Chapitre II. Des Proches, des Mères et des Grands-Mères
p. 67-102
Texte intégral
1Si les associations de défense des droits de l’homme argentines se veulent ouvertes à tous les secteurs de la société, on constate la prééminence de certains acteurs dans leur fondation et leur organisation postérieure. Les institutions religieuses, des partis politiques et des professions libérales prévalent sur d’autres secteurs. Rapidement dépassées par l’amplitude de la répression, ces associations encouragent les proches des disparus à se réunir entre eux. Nous estimons qu’avec cette proposition, les associations souhaitent avant tout orienter les familles vers des personnes qui, parce qu’elles vivent une expérience similaire, seraient plus à même de les aider dans un travail de soutien moral et psychologique. Ainsi, dès la fin de l’année 1976, naît Familiares de desaparecidos y detenidos por razones políticas. Puis en avril et en octobre 1977 se créent respectivement les Mères de la place de Mai et les Grands-Mères de la place de Mai. Les associations de défense des droits de l’homme ont coexisté pendant toute la durée de la dictature avec ces associations qui fondent leur légitimité sur le lien de parenté de leurs membres avec les disparus. Nous verrons alors que ces organisations se caractérisent par une « hétérogénéité » qui va se développer pendant les différents mandats présidentiels à partir de 19831.
Familiares de desaparecidos y detenidos por razones políticas
2Familiares de desaparecidos y detenidos por razones políticas (Familiares) de par son nom est une association qui aurait pu réunir l’ensemble des proches de détenus-disparus. Ne se limitant pas au rapport d’un membre de la famille au disparu – mère, grand-mère, enfant ou autre –, l’association s’adresse à tous. Cependant certains éléments liés à ses conditions de fondation ont amené des personnes à créer d’autres collectifs.
Familiares et la Liga
3Familiares est née dans les locaux de la Liga à la fin de l’année 19762. À l’instar des autres associations de défense des droits de l’homme, la Liga, face à l’augmentation du nombre de proches la contactant, encourage les familles à se regrouper. VDI, mère de disparue et membre fondateur raconte :
« Je suis allée à un endroit dont m’a parlé mon fils, c’était la Liga Argentina por los Derechos del Hombre, qui ne se trouvait pas où elle est aujourd’hui, elle était dans la rue Esmeralda au numéro 75, par là-bas. Je suis allée là-bas et bon, là-bas ils ont pris mon témoignage, et je l’ai donc donné. Et j’ai commencé là-bas, nous nous retrouvions avec différentes personnes, pas beaucoup de gens, et… nous y allions une fois par semaine. Quand la Liga déménage de la rue Esmeralda à ici au coin de Corrientes et Callao, ils nous proposent de nous réunir et c’est ainsi que naît Familiares3. »
4Elle précise qu’elle est arrivée à la Liga après avoir épuisé les recours légaux et notamment après avoir présenté un habeas corpus pour savoir où se trouvait sa fille. Face à la réponse négative, elle cherche d’autres interlocuteurs. C’est alors que son fils l’encourage à aller à la Liga. Le parcours de VDI est celui que tous les proches de disparus ont suivi. Ils s’adressent généralement dans un premier temps à la police, puis aux institutions religieuses, aux forces armées, au ministère de l’Intérieur, etc. Ils vont voir toutes les institutions qui seraient susceptibles de leur donner des informations ou d’intercéder en leur faveur4. C’est dans ce contexte qu’ils s’adressent aux associations de défense des droits de l’homme. Peu nombreuses et surtout peu connues en dehors des cercles des militants pour la défense des droits de l’homme, les proches de disparus s’adressent à une association sur la recommandation d’une connaissance. C’est le cas de VDI qui a été encouragée par son fils. Ce dernier militait dans une organisation de gauche, tout comme sa sœur disparue. On peut supposer qu’il avait entendu parler du travail de la Liga pour la défense et le soutien de prisonniers politiques. VDI nous précise que ni elle ni son mari n’étaient engagés politiquement. On peut néanmoins estimer que c’est l’engagement de son fils qui l’a amenée à s’adresser à la Liga plutôt qu’à une autre association de défense des droits de l’homme. Une autre façon de connaître l’existence des associations de défense des droits de l’homme était d’en entendre parler dans le cadre des démarches entreprises auprès des institutions évoquées ci-dessus. Les proches, devant les bureaux, lors des files d’attente parlaient entre eux et s’échangeaient des informations sur leur « parcours administratif ». C’est ainsi que des personnes sont arrivées à Familiares lorsque l’association est née5.
5Dans un premier temps, les personnes les contactant n’obtiennent pas plus d’informations qu’ailleurs. Pour certains, comme VDI, cela les incite à développer des stratégies pour obtenir des informations et la « récupération des disparus ». Dans un livret édité pour les trente ans de l’association, les membres de Familiares précisent que dès le début :
« Pour récupérer nos proches, notre lutte ne pouvait être isolée, nous devions chercher des liens, du soutien solidaire et réussir à travailler ensemble avec des organisations politiques, syndicales, professionnelles, étudiantes qui malgré les difficultés, pour la plupart sous contrôle et dans la clandestinité, existaient toujours6. »
6Dans ce sens VDI explique que les premières actions sont orientées vers les dénonciations des disparitions de personnes auprès d’institutions nationales et internationales. Pour ce faire, un groupe de proches se charge de collecter les dénonciations des autres proches. Ce travail est à la charge des membres actifs de l’association, ceux qui y travaillent au quotidien. D’autres membres assistent uniquement aux réunions, s’informent des avancées, participent ponctuellement. Pour les membres actifs, la tâche n’est pas toujours facile. VDI raconte :
« Quand des gens venaient pour dénoncer, en pleurant, désespérés comme tous, et nous, nous devions essayer de donner des forces aux autres. […] Et plus d’une personne venait et disait, “parce que vous, vous savez où sont vos enfants”. C’était comme si le fait d’être là signifiait qu’on savait. Nous ne savions absolument rien, absolument, comme, comme tous. Comme ceux qui venaient7. »
7Des différences s’installent dès les débuts de l’association entre les militants les plus actifs et ceux qui le sont moins, mais aussi entre ces parents qui s’organisent et fondent l’association et ceux qui viennent dénoncer une disparition mais ne s’engagent pas auprès de l’association8.
8VDI qui n’était pas engagée politiquement estime que sa participation dans l’association était liée à l’absence de peur9. Elle ne réfléchit pas tant aux conséquences sur sa propre vie qu’à ce que peut apporter son action dans la recherche de sa fille. Cependant, l’action est toujours envisagée comme une action collective et les réclamations ont toujours lieu dans ce cadre. Cette caractéristique peut être imputée à l’influence des associations des droits de l’homme dans la création de Familiares, mais il faut ajouter un autre élément pour comprendre l’importance de l’organisation de Familiares : la provenance de certains de ses militants.
9Parmi les fondateurs ou les membres les plus actifs de l’association pendant la dictature, on trouve des personnes qui, comme VDI, n’avaient jamais milité. Une des plus connues est Mabel Gutiérrez (1932-2009). Femme au foyer, tout comme VDI, elle se rapproche de Familiares après la disparition de son fils, Alejandro, le 24 juillet 1978. Elle ne fait donc pas partie des fondateurs, mais y a été rapidement très active. Elle a été membre du secrétariat de direction et a été la présidente de l’association jusqu’à son décès en avril 2009. Mabel Gutiérrez dit qu’elle est allée voir Familiares plutôt qu’une autre association parce que son fils disparu lui avait parlé de cette organisation. Comme dans le cas de VDI, elle ne militait dans aucune organisation auparavant et n’avait pas d’engagement politique. C’est cependant son fils, militant étudiant, qui lui parle de cette association. Contrairement au cas de VDI, au moment de la disparition de son fils, les Mères de la place de Mai existaient, Mabel Gutiérrez aurait pu s’adresser à elles. Elle s’adresse à Familiares, consciente que l’enlèvement de son fils est lié à son activité politique10. Les cas de Mabel Gutiérrez et de VDI permettent de voir que c’est parce que leurs enfants militent et leur parlent de la Liga ou de Familiares qu’elles s’adressent à ces associations.
10Un autre cas d’influence est celui des proches de militants du Parti communiste. C’est le cas de Zulema Riccardi qui s’engage dans Familiares à la disparition de son mari, militant communiste, Juan Cesáreo Arano Basterra, le 20 mai 1977. Si elle ne milite pas elle-même, elle a vécu avec un militant et a partagé son quotidien et certaines de ses expériences politiques. L’importance du contact avec le militantisme du proche peut se révéler significatif, comme par exemple dans le cas de Thelma Jara de Cabezas. Son fils Gustavo Cabezas, militant de l’UES (Unión de Estudiantes de la Secundaria – Union des étudiants du secondaire), puis de Montoneros, a été enlevé le 10 mai 1976. Sa mère a gardé des contacts avec l’organisation armée après la disparition de son fils. Ainsi, en 1979, elle se rend à Rome pour assister à une réunion de l’organisation. Membre fondateur de Familiares, elle en a été la secrétaire jusqu’à son enlèvement le 30 avril 1979. Détenue à L’ESMA, elle a vécu un long calvaire11.
11Enfin, au sein des membres actifs de Familiares se trouvent aussi des personnes qui militaient politiquement avant la disparition de leur proche. Le cas le plus connu est celui de Catalina « Cata » Guagnini (1915-2004). Deux de ses trois fils sont des détenus-disparus : Diego enlevé le 30 mai 1977 et Luis le 21 décembre de la même année. Elle a créé le premier centre d’étudiants de la ville de La Plata pendant ses études. Par la suite, elle a toujours milité au sein des syndicats enseignants. Parallèlement, elle est entrée au Parti communiste, puis au Parti ouvrier, pour lequel elle a été candidate à la vice-présidence de la République aux élections de 198312. Catalina Guagnini est un des membres les plus emblématiques de l’association. Elle était présente à toutes les manifestations et bien qu’elle ne partage pas toujours les choix d’action, notamment lorsqu’il s’agissait de s’adresser à des institutions religieuses, elle collaborait au même titre que les autres13. L’association Familiares se caractérise donc par l’importance du militantisme de certains ou du rapport à des militants politiques et syndicaux d’autres. Il est aussi significatif de voir que tous les membres auxquels nous faisons référence sont issus de la classe moyenne argentine, dont provenait un grand nombre de détenus-disparus. Tous ces éléments apportent des clefs de lecture pour l’organisation et les choix d’action de l’association.
Les modes d’action
12Le 8 mars 1977, l’association publie son premier encart payant dans les quotidiens La Nación et La Opinión. Par la suite en septembre et en octobre 1977, elle publie des pétitions signées par les proches des disparus14. Ces modes d’action sont régulièrement utilisés par l’association pendant et après la dictature. Une partie de son travail est consacrée à l’obtention de fonds pour la publication de ces encarts dans une presse qui collabore ou se tait face au régime en place15. Par ailleurs, elle tente de sensibiliser la population argentine à la situation de ces membres en faisant signer des pétitions qu’elle fait ensuite parvenir aux institutions étatiques. C’est par exemple le cas le 14 octobre 1977 lorsque l’association organise une grande manifestation pour accompagner la remise d’une pétition au CAL. Cette pétition comportant 24 000 signatures est remise par des membres de l’association. Si le mode d’action se calque en partie sur celui des autres associations avec le travail de soutien aux familles et la compilation de dénonciations, il se distingue pourtant très clairement de celui des associations de défense des droits de l’homme, à l’exception du SERPAJ. Pour Familiares, il faut se faire entendre, voir. Conscients des risques, ils prennent la précaution de faire accompagner les membres qui remettent la pétition par un journaliste étranger. Cette manifestation ne sera suivie que de brèves arrestations.
13Cela n’a pas été le cas d’une autre réunion pendant laquelle disparaissent des membres de l’association. Toujours dans le cadre de leur action pour la publication d’encarts, des membres de Familiares, accompagnés de membres des autres associations de défense des droits de l’homme et de victimes, se réunissent à l’église de Santa Cruz à Buenos Aires, avec l’intention de faire publier un encart pour la date anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme le 10 décembre. Le 8 décembre 1977, ils se réunissent pour collecter des fonds. À la sortie de l’église, des groupes d’intervention les attendent. Onze personnes sont enlevées et sont aujourd’hui des détenus-disparus16. Familiares, à l’image des autres associations de défense des droits de l’homme, est perçue comme un danger par le pouvoir militaire. Cependant, on peut supposer que la volonté d’obtenir des informations sur le sort de leurs proches permettait aux familles de surmonter leur peur. La stratégie des associations d’« afectados » est très centrée sur la visibilité de leur action. Familiares envisage rapidement une organisation administrative pour permettre de gagner en efficacité.
L’organisation
14Lorsque nous tentons d’en savoir plus sur les personnes qui occupent les charges institutionnelles de l’association, VDI nous répond :
« VDI : Au début il n’y avait aucun, il n’y avait aucun président, nous étions… en fait aujourd’hui nous sommes tous égaux. Il y a une présidente pour des questions administratives. Nous avons des… statuts [de l’association] et là y figure la présidente pour certaines choses, il faut un président. Mais ici tout le monde a le droit de donner son avis, de s’opposer et d’être en désaccord. La présidente est…
NT : Un titre officiel. Oui, Oui, je vous demandais pour savoir s’il y avait une figure plus…
VDI : Bien sûr, en voyant qu’il y a une présidente, maintenant on voit que, par exemple, les lettres arrivent au nom de la présidente, mais, mais dans la pratique, ici, nous sommes tous pareils. Personne n’est au-dessus d’un autre17. »
15Cette question a mis VDI mal à l’aise. On pourrait imaginer que cela est lié à des différends avec la présidente. Cependant, le fait qu’aucun nom ne figure dans le livret qui a été fait par l’association pour ses trente ans nous amène à penser que cette vision du rôle de chaque membre existe bien depuis le début. En effet, lors des manifestations auxquelles nous avons assisté et notamment à l’une d’entre elles pour célébrer les trente ans de l’association, nous avons constaté qu’aucun nom n’est évoqué plus qu’un autre. S’il est vrai que nous parlons d’un groupe qui ne dépasse pas les vingt personnes, cette caractéristique distingue Familiares des autres associations de victimes pour lesquelles les personnalités connues sont bien moins nombreuses. Contrairement aux autres associations de victimes nées pendant la dictature, aucune figure de Familiares ne s’est mise en avant ou n’a été mise en avant18. Cela renvoie au nom de l’association qui veut regrouper le plus de proches possibles. Ainsi les membres de Familiares comptent des pères, des mères, des frères et sœurs, des enfants, mais aussi des conjoints. Or aucune autre association de proches n’inclut dans sa dénomination la possibilité d’accueillir des personnes qui n’ont pas des liens de sang avec les disparus19.
16Dans le cadre de son organisation, comme certaines associations de défense des droits de l’homme, Familiares reçoit de plus en plus de proches avec l’escalade de la répression entre 1977 et 1979. Les membres décident alors de s’organiser en sous-commissions. Dans notre entretien, VDI confirme que ces sous-commissions se sont rapidement mises en place. L’objectif est d’organiser au mieux l’action de l’association. Les Boletín publiés pendant la dictature rapportent ponctuellement l’action de ces sous-commissions. Dans le numéro 2 des mois d’avril-mai 1979 figurent cinq sous-commissions : « syndicalistes, journalistes, avocats, professionnels et étudiants ». Chaque commission est chargée d’établir des contacts avec les secteurs auxquels appartiennent les disparus20. La répartition du travail s’est donc faite par secteurs professionnels. Le travail de recherche a lieu en fonction des secteurs qui peuvent aider les familles à obtenir des informations. Ainsi, il ne se fait pas en fonction du lien qui lie le disparu au proche qui fait partie de l’association. Cette division, il est vrai, n’aurait pas été cohérente avec la volonté d’englober le plus de personnes présentes dans le nom de l’association. Toutefois, la division ne se fait pas non plus en fonction des organisations auxquelles appartenaient les disparus. Les catégories choisies appartiennent pour la plupart à des secteurs militants, mais elles ne distinguent pas les lignes politiques présentes dans l’action des disparus. Les disparus sont des étudiants, des journalistes, des avocats, des syndicalistes (de toutes les organisations), etc. Les partis politiques sont absents21 ; les organisations qui regroupaient la jeunesse avant le coup d’État aussi. La moyenne d’âge des disparus laisse pourtant supposer que s’ils militaient, c’était avant tout dans ces organisations. Ce choix de Familiares traduit sa volonté de s’impliquer dans une lutte pour les droits de l’homme et de ne pas rentrer dans les débats politiques, de fond et de forme, qui existaient avant le coup d’État.
17Par ailleurs, Familiares s’est tout de suite créée dans une optique large géographiquement. Des commissions ont été fondées dans plusieurs grandes villes du pays. Le 14 avril 1979 a lieu la première réunion des commissions de Familiares de tout le pays22. Dans le Boletín de ce même mois figurent les commissions de toutes les provinces23. Les mots d’ordre sont établis conjointement lors des réunions, mais par la suite chaque commission a sa propre dynamique de fonctionnement et agit en fonction des caractéristiques de la répression au niveau local. Dans certains endroits, Familiares a été la seule association de proches de détenus disparus à exister pendant la dictature. Son action était alors d’autant plus importante.
Mots d’ordre et réclamations
18Dans une pétition publiée dans le second Boletín de Familiares, l’association indique ses réclamations :
« – Que les “détenus-disparus” apparaissent en vie.
– Que tous les détenus pour raisons politiques et syndicales, sans procédure judiciaire en cours ou procès soient libérés.
– Que ceux qui ont une procédure judiciaire en cours et/ou un procès en cours soient jugés en accord avec le respect de la Constitution nationale, sans restrictions, ni règlements qui la dénaturalisent.
– La fin des actions qui se poursuivent et qui sont la cause de cette pétition24. »
19L’association évoque ici exclusivement les questions liées à la répression dictatoriale. Les réclamations se centrent sur les détenus-disparus et les prisonniers politiques et syndicaux. Comme dans le cas des commissions, le caractère politique de l’emprisonnement n’est pas nié, mais mis en avant. Le respect des droits de l’homme n’est pas évoqué ici.
20Dans un encart publié par l’association dans le quotidien Clarín en décembre 1980 et reproduit dans le Boletín de février 1981, l’association évoque le respect des droits de l’homme. Dans la mesure où l’encart est publié pour la commémoration de la déclaration des droits de l’homme, cela semble plus évident. Cependant, toutes les réclamations sont liées au problème de la répression dictatoriale :
« LIBERTÉ pour tous les détenus à disposition du PEN (sans cause judiciaire en cours et/ou procès ; dont la procédure judiciaire a été classée ; qui ont été absous ; qui ont purgé leur peine).
[Proposer une] OPTION pour ceux qui sollicitent :
RESPECT DE LA LIBERTÉ CONDITIONNELLE
ANNULATION des procédures judiciaires en cours et des condamnations prononcées par des tribunaux militaires DROIT DE RÉVISION des condamnations prononcées par les tribunaux ordinaires, puisque ces derniers ne garantissaient pas une défense dans les procès au cours desquels elles ont été prononcées.
DÉROGATION des détentions politiques et syndicales appliquées par les actes institutionnels25. »
21Familiares insiste dans ses réclamations sur l’importance du respect de la justice, notamment en énumérant les recours possibles pour les prisonniers si leurs droits sont respectés. L’association n’évoque pas directement les conditions de détention, mais elle accorde une large place aux prisonniers dans les pages de son Boletín, qui peuvent ainsi les décrire eux-mêmes et faire part de leurs souffrances physiques et psychologiques26.
22Familiares est née à cause de la répression dictatoriale et a toujours agi dans l’urgence pendant la dictature. Contrairement aux associations de défense des droits de l’homme qui ont été créées dans une optique plus large, le champ d’action de Familiares a d’abord été très ciblé. Ses publications pendant la dictature, ainsi que ses encarts ou ses pétitions reflètent ce travail. Cependant, l’association n’attend pas la fin de la dictature pour élargir ses réclamations. À nouveau, pour le 10 décembre, elle publie dans son Boletín de novembre 1982 :
« – Apparition en vie des détenus-disparus qui dans des prisons illégales et secrètes sont en train de supporter des années de souffrance inhumaine.
– Liberté pour tous les prisonniers politiques et syndicaux.
– Restitution immédiate des enfants disparus à leurs familles légitimes.
– Procès aux responsables des disparitions, tortures et assassinats.
– Démantèlement de l’appareil répressif qui intimide et enlève en toute impunité.
– Retour immédiat des exilés.
– Arrêt immédiat de la situation de faim et de chômage qui étouffe le peuple argentin27. »
23Les nouvelles réclamations se réfèrent pour la plupart au sentiment qui prévaut dans la société que la dictature est en train de se finir. L’association ajoute néanmoins une réclamation différente : « L’arrêt immédiat de la situation de faim et de chômage qui étouffe le peuple argentin. » Bien qu’elle puisse être perçue comme une revendication liée à la gestion politique militaire, elle renvoie plus largement à une dénonciation encore peu présente à cette époque. Cette nouvelle revendication n’implique pas d’évolution dans l’action en 1982 – ce ne sera pas le cas avant les années 1990 – mais sa présence rappelle les discours sur le « génocide économique » des déclarations des associations de défense des droits de l’homme. Les membres de Familiares ne commencent à militer pour la défense des droits de l’homme que suite à la disparition d’un proche, on constate pourtant qu’ils commencent à élargir leur discours sous l’influence d’autres acteurs. Si la revendication d’« Apparition en vie » est issue des Mères de la place de Mai, comme nous allons le voir, l’évocation des questions économiques et sociales provient du travail de l’association avec la Liga ou le MEDH, notamment.
L’aide aux prisonniers politiques
24L’aide aux prisonniers politiques pendant la dictature a été au centre d’une grande partie des efforts des membres de Familiares28. Pour Emilio F. Mignone, cette action « a été un moteur actif de prise de conscience de la population face au problème de la répression illégale29 ». Si la disparition forcée de personnes a été massive en Argentine et a été l’outil privilégié de la répression, l’emprisonnement d’opposants politiques a lui aussi été largement utilisé. Les membres de Familiares, pour justifier leur action envers ces prisonniers, signalent que les conditions de détention des détenus-disparus et celles des prisonniers étaient les mêmes30. Leurs droits les plus fondamentaux étaient bafoués : torture, conditions d’hygiène et sanitaires très difficiles, non-respect des durées des peines, incarcération sans procès, etc. Par ailleurs, les prisonniers étaient détenus loin de leur lieu d’habitation ou de leur famille. Comme le précise VPR dans un entretien, originaire de Córdoba et emprisonné à Rawson31, il était difficile pour les familles de rendre visite aux détenus. Le travail de Familiares s’oriente dans deux directions.
25Dans un premier temps, l’action se centre sur le détenu. Il s’agissait de dénoncer les conditions d’emprisonnement et l’inconstitutionnalité des tribunaux militaires qui jugeaient les prisonniers, lorsqu’il y avait une procédure, de manière expéditive32. Le travail direct avec et pour les prisonniers se fait donc non seulement pour le respect de leurs droits avant leur détention, mais aussi pendant avec l’amélioration des conditions de détention et enfin après pour que la détention ne se prolonge pas en dehors des murs de la prison. Ces réclamations ont fait l’objet de campagnes dans les médias nationaux et surtout étrangers et auprès des secteurs d’appartenance des prisonniers à travers les sous-commissions. Le numéro d’octobre 1981 du Boletín est ainsi entièrement consacré aux conditions de détention des prisonniers politiques. Plusieurs détenus écrivent des poèmes ou des récits sur leur détention. Ils proviennent de différentes prisons33. Les abus auxquels sont soumises les prisonnières politiques font l’objet de dénonciations particulières. Jorge Taiana, homme politique argentin et prisonnier entre 1975 et 1982, reconnaît que les membres de Familiares, à l’instar du MEDH et du CELS, n’ont pas fait de différence entre les prisonniers politiques. Quels qu’aient été leur appartenance politique et le mode d’action qu’ils avaient choisis, l’association les a aidés34.
26Dans un second temps, l’action se focalise sur les familles des détenus. La distance à laquelle nous avons fait référence empêche les familles de rendre visite aux prisonniers. Familiares, avec le MEDH et la Liga, les aident. Elles contribuent aux frais de déplacement et s’occupent du logement. Les familles sont ainsi souvent logées par des membres de Familiares. Si cela n’est pas le cas, elles sont placées dans des auberges ou des pensions de famille. Dans le livret publié à l’occasion de son trentième anniversaire, l’association signale que les voyages des familles étaient aussi l’occasion d’élargir la portée de son travail et faire circuler ses modes d’action en dehors de la province de Buenos Aires35.
La FEDEFAM
27La Federación Latinoamericana de Asociaciones de Familiares de Detenidos-Desaparecidos (FEDEFAM) est née en 1981 au Costa Rica. Elle rassemble plusieurs organisations latino-américaines de proches de détenus-disparus. Dans les premières années d’existence du regroupement, les pays représentés sont l’Argentine, le Chili, l’Uruguay, le Guatemala, le Salvador, le Mexique, la Bolivie, le Brésil, le Paraguay et la Colombie36. Par la suite, les organisations de ces pays sont rejointes par celles d’autres pays latino-américains. Les différentes organisations tentent de se réunir le plus régulièrement possible dans le cadre de congrès qui se déroulent à chaque fois dans un pays différent. Le siège de l’association se trouve actuellement à Caracas, au Venezuela37. Lors du Congrès de Lima en novembre 1982, la FEDEFAM élabore sa première résolution38. Le travail de la FEDEFAM sort des frontières nationales et cherche à faire reconnaître la disparition forcée de personnes comme un crime contre l’humanité. Comme nous avons pu le voir dans le premier chapitre, ce n’est qu’en 2006 que la convention est votée. L’action de la FEDEFAM a porté ses fruits. Toutefois, le parcours a été long et pour arriver au bout, le collectif n’a cessé de faire parvenir des témoignages et des documents officiels démontrant le caractère de crime contre l’humanité de la disparition forcée de personnes. Avant cela, la FEDEFAM a été reconnue comme organisation non gouvernementale par les Nations unies, mais le crime qu’elle dénonce a tardé à l’être.
28Enfin, la FEDEFAM est aussi un réseau qui a permis à certaines associations de proches de se maintenir39. Le travail de solidarité qui pouvait exister dans chaque pays entre associations de défense des droits de l’homme et/ou de proches est reproduit à une échelle régionale.
29Dans son ouvrage, Entre el parentesco y la política, Judith Filc revient sur ce que représente pour les membres d’une association comme Familiares l’action au sein du groupe :
« Pour ceux qui font partie du groupe organisateur, Familiares est devenue une famille. “Encore aujourd’hui, cela fait seize ans que mon mari a disparu et pourtant je suis toujours ici en famille” […] dit Graciela40. »
30La solidarité entre proches permet non seulement de tenter d’obtenir des informations sur la disparition, de dénoncer la répression dictatoriale, mais aussi et surtout de se retrouver face à des personnes qui ont un vécu commun. Si dans le cas de Familiares, cet aspect n’est pas prépondérant, dans d’autres cas, il est fondamental dans la création de l’association.
Les Mères de la place de Mai
31Le 30 avril 1977 a lieu la première réunion d’un groupe de quatorze mères de personnes enlevées par les forces armées et de sécurité : Azucena Villaflor de De Vicenti, Pepa Noia, Haydée Castelú, María Adela Gard de Antokoletz et ses trois sœurs Cándida Felicia, María Mercedes et Julia Gard, Mirta Acuña de Baravalle, Beatriz Aicardi de Neuhaus, Delicia González, Elida Caimi, Raquel Radio de Marrizcurrena et Raquel Arcuschin. Il y a aussi une jeune fille, membre du Parti communiste, dont un parent a été enlevé41. Elles se sont rencontrées dans les commissariats de police, les églises, les locaux de certains ministères, ou ceux des quelques associations de défense de droits de l’homme qui existent en Argentine. C’est en attendant d’être reçue et en voyant qu’aucune des mères n’obtient d’informations qu’Azucena Villaflor de De Vicenti propose à d’autres proches de se retrouver sur la place de Mai42.
Les jeudis sur la place de Mai
32Après la première réunion du 30 avril 1977, elles décident de se retrouver la semaine suivante pour rédiger une lettre qu’elles veulent faire parvenir au président Jorge Rafael Videla. On peut estimer que cette première action reproduisait celle des associations de défense des droits de l’homme, cependant les Mères signalent aussi qu’elles ne pensaient pas que le problème provenait directement des plus hautes instances étatiques.
33L’anecdote liée au choix du jour que nous raconte CRM, Mère de la place de Mai, donne un exemple de la part de spontanéité des premières années dans leur activité :
« CRM : Le matin. [Marie Ponce] me dit : “J’y vais et ensuite je viens te dire ce que nous avons décidé.” Elle est alors venue vers une heure de l’après-midi pour me dire qu’elles s’étaient retrouvées, mais qu’elles n’étaient que très peu, qu’il n’y avait personne sur la place et que ça ne servait à rien d’y aller le samedi, qu’il fallait y aller un jour d’activité. Alors elles ont décidé d’y aller un vendredi. Alors, elle m’a dit de préparer le brouillon d’une lettre, que vendredi nous allons voir le brouillon, le signer et ensuite amener la lettre. […] Nous nous retrouvions dans des églises pour signer. Mais une mère a alors dit : “Le vendredi, non, le vendredi c’est le jour des sorcières, retrouvons-nous le jeudi.” Le jeudi suivant, j’y suis allée avec la lettre, elle était signée, nous sommes allées au siège du gouvernement pour la donner. Et là, nous avons décidé de revenir la semaine suivante, et nous sommes revenues le jeudi suivant, et l’autre et l’autre43… »
34Pour SA, une autre Mère :
« Il n’y avait personne, un samedi, imagine. Donc elles se sont donné rendez-vous pour le vendredi suivant. Rien ne laissait penser que tout ça était une chose aussi terrible, tout amenait à penser que les enfants allaient revenir. Elles ont donc pris rendez-vous pour le vendredi. Et une mère, “non, il faut faire les courses, le ménage”. Elles se sont donc retrouvées le jeudi, et c’est ce jeudi-là que je suis arrivée44. »
35Dès leur première rencontre, ces femmes comprennent l’importance d’interpeller les gens dans la rue. Elles partent du principe qu’ils ne se doutent de rien. C’est ainsi que naît le rendez-vous hebdomadaire de ces mères de disparus, le jeudi à 15 h 30. Il s’agit pour elles de s’entraider et d’alerter les gens sur ce qui se passe. Si au début, les Mères se réunissent sans bouger sur la place, c’est à l’instance d’un membre des forces armées qu’elles commencent à marcher. En plein état de siège, le droit de réunion était interdit et l’officier leur demande de « circuler », elles commencent alors à marcher par deux tout d’abord devant le siège du gouvernement, puis autour de la pyramide qui se trouve au centre de la place de Mai et à faire une sorte de ronde. Les Mères veulent être de plus en plus visibles. Elles prennent néanmoins leurs précautions lorsqu’il s’agit de se réunir par ailleurs. Elles se retrouvent dans des salons de thé ou organisent un pique-nique. Le choix des lieux et des types de manifestation évoquent leur quotidien, leurs lieux de rencontre habituels afin de ne pas éveiller les soupçons des forces armées et de sécurité. Ces réunions traduisent une volonté d’organisation, de structure. SA raconte :
« Bien, c’était un peu, nous étions plutôt mal, nous ne coordonnions pas bien les actions qu’il faillait faire, jusqu’à ce qu’Azucena décide que seules nous ne pouvions rien faire, que nous devions nous organiser45. »
36Cette initiative viendrait d’une mère en particulier, Azucena Villaflor de De Vicenti, celle qui avait déjà encouragé les autres à se réunir sur la place de Mai. Toutes ces précautions montrent qu’elles ont conscience du danger. Mais elles ne connaissent pas encore l’étendue du répertoire des militaires pour les attaquer. En décembre 1977, les Mères comprennent qu’elles sont une cible directe du pouvoir militaire. Le 8 décembre 1977, alors qu’elles tentent de faire publier un encart dans un journal argentin46, des Mères sont enlevées. L’enlèvement se produit à la sortie de l’église Santa Cruz de Buenos Aires. Mary Ponce de Bianco et Esther Ballestrino de Careaga, avec des membres de Familiares et des Grands-Mères de la place de Mai, font une collecte d’argent pour payer cette publication. En sortant de l’église, elles sont enlevées avec neuf autres personnes. Deux jours plus tard, le 10 décembre 1977, en pleine rue, alors qu’elle va acheter le journal où a été publié l’encart, Azucena Villaflor de De Vicenti est enlevée. Toute cette opération est réalisée grâce au travail d’un agent de la Marine infiltré au sein des Mères de la place de Mai : Alfredo Astiz47.
Les modes d’action
37Ces enlèvements marquent le début d’une action de plus en plus structurée. Les Mères n’ignoraient pas qu’elles étaient suivies, mais elles n’imaginaient pas que les militaires iraient jusqu’à les enlever48. Elles poursuivent cependant leur travail aux côtés des autres associations. Ainsi, elles encouragent tous les proches de disparus qui les contactent à s’adresser aux associations de défense des droits de l’homme pour déclarer la disparition et ensuite engager les démarches légales possibles. De leur côté, elles multiplient les actions pour interpeller les institutions argentines et surtout étrangères.
38En Argentine, elles se divisent le travail. Certaines Mères vont au ministère de l’Intérieur, d’autres au département de Police, d’autres se chargent de trouver d’autres mères qui voudraient se joindre à elle49. À l’instar des membres de Familiares, les Mères doivent faire face à la douleur des autres parents de disparus. Mais l’action des Mères s’oriente aussi dans le cadre d’une volonté de rendre visibles leur situation, leur drame et l’action des militaires dans la société argentine.
39Parmi les institutions auxquelles les Mères se sont le plus adressées se trouvent les instances religieuses. En septembre 1977, lors d’une procession au sanctuaire de Luján, les Mères portent pour la première fois un foulard50. SA raconte :
« Bien, nous allions faire la marche à Luján et nous avons alors dit : “Comment va-t-on faire pour se reconnaître.” Quelqu’un a dit, pas Azucena, elle non plus n’a pas été à la marche de Luján, et quelqu’un a dit : “Nous pouvons nous mettre un lange d’enfant.” Bien, “mais moi je n’en ai pas, j’ai…” J’étais la seule à en avoir un. Il ne m’en restait qu’un… et… certaines sont allées en train, elles sont descendues à un moment donné, nous avec CRM, nous sommes allées à pied, 66 kilomètres et quand nous marchions, [des gens] venaient nous demander à quelle congrégation nous appartenions. Et nous, nous avions une croix en bois très grande, je ne sais plus qui l’a faite, un clou et d’autres ont acheté un bout de tissu, d’autres encore ont acheté un châle… Moi, j’ai mis le lange51… »
40Ce moyen d’identification devient rapidement le signe distinctif des Mères. Une Mère de la place de Mai se distingue d’une autre mère parce qu’elle porte un foulard52. Plus tard, le foulard évolue : il est blanc, le nom de l’enfant disparu et la date de sa disparition sont brodés. Pour elles, il s’agit de montrer que les disparus sont des individus. La date de leur disparition devient la date de la seconde étape de leur vie, celle qu’eux seuls et ceux qui les ont fait disparaître connaissent. Le foulard et le nom tendent à montrer que la question du disparu ne s’arrête pas au retour de la démocratie. Comme le signale l’anthropologue Ludmila da Silva Catela, ce foulard blanc s’oppose aux habits noirs du deuil. Il s’agit d’un refus de « l’idée de la mort qui définit la catégorie de disparu53 ». Face aux déclarations des militaires et d’autres acteurs de la société affirmant la mort des disparus, les Mères s’opposent au pouvoir en place en refusant de faire leur deuil.
41Ce foulard accompagné des marches du jeudi contribue à l’insertion des Mères dans l’espace public argentin. C’est cependant à l’étranger que ces deux outils de l’action des Mères ont le plus de répercussions. Face à une presse argentine silencieuse ou qui collabore directement avec le régime, les Mères s’adressent aux journalistes étrangers en poste à Buenos Aires pour qu’ils se fassent l’écho de leurs revendications. Jean-Pierre Bousquet raconte que les proches de disparus sont nombreux à s’adresser à lui pour obtenir des informations. Il précise qu’il les a toujours prévenus des risques que comportaient pour eux et leurs proches la publication de leur dénonciation54. Il indique que c’est aussi pour les aider dans leur lutte, après qu’il a quitté l’Argentine et alors que le travail des Mères est de plus en plus connu sur place et à l’étranger, qu’il écrit et publie le premier livre sur l’association. Les répercussions de leur action à l’étranger apportent aussi aux Mères des aides importantes. Des groupes de solidarité se créent, notamment aux Pays-Bas d’où un groupe de femmes envoie des fonds qui permettent aux Mères d’acquérir le premier siège de leur association55. Le financement de l’association provient à l’instar des autres associations, de la participation des membres56 et des aides extérieures. Tout cela leur permet de s’organiser en Argentine, d’aider les familles qui en ont le plus besoin, mais aussi de financer leurs voyages à l’étranger. Plus l’action des Mères est visible, plus elles sont amenées à voyager. Elles se sont surtout rendues en Europe et aux États-Unis, mais aussi dans d’autres pays d’Amérique latine. Des Mères ont accompagné Adolfo Pérez Esquivel à la cérémonie de remise du prix Nobel en 1980.
42Pour finir d’évoquer les modes d’action des Mères pendant la dictature, il convient de mentionner la marche de la Résistance (Marcha de la Resistencia). La première a lieu entre le 10 et le 11 décembre 1981. Il s’agit d’une marche de vingt-quatre heures autour de la pyramide sur la place de Mai. Comme le raconte une des Mères, Matilde Mellibowsky57, les Mères cherchent à interpeler la population argentine par le biais d’une action visible. En plus de l’effort physique que représentent vingt-quatre heures de marche, l’action est une provocation de plus pour le pouvoir militaire. Cette fois, la marche ne se fait pas pendant une demi-heure une fois par semaine, mais elle ne s’arrête pas et a lieu le jour de la commémoration de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Matilde Mellibovsky raconte que la place était entourée de policiers qui les surveillaient, mais qu’elles ont bénéficié du soutien des associations de défense des droits de l’homme et des autres associations d’« afectados ». On peut d’ailleurs signaler que de nombreuses mères, et d’autres membres, de Familiares allaient régulièrement à la ronde du jeudi58. Cette action devait être unique et les Mères espéraient obtenir des réponses sur la localisation de leurs enfants. Cependant, l’attitude des forces armées n’évoluant pas en leur sens, l’année suivante, elles organisent la seconde marche de la Résistance le 10 décembre 198259. Cette action se reproduit chaque année depuis.
L’organisation et les membres
43Le 22 août 1979, l’association las Madres de Plaza de Mayo (Mères de la place de Mai ; les Mères) est créée formellement60. Après deux années de lutte, suivant le conseil d’Emilio F. Mignone dont la femme est une Mère de la place de Mai, elles décident de se constituer comme association61. Laura Conte, femme d’Augusto Conte Mc Donnell, autre fondateur du CELS, est aussi membre des Mères. Ces rapprochements ont permis aux Mères de bénéficier de l’aide d’experts dans leur constitution formelle comme association et lorsque les actions demandaient un travail plus élaboré. Car comme le signale PVE, les trois Mères enlevées étaient parmi les plus engagées62.
44Azucena Villaflor de De Vicenti est mère au foyer. Elle est mère de quatre enfants, lorsque son fils Néstor, militant de la Jeunesse péroniste, est enlevé le 30 novembre 1976. Femme d’un ouvrier d’une entreprise de télécommunication, elle a exercé le métier de réceptionniste dans cette même entreprise pendant dix ans. Elle a ensuite tenté d’ouvrir une épicerie avec son mari, mais cela n’a pas marché. Elle n’avait aucune implication syndicale ou politique au moment de la disparition de son fils. Cependant, le fait qu’elle ait été le fer de lance de l’action de ces mères, a fait circuler l’idée qu’elle était une militante syndicaliste63.
45María Ponce de Bianco était elle aussi mère au foyer. Elle a arrêté ses études au niveau de l’école primaire, tout comme Azucena Villaflor de De Vicenti. Mère de trois enfants, sa fille, Alicia, militante de l’ERP, est enlevée le 30 avril 1976. Son fils Luis Bianco raconte que cet enlèvement serait dû à l’aide que sa mère et sa sœur auraient apportée à un autre militant de l’ERP blessé par balles. Après l’avoir soigné, les deux femmes ramènent le blessé chez lui. La mère de ce dernier appelle rapidement la police et raconte tous les faits, notamment l’aide apportée par María Ponce de Bianco et Alicia Bianco. Le lendemain, Alicia est enlevée. Cette anecdote permet de savoir que María Ponce, si elle n’était pas militante, savait que sa fille militait et surtout collaborait ponctuellement à son action. Cette situation ne se retrouvait pas chez toutes les Mères. Ainsi, dans le cas de SA, si elle commence son entretien en nous signalant que sa fille militait dans l’ERP, elle nous a précisé à plusieurs reprises qu’au moment de sa disparition elle l’ignorait64. Elle savait néanmoins que sa fille était très engagée politiquement65.
46Le cas d’Esther Ballestrino de Careaga est différent dans la mesure où elle était titulaire d’un doctorat en biochimie et pharmacie. Née en Uruguay, elle a grandi et fait ses études au Paraguay. Pendant sa formation universitaire, elle intègre le mouvement febrerista et y milite encore lorsqu’elle part en exil en 1947 à Buenos Aires. Elle se marie et a trois filles. Elle poursuit sa carrière de biochimiste et son engagement dans l’exil avec l’arrivée du coup d’État du général Stroessner au Paraguay. Militante active, elle établit des contacts avec les membres de la Révolution cubaine et des Uruguayens exilés après le coup d’État de juin 1973. Sa maison était connue comme un lieu de réunion de la diaspora paraguayenne. Elle rejoint tout d’abord les Mères à cause de la disparition de son beau-fils, Manuel Carlos Cuevas, le 13 septembre 1976. Le 13 juin 1977, sa fille Ana María Careaga est enlevée. Âgée de 16 ans et enceinte, elle est libérée quatre mois plus tard. Sa mère s’occupe alors de l’envoyer, elle, sa sœur et son petit-fils, en exil, via l’Uruguay, puis le Brésil vers la Suède. Elle ne part pas avec eux et décide de revenir en Argentine pour poursuivre son action auprès des Mères. Des trois Mères disparues en décembre 1977, elle était la plus engagée politiquement.
47D’après nos lectures et notre travail de terrain, peu de Mères ont le même profil qu’Esther Ballestrino de Careaga. Une remarque de VDI lors de notre entretien amène aussi à penser que certaines Mères n’ont pas voulu trop s’approcher des instances politiques, tout du moins dans un premier temps :
« VDI : Nous, oui, oui, [nous allions sur la Place de Mai]. Je suis allée à la Place à cette époque… eh… nous faisions partie aussi [de tout cela], même si les Mères étaient situées ailleurs, et bien que certaines Mères ne veuillent pas venir à Familiares parce que la Liga appartenait au Parti Communiste. Apparemment, c’était contagieux66 ! »
48Elle raconte par la suite que la collaboration entre les deux organisations a été très importante. Mais cette remarque introduit un élément important dans la fondation des Mères : les problèmes que pose la défense du militantisme des enfants.
49Tous les membres de l’association ne sont pas mères au foyer, puisque CRM nous a signalé qu’elle travaillait à l’époque. Qu’elles aient travaillé ou non, les Mères étaient pour la plupart issues de la classe moyenne. Leurs enfants sont souvent des étudiants au moment de l’enlèvement. Cependant, le fait de ne pas travailler a permis aux mères au foyer de s’engager plus pleinement. Ainsi la première et seule présidente des Mères, Hebe de Bonafini, est une mère au foyer de la ville de La Plata. Dans un ouvrage, elle raconte comment ses fils, actuellement disparus, l’ont sensibilisée aux questions politiques argentines et internationales. Elle ne militait pas non plus au moment de son intégration aux Mères après la disparition de ses deux fils, Jorge Omar le 8 février 1977 et Raúl Alfredo, le 6 décembre de la même année67. Hebe de Bonafini n’a pas été choisie comme présidente pour son expérience militante, mais pour son charisme et son franc-parler notoire68. Elle devient rapidement la personnalité la plus visible de l’association69. Par la suite d’autres Mères vont se faire connaître. Il est d’ailleurs important de souligner que toutes les autorités de l’association sont des Mères, que ce soit la secrétaire ou la trésorière. Toutes les activités sont coordonnées et dirigées par les Mères. Cette situation est avant tout due à l’expérience avec Alfredo Astiz en décembre 1977 qui a coûté cher à l’association. La confiance n’existe qu’entre elles.
« Aparición con vida »
50La consigne « Apparition en vie » est la plus emblématique des consignes des collectifs qui ont lutté pendant la dictature pour l’obtention d’informations et la libération des détenus-disparus et qui luttent pour les questions liées au passé dictatorial depuis 1983. Elle s’affirme à partir de l’année 1980 pour s’opposer aux déclarations qui tendent à dire que tous les disparus sont morts. Avec cette consigne, les Mères, et très rapidement Familiares et les Grands-Mères, précisent que cette réponse ne leur suffit pas. Si au début de la dictature, la consigne peut être prise au pied de la lettre, avec le temps son mandat s’étend. Plus les années passent, plus des Mères sont convaincues qu’elles ne reverront pas leurs enfants70. Pour celles qui se sont fait une raison, le fait de dire « Apparition en vie » est une façon de montrer que la lutte se poursuit, que ce type de déclarations sur la mort des disparus ne suffit pas pour répondre à leurs réclamations. Ainsi, en décembre 1982, alors que la dictature est sur le déclin, lors de la marche de la Résistance, elles ajoutent comme consigne :
« – Les disparus, qu’ils disent où ils se trouvent.
– Ils les ont enlevés vivants, nous les voulons vivants.
– Les enfants enlevés, qu’ils soient restitués.
– Annulation des conseils de guerre.
– Liberté aux prisonniers politiques71. »
51Elles insistent sur le retour des détenus-disparus en vie, signifiant leur volonté de poursuivre la lutte. Il en est de même pendant la marche de la Résistance de 1983 qu’elles avancent au mois de septembre à cause des élections d’octobre. Pendant cette marche, elles reprennent « Apparition en vie » pour montrer que le prochain président élu devra se charger de la question des détenus-disparus. Cette question ne finit pas avec la fin de la dictature.
52Cette position des Mères montre leur volonté de ne faire aucune concession. Aux côtés des autres associations d’« afectados » et du SERPAJ, elles s’opposent à une volonté plus conciliatrice des associations de défense des droits de l’homme72. En l’absence de partis politiques actifs dans la lutte pour les droits de l’homme, mais aussi après la perte de soutien de ces derniers accumulée pendant les années précédant le coup d’État, le mouvement des droits de l’homme constitué par les associations de défense des droits de l’homme et celles d’« afectados » s’érige en nouvel acteur politique en Argentine. Les consignes de la seconde marche pour la Résistance permettent de voir que les Mères, comme Familiares à la même époque, élargissent leur champ discursif. On peut d’ailleurs estimer que la forte collaboration des autres associations à cette manifestation a influencé les réclamations des Mères, puisqu’elles parlent, par exemple, des prisonniers politiques. Les consignes circulent d’une association à une autre, tout comme des membres d’une association participent aux actions d’une autre. Si cela est déjà vrai dans le cas des associations de défense des droits de l’homme, et on a pu le voir pour la création de Familiares, l’entrée en jeu des Mères et de leurs actions va introduire une singularité dans la sphère publique argentine. Comme le signale le politologue Hugo Quiroga, ces collectifs intègrent définitivement les questions liées à la défense des droits de l’homme dans l’espace politique argentin. Plus largement, il signale, en citant Héctor Ricardo Leis, que c’est au sein du cadre privé que l’action politique a pu à nouveau émerger en Argentine pendant le régime dictatorial73.
Des mères avant tout
53Lorsqu’on parle de Mères, il est difficile de ne pas penser au fait que l’association se caractérise non seulement par les liens de sang qui rapprochent ses membres des disparus, mais aussi par leur genre. Si sa création officielle est due à la participation d’hommes, plus précisément de professionnels, les membres en sont des femmes. Malgré la disparition de trois Mères, l’importance du rôle de la famille dans les discours des militaires leur a permis de se sentir moins menacées par la répression dictatoriale. Les hommes sont plus susceptibles d’être arrêtés ou de disparaître. Elles constituent donc le plus gros des effectifs des manifestations hebdomadaires devant le siège du gouvernement. Elles signent les encarts, les publications à l’étranger et voyagent pour dénoncer la répression en Argentine. Cependant, la question du genre n’est pas directement mise en avant par les Mères. Elles n’évoquent pas tant leur statut de « femme » que celui de mère. Pendant la dictature, elles parlent d’elles en tant que Mères ou de l’importance du cadre familial. Dans un document d’avril 1979, dont nous ignorons l’étendue de la diffusion, intitulé « Incidencia del Terrible Problema de los detenidos-desaparecidos en la Familia », elles écrivent :
« Il est curieux que ce gouvernement, dont la propagande donne une place importante au noyau familial soit celui qui se soit le plus acharné sur lui74. »
54L’objectif de leurs discours est avant tout de s’opposer à ceux de la dictature. Dans les Boletín qu’elles éditent avant le premier numéro formel en janvier 1980, elles mettent des articles publiés à l’étranger, qui portent sur les disparus, et des poèmes. Ces poèmes sont ceux de mères s’adressant à leur enfant disparu. Leur rôle de femme dans la société argentine, quel qu’il soit, n’est pas évoqué75.
55Plus tard, dans le premier numéro de leur journal, en décembre 1984, parlant de leur première marche de la Résistance, elles écrivent :
« 150 femmes, ce 10 décembre 1981, se sont disposées à affronter la dictature, armées uniquement du courage que leur a inspiré la recherche de leurs enfants disparus et de l’infinie patience que donne la lutte pour la justice76. »
56Si dans cette citation elles spécifient que ce sont des femmes, c’est avant tout le « courage » et « la lutte pour la justice » qui leur permettent d’avancer. La figure de la « femme au foyer » qui est souvent évoquée dans l’analyse du mouvement des Mères de la place de Mai apparaît surtout par la suite. Cela ne signifie pas que les Mères n’ont pas eu recours à cet argument, peut-être lorsqu’elles voulaient signifier aux instances officielles que leur enfant était innocent, mais cette figure n’apparaît pas dans leur publication. Ce n’est que plus tard, qu’elles parlent d’elles en ces termes, notamment lorsqu’elles sont l’objet d’interviews pour des supports divers. Lorsqu’elle évoque leur naissance, Nora de Cortiñas dit :
« Je dirais que nous sommes devenues des femmes publiques. Mon cas en est un exemple : de femme au foyer, j’ai grandi et je me suis instruite jusqu’à obtenir un diplôme de psychologue social77. »
57D’autres Mères utilisent régulièrement cet argument. Par la suite, Nora de Cortiñas ajoute :
« Notre cause n’est plus seulement pour la recherche de nos proches, mais aussi pour la conquête de la libération des femmes, le respect de la libre détermination du corps, celui des minorités de par leur orientation sexuelle, ethnique, religieuse ou culturelle78. »
58La lutte pour les droits des femmes est comprise dans un ensemble de réclamations que les Mères développent après la dictature. Elle ne se distingue pas des autres. C’est avant tout le statut de mère, et non celui de femme au foyer ou de femme, qui fait d’elles les personnes les plus à même de reprendre l’action de leurs enfants. Dans un éditorial célébrant les neuf années d’existence des Mères, certaines écrivent dans leur journal :
« Nous, en tant que Mères, simplement en tant que Mères, nous avons évolué jusqu’à comprendre que sociabiliser nos enfants, les défendre, lutter pour leur liberté, en fin de compte, défendre la vie, était un merveilleux exercice politique pour lequel nous n’avons aucun regret, et que nous ne regretterons jamais79. »
59La figure de la « femme au foyer » a surtout pour but d’alimenter l’idée que les femmes qui se sont réunies sur la place de Mai en avril 1977 pour la première fois n’avaient aucun engagement politique. Un père, un homme, travaillait, était le soutien de la famille, il pouvait donc être confronté à des cercles politisés, tels que les syndicats ou les partis politiques. Une femme à la maison était loin de toutes ces considérations. Néanmoins, le fait est qu’après la dictature, la figure des pères de disparus est restée un élément secondaire. Les fondateurs du CELS, Emilio F. Mignone et Augusto Conte Mc Donell, par exemple, étaient avant tout des professionnels. Et même lorsqu’Augusto Conte est devenu député et qu’il a tenté d’agir à de multiples reprises sur les questions liées au passé dictatorial pendant la transition, c’était principalement en tant que membre du CELS80. Emilio F. Mignone était certes présent en tant que père de disparue dans l’émission télévisée Nunca Más, mais à ses côtés, il y avait deux mères, une grand-mère, une sœur81. Pour expliquer l’absence des pères, les Mères que nous avons rencontrées, nous ont signalé que la disparition d’un enfant, la lutte et les multiples requêtes qui ont suivi ont été plus difficiles à supporter pour les hommes. Le suicide d’Augusto Conte est un des cas les plus emblématiques.
60Dans son ouvrage sur les proches de disparus dans la ville de La Plata, Ludmila Da Silva Catela indique que le déséquilibre entre hommes et femmes dans la génération des parents est très clairs. Toutefois, elle précise que cela change avec la génération des enfants et qu’il y a un certain équilibre dans l’action militante82. C’est aussi ce que nous avons pu observer lors de notre travail de terrain. La question du genre ne se pose donc pas pour l’ensemble des associations de victimes, mais pour les associations de la première génération et plus particulièrement les Mères. Parallèlement, le disparu est avant tout un enfant, le fils ou la fille d’une de ces mères. C’est au nom du lien filial que les Mères luttent. Certaines disent même avoir été « mises au monde pour la lutte » par leurs enfants disparus83. Les Mères insistent surtout sur ce qu’elles appellent « la socialisation de la mère ». Le rôle de la mère est sorti de la sphère privée pour devenir public.
61L’importance de ce rôle dans la mobilisation pendant la dictature se perçoit dans la vision qu’elles ont d’elles-mêmes et qui se reflète dans ce communiqué de presse paru dans leur Boletín en juin 1983 :
« Avec l’autorité que nous donne le fait d’avoir été les premières et les seules à être sorties dans la rue pour dénoncer et réclamer l’apparition en vie de nos enfants détenus-disparus84. »
62Cette déclaration exclut non seulement les autres associations du mouvement des droits de l’homme, mais aussi, et surtout, Familiares qui est née quelques mois avant l’association des Mères. Elle n’évoque pas l’étroite collaboration entre les deux associations tout au long de la dictature.
Les Grands-Mères de la place de Mai
63Le 22 octobre 1977, un groupe de grands-mères se réunit et demande dans un document signé par les douze femmes des informations à la justice argentine sur le destin de leurs petits-enfants enlevés avec leurs parents ou nés dans des centres clandestins de détention85. Elles se font tout d’abord appeler Abuelas Argentinas con nietitos desaparecidos (Grands-Mères argentines avec des petits-enfants disparus). Elles deviennent par la suite las Abuelas de Plaza de Mayo (les Grands-Mères de la place de Mai – les Grands-Mères)86. C’est au cours des marches des Mères de la place de Mai que ces femmes se sont rencontrées, car si elles sont des grands-mères de détenus-disparus, elles sont aussi des mères.
Une autre recherche
64María Isabel « Chicha » Chorobik de Mariani enseigne la poterie dans la ville de La Plata. Le 24 novembre 1976, elle attend que son fils, Daniel, et sa belle-fille, Diana Teruggi, lui ramènent sa petite-fille, Clara Anahí, pour l’après-midi. Ils n’arrivent jamais et pour cause, les parents ont été assassinés dans leur maison et l’enfant a été enlevée par des membres des forces de sécurité. Pendant plusieurs mois, Chicha Mariani, comme on l’appelle communément, se renseigne auprès d’institutions policières, militaires et religieuses pour savoir où se trouve sa petite-fille. Elle arrive même à être assurée que l’enfant va bien, mais ne peut pas la récupérer. Un jour, dans un bureau d’un fonctionnaire, la personne qui se trouve face à elle lui confirme que sa petite-fille se porte bien, mais qu’elle ne va pas pouvoir la voir. Elle lui donne cependant les coordonnées d’une autre femme qui vit une expérience similaire.
65Alicia Zubasnabar de De la Cuadra a d’abord vu son fils, Roberto José de la Cuadra, être enlevé sous ses yeux, le 2 août 1976. En février de l’année suivante, sa fille, Elena, enceinte de cinq mois, est enlevée avec son mari, Héctor Carlos Baratti Valenti. Alicia de De la Cuadra recherche donc deux de ses enfants, son gendre et l’enfant de sa fille, dont elle ignore le sexe. Grâce aux témoignages de survivants qui vont l’appeler, elle sait que c’est une fille et qu’elle est née en bonne santé. Par la suite, elle apprend lors de ses recherches auprès d’institutions religieuses que l’enfant a été donné à une famille87.
66Les deux femmes, en parlant, réalisent qu’elles ont suivi le même parcours dans leurs recherches. Par ailleurs, Alicia de De la Cuadra évoque l’existence d’un groupe de mères qui se réunit tous les jeudis sur la place de Mai à Buenos Aires. Elle explique qu’elle a déjà assisté à l’une de ces réunions et qu’elle y a rencontré deux femmes dont les filles enceintes ont été enlevées. Chicha Mariani propose alors à Alicia de De la Cuadra de réunir les mères qui sont dans leurs cas pour travailler conjointement88.
67Elles se retrouvent un jeudi pour la première fois. Un groupe de douze grands-mères se réunit, parmi elles, certaines sont des fondatrices des Mères : Chicha Mariani, Alicia de De la Cuadra, Mirta Acuña de Baravalle (Mère fondatrice), Beatriz Aicardi de Neuhaus (Mère fondatrice), Eva Márquez de Castillo Barrios, Vilma Sesarego de Gutierrez, Haydée V. De Lemos, Leotina Puebla de Pérez, Celia Giovanola de Califano, Raquel Radio de Marizcurrena (Mère fondatrice), Clara Jurado et María Eugenia Cassinelli de García Irureta Goyena. Certaines ont déjà une petite expérience de l’action collective, même si en octobre 1977 les Mères n’existent que depuis peu89.
68Le profil des Grands-Mères ressemble en partie à celui des Mères, dans la mesure où elles proviennent elles aussi de la classe moyenne. L’actuelle présidente des Grands-Mères Estela Barnes de Carlotto parle même de « bourgeoisie90 ». Cependant, il est intéressant de voir que, par exemple, le premier bureau de l’association des Grands-Mères est constitué de trois femmes actives. Chicha Mariani est enseignante de poterie, Estela Barnes de Carlotto est directrice d’une école primaire, Rosa Roisinblit est obstétricienne. Contrairement à la plupart des Mères, ce sont des femmes qui ont un certain niveau d’études. Quant à la moyenne d’âge, elle n’est pas très éloignée de celle des Mères dans la mesure où les enfants enlevés étaient très jeunes et leurs parents avaient en moyenne 20 à 25 ans. Nous pensons cependant que le fait que plusieurs de ces femmes, et notamment les plus impliquées, aient eu un certain niveau d’études peut contribuer à expliquer l’organisation du travail de l’association.
L’enlèvement d’enfants
69Si la disparition des enfants rendait déjà difficile l’accumulation de preuves sur les faits, celle de leurs petits-enfants est encore plus problématique. Au premier abord, deux types de cas se présentent. Tout d’abord, l’enfant n’est pas né au moment de l’enlèvement. La mère était enceinte, il faut donc s’assurer qu’elle a bien eu l’enfant. L’obtention d’informations dans ces cas-là dépend surtout des témoignages des survivants qui ont pu partager la même cellule que la mère, savoir qu’elle a été maintenue en vie et que l’enfant est né. C’est ainsi qu’Alicia de De la Cuadra apprend que sa fille a accouché d’une petite fille, Ana, en bonne santé et qui quatre jours après sa naissance a été séparée de sa mère91. Ces cas-là ont été, par certains, résolus après la fin de la dictature, mais pendant la dictature, le fait qu’il n’y ait aucune photo ou document officiel attestant de la naissance de l’enfant rendait les recherches presque impossibles. L’autre cas est celui des enfants enlevés avec leurs parents ou après la mort de ces derniers. Dans un entretien, Estela Barnes de Carlotto précise que les enfants retrouvés pendant la dictature ont tous été des enfants qui ont été donnés à des familles qui n’entretenaient pas de relation particulière avec les militaires. Il s’agissait souvent de voisins à qui les militaires avaient remis l’enfant après l’enlèvement ou l’assassinat des parents. Dans leur cas, l’enfant ne faisait pas partie du « butin de guerre92 ». La raison pour laquelle ils ont été laissés à ces familles est totalement arbitraire. Le plus souvent, les membres des bandes qui enlevaient les parents, ne voulaient pas s’encombrer d’un enfant.
70Cependant, cette situation n’est pas la plus commune et, des 116 enfants qui ont récupéré leur identité actuellement, seul un petit nombre n’a pas été élevé par des familles de militaires ou de proches militaires. Il y aurait même eu des listes de parents potentiels au sein des centres clandestins de détention dans lesquels des femmes accouchaient. L’enlèvement d’enfants et leur « adoption » ont donc fait partie de la répression dictatoriale. L’objectif est de faire en sorte que ces enfants ne soient pas élevés par les mêmes familles, qui ont éduqué leurs parents « subversifs ». La « subversion » doit être anéantie, elle ne doit pas se reproduire. Tous ces éléments ont été compris progressivement par les Grands-Mères qui face à l’absence de modèle de lutte ou de recours ont dû les élaborer.
L’organisation et les actions
71Pendant la dictature, les Grands-Mères se réunissent tous les jeudis lors des rondes autour de la pyramide. Tout comme les Mères, elles portent un foulard blanc sur la tête. Cependant, elles mettent en place leur propre organisation avec une réunion les mardis. C’est pendant ces réunions qu’adhèrent de nouveaux membres, que de nouveaux cas sont répertoriés et que les avancées dans les cas connus sont évoquées. À l’instar des autres associations de défense des droits de l’homme et de victimes, elles publient des encarts payants. Le premier est publié le 5 août 1978 dans le quotidien La Prensa. Les Grands-Mères y écrivent :
« Nous faisons appel aux consciences et aux cœurs des personnes qui ont à leur charge, ont adopté ou savent où se trouvent nos petits-enfants disparus, pour que dans un geste de profonde humanité et de charité chrétienne, ils rendent ces bébés à leurs familles qui vivent dans le désespoir, ignorant où ils se trouvent. Ils sont les enfants de nos enfants disparus ou morts depuis ces deux dernières années.
Nous, mères-grands-mères, nous rendons public notre cri quotidien, en rappelant que la Loi de Dieu protège ce qu’il y a de plus innocent et de pur de la Création. La loi des hommes aussi octroie à ces créatures démunies le plus fondamental des droits : celui de la vie aux côtés de l’amour de leurs grands-mères qui les cherchent jour après jour, sans relâche et continueront à les chercher tant qu’elles auront un souffle de vie93. »
72L’encart est signé par les douze grands-mères fondatrices du collectif. Dans cette première publication, elles veulent avant tout sensibiliser les gens pour obtenir des informations. Elles évoquent même la possibilité pour les personnes qui ont ces enfants en leur possession de les restituer. Étant donné que les enfants récupérés pendant la dictature étaient aux mains des rares familles à avoir un de ces enfants qui n’entretenaient pas de relations particulières avec des militaires, on peut estimer que ces campagnes ont eu un certain effet. À cette époque, les recherches des Grands-Mères dépendaient principalement des dénonciations des habitants, comme nous l’a signalé TR94. De nombreuses personnes, malgré la répression, ont contribué à aider les Grands-Mères dans leurs recherches. Ces témoignages volontaires de citoyens argentins ne sont évoqués que dans le cas des disparitions des petits-enfants. Pour ce qui est des détenus-disparus, ce sont les Mères qui font du porte à porte. Les Grands-Mères ont aussi eu recours à ce type d’actions, mais elles ont bénéficié par ailleurs d’une aide directe. Les dénonciations étaient d’abord reçues dans les locaux des Mères où les Grands-Mères occupaient une pièce. Par la suite, elles loueront leur propre siège95. Elles mettront rapidement en place une « équipe technique d’investigation96 ». Les fonds des Grands-Mères ont servi à financer leurs recherches dès le début. Comprenant qu’elles sont progressivement repérées par les familles où peuvent se trouver leurs petits-enfants, elles engagent des professionnels pour le faire pour elles. Si les trois associations de victimes pendant la dictature ont bénéficié de l’aide des associations de défense des droits de l’homme, les Grands-Mères se sont tout de suite entourées d’experts dans chacune des branches qui pouvaient servir leurs recherches. Ainsi, Augusto Conte Mc Donell et Emilio F. Mignone ont été les premiers avocats des Grands-Mères pour un cas de récupération d’enfants. Par la suite, d’autres équipes se sont formées, dont une des premières a été celles de psychologues ayant proposé d’aider les Grands-Mères volontairement97.
73Pour ce qui est du financement de l’association, les Grands-Mères précisent qu’elles ont tout de suite obtenu des fonds d’institutions étrangères98. Le fait qu’elles recherchaient des enfants, et non des militants politiques, a probablement contribué à l’obtention rapide de fonds, mais surtout à leur maintien jusqu’à nos jours.
74L’acquisition de ces fonds se faisait lors des nombreux séjours de sensibilisation qu’ont rapidement réalisés les Grands-Mères dans le monde. TR revient dans son entretien sur les nombreux voyages qu’elle a faits et sur la collaboration d’institutions étrangères, mais aussi des exilés argentins en France, en Espagne ou ailleurs pendant ces voyages99. Les Grands-Mères dans le sillage des autres associations se sont lancées dès le début vers la sensibilisation d’institutions et de personnalités étrangères. Ainsi, leur première action est la remise d’un document au secrétaire d’État états-unien Cyrus B. Vance présent à Buenos Aires le 21 novembre 1977100. Par la suite, elles écrivent une lettre au pape Paul VI101. Plus tard, le pape Jean-Paul II les recevra. Au cours de leurs voyages, elles font circuler des informations sur leurs petits-enfants. Estela Barnes de Carlotto raconte qu’elle trouvait toujours des moyens de cacher des documents et des informations relatives aux cas qu’elles voulaient dénoncer dans leurs bagages pendant leurs voyages à l’étranger102.
Mots d’ordre et réclamation
75Pendant la dictature, les Grands-Mères ont établi les bases de leur organisation et de leur revendication. Tout en n’abandonnant pas la recherche de leurs enfants détenus-disparus, elles se centrent sur celles de leurs petits-enfants. Plus le retour en vie des détenus-disparus semble impossible, plus elles s’emploient à mettre en place les bases d’un travail de recherche des petits-enfants disparus qui sont en vie. En avril 1984, les Grands-Mères organisent un premier séminaire qui a pour titre « Niños desaparecidos, su restitución » (« Enfants disparus, leur restitution »). Avec la présence de nombreuses personnalités de la lutte pour la défense des droits de l’homme en Argentine, cette manifestation a pour objectif de faire un bilan de la lutte des Grands-Mères pendant la dictature, mais aussi d’élaborer des propositions pour sa poursuite103.
76Pour expliquer le bien-fondé de leur réclamation, les Grands-Mères reviennent sur les problèmes liés à l’enlèvement de l’enfant et ce qu’elles appellent son « apropiación » (appropriation) par une famille « imposée104 ». Elles parlent de la « désintégration familiale » de la famille d’origine de l’enfant qui doit déjà faire face à la disparition des parents. Les effets sur l’enfant sont nombreux, mais elles insistent sur un point qu’elles vont par la suite largement diffuser : « La rupture de l’identité105. » Cette question de l’identité définie comme l’appartenance à sa famille biologique est essentielle pour les Grands-Mères. Elles lient cela aussi au mensonge qu’implique l’« apropiación » par des secteurs qui ont contribué, de près ou de loin, à la mort des parents biologiques de l’enfant. Leurs réclamations sont toujours guidées par ce premier point. Elles réclament la « réintégration des enfants disparus au sein de leurs familles légitimes106 ». Sachant que ce processus est complexe et affecte l’enfant, elles proposent la mise en place d’une série d’outils :
« a- Une législation qui permette, sans préjudice et en accord avec le travail réalisé par les Grands-mères de la Place de Mai, une méthodologie pour la recherche, la localisation et la restitution des enfants à leurs familles légitimes.
b- L’élaboration d’un projet de Loi d’Adoption qui examine la nouvelle situation des enfants enlevés et des enfants dont les parents sont des disparus.
c- L’implantation de programmes d’assistance multidisciplinaire en général pour ceux qui ont été touchés, en accord avec les centres qui travaillent déjà au sein des organisations de défense des droits de l’homme.
d- La mise en place des structures nécessaires pour garantir aux enfants lorsqu’ils sont retrouvés la récupération de leur identité.
– L’intervention dans des études scientifiques, en modifiant les normes qui ne permettent pas leur réalisation.
– La mise à disposition de moyens techniques pour la création d’une Banque de Données destinée à conserver les caractéristiques d’histocompatibilité qui permettent l’identification des enfants.
e- La mise en place d’enquêtes sur tous les plans pour établir la responsabilité des différentes institutions, tribunaux, instituts de minorité, hôpitaux, etc. et dériver les causes aux cadres civils correspondants et non aux tribunaux militaires pour leur jugement et châtiment, en contribuant à leur manière à la construction du “Nunca Más” (Plus jamais ça).
f- Le renvoi des juges nommés ou reconfirmés par la dictature militaire.
g- La diffusion massive des résultats des enquêtes à travers les médias correspondants avec pour objectif de générer un système préventif lié à l’idée du “Nunca Más”107. »
77Toutes ces réclamations sont faites alors que le premier président constitutionnel est en place depuis quatre mois. Elles sont directement dirigées à l’attention de son gouvernement. Cependant, elles sont le résultat de l’expérience accumulée par les Grands-Mères pendant la dictature. Elles précisent quels sont les secteurs où le nouveau gouvernement doit intervenir, elles évoquent la liste des experts qui doivent l’assister dans cette tâche. Il est ainsi intéressant de voir qu’elles figurent elles-mêmes en tant qu’expertes au début des réclamations. Leur apprentissage dans la recherche des enfants doit être mis à profit. Le travail en relation directe avec le gouvernement en place est une singularité des Grands-Mères par rapport aux autres associations de victimes, mais aussi par rapport à celles de défense des droits de l’homme.
Familiares, les Mères et les Grands-Mères face aux discours étatiques
78Pour répondre aux accusations de subversion qui ont pesé, de manière plus ou moins indirecte sur leurs proches, les familles, par le biais de déclarations, élaborent une figure du disparu qui a pour principal objectif d’obtenir le soutien de pays étrangers, ainsi que celui de la société argentine. Elles multiplient alors les interventions en faveur de leurs proches, au risque de constituer une figure du disparu qui omet des enjeux fondamentaux de la répression dictatoriale et certaines facettes essentielles du contexte politique et social qui précède le coup d’État du 24 mars 1976.
Qu’ils soient jugés
79Lorsque des mères de disparus se réunissent pour la première fois sur la place de Mai, le 30 avril 1977, elles décident d’écrire une lettre au président Jorge Rafael Videla pour lui demander des informations sur leurs enfants. Ces mères n’ont pas encore pris toute la mesure de ce que représente la disparition de leur enfant. Face au silence du pouvoir politique et surtout à l’augmentation du nombre de mères sur la place de Mai, elles réalisent que leurs actions vont devoir s’orienter vers d’autres secteurs. Dans un document produit en novembre 1979, et dont nous ne connaissons pas la diffusion, elles parlent de « terrorisme d’État » et comparent l’attitude des militaires à celle du régime nazi108. On peut légitimement penser qu’elles ne doutaient plus de la responsabilité des officiers de haut rang dans la disparition de leurs proches. De même, lorsqu’elles parlent de leurs enfants, des disparus, elles semblent répondre aux discours militaires :
« Il ne s’agit pas, par ailleurs, de parler de la responsabilité des “disparus”. Nous savons qu’ils étaient, dans leur grande majorité, des jeunes idéalistes. Mais même s’ils ont eu une quelconque responsabilité dans des faits subversifs, la seule action légitime était de les juger. La seule chose morale et honnête [à faire]109. »
80Dans cette affirmation, les deux facettes de la figure du disparu selon les trois associations de victimes qui existent pendant la dictature sont mentionnées. Tout d’abord le disparu est un « jeune idéaliste ». Mais surtout, et c’est ce qui est le plus significatif dans les premières années de lutte des associations, si le disparu est effectivement soupçonné d’avoir commis un acte subversif, alors qu’il soit jugé.
81Cette vision des faits ne se limite pas exclusivement aux Mères ou aux Grands-Mères. Si l’association Familiares reconnaît très rapidement l’existence massive de prisonniers politiques, et qu’une des principales actions de l’association est de leur apporter son soutien, il est intéressant de voir qu’elle ne s’attaque pas forcément aux raisons qui ont mené à l’arrestation ou à l’enlèvement des disparus, mais plutôt aux méthodes employées. Ainsi dans l’un des premiers numéros de leur Boletín, publié le 14 avril 1979, on peut lire que l’association réclame :
« 1- l’apparition en vie des détenus-disparus ; 2- la libération immédiate de tous les détenus pour raisons politiques et syndicales pour lesquels aucune procédure judiciaire ou procès n’a été mis en place ; 3- le jugement, dans le cadre du respect de la Constitution nationale, et la garantie d’une défense pour ceux qui ont été mis en accusation110. »
82Les premières réclamations des associations ne cherchent pas à innocenter leurs proches, mais à savoir où ils se trouvent et à faire en sorte que leurs droits ne soient pas bafoués. En utilisant un vocabulaire juridique, les associations veulent éviter toute critique. Elles ne défendent pas des subversifs, elles réclament le respect des droits fondamentaux pour des citoyens argentins. L’utilisation d’arguments au-dessus de tout soupçon contribue à apporter le soutien de la communauté internationale qui s’insurge contre des méthodes qui ne respectent pas les traités internationaux. C’est dans cette brèche que va surtout s’engouffrer Familiares, dès ses premières publications. Au milieu de l’année 1979, les membres de l’association encouragent les proches de disparus à s’organiser en sous-commission en fonction du secteur dans lequel travaillait la personne disparue :
« Notre effort contribue à la récupération de nos êtres chers. Le problème qui nous affecte demande l’action de tous. Les pleurs doivent se transformer en travail : Participez aux sous-commissions111 ! »
83Familiares utilise certes le ressort affectif en parlant des « êtres chers » ou des « pleurs » qui accompagnent la disparition d’un proche, mais l’association insiste sur le fait que cet élément ne doit pas prendre le pas. Dans leur Boletín, on peut voir se multiplier les actions auprès d’institutions comme les Nations unies pour que la disparition forcée de personnes soit reconnue comme crime contre l’humanité112. L’action de Familiares insiste sur l’illégalité de l’action des militaires au pouvoir et cherche à obtenir le soutien de la population argentine en faisant « appel » à « l’opinion publique démocratique nationale113 ».
84Le fait est que dans leurs premières années d’action et de publication, ces trois associations se sont opposées aux discours militaires en dénonçant les méthodes utilisées par ces derniers. Dans un livre publié en 1999, Hebe de Bonafini, présidente des Mères de la place de Mai à l’époque des faits déclare :
« Je suis furieuse de ne pas avoir laissé plus tôt le tissage et les casseroles pour aller regarder dehors, et protester contre les tanks qui défilaient en face de la digue, au lieu de me concentrer sur le point de croix et d’entendre que quelqu’un a entendu qu’un autre a dit que ces tanks défilaient au coin de la rue… mais que cela ne nous concernait pas114. »
85Ainsi des membres de ces associations reconnaissent qu’ils faisaient partie de ce large pan de la population argentine qui n’a pas rejeté le coup d’État du 24 mars 1976.
86Cependant, ces déclarations ont été faites de nombreuses années après la fin de la dictature, alors que ces trois associations sont reconnues dans l’espace public argentin et que les discours sur la figure du disparu en Argentine ont évolué. Aujourd’hui plus personne ne nie l’appartenance de la majorité des disparus à des groupes militants de gauche, il est donc plus facile pour certains membres de ces associations de faire ce type de déclarations, notamment lorsqu’il s’agit de mettre en avant le caractère spontané de leur action, et d’insister sur le fait que les Mères étaient des « mères au foyer qui ne faisaient pas de politique ». Nous devons même préciser qu’un certain nombre de membres de ces associations comptait parmi ceux qui réclamaient un retour à l’ordre. Ce n’est pas le cas de tous les membres, mais le fait qu’un certain nombre ait fait partie de cette majorité silencieuse les a amenés à produire des discours qui tendaient à les distancier de toute forme de militantisme politique ou social. Dans le premier numéro de leur Boletín, en janvier 1980, les Mères écrivent :
« [Qu’avec ce document], nous donnons vie au Boletín qui permettra que toutes les Mères, les familles et toutes les personnes sensibles, s’informent de nos problèmes, nos doutes, partagent notre douleur et nous aident à leur trouver des solutions ou tout du moins à les supporter. La sortie de ce Boletín sera périodique. Nous souhaitons qu’il arrive aux mains de personnes compréhensives, mais aussi nous espérons obtenir des réponses à nos inquiétudes. La perspective est œcuménique, sans liens partisans. Ses objectifs sont humanitaires115. »
87Les Mères prennent ainsi publiquement116 leur distance avec le militantisme de leurs enfants et celui dont on les accuse. Avec ce type de déclarations, elles répondent aux discours militaires qui estiment que si leurs enfants sont des subversifs, c’est de leur faute. Un grand nombre de proches de disparus, mais surtout des mères et des grands-mères appartenant aux trois associations, indiquent que lorsqu’ils allaient demander des renseignements dans les administrations militaires ou auprès de ministères ou de commissariats de police, on leur répétait que s’ils avaient donné une bonne éducation à leurs enfants ils ne seraient pas inquiétés117. À cela s’ajoutent les discours sur la famille diffusés par les militaires, les secteurs sociaux qui leur sont proches et leur traduction dans la société argentine avec le « c’est pour une bonne raison ». Cette expression peut être interprétée de deux manières. La première : si une personne a été arrêtée, ou a disparu, c’est certainement parce qu’elle fait partie de la subversion. La deuxième : si cette personne est un subversif, c’est parce qu’elle a été élevée dans un mauvais environnement familial. La stigmatisation ne touche pas seulement les disparus, elle affecte directement les associations de proches qui font alors évoluer leurs représentations des disparus. La réclamation d’un procès équitable pour les personnes enlevées disparaît progressivement au profit d’une image du disparu qui met en avant son innocence. Il ne s’agit plus d’insister sur l’illégalité de l’action des militaires, les associations ne cherchent pas à sensibiliser la population en racontant les conditions d’emprisonnement ou d’enfermement dans les centres clandestins de détention, elles veulent montrer que l’horreur de ces crimes réside dans le fait qu’ils ont été commis à l’encontre de personnes innocentes.
Obtenir le soutien de la société argentine
88Les réclamations pour un procès équitable semblent cesser lorsque les associations évoquent de plus en plus la situation de la population argentine sous le régime militaire118. Ainsi dans leur premier encart payant en commun, celui publié dans le quotidien La Nación le 10 décembre 1977, Familiares, les Mères et les Grands-Mères écrivent :
« Nous ne supportons plus la plus cruelle des tortures pour une mère, l’INCERTITUDE sur le destin de leurs enfants. C’est pourquoi nous demandons un procès légal et que soit ainsi démontrée la culpabilité ou l’innocence [de nos enfants] et, en conséquence, qu’ils soient jugés ou libérés119. »
89En publiant ces encarts, l’objectif est aussi, bien entendu, de s’adresser à la population en signalant que des personnes sont arrêtées illégalement et que leurs familles cherchent à savoir ce qui leur est arrivé. Ce sont généralement les femmes qui signent ces encarts, des mères et des épouses. Les associations tentent d’interpeller la population argentine, tout en ne s’adressant pas directement à elle. Elles s’en remettent aux institutions du pouvoir exécutif et législatif. On peut estimer que trois événements vont peser dans le changement d’interlocuteur : la Coupe du Monde de football de 1978, la Coupe du Monde de football junior au Japon en 1979 et la visite de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) en septembre 1979. Comme on peut le constater, ces trois événements ont des répercussions à l’étranger et sont même à l’initiative d’institutions étrangères. Ces éléments sont essentiels, puisque les revendications des associations de victimes vont d’abord être entendues dans les sphères publiques étrangères. Par la suite, les répercussions de ces événements donneront une visibilité à ces associations dans la sphère publique argentine120.
90La Coupe du Monde de football en Argentine a lieu entre le 1er et le 25 juin 1978. Bien que l’organisation de cet événement soit du fait de la dictature, la décision d’octroyer l’événement à l’Argentine est antérieure, puisque le pays a été choisi bien avant le coup d’État. Les militaires veulent profiter de la couverture médiatique liée à l’événement pour contredire toutes les accusations de violations des droits de l’homme qui circulent, principalement à l’étranger121. Il s’agit d’exalter l’argentinité des citoyens et de démontrer que ceux qui manifestent pendant la « grande fête du football » ne sont pas des citoyens argentins. Dans un discours prononcé le 6 juillet 1988, Hebe de Bonafini raconte que l’accusation qui pèse sur les disparus est transférée à ceux qui réclament des informations les concernant122. Tout comme les familles étaient responsables lorsqu’un de leurs proches devenait un subversif, elles deviennent à leur tour des « ennemis de la Nation ». Pour répondre à cela, Familiares, les Mères et les Grands-Mères multiplient les manifestations, notamment sur la place de Mai d’où elles sont régulièrement exclues pendant toute la durée du championnat. Cependant, elles profiteront de la présence massive de journalistes étrangers venus couvrir l’événement pour faire entendre leurs voix et sensibiliser les opinions publiques à l’étranger123.
91Ces actions n’atteignent toutefois pas vraiment la population argentine qui célèbre la victoire de l’équipe nationale contre l’équipe des Pays-Bas en finale. C’est lors d’un autre événement sportif que, selon le journaliste français Jean-Pierre Bousquet, témoin des faits, les associations de proches et de défense des droits de l’homme vont entamer une première percée dans l’opinion publique argentine. Entre le 26 août et le 7 septembre 1979 se déroule la Coupe du Monde de football des moins de 20 ans au Japon. Là aussi, l’équipe argentine remporte la compétition. Parallèlement, la visite tant attendue de la Commission interaméricaine des droits de l’homme a lieu durant ce même mois de septembre 1979. Plusieurs fois repoussée, cette visite était une concession faite par le président Videla au président des États-Unis, James Carter, élu en 1976. La junte militaire, face aux pressions étrangères, met en place une campagne médiatique qui a pour but de contrecarrer les répercussions que pourrait avoir cette visite sur l’image du pays. La campagne « Somos derechos y humanos » (« Nous sommes droits et humains ») est lancée peu de temps avant l’arrivée de la CIDH. Comme le signale la journaliste María Seoane dans un article récent, il s’agissait de s’opposer à la « campagne anti-argentine » développée depuis l’« extérieur » par les « exilés » et les « familles » de disparus124. À cette époque, la junte militaire ne reconnaît pas l’existence des disparus, les discours tournent toujours autour de la « subversion », même si le mot « disparu » est ancré dans l’espace public argentin125.
92Les deux événements, la Coupe du Monde de football des moins de 20 ans et la visite de la CIDH, vont coïncider lorsque l’équipe d’Argentine gagne la compétition au Japon. Jean-Pierre Bousquet raconte que les militaires et les journalistes de la radio Rivadavia ont encouragé la population qui souhaitait fêter la victoire à aller la célébrer sur la place de Mai, plutôt que sur l’avenue 9 de julio, au pied de l’Obélisque, comme cela se faisait habituellement. Lorsque la foule est arrivée sur la place de Mai, elle s’est retrouvée face à la longue queue de personnes qui venaient dénoncer la disparition d’un proche à la CIDH. D’après lui, les militaires ont commis une « grosse erreur », puisque :
« Le problème des disparus n’avait jusqu’alors pas connu une grande publicité, le black-out avait bien fonctionné. En amenant les supporters en joie avenue de Mai pour provoquer les familles de disparus, ils ont du même coup amené des milliers d’Argentins à prendre concrètement conscience de l’étendue du problème. Face à cette file qui n’en finissait pas, les vivats se sont un peu taris, les sifflets et les crécelles ont baissé le ton. Contrairement à ce qu’espéraient les autorités, il n’y a eu ni explosion de nationalisme primaire, ni insultes proférées à l’encontre de l’O.E.A ou des manifestants silencieux126. »
93Bousquet ajoute que contrairement à ce que les militaires attendaient, des personnes dans la foule ont commencé à se demander : « Mais tous ces gens-là sont des parents de disparus, il y en a tant que ça, ils ne peuvent quand même pas tous mentir, c’est terrible127. » L’ouvrage du journaliste français a été publié en pleine dictature et est clairement construit comme un ouvrage de dénonciation. Il est difficile d’établir dans quelle mesure cette prise de conscience de la population argentine est aussi importante qu’il la décrit.
94L’abandon d’arguments juridiques dans les réclamations en faveur des disparus s’accompagne d’interpellations directes à la population. Ainsi, Bousquet raconte qu’au début de l’année 1980, les Mères décident d’aller déposer une couronne de fleurs au pied de la statue du général San Martín à Buenos Aires. Elles ont envoyé un communiqué à la presse qu’aucun journal n’a publié, mais dans lequel elles déclarent vouloir déposer une couronne pour « rendre hommage à San Martin, défenseur de la liberté et de la justice, deux causes dont elles se réclament elles-mêmes128 ». Elles cherchent à se rapprocher des symboles nationaux que les militaires se sont appropriés. Il s’agit de démontrer qu’elles ne sont pas de mauvaises citoyennes, qu’elles sont Argentines et ne sont pas en guerre avec leur pays comme veulent le faire croire les militaires au pouvoir.
95Peu de temps après cette initiative, en octobre 1980, le prix Nobel de la Paix est remis à Adolfo Pérez Esquivel. À nouveau, l’action des associations de défense des droits de l’homme et de victimes est reconnue à l’étranger. Malgré les efforts des militaires au pouvoir pour en minimiser l’importance, cette récompense replace la question du respect des droits de l’homme et de la répression dictatoriale dans la sphère publique argentine. En effet, bien que la couverture médiatique soit discrète, l’importance du prix décerné oblige les médias argentins à l’évoquer129. Le prix Nobel est la preuve que les pressions exercées par de nombreux acteurs à l’étranger pour soutenir l’action des associations qui luttent sur place sont significatives. Pour les militaires, ce prix est un élément de plus dans la campagne menée depuis l’étranger. Il alimente leurs discours sur le fait que ceux qui s’opposent au régime en place agissent contre les intérêts de l’Argentine et ne sont pas de « bons Argentins ».
96Ainsi, lorsque la guerre des Malouines130 éclate, le problème se pose pour les associations de devoir soutenir une revendication vieille de plus de cent ans sur la souveraineté des îles pour ne pas se voir accusées de défendre l’armée britannique. Le slogan « Las Malvinas son argentinas. Los desaparecidos también » (« Les Malouines sont argentines. Les disparus aussi ») voit donc le jour131. Alors que pendant la Coupe du Monde, les associations de proches n’ont pas hésité à ne pas soutenir l’événement ou l’équipe nationale et se sont clairement opposées au régime, avec la guerre des Malouines, elles ne semblent pas vouloir prendre le risque de se mettre à dos une population qui commence tout juste à les soutenir132. Par ailleurs, comme le signale Rosana Guber, la réclamation historique des Malouines est le terrain sur lequel tous les secteurs de la société s’entendent. On peut donc supposer que le soutien aux troupes sur place n’est pas qu’une stratégie pour les membres de ces associations. Ce qui peut être mis sur le compte d’un discours élaboré en vue d’obtenir, encore, le soutien de la société civile est la comparaison faite entre les soldats, et leur âge, et les disparus qui, selon leurs proches, auraient fait partie de ces soldats dans la défense de la Nation argentine133. Lorsque l’Argentine perd la guerre en juin 1982, la dictature est en bout de course et les démarches pour le retour de la démocratie sont entamées. Les associations Familiares, les Mères et les Grands-Mères multiplient alors les déclarations pour obtenir le soutien de la population qui ne croit plus au régime militaire et qui n’en a plus peur. Mais surtout, pour obtenir le soutien de cette population, les associations reproduisent une partie des discours développés par les militaires au pouvoir134. Ces derniers évoquaient le fait que l’innocente population argentine était prise en otage par les subversifs et leurs attentats. Les associations gardent cette idée de prise en otage, sauf que dans ce cas, ce sont les militaires et le terrorisme d’État qui en sont à l’origine. Ainsi, en novembre 1982, Familiares écrit dans l’éditorial de son Boletín :
« Et parce que nous savions aussi que le peuple argentin, notre peuple, témoin impuni, était victime de la terreur et de l’intimidation, témoin silencieux de la tragédie mais jamais complice de la barbarie135. »
97Les Mères, quant à elles, écrivent en décembre 1982 dans leur Boletín :
« 1982 : Une nouvelle année de tâches se termine ; quelque chose a changé. Le peuple frappé sur tous les fronts, ce même peuple qui auparavant se taisait, par peur ou par indifférence, ne craint plus la lumière qui avant semblait l’aveugler. Ce peuple, qui préférait ne pas voir en fermant les yeux, aujourd’hui les ouvre, réfléchit, se réveille. Il sait que qui ne dit mot consent, permet que les atrocités se répètent. Les jeunes gens qui “hibernaient”, retenus par leurs familles terrorisées et par l’éducation déformée et contraire à la liberté de pensée, commencent à sortir du sommeil et nous accompagnent. EN AVANT136 ! »
98La population n’est pas exempte de toute culpabilité, puisqu’elle a été silencieuse, mais elle a aussi été victime et surtout n’a jamais participé directement à la répression. Elle peut désormais, c’est-à-dire en 1982, prendre les choses en main, en agissant aux côtés des associations. Les associations répondent aux discours militaires en déplaçant la culpabilité des subversifs aux militaires. Au terrorisme de la guérilla, elles opposent le terrorisme d’État. Mais alors que les militaires reconnaissaient l’utilisation de mesures exceptionnelles dans le cadre d’une « sale guerre », les familles vont tout simplement nier la participation de leurs proches à la violence dite de gauche déjà présente avant le coup d’État. C’est dans ce contexte que naît la figure du disparu la plus ancrée dans la société argentine de la période post-dictatoriale : celle de la victime innocente.
Notes de bas de page
1 Jelin E., « La política de la memoria : el movimiento de derechos humanos y la construcción democrática en la Argentina », dans C. Acuña et al., Juicio, castigos y memorias, Buenos Aires, Nueva Visión, 1995, p. 108.
2 Entretien avec VDI, membre de Familiares, le 21 décembre 2006. Toutes les initiales des membres sont fictives pour préserver l’anonymat des personnes qui nous ont accordé un entretien.
3 Ibid.
4 Familiares de desaparecidos y detenidos por razones políticas, Testimonios de nuestra historia 1976-2006, publié en septembre 2006 par Familaires. p. 1. Voir aussi : Da Silva Catela L., No habrá flores en la tumba del pasado, La Plata, Al Margen, 2001 ; Filc J., Entre el parentesco y la política. Familia y dictadura, 1976-1983, Buenos Aires, Biblio., 1997.
5 Familiares desaparecidos y detenidos por razones políticas, op. cit., et entretien avec VDI, membre de Familiares, le 21 décembre 2006.
6 Familiares de desaparecidos y detenidos por razones políticas, op. cit., 2006, p. 2.
7 Entretien avec VDI, membre de Familiares, le 21 décembre 2006.
8 Cette remarque de VDI marque aussi la différence avec les associations de défense des droits de l’homme. S’ils pouvaient y avoir des proches de disparus dans ces associations, ce n’était pas le cas de tous les membres. Dans le cas de Familiares, le petit nombre de membres actifs ne pouvaient être que des proches, ils devaient donc écouter des récits similaires aux leurs.
9 Entretien avec VDI, membre de Familiares, le 21 décembre 2006.
10 Belluci M., « El movimiento de Madres de Plaza de Mayo », dans F. Gil Lozano, V. S. Pita, M. G. Ini (dir.), Historia de las mujeres en la Argentina. Siglo XX, Buenos Aires, Alfaguara, 2000, p. 279.
11 Bonasso M., « Un viaje por los abismos de la ESMA », Página 12, 4 septembre 2000, [http://www.pagina12.com.ar/2000/00-09/00-09-04/pag03.htm], consulté le 15 janvier 2014.
12 Ginzberg V., « Era una líder, tenía carácter y también tenía ideas nuevas », Página 12, 1er août 2004, [http://www.pagina12.com.ar/diario/elpais/1-39052-2004-08-01.html], consulté le 15 janvier 2014.
13 Entretien de Jean-Pierre Bousquet, le 21 novembre 2010, mené en collaboration avec Claudia Feld.
14 Familiares de desaparecidos y detenidos por razones políticas, op. cit., 2006, p. 4.
15 Une exception notable est le Buenos Aires Herald.
16 Les membres de Familiares disparus sont : Remo Berardo, Nelida Bulit, Angela Auad, Eduardo Horane, Horacio Elbert, Julio Fondovila et Patricia Oviedo.
17 Entretien avec VDI, membre de Familiares, le 21 décembre 2006.
18 Dans ce sens, on peut signaler que dans le Boletín édité pendant la dictature, aucun nom de membres de l’association n’apparaît : ni pour signer un article ni pour faire une dénonciation au nom d’un disparu en particulier.
19 Entretien avec VPR, membre de Familiares, le 20 décembre 2006.
20 Familiares de desaparecidos y detenidos por razones políticas, « Las sub-comisiones », Boletín, n° 2, avril-mai 1979, p. 2-3.
21 Familiares de desaparecidos y detenidos por razones políticas, op. cit., 2006, p. 3. Dans ce livret, l’association parle d’une sous-commission de « Partis politiques », mais nous n’en voyons pas la trace dans leurs publications pendant la dictature.
22 Réunion annoncée dans le Boletín d’octobre-décembre 1979 (pas de numéro), p. 10.
23 La liste des commissions est publiée dans le Boletín d’avril-mai 1979, n° 2, p. 11.
24 Familiares de desaparecidos y detenidos por razones políticas, Boletín, avril-mai 1979, p. 6.
25 Familiares de desaparecidos y detenidos por razones políticas, Boletín, février 1981 (pas de numéro), p. 7. Majuscules dans l’original.
26 Familiares de desaparecidos y detenidos por razones políticas, Boletín, octobre 1981 (pas de numéro). Ce numéro est entièrement consacré aux prisonniers politiques qui publient des poèmes et des récits sur leur détention.
27 Familiares de desaparecidos y detenidos por razones políticas, Boletín, novembre 1982 (pas de numéro), p. 28.
28 Cette action s’est poursuivie à la fin de la dictature jusqu’à la libération de tous les prisonniers politiques de la dictature.
29 Mignone E. F., Derechos Humanos y Sociedad, el caso argentino, Buenos Aires, Ed. El pensamiento nacional CELS, 1991, p. 118.
30 Familiares de desaparecidos y detenidos por razones políticas, 2006, op. cit., p. 11.
31 Rawson se trouve au Sud de la ville de Córdoba à environ 1 400 km. Entretien avec VPR, membre de Familiares, le 20 décembre 2006.
32 Familiares de desaparecidos y detenidos por razones políticas, 2006, op. cit., p. 12.
33 Nous avons évoqué précédemment ce numéro du Boletín d’octobre 1981. Les détenus provenaient des prisons de Rawson, Devoto, La Plata, Caseros.
34 Entretien Jorge Taiana, Archivo Oral de Memoria Abierta, 25 octobre, 4 et 11 novembre 2002.
35 Familiares de desaparecidos y detenidos por razones políticas, op. cit., 2006, p. 12.
36 Familiares de desaparecidos y detenidos por razones políticas, Boletín, novembre 1982, p. 11.
37 Pour plus de détails, voir le site officiel de l’organisation FEDEFAM : [http://www.desaparecidos.org/fedefam/], consulté le 15 janvier 2014.
38 Familiares de desaparecidos y detenidos por razones políticas, Boletín, novembre 1982, p. 11.
39 Familiares de desaparecidos y detenidos por razones políticas, op. cit., 2006, p. 52.
40 Filc J., op. cit., p. 85.
41 Ginzberg V., Madres de Plaza de Mayo, Puentes, n° 7, année 2, juillet 2002, p. 70.
42 Madres de plaza de Mayo-Línea fundadora, Memoria, Verdad y Justicia, a los 30 años por los Treinta mil, Buenos Aires, Baobab, 2006, p. 18. Plus loin, p. 37, le lieu évoqué est le vicariat de la Marine.
43 Entretien avec CRM, ex-membre de l’Association des mères de la place de Mai, le 14 décembre 2006. Elle quitte l’association en 1993, mais estime toujours être une Mère de la place de Mai.
44 Entretien avec SA, membre des Mères de la place de Mai-Ligne fondatrice, les 22 et 27 novembre 2006.
45 Ibid.
46 Encart publié par Familiares, les Mères et les Grands-Mères, dans La Nación, le 10 décembre 1977, p. 1.
47 Alfredo Astiz s’est fait passer pendant plusieurs semaines pour un frère de disparu et se faisait appeler Gustavo Niño.
48 Pendant la dictature, les Mères interdisaient aux hommes, aux pères, de participer à la marche. En effet, elles estimaient qu’ils étaient beaucoup plus susceptibles d’être enlevés. Ils travaillaient donc dans l’ombre. Les Mères LF leur rendent régulièrement hommage sur leur site Internet : [www.madresfundadoras.org.ar], consulté 15 janvier 2014 (erreur en 2017).
49 Conférence d’Hebe de Bonafini prononcée le 6 juillet 1988 reproduite dans Vázquez I. (dir.), Historia de las Madres de Plaza de Mayo, Buenos Aires, Ediciones Madres de Plaza de Mayo, 2006, p. 17.
50 Da Silva Catela L., « Foulards, photographies et liens primordiaux. Des manifestations de mémoire et d’engagement parmi les parents de disparus en Argentine », dans A. Brossat, J.-L. Déotte, L’Époque de la disparition, politique et esthétique, Paris, L’Harmattan, 2000, p. 185-226.
51 Entretien avec SA, membre des Mères de la place de Mai-Ligne fondatrice, les 22 et 27 novembre 2006.
52 Aujourd’hui encore, lorsque l’une d’elles parle en public en tant que Mère de la place de Mai, elle porte le foulard. L’entretien, la conférence, la manifestation, l’hommage fini, elle retire son foulard.
53 Da Silva Catela L., art. cit., p. 190.
54 Entretien de Jean-Pierre Bousquet, le 21 novembre 2010, mené en collaboration avec Claudia Feld.
55 Entretien avec PVE, membre de l’Association des mères de la place de Mai, le 5 décembre 2006, elle évoque un groupe de femmes néerlandaises du nom de SAM qui s’est créé pour aider les Mères.
56 Nous n’avons pas de données précises sur ces financements étant donné que c’est un sujet que les membres des associations n’ont abordé que très brièvement.
57 Mellibovsky M., Círculo de amor sobre la muerte, Buenos Aires, Colihue, 2006 (1989), p. 126.
58 Entretien avec VDI, membre de Familiares, le 21 décembre 2006.
59 Mellibovsky M., op. cit., p. 127.
60 Bonafini H., dans I. Vázquez, op. cit., p. 26.
61 Entretien avec CRM, ex-membre de l’Association des mères de la place de Mai, le 14 décembre 2006.
62 Entretien avec PVE, membre de l’Association des mères de la place de Mai, le 5 décembre 2006.
63 Ginzberg V., art. cit., p. 70.
64 Entretien avec SA, membre des Mères de la place de Mai-Ligne fondatrice, les 22 et 27 novembre 2006.
65 Entretien avec Jean-Pierre Bousquet, le 21 novembre 2010, mené en collaboration avec Claudia Feld. Ce dernier ajoute une nuance en signalant que ce sont surtout les Mères qui avaient un enfant militant dans des organisations armées qui n’évoquaient pas l’action de « leur(s) » disparu(s).
66 Entretien avec VDI, membre de Familiares, le 21 décembre 2006.
67 Sánchez M., Une mère contre la dictature, Paris, Descartes et Cie, 1999.
68 Entretien avec Jean-Pierre Bousquet, le 21 novembre 2010, mené en collaboration avec Claudia Feld ; Entretien avec PVE, membre de l’Association des mères de la place de Mai, le 5 décembre 2006.
69 Mellibowsky M., op. cit., p. 93.
70 Il nous a souvent été signalé que les Mères pensaient que des enfants seraient libérés pour les fêtes de Noël. Plus les Noël sans libération de détenus-disparus passent, plus elles estiment qu’ils ont été assassinés.
71 Mères de la place de Mai-Ligne fondatrice : [http://www.madresfundadoras.org.ar/], consulté le 15 janvier 2014 (erreur en 2017).
72 Sondereguer M., « Aparición con vida (El movimiento de los derechos humanos en Argentina) », dans E. Jelin, Los nuevos movimientos sociales/2, Derechos humanos-Obreros, Buenos Aires, Ed. Biblioteca Política Argentina, Centro editor de América latina, 1985, p. 14.
73 Quiroga H., « La verdad de la justicia y la verdad de la política. Los Derechos Humanos en la dictadura y en la democracia », dans H. Quiroga, C. Tcach (dir.), A veinte años del Golpe. Con memoria democrática, Rosario, Homo Sapiens Ediciones, 1996, p. 72. La citation de Héctor Ricardo Leis se trouve dans son ouvrage, El Movimiento por los derechos humanos y la política argentina/1 y 2, Buenos Aires, Centro Editor d América latina, 1989, p. 17.
74 Madres de la plaza de Mayo, « Incidencia del Terrible Problema de los detenidos-desaparecidos en la Familia », avril 1979, p. 1.
75 Par exemple, cet aspect est absent de leur premier Boletín. Madres de la Plaza de Mayo, Boletín, n° 1, janvier 1980.
76 Madres de la plaza de Mayo, éditorial « La Marcha de la Resistencia », Periódico de las Madres, año 1, n° 1, décembre 1984, p. 2.
77 Déclaration de Nora de Cortiñas dans Belluci M., art. cit., p. 28.
78 Ibid., p. 285.
79 Asociación de las madres de plaza de Mayo, éditorial « Nueve años defendiendo la vida », Periódico de las Madres, année II, n° 17, avril 1986, p. 3. Il est intéressant d’observer que le mot « mères » est toujours écrit avec une majuscule. La figure des mères en général et des Mères de la place de Mai se confond.
80 Vicente N., Augusto Conte, padre de la plaza, Buenos Aires, Galerna, 2006.
81 Feld C., « La construction de témoignages sur la disparition forcée de personnes à la télévision argentine : le cas de l’émission Nunca más », Cahier International, Bruxelles, Éditions du centre d’études et de documentation d’Auschwitz, juin 2008, p. 7-18.
82 Da Silva Catela L., No habrá flores en la tumba del pasado, op. cit., p. 32.
83 Domínguez N., « Eva Perón y Hebe de Bonafini, o la invención del nacimiento », dans A. Amado, N. Domínguez (dir.), Lazos de familia. Herencias, cuerpos, ficciones, Buenos Aires, Paidós, 2004, p. 155-156.
84 Madres de la Plaza de Mayo, « Comunicado de prensa », Boletín Informativo, année I, n° 6, juin 1983, dernière page non numérotée.
85 Entretien TR, membre des Grands-Mères de la place de Mai, le 8 novembre 2006.
86 Dillon M., « Abuelas de Plaza de Mayo », Puentes, année 2, n° 5, octobre 2001, p. 71. Le terme « nietitos » en espagnol est encore pus affectueux que « nietos » qui signifie « petits-enfants ». En effet il implique que ces enfants sont « tous petits » par leur âge.
87 Ramos Padilla J. M., Chicha. La fundadora de Abuelas de Plaza de Mayo, Buenos Aires, Editorial Dunken, 2006, p. 124-125.
88 Ibid., p. 126.
89 Dillon M., op. cit., p. 71.
90 Barnes de Carlotto E., « Impunidad jurídica en los casos de menores víctimas de desaparición forzada durante la dictadura militar argentina (1976-1983) », dans Plataforma argentina contra la impunidad, Contra la impunidad en defensa de los derechos humanos, Barcelona, Editorial Icaria, 1998, p. 55.
91 Ramos Padilla J. M., op. cit., p. 125.
92 Nosiglia J. E., Botín de guerra, Buenos Aires, Ed. Tierra Fértil, 1985. Cet ouvrage, mais aussi le film homonyme de David Blaustein, Botín de guerra, Argentina, David Blaustein Productor, 2000, indique que les enfants enlevés − au même titre que les objets, l’argent ou les biens immobiliers − étaient perçus comme le « butin de la guerre contre la subversion ».
93 Abuelas de plaza de Mayo, « Solicitada », La Prensa, 5 août 1978, p. 3.
94 Entretien TR, membre des Grands-Mères de la place de Mai, le 8 novembre 2006.
95 Abuelas de Plaza de Mayo, Historia de Abuelas. 30 años de búsqueda, 1977-2007, Buenos Aires, Editorial Abuelas de Plaza de Mayo, 2007, p. 27.
96 Entretien TR, membre des Grands-Mères de la place de Mai, le 8 novembre 2006.
97 Pour plus de détails sur les actions de ce groupe, on peut aller sur le site des Grands-Mères et consulter ses publications pour voir l’évolution de la gestion du cas de ces enfants : [http://www.abuelas.org.ar/areas.php?area=psicologica.htm&der1=der1_psi.php&der2=der2_areas.php], consulté le 15 janvier 2014 (erreur en 2017).
98 Entretien TR, membre des Grands-Mères de la place de Mai, le 8 novembre 2006. Elle évoque l’ONU et Amnesty International, entre autres. Estela Barnes de Carlotto revient aussi sur ce point dans Dillon M., op. cit., p. 72.
99 Entretien TR, membre des Grands-Mères de la place de Mai, le 8 novembre 2006.
100 Abuelas de plaza de Mayo, op. cit., 2007, p. 23.
101 Ibid., p. 26.
102 Dillon M., op. cit., p. 72.
103 Abuelas de plaza de Mayo, « Niños desaparecidos : su restitución. Conclusiones del seminario nacional de Abril de 1984 », dans Abuelas de Plaza de Mayo, Restitución de niños, Buenos Aires, Eudeba, 1997, p. 23-24.
104 Ibid., p. 28.
105 Ibid., p. 27-28.
106 Ibid., p. 29. Ce mot d’ordre évolue avec l’expérience des Grands-Mères et surtout le vieillissement des petits-enfants.
107 Ibid., p. 32.
108 Document des Mères de la place de Mai, daté du mois de novembre 1979 : « Análisis de la situación argentina en materia de derechos humanos », p. 5.
109 Loc. cit.
110 Familiares de desaparecidos y detenidos por razones políticas, Boletín, n° 3, juin-juillet 1979, p. 4.
111 Familiares de desaparecidos y detenidos por razones políticas, « Editorial », Boletín, avril-mai 1979, n° 2, p. 2.
112 Familiares desaparecidos y detenidos por razones políticas, « Comisión para llevar el caso argentino a las Naciones Unidas », Boletín, octobre-décembre 1979, n° 5, p. 9.
113 Familiares de desaparecidos y detenidos por razones políticas, « Llamamiento a la opinión pública democrática nacional », Boletín, juin-juillet 1979, n° 3, p. 3.
114 Hebe de Bonafini dans Sánchez M., Une mère contre la dictature, Paris, Descartes et Cie, 1999, p. 72.
115 Madres de plaza de Mayo, « Editorial », Boletín, n° 1, janvier 1980, p. 1.
116 Cela ne signifie pas que dans la sphère privée le militantisme n’était pas connu. Il y avait de nombreux cas de figure.
117 Entretien avec SA, membre des Mères de la place de Mai-Ligne fondatrice, les 22 et 27 novembre 2006.
118 Il est difficile de dater avec exactitude ce changement. En effet, Familiares commence à publier une revue au début de l’année 1979, les Mères publient leur premier numéro en janvier 1980, quant aux Grands-Mères, elles n’ont pas de publication pendant la dictature et publient lorsqu’elles le peuvent dans la presse nationale.
119 Encart publié par Familiares, les Mères et les Grands-Mères, dans La Nación, le 10 décembre 1977, p. 1 (majuscules dans l’original).
120 Nous n’allons pas revenir sur les implications politiques ou internationales de ces événements, nous voudrions insister plutôt sur les conséquences qu’ils ont dans la mise en visibilité de l’action de ces trois associations dans l’espace public argentin.
121 À propos de la campagne de boycott de la Coupe du Monde de football en Argentine, voir : Franco M., El exilio. Argentinos en Francia durante la dictadura, Buenos Aires, Siglo XXI, 2008, p. 182-202.
122 Vázquez I. (dir.), Historia de las Madres de Plaza de Mayo, Buenos Aires, Ediciones Madres de Plaza de Mayo, 2006, p. 24.
123 Loc. cit.
124 Seoane M., « “Somos derechos y humanos” : cómo se armó la campaña », Buenos Aires, Clarín, le 23 mars 2006, [http://www.clarin.com/diario/2006/03/23/elpais/p-01501.htm], consulté le 15 janvier 2014.
125 Schindel E., op. cit., p. 283-288.
126 Bousquet J.-P., Les Folles de la place de Mai, Paris, Stock, 1982, p. 203-204. Jean-Pierre Bousquet relate à nouveau cette situation dans l’entretien que nous avons eu avec lui. Entretien avec Jean-Pierre Bousquet, le 21 novembre 2010, mené en collaboration avec Claudia Feld.
127 Ibid., p. 203.
128 Ibid., p. 217.
129 Schindel E., op. cit., p. 290.
130 La guerre des Malouines commence le 2 avril 1982 et se termine le 14 juin de la même année par une défaite des troupes argentines contre les troupes britanniques. La revendication de ces îles au sud du pays est vieille de plus de cent ans. Cette déclaration de guerre est perçue comme une ultime tentative de la part des juntes au pouvoir de s’y maintenir alors qu’elles doivent faire face à des crises sur plusieurs fronts. Guber R., ¿ Por qué Malvinas ? De la causa nacional a la guerra absurda, Buenos Aires, Fondo de Cultura económica, 2001, p. 107-108.
131 Vázquez I., op. cit., p. 28. Dans cette intervention, Hebe de Bonafini signale que la consigne avait aussi pour objectif de dénoncer la guerre, tout comme elles avaient dénoncé la Coupe du Monde de football. Nous estimons que le fait que les associations aient élaboré une consigne pour les Malouines, alors qu’aucune consigne n’est connue pour la Coupe du Monde, porte à croire que l’intention était aussi de démontrer qu’elles n’étaient pas contre la revendication historique.
132 On peut faire un parallèle avec le cas des exilés argentins en France, pour qui la Coupe du Monde de football et surtout la guerre des Malouines sont à l’origine d’importants débats. Franco M., El exilio. Argentinos en Francia durante la dictadura, op. cit., p. 235-260.
133 Guber R., op. cit., p. 44-45.
134 Il est difficile de savoir si cela est une stratégie ou si les membres des associations pensaient vraiment que la population était prise en otage par les militaires au pouvoir. Nous verrons que la responsabilité potentielle de la société civile est un élément qui est toujours en débat au sein même des associations.
135 Familiares de desaparecidos y detenidos por razones políticas, « Éditorial », Boletín, novembre 1982, p. 3.
136 Mères de la place de Mai, Boletín, année I, n° 1, décembre 1982, p. 7 (majuscules dans l’original).
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