Chapitre I. Les mondes entrelacés du Haut-Mississippi
p. 25-66
Texte intégral
1Lorsque Mathias Loras parvient à Dubuque en 1839 après avoir été fait évêque du lieu en France, il se trouve à la tête d’un diocèse immense, comme beaucoup de ses confrères avant comme après lui : le premier évêque d’un diocèse catholique en zone pionnière a à sa charge une population réduite sur un territoire démesuré et doit donc faire face à des difficultés particulières dues à la faible densité de ses ouailles comme à l’extrême complexité que représente la simple tâche de les joindre toutes. Le diocèse de Dubuque couvre en fait le Territoire de l’Iowa dans ses frontières de cette fin des années 1830. Bordé au nord par la frontière britannique, à l’est par le Mississippi et à l’ouest par le Missouri, il est frontalier au sud de l’État du Missouri qui dépend du diocèse de Saint-Louis. Or en remontant le Mississippi, au-delà de Prairie-du-Chien, le contrôle du territoire et des populations est des plus lâches. Loras, accompagné du père Pélamourgues, entreprend une visite pastorale dans la région lors de l’été 1839, afin de faire le point de la question, puis n’y retourne jamais et ne lui octroie jamais de moyens substantiels.
2C’est à cette région, objectif de la visite de 1839, que je vais m’intéresser ici, jusqu’à ce qu’elle soit érigée elle-même en diocèse de Saint-Paul après qu’elle fut séparée de l’Iowa – et, pour une petite partie, du Wisconsin – pour devenir le Territoire du Minnesota. Il n’existe donc pas de frontières administratives ou religieuses claires auxquelles se rattacher. La région dont il est question peut par contre être définie de plusieurs manières : d’abord par la géographie fluviale, puisqu’il s’agit en fait pour l’essentiel de la portion de la vallée du Mississippi située entre le lac Pepin au sud et les chutes Saint-Antoine au nord, et des vallées des rivières des Sauteux, Sainte-Croix et Saint-Pierre1, toutes trois affluentes du premier. Par la géographie indienne ensuite puisque c’est là l’univers des Dakotas, bordé plus ou moins précisément au nord et à l’est par celui des Ojibwas et des Ho-Chunks2. Par la géographie coloniale enfin car depuis 1819 le Fort Snelling, construit à la confluence du Mississippi et de la rivière Saint-Pierre, offre le seul point d’appui de l’État américain dans les parages. Une partie de ces terres, notamment leurs marges orientales, sur la rive est du Mississippi, échappe en théorie à l’autorité de Mgr Loras : rattachées d’abord au diocèse très lointain de Détroit qui n’en prend jamais soin, elles sont confiées temporairement à Dubuque en 1840 ; puis à partir de 1843 elles appartiennent au diocèse nouvellement créé à Milwaukee, mais lui échappent dans les faits car Mgr Henni n’y prête guère attention, et doivent être supervisées depuis Dubuque et donc, sur le terrain, depuis le poste de Saint-Pierre, face au Fort Snelling.
3La région est traversée de logiques diverses, contradictoires et complémentaires, qui se lisent dans des rapports à l’espace qui se superposent et s’entrecroisent. En ce sens l’arrivée de l’Église catholique ne marque pas de bouleversement : le clergé est trop peu nombreux pour imposer une quelconque logique supérieure, et il ne peut que tenter de s’insérer dans l’univers qui lui préexiste tout en désirant le transformer.
Les géographies croisées du Haut-Mississippi
4La haute vallée du Mississippi a été entre les années 1820 et les années 1840 arpentée par de nombreux explorateurs et voyageurs, qui en ont tous laissé, dans leurs écrits, une sorte de géographie sensible, marquée par quatre éléments fondamentaux : l’immensité de la prairie, la présence de la forêt, la nervure fluviale, et de manière générale, l’élément aquatique. Le froid doit être pensé avec ces éléments : il n’est pour ainsi dire jamais présent dans les écrits de gens de passage, car ceux-ci ne circulent qu’à la belle saison, instruits qu’ils sont de l’enfer que peuvent représenter les longs hivers de la région, lorsque le gel et la neige emprisonnent tout. Ce ne sont guère que les colons qui peuvent s’appesantir sur l’épreuve hivernale, ce temps durant lequel Théodore Bost rapporte que « [sa] respiration […] s’était transformée en givre et [lui] était tombée sur la figure pendant la nuit3 », et qui transforme les rivières en avenues de glace plusieurs mois par an4.
5Néanmoins l’été peut tout aussi bien se révéler difficile. Frank Mayer en a fait l’expérience en 1851. L’artiste avait, depuis Baltimore, choisi de se rendre à Traverse-des-Sioux pour y assister à la signature du traité avec les Dakotas, espérant sans doute y découvrir des sujets qui feraient de lui le successeur de George Catlin ou de Karl Bodmer. La nature se rappela à lui, non loin de sa destination :
« Nous sommes arrivés dans la forêt & au travers taillis et fourrés, par-dessus des troncs épars & et au milieu des marais […], mais notre seule récompense fut la vue d’un petit lac entouré de marais dans lequel nous fûmes obliger de patauger, tourmentés par des hordes de moustiques, de moucherons et de mouches qui veillaient sur leur retraite sylvestre. La chaleur était tout aussi excessive et nous continuâmes par un chemin tortueux vers notre canoë jusqu’à ce que nous arrivions avec bonheur sur un sol sec & des mains et de la bouche nous fîmes tout notre possible pour nous imbiber de l’eau d’une délicieuse source que nous avions découverte au fond d’un vallon densément boisé. L’eau était claire comme le cristal et froide comme la glace mais les moustiques qui semblaient se rassembler à notre approche ne nous permirent pas de profiter en paix de ce pauvre luxe mais nous contraignirent à poursuivre vers la rivière où nous trouvâmes notre canoë intact5. »
6Chaleur extrême, marais, moustiques lors d’un voyage en canot sur la rivière Saint-Pierre. Rien là de très original en somme, et l’affaire aurait pu se produire aussi bien sur la rivière Sainte-Croix ou sur la rivière des Sauteux. Si ce n’était que l’environnement global de ces rivières n’était pas le même, car la région est en fait recouverte pour partie par la prairie, pour partie par la forêt – de feuillus, puis de conifères si l’on s’éloigne vers le nord-est – les deux domaines étant grossièrement séparés par une diagonale qui courrait du nord-ouest au sud-est à mi-chemin des cours parallèles du Mississippi et de la rivière Saint-Pierre. Aussi l’essentiel de cette dernière rivière, dont il sera le plus question dans ces pages, forme un axe boisé au milieu de la Prairie.
7Encore faut-il s’entendre sur la nature de cette prairie. Car elle n’est ici pas entièrement uniforme. Suivons Joseph Nicollet dans l’expédition qu’il mène en juin 1838 avec John C. Frémont. Le voici au-delà de la vallée de la rivière Saint-Pierre :
« À 7 h 5’, nous nous arrêtons pour déjeuner auprès de plusieurs lacs, dont l’un est fort joli par la clarté de ses eaux, sa forme régulière allongée du SE au NO, 2 miles long 1 large. Entre ce lac et la route est un petit bois, que les voyageurs nomment l’ile de la loge d’écorce. Ils donnent en général le nom d’iles de bois à ces bouquets d’arbres, qu’on trouve dans les grandes prairies et qui sont protégés des incendies par quelque courant d’eau ou par quelque accident du terrain.
[…] Ces îles, en fait, sont toutes semblables aux oasis de l’Orient de l’Europe, je pense que le nom doit être appliqué aux îles de bois, aux îles de prairie, Prairie island, de ce continent6. »
8Ces oasis, de plus en plus rares au fur et à mesure que l’on chemine vers l’ouest, forment des éléments capitaux de la vie de la prairie, des haltes et lieux de rendez-vous partagés. De même cette prairie, qui alterne donc humidité des wetlands et danger des jours sans point d’eau, si elle semble un océan végétal, n’est pas sans accidents de terrain. Les ondulations abondent, sans fortes élévations mais avec parfois un poids symbolique important : le « Côteau de Prairie » que tant de voyageurs vers l’ouest notent et veulent atteindre, voire passer, marque ainsi la ligne de partage des eaux entre les bassins du Mississippi et du Missouri.
9Le Haut-Mississippi lui-même, comme les rivières Sainte-Croix et des Sauteux, traversent des paysages plus variés, des forêts entrecoupées de clairières, voire de bribes de prairie, dans un milieu où marais et lacs abondent. Joseph Cretin, en visite pastorale, doit ainsi, « par la chaleur du mois de juillet, plusieurs fois longtemps sans eau », débuter le voyage qui le mène du lac Pepin aux établissements de Jean Brunet sur la rivière des Sauteux d’une manière qu’il décrit comme fort déplaisante :
« Il ne m’a pas été possible de remonter le courant de la rivière canot, elle était alors débordée & trop rapide. Mon guide qui ne connoissoit que le chemin que l’on suit dans les basses eaux m’a fait voyager tout le 1er jour dans l’eau jusqu’à la ceinture, en m’assurant qu’il n’y avoit pas d’autre chemin. Le lendemain, il nous a fallu traverser plusieurs petites rivières et ravins profonds tout remplis d’eau7. »
10La « profondeur » des ravins est ici à noter, car en effet les vallées sont relativement encaissées, à commencer par celle du Mississippi : certes son court amont coule, comme celui de la rivière Saint-Pierre ou comme la rivière Rouge (qui elle déroule son cours vers le nord) au milieu de la prairie et au fil de berges basses et de rives très facilement inondables mais « les falaises rocheuses commencent précisément aux chutes Saint-Antoine8 », au sud desquelles la vallée est encaissée et dévoile de belles falaises et des promontoires dont celui de la confluence de la rivière Saint-Pierre et du Mississippi qui dès le passage de Zebulon Pike en 1805 a été logiquement envisagé comme un site idéal pour la construction d’un fort.
11Il faut ici faire la part de ce qui relève d’une part d’une vision coloniale de l’environnement, des angoisses et des attentes des Anglo-Américains et des Européens qui pénétraient cet espace en l’envisageant dans sa « sauvagerie », mais aussi dans les potentialités qu’ils y lisent, en y voyant leur avenir : « Quel pré pour un fermier ! », s’exclamait ainsi Georges Featherstonhaugh en 1837 en contemplant les prairies à l’ouest du Lac-qui-Parle9. Mais, d’autre part, s’il peut y avoir des points de jonction entre imaginaires, comme par exemple l’importance des portages en amont des rivières Sainte-Croix et des Sauteux qui permettent d’atteindre les Grands Lacs, la géographie des Dakotas, des Ojibwas ou des Métis n’est pas celle des colonisateurs. Ce sont en fait plusieurs conceptions et constructions de l’espace qui se superposent.
Les mondes indiens
Les Dakotas au centre du jeu
12Deux écueils guettent celui qui veut écrire l’histoire amérindienne : d’une part la vieille antienne colonisatrice qui assimile Indiens et Nature dans un même ensemble sauvage voué à la disparition devant le front pionnier civilisateur, et d’autre part son inverse idéologique qui transforme le pays indien en Arcadie écologique intemporelle, lieu de la réalisation parfaite de l’harmonie entre l’homme et son environnement dans une histoire devenue immobile.
13Historiciser l’expérience dakota consiste donc avant tout à comprendre que la situation des Dakotas dans les années 1830 et suivantes n’est pas identique à celle qu’ils connaissaient lorsque les Français avaient pris contact avec eux à la fin du xviie siècle – époque des premières sources écrites sur le sujet, qui doivent être complétées par l’archéologie et les sources orales – ou à la fin du xviiie siècle lorsque le pouvoir britannique se substitue à l’État français10. Les Sioux sont lors des contacts coloniaux installés dans les forêts du Minnesota et du Wisconsin actuels, au contact de la Prairie. Ils subissent les contrecoups indirects de la colonisation et, poussés par les Ojibwas, se décalent légèrement vers l’ouest. Les Lakotas, comme les Nakotas, deviennent alors un peuple des Plaines, tandis que les Dakotas demeurent sur la limite entre forêt et prairie, sur le Haut-Mississippi et surtout autour de la rivière Saint-Pierre. À partir de la fin du xviiie siècle les Lakotas choisissent d’adopter le cheval, dont la lente remontée du Mexique est désormais bien connue, et de se faire nomades dans le sens plein du terme, contrairement à de nombreuses tribus des Plaines mais parallèlement aux Comanches plus au sud. Ils deviennent alors les maîtres des Plaines du nord, se substituant aux Mandans semi-sédentaires11. Les Dakotas maintiennent un mode de vie qui les rapproche davantage de l’ensemble des tribus de la vallée du Missouri, fondé sur une alternance de périodes de chasse et de vie sédentaire.
14Lorsque les missionnaires protestants s’installent dans les années 1830 chez les Dakotas, ceux-ci suivent un cycle lunaire : les cinq lunes d’hiver sont consacrées en priorité à la chasse, les cinq lunes d’été au traitement des produits de la chasse et aux produits de la terre, le tout laissant deux lunes intermédiaires en avril et octobre. Ce qui signifie que de novembre à janvier la chasse (aux cervidés surtout) est intensive et entraîne donc une importante mobilité des groupes, avant que des villages ne se stabilisent autour d’activités plus sporadiques de chasse ou de pêche et surtout d’une sociabilité importante. En avril les villages se dispersent, les hommes partant à la chasse au rat musqué et les femmes récoltant le sirop d’érable. À partir de mai se constituent les grands rassemblements d’été : villages de cabanes d’écorce, chasse et pêche encore mais surtout activités agricoles, c’est-à-dire avant tout culture du maïs, qui est récolté jusqu’en octobre, après la moisson de riz sauvage. Les villages sont situés le long du Mississippi et de la rivière Saint-Pierre : les Mdewakantons occupent ainsi six villages dans la première moitié du xixe siècle, entre l’amont du lac Pepin et l’actuelle ville de Shakopee, au centre donc de la région étudiée ici, tandis que les Sissetons, Wahpetons et Wahpetukes occupent les terres plus vers l’ouest et le nord-ouest.
15L’activité de traite commerciale liée à la présence coloniale se glisse parfaitement dans le rythme dakota, qu’elle vient renforcer de ses exigences propres. Les marchands, en l’occurrence ceux de l’American Fur Company (AFC), souhaitent les meilleures fourrures, celle des mois les plus froids. Les espèces terrestres les portent autour de décembre et janvier, les espèces aquatiques (rat musqué, castor) en mars et avril. Le printemps est donc la saison privilégiée du commerce, au retour de l’hiver de chasse des Dakotas. De surcroît pendant très longtemps ce sont les Européens et les Anglo-Américains qui ont dû s’adapter, s’intégrer aux logiques sociales, culturelles et économiques des Dakotas, comme ils le firent dans la plupart des cas sur le continent. Cela passait surtout par l’insertion dans les réseaux de parenté, et donc par le jeu des alliances matrimoniales entre trappeurs et Indiens. Mais les années 1820, et plus encore les années 1830 voient ce modèle s’effriter et entraîner les Dakotas dans la crise : l’AFC densifie son réseau de postes de traites, rompt avec la logique d’intégration des réseaux indiens et accentue sa demande de fourrures. L’agent du gouvernement américain, Lawrence Taliaferro, mêle l’ancien – il prend femme parmi les Dakotas – et le nouveau : représentant de la loi, il est aussi celui de la « civilisation » et commence timidement à suggérer une évolution de leurs modes de vie aux Indiens. Ainsi en 1829 il confie à Philander Prescott la gestion de terres autour du lac Calhoun pour y implanter une colonie agricole dakota, sur la base du volontariat et sans grand succès12.
16Une telle pression aboutit au premier traité signé entre des Sioux et les États-Unis, le 29 septembre 1837, par lequel les Dakotas (les Mdewakantons sont les premiers concernés) abandonnent leurs terres à l’est du Mississippi13. Ou du moins le traité tel qu’il est pensé et compris par le gouvernement suppose un tel abandon, que les Indiens (pas plus les vingt et un délégués envoyés négocier à Washington que la population qui apprend la nouvelle à leur retour) n’envisagent pas comme ferme et définitif : ils acceptent le déplacement d’un village d’une rive du Mississippi à l’autre, mais ne pensent pas devoir renoncer pour autant à tous leurs droits sur une région qui est leur territoire depuis des décennies. Ce sont les familles métisses qui ont pris conscience les premières, et immédiatement, des conséquences réelles du traité et l’ont dénoncé, assurant sans en avoir les moyens qu’ils ne l’appliqueraient pas14. Ce traité est en fait des plus classique, il s’inscrit dans la ligne politique définie par Thomas Jefferson lors de sa présidence, de 1800 à 1808, puis renforcée par Andrew Jackson, qui consiste à employer tous les moyens de pression possibles pour contraindre les Indiens à négocier un retrait de leur part toujours plus à l’ouest, tout en employant le discours du nécessaire effort de « civilisation » des tribus15. Dans les faits, il s’agit toujours de s’approprier des terres que les colons ont en ligne de mire. Il s’agit d’une « saisie » de terres plus que d’une « cession16 » : le Territoire du Wisconsin créé en 1836 avait besoin que les Indiens soient déplacés pour envisager son propre développement, notamment dans le domaine du bois. Les scieries se multiplient, en effet, dès cette année 1837 le long des rivières des Sauteux et Sainte-Croix désormais libres, aux yeux des colons, de leurs Indiens.
17Pour important que fut le traité, il ne remettait pas encore en cause l’essentiel : jusqu’à la fin des années 1840, la population dakota est de très loin la plus nombreuse de la région, sans commune mesure avec les quelques centaines de colons, et les villages mdewakanton notamment, ceux de Wabashaw, Red Wing, Kaposia (village de Little Crow, Petit-Corbeau dans les sources francophones), Black Dog, Penetion (ou Penichon) et Shakopee (le village du Six pour les Français), restent bien les plus grands foyers de peuplement le long du Haut-Mississippi et de la rivière Saint-Pierre.
Autour des Dakotas
18Si l’on veut bien considérer les Dakotas comme le centre de cette histoire, il faut considérer aussi leurs périphéries. Il suffira de donner pour l’instant quelques précisions sur les Ojibwas et les Métis.
19Quelques mois avant que les Mdewakantons ne signent leur traité à Washington, c’est à Saint-Pierre (Mendota), au début du mois d’août 1837, que Lawrence Taliaferro avait obtenu des Ojibwas la même cession des terres à l’est du Mississippi, celles situées au nord des territoires dakotas17. Il s’agissait là d’une bribe seulement des régions peuplées par les Ojibwas : ceux-ci en effet, depuis le xviie siècle, poussés par la colonisation française, avaient pénétré l’ouest des Grands Lacs, et occupaient alors les rives nord et sud du lac Supérieur, côté britannique, donc, comme côté américain. Peuple des forêts et des lacs, grands consommateurs de riz sauvage, ils participent comme les Dakotas, et comme toutes les tribus de la région, aux réseaux de traites qui les lient à la côte Est du continent, et au-delà à l’Europe et qui ont altéré sans doute leur culture dans des proportions qu’il est parfois difficile de préciser18. L’important ici réside surtout dans leurs relations conflictuelles avec les Dakotas, dont on peut dater les prémices des migrations du xviie siècle et l’intensification des années 1730 sans doute. Jusque-là les sources françaises sont très claires encore sur l’existence d’une alliance entre Ojibwas et Dakotas. Il s’agit d’une guerre faite de périodes de trêves et de période de combats, sous la forme de raids et d’embuscades qui renforcent les colonisateurs de toutes sortes dans leurs préjugés sur la sauvagerie irrationnelle, comme innée, des Indiens mais qui les incitent aussi à intervenir pour assurer une stabilité indispensable à la bonne marche des affaires commerciales. Philander Prescott est témoin d’un de ces épisodes guerriers, en 1839 : durant deux semaines d’été, un millier d’Oijbwas, à l’invitation des Dakotas, séjourne autour de la confluence entre Mississippi et rivière Saint-Pierre, afin d’engager des pourparlers de paix et de procéder aux rituels idoines. Mais au moment de leur départ, deux d’entre eux, arguant d’une dette du fait d’un meurtre d’un Ojibwa par un Dakota l’année précédente, assassinent Neka, un Dakota du lac Calhoun, et emportent son scalp. Le résultat ne se fait pas attendre : « La nouvelle s’était répandue dans tout le pays en une demi-journée, et le matin suivant les Sioux étaient au nombre du 300 sur le sentier de la guerre. » Les Dakotas partent à la poursuite des Ojibwas en deux groupes : l’un par la rivière Rice rattrape un parti ennemi et engage une bataille qui fait 60 morts du côté des défenseurs, une quinzaine du côté des assaillants ; l’autre, la bande de Little Crow, par la rivière Sainte-Croix, massacre environ 20 Ojibwas19. On est là face un cas de violence cyclique, qui a sa logique propre, celle de « dettes », pour reprendre l’expression de Prescott, qui se renouvellent par-delà les phases de paix. Ce type de relations inter-indiennes se retrouverait si l’on se penchait sur le cas des Sacs, des Fox ou de Ho-Chunks, qui occupaient ce qui devint le Wisconsin, ou sur le cas des Indiens des Plaines, Lakotas ou Cree, à l’ouest et au nord-ouest des terres des Dakotas.
20Les Métis posent d’autres problèmes. Longtemps l’historiographie les concernant a été déséquilibrée : abondante au Canada, très limitée aux États-Unis alors que le phénomène du métissage génétique et/ou culturel entre colonisateurs et Indiens ne connaissait pas la frontière. Jennifer Brown, constatant cette dichotomie, affirme que la force de la dualité raciale dans la culture américaine a eu tendance à effacer de la mémoire comme de l’histoire le métissage et les communautés métisses20. On peut aussi arguer qu’il n’y eut guère de communautés métisses, finalement, aux États-Unis, et donc peu d’entretien de la mémoire par la visibilité d’une communauté effective et ses revendications. Car il y a en fait deux processus différents : d’un côté des couples mixtes qui donnent naissance à une progéniture porteuse de deux cultures, et de l’autre côté l’ethnogenèse des Métis qui se reconnaissent et se définissent comme tel, processus qui a pris racine sur la rivière Rouge et s’est développé dans les Plaines canadiennes. Nicole St-Onge a bien montré à quel point « être Métis », au Canada, avait évolué « de l’affirmation d’une ascendance à une identité collective assumée autour de laquelle chacun se mobilise et combat21 ». Cette identité n’apparaît réellement qu’à partir des années 1870, du fait de la création de la Confédération canadienne, avant laquelle la mobilité géographique et la fluidité culturelle demeuraient de mise. L’ethnogenèse est un processus de longue haleine. Les Métis canadiens, depuis que Marcel Giraud s’est penché sur leur cas dans les années 1940, n’ont cessé d’attirer l’attention en tant que communauté, celle qui a généré Louis Riel et les révoltes de la fin du xixe siècle, celle dont l’origine doit encore être analysée pour en comprendre la permanence22. Les métis américains ont surgi dans le paysage historiographique autour de 1980 du fait des travaux de Jacqueline Peterson sur les Grands Lacs, menés en parallèle à ceux de Jennifer Brown et de Sylvia Van Kirk sur le Canada23. Peterson révélait l’existence de « communautés » métisses, qu’elle cartographiait, mais sans réellement s’interroger sur la pertinence du terme, en confondant constat de naissances mixtes et d’individus génétiquement métissés et construction consciente d’une identité collective. Depuis, les recherches se sont poursuivies sur deux axes. D’abord il s’agit de mesurer les mariages interraciaux et d’en comprendre le sens dans des espaces-temps spécifiques faits de relations commerciales entre une majorité indienne et une minorité colonisatrice, en particulier dans les Rocheuses, sur le Missouri24. Ensuite il faut scruter la place que peuvent occuper ces métis dans les sociétés dont ils sont issus, c’est-à-dire s’interroger sur leur fonction, fragile, de pont entre communautés, d’intermédiaires culturels et commerciaux25. Cette historiographie adopte souvent comme postulat l’acceptation française de la mixité raciale, qui participe des mythes qui entourent l’histoire de la relation franco-indienne et qui peut être relativisée, au moins pour un xviiie siècle qui connaît en fait un raidissement des postures raciales et une faiblesse, dans certains cas, des fameuses unions mixtes26.
21Il existe dans ce qui deviendra en 1849 le Territoire du Minnesota les deux types de réalités décrites ci-dessus : des individus métissés et une communauté de Métis. Les premiers seront au centre de l’analyse dans les pages qui suivront. Sur la frontière canadienne, dans la vallée de la rivière Rouge et en lien profond avec les établissements du même type dans les possessions britanniques se trouve Pembina, qui est une véritable communauté de Métis qui participe de l’ethnogenèse susmentionnée27. Mêlant habitat en dur et chasse saisonnière aux bisons, composée de plusieurs centaines d’habitants, pour la plupart francophones et catholiques, elle constitue vue du sud, c’est-à-dire de Fort Snelling ou de Dubuque, une sorte d’isolat bien lointain et bien étranger, et il est symptomatique que la paroisse soit, même après que la frontière américano-britannique a été clairement fixée, prise en charge par le seul prêtre canadien du Minnesota, George Belcourt, qui arrive sur place en 1848, et que Mgr Grace, en 1861, en confie la charge aux Oblats de Marie-Immaculée, c’est-à-dire la renvoie vers l’univers des Plaines canadiennes. Mgr Loras, depuis Dubuque, comme Mgr Cretin depuis Saint-Paul, n’auront pas pu – ou pas voulu – grand-chose pour les Métis de Pembina.
22Pourtant il est impossible d’évacuer la question métisse de l’histoire du pays dakota, et ceci pour deux raisons. D’abord parce comme le signalent Brenda Macdougall et Nicole St. Onge, les Métis fonctionnent par unités familiales mobiles et leur sens de l’espace est radicalement différent de celui des colons euro-américains, difficile à saisir pour ceux-ci autant que pour le chercher contemporain. La vallée de la rivière Rouge n’est que la périphérie orientale d’un monde bien plus vaste, et la haute vallée du Mississippi comme celle de la rivière Saint-Pierre, bien que négligées par l’historiographie des Métis, sont dans une position similaire : les familles des Métis les considèrent comme partie prenante de leur monde, elles les habitent à leur manière mouvante, et les mêmes réseaux familiaux qui habitent les Plaines fréquentent les vallées du futur Minnesota28. Les circulations commerciales, culturelles, humaines sont constantes entre rivière Rouge et Mississippi. Ensuite parce que le contact entre chasseurs et employés des compagnies d’un côté, et Dakotas de l’autre, fut également générateur de métissage. Mais celui-ci, s’il a produit des individus métissés, n’a pas produit de communauté métisse : il n’y eut pas d’ethnogénèse à la confluence, ce qui n’en rend pas la situation moins complexe et les réseaux familiaux moins présents. Les travaux de Jane Lamm Carroll sont éloquents sur ce point : centrés sur les familles anglo-dakotas, ils révèlent la force des réseaux de parenté et la diversité des stratégies familiales et individuelles face aux bouleversements du monde, mais sans qu’une identité collective forte ne semble émerger29. Il en est de même des familles franco-dakota (ou canadiano-dakotas) dont il sera beaucoup question dans les pages et chapitres suivants : elles sont d’autant plus intéressantes qu’elles se situent à la jonction, bien repérée par Jacqueline Peterson30, entre le système des Grands Lacs et celui des Plaines, entre le lieu de l’effacement des métis et celui de la naissance des Métis. Or les réseaux familiaux sont très vastes et au sein d’une même famille il peut y avoir effacement symbolique d’une branche métisse et maintien d’une autre parmi les Métis.
Le nœud commercial colonial
23La vallée du Haut-Mississippi est en effet très tôt intégrée à la sphère coloniale européenne. Ce qui ne signifie pas qu’un pouvoir colonial s’y impose en force, mais bien que les Dakotas, comme les Ojibwas, participent à partir du xviie siècle aux réseaux marchands qui mènent à l’Atlantique et au-delà, et que dans le même temps les Européens se mêlent aux réseaux commerciaux et sociaux des forêts comme de la Prairie. L’histoire de la région est donc par essence transnationale : c’est d’abord l’histoire de ces terres entre empires au milieu desquelles progressivement des frontières nationales sont tracées. À l’époque de la fourrure, ces lignes sont encore inexistantes, ou très poreuses. C’est aussi une histoire d’échappées lointaines vers la rivière Rouge, les Grands Lacs, les Grandes Plaines, Montréal, New York et l’Europe.
L’initiative française
24Ce sont les Français qui les premiers investirent la région, qui constituait pour eux l’extrémité ouest d’un Pays d’en Haut centré sur les Grands Lacs. Les Sioux sont entrés dans la conscience et la géopolitique française dans les années 1660, lorsque les guerres iroquoises poussent vers l’ouest des Hurons-Pétuns et des Outaouais qui faisaient déjà partie de la sphère française et se trouvent dès lors en contact avec les Dakotas. Plusieurs problèmes se posent alors : les Indiens du Pays d’en Haut, surtout ceux de l’actuel Wisconsin, orientent leurs efforts guerriers vers les Sioux à l’ouest tandis que les Français souhaitent qu’ils s’attaquent aux Iroquois à l’est. D’autre part, le commerce avec les Sioux semble rapidement profitable mais difficile à capter car très lointain, hors des sphères relationnelles habituelles. Le Haut-Mississippi étant réputé riche en castors (que les Français échangent contre couvertures, couteaux, haches…), des coureurs des bois arrivent à partir des années 1680, ce qui aboutit à la construction de forts, isolés et au destin incertain : le fort Saint Antoine, bâti en 1685 sur les rives du lac Pepin par Nicolas Perrot et ses associés, attaqué dès 1686 et 1687, ou le fort l’Huillier, sur la rivière Saint-Pierre, à la durée de vue très brève, en 1700-1701. Mais, ainsi que Gilles Havard l’a bien montré, si l’empire français s’étend, c’est au détriment de son équilibre, puisque les Français en pénétrant le réseau dakota s’aliènent leurs propres alliés car ceux-ci sont les ennemis des dits Dakotas31. C’est donc dans un contexte tendu, où des compromis n’empêchent guère sur le long terme que la présence française s’étende encore, au xviiie siècle, vers les Plaines, que le commerce se poursuit, toujours menacé parce que toujours marginal. C’est ainsi qu’en 1746 encore un traitant français conseille de bien veiller à ne pas pratiquer de prix trop élevés dans le commerce avec les Dakotas tant ils pourraient alors perdre leur faim récente de produits français32.
25La situation reste donc délicate, mais malgré les atermoiements de la politique régionale de la France, les liens ne sont jamais coupés. Lorsque Jonathan Carver, premier Britannique à pénétrer la région après qu’elle a changé de souveraineté coloniale en 1763 (devenant mi-espagnole mi-britannique) relate son voyage, il ne peut que souligner cette persistance de la présence française. D’abord parce qu’arrivant par le lac Pepin, il sait que la France s’y installa, sous la forme d’un « trading house or factory », c’est-à-dire non pas un fort mais un simple poste commercial avancé en pays indien. Cette présence séculaire a laissé des traces évidentes : la langue d’abord, en témoigne l’obligation pour Carver de faire traduire ses discours en français – puis en diverses langues indiennes – afin d’être compris ; les hommes ensuite : à l’embouchure de la rivière des Sauteux ce sont des marchands venus de « Louisiane » ou de Michilimackinac qu’il rencontre, et plus au sud, à Prairie-du-Chien, les praticiens du commerce indien demeurent français, en l’occurrence Charles Gautier et Joseph Réaume. Carver se plaint de cet état de fait, et proteste contre la politique espagnole qui mène au maintien du commerce dans des mains françaises et à la continuelle orientation des routes de la fourrure vers les vieux postes français du Pays des Illinois. Mais malgré tout les temps ont changé ; les autorités militaires à Michilimackinac comme à Prairie-du-Chien sont bel et bien britanniques, ce sont le major Rogers ou le capitaine Tute, et bientôt les marchands britanniques interviennent en force33.
L’ère britannique
26Juridiquement, les Britanniques obtiennent la souveraineté sur l’est du Mississippi en 1763, et la perdent en 1783 en accordant leur indépendance aux Treize Colonies. L’ouest, lui, demeure espagnol jusqu’à la vente de la Louisiane aux États-Unis – ici encore plus qu’en basse-Louisiane le transfert de l’Espagne à la France décidé en 1800 est resté sans effet. Au demeurant la date de 1803 n’a guère de sens non plus sur le Haut-Mississippi : par le traité de Jay en 1795 les Britanniques acceptaient enfin de retirer leurs forces de la région des Grands Lacs et du Mississippi, mais dans les faits la rupture est encore plus tardive et peut être datée du traité de Gand, signé en décembre 1814, qui met fin à la guerre de 1812. Ce n’est qu’après cette date que les Américains s’installent. Ils avaient laissé la voie libre, auparavant, à une concurrence anglo-espagnole.
27Cette période demeure quelque peu dans l’ombre : les historiens américains ont pris l’habitude de ne faire commencer leur récit qu’avec la construction du Fort Snelling en 1819, ce qui précède ne pouvant faire office que d’introduction. Les historiens britanniques ou canadiens ont peu envisagé le développement du commerce dans une région qui devait devenir américaine, comme si le 49e parallèle continuait d’exercer parfois un effet nationalisant néfaste et absurde sur l’historiographie du commerce de la fourrure34. Or il doit être évident que le développement du commerce fait fi durant ces années des frontières nationales et impériales. Non pas qu’il existe un seul grand espace unifié et pacifié, loin de là : les rivalités existent entre Royaume-Uni, Espagne et États-Unis, entre acteurs commerciaux au sein de ces ensembles, et entre peuples indiens impliqués – et souvent encore, autour de 1800, dominant dans le commerce. Mais ces rivalités ne s’expriment pas sur des lignes rigides. Ainsi de Prairie-du-Chien, qui se développe à partir des années 1780, comme des postes de la rivière Rouge, les marchands britanniques pénètrent la vallée du Missouri, encore sous contrôle théorique espagnol jusqu’en 1803, et tentent d’intégrer les réseaux mandans. Le Haut-Mississippi, lui, est finalement juste en deçà de cette zone heurtée où les trafiquants britanniques et espagnols – puis américains à partir de l’expédition Lewis et Clark (1804-1806) – se livrent une âpre lutte. Là, peu de concurrence jusqu’au milieu des années 1810 et un fructueux commerce avec les Dakotas comme avec les Ojibwas.
28Pour autant il n’y a pas de poste de traite capital dans la région elle-même35. Ils sont en périphérie, sur la rivière Rouge, le lac Supérieur (Grand Portage, puis Fort William en 1801 pour éviter de susciter l’ire américaine en maintenant un fort au sud du 49e parallèle ; Fond-du-Lac dont le fort est maintenu jusque 1816 bien qu’en territoire officiellement américain), à Prairie-du-Chien. Mais les cours d’eau sont sans cesse empruntés, et des postes de moindre importance peuvent y voir le jour. Ce sont des hommes venus du Bas-Canada qui animent le trafic avec leurs partenaires indiens. Ainsi, explique Jean-Baptiste Perrault, se crée en 1785 à Mackinac et pour trois ans une Compagnie générale du lac Supérieur et du Sud : « Je me présentai moi-même au bureau de la compagnie, et je fus engagé pour hiverner avec M. Laframboise pour la somme de 50 livres, valeur du Haut-Canada, sur la Rivière des Sauteux, le Haut-Mississippi et à l’entrée du Lac Pepin36. » Après l’hiver, Perrault et Laframboise retrouvent à Prairie-du-Chien l’équipe qui a hiverné sur la rivière Saint-Pierre, dont Joseph Renville, que nous retrouverons, comme Joseph Laframboise, à de nombreuses reprises. Dans les années suivantes, c’est la Compagnie du Nord-Ouest, fondée par des Montréalais et reconnue par la Couronne en 1784, qui s’empare du trafic, et use des mêmes voies de pénétration, et notamment la rivière des Sauteux omniprésente dans le journal tenu par François-Victor Malhiot lorsqu’il dirige les opérations de la Compagnie dans la région depuis la rive sud du lac Supérieur37. En 1805, pour sa part, Zebulon Pike38, mène depuis Saint-Louis la première expédition américaine sur le Haut-Mississippi – expédition ambiguë puisque commanditée par le général James Wilkinson, gouverneur de Haute-Louisiane plus animé par ses ambitions personnelles que par le service de l’État. Pike remonte le fleuve, croise marchands britanniques, employés canadiens et nations indiennes. En pays ojibwa, il outrepasse largement ses ordres en détruisant le pavillon britannique qui flottait sur le poste de la Compagnie du Nord-Ouest du lac Leech, geste par ailleurs totalement vain tant Pike dépendait en fait de cette même compagnie pour sa survie dans la région39. Le passage de l’explorateur n’est que de peu de poids face aux réalités du terrain : le commerce est sous la domination des Anglais et des Écossais de Montréal, avec un personnel en très grande majorité francophone, le français demeurant la langue de travail dans le trafic de fourrure pour des années encore.
Les temps américains
29Néanmoins les Américains s’imposent malgré tout dans la région du Haut-Mississippi, à partir des années 1820 et d’un point de vue politique autant que commercial, étant entendu que cette nouvelle puissance est encore toute relative : elle demeure numériquement peu imposante, géographiquement isolée et surtout liée à la puissance indienne même si elle tend à s’en défaire peu à peu. L’histoire de la prise en main du commerce par les Américains est d’une grande complexité tant les structures se succèdent et s’emboîtent. Ainsi jusqu’en 1827 c’est avant tout la Columbia Fur Company qui l’emporte. Au sein de laquelle dominent encore des hommes venus du Canada, comme Joseph Renville ou Jean-Joseph Rolette. Leurs fidélités sont fluctuantes : ainsi en 1822, on apprend par Jacques Porlier que Rolette continue d’être connu sous le nom de l’« Anglais », et qu’il n’hésite pas à manœuvrer une bande dakota afin de déloger un traitant indépendant venu du sud et qui avait pourtant obtenu une licence américaine, Augustin Grignon40. Mais en 1827 John Jacob Astor, le magnat new-yorkais fondateur de l’AFC, intervient et, associé avec Bernard Pratte & Company, de Saint-Louis, créé une région (outfit) du Haut-Mississippi, dirigée depuis Prairie-du-Chien sous l’égide d’Hercules Dousman. Dès 1832 Astor signifie son intention de se retirer et des négociations s’engagent sur la suite des opérations. En 1834, la vallée du Missouri est confiée aux marchands de Saint-Louis (la famille Chouteau41) et une nouvelle AFC garde le contrôle des Grands Lacs et du Haut-Mississippi. Le contrat signé le 15 août 1834 pour six ans crée une région ouest (Western outfit), dont l’AFC, toujours sise à New York et désormais dirigée par Ramsay Crooks, possède la moitié des intérêts. L’autre moitié est partagée localement entre Joseph Rolette (50 %), Hercules Dousman (30 %) et Henry H. Sibley (20 %). La Compagnie a d’autant plus les coudées franches que la concurrence britannique est enfin atténuée. Ainsi en février 1835 les bureaux new-yorkais de la compagnie s’inquiètent et appellent à la fermeté en s’adressant à l’agent William Aitken :
« Nous avons reçu ici des rapports à propos de problèmes que vous auriez eu avec les Indiens : plutôt que de payer les prix que vous jugiez bons, ils seraient tous allés s’approvisionner aux postes de la Compagnie de la Baie d’Hudson. […] si le mécontentement des Chippewas devait les mener à inviter vos voisins britanniques de ce côté-ci de la frontière pour y faire du commerce, et s’ils sont assez fous pour le faire, je compte sur vous pour vous saisir d’eux et de leurs biens, vous seriez parfaitement dans votre droit. […]. Je pense et j’espère que la Compagnie de la Baie n’interférera pas avec nos intérêts sur notre propre territoire42. »
30Pourtant moins de trois semaines plus tard tout est rentré dans l’ordre, et l’AFC ne peut que se féliciter de l’attitude la Compagnie de la baie d’Hudson, qui a refusé l’offre des Ojibwas des États-Unis de commercer avec les Britanniques : le respect de la frontière est désormais chose acquise, le terrain bien délimité entre les compagnies britannique et américaine43.
31Année de la fin de l’AFC et de la victoire des Chouteau, 1842 voit le départ de Rolette du western outfit. Le capital est redistribué et les années suivantes voient surtout une modification du pôle de la traite : plus que Prairie-du-Chien, c’est le modeste poste de Saint-Pierre (nommé aussi St. Peter, ou encore Mendota), face à Fort Snelling, qui devient le centre du commerce avec les Dakotas et les Ojibwas. C’est Henry Sibley qui domine ce nouveau monde commercial – sans parvenir pour autant à écarter des trafiquants indépendants comme les Renville ou les Faribault –, durant ces dernières années de domination du commerce de la fourrure dans la région. Dernières années car une pression colonisatrice d’un nouveau modèle, avide non de liens commerciaux avec les Indiens mais de terres à cultiver, mène à la spoliation des terres des dits Indiens, en 1837 d’abord à l’est du Mississippi, en 1851 ensuite, lors du traité de Traverse-des-Sioux, pour l’ouest du fleuve44.
32En tout état de cause, l’AFC, sous ses divers visages, a multiplié les forts, augmenté la demande de fourrures et transformé la région, en jouant de la présence étatique. Le gouvernement américain est représenté par l’armée, logée au Fort Snelling, à la confluence du Mississippi et de la rivière Saint-Pierre, et par un agent indien, notamment Lawrence Taliaferro de 1819 à 1839. Les marchands profitent de la protection fédérale mais dans le même temps subvertissent l’ordre que l’État, par l’intermédiaire de ses représentants, tente d’imposer, surtout en important de l’alcool, utile au commerce mais non à la paix.
33L’essentiel est ici que, même si le commerce s’appuie toujours sur une population majoritairement francophone, le Haut-Mississippi prend de plus en plus la couleur d’un pôle colonial anglo-américain dans ces années 1830-1840.
Le pôle américain
34La présence coloniale américaine s’exprime en fait par quatre canaux. Trois sont issus de l’État fédéral lui-même : l’armée cantonnée sur place, l’administration indienne, et les expéditions exploratoires envoyées régulièrement dans la région. S’ajoute un quatrième canal : les missionnaires protestants qui investissent le pays dans les années 1830. Tout concourt à ce que Charles Lanman, en voyage sur le Mississippi en 1846, écrive :
« Le hameau de Saint Peter est à l’embouchure de la rivière Saint Peter, et marque le point terminal de la partie navigable du Mississippi. Mon séjour ici a été intéressant à beaucoup de points de vue. Je me sens comme sur le bord extrême du monde civilisé, et tout ce qui est au-delà constitue pour le voyageur ordinaire un monde sauvage et mystérieux45. »
35Comme d’autres avant lui et après lui, Lanman est persuadé de visiter les zones limites de l’expansion américaine. Tocqueville et Beaumont quinze ans auparavant les cherchaient dans le Michigan, et deux décennies plus tard les voyageurs commenceront à les imaginer dans les Rocheuses. Ce qui est trouvé correspond à chaque fois à une phase de la conquête par les États-Unis d’un territoire qu’ils rendent « national » en y imposant leur ordre. Celui-ci passe ici d’abord par Fort Snelling46.
36Zebulon Pike s’était surtout attardé sur la géographie indienne, en marquant une pause au village de Petit-Corbeau (Little Crow) en sachant bien qu’il était là dans un pôle commercial dont les Américains pourraient tirer profit. Il avait acheté des terres dakotas en espérant y fonder la puissance régionale américaine mais l’achat n’a jamais été validé par le Sénat. Stephen H. Long, lui, en 1817, porte un regard acéré sur les lieux, celui de l’ingénieur topographe militaire :
« Après être arrivés à Saint Peter nous avons fait halte pour deux ou trois heures, pour observer la contrée. À l’embouchure de la rivière se situe une île d’une étendue considérable, séparée de la terre ferme par un bras du Mississippi dans lequel la rivière Saint Peter elle-même se jette. Les navires qui remontent le Mississippi empruntent habituellement ce bras, puisqu’il est plus profond que le canal qui court de l’autre côté de l’île. Surplombant immédiatement l’embouchure de la Saint Peter on trouve une étendue de prairie remontant loin le long de cette rivière et au-delà de trois-cent-cinquante yards de marais. […] En remontant le Mississippi, au-delà de la falaise, le terrain s’abaisse progressivement sur six-cent yards et alors commence une vallée peu encaissée. Mais sur la Saint Peter, la falaise conserve la même hauteur, interrompue par quelques ravines de faible profondeur. Un ouvrage militaire de taille considérable pourrait être construit sur ce point et pourrait être rendu suffisamment sûr en occupant les hauteurs sur l’arrière […] en contrôlant […] toutes les hauteurs environnantes à la portée d’une batterie de douze livres. Un tel poste serait nécessaire pour contrôler la navigation sur les deux rivières47. »
37Le site semble donc idéal. C’est bien là qu’en 1819 la troupe est envoyée :
« Depuis son arrivée, la garnison a défriché et mis en culture environ quatre-vingt-dix acres des meilleures terres de prairie basse, plantés surtout en blé indien et en pommes de terre ; à leurs cotés un grand hôpital, des jardins privés, de compagnie et de régiment, qui fournissent des légumes en abondance pour toute la troupe. On nous a présenté du maïs vert, des pois, des haricots, des betteraves, des radis, de la laitue, etc… Les premiers petits pois ont été dégustés le 15 juin, les premiers grains de maïs vert le 20 juillet48. »
38Stephen Long est témoin des avancées des soldats-défricheurs trois ans plus tard, lorsque le colonel Josiah Snelling est aux commandes du fort qui porte désormais son nom. Les cinq compagnies du 5e régiment d’infanterie qui occupent le poste ont su bâtir quelque chose de confortable, et même d’« élégant » pour ce qui est du logement de l’officier commandant le fort, et 210 acres sont mis en culture : blé, maïs, pommes de terre, avoine et toutes sortes de légumes dans un grand potager49. « C’est le dernier établissement militaire des États-Unis, au N.O. de leur empire50 », affirmait Giacomo Beltrami, qui accompagnait Long.
39C’est bien de cela qu’il s’agit, en effet, pour le gouvernement américain comme pour ses représentants locaux : le fort doit signifier la présence de l’État sur les marges extrêmes du territoire, imposer la souveraineté sur des terres encore incertaines. Et pour cela, l’armée, cantonnée à Fort Snelling, reproduit un modèle déjà appliqué au fort Crawford, le poste de Prairie-du-Chien, comme dans tous les autres forts de ce qui est alors le nord-ouest des États-Unis, et celui qui sera appliqué plus tard dans le Far-West au-delà du Mississippi. Le fort était d’abord une communauté : « Les seuls blancs dans un rayon de trois-cent miles étaient enfermés dans cet espace clos51 », un groupe fortement conscient de son identité anglo-américaine, par opposition aux Indiens comme aux marchands et voyageurs, souvent métis et canadiens. Durant toute son existence d’avant-poste, le fort comptera plus ou moins une centaine de soldats – et de nombreux civils, dont quelques esclaves africains-américains, ce qui faisait effectivement du lieu un microcosme de la société américaine. Cela semblait presque ridicule au jeune lieutenant-colonel (et futur président des États-Unis) Zachary Taylor lorsqu’il prit ses fonctions dans le nord-ouest52, mais représentait le maximum d’investissement financier que la République était susceptible d’engager dans les affaires militaires.
40L’isolement était réel, pour peu que l’on oublie que la région était peuplée de milliers d’Indiens et que le fort était environné de villages dakotas. Mais pour les occupants du fort, la présence indienne contribuait à la sensation d’isolement plutôt qu’elle n’engageait à une sociabilité qui pourtant pouvait exister, par l’intermédiaire du commerce au moins. L’ennui était présent aussi, celui d’une vie de garnison dont rien ne venait arrêter la routine. Les canons et les fusils servaient peu en effet, car l’objectif des États-Unis était bien de garantir la paix dans le nord-ouest, pour favoriser le commerce certes, mais surtout pour ne pas gêner les manœuvres plus à l’est : il fallait préserver un environnement stable au-delà du Mississippi afin de pouvoir y déporter les tribus de l’est53. Pas question donc de s’engager dans un conflit, qui de toute façon n’avait aucune chance d’éclater tant que la colonisation demeurait d’ancien modèle, commerciale, et non de peuplement. Au contraire, il fallait réfréner les envies de conquête des élus du Wisconsin, faire respecter les interdictions d’installation en territoire indien comme sur l’emprise militaire, lutter contre la diffusion des boissons alcoolisées parmi les Indiens puisque leur effet pouvait être dévastateur sur la politique, et intercéder autant que possible dans les querelles entre Dakotas et Ojibwas.
41Fort Snelling, de ce fait, est le centre de la vie locale. Ce sont les soldats qui construisent et utilisent les premiers moulins, l’un à bois, l’autre à farine, profitant de l’énergie hydraulique des chutes Saint-Antoine ; ce sont eux qui parmi les premiers « pionniers » défrichent et mettent en valeur à l’occidentale les terres autour du fort, et c’est le fort qui attire les voyageurs de toutes sortes qui passent dans la région. C’est lui, représentant l’autorité, qui signifie le mieux la place du Haut-Mississippi dans l’imaginaire américain. En font foi les nombreuses représentations picturales du fort, par John Caspar Wild, Edward K. Thomas ou surtout le major Seth Eastman, professeur de dessin à West Point entre 1833 et 1840 et qui a passé les années 1840 en poste à Fort Snelling, qu’il a temporairement dirigé. Tous usent du même point de vue, sur les hauteurs de Saint-Pierre pour embrasser d’un même regard le poste de traite, ses quelques arpents cultivés et sa présence indienne et, surplombant, le fort, puissante manifestation de la présence nationale américaine, représentant de l’avenir du territoire face à son passé, la fourrure et les Indiens.
42L’armée, depuis sa base, multiplie les tâches : elle doit, afin de garantir la paix régionale, intervenir sans cesse dans les affaires indiennes. Dans les années 1840, sous l’autorité notamment du capitaine Backus et de Seth Eastman, la prohibition de la vente d’alcool aux tribus l’occupe énormément54, ce qui l’amène à sanctionner les marchands anglo-américains, tout comme l’accapare le règlement des conflits entre Dakotas et Ojibwas. Ce sont ainsi deux accords de paix qui sont passés entre les deux nations à Fort Snelling, en 1843 et en 1849. Ces rencontres sont autant de signes d’un transfert lent du pouvoir vers les autorités américaines. Philander Prescott rapporte ainsi que les pourparlers de 1849 furent indirects : trois Blancs représentaient chaque peuple, et en l’absence d’accord satisfaisant il fut décidé de laisser la main au président des États-Unis lui-même – qui n’en fit rien. Mais l’autonomie décisionnelle des Indiens est ici battue en brèche par l’irruption de l’élément américain, qui ne joue pas seulement le rôle d’intermédiaire, mais organise et tente de dominer les débats55. Les moyens sont cependant réduits, et l’armée ne rayonne pas au-delà d’un cercle limité56, elle sert plutôt de point d’appui à ceux qui, eux, agissent au-delà de la confluence : agents indiens, explorateurs, missionnaires.
43En fait d’agent indien il y a d’avril 1819 à janvier 1840 Lawrence Taliaferro. Issu d’une grande famille virginienne, ami personnel de Josiah Snelling, il fut renouvelé six fois à un poste qui consistait à représenter les intérêts du gouvernement face à l’AFC et en jouant, de manière parfois ambigüe, du rôle de l’armée. Taliaferro s’est adapté au contexte local, et est un représentant typique de cette époque de transition dans laquelle baigne alors le Haut-Mississippi : il prend femme parmi les Dakotas et entretient donc des réseaux de parenté qui servent à la fois la paix et le commerce. Dans le même temps il possède des esclaves, dont Harriet Robinson, épouse de Dred Scott. Taliaferro est homme de l’entre-deux : entre sa famille indienne et la gentry virginienne, entre l’intégration aux mondes indiens et la volonté de les transformer lorsque, par exemple, il tente avec Philander Prescott une première expérience de sédentarisation agricole d’un groupe de Dakotas à la fin des années 183057. Son successeur Amos Bruce n’est pas de ce genre, car il n’est plus utile alors de se créer une parenté indienne, et lorsqu’Alexander Ramsey, en même temps qu’il devient premier gouverneur du Territoire du Minnesota en devient premier surintendant des affaires indiennes, l’objectif est devenu clair, la fin clairement envisagée :
« Dans l’optique du traité attendu avec les Sioux, la question de l’acquisition, par le gouvernement des États-Unis, d’une portion de ce pays doit passer bientôt sub judice, ouvrant par extinction des titres indiens un nouveau théâtre au grand drame de la civilisation occidentale. La raison d’une telle urgence doit être cherchée dans l’avancée de nos terres cultivées, dans la civilisation qui presse et avance dans cette vallée, dans la loi naturelle dans laquelle l’homme civilisé lit son devoir de mettre en valeur et de cultiver la terre ; aussi bien que dans un soin jaloux pour le meilleur intérêt de l’Indien, une attention soutenue à son bien-être58. »
44Le traité attendu est celui de Traverse-des-Sioux, signé en 1851 et qui enferme les Dakotas dans leur réserve des rives de la rivière Saint-Pierre en livrant leurs terres aux colons, au nom d’une « évidence » maintes fois rappelée au xixe siècle, celle de la supposée marche de la civilisation, portée par les Anglo-Américains au cœur du continent et qui peut s’accompagner, comme ici, d’un discours paternaliste sur le bien-fondé pour les Indiens eux-mêmes de cette violence de la conquête. Ramsey, contrairement à Taliaferro, bénéficie non pas d’un réseau indien mais d’un réseau d’administrateurs de la « question » indienne, pour mener à bien cette politique. Bruce était encore unique agent à Saint-Pierre, mais Ramsey est surintendant pour le Minnesota et est le supérieur de l’agent de Saint-Pierre, Robert G. Murphy puis Nathaniel McLean, comme d’un surintendant des fermes indiennes, qui n’est autre, entre 1849 et 1856, que Philander Prescott. Car c’est dès les années 1840, avant la création de la réserve, donc, que des efforts trop ignorés par l’historiographie sont entrepris pour créer des pôles d’agriculture sédentaire chez les Mdewakantons. Prescott dispose pour ce faire d’un réseau de neuf fermiers, dont certains d’origine canadienne (Olivier Racicot, Victor Chalet, Francis Lapointe, aux côtés des plus attendus John Bush et Patrick Quinn), placés dans les villages indiens et chargés de développer céréaliculture et élevage. Ce qui ne peut aller, si l’on en croit Prescott, sans accompagnement moral, sans « usage quotidien de la Bible59 ».
45Pour développer cette formation chrétienne, Ramsey dispose des missionnaires protestants, qui certes ne sont pas des agents de l’État mais n’en sont pas moins aidés par ses représentants et considérés par l’administration indienne comme des acteurs fondamentaux de la transformation souhaitée des sociétés indiennes. Cette ambiguïté est au fondement même de l’identité missionnaire, que ce soit au demeurant chez les protestants60 ou chez les catholiques61. Que faut-il faire, en effet : produire de bons Indiens chrétiens ou produire des « civilisés » voués à devenir des nationaux des puissances coloniales ? Faut-il précéder la conquête pour protéger une hypothétique pureté chrétienne ou l’accompagner, voire la favoriser, puisqu’elle peut elle-même porter un projet de civilisation et de christianisation des populations conquises ? Les missionnaires sont-ils les fourriers de la colonisation ou doivent-ils se garder de se mêler des affaires du siècle ? La question se pose crûment dans la région du Haut-Mississippi, car les ministres protestants arrivent une quinzaine d’année avant que ne déferle le peuplement colonisateur : peut-on considérer qu’en voulant transformer les Dakotas en fermiers chrétiens, donc en Américains idéalisés, ils préparent aussi le terrain aux colons en expurgeant la culture indienne du territoire, en américanisant l’espace comme préalable à l’américanisation démographique ?
46Curieusement, les missionnaires du Minnesota n’ont été que très peu étudiés et l’action d’Ezekiel Gear, aumônier de fort Snelling de 1838 à 1858, puis de Fort Ripley, encore moins. Pour la plupart hommes – et femmes, puisque les ministres protestants s’installent en famille et que les femmes ont leur rôle à jouer dans le travail de conversion, en donnant à voir l’image du foyer chrétien et en étant institutrices – de l’American Board of Commissioners for Foreign Missions (ABCFM), organisme multidénominationel né en 1810 et représentatif du second Grand Réveil américain62, ils sont relégués au second plan de l’historiographie par leurs collègues de l’Oregon, qui eux ont droit depuis longtemps à une abondante littérature héritière sans doute de la célébrité à leur époque des époux Whitman, figures idéelles de martyrs qu’il faut plutôt analyser comme symboles de l’échec global de ces efforts missionnaires. Car échec il y eut dans l’Oregon comme dans le Minnesota, malgré les efforts déployés et avant tout du fait de la résistance indienne aux nouvelles formes spirituelles proposées par les Américains63.
47Jedediah Stevens, entre octobre 1829 et mars 1830, arpentait la région pour en examiner les potentialités missionnaires, expliquait sans cesse la Bible aux Ojibwas et rencontrait Lawrence Taliaferro qui lui expliquait envisager un poste de ce type sur les rives du lac Calhoun, à sept miles de Fort Snelling64. William Boutwell parvint sur le Haut-Mississippi en 1832. Mais s’il eut droit, avec ses collègues, aux égards des officiers de Fort Snelling65, ses terres de mission furent plus au nord, parmi les Ojibwas66. Les Dakotas, eux, furent approchés, indépendemment de Stevens, par Thomas Williamson et deux congrégationalistes, les frères Samuel et Gideon Pond67. Samuel partit vers l’ouest explorer les possibilités d’une migration évangélique, et installé à Galena (Illinois), avertit en 1833 son frère des espérances que lui donnaient les Sioux de la rivière Saint-Pierre, encore « païens » et peu touchés par la civilisation. Au printemps de 1834 Samuel et Gideon remontent donc le Mississippi et arrivent à Fort Snelling, où ils rencontrent d’abord William Boutwell venu récupérer des marchandises, puis Horatio Grooms, l’agent remplaçant temporairement Taliaferro en voyage dans l’Est. Grooms offre aux deux frères la jouissance d’une pièce non occupée d’une maison appartenant à l’administration indienne sur les rives du lac Calhoun, auprès d’une des bandes de Mdewankantons, pour répondre à leur désir d’immersion dans la vie indienne. Le major Bliss, commandant alors Fort Snelling, convoque les frères, leur demandant des comptes sur leur présence non autorisée sur des terres encore fermées aux Blancs, mais soutient très vite l’initiative68.
48C’est en ce même mois de mai 1834 durant lequel les Pond s’installent au lac Calhoun que l’ABCFM envisage une mission chez les Dakotas. Thomas S. Williamson, qui a exercé la médecine dans l’Ohio avant d’entamer des études de théologie, se porte alors volontaire. Il remonte lui aussi le Mississippi en mai 1834, non pas pour s’installer mais pour recueillir des informations auprès des officiers, agents indiens et Indiens eux-mêmes. La situation semblant prometteuse, il est décidé d’envoyer une équipe sur place avant l’hiver. Ce n’est en fait qu’en juillet 1835 qu’est créée la première station de l’ABCFM auprès des Dakotas, très en amont sur la rivière Saint-Pierre, au Lac-qui-Parle. Elle est composée de Williamson, qui dirige les opérations, de son épouse qui fait la classe tout comme celle de Jedediah Stevens de retour ; Alexander Huggins, lui, est responsable du développement de l’agriculture pour les Indiens convertis69. Les Pond s’agrègent alors à l’ABCFM, et enfin en 1837 arrivent Stephen et Mary Riggs, dont la carrière de missionnaires dans le Minnesota durera quarante ans70.
49Jusqu’au traité de 1851, les missions connaissent un fort développement, qu’il ne faut pas confondre avec un succès de l’œuvre de conversion. Les stations se multiplient, sans que la masse des Dakotas ne devienne chrétienne pour autant. Les missionnaires ont forgé des outils pour la conversion : le service divin, l’aide à la sédentarisation agricole et l’école. C’est surtout dans ce troisième domaine qu’ils apparaissent comme marchant main dans la main avec l’État, sans en être des auxiliaires. Les rapports annuels du commissaire aux affaires indiennes traitent autant des actions des agents stipendiés par le gouvernement que des ministres de l’ABCFM, signe s’il en est d’une communauté de projet qui n’attend pas la Peace Policy que lance le président Ulysse Grant dans les années 187071. Jusqu’en 1846 et l’ouverture de la mission de Kaposia, le village de Little Crow, l’heure semble être à l’expansion. Dans les faits, l’échec est très tôt patent. Les premières années pourtant avaient été prometteuses : à Lac-qui-Parle, les réseaux familiaux du métis Joseph Renville, sur le cas duquel il faudra revenir, semblent se convertir, et le long de la rivière Saint-Pierre en 1840 une poignée d’écoles – en fait de la scolarisation au domicile des missionnaires72 – attire quelques dizaines d’enfants dakotas et métis, mais sans convaincre ni Gideon Pond : « Comme corps, les Indiens qui vivent sur les rives du Mississippi et de la rivière Saint-Pierre semblent être opposés aux missionnaires73 » ; ni Williamson : « Une autre chose qui me décourage est de me rendre compte qu’il y a plus de six ans que j’ai commencé à prêcher et près de six ans après mon ordination je n’ai pas converti une seule âme74. »
50Les années 1840 voient une lente dégradation de la situation, au point que Nathaniel McLean peut annoncer dans son rapport de septembre 1850 : « Ces écoles sont depuis longtemps languissantes. […]. Nous ne voyons aucun signe du travail [des missionnaires]75 », sans qu’il faille pour autant renoncer à leur présence, que l’agent juge moralement indispensable. Mais Gideon Pond ne peut dissimuler la réalité :
« Au regard de l’opposition des Indiens à l’éducation (qui augmente en exacte proportion de la hausse des sommes non dépensées que leur doit notre gouvernement), et au regard de l’absence de résultats de notre part, nous avons arrêté notre école dakota. Nous avons, cependant, une petite école anglaise au poste, tenue par Miss S. A. Wilson. Dix enfants assistent aux cours régulièrement, dont les quatre nôtres : les six autres sont les enfants de nos voisins métis76. »
51Pauvres missionnaires, réduits à faire la classe à leurs propres enfants en ayant renoncé à ce qui les avait attirés : l’instruction des Indiens. La seule raison invoquée par Pond l’est régulièrement dans tous les rapports : le problème financier, consécutif au traité de 1837. Le gouvernement américain, comme il était d’usage, avait promis des rétributions annuelles en échange des terres cédées. Mais l’argent ne venant pas, les Dakotas auraient supposé qu’il était en fait versé aux missionnaires pour financer les écoles et auraient donc refusé les dites écoles pour se voir verser directement les fonds en question. Si l’on ne peut pas rejeter l’hypothèse, documentée par tous les missionnaires77, on doit aussi chercher ailleurs les causes de la désaffection. C’est d’abord le sens de celle-ci qui est en jeu : il est acquis que la conversion au sens chrétien du terme ne peut être comprise des Indiens, pour qui au contraire l’intégration de rites et de dogmes chrétiens à leur propre spiritualité peut être pensée. Les missionnaires ont sans doute fait l’erreur de croire eux-mêmes à leurs premières réussites. Il n’en demeure pas moins qu’au bout de quelques années même cet intérêt pour ce que le christianisme peut apporter de neuf s’estompe. Il faut sans doute faire la part dans l’analyse du phénomène de la pression du groupe, qui menace d’exclure des réseaux de parenté quiconque choisit trop franchement la voie chrétienne, et surtout de cette assimilation entre évangélisation et civilisation dont les missionnaires sont porteurs et qui leur nuit profondément. Les Dakotas refusent alors les ministres en tant qu’ils sont porteurs de nouveaux temps, ceux de la dépossession et de l’adoption de nouvelles normes culturelles annonciatrices de la conquête. Les Mdewakantons, les plus touchés par la prédication, étaient sans doute prêts, comme les Indiens du Nord-Ouest, à poursuivre dans le christianisme leur propre vie spirituelle. Mais ce christianisme qui leur était proposé était porteur de trop d’éléments qui dépassent la simple religion pour séduire. On retrouve à la fois l’ambigüité de la mission et l’incompréhension entre le missionnaire et le missionné.
52Ces hommes et femmes venus apporter la foi sont, du fait de leur volonté d’aller au-devant des Indiens, ceux qui s’éloignent le plus du site de la confluence, de Fort Snelling. D’autres s’en sont également écartés, mais plus temporairement : les explorateurs. Car le gouvernement américain, dans sa logique de conquête et de colonisation, participe au mouvement d’exploration du monde au même titre que les États européens, en envoyant ses soldats sur les terres les plus lointaines78. La région du Haut-Mississippi est, durant une trentaine d’années, un des champs privilégiés des expéditions américaines, d’abord parce qu’il faut qu’un État connaisse le territoire qu’il vient d’acquérir, et qu’exercer l’autorité est impossible dans l’inconnu, ensuite parce qu’on est là sur une zone frontière et qu’il est nécessaire d’établir aussi clairement que possible les intérêts respectifs des Britanniques et des Américains. Enfin parce qu’il s’agit de découvrir les sources du Mississippi, enjeu scientifique autant que géopolitique, puisque leur localisation détermine l’extension du territoire national américain. De ce point de vue, explorer le Haut-Mississippi en ce début de xixe siècle est comparable à la remontée des fleuves du Sud-Ouest pour élargir l’espace américain au détriment des Espagnols, ou à la découverte du Missouri et de la Columbia79.
53Zebulon Pike fut le premier à s’aventurer dans les parages en 1805 mais ses rodomontades n’eurent pas de conséquences. C’est après la guerre de 1812 que les choses sérieuses débutent, avec une salve d’explorations en 1817, 1820 et 1823. En effet en 1817, une fois les Britanniques officiellement écartés, l’ingénieur-topographe militaire Stephen H. Long80 se voit confier la reconnaissance du réseau fluvial de la région en prenant soin d’une part de prendre contact avec les Indiens, et d’autre part d’étudier les meilleures localisations possibles pour le réseau de forts à construire. C’est sur la foi de son rapport que Fort Snelling fut bâti. En 1820 le gouverneur du Michigan – dont dépend alors la région – dirige lui-même une nouvelle expédition, cette fois en direction des sources du Mississippi : Lewis Cass81, accompagné du minéralogiste Henry Schoolcraft, dit en effet avoir découvert les dites sources après avoir arpenté le pays ojibwa. Pour autant il reste beaucoup à faire : non seulement le cours du Mississippi demeure en fait mal connu, mais surtout la rivière Saint-Pierre, elle, n’a fait l’objet d’aucune exploration. C’est l’objectif assigné à Long pour sa deuxième expédition : remonter la rivière Saint-Pierre jusqu’à sa source puis descendre la rivière Rouge. Parvenu à Pembina, Long rebrousse chemin. Il était accompagné à l’aller par Giacomo Beltrami. Après avoir été soldat de la Grande Armée puis membre de l’administration impériale en Italie, ce Bergamasque avait choisi l’exil en 1821 et était lui aussi en quête des sources du Mississippi82. Après avoir quitté Long, il a continué l’exploration en pays ojibwa et a affirmé avoir identifié la bonne source du fleuve.
54Ce n’est pas avant 1832 qu’une expédition repart sur le terrain. Le très ambitieux Lewis Cass, toujours gouverneur, envoie cette année-là son protégé, Henry Schoolcraft, entre le lac Supérieur et le Mississippi avec une mission simple : réunir les chefs ojibwas pour les convaincre de mettre fin aux hostilités avec les Dakotas. À cela le gouvernement ajoute une autre tâche : faire appliquer dans ces contrées la loi sur la vaccination des Indiens qui vient alors d’être votée – et dont Cass est loin d’être un partisan83 – ce qui suppose de prendre un médecin dans l’expédition84. Schoolcraft s’adjoint de son côté William Boutwell, le premier missionnaire de l’ABCFM à arpenter la région. L’expédition n’est donc pas seulement géographique mais aussi ethnographique, tournée vers la réalité indienne. Ce qui n’empêche pas Schoolcraft de reposer la question de la source du Mississippi et de fixer celle-ci, après un passage rapide, au lac Itasca.
55C’est à Joseph Nicollet que revient le mérite de s’approcher encore au plus près de l’objectif. Nicollet, né en Savoie en 1786, était devenu astronome au bureau des Longitudes, à Paris, et fut un des savants importants de la France de la Restauration. Mais, ruiné par la révolution de 1830, il décide de s’installer aux États-Unis deux ans plus tard. Ses compétences furent pleinement reconnues par le département de la Guerre, qui finança le projet proposé dès 1833 de s’assurer du cours supérieur du Mississippi. Le voyage n’eut lieu qu’en 1836 et aboutit à la détermination d’une source proche du lac Itasca (la quête ne s’acheva en fait que dans les années 1890). Les résultats furent jugés satisfaisants, et Nicollet se vit chargé en 1838-1839 d’une nouvelle mission : cartographier la région entre Mississippi et Missouri. En trois expéditions, avec le botaniste allemand Charles Geyer, ils parvinrent à donner un tableau de la région et Nicollet produisit en 1843 une carte de référence85. Cette année 1839 marque aussi la fin des explorations américaines dans la région, désormais considérée comme connue et maîtrisable : John Pope est bien envoyé dans le Minnesota encore en 1849, mais pour explorer la vallée de la rivière Rouge et envisager en fait l’étape ultérieure de la conquête, au-delà du Minnesota. L’expédition botanique menée en 1846 par le Français Lamare-Picquot n’avait pas les mêmes buts car elle n’émane pas d’un État qui désirerait contrôler le territoire, mais est le fruit d’une quête savante de connaissance du monde vivant86.
56Prises ensemble, ces explorations sont d’une importance considérable car elles offrent à l’historien d’une part des coups de sonde archivistiques dans un univers pour lequel les sources manquent et parce qu’elles révèlent un certain regard colonial sur ce même univers, et de ce fait permettent de lever une partie du voile sur les rapports de force qui s’y font jour, participant à l’ébauche d’une histoire sociale et culturelle de la présence coloniale dans la région du Haut-Mississippi.
Un peuplement colonial
57Tous les explorateurs se sont en fait appuyés dans leur mission sur les représentants de la première colonisation, celle du commerce de la fourrure : marchands et voyageurs, employés de l’AFC et indépendants, ont guidé et informé les fers de lance du pouvoir anglo-américain. Jusqu’aux années 1850, cette dernière population coloniale est très largement minoritaire. Si les années 1840 voient le développement de pôles éclatés et pour certains de quelque importance, dans les années 1830, la présence euro-américaine est encore une goutte d’eau au milieu d’un océan indien. Mais cette population, si faible soit-elle, présente une particularité : elle est francophone. Le français est la langue d’usage du monde colonial du Haut-Mississippi, y compris lorsque des Anglo-Américains viennent s’installer. Il leur faut alors apprendre le français :
« Pendant nos premières années dans ce pays, nous avons eu peu d’usage de l’anglais excepté pour faire du commerce au fort, et nous en faisions peu. La langue des marchands de fourrure était le français, et beaucoup de Canadiens ne savaient pas d’autre langue. Comme nous avions souvent affaire avec ces gens-là, nous avons appris suffisamment de français pour un usage quotidien87. »
58Si Henry Sibley a été nommé à Saint-Pierre, c’est en partie en raison de son bilinguisme. Né et élevé à Détroit, ville francophone au début du xixe siècle, il témoigne de l’extension de cette Amérique française oubliée88.
59Jackson Kemper, l’évêque épiscopalien en charge d’un immense diocèse entre Missouri et Grands Lacs, effectua une tournée, brève et sans suite immédiate, sur le Haut-Mississippi durant l’été de 1843. De son passage à Fort Snelling il retire ces impressions :
« Il n’y avait pas beaucoup d’Indiens. Le peu que j’ai vu étaient des Sioux à l’air dégénéré par le contact avec les Blancs. Les familles des officiers avaient l’air très heureuses ; les dames me disaient s’entendre comme des sœurs. Pendant des mois elles n’avaient d’autres visiteurs que des Indiens sauvages – Sioux ou Chippeways89. »
60Le propos est intriguant : Kemper affirme que les seuls visiteurs de Fort Snelling sont les Indiens, laissant supposer un bastion militaire, une avant-garde isolée au milieu des « sauvages » ; mais dans le même temps les dits Indiens sont déjà « pervertis » par la présence des Blancs et Kemper se fait expliquer ce monde qu’il ne comprend pas par un Écossais installé dans la région depuis cinquante ans. Tout se passe comme si Kemper refusait de voir que la région qu’il arpentait était plus complexe que le face à face colonial schématique « Indiens vs armée américaine », comme s’il niait implicitement l’histoire coloniale pré-américaine encore vivante pourtant en 1843. Charles Lanman, alors qu’il est journaliste à Cincinatti, voyage lui aussi jusqu’à la confluence, en 1846, et dresse un tableau identique : Fort Snelling et un village de Saint-Pierre qui n’est notable que parce qu’il inclut un campement dakota. Il décrit alors avec minutie les mœurs indiennes, mais ne mentionne jamais quelque autre présence dans le village90. Il aurait pu reprendre l’expression lancée par Zachary Taylor dix-huit ans plus tôt : « Le pays est entièrement habité par les Indiens91. »
61Sans vouloir ici généraliser et affirmer qu’aucun voyageur anglo-américain n’a pris conscience de l’existence d’une société coloniale francophone, il est très possible que pour beaucoup ce monde de l’entre-deux n’avait pas de place, conceptuellement, dans un tableau de la « frontière » qui devait se résumer à cette fameuse rencontre entre un conquérant américain et une terre indienne, sans qu’il soit aisé d’y introduire d’autres modèles possibles. Le missionnaire Alfred Brunson se décrivait ainsi comme arrivant « au milieu du pays indien, à trois cents miles du premier établissement blanc et au-delà de la civilisation, excepté l’armée, l’agence indienne, les missions et les marchands de fourrure. Lois et gouvernement étaient inconnus92 ». Mais dans le récit que donne longuement Brunson les « fur traders » n’apparaissent en fait jamais, laissant la place aux trois premiers cités. Les alternatives évacuées de la narration comme de la mémoire, il est difficile à l’historien du début du xxie siècle d’y avoir accès. D’autant que chiffrer le peuplement colonial est une opération délicate.
Compter : la fin des années 1830
62Il n’existe pas de dénombrement fiable de la population vivant dans la région du Haut-Mississippi avant le premier recensement fédéral de 1850 – et encore faudrait-il manier celui-ci avec précaution, le prétendre « fiable » serait une exagération. Puisqu’il s’agit ici avant tout de traiter de la population colonisatrice, redisons qu’elle est très minoritaire : les Dakotas sont environ 15 à 20 00093, et les Ojibwas, dans les limites de l’actuel Minnesota, peut-être 10 00094, alors que la population recensée en 1849, qui exclut les Indiens puisque telle est alors la règle, est officiellement de 4 710.
63Tenter de déterminer le poids de ce peuplement colonisateur à la fin des années 1830 est pourtant ici essentiel, afin de savoir combien de catholiques rencontrent les premiers missionnaires, et d’abord Mgr Loras à l’été de 1839, et pour comprendre qui sont ces catholiques, à quel type de société les prêtres ont eu à faire. Les sources sont de trois types. Il s’agit d’abord des recensements, mais ceux-ci posent beaucoup de difficultés. Les habitants de la rive est du Mississippi ont été recensés en 1836 lorsque le Wisconsin est devenu un Territoire, puis en 1840 lors du recensement fédéral, mais dans le cadre du très large comté de Crawford qui inclut aussi la région de Prairie-du-Chien et sans donner davantage de précisions géographiques. Ceux de la rive ouest sont eux recensés pour la première fois en 1840 lors du recensement fédéral de l’Iowa : deux districts, celui du lac Pepin et celui de Saint-Pierre, sont alors concernés. Mais ces décomptes sont problématiques. Les renseignements y sont imprécis : aucune mention du lieu de naissance par exemple, et seuls les noms des chefs de famille sont mentionnés, accompagnés du nombre et du type de personnes vivant à leurs côtés. Les anthroponymes sont largement écornés par des agents recenseurs anglo-américains qui ne maîtrisent pas la langue française de beaucoup des recensés ; les catégories choisies sont laissées à l’arbitraire de l’agent qui doit finalement donner un portrait social d’un nouveau territoire américain, ce qui en soi représente un enjeu idéologique fort qui peut évidemment influer sur les choix, comme celui de classer comme agriculteur ou comme commerçant des hommes pour qui la pluriactivité est souvent la règle. En soi, la décision fédérale de ne pas inclure les populations indiennes dit quel est l’usage de ces recensements : mesurer l’avancée du contrôle de l’espace et de la fabrique d’une nouvelle société. La position était intenable dans des régions comme le Haut-Mississippi où le métissage est encore la règle : comment recenser le mari canadien sans recenser la femme dakota ? Comment dès lors démêler le discours produit par le recensement95 ?
64Un autre problème est la contradiction entre le recensement de l’Iowa en 1840 et les données catholiques, deuxième catégorie de sources. À l’été de 1839, Mgr Loras et le père Pélamourgues touchent trente-six familles dans les environs de Saint-Pierre, familles pour la plupart liées entre elles par la parenté réelle ou spirituelle. Or seules dix de ces familles sont présentes sous la plume de l’agent recenseur de l’Iowa l’année suivante, alors même que la région attire plus les migrants qu’elle ne les repousse et que ce ne sont pas des familles réputées être passées sur la rive est du Mississippi, ce qui les aurait conduit dans le Wisconsin. Il y a donc très manifestement des familles entières, nombreuses, qui n’ont pas été comptabilisées dans les recensements et dont la seule trace se situe dans les registres portatifs des missionnaires, ou ponctuellement dans les écrits de témoins, comme l’a bien montré Mathias Hoffman96.
65Une troisième source peut permettre, parfois de faire le lien entre les deux précédentes et dans tous les cas d’affiner des itinéraires individuels : les travaux d’érudition qui s’appuient sur la mémoire locale, sur une forme d’histoire orale. Deux ouvrages sont ici essentiels : d’abord le travail de James Fletcher Williams, A History of the City of St. Paul, publié en 1876, fruit de dix années de collecte de témoignages et de document auprès des survivants des premières années de la ville ; ensuite le monument nationaliste dressé en 1878 par Joseph Tassé aux Canadiens de l’Ouest97. Pour cette vaste galerie de portraits réalisée depuis Montréal, Tassé, alors journaliste fasciné par l’Ouest avant de devenir député conservateur, a puisé largement dans Williams, mais a aussi fait appel directement à Henry Sibley et Augustin Ravoux, et a travaillé un espace plus large qu’un Williams qui ne labourait que le terrain de sa propre ville.
66Prises ensemble, ces sources donnent à l’historien l’occasion d’approcher la société coloniale (cf. carte 2). Approcher seulement car la précision demeure impossible : une pesée globale donnerait entre 1836 et 1840, de 500 à 1000 habitants à l’ouest du Mississippi, autour de 500 à l’est, sachant que la population croît rapidement entre ces deux dates, et qu’elle est mobile quel que soit son champ d’activité. En effet ces années durant lequelles Loras prend connaissance des marges de son diocèse voient des changements d’importance affecter la confluence. Non seulement la population de travailleurs de la fourrure est mobile par essence, mais deux facteurs supplémentaires jouent à plein : d’abord une accélération des flux depuis la colonie de la rivière Rouge, et ensuite l’obligation faite au printemps 1838 (mais appliquée par la force en 1840 seulement) par le major Plympton aux colons installés aux alentours de Fort Snelling d’évacuer la zone – en fait une réserve militaire que Plympton ne pouvait accepter de voir se transformer en centre de transit pour l’alcool destiné frauduleusement aux Indiens. Ce transfert de population mène au défrichement de la rive est du Mississippi, sur le site de la future ville de Saint-Paul.
Carte 2. – Le Haut-Mississippi et la colonie de la rivière Rouge dans les années 1830.
Ne sont indiqués sur cette carte que les éléments nécessaires à mon propos. N’ont par exemple été retenues que les trois nations indiennes dont il est question dans le texte.
Conception Tangi Villerbu/réalisation Pascal Brunello, CTIG, université de La Rochelle.
67Ces évolutions ont des conséquences évidentes sur la répartition et la structure de la population. L’équilibre entre anglophones et francophones est extrêmement délicat à déterminer, en l’absence de notations de lieux de naissance des habitants. La seule indication réside dans les anthroponymes, mais quatre difficultés se manifestent alors : les transcriptions hasardeuses, la correspondance entre anthroponyme et langue d’usage qui n’est pas assurée, l’absence des noms hors des chefs de ménage, et l’absence d’une partie de la population de tout compte. On peut malgré tout estimer, avec toutes les réserves qu’une telle estimation suppose, la part de francophones à plus de 70 % de la population hors la centaine de soldats de Fort Snelling.
68Les colons anglophones, bien que minoritaires, sont eux-mêmes d’une grande variété : une poignée d’Africains-Américains libres, quelques esclaves alors même que l’esclavage est illégal depuis l’ordonnance du Nord-Ouest, quelques migrants de la côte Est venus participer au commerce des fourrures et très divers socialement en fonction de leur rôle dans la traite98, et parmi eux bien peu de catholiques. Il faut ranger dans cette catégorie Patrick Queen, ou Scott Campbell. Tous deux ont des itinéraires qui manifestent la fluidité encore possible des rapports sociaux dans la région et qui rendent nécessairement vaine toute tentative d’attribution arbitraire d’une identité rigide à un individu. Si l’on en croit le registre de Loras, Queen est en effet marié à Louise Boucher et les époux Louis et Françoise Massy furent leurs témoins. De même leurs enfants William et Marguerite eurent comme parrains respectivement Louis Massy et Émilie Hooe, et Louis et Françoise Desjarlais (orthographié « Déjarlat » par Mathias Loras). Il est vraisemblable que le marqueur catholique l’emporte sur le marqueur ethnique et que Queen soit dans les faits autant francophone qu’anglophone – il est par ailleurs interprète occasionnel auprès des Ojibwas99. Il en va de même de Scott Campbell, dont la famille a été bien étudiée par John Wozniak et Annette Atkins100. Né vers 1790 à Prairie-du-Chien, son père Archibald était un marchand écossais installé dans ce petit poste britannique et sa mère Ninse une Dakota qui donna naissance à cinq enfants. De langue maternelle anglaise, il connaissait aussi parfaitement le français et le dakota et en 1819 devint l’interprète de l’agent indien de Saint-Pierre, poste qu’il occupa jusqu’au milieu des années 1849 avant de s’installer sur sa terre. Il avait épousé en 1820 Marguerite Manègre, fille d’une Ho-Chunk et de Louis Manègre, lui-même métis de Canadien et d’Ojibwa. Le couple eut neuf enfants. Trois d’entre eux furent baptisés par Pélamourgues le 29 juin 1839 à Saint-Pierre, quatre autres101 et Marguerite elle-même le furent par Mathias Loras le 5 juillet102. Le lendemain, le 6 juillet, l’évêque célèbre le mariage de Scott – qui fut son interprète durant son séjour – et de Marguerite. Ces faits placent la famille Campbell dans la sphère francophone et catholique, c’est-à-dire aussi métisse, ce que révèle bien le destin de la plupart des enfants du couple, balançant entre les identités multiples dont ils sont porteurs dans un monde devenu anglo-américain et peu tolérant envers ses marges.
69La population francophone elle-même n’est pas exempte de ces ambiguïtés, de ces chevauchements ou de ces allers-retours. Que Joseph Rainville soit par exemple devenu Joseph Renville pourrait signifier une sortie de l’univers francophone si l’individu en question n’était pas également imbriqué profondément dans les réseaux de parenté dakotas et cousin de Little Crow, le chef mdewakanton. Il faut pourtant tenter d’y voir clair dans les différentes strates de peuplement francophones en pays dakota. On peut distinguer deux flux : les voyageurs et trafiquants de fourrures, d’une part ; et les fermiers de la rivière Rouge d’autre part, sachant que cette distinction demeure imparfaite puisque des voyageurs venus du Canada s’installent comme fermiers sur le Haut-Mississippi et que certains fermiers venus de Saint-Boniface sont en fait d’anciens employés de la Compagnie de la Baie d’Hudson. Néanmoins les premiers habitants non-indiens de la région, avant que les soldats ne s’installent, sont bien francophones : Zebulon Pike rencontre ainsi Jean-Baptiste Faribault, fréquente une station d’hivernage de Joseph Renville et n’utilise que des anthroponymes français lorsqu’il discute des chefs indiens, signe s’il en est que le monde qu’il pénètre travaille en français et a été colonisé dans cette langue103.
70Faribault figure l’avant-garde : né à Berthier-en-Haut, au Canada, en 1775, fils et frère de notaire, il s’est engagé dans le commerce des fourrures en 1798 pour le compte de compagnies montréalaises. En poste à Michilimackinac, puis dans l’Illinois, il est envoyé en 1802 sur la rivière Saint-Pierre. Il abandonne les réseaux canadiens en 1809 pour se mettre à son compte à Prairie-du-Chien mais, signe évident qu’il faut bien traiter la région en borderland, il est séduit par la colonie de la rivière Rouge – Joseph Renville fréquente également le Mississippi et la rivière Rouge104. Fondée par Lord Selkirk en 1811 au cœur des terres de la Compagnie de la baie d’Hudson, cette colonie avait été conçue pour fixer une population écossaise – des Highlands surtout – en difficulté et une communauté suisse, mais avait accueilli nombre de colons canadiens et métis. Alors même que Selkirk négocie avec l’évêque de Québec l’envoi d’un clergé missionnaire, en juin 1818 Faribault lui annonce son départ dans ce qui reste la seule trace écrite de sa propre main, dans une orthographe hésitante :
« D’après les offres je [ill] que vous m’aviez faites pandant votre séjour ici – Je me suis déterminé a devenir un de vos Colons – Je me propose d’aller hyverner dans la Rivière St Pierre et de là aux printant ne point revenir ici et merendre a la Riviere Rouje Je vous prie de prevenir le gouverneur où agent afin que je puisse etre employe sans delais car mes moyens sont médiocre soyez certain que si la gène n’existait pas plusieurs familles qui vous seraient utiles sy rendraient.
Je vous prie de mécrire au plutot afin que je puisse accomplir mon projet et je tacherai de meriter non seulement votre approbation mais cele de M honorable Compagnie de la Baye d’Hudson raporte a ma famille Je desirerais aitre amployez p° tenir le magasin de la Colonie Mr B Dickson ma proposez cette place en passant ici J’atants une reponce avant mon départ si il est possible105. »
71Selkirk avait en fait descendu le Mississppi accompagné de Robert Dickson pour se rendre dans l’Est en septembre et octobre 1817106, et Faribault, ainsi que l’ensemble des Canadiens de Prairie-du-Chien, avait été alléché par la construction en cours. Pourtant Faribault ne partit pas comme il l’avait indiqué mais seulement en 1819 et en se limitant à la confluence où il accompagna le colonel Leavenworth en route pour installer la première garnison américaine. Il s’était marié, lors de son premier séjour sur place, à Pélagie Hince, fille d’un traitant canadien et d’une Dakota107. Il fut une figure locale, un de ceux qui avec Joseph Renville ont reconfiguré le pays dakota dans la première moitié du xixe siècle.
72Les postes fréquentés par Faribault avant de prendre racine sur le Haut-Mississippi devinrent les étapes habituelles pour les Canadiens qui venaient s’établir dans la fourrure. Ils dessinent un vaste réseau sur lequel s’appuie l’expansion constante de l’univers francophone américain durant les décennies qui suivent la fin du régime français. Ainsi Pierre Parent a-t-il quitté le Canada pour Sault-Sainte-Marie, puis Saint-Louis, Prairie-du-Chien, Saint-Pierre, avant de s’installer sur la rive est du Mississippi en 1838 ; Amable Turpin, né à Montréal en 1766 a lui travaillé à Michilimackinac avant de se mettre au service de l’AFC à Prairie-du-Chien puis de remonter le Mississippi pour s’installer en amont à l’été 1839. Louis Robert, qui s’installe à Saint-Paul en 1843, est né en 1811 à Carondelet, dans le Missouri, d’une famille de Kaskaskia et de Saint-Louis et passa plusieurs années à Prairie-du-Chien avant de remonter plus haut sur le Mississippi108.
73Sur cette rive est du fleuve, Turpin comme Parent rejoignent d’autres colons, venus cette fois des établissements de la rivière Rouge. La vie y était rude, le froid sévère, les inondations fréquentes, les sauterelles abondantes et nombre de colons renoncèrent. Une des solutions était alors de faire route vers le sud, vers le Haut-Mississippi, qui faisait paradoxalement figure, pour ces Écossais, ces Métis et ces Canadiens, de terre clémente. Les arrivées débutent en 1821 mais sont avant 1836 plutôt rares : ainsi l’horloger suisse Abraham Perret, devenu Perry aux États-Unis, parvient-il aux abords de Fort Snelling dès 1827109. Mais ce sont les calamités naturelles de la fin des années 1830 qui génèrent les flux les plus importants : en 1836 un convoi d’une soixantaine de familles parvient à la confluence. Parmi eux on compte par exemple Joseph Labissonière ou Guillaume Beaumette, qui avaient fait partie de la première vague canadienne installée sur la rivière Rouge en 1817-1818110. Mais aussi des hommes à l’itinéraire plus complexe, comme Joseph Rondeau, ancien employé de la Compagnie de la baie d’Hudson, installé près de Saint-Boniface en 1827 ; le recensement de la rivière Rouge le donne en 1835 marié, père d’un fils et de deux filles et propriétaire d’une maison et d’une étable, d’une jument, deux bœufs, deux vaches, trois veaux, un cochon, une herse, une charrette et un canoë mais sans terre. En 1839 Loras le rencontre à Saint-Pierre alors qu’il vient avec son épouse Joséphine Beaulieu faire baptiser leur fils Pierre111. En 1837 la confluence est ainsi devenue un petit foyer de peuplement :
« Les habitants blancs des environs du fort étaient au nombre de 157. Sur la rive du fort, sur ce qui était nommé Baker’s Settlement, autour du vieux camp Coldwater et à l’embarcadère Massie, on comptait quatre-vingt-deux personnes, sur la rive sur de la Minnesota, en incluant les résidents des établissements de la Fur Company dirigé par Sibley, Alex Faribault et Antoine La Claire, il y avait soixante-quinze habitants. Sept familles vivaient en face du fort, sur la rive est du Mississipppi. […] Le lieutenant Smith estimait que les colons avaient “presque 200 chevaux et têtes de bétail”112. »
74À partir de cette date, chaque année voit de nouvelles arrivées. En 1839, Mathias Loras lui-même est témoin de ces mouvements migratoires :
« Durant la retraite se produisit une événement porteur d’espérances. Plusieurs familles catholiques arrivèrent de la Rivière Rouge. […]. Leur objectif était d’explorer le pays, et plus particulièrement de s’assurer qu’il y avait un prêtre et une église. Leur joie fut inexprimable. Elevé dans l’amour et la pratique de notre sainte religion par Mgr Provencher, elles s’en retournèrent immédiatement, également ravie de la richesse du pays et de la promesse de Mgr Loras que l’année suivante un prêtre serait établi à Saint-Pierre et une église construite. De telle sorte que, selon toutes probabilités, près d’une centaine de familles catholiques viendront l’été prochain s’installer soit à Saint-Pierre soit sur les rives des lacs Sainte-Croix ou Pépin113. »
75Nonobstant le fait que les migrants de 1836 s’étaient installés alors même qu’il n’y avait pas l’ombre d’une promesse de clergé et que pour eux au moins cette absence d’encadrement ecclésiastique n’était pas rédhibitoire, il est clair que cette fin des années 1830 voit le flux se densifier et qu’il s’agit bien là de migrations familiales. On cherche une terre où s’installer définitivement. Ce qui peut expliquer en partie la proportion importante de colons classés par les agents recenseurs dans le secteur agricole en 1840, plus nombreux que ceux inscrits dans le secteur commercial : les colons de la rivière Rouge (francophones ou anglophones) y sont pour quelque chose, en plus des voyageurs qui durant la belle saison pendant laquelle ils furent recensés demeurent sur leur ferme. Mais il faut aussi imaginer le travail des agents recenseurs voulant ordonner statistiquement le monde qu’ils avaient devant eux. La tâche était déroutante. Prenons deux frères et sœurs, Pierre et François Bottineau. Leur père Charles, né au Bas-Canada, était employé de la Compagnie du Nord-Ouest, a épousé une Ojibwa baptisée du nom de Marguerite et a fait souche en pays indien114. L’itinéraire de son fils, Pierre est à peu près connu : né en 1816, élevé par sa mère au sein des Ojibwas après le décès de Charles en 1824, il travaille sans doute très jeune comme voyageur avant de venir s’installer à la confluence en 1837 où il exerce diverses activités. Il guide les colons venant d’une vallée de la rivière Rouge où il retourne souvent, il achète une terre à Saint-Paul avec son frère Sévère avant de la revendre en 1846, au prix de 300 dollars pour en acheter une autre, plus grande, aux chutes Saint-Antoine pour 150 dollars, dans une opération qui ressemble fort à de la spéculation, Bottineau anticipant évidemment la croissance des scieries115. Sa soeur aînée, Françoise, demeure davantage dans l’ombre. Née en 1815, on ne retrouve ensuite sa trace dans le registre de Loras qu’en été 1839 : mariée à Louis Desjarlais, elle fait baptiser ses cinq enfants à Saint-Pierre et devient elle-même marraine à quatre reprises116. La migration des Bottineau vers le sud a donc été familiale, sans qu’il soit possible d’affirmer qu’ils sont tous venus en même temps. Louis Desjarlais, époux de Françoise, est sans doute lui-même le fils d’Antoine Desjarlais et de sa compagne ojibwa, et donc issu des réseaux britanniques autour de la rivière Rouge117. Venu du commerce de la fourrure, il se rêvait probablement fermier à la confluence, mais en octobre 1838 est employé de la St. Croix Lumber Company et plus tard convoie du courrier vers Prairie-du-Chien118. Tous ont en quelque sorte échappé à leur condition métisse – des métis ne deviennent pas ici des Métis, alors que d’autres membres des familles Bottineau et Desjarlais suivent des voies différentes119 – en se rendant vers la confluence, mais leur identification professionnelle comme culturelle est délicate, pour le recenseur comme l’historien.
76La catégorie professionnelle des travailleurs du bois, celle à laquelle a appartenu un temps Desjarlais, demeure peu visible dans les sources, quelles qu’elles soient : pas de missionnaires pour s’en soucier, pas de catégorie du recensement pour les classer, pas de mémorialiste pour entretenir le souvenir. Il s’agit des quelques bûcherons et scieurs de long qui participent, en plus de leurs patrons, à la naissance de l’industrie forestière dans la région. Celle-ci fut rendue possible par le traité de 1837, qui « libérait » de la présence indienne les rives des rivières des Sauteux et Sainte-Croix et la rive est du Mississippi. Franklin Steele obtenait alors rapidement les droits sur la partie orientale de la chute Saint-Antoine120, mais ce sont surtout sur les affluents du Mississippi que les hommes du bois s’installèrent. Le cas de la rivière Sainte-Croix est le mieux connu : l’exploitation illégale avait commencé dès le début des années 1830, avec Joseph Renshaw Brown, un trafiquant de fourrure qui avait su, parce qu’il bénéficiait de suffisamment de liens à Saint-Louis, entamer une reconversion bienvenue. Mais c’est bien logiquement l’automne 1837 qui marque une première étape, avant même que le traité indien ne soit ratifié par le Sénat, et donc aux risques et périls des colons. John Boyce, de Saint-Louis, Franklin Steele encore lui, et une petite poignée d’autres mènent des équipes de bûcherons et de scieurs, entre dix et quinze hommes. Le problème est évidemment la levée des capitaux nécessaire à ce type d’opération, délicate et coûteuse. En fait, en cette fin des années 1830 et encore dans les deux décennies suivantes, l’exploitation forestière demeure primitive, faite de petits camps ne regroupant jamais plus de quelques dizaines de personnes dans les cas exceptionnels121.
77Donc, lorsque le clergé catholique prend pied sur le Haut-Mississippi, il rencontre, outre les Indiens eux-mêmes, des soldats, leurs officiers et leurs familles à Fort Snelling ; des hommes de la fourrure et leur parenté dakota, habitant souvent sur les rives du lac Pepin ou le long de la rivière Saint-Pierre jusqu’à Lac-qui-Parle dominé par les Renville ; des fermiers en grande majorité francophones à la confluence, venus récemment de la rivière Rouge ou voyageurs à temps partiel ; et ils passent à côté des travailleurs du bois des rivières Sainte-Croix et des Sauteux. Le tournant de 1836-1837, qui voit l’arrivée des Canadiens par le nord et des hommes du bois, venus souvent du Maine, marque le territoire. La situation à la fin des années 1840 s’en ressent fortement.
Compter : les années 1840
78Les témoignages sur la société du Haut-Mississippi semblent parfois contradictoires. Pour Frederik Marryat, romancier populaire britannique qui avait choisi de jouer les touristes sur le grand fleuve, les « Canadiens-français » employés de l’AFC vivent comme dans une Arcadie, dans une société sans loi et pour autant soumise à une forme d’autorité naturelle, sans violence dans les rapports sociaux122. Mais pour Robert Clouston, agent de la Compagnie de la baie d’Hudson qui fait le trajet de la rivière Rouge à Saint-Louis, les choses sont bien différentes lorsqu’il décrit Saint-Paul en 1846 :
« St. Paul est un misérable petit village consistant en quelques maisons éparpillées de-ci delà au sommet de la rive pentue surplombant le Mississippi : toutes les maisons sont pour ainsi dire des boutiques ou des “épiceries” (des tavernes) pour le ravitaillement des fermiers du pays et des Sioux et, sans aucun doute, les épiceries ne peuvent se plaindre de manquer de clients car boire du whisky semble occuper la moitié du temps des pires habitants de St. Paul, le reste étant dépensé à bavarder avec ses voisins ou les étrangers de passage ; les fermiers cultivent strictement de quoi se nourrir eux-mêmes et ne cherchent apparemment jamais à améliorer leur condition ; ils semblent constituer une classe d’hommes indolents, paresseux, sans mérites, et on peut imaginer l’apparence crasseuse de leurs maisons123. »
79Les deux discours tiennent du topos : d’un côté celui, romantique, de la société primitive, et de l’autre celui, très puissant en Amérique du Nord, qui veut que l’élément français soit incapable de mettre en valeur le territoire. Les deux hommes, de surcroît, ne regardent pas la même réalité et montrent en fait à quel point celle-ci est complexe et évolue dans les années 1840. Marryat observait un territoire encore très marqué par le commerce de la fourrure, et voyageait pour cela, alors que Clouston fait étape quelques années plus tard dans ce qu’il pensait être un village accueillant.
80Comprendre cette double réalité, espace de la fourrure encore présent et pôles pré-urbains en développement, nécessite de porter d’abord le regard sur la fin de la décennie, c’est-à-dire sur le recensement territorial de 1849 (cf. carte 3) et le recensement fédéral de 1850 qui précise les lieux de naissance et les professions, précision d’autant plus indispensable que les registres paroissiaux de Saint-Pierre ont disparu pour les années 1840 et que l’Église n’offre alors que les rapports annuels d’Augustin Ravoux de 1845 à 1850 et le registre portatif du même prêtre, document exceptionnel qui permet certes de rencontrer des familles inconnues par ailleurs mais dont il serait vain de prétendre tirer des données statistiques.
Carte 3. – Le peuplement du Territoire du Minnesota au recensement de 1849.
Les chiffres du recensement sont à prendre avec précaution et excluent totalement la population indienne.
Conception Tangi Villerbu/Réalisation Pascal Brunello, CTIG, université de La Rochelle.
81En 1849, lorsque le Minnesota naît comme Territoire, il court du Missouri à la rivière Sainte-Croix, ce qui signifie que ni la rive orientale de cette dernière ni la rivière des Sauteux ne sont inclus dans les comptes et qu’elles sortent de fait du champ de cette étude. Entre l’Iowa et les terres britanniques, il a profondément changé par rapport à 1840. Désormais 4 710 habitants non-indiens sont recensés, chiffre qui ne doit être évidemment considéré que comme une approximation. Et surtout la nature de ce peuplement a évolué. La trame de 1840 est encore là : Fort Snelling et ses 367 occupants, Saint-Pierre (Mendota) et ses 122 habitants, les établissements épars sur la rivière Saint-Pierre jusqu’à Lac-qui-parle et, très au nord, Pembina la métisse, deuxième pôle de peuplement s’il faut en croire le recensement, mais très à l’écart des dynamiques qui ont fait naître le Territoire. Cependant cette trame est recouverte par une autre, qui prend de l’ampleur : c’est Saint-Paul, sur la rive est du Mississippi, le site sur lequel s’étaient installées les quelques familles issues de la rivière Rouge et chassées par le major Plympton, qui s’est développé, et non Saint-Pierre. Il s’agit désormais d’une concentration de 840 habitants qui peut prétendre, par ses fonctions commerciales et de service, et par son statut de capitale acquis cette année 1849, au statut de ville. Une ville jeune, marquée encore par le déséquilibre entre hommes (64,3 %) et femmes (35,7 %), mais une ville tout de même, à laquelle il faut adjoindre son appendice, né en 1846, le Petit-Canada (Little Canada) et ses 328 habitants en large partie francophones. Le plus frappant réside encore dans un double phénomène : la multiplication des petits sites de peuplement blanc, éparpillés sur une faible partie sud-est du Territoire, qui révèle la naissance d’un flux, encore ténu, de colons anglo-américains ou européens à la recherche de terres ; et l’émergence d’un véritable réseau du bois, essentiellement sur la rivière Sainte-Croix : Lake St. Croix, Marine Mills, Falls of St. Croix et surtout Stillwater et ses 609 habitants. Ces établissements se singularisent par deux traits majeurs : ils sont outrageusement masculins, souvent à plus de 75 %, et ils ne comprennent aucun francophone ; il s’agit avant tout de regroupements d’hommes blancs anglo-américains.
82Le recensement de 1850 permet d’affiner le portrait d’un Territoire passé à 6 077 habitants, sans plus de garantie sur l’exactitude des données et en constatant que les Dakotas et le Ojibwas sont encore majoritaires – mais cette domination démographique est très près de s’achever. Les centres du bois préservent leur particularité. Les pôles agraires progressent. Ainsi le district de St. Croix compte 253 habitants. Sur 102 habitants ayant une profession, 72 sont déclarés « fermiers », et on compte un maréchal-ferrant, huit charpentiers, une famille de meuniers, en enseignants, un aubergiste… On a là une communauté rurale en formation. Elle est à nette prédominance anglophone : 212 habitants sont nés aux États-Unis, en Angleterre ou au Canada (avec des anthroponymes anglais). Mais des minorités se distinguent : 13 chefs de ménage sont nés en Irlande, et la plupart du temps se sont installés dans le Minnesota après avoir tenté plusieurs autres sites, comme la famille de Thomas McDonald, dont les deux premiers enfants sont nés au Missouri et le troisième seulement au Minnesota en 1848. À côté de ces fermiers irlandais ou scot-irish, une poignée de familles sont issues de la rivière Rouge, comme les Brunelle ou les McKoy.
83Saint-Paul, elle, est une ville déjà cosmopolite. Certes sur ses 1284 habitants, 824 sont anglo-américains, anglais, gallois ou australien (un cas). Mais 57 sont nés en Irlande (et c’est sans compter les enfants nés aux États-Unis de couples irlandais), 17 en Allemagne, 9 en France (les deux frères Constance notamment, et certains membres de la famille Larpenteur), 5 en Suisse, un en Pologne, et la famille Borup a migré depuis le Danemark. Surtout la francophonie américaine demeure très présente, si l’on se fie, avec bien des précautions, aux anthroponymes français : le groupe comprend alors 362 individus. 142 sont nés au Canada, 175 sont nés au Minnesota (très souvent les enfants des premiers, mais aussi la première génération installée sur place depuis maintenant quelques décennies) et 45 sont nés ailleurs aux États-Unis, pour l’essentiel et fort logiquement au Wisconsin. La population française est donc une fois encore en période de croissance, les flux demeurent alimentés et ils n’ont pas cessé avec le frein mis au commerce des fourrures. Mais aux yeux d’un « Yankee », dans la conscience du conquérant, il en va tout autrement. Frank Mayer, venu au printemps 1851 dans le Minnesota pour se faire le témoin du traité en préparation avec les Dakotas, rapporte ainsi sa vision intime de Saint-Paul :
« Arrivés à St. Paul le 15 juin 1851. Comme le soleil se couchait le 14 deux formes indistinctes glissaient vers le rivage & comme nous approchions deux canoës apparurent, l’un mené par un français, l’autre par un Indien. Par degré, au matin, les traces de la présence sauvage se firent plus fréquentes. Nous passâmes Kaposia, le village de Little Crow – & alors les canoës & les squaws, chefs & papooses devinrent plus fréquents.
St Paul est situé sur une falaise probablement quinze pieds au-dessus de la surface du fleuve, d’où la vue embrasse le pays environnant & et où la brise qui descend la vallée et enveloppe les collines se fait sentir. La plaine qui surmonte la colline est assez grande pour supporter la “ville” que l’on se propose de bâtir. Il y a deux ans il n’y avait là qu’un poste de traite pour les Indiens – mais St Paul a déjà l’apparence d’un village animé de Nouvelle-Angleterre & atteste la présence d’une énergique population free soil. Il est singulier de ne rencontrer que si peu de “vieux résidents”, personne ne semble avoir passé plus d’un hiver ici.
Ici se mêle aux Anglo-Saxons une race entièrement différente de celle que l’on voit dans les régions de l’Ouest plus au sud. Les Français furent parmi les premiers colons de la région. Voici les descendants des “voyageurs”, les compagnons de La Salle & de Hennepin & ils ont conservé leur caractère national. Ils sont si différents dans leurs manières, leur apparence & leur attitude des “Américains” autour d’eux. Ils ont la vivacité & la plaisanterie & le rire & l’expression & les gestes de la vieille France. Ils parlent encore français, qui s’entend autant que l’anglais & ces deux langues en même temps que l’indienne sont souvent parlées eu sein d’un même groupe. Ils sont en général plus petits que les Américains & de visage plus lumineux, ils sont employés comme bateliers & marchands indiens. La plupart d’entre eux ont des épouses indiennes ou métisses ce qui donne naissance à une nouvelle population dans le Minnesota. La gibecière, la pipe & les mocassins sont les seules reliques des vieux voyageurs qui les distinguent encore124. »
84Mayer comprend Saint-Paul comme une ville en transition entre les reliques du passé – les Français, si pittoresques et associés finalement aux Indiens dans une même communauté de destin – et les Anglo-Américains venus là construire une terre libre, dans tous les sens du terme, une terre où chaque colon issu du moule peut avoir sa place, sans le poids de la population servile notamment. La perspective n’est donc plus celle des années 1830, elle n’est plus non plus celle de Clouston qui voyait en Saint-Paul, en 1846, un exemple de l’impossibilité pour des Français de mettre en valeur le continent ; Saint-Paul est devenu en 1850, au contraire, un symbole de la réussite continue de l’expansion américaine.
85La question est dès lors de savoir si l’on peut préciser le moment, dans les années 1840, où les migrations francophones, sans jamais s’arrêter, sont dépassées par les migrations anglophones. Les rapports annuels d’Augustin Ravoux donnent des indices (cf. tableau 1).
Tableau 1. – La population catholique du Haut-Mississippi d’après les rapports annuels d’Augustin Ravoux, 1845-1850.
Année |
Données générales |
Nombre de Baptêmes |
1845 |
306 catholiques dans un rayon de 10 milles autour de Saint-Pierre |
30 |
1846 |
200 catholiques dans l’Iowa, 500 dans le Wisconsin |
12 à Saint-Pierre, 30 à Saint-Paul |
1847 |
111 catholiques fort compris autour de Saint-Pierre, 400 catholiques dans un rayon de 10 milles autour de Saint-Paul (et 550 dans un rayon de 25 milles) |
7 à Saint-Pierre, 30 à Saint-Paul |
1848 |
92 catholiques à Saint-Pierre et 80 à Fort Snelling |
16 (à Saint-Pierre ?) |
1849 |
2 000 catholiques au Minnesota, sur 5 000 habitants, 222 catholiques à Saint-Pierre fort compris |
15 à Saint-Pierre, 43 à Saint-Paul |
1850 |
220 catholiques dans un rayon de 12 milles de Saint-Pierre |
25 à Saint-Pierre |
Sources : MHS, A/.L865, Mathias Loras correspondence, réponses d’Augustin Ravoux au questionnaire annuel de Mathias Loras, 1845, 1846, 1847, 6 novembre 1848, 19 octobre 1849, 10 décembre 1850.
86Il faudrait pouvoir comprendre comment Ravoux collectait les données qui n’émanent pas de ses propres registres, et il est regrettable qu’il n’ait pas reproduit d’une année sur l’autre le format de ses comptes. Et encore faudrait-il faire avec l’estimation de Florimond Bonduel, prêtre en visite, qui donne 800 catholiques dans la région en 1846, ce qui cadre difficilement aves les chiffres de Ravoux125. Mais il est possible de tirer quelques conclusions rapides à partir du seul prêtre constamment sur place : d’abord, dès 1846, la rive est du Mississippi, celle de Saint-Paul, l’emporte sur la rive ouest, celle de Saint-Pierre et de Fort Snelling, et le rapport du simple au double au moins laisse supposer que l’évolution est antérieure. Ensuite le bilan de 1849 donne à voir que les catholiques deviennent minoritaires, et donc, puisque les catholiques sont encore très majoritairement des francophones, que la population anglo-américaine l’emporte alors. Enfin alors que Saint-Paul voit sa population catholique continuer de croître (le nombre de baptêmes en témoigne), Saint-Pierre stagne. Sous le nom de Mendota, le village est recensé en 1850 avec 172 habitants seulement, dont 124 sont des francophones nés au Canada ou au Minnesota. Il s’agit bien d’un foyer à majorité française, mais de bien peu d’importance désormais. Il laisse cette impression paradoxale d’un monde français en extinction, alors même que ne cessent de s’installer des migrants canadiens. C’est aussi que le poids démographique cache des inégalités criantes, une marginalisation globale de la population francophone, dans deux domaines au moins. Dans le comté de St. Croix, à l’est du Mississippi, durant toutes les années 1840, les fonctions électives sont systématiquement occupées par des Anglo-Américains, à quelques exceptions près (Edmond Brissette ou Auguste Larpenteur, de manière ponctuelle et dans des fonctions subalternes)126. De même, la hiérarchie sociale recoupe souvent les barrières culturelles : dans le même comté, le relevé des revenus et propriétés destiné à répartir l’assiette de l’impôt en 1847 révèle que 21 individus ou sociétés paient plus de 20 dollars de taxes – et jusque 235. Mais seuls deux francophones en font partie : Louis Robert (20,40 dollars) et David Faribault (10,88 dollars seulement mais la famille a aussi des biens sur la rive ouest du fleuve), tous deux parce qu’ils ont diversifié leurs activités en direction du commerce. Car la richesse dans le comté ne se trouve pas dans la terre agricole (qui n’est de toute façon arpentée que cette année-là) mais d’une part dans le commerce et d’autre part dans les scieries127. De ce fait, elle est aussi localisée : plus que dans la vallée du Mississippi, encore francophone, elle se situe dans la vallée de la Sainte-Croix, anglo-américaine et en voie d’industrialisation et où les inégalités sociales se creusent entre la population ouvrière et les entrepreneurs. L’Église catholique qui prend pied dans le territoire est, elle, issue non pas du Canada mais directement de France et elle va tenter à la fois de se couler dans cet univers et de le transformer.
Notes de bas de page
1 Les rivières des Sauteux et Saint-Pierre sont actuellement nommées Chippewa et Minnesota. Je choisis ici de respecter la toponymie francophone telle qu’elle est pratiquée dans ces années 1830 et 1840.
2 Les Ojibwas sont nommés à cette époque Ojibwas ou Chippewas dans les sources anglophones, et Sauteux dans les sources francophones, et aujourd’hui adoptent parfois l’ethnonyme Anishinaabe. Les Ho-Chunks sont nommés alors Winnebagoes dans les sources anglophones, et Puants dans les sources francophones.
3 Lettre de Théodore Bost à son père, 21 février 1857, dans Les derniers puritains pionniers d’Amérique. Lettres de Théodore Bost et Sophie Bonjour, 1851-1920, présentées par Charles Marc Bost, Paris, Hachette, 1977, p. 141.
4 Pour une vision synthétique de la géographie régionale voir Hart John Fraser et Szatek Ziegler Suzy, Landscapes of Minnesota: A Geography, Saint-Paul, Minnesota Historical Society Press, 2008.
5 With Pen and Pencil on the Frontier in 1851 The Diary and Sketches of Frank Blackwell Mayer, Edited with an Introduction and Notes by Bertha Lion Heilbronn, Saint-Paul, Minnesota Historical Society, 1932, p. 187. « From this beautiful prospect we turned to the woods & scrambled through underbrush & thickets, over logs & through swamps […], but the only reward we received was the sight of a small lake surrounded by a swamp which we were obliged to wade, tormented by the hosts of musq[u]itos gnats & flies who guards this sylvan retreat. The heat was also excessive, & as we pushed our tortuous way towards our canoe again we were glad enough to prostrate ourselves on the wet earth & with hands & mouth, strive to imbibe a few mouthfuls from a delic[i]ous spring which we discovered in a thickly wooded ravine. The water was clear as crystal & cold & [as] ice but the musqu[i]tos which seem to have congregated at our approach, permitted us not to enjoy this slight luxury in quiet but compelled us to push on to the river we found our canoe safe. »
6 Journal de Joseph Nicollet, 21 juin 1838. Il existe deux éditions des écrits de Nicollet, mais toutes deux donnent les écrits de l’explorateur en traduction : The Journals of Joseph N. Nicollet: a Scientist on the Mississippi Headwaters, with notes on Indian Life, 1836-37. Translated from the French by André Fertey. Edited by Martha Coleman Bray, Saint-Paul, Minnesota Historical Society Press, 1970 ; Joseph N. Nicollet on the Plains and Prairies: the expeditions of 1838-39, with Journals, Letters, and Notes on the Dakota Indians/Translated from the French and edited by Edmund C. Bray and Martha Coleman Bray, Saint-Paul, Minnesota Historical Society Press, 1976. J’ai choisi en conséquence de revenir aux manuscrits, dont une version numérisée existe grâce au projet « Re-imaging Joseph N. Nicollet’s Mapmaking Expeditions » du St Olaf College, Minnesota : [http://www.stolaf.edu/academics/nicollet/index.html], consulté le 30 août 2013. Sur Nicollet, voir Coleman Bray Martha, Joseph Nicollet and his Map: Exploring the Upper Mississippi River, Sioux Falls, S.D., Center for Western Studies, Augustana College, 2008 (1980).
7 AAPF, Joseph Cretin à Mathias Loras, lettre sans date, probablement août 1843.
8 Schoolcraft Henry, Narrative Journal of Travel Through the Northwestern Region of the United States Extending from Detroit through the Great Chain of American Lakes to the Sources of the Mississippi River Performed as a Member of the Expedition under Governor Cass in the year 1820, Albany, E & E Hosford, 1821, p. 272. « The rocky bluffs commence precisely at the falls of St. Anthony. »
9 Featherstonhaugh Georges, A Canoe Voyage up the Minnay Sotor; with an Account of the Lead Copper Deposits in Wisconsin; of the Gold Region in the Cherokee Country; and Sketches of Popular Manners, & c, & c, &., Londres, Richard Bentley, 1847, vol. 1, p. 328. « What a meadow for a farmer! »
10 Wozniak John S., Contact, Negociation, Conflict: An Ethnohistory of the Eastern Dakota, 1818-1839, Washington D.C., University Press of America, 1978 ; Anderson Gary Clayton, Kinsmen of Another Kind…, op. cit., et Little Crow: Spokseman for the Sioux, Saint-Paul, Minnesota Historical Society Press, 1986 ; Whelan Mary K., « Dakota Indian Economics and the Nineteenth Century Fur Trade », Ethnohistory, 40, 2, printemps 1993, p. 246-276 ; White Bruce M., « Encounters with Spirits: Ojibwas and Dakota Theories about the French and their Merchandise », Ethnohistory, 41, 3, été 1994, p. 369-405 ; Gibbon Guy, The Sioux: The Lakota and Dakota Nations, Malden, Blackwell, 2003 ; Havard Gilles, Empire et métissages. Indiens et Français dans le Pays d’en Haut, 1660-1715, Paris-Sillery, Presses de l’université Paris-Sorbonne – Septentrion, 2003 ; Beck Paul N., Inkpaduta: Dakota Leader, Norman, University of Oklahoma Press, 2008 ; Westerman Gwen et White Bruce, Mni Sota Makoce…, op. cit.
11 Sur ces évolutions, voir Hämäläinen Pekka, « The Rise and Fall of the Plains Indians Horse Cultures », Journal of American History, 90, 3, décembre 2003, p. 833-862 ; et Calloway Colin G., One Vast Winter Count: The Native American West before Lewis and Clark, Lincoln, University of Nebraska Press, 2003, p. 267-312.
12 Parker Donald Dean (ed.), The Recollections of Philander Prescott, Frontiersman of the Old Northwest, 1819-1862, Lincoln, University of Nebraska Press, 1966, p. 126-130.
13 Le traité de 1837 est étudié par Anderson Gary Clayton, « The Removal of the Mdewakanton Dakota in 1837: A Case for Jacksonian Paternalism », South Dakota History, 10, 1980, p. 310-333 ; Clemmons Linda, « “We Will Talk of Nothing Else”: Dakota Interpretations of the Treaty of 1837 », Great Plains Quarterly, 25, 3, été 2005, p. 173-185 et, en s’opposant violemment à Anderson, par Ronnander Chad Delano, « Many Paths to the Pine: Mdewakanton Dakotas, Fur Traders, Ojibwes and the United States in Wisconsin’s Chippewa Valley, 1815-1837 », Ph. D. dissertation, University of Minnesota, 2003, p. 284-349. Voir aussi Westerman Gwen et White Bruce, Mni Sota Makoce…, op. cit., p. 155-163. Sans référence aucune à ces deux travaux, une brève synthèse en est récemment donnée dans McMahon Eileen M. et Karamanski Theodore J., North Woods River: The St. Croix River in Upper Midwest History, Madison, University of Wisconsin Press, 2009, p. 56-59.
14 NYHS, American Fur Company records, reel 25, lettre d’Henry Sibley à Ramsay Crooks, 29 septembre 1837.
15 Wallace Anthony W., Jefferson and the Indians: The Tragic Fate of the First Americans, Harvard, Harvard University press, 1999.
16 Westerman Gwen et White Bruce, Mni Sota Makoce…, op. cit., p. 155-163.
17 Ronnander Chad Delano, « Many paths… », op. cit., p. 196-283. Sur les Ojibwas de manière plus générale, voir Kugel Rebecca, To be the Main Leaders of our Nation: A History of Minnesota Ojibwe politics, 1825-1898, Lansing, Michigan State University Press, 1998 ; Miller Cary, Ogimaag: Anishinaabeg Leadership, 1760-1845, Lincoln, University of Nebraska Press, 2010 ; Bellfy Phil, Three Fires Unity: The Anishinaabeg of the Lake Huron Borderlands, Lincoln, University of Nebraska Press, 2011.
18 White Bruce M., « The Woman who Married a Beaver: Trade Patterns and Gender Relations in the Ojibwa Fur Trade », Ethnohistory, 46, 1, hiver 1999, p. 109-147.
19 Parker Donald Dean, op. cit., p. 171-172. « The news spread in half a day over the country, and the next morning the Sioux to the number of 300 were on a war excursion. »
20 Brown Jennifer S. H., « Métis, Halfbreeds and Other Real Peoples: Challenging Cultures and Categories », The History teacher, 27, 1, novembre 1993, p. 19-26. Il faut noter une tendance récente à lier les deux côtés de la frontière : Hogue Michel G., « Between Race and Nation: The Plains Metis and the Canada-United States Border », Ph.D. dissertation, University of Wisconsin, 2009.
21 St-Onge Nicole, « Uncertain Margins: Métis and Saulteaux Identities in St-Paul des Saulteaux, Red River, 1821-1870 », Manitoba History, 53, octobre 2006, p. 2-10.
22 Giraud Marcel, Le métis canadien. Son rôle dans l’histoire des provinces de l’Ouest, Saint-Boniface, Éditions du Blé, 1984 (1945) ; Ens Gerhard, Homeland to Hinterland: The Changing Worlds of the Red River Metis in the Nineteenth Century, Toronto, University of Toronto Press, 1996 ; St-Onge Nicole, Saint-Laurent, Manitoba: Evolving Metis Identities, 1850-1914, Regina, Canadian Plains Research Center, 2004 ; Devine Heather, People Who Own Themselves: Aboriginal Ethnogenesis in a Canadian Family, 1660-1900, Calgary, University of Calgary Press, 2004 ; Macdougall Brenda, One of the Family: Metis Culture in Nineteenth-century Northwestern Saskatchewan, Vancouver, University of Birtish Columbia Press, 2010.
23 Peterson Jacqueline, « The People in-between: Indian-White Marriage and the Genesis of a Métis Society and Culture in the Great Lakes Region, 1680-1830 », Ph.D. dissertation, University of Illinois, 1980, et une première approche dans « Prelude to Red River: A Social Portrait of the Great Lakes Métis », Ethnohistory, 25, 1, hiver 1978, p. 41-67 ; Brown Jennifer S., Strangers in Blood: Fur Trade Company Families in Indian Country, Vancouver, University of British Columbia Press, 1980 ; Van Kirk Sylvia, « Many Tender Ties »: Women in Fur-Trade Society, 1670-1870, Winnipeg, Watson and Dwyer, 1980 ; Peterson Jacqueline, Brown Jennifer S. H. (ed.), The New Peoples: Being and Becoming Métis in North America, Lincoln, University of Nebraska Press, 1985.
24 Swagerty William M., « Marriage and Settlement Patterns of Rocky Mountains Trappers and Traders », Western Historical Quarterly, 11, 1, printemps 1980, p. 159-180 et « A View from the Bottom Up: The Work Force of the American Fur Company on the Upper Missouri in the 1830s », Montana, The magazine of Western History, 43, 1, hiver 1993, p. 18-33 ; Thorne Tanis C., The Many Hands of my Relations: French and Indians on the Lower Missouri, Columbia, University of Missouri Press, 1996 ; Lansing Michael, « Plains Indian Women and Interracial Marriage in the Upper Missouri Trade, 1804-1868 », Western Historical Quarterly, 31, 4, hiver 2000, p. 413-433.
25 Thorne Tanis C., The Many Hands…, op. cit. ; Sleeper-Smith Susan, Native Women and French Men: Rethinking Cultural Encounter in the Western Great Lakes, Amherst, University of Massachusetts Press, 2001 et « “[A]n Unpleasant Transaction on this Frontier”: Challenging Female Authority and Autonomy in Michillimackinac », Journal of the Early republic, 25, automne 2005, p. 417-443 ; Murphy Lucy Eldersveld, A Gathering of Rivers: Indians, Métis, and Mining in the Western Great Lakes, 1737-1832, Lincoln, University of Nebraska Press, 2000 et « Public Mothers: Native Americans and Métis Women as Creole Mediators in the Nineteenth-Century Midwest », Journal of Women’s history, 14, 4, hiver 2003, p. 142-166.
26 Aubert Guillaume, « “The Blood of France”: Race and Purity of Blood in the French Atlantic World », The William & Mary Quarterly, 61-3, juillet 2004, p. 439-478 ; Belmessous Saliha, « Être français en Nouvelle-France : Identité francaise et identité coloniale aux dix-septième et dix-huitième siècles », French Historical Studies, 27, 3, 2004, p. 507-540 et « Assimilation and Racialism in Seventeenth and Eighteenth-Century French Colonial Policy », The American Historical Review, 110, 2, 2005, p. 322-349 ; DuVal Kathleen, « Indian Intermarriage… », art. cit. ; Havard Gilles, « “Les forcer à devenir cytoyens.” État, Sauvages et citoyenneté en Nouvelle-France (xviie-xviiie siècle) », Annales. Histoire, sciences sociales, 2009/5, 64e année, p. 985-1018.
27 Swan Ruth, « The Crucible: Pembina and the Origins of the Red River Valley Metis », Ph.D dissertation, University of Manitoba, 2003.
28 Macdougall Brenda et St-Onge Nicole, « Rooted in Mobility: Metis Buffalo-Hunting Brigades », Manitoba History, 71, hiver 2013, p. 21-32.
29 Carroll Jane Lamm, « The McLeods… », art. cit. et « Cultural Identity across Three Generations of an Anglo-Dakota Family », Minnesota History, 63/2, été 2012, p. 58-68.
30 Peterson Jacqueline, « Red River Redux: Métis Ethnogenesis and the Great Lakes Region », dans Nicole St-Onge, Brenda Macdougall et Carolyn Podruchny (ed.), Contours of a People: Metis Family, Mobility and History, Norman, University of Oklahoma Press, 2012, p. 22-58.
31 L’établissement des liens entre Français et Sioux est traité dans Havard Gilles, Empire et métissages…, op. cit., notamment p. 472-478.
32 Cité dans White Richard, The Middle Ground…, op. cit., p. 133.
33 Parker John (ed.), The Journals of Jonathan Carver and Related Documents, 1766-1770, Saint-Paul, Minnesota Historical Society, 2004 (1976), p. 89-90, 120-125. Le récit publié par Carver est sujet à caution, mais son journal, retrouvé à Londres dans les années 1920, est en revanche une source précieuse.
34 Saler Bethel et Podruchny Carolyn, « Glass Curtains and Storied Landscapes: The Fur Trade, National Boundaries, and Historians », dans Benjamin H. Johnson et Andrew R. Graybill, Bridging…, op. cit., p. 275-302.
35 Nute Grace Lee, « Posts in the Minnesota Fur Trading Area, 1660-1855 », Minnesota History, vol. 11, n° 4, 1930, p. 353-385.
36 Perrault Jean-Baptiste, « Narrative or the Travel and Adventures of a Merchant Voyageur in the Savage Territories of Northern America Leaving Montreal the 28th of May 1783 (to 1820) », John Sharpless Fox (ed.), Michigan Pioneer and Historical Collections, vol. XXXVII, 1909-1910, p. 536. « I presented myself at the offices of the company, and I was here engaged in the capacity of clerk to winter with Mr Laframboise for the consideration of 50 livres, current value of Lower Canada, to winter at the Rivière des Sauteux, on the Upper Mississippi, at the entrance of the Lake papin. »
37 Malhiot François-Victor, « A Wisconsin Fur Trader’s Journal, 1804-1805 », Collections of the State Historical Society of Wisconsin, vol. XIX, 1910, p. 163-233.
38 Orsi Jared, Citizen Explorer: the Life of Zebulon Pike, New York, Oxford University Press, 2014, p. 82-126.
39 Pike Zebulon Montgomery, Exploratory Travels through the Western Territories of North America: Comprising a Voyage from St. Louis, on the Mississippi, to the Sources of that River, and a Journey through the Interior of Louisiana and the North-eastern Province of New Spain, Performed in the years 1805, 1806, 1807 by Order of the Government of the United States, Londres, Longman, 1811, p. 74-75.
40 Lettre de Jacques Porlier à Lewis Cass, gouverneur du Michigan, Green Bay, 8 juin 1822, dans Collections of the State Historical Society of Wisconsin, vol. XX, 1911, p. 257-260. La lettre est à prendre avec précaution : Porlier défend d’autant plus Grignon qu’il est un ami de la famille, et dénonce d’autant plus les « Anglais » qu’il s’était lui-même engagé au côté des Britanniques dans la guerre de 1812-1815, avant d’accepter la souveraineté américaine. Devenu citoyen de la République en 1821, il affiche la foi d’un converti.
41 Le pays dakota échappe toujours au contrôle direct des Chouteau, qui ne placent aucun de leurs parents dans la région alors que leurs entreprises, contrairement à l’AFC, reposent avant tout sur les réseaux de parenté, ce qui explique largement la complexité de leurs structures et leurs continuelles réorganisations. Sur les Chouteau, voir Foley William E. et Rice David, The First Chouteaus: River Barons of Early St. Louis, Urbana, University of Illinois Press, 1983 sur leur logique familiale Gitlin Jay, Bourgeois Frontier…, op. cit., p. 124-138. Sur Astor, porteur d’une tout autre culture, celle des affaires de la côte Est, voir Ronda James P., Astoria & Empire, Lincoln, University of Nebraska Press, 1990 et Haeger John D., John Jacob Astor: Business and Finance in the Early Republic, Detroit, Wayne State University Press, 1991.
42 NYHS, American Fur Company records, reel 1, lettre non signée des bureaux new-yorkais à William Aitken, 20 février 1835. « We have had reports here of your having much trouble with the Indians, and that rather than pay the prices you set upon you good, they had all gone at the Hudson Bay Companys Posts for their supplies. I presume this is only a new version of what you relate in your letter but if the dissatisfaction of the Chippewas should induce them to invite your British neighbours to this side of the boundary line for the purposes of trade, and that they are mad enough to do so, I trust you will be able to seize them and their goods, which you will be perfectly justified in doing. […] I hope and believe the Bay Co will not interfere with us in our own territory. »
43 Ibid., 6 mars 1835.
44 Gilman Rhoda R., « Last Days of the Upper Mississippi Fur Trade », Minnesota History, vol. 42, n° 4, hiver 1970, p. 122-140, et « The Fur Trade in the Upper Mississippi Valley, 1630-1850 », Wisconsin Magazine of History, 58, p. 3-18 ; de la même, Henry Hastings Sibley…, op. cit., p. 36-135.
45 Lanman Charles, A Summer in the Wilderness Embracing a Canoe Voyage Up the Mississippi and Around Lake Superior, New York, Appleton, 1847, p. 56. « The hamlet of Saint Peter is at the mouth of the Saint Peter’s river, and at the head of steamboat navigation on the Mississippi. My sojourn here has been interesting from many circumstances. I feel that I am on the extreme verge of the civilized world, and that all beyond, to the ordinary traveller, is a mysterious wilderness. »
46 De nombreux forts ont fait l’objet de monographies. Il suffit de retenir ici deux synthèses utiles : Prucha Francis Paul, Broadax & Bayonet: The Role of the United States Army in the Development of the Northwest, 1815-1860, Lincoln, University of Nebraska Press, 1995 (1953), et Tate Michael L., The Frontier Army and the Settlement of the West, Norman, University of Oklahoma Press, 1999. Sur Fort Snelling, Hansen Marcus Lee, Old Fort Snelling, 1819-1858, Iowa City, State Historical Society of Iowa, 1918 est de peu d’utilité, voir plutôt Jones Evan, Citadel in the Wilderness: The Story of Fort Snelling and the Northwest Frontier, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2001 (1966), ou White Bruce et White Helen M., « Fort Snelling in 1838: An Ethnographic and Historical Study », rapport pour la Minnesota Historical Society, Historic Sites Department, 1998. Un autre fort du Minnesota a été étudié récemment : Beck Paul N., Soldier, Settler and Sioux: Fort Ridgely and the Minnesota River Valley, Sioux Falls, Center for Western studies, 2000.
47 Long Stephen H., Voyage in a Six-oared Skiff to the Falls of St. Anthony in 1817, Edward D. Neill (ed.), Philadelphie, Henry D. Ashmead, 1860, p. 41-42. « After arriving at the St. Peter’s we lay by two or three hours, in order to examine the country in that neighborhood. At the mouth of this river is an island of considerable extent, separated from the main by a slough of the Mississippi, into which the St. Peter’s discharges itself. Boats in ascending the former, particularly in low water, usually pass through this slough, as it affords a greater depth than the channel upon the other side of the island. Immediately above the mouth of the St. Peter’s is a tract of flat prairie, extending far up this river and about three hundred and fifty yards along the slough above mentioned. […]. Passing up the river on the brow of the Mississippi Bluff, the ground rises gradually for the distance of about six hundred yards, when an extensive broad valley of moderate depth commences. But on the St. Peter’s the bluff retains nearly the same altitude, being intersected occasionally by ravines of moderate depth. A military work of considerable magnitude might be constructed on the point, and might be rendered sufficiently secure by occupying the commanding height in the rear […] as the latter would control […] all the neighboring heights, to the full extent of a twelve pounder’s range. The work on the point would be necessary to control the navigation of the two rivers. »
48 Schoolcraft Henry, Narrative Journal of Travels…, op. cit., p. 294. « Since their arrival, the garrison have cleared and put under cultivation about ninety acres of the choicest bottom and prairie lands, which is chiefly planted with Indian corn and potatoes ; besides a large hospital--a regimental, and several company, and private gardens, which supply vegetables in great abundance for all the men. Here we were first presented with green corn, peas, beans, cucumbers, beets, radishes, lettuce, & c. The first green pease were eaten here on the 15th of June, and the first green corn on the 20th of July. »
49 Keating William H., Narrative of an Expedition to the Source of the St. Peter’s River, Lake Winipeek, Lake of the Woods, & & Performed in the Year 1823 by Order of the Hon. J. C. Calhoun, Secretary of War, Under the Commande of Stephen H. Long, Major U.S.T.E, Philadelphie, H. C. Carey & H. Lea, 1824, vol. 1, p. 295.
50 Beltrami J. C., La découverte des sources du Mississippi et de la Rivière Sanglante. Description du cours entier du Mississippi, qui n’était connu que partiellement, d’une grande partie de celui de la Rivière Sanglante, presque entièrement inconnue ; ainsi que du cours entier de l’Ohio, La Nouvelle-Orléans, Benjamin Lévy, 1824, p. 99.
51 Ousconsin Van Cleve Charlotte, « Three Score Years and Ten ». Life Long Memories of Fort Snelling, Minnesota and Other Parts of the West, s. l., 1888, p. 33. « The only white people within three hundred miles were shut within that hollow square. »
52 Zachary Taylor à Thomas Lawson, 28 août 1828, dans « Zachary Taylor and Old Fort Snelling », Minnesota History, vol. 28, n° 1, 1947, p. 18.
53 Anderson Gary Clayton, Kinsmen…, op. cit.
54 Parker Donald Dean (ed.), The Recollections of Philander Prescott…, op. cit., p. 176-178.
55 Ibid., p. 181-182.
56 Voir par exemple les plaintes d’Amos Bruce en 1847 : une compagnie et demie ne peut pas grand-chose sur un si vaste territoire. Rapport du 15 septembre 1847, Annual Report of the Commissioner of Indian Affairs, Washington, 1847-1848, p. 135.
57 Lawrence Taliaferro a laissé des archives importantes, en premier lieu son journal, mais n’est encore l’objet d’aucune biographie. Sa politique indienne est traitée par Anderson Gary Clayton, Kinsmen…, op. cit., son rapport à ses esclaves par Vandervelde Lea, Mrs Dred Scott…, op. cit.
58 Rapport d’Alexander Ramsey, surintendant du Minnesota, Saint-Paul, 21 octobre 1850, Annual report of the Commissioner of Indian affairs, Washington, 1850, p. 46. « In view of the contemplated treaty with the Sioux, the question of acquisition, by the government of the United States, of a portion of this country must soon pass sub judice; opening by the extinction of the Indian title, a new theatre for the great drama of western civilization. Urgent reasons for a purchase may be found in the advance of our cultivated border, in the civilization which is pressing upon and impeding over this valley, in maxims of natural law from which civilized man deduces the duty of reclaiming and cultivating the earth ; as well as in a jealous regard for the best interest of the Indian, and a tender caution for his welfare. »
59 Rapport de Philander Prescott, Saint-Pierre, 25 septembre 1849, Annual Report of the Commissioner of Indian Affairs, Washington, 1849, p. 118, « daily use of the Bible ».
60 Porter Andrew, Religion versus Empire? British Protestant Missionaries and Overseas Expansion, 1700-1914, Manchester, Manchester University Press, 2004.
61 Prudhomme Claude, Missions chrétiennes et colonisation, xvie-xxe siècle, Paris, Le Cerf, 2004.
62 Des synthèses dans les ouvrages de Howe Daniel Walker, What Hath God Wrought: The Transformation of America, 1815-1848, New York, Oxford University Press, 2007, p. 164-202, ou de Reynolds David S., Waking Giant: America in the Age of Jackson, New York, Harper Perennial, 2008, p. 123-174.
63 Miller Christopher L., Prophetic Worlds: Indians and Whites on the Columbia Plateau, Seattle, University of Washington Press, 2003 (1985) ; Cebula Larry, Plateau Indians and the Quest for the Spiritual Power, 1700-1850, Lincoln, University of Nebraska Press, 2003 ; Furtwangler Albert, Bringing Indians to the Book, Seattle, University of Washington Press, 2005 ; West Elliott, The Last Indian War: The Nez Perce Story, New York, Oxford University Press, 2009, p. 21-51 ; Whaley Gray H., Oregon and the Collapse…, op. cit., p. 99-160.
64 MHS, A.S844, Jedediah D. Stevens papers, journal, entrée du 10 septembre 1830.
65 « Extract from the Journal of Mr Boutwell on a Tour to the Sources of the Mississippi », The Missionary Herald, 1834, p. 261.
66 Hickerson Harold, « William T. Boutwell of the American Board and the Pillager Chippewas: the History of a Failure », Ethnohistory, vol. 12, n° 1, hiver 1965, p. 1-29. Les missions ojibwas sont aussi traitées par Kugel Rebecca, « Of Missionaries and Their Cattle: Ojibwa Perceptions of a Missionary as Evil Shaman », Ethnohistory, vol. 41, n° 2, printemps 1994, p. 227-244.
67 La mission des Dakotas est traitée par Gates Charles M., « The Lac Qui Parle Indian Mission », Minnesota History, vol. 16, n° 2, juin 1935, p. 133-151 ; Clemmons Linda M., Conflicted Missions: Faith, Disputes and Deception on the Dakota Frontier, St. Paul, MNHS Press, 2014 ; et de la même « “We Find it a Difficult Work”: Educating Dakota Children in Missionary Home », American Indian Quarterly, 24, 4, automne 2000, p. 570-601 et « “Leagued Together”: Adapting Traditional Forms of Resistance to Protest ABCFM Missionaries and the Treaty of 1837 », South Dakota History, vol. 37, n° 2, été 2007, p. 95-124 ; Uchida Ayako, « The Protestant Mission and Native American Response: The Case of the Dakota Mission, 1835-1871 », Japanese Journal of American Studies, 10, 1999, p. 153-175 ; Graber Jennifer, « Mighty Upheaval on the Minnesota Frontier: Violence, War and Death in Dakota and Missionary Christianity », Church History, 80, 1, mars 2011, p. 76-108.
68 Pond Samuel W. Jr, Two Volunteer Missionaries Among the Dakotas, or the Story of the Labors of Samuel W. and and Gideon H. Pond, Boston and Chicago, Congregational Sunday school and publishing society, 1893, p. 20-31.
69 Clemmons Linda, « “Satisfied…” », art. cit., et The missionary Herald, XXXI, 1, janvier 1835, p. 27-28.
70 Riggs Stephen R., Mary and I. Forty Years with the Sioux, Chicago, W. G. Holmes, 1880.
71 Il faut noter d’ailleurs que deux missionnaires sont quasiment invisibles dans l’historiographie : Daniel Gavin et Samuel Denton, deux ministres suisses envoyés par une société missionnaire de Bâle, demeurent dans le village de Red Wing de 1837 à 1846. La question de leur rapport à l’autorité et au modèle civilisationnel anglo-américain mériterait d’être posée : célibataires à leur arrivée, ils prennent femmes tous deux parmi des militantes de l’ABCFM, par exemple. Voir Riggs Stephen R., « Protestant Missions in the Northwest », Minnesota Historical collections, p. 134-136.
72 Clemmons Linda, « “We Find it a Difficult Work”… », art. cit.
73 MHS, Pond family papers, P437, Box 2, Gideon Pond à Rebecca Hine, 18 mars 1840. « The Ind’s as a body who live on the Mississippi and the St. Peter’s rivers seem to be opposed to Missionaries. »
74 MHS, Pond family papers, P437, Box 2, Thomas Williamson à Samuel Pond, 28 mai 1840. « Another thing that discurages me is that though it is more than six years since I was licenced to preach and nearly six since I was ordained I have no evidence that I have been instrumental in the conversion of a single soul. »
75 Rapport de Nathaniel McLean, Saint-Paul, 25 septembre 1850, Annual Report of the Commissioner of Indian Affairs, Washington, 1850, p. 73-74. « Those schools have been in a languishing condition for a long time. […] We cannot see much visible fruits of their [les missionnaires] labors. »
76 Rapport de Gideon Pond, Oak Grove, 6 septembre 1850, Annual Report of the Commissioner of Indian Affairs, Washington, 1850, p. 83. « On accounts of the opposition of the Indians to education (which increases just in proportion to the increase of the unexpended money which is due to them from our government), and on account of the absence of apparent good resulting from our long-continued efforts in this department of our labor, we have discontinued our Dakota school. We have, however, a small English school at the station, taught by Miss S. A. Wilson. The number of children in regular attendance is ten, four of which are our own: the other six are the children of our neighbors of mixed blood. »
77 Clemmons Linda M., « “Satisfied…” », art. cit.
78 Goetzmann William H., Army Exploration in the American West, Austin, Texas State Historical Association, 1991 (1959).
79 Les explorations dans le Minnesota sont résumées par Folwell William Watts, A History of Minnesota…, op. cit., vol. 1, p. 89-130.
80 Nichols Roger L., Halley Patrick L., Stephen H. Long and American Frontier Exploration, Norman, University of Oklahoma Press, 1980.
81 Klunder Willard Carl, Lewis Cass and the Politics of Moderation, Kent, Kent State University press, 1996.
82 Isabella Maurizio, Risorgimento in Exile: Italian Émigrés and the Liberal International in the Post-Napoleonic Era, New York, Oxford University Press, 2009, esquisse biographique p. 233.
83 Pearson J. Diane, « Lewis Cass and the Politics of Disease: The Indian Vaccination Act of 1832 », Wicazo-Sa, 18, n° 2, 2003, p. 9-35.
84 Les instructions données à Schoolcraft sont reproduites au début de sa relation : Schoolcraft Henry, Narrative journal…, op. cit., p. ii-vi.
85 Les informations sur Nicollet peuvent être recueillies dans The Journals of Joseph N. Nicollet…, op. cit., p. 1-3, mais elles sont de seconde main : il n’existe pas de recherche sur le personnage hors de ses expéditions américaines. DeMallie Raymond a établi la justesse des observations de Nicollet dans « Joseph N. Nicollet’s Account of the Sioux and Assiniboins in 1839 », South Dakota History, vol. 5, n° 4, automne 1975, p. 343-359. Voir aussi Picha Paul R., « Joseph Nicollet and Great Plains Ethnohistory: Interfaces Among Nineteenth-Century French Science, Enlightment and Revolution », Plains Anthropologist, vol. 54, n° 210, mai 2009, p. 155-162.
86 « A French Naturalist in Minnesota, 1846 », Minnesota History, vol. 6, n° 3, septembre 1925, p. 270-277.
87 Pond Samuel W. Jr, Two Volunteers…, op. cit., p. 213. « For some years after we came to this country, we had little use for the English except when transacting business at the fort, and we had little of that to do. The language of the fur traders was French, and many of the Canadians could speak no other language. As we often had dealings with such persons, we learned enough French to transact ordinary business with them. »
88 Gitlin Jay, Bourgeois Frontier…, op. cit., p. 175-178 pour le cas du Minnesota. Mais le travail de Gitlin porte de manière générale sur le maintien de cette francophonie américaine jusqu’au milieu du xixe siècle. Sur Détroit, voir aussi Cangany Catherine, Frontier Seaport: Detroit’s Transformation into an Atlantic Entrepot, 1701-1837, Chicago, University of Chicago Press, 2014, et Teasdale Guillaume, « The French of Orchard Country: Territory, Landscape and ethnicity in the Detroit River Region », Ph.D. York University, 2010.
89 Lettre de Jackson Kemper à son fils, 23 août 1843, dans « Bishop Jackson Kemper’s Visit to Minnesota, 1843 », Minnesota History, vol. 7, n° 3, septembre 1926, p. 271. « There were not many Indians, The few I saw were Sioux who looked most degenerated by their contact with the whites. The families of the officers appeared very happy ; the ladies told me they were like sisters. For months they have no visitors but wild Indians – Sioux or Chippeways. »
90 Lanman Charles, A Summer…, op. cit., p. 57-61.
91 Zachary Taylor à Thomas Lawson, 28 août 1828, dans « Zachary Taylor… », art. cit., p. 17, « it is inhabited entirely by Indians ».
92 Brunson Alfred, A Western Pioneer, or Incidents of the Life and Times of Rev. Alfred Brunson, A.M., D.D. Written by Himself, vol. II, Hitchcock and Walden, 1879, p. 75. « Three hundred miles into the Indian country, and that far from the outside white settlement and beyond civilization, except what was in the army, the Indian agency, the missions, and the fur tradia*s. Civil laws and government were not known. »
93 Anderson Gary Clayton, Kinsmen…, op. cit.
94 Henry Schoolcraft, en 1833, donne un total de près de 15 000 Indiens dans le ressort de Sault-Ste-Marie, c’est-à-dire approximativement l’ensemble des zones à peuplement ojibwa dans les frontières américaines. Schoolcraft Henry, Narrative journal…, op. cit.
95 Les recensements américains sont étudiés par Schor Paul, Compter et classer. Histoire des recensements américains, Éditions de l’EHESS, 2009. Le problème est le même dans toutes les colonies de peuplement : Curtis Bruce, The Politics of Population: State Formation, Statistics, and the Census of Canada, 1840-1875, Toronto, University of Toronto Press, 2001, ou Watts Rob, « Making number count: The birth of the census and racial government in Victoria, 1835-1840 », Australian Historical Studies, 121, 2003, p. 27-47.
96 Hoffman M. M., « New light on old St. Peter and early St. Paul », Minnesota History, vol. 8, n° 1, mars 1927, p. 27-51.
97 Tassé Joseph, Les Canadiens de l’Ouest, Montréal, Compagnie d’imprimerie canadienne, 1878, 2 vol.
98 Un de ces migrants le mieux connu est Joseph Brown grâce à Goodman Nancy & Robert, Joseph R. Brown, Adventurer on the Minnesota Frontier, 1820-1849, Rochester (MN), Lone Oaks, 1996. Les auteurs, érudits locaux, s’ils n’inscrivent pas leur travail dans l’historiographie et n’usent d’aucun concept explicatif, ont effectué un immense travail en archives.
99 Hoffman M. M., « New light… », art. cit., p. 45-46.
100 Wozniak John, Contact, Negociations…, op. cit. ; Atkins Annette, Creating Minnesota…, op. cit., p. 26-33 et 49-60.
101 L’aînée, Madeleine, était née dès 1820 et avait pu être baptisée au préalable lors d’un voyage à Prairie-du-Chien, et était mariée à Olivier Racicot. La benjamine, Marie, ne naquit qu’en 1841.
102 AAD, Registres de Mathias Loras et Joseph Pelamourgues.
103 Pike Zebulon, op. cit.
104 Par exemple APM, Lord Selkirk papers, reel M175, vol. 15, Duncan Graham à Lord Selkirk, 17 juin 1818.
105 APM, Lord Selkirk papers, reel M175, vol. 15, p. 5057, Jean-Baptiste Faribault à Lord Selkirk, 18 juin 1818.
106 Bumsted J. M., Lord Selkirk: A life, Winnipeg, University of Manitoba Press, 2007, p. 356.
107 L’itinéraire de Faribault est connu : notice biographique dans le Dictionnaire biographique du Canada en ligne, et une approche en terme de « race » et de genre dans Denial Catherine Jane, « Pelagie Faribault’s Island: property, kinship and marriage in Dakota country », Minnesota History, 62, 2, 2010, p. 48-59. Son rêve de rivière Rouge n’est mentionné dans aucune des deux références mais avait été remarqué par Giraud Marcel, Le métis canadien…, op. cit., p. 621.
108 Notice biographique de Louis Robert dans Minnesota beginnings: Records of St. Croix county, Wisconsin Territory, 1840-1849, Stillwater, Washington County historical society, 1999, p. 347. Voir aussi Tassé Joseph, Les Canadiens…, op. cit., p. 16-17.
109 Williams James Fletcher, History of the City of St. Paul and of the county of Ramsey, Minnesota, Saint-Paul, Minnesota Historical Society, 1876, p. 66-68.
110 Tassé Joseph, Les Canadiens…, op. cit., p. 7 et 11.
111 Tassé Joseph, Les Canadiens…, op. cit., p. 18 ; ACBH, reel 4M104, recensement de l’établissement de la rivière Rouge de 1835 ; AASPM, registre de Loras.
112 Peter Garrioch, né en terre de Rupert, rapporte ici les chiffres qui lui a donné le lieutenant Smith lorsqu’il est passé au fort Snelling en octobre 1837. George Henry Gunn, « Peter Garrioch at St Peter’s, 1837 », Minnesota History, vol. XX, 1939, p. 123. « The white inhabitants in the vicinity of the Fort were found to number 157. On the Fort Snelling side, in what was called Baker’s Settlement, around the old Camp Coldwater and at Massie’s Landing, were eighty-two ; on the south side of the Minnesota, including those at the Fur Company’s establishments presided over by Sibley, Alex. Faribault and Antoine La Claire, were seventy-five. Seven families were living opposite to the Fort, on the east bank of the Mississippi. […] Lieutenant Smith reported that the settlers had “nearly 200 horses and cattle”. »
113 Article anonyme mais très vraisemblablement de Loras Mathias publié dans The Catholic Advocate, 24 août 1839 et reproduit dans Foundations. The letters of Mathias Loras, D.D., Bishop of Dubuque. Transcribed, translated, and edited by Robert F. Klein assisted by Sr. Benvenuta Bras, O.P., Dubuque, Loras College Press, 2004, p. 262. « During the retreat, a very auspicious circumstance happened. Several Catholic families arrived from Red River […]. Their object was to explore the country, and most particularly to ascertain whether there were in it any Catholic clergymen and a church. Their joy was inexpressible. Raised in the love and practice of our blessed religion by the Rt. Rev. Bishop Provencher, they returned home immediately, equally pleased with the richness of the country and the promise of bishop Loras, that next year a priest should be stationed at St. Peter, and a church built. So that, in all probabilities, nearly a hundred Catholic families will come down next summer, and will settle themselves either at St. Peter’s or on the lakes of St. Croix and Pepin. »
114 Les généalogies sont présentes sur [http://www.ojibwe.info/], consulté le 17 octobre 2012.
115 Williams James Fletcher, History of the City of St. Paul…, op. cit., p. 107-108, 155.
116 AASPM, registre de Mathias Loras.
117 Barkwell Lawrence, « François Déjarlais », Metis Museum, [http://www.metismuseum.ca/media/db/07425], consulté le 5 mars 2013.
118 Rogers Virginia, « Ah-Dick Songab Genealogy », Minnesota Historical Society Collections, 1927, p. 47.
119 La famille Desjarlais (ou Déjarlais) est nombreuse et représente en soi un défi pour l’historien. Le recensement de la rivière Rouge de 1840 comptabilise trois Antoine Déjarlais et deux François Déjarlais (et comme plus au sud les épouses et les enfants sont anonymes) ; celui de 1843 donne sept chefs de famille Déjarlais dont six installés au Village des Saulteaux. Antoine Sr et Antoine Jr sont recensés à Pembina, dans le Minnesota, en 1849. ACBH, reel 4M104 et 4M105 pour les recensements de la Rivière Rouge de 1840 et 1843. Sur le réseau familial, Devine Heather, « Les Desjarlais: The Development and dispersal of a Proto-metis hunting band », dans Theodore Binnema, Gerhard J. Ens et R. C. Macleod, From Rupert’s land to Canada, Edmonton, University of Alberta Press, 2001, p. 129-160.
120 Kane Lucile M., The Falls of St. Anthony. The waterfalls that built Minneapolis, Saint-Paul, Minnesota Historical Society Press, 1987 (1966), p. 12-16 ; Blegen Theodore C., « With Ax and Saw: A History of Lumbering in Minnesota », Forest History, vol. 7, n° 3, automne 1963, p. 2-13.
121 McMahon Eileen M. et Karamanski Theodore J., North Woods River…, op. cit., p. 73-85.
122 Marryat Frederick, A Diary in America, with remarks on its institutions, Londres, Longman, Orme, Brown, Green, & Longmans, 1839, vol. 2, p. 98.
123 MHS, P2379, Robert Clouston à sa mère, relation du voyage à St-Louis de 1846. « St Paul’s is a wretched little village consisting of a few scattered houses stuck here and there on the top of steep bank almost overhanging the Mississippi: almost every house is either a shop or a “grocery” [i. e. tavern] for the supply of the farmers in the neighboring country and for the Sioux Indians, and, certainly, a grocery keeper cannot complain that he had no patronage, for, drinking wisky seems to occupy at least half of the time of the worst citizens of St Paul’s while the balance of their time is employed in cheating each other or imposing upon stranger: the farmers cultivate merely enough ground to furnish themselves with the necessaries of life without, apparently, making any attempt to better their condition: they seem an indolent, lazy, worthless class of men, so the miserable and dirty appearance of their houses may be imagined. »
124 With pen and pencil on the frontier in 1851. The diaries of Franck Blackwell Mayer, edited by Bertha Lion Helbrod, St. Paul, Minnesota Historical Society, 1932, p. 91-95. « Arrived at St Paul June 15th 1851. As the sun was setting on the 14th two indistinct forms were seen gliding close to the shore & as we approached them two canoes, one paddled by a frenchman, the other by an Indian were revealed to us. By degrees in the morning more frequent became the intimations of savage presence We passed Kaposia or Little Crow’s village – & then the canoes & squaws, cheifs [sic] & papooses were frequent sights. St Pauls is situated on a bluff probably about fifty feet above the surface of the river, commanding a fine view of the surrounding country & catching the breeze which sweep down the course of the river & over the adjacent hills. The plain which surmount[s] the bluff is of ample extent for the erection of the proposed “city”. Two years ago it was little more than a mere trading post for the Indians – but already it assumes the appearance of a bustling New England village & well attests the presence of an energetic & free-soil population. It is singular to meet so few “old residenters” for no one seems to have passed more than one winter here. Here an entirely different race are seen commingling with the Anglo-Saxon from those we see in the more southern portion of the West. The French were among the first settlers of this region. Here are the descendants of the “voyageurs” the companions of La Salle & Hennepin & they still retain their national distinctions. How different their manner, appearance & attitude from the “Americans” around them They have the vivacity, merry jest & laugh & expressive attitude & gesture of old france. They still speak french, which is heard a much as English & these two with Indian are often heard at once in the same group. They are generally of smaller size than the Americans & of light active figure, they are employed as boatmen, raftsmen & Indian traders. Most of them have Indian or half-breed wives which gives rise to another branch in the population of Minnesota. The scarf sash, pipe & macassins are the only remnants of the old voyageurs dress to be seen among them. »
125 AAPF Paris, F85, diocèse de Milwaukee, copie d’une lettre de Bonduel à Olislagers de Merssenhaven, 15 novembre 1847.
126 Données compilées dans Minnesota beginnings…, op. cit., p. 284-286.
127 Transcriptions des relevés dans ibid., p. 82-97. Il y aurait là matière à une comparaison fructueuse mais à laquelle les historiens ne se sons pas encore attelés, entre d’une part le sort des populations francophones de l’ancien Pays d’en Haut comme du Pays des Illinois, et d’autre part celui des Hispaniques du Sud-Ouest, beaucoup mieux connus.
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