Sensibilités et représentations urbaines dans le transfert de la capitale de l’État du Minas Gerais d’Ouro Preto à Belo Horizonte (fin xixe siècle)
p. 147-162
Texte intégral
1La construction de la ville de Belo Horizonte1, pour servir de nouveau siège à la capitale de l’État du Minas Gerais, coïncide avec l’affirmation de la République au Brésil, à la fin du xixe siècle. La destitution d’Ouro Preto, capitale historique, coïncide alors avec celle de la monarchie, symbole de la domination coloniale. Cette étude prétend suivre les traces laissées par ce désir de changement de capitale, qui prend forme à l’aube de la République (proclamée en 1889). L’analyse des discours politiques, des chroniques, des journaux, ainsi que de la littérature nous permettra de mettre au jour un imaginaire symptomatique d’une nouvelle sensibilité urbaine. Elle aidera aussi à comprendre l’émergence de sentiments, variant entre crainte, nostalgie et espérance, provoqués par le transfert de capitale.
2Cette histoire commence en 1891, quand l’assemblée constitutante de l’État du Minas Gerais, décide du changement du siège de gouvernement. Cette question, évoquée par le président Augusto de Lima, lors d’un message adressé à l’Assemblée, a suscité plusieurs débats entre les parlementaires, divisant même l’opinion publique. Déterminé, le président affirme qu’aucun problème ne pouvait plus préoccuper le peuple si ce n’est « la nécessité […] d’une nouvelle capitale qui soit au centre des activités intellectuelles, industrielles et financières, et surtout qui soit le point d’appui pour l’intégration territoriale de l’État du Minas Gerais, son développement et sa prospérité » (Lima, 1891, p. 22). Bien que l’importance attribuée par Augusto de Lima à la question de la capitale paraisse démesurée, force est de reconnaître qu’elle a eu la capacité de focaliser les débats et disputes, devenant peu à peu une sorte de pierre d’achoppement où toutes les idées politiques sont venues buter ou s’accrocher.
3L’idée d’un transfert de la capitale n’est pas nouvelle dans le Minas Gerais. En 1789, les participants de la conspiration républicaine, connue sous le nom d’Inconfidência Mineira, prétendaient transférer la capitale à São João Del Rei aussitôt que la République serait proclamée. Pendant la période impériale, plusieurs fois cette question refait surface : l’argument principal est qu’Ouro Preto n’offre pas les conditions physiques pour être le siège du pouvoir administratif de la province. Mais c’est avec l’avènement de République, en 1889, que cette idée de transfert de capitale gagne en force, grâce au décret du gouvernement provisoire laissant à chaque État de la fédération le choix de l’emplacement de sa capitale. Au-delà des dispositions légales, le désir de changement de capitale se nourrissait de l’idée selon laquelle on assistait à la naissance d’un nouveau temps, où les attentes de développement et de modernisation du pays seraient enfin comblées.
4Depuis 1870, toute une génération d’écrivains, de professions libérales et d’hommes politiques, animée d’un même idéal concernant le progrès, partage un même espoir : effacer l’héritage colonial. Une véritable culture réformiste s’impose, où la science et la technique seraient garantes d’un nouveau modèle de société. La ville s’impose aussi comme le lieu privilégié de cette réforme : réorganisée, elle permet l’émergence d’un nouvel ordre, articulé autour des idéaux de civilisation moderne2.
5Les transformations qui ont eu lieu dans le pays, à partir de 1870 – apparition des industries, croissance des villes, perfectionnement des transports, intensification du commerce, abolition de l’esclavage et organisation d’un marché du travail libre – sont venues renforcer de telles convictions. L’implantation de la République au Brésil est alors venue couronner l’idée d’une rupture avec une société d’essence coloniale.
6Aussi, la possibilité de fonder une nouvelle ville pour abriter le siège du pouvoir de l’État républicain, s’inscrit-elle dans cet horizon d’attentes, suscitant toute un ensemble d’images urbaines. Les plus enthousiastes voyaient dans la future capitale un moyen de promouvoir le développement matériel, social et culturel. Telle Prométhée, elle avait le pouvoir d’annuler le déphasage du Minas Gerais avec le modèle de civilisation désiré, de façon à attirer le progrès et le propager dans toutes les régions de l’État de Minas Gerais. Ceci était la vision, par exemple du député Bernardo de Lima : « Je suis sûr que la civilisation ne peut qu’émaner d’une grande ville […] d’une capitale que ait tous les éléments nécessaires pour la vie officielle, aussi pour la vie de tous ses habitants » (Lima, 1891, p. 157). Les opposants voyaient, en revanche, dans cette tentative, une menace de ruine – non seulement pour l’histoire d’Ouro Preto, mais aussi pour les valeurs et le mode de vie traditionnels du Minas. Face à l’imminence du transfert de la capitale, beaucoup se sont insurgés, indignés par la force destructrice du progrès. Severiano de Rezende, poète et député de l’Assemblée constituante, s’interrogeait ainsi : « Serait-ce un péril pour la République de garder comme capitale Ouro Preto, est-il nécessaire de briser tous les liens avec cette ville, pour assurer le triomphe de la République dans les terres de Minas3 ? » (Resende, 1891, p. 149).
7Cet article prétend donc, à partir du cas d’étude d’Ouro Preto et Belo Horizonte, évoquer les sensibilités et représentations urbaines à l’œuvre dans les discours accompagnant le déplacement du siège de la capitale d’une ville vers une autre. Nous présenterons, dans un premier temps, les débats engendrés par la lecture de la ville moderne comme métaphore du progrès, puis ceux qui se sont centrés sur la grammaire urbaine comparée des deux villes. Dans un troisième temps, nous évoquerons les discussions autour de la scène vide et fantasmagorique de la nouvelle capitale, avant de terminer par une réflexion sur l'inventaire des pertes et l’enjeu de leur muséification.
La ville comme métaphore du progrès
8Tout en stipulant le transfert de la capitale, la constitution de l’État du Minas Gerais (1891)4, a également déterminé qu’une étude technique puisse instruire le congrès du meilleur choix possible pour une localisation. Ce n’est qu’en 1893, lors d’une réunion extraordinaire à Barbacena, que le congrès du Minas Gerais a déterminé, parmi 5 localités5, le site de Curral del Rei, refusant de prendre en compte la recommandation de la commission technique.
9En parallèle à la discussion lancée par le Congrès, la presse s’est emparée du sujet, provoquant dans l’opinion publique, une césure entre les défenseurs du transfert de la capitale, évoquant un centre de développement économique, intellectuel et politique, et les opposants au transfert, mettant en évidence les risques que courraient la paix sociale et les valeurs morales dans les grandes villes modernes.
10Pour les uns, à l’instar du gouverneur Afonso Pena, la nouvelle capitale assurerait le progrès : « Transférer la capitale vers un lieu doté des richesses naturelles qui manquent à l’actuelle capitale, produira des résultats pour le bien de l’État, impulsant les industries, les voies ferrées, la création d’établissements agricoles, professionnels, et autres, ce qui aura des répercussions dans toutes les zones de l’État6 » (Pena, 1891, p. 356).
11S’inscrivant dans cette ligne, le journal O Contemporâneo considère que ce transfert viendrait révéler des potentialités déjà inscrites dans le présent, puisque la future capitale, « démontrera notre progrès déjà assez sensible7 » (1893, p. 1).
12Les opposants dénonçaient, quant à eux, la face obscure et inhumaine du progrès, à l’exemple de Xavier de Vega : « C’est dans les grandes villes […] que s’accumule la lie de la nation, éléments nocifs à la liberté et préjudiciables à la moralité des coutumes. Les puissants contribuent à la dissolution des coutumes et même l’administration, qu’ils investissent, pour répondre à l’intérêt exclusif de leur spéculation8 » (Xavier da Veiga, 1891, p. 199 et p. 201). Sous l’effet de la foule misérable et révolutionnaire, la ville se transforme, et de lieu de civilisation, devient un espace chaotique et sinistre, où une masse d’hommes anonymes et incontrôlables serait prête à subvertir à l’ordre et à menacer le pouvoir et surtout l’identité régionale.
13Ce dernier point est d’autant plus souligné, que le nouveau régime républicain s’est donné comme tache de doter la société brésilienne d’un sens d’unité nationale, base d’une identité commune. En associant la construction de la nation à l’idée de progrès, l’héritage culturel du passé colonial et de l’esclavage serait ainsi évacué. En outre, si dans le vieux continent l’urbanisme était supposé adapter les villes à une réalité sociale déjà constituée, ici c’est l’inverse qui devait se produire : l’urbanisme devant anticiper le futur et dicter une nouvelle réalité sociale. Cette idée d’une mission civilisatrice et morale de la nouvelle capitale est fortement présente dans les chroniques d’Alfredo Camarate9, architecte-dessinateur et membre de la commission de construction de la nouvelle capitale : « Nous avons construit, en réalité, une capitale pour les fils de l’État du Minas qui sont également fils de la République des États-Unis du Brésil et, au-delà de ces deux affiliations onéreuses, fils du siècle des Lumières10 » (Revista do Arquivo Público de Minas, 1985, p. 166-167).
14Quelle place pourrait alors occuper une capitale dont les liens avec un passé colonial et esclavagiste étaient si fortement présents, à l’heure où il s’agit de se délivrer des fardeaux du passé ? Aux yeux des adeptes du changement, Ouro Preto représentait au mieux une sorte de mémoire archaïque, enkystée dans la modernité, enveloppée dans une aura religieuse et aristocratique, peuplée de fonctionnaires publics, et d’une masse de travailleurs à peine sortis de l’esclavage. Comment la concevoir dès lors comme « temple de l’industrie et du travail » ?
15Toutefois, les mêmes remarques auraient pu être formulées pour le petit village de Curral del Rei où devait être construite la nouvelle ville de Belo Horizonte : le petit peuple de Curral del Rei partageant avec celui d’Ouro Preto sa supposée inadéquation à la modernité.
16Dans un article du quotidien Minas Gerais, Alfredo Camarate relate une rencontre qu’il a eu avec un vieux tailleur du village. L’épisode est révélateur d’un sentiment de perplexité et d’étrangeté vécu par l’auteur de la chronique, confronté à une forme de vie sur le point de disparaître. Il signale, en cherchant à être agréable avec son interlocuteur, qu’il citera les noms des tailleurs importants d'Europe. Or, tout paraissait indifférent à l’habitant de Curral de Rei, dont il se demande si après tout il ne serait pas également « indifférent […] devant le forage de l’isthme de Suez, la construction de la tour Eiffel, l’invention du phonographe et la découverte des injections de créosote comme remède à la tuberculose11 » (Revista do Arquivo Público de Minas, 1985, p. 47-48). Camarate souhaita alors passer commande pour des pantalons et, à sa grande surprise, le tailleur refusa, lui indiquant un autre professionnel qu’il pensait meilleur : « Et je me suis mis à réfléchir […] sur les bienfaits qu’apportera au peuple, la conquête vertigineuse du progrès du siècle. Les philosophes et les moralistes diront, pour les uns, que Belo Horizonte gagne et, pour les autres, que Belo Horizonte perd12 ! » (Revista do Arquivo Público de Minas, 1985, p. 47-48). Le même sentiment d’hésitation en relation à l’impact que la construction de la nouvelle capitale apporterait à ce peuple pacifique apparaît dans une description du paysage de Belo Horizonte, publiée dans le rapport de la commission de construction. Ce territoire, presque intouché par l’homme, est décrit comme quelque chose de sublime : le « ciel pur », « les montagnes vertes », « les maisons accrochées aux pentes […] calmes et muettes » : « Pourquoi échanger le calme de ce village pour les bruits et bourdonnements immodérés des grandes villes13 ? » (Revue générale des travaux…, 1895, p. 12). Quant aux habitants, il était espéré que « l’exemple donné par le mode de vie urbain serait suffisant pour en finir, à partir de la racine, avec cette atrophie artificielle14 » (Monte Raso, 1891, p. 95).
17Cette idée d’atrophie était en effet associée au peuple des villes et villages traditionnels du Minas, peuple sans instruction et souffrant, que seul le progrès pourrait entreprendre de civiliser. Ce sera la tâche confiée à l’urbanisme de la ville nouvelle.
Une grammaire urbaine imaginée
18L’élite progressiste du Minas Gerais rêvait en effet « d’un centre où se concentrerait la partie pensante du peuple, manifestée par une industrie développée, un commerce avancé, des établissements d’enseignement de qualité, des arts et autres domaines de l’intelligence, aujourd’hui malheureusement isolés comme l’actuelle capitale de Minas, Ouro Preto15 » (O Contemporâneo, 1893, p. 2). L’idée d’un centre de rayonnement coïncidait avec celle d’une localisation centrale. La thèse de la centralité géographique venait ainsi en contrepoint de la lecture d’un Etat perçu comme un véritable patchwork, fruit d’un développement économique inégal entre ses différentes régions16. La construction d’une capitale centrale pourrait s’opposer, telle « une barrière, à l’esprit séparatiste17 » (Monte-Raso, 1891, p. 96) qui prédominait dans certains domaines.
19La préoccupation avec le milieu géographique s’est étendue jusqu’aux conditions environnementales : la ville d’Ouro Preto, inadéquate à une occupation humaine dense « va devenir un foyer de graves maladies, à l’exemple des maladies pulmonaires qui y sont endémiques18 » (Monte-Raso, 1891, p. 95). Cette insalubrité de l’ancienne capitale est largement dénoncée par les médecins hygiénistes et les urbanistes19, qui font de la future capitale une ville où « toutes les conditions de salubrité correspondent aux critères actuels d’hygiène, permettant la naissance d’une capitale modèle, à la hauteur de son destin et rôle dans l’union brésilienne20 » (Andrade, 1891, p. 348).
20Mais construire une ville présentait aussi une opportunité sans pareil pour imposer dans l’espace une nouvelle esthétique du pouvoir. On aspirait à un paysage urbain épuré et bien équipé de « grandes et élégantes places, rues larges et étendues, canalisations de tout genre, jardin, théâtre etc.21 » (Revista do Arquivo Público de Minas, 1985, p. 166-167). Il y avait, de ce fait, un véritable mépris pour le tracé urbain irrégulier, fait de rues étroites adaptées à la « nature ingrate » et à la « topographie détestable » d’Ouro Preto, ainsi que pour le goût baroque, identifié à un excès d’ornements, d’« édifices imparfaits, mal finis et de mauvais goût » (Caldeira, 1891, p. 98). Il s'agissait, en somme, de se débarrasser de l'anachronisme du goût colonial. Et pour cela, il importait de transplanter le goût et les nouveautés européennes, à l’exemple de l'éclectisme disséminé par la bourgeoisie ascendante, avec son mélange de styles, profusion de matériels et édifications monumentales. Un style que se prêtait à l’exaltation des conquêtes du progrès.
21Même les défenseurs d’un maintien de la capitale à Ouro Preto convenaient, à l’exemple du sénateur Silviano Brandão, qu’« Ouro Preto est une vilaine ville […] où rien ne se prête au développement », mais pour mieux reconnaître ensuite que « la République doit être un gouvernement modeste, économique, n’ayant pas besoin de monuments pour servir de preuve à sa vanité » (Brandão, 1891, p. 94). Pour le sénateur Brandão l’ancienne capitale est un conservatoire de valeurs qui seraient sacrifiées par la construction d’un monument à la République, sans que l’on soit certain de leur substitution par d’autres valeurs. Ses propos témoignent ainsi du climat d’incertitude qu’a suivi la proclamation de la République, puisque la chute de l’édifice politico-institutionnel de la monarchie et l’absence d’un projet républicain suscitant un consensus entre les élites ont provoqué une succession de crises administratives et institutionnelles.
22Cette atmosphère d’incertitude politique et d’effervescence idéologique, a sans doute, ouvert la porte à l’aventure audacieuse de Belo Horizonte. Les images d’adhésion au projet – centre économique et intellectuel promoteur du développement républicain, pôle d’irradiation du progrès, métropole moderne et rationnelle – ont formé un ensemble cohérent, une sorte de grammaire urbaine imaginée, dans lequel se projetait un idéal de civilisation.
23Est ainsi née une ville imaginaire, nourrie d’un jeu contrastes apparemment inconciliables entre l'ancien et le nouveau, le progrès et l'arriération, le beau et le laid, l’hygiénique et le malsain. La conviction selon laquelle se vivait une rupture avec la précédente époque alimentait la force de ces images. Une nouvelle ère commençait, pour laquelle une nouvelle spatialité était indispensable, afin de donner un sens matériel et symbolique à l’idée de rupture.
24Et cette nécessité de se distinguer de l’ancien ordre impose un déplacement, seul capable de symboliser l'émergence d'une époque nouvelle. Si l'avènement de la République a été l'élément clé dans la conception de cette temporalité, la ville a été, par excellence, l'espace de sa représentation. En s'opposant à la société rurale et archaïque, elle suggérait une vie cosmopolite, en transformation incessante, le locus d'un espace public formé par des individus émancipés. Dans ce scénario mental, il semble compréhensible que les élites nationales aient présenté le transfert comme un passeport pour l'entrée de la jeune République dans le concert des nations modernes.
La scène vide et fantasmagorique de la capitale
25La nouvelle capitale semblait s’élever sur les ruines de l’ancien ordre, abandonnant Ouro Preto à son propre sort et démolissant Curral del Rei. Les contemporains de cette expérience si radicale ne sont pas restés indifférents. Si certains associaient la nouvelle capitale à l'anéantissement des anciennes valeurs, d'autres, au contraire, l’imaginaient « comme l’emporium, comme le fascinant centre de l'industrie, dans lequel, le grincement des engrenages, la vapeur reniflée et une respiration sifflante des moteurs puissants, se mariaient les immenses cris des foules piétinées et les sifflements des turbines bruts et sur le point d’éclater » (Revista Mineira, 1903, p. 28). Ces images d’engrenages et de turbines suggèrent l’émergence d’une nouvelle perception du temps et de l’espace. Les réalisations de la technologie promettent d’émanciper l’homme d’un environnement éminemment rural, marqué par des espaces construits sous les impositions de la nature.
26La grande ville impose une nouvelle sensibilité, comme en témoigne l’intrigue du roman A Capital (La capitale) publié peu après l’inauguration de la nouvelle capitale en 1903. Son auteur, Antonio Avelino Foscolo, né à Sabara en 1864, était un anarchiste, acteur de cirque, écrivain et journaliste. L’action du roman se déroule dans l’ancien Curral Del Rei, au début de la construction de la ville nouvelle. Dans l’intrigue, l'appât des indemnisations offertes aux propriétaires de Curral Del Rei, les manigances pour la distribution des lots dans la nouvelle capitale, la spéculation financière et les limites mêmes des promesses de progrès servent de toile de fond aux dilemmes et les angoisses des personnages, face aux transformations en cours. Les personnages, qui sont les résidents de Curral Del Rei, protagonistes de la tragédie du développement, sont séduits par le progrès et en même temps en deviennent ses victimes. Cette tension fonctionne tout au long du récit, centré sur l'effondrement de l'ordre ancien et l'apparition de nouvelles formes de sociabilité. Le conflit et la tension seront incarnés par les personnages de Cunha et de Lena. Cunha, un homme introverti et conservateur, vit l'angoisse de voir ses valeurs et son monde se diluer, dans un environnement étrange et hostile. Aigri, il assiste impuissant à la décadence de ce monde traditionnel, à la perte de son identité et du sens intime de sa vie, symbolisé par la fin de son mariage. À l’inverse, son frère, Sérgio, et sa femme, Lena, se sentent à l'aise avec l'idée de progrès et alimentent les attentes d'une vie meilleure. Pragmatique, Sérgio s’ajuste rapidement à de nouvelles relations éphémères et superficielles, et au jeu de la spéculation. Son mépris pour la morale lui permet des relations dominées par l'argent et la commodité. Cependant, si le progrès était pour lui une opportunité, il revêtait pour Lena un sens presque onirique : « Elle aimait le progrès, le mouvement, la vie, sollicitant une capitale idéale pour le cerveau du Minas22 » (Fóscolo, 1903, p. 85). Contrairement à son mari, Lena n’avait rien à perdre. Le petit village de Curral Del Rei, pour elle, était synonyme de solitude et d’ennui, d’une vie recluse consacrée à un mariage indésirable. La grande ville signifiait la possibilité de s’émanciper du monde privé de la maison pour goûter aux plaisirs de l’espace public et frénétique des rues.
27Mais la déception attend bientôt Lena, ne pouvant vivre l’amour tant attendu dans la nouvelle capitale. Dès lors, au lieu d’incarner l’espoir, la ville de Belo Horizonte devient synonyme de frustration. Ainsi les personnages, chacun à leur manière, finissent-ils par payer un prix pour le progrès, expérimentant la ruine morale et physique, la déception de la richesse facile, ou le désenchantement avec la ville moderne qui, dans sa quête insatiable de nouveauté, semble voué à un vieillissement prématuré. Pour Lena, Belo Horizonte « mourra en proie à une spéculation effrénée, ne laissant que de tristes proies, ruines monumentales, un réveil cruel pour ceux qui veulent s’élever plus haut que nécessaire23 » (Fóscolo, 1903, p. 271-272).
28L’impression d’abandon de Lena est corroborée par la presse de Belo Horizonte. Les descriptions d’un cadre urbain enveloppé dans l’« atmosphère muette de larges avenues disparaissant sous le poids du silence » imposent l'image d'une ville fantasmagorique. Née du désir d'effacer le passé, la capitale semble devenir un monument insaisissable, dépouillé d'âme et d’identité, à l’exemple des impressions ressenties par l’écrivain Monteiro Lobato, lors d’une visite à Belo Horizonte : « Extrême pénurie de personnes dans les grandes rues, la ville semi-construite, un immeuble par-ci un autre par-là, tout à moitié fait. Les fonctionnaires qui montaient et descendaient lentement, se faisant passer pour des passants. Des passants publics. Cela était ennuyeux. Une semaine passée là donnait l’impression d’avoir passé des mois » (Lobato, 1947, p. 220).
29À l’inverse, pour le chroniqueur João do Rio, Belo Horizonte ressemble à un rêve, un espace éthéré :
« Dans les vastes avenues, où les arbres sont des ornements au charme pénétrant, on ne peut pas discuter la modestie des constructions. […] Personne dans le monde n'a vu une orgie si bleue. Le bleu n'est pas dans le ciel. Le bleu est dans les places, dans les rues, dans les ondulations des collines, il coule des arbres, entoure les gens. Les rues sont des ponts qui relient le bleu. La ville devient mirage : elle est si faite de ciel, que les anges peuvent marcher dans les ponts aériens que sont les rues, comme dans le ciel même » (Vida de Minas, 1916).
30L’impression de João do Rio est celle d’une ville qui semble ne pas appartenir au monde des hommes, une ville fantôme, finalement aussi si irréelle que celle de Lobato. La vision de l’écrivain de São Paulo (Lobato) comme celle du chroniqueur de Rio de Janeiro coïncident ainsi sur l’aspect insolite et spectral d’une capitale inhabitée : « Jusqu’à quand seras-tu ainsi, impoli et maladroit, fameux Belo Horizonte ? Jusqu’à quand pourront-ils dire de toi que dans ton corps divin palpite une âme simple de village ? » (Vida de Minas, 1916).
31Dans les cafés, « les tables vides, les serveurs somnolant » donnent « un sentiment de léthargie », la Praça da Liberdade et le Parque sont pratiquement déserts, le théâtre « désespérément fermé presque toute une année ».
32Ce qui est en filigrane, dans ces propos, est que le mode de vie à Belo Horizonte n’est pas digne du niveau d'urbanité suggéré par le geste audacieux de la nouvelle capitale. La sociabilité, jusque-là confinée à la vie domestique en raison d’« un conservatisme rastaquouère et injustifiable » (Diário de Minas, 1913, p. 3), devrait s’élargir à l’espace public :
« Belo Horizonte a tout : avenues, places, beaux jardins, terrain de football, théâtre, enfin, tous les divertissements d'une ville civilisée. Quelle est cependant l’importance de ces divertissements s’ils sont abandonnés ? On n’y voit aucune âme vivante du “Smartismo” du Minas Gerais en appréciant les plaisirs de ces larges avenues, les charmes des places immenses, bénéficiant d’angles artistiques, où seul le bourdonnement des insectes rompt la monotonie dans laquelle ces voies publiques vivent ! Peut-on dire que Belo Horizonte se civilise, devant l'abandon dans lequel se trouvent ses jardins et points naturels de promenade ? » (Vita, 1913).
33Ce n’est que très lentement que les élites du Minas Gerais se sont adaptées à cette nouvelle scène urbaine. La presse a joué un rôle essentiel dans ce processus d’embourgeoisement et d’européanisation, stimulant de nouvelles pratiques et condamnant les anciennes : « Que voulons-nous de plus ? Certainement que nos promenades publiques entrent par la porte avant de nos maisons, afin d’en jouir paisiblement en robe de chambre et en peignoir » (Diário de Minas, 1917, p. 2).
L’inventaire des pertes
34Ces questions ne font pas disparaître les démonstrations de résistance à la nouvelle éthique urbaine. Pour beaucoup, la capitale était juste un paysage étrange, dont le décor, si éloigné de la tradition de l’urbanisme colonial, leur infligeait même des malaises :
« Mon tempérament […] a beaucoup souffert de l'apathie de cette “urbs”, la ville de la symétrie du monochrome encadré de contours géométriques. La ville, pour plaire, doit offrir des perspectives antiques, où dorment les traditions […]. Dans cette “urbs”, tout est faux, du dessin architectural des façades à la disposition des jardins, de la peinture des bâtiments publics à l’ennuyeux “maquillage” des filles, de la soirée bourgeoise à la cérémonie du thé, élevée à la catégorie de “five o’clock”, dans une détresse morbide où règne l’ostentation du nouveau riche » (Diário de Minas, 1915).
35En disqualifiant l’urbanisme surgi de la règle et du compas, cette chronique proclame la supériorité de l’ancienne capitale : non seulement la conformation nouvelle des rues de Belo Horizonte heurte la tradition urbaine du Minas Gerais, mais le comportement bourgeois est affecté par un caractère étrange.
36La symétrie de la ville, sa géométrie claire, spacieuse, et uniforme proclamait la transparence, en assurant une lisibilité immédiate de la ville. Ce qui en effet exprimait l'utopie de transformer la société en quelque chose de transparent aussi. Cette esthétique de la visibilité, qui permettait d'exposer les individus aux regards des autres a conduit à des expériences parfois dérangeantes, dès lors qu’elle imposait des rencontres indésirables ou des expositions involontaires dans l’espace public.
37Une chronique de 1910 témoigne bien de l'embarras et de l'inconfort causés par les grandes rues et avenues. Son personnage est un fonctionnaire public endetté, qui s’exclame lorsqu’il voit l’un de ses créanciers : « Bon sang ! Pas une ruelle sur cette terre ! Grandes comme je ne sais quoi ! Vive notre vieux Ouro Preto ! » (Quase, 1910, p. 2). Il n’y avait en effet aucune cachette possible dans un espace aussi vaste, à la différence d’Ouro Preto et de ces ruelles protectrices.
38Mais ce n’était pas seulement la perte de l’aspect accueillant de l’urbanisme de Ouro Preto qui était déploré. C’est aussi la vie simple et authentique du monde rural, que la grande ville avec ses mondanités et ses artifices a fait disparaître. Une lettre de lecteur, publiée dans le magazine Vida de Minas en 1916, exprimait ce sentiment :
« Oui ce qui nous plaît c’est le désert, là où nous vivons si insouciants et libres […]. La civilisation est en train de frapper à nos portes, et avec elle viendra le chemin de fer, le chariot électrique, la machine à vapeur, le corset, la crème et la poudre. L’élégante paysanne perdra son teint rosé et la courbure gracieuse de son cou opulent, le peuple perdra l’innocence. N’est-ce pas triste de penser que nous perdrons tout cela ? » (Vida de Minas 1916).
39À force de s’attacher à identifier les signes d’une société vide de valeurs et réduite aux simples apparences, c’est à la construction d’un mythe que l’on peut assister : celui d’un passé heureux, mais déjà éloigné dans le temps et l’espace. Imprégné de cette perception, l’écrivain et journaliste Artur Lobo saluait ce monde primitif et rustique : « J’aurais voulu être maintenant à cent lieues des chemins de fer, des villes florissantes, des usines, des fabriques, des avenues ; retourner à la simplicité primitive des hommes, cultiver la terre, soigner l’agriculture, m’exiler pour la société des humbles, des obscurs et des simples » (Vida de Minas, 1916).
40De l’inventaire des pertes causées par le transfert de la capitale (la simplicité de la vie provinciale, sa supposée authenticité, l’urbanité accueillante de Ouro Preto), c’est certainement la menace de dommages irréparables pour la mémoire et les traditions du Minas Gerais qui a le plus mobilisé les défenseurs d’Ouro Preto. Avec un mélange d’amertume et perplexité, Diogo de Vasconcellos résume avec force ce sentiment : « Il me semble que nous assistons au cérémonial, aux danses et aux batteries joyeuses de la tribu qui a pour ambition d’enterrer vivant ses ancêtres » (Vasconcellos, 1893, p. 1). Pour Vasconcellos, Ouro Preto était ainsi condamné à jouer le rôle de galerie du passé, et à vivre congelée dans le temps. Ce qui n’est pas un problème pour Augusto de Lima, qui reconnaît que « les souvenirs qui forment le plus cher patrimoine historique du peuple du Minas Gerais » (Lima, p. 22). D’une certaine manière, la reconnaissance du statut de patrimoine historique d’Ouro Preto se donnait comme une forme de mesure compensatoire face à la perte du statut de la capitale. Dès lors, ne faut-il pas s’étonner que le jour de l'inauguration de la nouvelle capitale, quand pratiquement toute la presse ne tarissait d’éloges sur la nouvelle ville, que le journal Minas Gerais publie un article d’Estevão Lobo, dans lequel il exprimait la crainte de la vielle Ouro Preto de se transformer en « une page grisée et morte, prise dans les brumes du passé, et incomprise par les enfants de demain qui grandiront dans ces chères ruines » (Minas Gerais, 1897, p. 2).
41La bourgade de Curral del Rei, sur le site de laquelle Belo Horizonte va être construite, suscite également une effusion de sentiments nostalgiques. Mais son cas présente une singularité : si l’avancée de la modernité a permis de justifier sa destruction, les innovations technologiques (dont la modernité est porteuse) ont aussi offert des ressources capables de conserver le souvenir du lieu. C’est le cas de la photographie, permettant de fixer, dans le temps rapide des transformations, ce qui va être irrémédiablement perdu. Après le début des travaux, la commission constructrice de la nouvelle capitale a implanté un cabinet photographique, pour conserver « diverses vues du camp et de ses principales habitations », pour entretenir la mémoire d’un lieu « transformé en cité moderne » (Minas Gerais, 1895, p. 9).
42Au-delà des photographies, le directeur de la commission constructrice de la nouvelle capitale, Aarão Reis, commanda au peintre français Émile Rouède, trois peintures de paysages de la vieille ville. Réalisées en 1894, ces peintures représentent l’ancienne église, au style colonial, une rue avec ses taudis et ses palmiers, et un panorama de la vallée de l’ancienne ville. Le peintre, qui demeura toute l’année 1894 dans le Minas Gerais, vécu la grande partie de ce temps à Ouro Preto, où il écrivit une petite série d’articles sur ses impressions pour Le Brésil Républicain, journal publié à Rio de Janeiro, en français24. Dans l’un de ses articles, il n’hésite pas à affirmer :
« J'aime Ouro Preto, j'en demande pardon à ceux qui ne l'aiment pas, ou plutôt, qui ne l'aiment plus ! Etant né avec l'amour de l'art, il est tout naturel qui je préfère les endroits pittoresques et accidentés, aux plaines monotones, et n'inspirant aucun sentiment artistique. Et puis, cette ville a une tradition ; on lit, dans ses monuments, l'histoire du pays. […] Ouro Preto est fille légitime de l’État de Minas, et elle a tout autant droit à sa solitude que Curral del Rei – Belo Horizonte » (Rouède, 1977).
43Si les photographies et les peintures cherchaient à anticiper une perte annoncée, dautres manifestations de nostalgie surgirent au moment de la rupture effective. Certains de ces gestes relevaient de l’excentricité. C’est l’exemple de l’installation sur la place de liberté de la nouvelle capitale, d’une représentation du pic d’Itacolomi, symbole naturel et emblématique de l’identité de l’ancienne capitale. L’Itacolomi en miniature créait l’illusion d’un contact immédiat avec ce qui est désormais absent. Relevant du même état d’esprit, quelques vérandas des résidences à Belo Horizonte furent ornées avec des peintures des paysages25.
44Le tableau « A Má Notícia26 » (la mauvaise nouvelle), de Belmiro de Almeida, prétend aussi éterniser le découragement suscité par le changement de capitale. L’œuvre montre une femme, assise dans un fauteuil, la tête baissée et appuyée dans la main gauche. Elle vient de lire une lettre qui est désormais à terre, rédigée sur une feuille entourée d’un bandeau noir, suggérant une correspondance de deuil. Son expression est d’une tristesse profonde. Peinte en 1897, elle coïncide avec l’année de l’inauguration de la nouvelle capitale, ce qui a donné lieu as des interprétations selon lesquelles la mauvaise nouvelle serait justement le transfert de capitale d’Ouro Preto pour Belo Horizonte. Exposée au salon du « Liceu de artes e Ofícios de Ouro Preto », elle a été acquise par le gouvernement de l’État de Minas Gerais. Bien qu’il soit presque impossible de déterminer la véritable intention de l’auteur, le fait est que Belmiro de Almeida produisit une œuvre d’une grande émotion, qui démontre la douleur de la perte et de la séparation.
45Dans ce moment critique de transformations, débutait ainsi le processus de patrimonialisation des pertes. Or, comme le rappelle François Hartog, la production du patrimoine ne se nourrit jamais de continuité, mais au contraire des ruptures de l’ordre de temps27. Dans le Minas Gerais, ce processus repose sur un jeu entre ce qui est absent et ce qui est présent ; un jeu dans lequel la société attribue aux choses des sens capables de faire la médiation entre le monde visible et ce qui ne peut être atteint, car distant dans l’espace et dans le temps. Les processus de patrimonialisation, dans ce sens, sont des indices de temps de crise, indices de la manière dont une société vit ses césures.
46C’est dans les années 1930 que Curral del Rei et Ouro Preto feront l’objet d’un processus de patrimonialisation. Pour Curral del Rei, les vestiges du village disparu, des fragments de construction, des portes et ustensiles de cuisine, ainsi que des objets de culte de l’église Nossa Senhora da Boa Viagem, les photos de la commission constructrice et les peintures d’Émile Rouède ont été intégrés dans une galerie du musée d’histoire de Belo Horizonte, sous le titre : « Session des objets originaires du village de Curral Del Rei ». Organisé dans les années 1930 par l’historien et journaliste Abílio Barreto, et ouvert au public en 1943, le musée a été emblématiquement installé dans un corps de ferme du village détruit. Aux côtés de la galerie de Curral del Rei, Abílio Barreto avait pris soin de former deux autres collections : une relative à Belo Horizonte, comprenant les objets historiques et artistiques depuis son inauguration, et une relative aux biens historiques, artistiques, archéologiques et ethnographiques du Minas Gerais, et plus spécifiquement d’Ouro Preto. La partie consacrée à Belo Horizonte a été formée malgré l’avis contraire du service du patrimoine historique et artistique national (SPHAN), considérant qu’un musée ne pouvait élever au rang d’antiquité une jeune ville d’à peine 50 ans28. Concernant la galerie du Minas Gerais, assez peu d’objets de l’ancienne capitale ont été finalement incorporés, en raison du propre processus de patrimonialisation d’Ouro Preto. En effet, la vielle capitale est élevée, à l’initiative des modernistes, au rang de monument national en 1933. Désormais, ce n’est pas le culte de la mémoire de faits héroïques qui est valorisé par ce geste, mais l’œuvre l’art, fruit de l'ingéniosité humaine, témoignage incontesté de la force créatrice brésilienne.
En guise de conclusion
47Les déplacements de capitales induisent toujours des gestes d’affirmation symbolique du pouvoir, mais ravivent aussi les blessures des villes abandonnées29. Les perturbations causées par les ruptures peuvent amener les villes à succomber à l’oubli, une fois dépouillées de l’éclat du pouvoir, ou à se réinventer en valorisant d’autres potentialités. Il n’est alors pas rare que la mémoire soit convoquée, dans des projets de muséification ou de narrations mettant en scène rues et monuments. Les anciennes capitales trouvent ainsi dans les processus de recomposition de leurs relations avec le passé, des stratégies de survie pour faire face à la crise née des pertes dues au transfert. Tel a été le cas du palais du Catete, à Rio de Janeiro, transformé en musée de la République, après le départ du président Juscelino Kubitschek pour Brasilia30 ; tel a aussi été le cas de la ville d’Ouro Preto, convertie en ville-musée.
48Il n’est donc pas exagéré de dire qu’Ouro Preto et Belo horizonte s’offrent comme un cas d’étude exemplaire pour illustrer cette expérience. D’autant que dans l’histoire du Brésil, selon les propos de Laurent Vidal, la mobilité des capitales est une constante31. La vérité est que l’une et l’autre ont joué des rôles, mis en scène une dramaturgie du développement, dans laquelle l’idée de ville était élevée au rang de métaphore d’une nouvelle sensibilité urbaine. Si les villes sont aussi le produit de l’imaginaire, il faut reconnaître que le transfert de la capitale de Minas Gerais a constitué un moment fructueux dans la réinvention des matrices de l’imaginaire urbain brésilien. Un moment fondateur de représentations paradigmatiques, à partir desquelles inventer et réinventer les vocations d’Ouro Preto et de Belo Horizonte.
Bibliographie
Barreto Abílio, Bello Horizonte ; memória histórica e descriptiva, Belo Horizonte, Rex., v. II, 1936.
Bresciani Maria Stella Martins, Londres e Paris no século XIX : O espetáculo da pobreza, 4e ed., São Paulo, Brasiliense, 1987.
Cândido Maria Inez, « Documentação Museológica », Caderno de Diretrizes Museológicas, 2e ed., Brasília, Belo Horizonte, Ministério da Cultura/Instituto do Patrimônio Histórico e Artístico Nacional/Departamento de Museus e Centros Culturais, Secretaria de Estado de Cultura/Superintendência de Museus, 2006.
Cândido Maria Inez, « MHAB : 60 anos de história », in Prefeitura municipal de Belo Horizonte, Secretaria Municipal de Cultura/Museu Histórico Abílio Barreto, MHAB : 60 anos de história, Belo Horizonte, 2003, p. 9-40.
Carvalho José Murilo (de), A formação das Almas : o imaginário da República no Brasil, São Paulo, Companhia das Letras, 1990.
Carvalho José Murilo (de), Os Bestializados ; o Rio de Janeiro e a República que não foi, São Paulo, Companhia das Letras, 1987.
Ferrara Lucrécia D’Alessio, « Cidade : imagem e imaginário », in Célia Ferraz de Souza, Sandra Jatahy Pesavento (org.), Imagens urbanas : os diversos olhares na formação do imaginário urbano, Porto Alegre, Editora da Universidade/UFRGS, 1997.
Fonseca Janete Flor de Maio, Tradição e Modernidade : a resistência de Ouro Preto à mudança da capital, Belo Horizonte, UFMG/Departamento de História, 1998 (Dissertação de Mestrado).
Fóscolo Avelino, A Capital, Belo Horizonte, Imprensa Oficial, 1979.
Freitag Barbara, Capitais migrantes e poderes peregrinos : o caso do Rio de Janeiro, Capinas (SP), Papirus, 2009.
Foucault Michel, Vigiar e Punir, 5e ed., Petrópolis, Vozes, 1987.
Hartog François, « Temps et patrimoine », Museum International, n. 227, vol. 57, n° 3, 2005. p. 7-17.
Julião Letícia, Belo Horizonte : itinerários da cidade moderna (1891-1920), Belo Horizonte, UFMG/Departamento de História, 1992 (Dissertação de Mestrado).
Julião Letícia, Enredos museais e intrigas da nacionalidade : museus e identidade nacional no Brasil, Belo Horizonte, Faculdade de Filosofia e Ciências Humanas/UFMG, 2008 (Tese de Doutorado).
Lemos Carmem Sílvia, Julião Letícia, Anastasia Carla Maria Junho, « Dos Bandeirantes aos modernistas : um estudo histórico sobre Vila Rica », Oficina do Inconfidência : revista de trabalho, Ouro Preto, Museu da Inconfidência, Ano 1, V. 0, décembre 1999, p. 17-132.
Lessa Renato, A Invenção Republicana, Rio de Janeiro, IUPERJ, São Paulo, Vértice, 1988.
Lobato Monteiro, « Belo Horizonte – Uma cidade certa », Revista Social Trabalhista, 12 décembre 1947, p. 220-221.
Malard Letícia, Hoje tem espetáculo : Avelino Foscolo e seu romance, Belo Horizonte, Editora UFMG, 1987.
Mello Ciro Flávio Bandeira (de), « A noiva do trabalho – uma capital para a República », in Eliana de Freitas Dutra (org.), BH : horizontes históricos, Belo Horizonte, C/Arte, 1996, p. 11-47.
Meniconi Rodrigo Otávio de Marco, A construção de uma cidade monumento : o caso de Ouro Preto, Belo Horizonte, UFMG/Faculdade de Arquitetura e Urbanismo, 1999 (Dissertação de Mestrado).
Natal Caion Meneguello, Ouro Preto : a construção de uma cidade histórica, 1891-1933, Campinas, Unicamp/Departamento de História do Instituto de Filosofia e Ciências Humanas, 2007 (Dissertação de Mestrado).
Rago Luzia Margareth, Do Cabaré ao lar : a utopia da cidade disciplinar ; Brasil 1890-1930, Rio de Janeiro, Paz e Terra, 1985.
Reis Filho Nestor Goulart, « Sobre a memória da vida urbana no Brasil Colonial », Barroco, Belo Horizonte, n. 18, 1997-2000 (Território do Barroco no século XXI), p. 387-403.
Rouède Emílio, « Correspondance d’Ouro Preto : Le Brésil Républicain. 3 octobre 1894 », Barroco, Belo Horizonte, n. 9, 1977.
Salgueiro Heliana Angotti, Engenheiro Aarão Reis : o progresso como missão, Belo Horizonte, Fundação João Pinheiro, 1997.
Salgueiro Heliana Angotti, « O pensamento francês na fundação de Belo Horizonte : das representações às práticas », in Heliana Angotti Salgueiro (org.), Cidades capitais do século XIX : racionalidades, cosmopolitismos e transferências de modelos, São Paulo, Editora da Universidade de São Paulo, 2001, p. 135-181.
Salgueiro Heliana Angotti, « Ouro Preto : dos gestos de transformação do “colonial” aos de construção de um “antigo moderno” », Anais do Museu Paulista, História e Cultura Material, vol. 4., n° 1, 1996, p. 125-163.
Singer Paul, Desenvolvimento econômico e evolução urbana, São Paulo, Nacional, 1977.
Vidal Laurent, Les Larmes de Rio, Paris, Flamarion, 2009.
Vidal Laurent, Mazagão : a cidade que atravessou o Atlântico, Do Marrocos à Amazônia (1769-1783), posfácio Jean Duvignaud, tradução Marcos Marcionilo, São Paulo, Martins Fontes, 2008.
Wirth John, Minas Gerais na Federação Brasileira, 1889-1937 : o fiel da balança, Rio de Janeiro, Paz e Terra, 1982.
Sources primaires
Anais do Congresso Constituinte do Estado de Minas Gerais, Ouro Preto, Imprensa Oficial, 1891.
Autos de Devassa da Inconfidência Mineira, 2e ed., Brasília, Belo Horizonte, Imprensa Oficial, v. I, 1976.
Constituição do Estado de Minas Gerais, 1891, disponible sur [http://hera.almg.gov.br].
Décret n° 7, du 20 novembre 1898.
Décret n° 22.928, du 12 juillet 1933 ; Diário de Minas, Belo Horizonte, 20 février 1916, p. 3.
Linhares Joaquim Nabuco, Mudança da Capital ; apontamentos históricos, Belo Horizonte, Imprensa Oficial, 1905.
Ministério da Cultura/Instituto do Patrimônio Histórico e Artístico Nacional, Bens móveis e imóveis inscritos nos Livros do tombo do Instituto do Patrimônio Histórico e Artístico Nacional, 4e ed., Rio de Janeiro, 1994.
Relatório, Comissão de Estudos das Localidades indicadas para a Nova Capital, Rio de Janeiro, Imprensa Nacional, 1893.
Revista do Arquivo Publico Mineiro, Belo Horizonte, v. 36, janvier 1985.
Revista Geral dos Trabalhos, Comissão Construtora da Nova Capital, Rio de Janeiro, H. Lombaerts e C., avril 1895.
Journaux
Diário de Minas, Belo Horizonte, 15 février 1916, p. 3.
Diário de Minas, Belo Horizonte, 10 février 1916, p. 3.
Diário de Minas, Belo Horizonte, 21 juillet 1917, p. 2.
O Bogari, Belo Horizonte, 3 juillet 1904, p. 1.
O Contemporâneo, Ouro Preto, 16 avril 1893, p. 1.
O Contemporâneo, Ouro Preto, 25 juin 1893, p. 2.
Quasi…, 20 novembre 1910, p. 2.
Diário de Minas, Belo Horizonte, 28 mai 1916, p. 2.
Estado de Minas, Belo Horizonte, 3 décembre 1911, p. 1.
Revista Mineira, 22 novembre 1903, p. 28.
Vasconcellos Diogo, A Folha, 29 juin 1893, p. 1.
Vida de Minas, 15 juillet 1916, s. p.
Vida de Minas, Belo Horizonte, 15 août 1916, s. p.
Vida de Minas, Belo Horizonte, 15 février 1915, s. p.
Vida de Minas, Belo Horizonte, 10 novembre 1915, s. p.
Vida de Minas, Carnaval, 1916, s. p.
Vita, Belo Horizonte, 15 décembre 1913, s. p.
Notes de bas de page
1 Ce texte est une version modifiée du chapitre « villes images », de la dissertation de la maîtrise Belo Horizonte : itinéraires de la cité moderne (1891-1920), présentée au département de science politique/UFMG, en 1992.
2 Sur le rôle exercé par la ville dans la pensée réformiste de la génération de 1870, voir Carvalho, « República Brasileira : Viagem ao mesmo lugar », Dados, 1989, p. 309-312.
3 Resende, « Pronunciamento », Anais do Congresso Constituinte do Estado de Minas Gerais, 11 mai 1891, p. 149.
4 Linhares, Mudança da Capital, p. 6-16.
5 Cinq localités ont été étudiées : Várzea do Marçal, Juiz de Fora, Paraúna, Barbacena et Belo Horizonte. Voir : Relatório, Comissão de Estudos das Localidades indicadas para a Nova Capital, Rio de Janeiro, Imprensa Nacional, 1893.
6 Pena, « Pronunciamento », Anais do Congresso Constituinte do Estado de Minas Gerais, 7 juin 1891, p. 356.
7 O Contemporâneo, Ouro Preto, 16 avril 1893, p. 1.
8 Xavier da Veiga, « Pronunciamento », Anais do Congresso Constituinte do Estado de Minas Gerais, 9 mai 1891, p. 199 et p. 201.
9 Sur le pseudonyme Alfredo Riancho, Alfredo Camarate signa une colonne dans le journal Minas Gerais, entre mars et décembre de 1894, intitulée Entre Montes e Vales.
10 Revista do Arquivo Publico Mineiro, 1985, p. 166-167.
11 Idem, p. 47-48.
12 Idem, ibid.
13 Revista Geral dos Trabalhos, Comissão Construtora da Nova Capital, Rio de Janeiro, H. Lombaerts e C., avril 1895, p. 12.
14 Monte-Raso, « Pronunciamento », Anais do Congresso Constituinte do Estado de Minas Gerais, 4 mai 1891, p. 95.
15 O Contemporâneo, Ouro Preto, 25 juin, 1893, p. 2.
16 Voir à ce sujet : Wirth, Minas Gerais na Federação Brasileira, 1889-1937 : o fiel da balança, 1982 et Singer, Desenvolvimento econômico e evolução urbana, 1977. La question de la centralité était aussi un enjeu pour les urbanistes de cette période. Selon Angotti Salgueiro : « Nous pouvons remarquer dans le rapport de la commission pour le transfert de la capitale, deux idées motrices venant des textes des ingénieurs français : celles de réseau et de centralité », Salgueiro, « O pensamento francês na fundação de Belo Horizonte : das representações às práticas », in Salgueiro (org.), Cidades capitais do século XIX, 2001, p. 147.
17 Monte-Raso, « Pronunciamento », Anais do Congresso Constituinte do Estado de Minas Gerais, 4 mai 1891, p. 96.
18 Idem, p. 95.
19 Voir à ce propos Rago, Do Cabaré ao lar, 1985 ; Salgueiro, Engenheiro Aarão Reis. 1992 ; Julião, « A Cidade Cenário », Belo Horizonte : itinerários da cidade moderna (1891-1920), 1992, p. 60-117.
20 Andrade, « Pronunciamento », Anais do Congresso Constituinte do Estado de Minas Gerais, 6 juin 1891, p. 348.
21 Camarate in Revista do Arquivo Publico Mineiro, 1985. p. 166-167.
22 Fóscolo, A Capital, 1979 (1903), p. 85.
23 Idem, p. 271-272.
24 Rouède, Barroco, 1977.
25 Meniconi, A construção de uma cidade monumento : o caso de Ouro Pret, 1999, p. 71.
26 Je dois à la professeure Heliana Angotti Salgueiro la suggestion d’analyser le cadre « A Má Notícia » dans la perspective de cet article. Sur ce tableau, voir : Cândido, « Documentação Museológica », Caderno de Diretrizes Museológicas, p. 87.
27 Hartog, Museum International, 2005, p. 7-17.
28 Cândido, MHAB : 60 anos de história, Belo Horizonte, 2003, p. 9-16.
29 Sur le déplacement de villes et de villes-capitales, voir : Vidal, Mazagão, 2008 et Freitag, Capitais migrantes e poderes peregrinos, 2009.
30 Vidal, Les Larmes de Rio, p. 87-89.
31 Idem, p. 17.
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Les Premiers Irlandais du Nouveau Monde
Une migration atlantique (1618-1705)
Élodie Peyrol-Kleiber
2016
Régimes nationaux d’altérité
États-nations et altérités autochtones en Amérique latine, 1810-1950
Paula López Caballero et Christophe Giudicelli (dir.)
2016
Des luttes indiennes au rêve américain
Migrations de jeunes zapatistes aux États-Unis
Alejandra Aquino Moreschi Joani Hocquenghem (trad.)
2014
Les États-Unis et Cuba au XIXe siècle
Esclavage, abolition et rivalités internationales
Rahma Jerad
2014
Entre jouissance et tabous
Les représentations des relations amoureuses et des sexualités dans les Amériques
Mariannick Guennec (dir.)
2015
Le 11 septembre chilien
Le coup d’État à l'épreuve du temps, 1973-2013
Jimena Paz Obregón Iturra et Jorge R. Muñoz (dir.)
2016
Des Indiens rebelles face à leurs juges
Espagnols et Araucans-Mapuches dans le Chili colonial, fin XVIIe siècle
Jimena Paz Obregón Iturra
2015
Capitales rêvées, capitales abandonnées
Considérations sur la mobilité des capitales dans les Amériques (XVIIe-XXe siècle)
Laurent Vidal (dir.)
2014
L’imprimé dans la construction de la vie politique
Brésil, Europe et Amériques (XVIIIe-XXe siècle)
Eleina de Freitas Dutra et Jean-Yves Mollier (dir.)
2016