique même qu’il a reçu un accueil mitigé voire dissuasif de la part des associations de Tsiganes à propos de la mémoire des camps (Filhol, 2004).
27 M. Pernot, Le Monde, 08/05/2001.
28 Annette Wieviorka note la même chronologie à propos du premier monument consacré à la mémoire des Tsiganes à Birkenau.
29 Terme utilisé par les Tsiganes pour désigner ceux qui n’en sont pas.
30 Derrière ce terme, Jacques Sigot montre qu’il y avait d’autres populations jugées indésirables, forains et vagabonds, elles aussi internées. Ce qui n’enlève rien au caractère ouvertement raciste des directives où l’on parle du « type romani ».
31 Ce qui représenterait au moins la moitié des Tsiganes internés durant la guerre par rapport aux chiffres de M.-C. Hubert (1997).
32 La terminologie a fait débat, voire polémique : Jacques Sigot utilise l’expression en référence à la terminologie officielle des autorités françaises de l’époque, ce qui lui est reproché compte tenu du sens qu’a pris l’expression au regard de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Entretien réalisé le 18 février 2006.
33 Entretien avec M. Loupias, maire de Montreuil-Bellay, 6 juin
34 Pour donner une idée de la résistance locale à l’émergence de cette mémoire, Jacques explique qu’il a dû attendre 2006 pour être sollicité par une école de la commune afin de parler du camp et d’emmener les enfants sur le site.
35 Poulouche est décédé depuis, le 16 novembre 2007
36 Jacques Sigot signale qu’en 1993 le Conseil général de Maine-et-Loire a voté une subvention de 85 000 F pour un monument aux victimes des guerres de Vendée, alors que quelques années auparavant, il refusait la subvention de 2 500 F qui était demandée pour la stèle de Montreuil. Du côté de la mairie, les choses ont évolué : après qu’elle ait été détruite une première fois en 2000, la plaque a été remplacée aux frais de la municipalité. Dans le même registre, J.-M. Filhol explique qu’en 1999 le président du MRAP de la Manche a dû s’y reprendre à deux fois pour obtenir le vote d’une subvention par le Conseil général pour la stèle du camp de Barenton (Filhol, 2004).
37 Stèle en grec signifie « colonne funéraire, colonne à inscription, colonne commémorative ».
38 B. Besson, Courrier de l’Ouest, 18 janvier 1988.
39 Discours du sous-préfet, Préfecture de Maine-et-Loire, 25 avril 1990 (Archives Jacques Sigot).
40 Il faut noter également que Mathieu Pernot a inclus des photos du site dans son travail de en mémoire.
41 Site de l’association Les amis de la mémoire du camp tsigane de Montreuil-Bellay [http ://memoire.du.camp.free.fr], consulté en mars 2006.
42 Ces escaliers dont la silhouette intrigue l’automobiliste qui longe le site font la couverture de la première édition de l’ouvrage de Jacques Sigot.
43 JO du 30 juillet 2005.
44 Ce qui est le cas de 3 % des éléments protégés en France, tels que la tranchée des baïonnettes Douaumont, les ruines d’Oradour ou le camp de concentration du Struthof (Toulier, 1999).
45 Entretien avec M. Loupias, maire de Montreuil-Bellay, 6 juin
46 Courrier du secrétariat de la Préfecture daté du 2 février 1994.
47 Archives privées de Jacques Sigot, 18 avril 1994, à Poitiers.
48 Un des membres gadje de l’association de Montreuil nous a décrit son engagement en ces termes : « On défend notre patrimoine. »
49 C’est ainsi qu’une petite fille d’interné, Sandrine Bernier, a réalisé un mémoire de maîtrise d’histoire, intitulé Un camp d’internement des Tsiganes à Montreuil-Bellay, 1895-2005 (Bernier, 2005). Elle est la présidente de l’association Les amis de la mémoire du camp tsigane de Montreuil-Bellay.
50 . À travers le témoignage, qui peut être enregistré, retranscrit sous forme de document, la « mémoire incorporée » peut également alimenter la mise en mémoire. La seule modalité de mise en mémoire qui soit absente dans le cadre de cette typologie, c’est le témoignage vivant, expression directe de la mémoire incorporée. Témoignage qui peut avoir lieu n’importe où, même si pour être efficace il a généralement lieu dans le cadre d’institutions comme les écoles. Il est rare qu’il ait lieu sur le lieu de mémoire lui-même, sauf lors de certaines commémorations, ou de certaines enquêtes, comme celle menée par Patrick Desbois sur la « Shoah par balle » en Ukraine.
51 . Pour les distinguer d’autres formes de marques, qui ne se réfèrent pas au passé, on pourra parler de marques mnémoniques. Contrairement aux traces marquées, elles n’incarnent pas l’événement passé mais s’y réfèrent. Il est à noter qu’avec le temps, ces marques nouvellement produites peuvent à leur tour devenir traces, ne plus être revendiquées par un groupe… puis être réinvesties dans le cadre d’un processus de marquage…
52 Voir conclusion de la première partie.