Campos : la capitale rêvée d’une province désirée (1835-1897)1
p. 95-124
Texte intégral
« Campos la capitale du pétrole et de la canne à sucre »
1Le slogan ci-dessus est actuellement utilisé par le gouvernement municipal pour présenter politiquement et économiquement la ville de Campos. Il fait écho au désir ancien de cette ville à devenir une capitale. Mais ce désir peut être aussi lu comme une stratégie politique : manipulé à différentes époques, de différentes manières et par différents groupes sociaux, le désir des élites de Campos à transformer leur ville en une capitale a toujours été accompagné par une propagande qui renforce l’idée que la ville est le principal centre économique de la région nord-fluminense (au nord de l’État de Rio de Janeiro). Bien que de telles images aient comme fil conducteur les richesses obtenues par la canne à sucre, elles permettent de faire disparaître les conflits terriens et les avantages conquis par les élites politiques et économiques tout au long de l’histoire.
2Les tentatives de Campos dos Goytacazes de devenir une capitale politique vont être examinées dans cet article, avec une attention apportée à trois mouvements qui correspondent, simultanément, à trois moments : le premier correspond au temps long de la construction des images et des représentations qui servent de devise à l’élaboration des projets de capitale au xixe siècle ; le deuxième se déroule en 1855, lorsque s’esquisse le projet de création de la province dos Goytacazes, mouvement politique qui s’inscrit dans le cadre des changements économiques et politiques de l’Empire esclavagiste et qui s’insère dans un contexte de transformation du rôle économique de la ville et de toute sa région. Enfin, le troisième nous conduira en 1890, déjà dans un contexte républicain, quand Campos revendique être la nouvelle capitale de l’État de Rio de Janeiro.
3On considère que les motifs qui conduisent la ville de Campos à lutter de façon récurrente pour la modification de son statut administratif, sont associés aux mécanismes employés par les élites locales pour construire une image de centralité. Dans ce cadre, il est possible d’avancer l’idée que le projet de devenir une capitale est l’une des stratégies des agents sociaux afin d’agrandir leur influence politique à partir du contrôle du « sol ». Un mouvement qui forge de nouvelles spatialités en employant, de manière générale, un discours qui associe le thème du développement à celui de l’intégration régionale. On considère de ce fait que le désir de Campos à devenir une capitale reflète l’idée de domination politique de cette ville sur les autres en fonction de la concentration du pouvoir administratif et des diverses infrastructures.
4En prenant en compte le phénomène que nous voulons analyser, les questions suivantes sont présentes dans notre recherche : a) De quelle manière les projets de transformation de Campos de Goytacazes en une nouvelle capitale reflètent-ils le pouvoir politique et économique des dirigeants locaux dans les différents contextes analysés ? b) Quel a été le rôle joué par les acteurs locaux dans le processus de constitution de l’idée d’être capitale ? c) De quelle façon la ville de Campos, en fonction de son rôle historique, attire-t-elle politiquement et économiquement les villes, villages et petites localités du nord-fluminense, mais aussi du sud du Minas Gerais et de l’Espírito Santo ? d) Comment les propositions de devenir une capitale rencontrent-elles un écho favorable auprès des autorités de la province ? e) Que signifie être une nouvelle province durant l’Empire et être une nouvelle capitale sous la République naissante ?
1er mouvement : la construction d’une image positive de la région de Campos
5À la fin du xviiie et au début du xixe siècle, malgré l’existence de conflits pour la terre impliquant grands et moyens propriétaires, posseiros2 et indiens, tout comme l’assemblée régionale, la ville de Campos obtient une meilleure visibilité politique par le biais d’une stabilité économique et sociale favorisée par un parfait rendement de l’exploitation de la canne à sucre.
6Stratégiquement localisée dans une aire d’échanges commerciaux et de débouchés des flux de produits venant des provinces de Minas Gerais et de l’Espírito Santo, la ville se transforme petit à petit en un important centre de distribution de marchandises et en une place marchande de grande dimension dans la région nord de la comarque (comarca3) de Rio de Janeiro. C’est dans ces conditions que Campos commence, à partir du milieu du xviiie siècle, à obtenir de nombreuses aides publiques, spécialement durant le gouvernement du Marquis de Lavradio. Ce dernier, adaptant la politique de peuplement de la métropole à la région, établit un programme qui a comme objectif d’occuper de nouvelles terres et civiliser les Indiens à partir de la création de comarques, de paroisses et de nouvelles bourgades (vilas). Il encourage également l’établissement de nouvelles usines à sucre (engenhos) et le renforcement des activités commerciales extérieures et intérieures4. Pour mettre en place une telle politique, le territoire devient l’objet de visites permanentes et d’expéditions réalisées par des voyageurs étrangers, missionnaires5 et aventuriers sous contrat avec la Couronne. L’objectif est d’obtenir des informations sur différents aspects et d’évaluer la possibilité de promouvoir de nouveaux investissements. Pour atteindre cet objectif, un ambitieux plan d’occupation est formulé dont la base s’appuie sur l’assemblage d’un réseau d’institutions judiciaire et religieuse. Sont ainsi créés des postes de Juiz de fora6, capitaines, ouvidor7, mestres de campo8, etc., qui commencent à administrer les lieux stratégiques du « sertão dos índios bravos » (sertão des Indiens sauvages)9. Ce nouveau corps administratif, conjointement aux voyageurs, aventuriers, missionnaires et aux élites locales, redessine peu à peu un nouveau tableau des hommes et du paysage campiste10.
7À mesure que le pouvoir de la couronne s’enracine, la région commence donc à être reconnue comme un espace stratégique. La représentation de sauvages et rebelles qui jusqu’alors a caractérisé les habitants, se modifie progressivement. Le travail réalisé, dans ce processus, par les Mestres de Campo (sortes de médiateurs de la couronne) permet surtout de recréer une image tendant à valoriser les caractéristiques environnementales et la docilité des habitants de la région. La répercussion de ce mouvement apparaît dans les rapports du xixe siècle, parmi lesquels celui de Pizarro.
« La soif de sucre a entièrement bouleversé ce pays et toute sa culture […]. De là provient non seulement l’opulence dans laquelle se trouve la terre, mais la différence qui s’observe chez les propres habitants, passant de rustiques, pour la majorité et pour la grande partie des recensés, à des hommes civilisés, propres, de grands négociants et riches en biens » (Pizarro en 1822, p. 117-118).
La matrice : le mémoire de Couto Reys et la naissance d’une identité régionale
8En suivant la piste de Soffiati (1997) on considère aussi que le mémoire du capitaine Manoel Couto Reys, élaboré en 178511, est, pour avoir été entièrement ou partiellement reproduit dans les futurs rapports sur Campos, le point de départ de la création et la recréation d’une image qui associe les caractéristiques de la région : prospérité et richesse.
« Les terres du District de Campos Goitacaz, comme nous l’avons dit, sont les plus fécondes qui peuvent être considérées pour tous les genres de plantes du Brésil » (Manuscritos…, 1785, p. 38).
« Une des plus grandes merveilles que l’on puisse contempler sur cette terre est la suivante : […] toute l’année, sans exception, on travaille cette terre qui offre les plus beaux fruits à celui qui la cultive » (idem, p. 39).
9Une telle perspective suggère également la naissance d’une idée de grandeur régionale favorisée, surtout, par la situation géographique, le commerce et l’existence d’un vaste réseau hydrographique12. Le rapport de Couto Reys se distingue en démontrant le rôle de moteur de la ville de Campos par rapport aux autres cités voisines.
« La Métropole de ce District est la plus riche et peuplée de toutes celles dépendantes de Rio de Janeiro. Alimentée par un florissant commerce animé par les producteurs de tous les lieux adjacents. Par sa situation sur la plaine de la rive méridionale du Paraiba, distante de la mer de 6 bonnes lieues, elle appartient au comté de la capitainerie du Espirito Santo. Elle compte 891 feux notamment 45 magasins de marchands, et très bien pourvue d’importantes exploitations agricoles, 59 tavernes, et 5 Maisons de vaisselles en verre » (Manuscritos…, 1785, p. 52).
10Dans les « considérations pratiques » inclues dans son rapport sont présentes des recommandations sur la meilleure manière de profiter de la terre, l’économie et ses acteurs, et principalement le réseau fluvial. Cet élément fait l’objet d’une attention particulière dans la mesure où Couto Reys souligne l’abandon des fleuves anciennement utilisés pour la navigation. On peut donc considérer qu’une des principales idées visant à agrandir la domination de la ville de Campos est la meilleure utilisation du réseau fluvial afin de développer l’économie de la ville et de la région.
« Si notre honteuse inertie – digne de tant de regrets – n’avait pas été pas si continue, nous aurions pu, avec temps, dédication et forces, réduire à un champ parfait ce qui est aujourd’hui défectueux : les habitants auraient connu la beauté des champs, celle d’une appréciable et fort utile navigation, au bénéfice de la plus rapide exportation de leurs productions. Ils auraient, au-delà du choix des terres les plus fertiles pour établir leurs maisons, plantations et animaux, disposé d’une abondance de bois pour le ravitaillement de leurs usines, pour le commerce et auraient finalement pu se développer avec tous les avantages qu’un bon travailleur peut désirer. Mais la jalousie désordonnée, l’ambition, l’extravagance des hommes […] expliquent pourquoi ce fleuve est encore dépeuplé » (Soffiati, 1997, p. 15-16, apud Manuscritos…, 1785).
11C’est peut-être de là que naît le projet, maintes fois divulgué au xixe siècle, de voir Campos devenir le lieu de commandement politique et économique des espaces alentours. Mais aussi l’idée selon laquelle un plus grand investissement dans le réseau hydrographique est la voie au développement des richesses de toute la région.
12En conclusion, sachant que son rapport est fréquemment utilisé pour justifier les projets d’ouverture de routes ou de canaux, la mention des propositions de Couto Reys devient habituelle dans les discours sur la région. L’intégration d’une vaste région, par le rôle centralisateur de Campos, est ainsi une des caractéristiques marquantes des propositions élaborées au xixe siècle. Les habitants de ces régions sont alors invités à accompagner et appuyer les projets pensés par les responsables de Campos. Le regard jeté par le capitaine Couto Reys tout comme la manière de décrire les éléments de définition de la région, inaugurent donc un genre narratif qui sera imité par les nombreux auteurs au siècle suivant. Durant presque tout le xixe et même au xxe siècle des rapports, mémoires et journaux se livrent à une propagande qui souligne la fertilité des sols, l’abondance des fleuves, l’opulence et le développement de la ville/société campista pour justifier la nécessité de contrôler et incorporer de nouveaux espaces.
La reproduction de l’image positive de Campos à l’aube de l’indépendance
13Face à une situation de crise provoquée par l’indépendance et la Régence, cette image positive de la population, au-delà d’omettre la réalité d’une région confrontée à de récurrents problèmes de propriété de la terre, est stratégique pour renforcer l’idée d’une collaboration de l’élite campista avec les projets émanant du pouvoir central. C’est pour cette raison que les images et représentations du peuple et de la nature sont savamment manipulées, surtout par le biais des journaux locaux, pour légitimer leur filiation au parti modéré. Les propagandistes de ces images sont directement liés à la génération de politiciens enracinés qui bâtissent des fortunes avec le sucre et qui se sont transformés en barons ou vicomtes grâce aux alliances politiques nouées à l’aube du Brésil impérial. C’est cette « civilisation du sucre », comme le mentionne Alberto Lamego, qui emploie tous les moyens possibles pour transformer la ville en un pôle régional.
14Le discours qui souligne la richesse de la région est, dans ce mouvement, chaque fois plus manipulé pour justifier les projets d’intégration de nouveaux espaces jusqu’alors considérés comme vides ou occupés de façon inadéquate. C’est pour cela que le projet en vogue durant presque tout le xixe siècle est d’augmenter l’usage des voies naturelles pour connecter les centres locaux de commerce aux différentes zones de production. Il apparaît que la majorité des zones proposées dans le cadre de la constitution de ce programme sont occupées par des posseiros et des Indiens13.
15La propagande autour de l’occupation et la potentialisation des nouvelles zones sont menées par de nombreux responsables locaux, mais c’est après le mémoire écrit en 1819 par José Carneiro Silva14 que ces idées gagnent une plus grande audience devant les autorités centrales. Un tel document ouvre donc une nouvelle étape dans le processus de divulgation des richesses de la région et de la nécessité de renforcer son économie. C’est peut-être pour cette raison que le colonel Carneiro da Silva – futur Vicomte de Araruama – affirme, en débutant son mémoire, que la ville de Campos : « De par son opulence et sa fertilité mérite d’être mieux connue de ce qu’elle est présentement » (Silva, 1819, prologue).
16En utilisant en partie des descriptions faites par Couto Reys, Silva justifie également l’opulence de Campos comme le fruit du potentiel des sols et de l’étendue du réseau hydrographique.
« L’une des plus intéressantes provinces du gigantesque royaume du Brésil, confiée heureusement aux estimables et paternelles soins de Notre Majesté, est sans aucun doute celle de Campos dos Goytacazes : l’exportation de sucre, sa population nombreuse et les fleuves abondants qui la traversent la rendent considérable en tout point » (Silva, 1819, prologue).
17En associant cet aspect à l’amabilité de ces habitants, Muniz de Sousa, un voyageur qui parcourt la région entre 1827 et 1828, enregistre et recueille le même type de point de vue sur les caractéristiques naturelles de la région :
« Les terres de Campos sont les plus fécondes, fertiles et productives que l’on puisse imaginer. Pour le manioc, maïs, haricot, riz, café et n’importe quelle autre plantation. Dont l’une de ses bonnes qualités est de ne pas souffrir des pertes scandaleuses provoquées par la fourmi appelée de manioc ou saúva […] L’agriculture de la vila de S. Salvador dos Campos dos Goytacazes est considérablement avantageuse, ce que l’on doit à la très féconde libéralité des terrains qui, s’efforçant à faciliter le travail des champs, pour celui qui le cultive, produit librement les germes végétatifs qui sur ces derniers se diffusent » (Souza, 1834, p. 117).
18Comme on peut le constater, cette dernière et d’autres descriptions de la région reproduites et diffusées, à la fois par des agents locaux ou par des voyageurs et missionnaires qui traversent la région au xixe siècle, renforce, d’une certaine manière, les propositions du manuscrit de Couto Reys, à savoir le désir d’augmenter le débit des fleuves et des canaux, d’occuper les zones considérées comme vides et d’étendre la production économique. Les attributs naturels et sociaux de la ville sont utilisés, dans ces discours, pour expliquer autant la richesse que la supposée capacité à la diffuser à sa zone d’influence. On observe dans ce cas la construction d’une identité régionale forgée par l’idée de l’existence d’une fertilité inégalable des sols et la capacité de transport des fleuves et des lacs.
19Cette matrice argumentative est utilisée à presque tous les moments pour justifier les projets de transformer Campos en capitale. Comme nous allons le démontrer, une caractéristique qui devient commune aux mouvements en faveur de la capitalité est d’imaginer un espace idéal, dans ce cas-ci, une région intégrée de production et de ravitaillement dirigée par Campos. Ainsi, l’agrandissement de l’espace de la capitale est progressivement utilisé comme argument pour régler les diverses crises politiques et sociales rencontrées tout au long du xixe siècle comme il est également utilisé comme instrument visant à mettre en place les projets pensés par les élites pour l’espace périphérique.
La diffusion de l’idée d’ordre : les journaux de Campos à l’aube de l’Empire brésilien
20Dès l’installation de l’administration portugaise à Rio de Janeiro, de nombreux changements sont réalisés dans l’interior fluminense, en particulier à Campos. Entre les nombreuses mesures administratives adoptées à partir de l’arrivée de la Cour, on peut signaler la construction de nouvelles routes, qui participe à une meilleure intégration de cette région avec la Cour et le Minas Gerais, renforçant politiquement et économiquement les groupes locaux engagés sur la question de l’approvisionnement interne15. Comme analysé par Alcir Lenharo (1993), les membres des « tropas de moderação16 », dont font partie les forces politiques de Campos, participent activement aux principaux événements politiques qui se déroulent entre l’abdication et la Régence (7 avril-17 juin 1831). Ces groupes défendent une plus grande participation dans le commerce par cabotage, dans le trafic négrier, l’occupation de charges administratives, et pour cela s’allient à la couronne dès l’arrivée de la cour portugaise.
21Dans le cas de Campos, assumant d’abord un caractère plus exalté et défendant des idéaux supposés plus démocratiques, ensuite un ton plus modéré durant les années troubles qui succèdent à l’Indépendance, ces élites pénètrent graduellement les réseaux de pouvoir et se concentrent dans le secteur administratif. De cette façon, à partir du moment où les responsables de la ville confrontent leurs idées et projets politiques avec la fameuse « question nationale », se forge l’idée de collaborateurs du nouvel ordre politique. C’est pour cette raison que, dès l’apparition des premiers journaux de Campos, une ou deux pages sont réservées à présenter et prendre position sur les sujets qui impliquent directement les orientations de la politique brésilienne, comme par exemple, la lutte acharnée entre les responsables du parti moderado et ceux du parti exaltado durant la phase de la Régence17.
« Tous connaissent les malheurs que le Brésil a souffert et continue de souffrir à cause des partis. Ainsi comme personne n’ignore que le Brésil ne peut avancer d’un pas sans qu’il y ait union, source de toute force, il faut tordre le coup aux caprices et vindictes afin de pouvoir faire avancer le bien public […]. Il est nécessaire, nous le répétons, de renoncer aux haines particulières, aux vains caprices pour le bien de la cause publique. Le contexte n’est pas bon, et pourtant nous devons tous participer à sauver la Patrie, en mettant sa prospérité devant nos intérêts » (O Recopilador Campista, vol. 1, 3 octobre 1835, n° 72, p. 2).
22Bien qu’au début du xixe siècle les élites de Campos ne comptent pas sur des instruments de diffusion systématique de leurs idées, la propagande politique est renforcée, entre les années 1830 et 1840, lorsque les journaux O Campista (1834) et O Recopilador Campista (1835), les premiers de la ville18, circulent avec une plus grande fréquence. La plus grande organisation de la presse campista a comme conséquence, dans un premier temps, l’appui tacite aux politiques qui prêchent le besoin de restaurer l’ordre public. Évoquant, de cette façon, le rôle de représentant de l’« opinion publique », ces journaux déclarent dès leurs premiers numéros leur adhésion au Parti modéré :
« Il nous faut dire ici que nous embrassons et appartenons par principe au parti modéré car nous désirons que les lois seulement soient vengeresses du crime et non pas nos passions » (O Campista, vol. 1, 4 janvier 1834).
« Il est connu que l’opinion modérée a pleinement triomphé au collège de Campos, aux élections des députés de l’Assemblée provinciale et que cela n’a pas manqué d’irriter au plus haut point les hommes du parti exalté. Ils sont pourtant ici d’un nombre si petit et d’une influence si réduite qu’ils ne peuvent causer aucun mal, bien que le caractère violent de certains puisse entraîner d’autres dans une action imprudente » (O Recopilador Campista, vol. 1, 10 janvier 1835).
23Le même décret qui crée la province de Rio de Janeiro19 donne naissance à la ville de Campos dos Goytacazes, jusqu’alors dénommée vila de São Salvador20. Son autonomie politique signifie au même moment son incorporation dans le territoire provincial de Rio de Janeiro et l’affirmation d’un nouveau statut politique et économique aux cotés de l’assemblée provinciale21.
24En réalité, le débat sur l’autonomie de Rio de Janeiro22 et l’impact des manifestations contraires à l’acte Additionnel promulgué en 1834 qui augmente le pouvoir des assemblées23 expose le Brésil à une situation de crise politique. La contrariété initiale de nombreux hommes politiques à propos de l’autonomie politique de la province de Rio de Janeiro se justifie, donc, par l’instabilité politique et par la crainte d’une superposition du pouvoir régional et central. Bien qu’en accord avec l’opinion des moderados en relations aux « abus » pratiqués dans certaines provinces, l’éditeur du journal O Recopilador Campista, démontre son adhésion à la proposition d’autonomie administrative de la province de Rio de Janeiro :
« Quant à l’Acte additionnel, nous sommes convaincus que les maux ne viendront pas des pouvoirs qu’il a concédés, mais seulement des abus que certains feront de lui. Dès lors, que l’on coupe les ailes de ces Assemblées qui veulent voler au-delà de leur orbite, que prédomine la centralisation et nous progresserons sans à-coups » (O Recopilador Campista, vol. 1, n° 71, 30 septembre 1835, p. 2).
25Quand commencent donc à être ébauchées les mesures considérées comme répressives visant à contenir les « foyers de rébellion », les hommes politiques de Campos jouent un rôle central en s’alliant à la proposition d’interprétation de l’acte additionnel, comme au Golpe da Maioridade24. Cette adhésion à l’empereur est signalée dans le journal Monitor Campista, qui durant presque toute l’année 1840 publie des articles à la gloire du nouvel empereur D. Pedro II. Par exemple, dans l’article publié le 14 août 1840, le journal divulgue les réjouissances réalisées sur la place publique durant les quatre jours suivant le couronnement de D. Pedro II, et tout particulièrement, la représentation d’une pièce de théâtre intitulée « la majorité de Monseigneur D. Pedro II » ; dans laquelle l’un des personnages (le peuple campiste) déclame les vers suivants25 :
« Monte sur le Trône brésilien
Du Brésil, le fils chéri ;
Dont il renforce la liberté
De son peuple reconnaissant
Seul Pedro et la Constitution
Le Brésil peuvent sauver
Qui gouverne à dix-huit ans
Peut à quinze gouverner »
(O Monitor Campista, 14 août 1840, p. 3).
26Mieux intégrés aux réseaux de pouvoir qui se forment après les mesures du Regresso, les hommes politiques de la ville de Campos font ainsi connaître leurs projets de façon plus incisive. Conjointement à l’assemblée de la province, une institution qui devient un des principaux organismes de la gestion politique centralisatrice de l’Empire. Entre-temps, les réclamations de Campos sont systématiquement diffusées au niveau local, surtout après la fondation du journal Monitor Campista26. Ce mouvement se déroule en parallèle à celui de la transformation de vila27 en cidade28. Il se déroule également en parallèle au bouillonnement des idées et des projets pour améliorer les déplacements dans la région29 et, comme précédemment évoqué, à la conquête de l’autonomie politique de la province de Rio de Janeiro et de son renforcement comme principal espace économique et politique de l’Empire.
La naissance du campista : la cristallisation de l’identité régionale
Nous rêvons pour Campos, dans un proche futur, d’une terre saine, de cultures variées plus opulentes que la terre lombarde où l’on sait aussi assécher les lacs. Que manque-t-il pour cela ? L’esprit campista est vif, téméraire, et pénétrant. Les coutumes sont aimables et accueillantes, les manières courtoises. L’humble maison ouvre ses portes avec tant de grâce et de cordialité comme la belle fazenda du Baron de Carapebús.
Le peuple enfin est travailleur et la terre se prête à tout. Que manque-t-il donc ? Qu’est-ce qui est nécessaire ? Un peu d’énergie, Campistas, et vous montrerez la vérité des Indiens. Votre terre s’appellera avec propriété, le champ des délices » (Ribeyrolles, 1859, p. 25).
27Ces mots écrits en 1859 nous signalent à juste titre ce moment d’affirmation d’un nouveau sujet historique – le campiste – un agent porteur des qualités inhérentes à l’Indien Goytacaz. Son désir manifeste en faveur de la conquête d’une autonomie politique de la ville (et de sa représentation au travers de l’adjectif Goytacaz) illustre aussi la poursuite d’une union des représentants locaux (conseillers municipaux – fazendeiros – commerçants) afin d’occuper une meilleure position politique de concert avec la récente Assemblée de Rio de Janeiro.
28Comme évoqué précédemment, il est possible de déduire que la construction de ce sujet historique, même s’il est le fruit d’un travail ébauché depuis la fin du xviiie siècle, se manifeste clairement quand les représentants de Campos, alliés aux communes30 de la région nord, s’organisent pour obtenir de plus grands privilèges au sein de la nouvelle Assemblée provinciale. Ils utilisent un discours qui, de manière générale, signale un désir d’intégration régionale afin de fortifier l’économie encore endormie des zones périphériques.
29On considère, donc, que la défense des intérêts, encore peu organisés des communes du nord fluminense, au sein de la nouvelle Assemblée, cristallise l’idée de région, de « conscience » régionale. Cette conséquence profite de plusieurs stratégies entre lesquelles celle de promouvoir une propagande systématique (positive ou négative) des attributs naturels et sociaux qui caractérisent la ville et les communes alentours. L’objectif, pas toujours explicite, est autant de donner une visibilité à la région qu’obtenir des financements. Les dirigeants campistas construisent ainsi, dans un moment de réajustement des frontières administratives et civiles et de construction d’un pouvoir provincial, une idée de région en réinventant historiquement un lien social et économique avec les zones périphériques.
30Un tel mouvement a comme élément déclencheur le débat sur l’importance de la ville à devenir la nouvelle capitale de la province puisqu’elle est la plus riche de Rio de Janeiro. La candidature de Campos provoque une compétition historique entre la ville de Niteroi et Santo Antônio de Itaboraí.
31La notable prépondérance politique exercée par Campos dans le nord-fluminense et son rôle de grand producteur de sucre et de centre de ravitaillement de la province de Rio de Janeiro peut avoir contribué au renforcement de l’idée selon laquelle la nouvelle capitale doit être un lieu « véritablement fluminense » puisqu’elle représente déjà le mieux cette nouvelle identité régionale. D’un autre coté, la ville de Nitéroi, sa concurrente, est identifiée comme une extension de la cour, inadéquate à exercer le rôle de représentante d’une nouvelle instance politique, dont l’économie est caractérisée par l’importante production de sucre et de café (Gouvêa, 2008). Campos perd l’affrontement mais obtient, de la même façon que Niteroi et Parati, le statut de ville en 183531.
32Ce nouveau statut de ville attribué à Campos correspond non seulement à un changement dans les rapports politiques et administratifs, mais aussi dans son ethos. Mouvement qui s’observe à partir d’une propagande plus systématique réalisée par les journaux sur son rôle de pôle de développement du nord fluminense. Campos s’est ainsi forgée une identité qui associe sa richesse à la mission d’intégrer un réseau de vilas et povoados autour de son commerce qui est notoirement le plus expressif de la région nord32. La qualité de ses sols et la grande production sucrière continuent d’être présentées comme des attributs qui distinguent Campos des autres régions de Rio de Janeiro.
33Présenter d’abord la région comme une zone à grand potentiel, ensuite comme un lieu dégradé faute d’investissement et de patriotisme de la part de ces habitants sont des stratégies utilisées par les responsables politiques pour souligner l’importance de la région, et ce, autant pour encourager ce qu’ils considèrent comme « la défense du bien public » que pour obtenir des moyens supplémentaires de la part du gouvernement central et provincial. D’une certaine façon, les propositions des élites locales de transformer Campos en un centre économique sont élaborées à partir de la projection systématique de la ville comme un modèle de progrès et de développement régional. C’est au travers de la dynamique visant à populariser la dénommée « opinion publique » que, sans aucun doute, les constructions et investissements de canaux fluviaux et de routes gagnent en visibilité au sein des débats faisant référence à la meilleure façon de promouvoir le développement économique du nord fluminense. Les divers articles publiés, dans ce sens, en 1834 dans le journal O Campista illustrent très bien les faits. Dans l’un d’eux, l’éditeur du dit journal commente les bénéfices de l’ouverture du canal Campos-Macaé pour l’économie des localités situées entre Minas Gerais, Cantagalo et Macaé :
« Enfin, nos relations commerciales avec l’intéressante province de Minas seront d’autant entrelacées : car les mineiros ayant un port d’embarquement à Machaé située à une petite distance de Cantagalo auront les moyens de transporter via les eaux leurs produits à Campos. Ainsi ils afflueront en grande quantité évitant de traverser les forêts presque désertes entre Cantagallo et Campos et la ville même de Machaé ne gagnerait pas qu’une petite amélioration » (O Campista, vol. 1, 22 février 1834, n° 15).
34Le premier mouvement politique de Campos afin de devenir la nouvelle capitale de la province est donc caractérisé par la présentation de projets visant à intégrer les villes et vilas par le biais de voies fluviales, afin de faciliter le développement de la production agricole, le commerce, les activités administratives et finalement afin de garantir le maintien des ressources nécessaires à la municipalité. Le poids et l’influence politique ne manquent pas pour proposer et soutenir les projets. En effet, conformément aux recherches réalisées par Gouvêa (2008), les représentants de Campos durant une longue période – 1836 à 1889 – sont majoritaires à l’Assemblée provinciale33. Le désir d’être une nouvelle capitale nous renseigne donc sur la position remarquable occupée par les leaders du nord fluminense dans les décisions prises par l’exécutif et le législatif de la province. Un mouvement qui est consacré par la diffusion d’une image positive de la région et de la conviction des membres du législatif et de l’exécutif de la nécessité de renforcer économiquement le territoire considéré à l’époque comme la clé du progrès de la région nord de Rio de Janeiro. Cela signifie, dans un premier temps, l’adoption d’une mesure administrative de retenue des revenus municipaux et l’exemption du paiement des impôts au gouvernement de la province. Il est opportun de mentionner dans ce cas que, déjà sous la 1re législature (années 1838 et 1839) la ville, tout comme sa zone d’influence (São João da Barra et São Fidélis), réussit à obtenir le privilège de ne pas transférer dans les coffres de la province le revenu recueilli au travers des impôts sur l’exportation du sucre34. Cette mesure qui est contestée à plusieurs reprises à l’Assemblée assure à Campos la première position en terme d’impôt pour presque tout le xixe siècle (Gouvêa, 2008)35.
35Il nous faut encore souligner que le mouvement de réajustement des frontières politiques et administratives de la province de Rio de Janeiro renforce le rôle central occupé par la ville de Campos. En effet, la gestion des espaces alentours passe, directement et indirectement, chaque fois sous la domination de la ville de Campos. Il est donc intéressant de noter que le mouvement de définition des frontières territoriales de Rio de Janeiro, à partir de tout un débat à propos de l’existence d’une « identité régionale », est lié à la propre définition de la ville de Campos comme principal pôle économique et administratif de la région nord.
2e Mouvement : Campos capitale de la province de Goytacazes (1855)
36Si pendant les premières années de la naissance administrative il existe un certain flou quant aux projets et aux actions prioritaires pour la ville, à partir de la décennie 1840, les idées annoncées par la chambre municipale (Câmara) au travers des journaux suggèrent le choix des projets suivants36 : la construction des canaux dits de l’Uruguai, de l’Onça et de celui de Campos-Macaé. C’est donc dans le contexte du Brésil impérial que les responsables de Campos organisent mieux leurs revendications. Le Monitor Campista, diffusé alors deux fois par semaine (mardi et vendredi) devient un des principaux passeurs de ces idées en se proclamant défenseur des citoyens de Campos. Il se démarque de ce fait de son prédécesseur O Recopilador, dont les sujets sont centrés sur les débats politiques débattus au niveau national. Sans laisser de côté ces questions, le Monitor se spécialise dans la diffusion des « rumeurs » de la ville et la divulgation des projets du conseil municipal et des citoyens intéressés dans le « progrès » de la cité. Sa stratégie de sensibilisation consiste à présenter des sujets qui mettent en avant le contexte « critique » de la ville. Cela pour diffuser en général l’idée de la nécessité d’un plus grand investissement de la part du gouvernement provincial et central. La construction sociale d’un sentiment d’abandon est ainsi un des mécanismes employés pour mobiliser la collectivité et justifier les appels à l’Assemblée.
37D’un autre coté, s’accordant avec les principaux changements politiques dans la province, principalement le débat sur le nouveau régime terrien et la fin du commerce négrier, le journal adhère aux projets qui visent à la régularisation des terres des sertões du nord et du nord-est de Campos. Dans ses articles, il propose, de façon stratégique, les moyens et les instruments pour intégrer ce vaste territoire en construisant des routes, en canalisant les fleuves, en implantant des paroisses (freguesias) et en employant des travailleurs pour réaliser différents services dans les territoires devant être ainsi intégrés. L’idée en vogue est d’étendre la production agricole par le biais d’un contrôle de la terre de ce sertão jusqu’alors habité par des posseiros, esclaves fugitifs (quilombolas) et indiens. Les propositions visant à améliorer la production agricole et moderniser les engenhos commencent à jouer un rôle dans le débat local, surtout depuis les années 1830, mais principalement à partir des années 1840, car la canne à sucre perd son statut de principal produit agricole exporté de la province.
38La chute relative de la production et l’ascension de la région du café délocalisent géographiquement et politiquement les forces politiques à l’Assemblée. Ce processus contribue à un sensible affaiblissement des responsables campistes à l’Assemblée, sans pour autant, remettre en cause leur pouvoir politique qui reste notable au sein de la chambre. En réalité, la crise supposée de la production (supposée car dans ce contexte elle n’atteint que les petits et moyens propriétaires) renforce les arguments sur la nécessité de plus grands investissements dans la ville pour éviter la faillite. Le sentiment d’abandon est de plus en plus utilisé pour justifier l’importance de l’élargissement des investissements. Même en divisant son pouvoir avec les responsables de la vallée du Paraíba, la force politique de la ville reste donc encore une réalité, manifestée surtout au travers de sa capacité à récupérer des aides de la province et à assurer d’importants travaux, comme dans le cas du canal Campos-Macaé37. Ainsi, malgré la crise des années 1850 provoquée par la pénurie de main-d’œuvre et la diminution progressive de la production sucrière, Campos est encore la municipalité la plus riche de la province. La visite de D. Pedro II, réalisée en mars 1847, illustre, d’une certaine façon, ce pouvoir politique et économique38.
39Il est important de noter que les visites de l’empereur aux villes et vilas de la province deviennent, d’une certaine manière, un symbole de reconnaissance de la part du pouvoir central, un symbole de l’importance politique et économique de ces localités. C’est pour cela qu’en règle générale, les projets de transfert de capitale de province naissent (ou se cristallisent) après ces visites. Ainsi, le trajet de l’empereur, en même temps qu’il est interprété comme le signe de l’importance de certaines villes, engendre dans de nombreux cas des conflits pour le titre de capitale.
40D’une certaine façon, à partir de la décennie 1850, les luttes pour le titre de capitale provinciale ne cessent d’augmenter à Rio de Janeiro, ce qui révèle les conflits locaux et régionaux pour plus de ressources financières et une meilleure visibilité politique ainsi qu’une plus grande organisation des factions régionales à l’Assemblée39. C’est pour cela que le désir de devenir capitale ne s’est pas seulement manifesté à Campos, mais dans plusieurs autres villes de la province qui ont cru que ce changement de statut pouvait être le chemin pour résoudre leurs problèmes politiques et économiques. C’est le cas par exemple de Petrópolis, qui en 1855, à la veille de la visite de l’empereur, présente un projet à l’Assemblée de la province. Au sujet de cette proposition, le journal A Pátria de l’année 1855 fait l’observation suivante :
« Petrópolis n’est pas un centre commercial, ce n’est pas un lieu d’accès aisé ni de communication avec les différentes localités de la région, ce n’est pas un lieu éloigné de la Cour ni de ses dépendances, ce n’est pas non plus un lieu favorisé par les grands éléments des plantations pourquoi donc changer la capitale pour Petrópolis ? » (A Pátria, 16 septembre 1855, p. 1).
41En conclusion de l’article, le rédacteur défend le changement de capitale pour Cabo Frio en fonction du commerce lucratif rendu possible par les rendements de sa douane.
42Le désir de Campos de devenir la capitale de la nouvelle province naît donc de ces mouvements : d’un véritable pouvoir politique et économique de la ville et de sa périphérie (en particulier de la ville de Macaé) face au durcissement des luttes régionales ; d’une propagande systématique des dirigeants locaux associés au gouvernement provincial et central à propos de la richesse de Campos et de la nécessité de l’augmenter par le biais de travaux ; et, enfin, d’un plus grand pouvoir politique des nouvelles couches sociales qui, petit à petit, assument les fonctions politiques et administratives dans la municipalité, devenant ainsi les nouveaux agents propagateurs des idées de progrès et de civilisation à Campos.
43Le mouvement initial est engagé par le conseiller municipal José Fernandes da Costa Pereira40, qui requiert en 1855 au conseil municipal de Campos la nomination d’une commission spéciale afin de recueillir des données statistiques et topographiques de la ville, ainsi comme des informations sur sa production et sa population, tout cela visant à formuler un projet devant être soumis aux pouvoirs de la Province et de l’Empire. L’intention est de transformer la comarque de Campos en province, établissant, ainsi, comme siège de la capitale, la ville de Campos. La configuration territoriale de cette province inclut la vila de Itapemirim dans l’Espirito Santo et les vilas et povoados des sertões do Pomba et Carangola, situés à la limite de la province de Minas Gerais (voir carte)41. Puisque dans la requête il est écrit que toutes les villes sont favorables à la création de la province de Campos, le conseiller Costa Pereira sollicite que ces adhésions soient concrétisées par des mémoires dirigés aux autorités provinciales et impériales. La commission nommée pour rédiger la requête est constituée par le baron de Carapebus42, le clerc Angelo José da Fonseca et le propre Costa Pereira.
44Cette requête, présentée à la chambre le 14 juillet 1855 et signée par tous les élus municipaux43, décrit les choses suivantes : Campos est distante de Niterói de 70 lieues et possède une population de près de cent mille habitants avec un territoire de 500 lieues carrées. La ville occupe une position favorable pour le développement des vilas et povoados qui sont localisés à la frontière des provinces de Rio de Janeiro, Minas Gerais et Espírito Santo.
« Et si la création de la province est nécessaire pour les commodités des peuples, pour le développement de l’agriculture, le commerce, les arts et pour le progrès de la civilisation. De tous ces germes de richesse et félicité qui existent partout au Brésil, ce n’est nulle part aussi vrai qu’à Campos de Goytacazes. Surtout eu égard à la proximité des forêts appartenant à la province de Minas. Pour ces dernières, Campos est incomparablement plus commode, il manque seulement, pour entretenir ces relations, de bonnes voies de communication vers l’intérieur, ce que nous n’aurons pas tant que Campos ne sera pas le cœur d’une province et qu’elle puisse promouvoir de près ces améliorations » (extrait de la requête des députés de l’assemblée municipale de Campos, éditée dans le journal A Pátria, 5 août 1855, p. 3).
Carte 1. – Projet de la province de Campos de Goytacazes (1855).
45La requête argumente également que le sol de Campos et de toute la région de la comarque est fertile et que la notable production agricole de la ville peut être augmentée dans le cas où les espaces alentours seraient incorporés à cette nouvelle province.
« La fertilité de son sol qui semble se renouveler tous les ans, l’abondance de tous les biens qui alimentent ses marchés, sa grande étendue, population, industrie, l’actif commerce de cette ville, sa communication avec la mer via un fleuve navigable, sa richesse et encore plus celle de son incomparable ville » (extrait de la requête des députés de l’assemblée municipale de Campos, éditée dans le journal A Pátria, 5 août 1855, p. 2-3).
46Les transports et le commerce de la ville, animés par les vapeurs, circulent sur les fleuves et mettent à disposition les aliments et les produits provenant de plusieurs lieux de toute la comarque. C’est pour cette raison que, dans la perspective des signataires, la création de cette nouvelle province est le moyen d’augmenter encore plus la capacité de circulation des produits et des personnes. En effet, l’idée est de profiter de la capacité d’importation et d’exportation par le moyen des ports qui existent sur le réseau fluvial étendu qui délimite cette comarque.
« Baignée par le majestueux Parahyba qui a déjà reçu toutes les rivières et canaux dont il est tributaire, en majeure partie navigables. Elle entretient une navigation constante d’amont en aval d’environ 60 embarcations à voile et deux vapeurs, exportant les marchandises de toute la comarque et de toutes les industries » (extrait de la requête des députés de l’assemblée municipale de Campos, éditée dans le journal A Pátria, 5 août 1855, p. 3).
47La requête met en avant les revenus issus du commerce et de la production agricole signalant qu’ils dépassent la valeur de six mille contos de réis. Celles qui sont collectées par le gouvernement provincial par le biais des perceptions atteignent presque les 100 contos de réis, quantité qui peut être doublée si les revenus provenant du café sont collectés. D’un autre coté, le désir d’être une province est la reconnaissance d’un sentiment d’ordre, d’union, et l’illustration de ce qui caractérise le peuple campiste, c’est-à-dire, le fait que la ville soit reconnue pour maintenir un climat de paix sociale entre ses habitants. La requête donne également en exemple, pour signaler le degré de développement et notoriété de la ville, les équipements urbains et les institutions comme le théâtre ou l’hôpital de la charité, le lycée Provincial, sans compter les dix églises et autres édifices élégants.
48Le marquis de Paraná, président du Conseil des ministres devient un partisan de l’idée et prononce la déclaration suivante dans un discours au Congrès : « Je pense qu’au nord de la Province de Rio de Janeiro, la ville de Campos peut être la capitale de la Province de Goytacazes » (Rodrigues, 1988, p. 76). Le président de l’Assemblée, le docteur Antônio Francisco de Almeida Barbosa, se joint également à cette idée et devient le défenseur officiel des prétentions du député Joaquim Francisco Vianna44. Mello (1886) nous informe que le sénateur João José Carneiro da Silva dans « Notice descriptive de la ville de Macahé » souligne la richesse de la région et à propos de la création de cette province fait le commentaire suivant :
« La création de la province de Campos et l’établissement du commerce directement depuis le port de Macahé – sont les deux objectifs vers lesquels tendent tous les esprits qui s’occupent des intérêts généraux de cette importante et bienheureuse zone. Toute cette région fut autrefois connue comme Campos de Goytacazes et c’est justement pour cela que le nom de la nouvelle province rappelle ces temps primitifs. De la même façon, Campos, de part sa position centrale, de part l’importance de son actuel mouvement commercial et agricole, est en droit d’aspirer à être la capitale de la nouvelle province. Macahé, de part son port, déjà bon et susceptible d’être plus excellent encore, et pour se trouver sur le point où viennent se rencontrer toutes les voies ferrées existantes et projetées, est prédestinée à être le comptoir commercial et manufacturier de la nouvelle province. Cette nouvelle province, à la lumière des réseaux aujourd’hui crées par l’autorité des chemins de fer, devrait s’étendre aux communes de Macahe, Santa Maria Magdalena, Sõ Fidelis, Campos, Saõ João da Barra, et Barra de São João. Et au-delà de la partie de la province de Minas que doit être influencée par les routes » (Rodrigues, 1988 ; apud, 1833, p. 91-93).
49Malgré le fait que le journal A Pátria ne soit pas le seul à appuyer les demandes des campistas, il manifeste nettement son appui à la proposition. Il argumente dans l’article, que malgré son éloignement de la capitale, la ville de Campos, au-delà d’avoir un commerce plus développé que Niterói grandit de façon totalement indépendante des influences de la cour.
« La ville de Campos est, sinon plus avancée dans le commerce et la civilisation, au moins l’égale de Nictheroi. Le commerce à grande échelle qui est fait ici est en pleine croissance, et l’industrie s’est développée plus qu’à Nictheroi. Elle a l’avantage de ne pas se trouver à un tir de distance de la capitale » (A Pátria, 5 août 1855, p. 2).
50L’existence de la nouvelle province se trouve, pour l’auteur, justifiée par la nécessité de rapprocher les centres de peuplements situés dans les sertões de Minas et Espírito Santo actuellement éloignés de l’administration et des échanges commerciaux.
« L’on sait que l’une des plus importantes condition de l’ordre, du progrès et de la civilisation pour les provinces et peuplements, est que des diverses branches du pouvoir, l’on puisse sentir que l’industrie et le commerce reçoivent ces degrés d’impulsions qui peuvent entraîner son développement » (A Pátria, 5 août 1855, p. 2).
51En développant cet argument, il signale que la création de la province dos Goytacazes répond au besoin que tous les peuples ont à être mieux administrés. Une des grandes missions administratives de la nouvelle province est, dans ce cas, d’interconnecter les centres de peuplements situés aux frontières de la ville de Campos avec celles de Minas Gerais et Espírito Santo. Ces dernières étant presque toutes en manque de voies de communication, d’institutions d’État et de moyens pour développer leur commerce.
« Pour que ceci puisse avoir lieu, il est indispensable que les distances soient le plus possible diminuées, et au-delà, que les transactions légitimes de toutes sortes trouvent une solution pratique et souhaitable. Établir de grands noyaux de peuplements qui vivent de l’industrie et du commerce, échangeant leurs produits à de longues et difficiles distances et empêcher la marche régulière de son commerce, démoralisant leur civilisation, et obstruant notablement l’expansion de leurs richesses » (A Pátria, 5 août 1855, p. 2).
52Cet article illustre la symbiose de la pensée de l’auteur avec les arguments utilisés par la requête de l’Assemblée, notamment sur les aspects suivants : la nécessité d’agrandir le commerce et l’industrie de la région et l’importance du contrôle administratif des nouveaux povoados situés à la frontière des sertões de Minas Gerais et Espírito Santo tout comme la nécessité d’agrandir les voies de communication.
53Selon Rodrigues (op. cit.) le soutien à cette proposition ne s’est pas seulement manifesté au travers des articles de presse. En effet, se structure un mouvement pro-émancipation de la vila de Itapemirim qui transmet une pétition avec 84 signatures favorables à l’idée.
54Au sujet de l’appui de la vila de Itapemirim, il est important de signaler que ce fait a pu se produire grâce aux pressions du conseiller José Fernandes da Costa Pereira puisque ce dernier est un important représentant politique de cette localité et un grand propriétaire terrien de cette région, notamment dans les Sertões de Pedra Lisa. Ce dernier propose depuis longtemps à l’assemblée et au président de la province l’adoption de mesures visant à augmenter le commerce lucratif du bois et d’autres produits qui sont abondants dans cette région. L’expansion du café augmente d’autant plus l’intérêt de Costa Pereira à interconnecter cette région à la ville de Campos et au port de São João da Barra. C’est pour cela qu’un des premiers projets présentés à l’Assemblée est celui de la construction du canal do Onça – route liquide qui rend possible le cheminement d’une partie du bois et autres produits jusqu’à la Cour par l’intermédiaire du port de São João da Barra45. Mais ce qui est également en jeu avec l’appui de Costa Pereira est le désir de contrôler les terres des sertões de Pedra Lisa46. En effet, au-delà de l’existence de plusieurs quilombos qui menacent « la tranquillité et la sécurité » des grands et moyens propriétaires de cette région, il y a une préoccupation à contrôler et occuper les terres où il existe des villages indiens (aldeias) abandonnés ce qui a entraîné une situation d’instabilité permanente. C’est peut-être pour cela que, dans la requête, une des propositions est le regroupement et la régularisation des terres situées aux frontières47. Le conseiller Costa Pereira n’est cependant pas le seul à posséder des intérêts dans ces sertões…
55On observe en effet dans cette requête, l’idée, d’une certaine manière imprégnée dans l’esprit des dirigeants politiques et intellectuels, que le chemin visant à agrandir le pouvoir politique et économique d’une cité passe par le changement de son statut politique48. Le désir de se transformer en une province constitue ainsi une stratégie pour augmenter les moyens financiers et donner une plus grande visibilité politique à la ville de Campos.
56Être la capitale d’une nouvelle province représente aussi la légitimation d’une relation que la ville exerce sur sa périphérie. Les arguments selon lesquels Campos occupe une position stratégique et possède une plus grande richesse sont présentés dans ce cas comme les arguments les plus plausibles pour renforcer les liens avec les localités, surtout le contrôle des espaces en litige. Agrandir la capacité de circulation des fleuves et installer un réseau d’administrations dans ces localités résultent donc de ce projet.
57Quant au choix du nom que la nouvelle province va recevoir (Province dos Goitacazes) l’éditeur du journal A Pátria propose un argument de poids. Pour lui, cette dénomination est méritée eu égard au rôle historique que Campos exerce dans la région. Si Campos, comme l’avance l’éditeur du journal, est parvenue à se développer de façon autonome et éloignée des influences de la Cour, cela démontre qu’elle possède une vocation naturelle à propager cette richesse. En utilisant ces arguments, le projet décrit les rôles destinés à chaque vila et cidade incorporées à la nouvelle province sous la direction de la capitale. Une large zone doit être responsable de l’extension du café et du sucre, une autre doit se dédier à la production de biens de subsistance et finalement, la dernière (la ville de Macaé) en fonction de son importance économique et politique, doit devenir naturellement, après la ville de Campos, le deuxième entrepôt commercial de cette nouvelle province.
58Il émerge de cette ébauche de planification régionale une idée de hiérarchie urbaine à partir de la distribution des rôles exercés par chaque localité. La province dos Goytacazes est donc pensée en terme de réseau urbain, d’un espace intégré au travers duquel la capitale exerce le rôle d’attraction et de diffusion des flux administratifs, commerciaux, politiques et culturels.
59En dehors des intérêts à développer une économie de portée régionale et gagner une plus grande visibilité politique, la requête des dirigeants de Campos témoigne de la relation de cette ville avec les nombreux échelons du pouvoir : local représenté par les dirigeants de Campos, de Macaé et São João da Barra ; régional représenté par le président de la Chambre des députés le Dr Antônio Francisco de Almeida Barbosa, qui s’allie à l’auteur de la proposition, le campiste et député Joaquim Francisco Vianna ; et le pouvoir central (ayant comme représentant le marquis de Paraná, président du Conseil des ministres). Il faut encore souligner l’appui obtenu de la part des élites de Minas Gerais et Espírito Santo qui témoignent de leur soutien dans les journaux de leurs villes (Rodrigues, 1988). Il est suggéré que la liaison entre ces échelons s’explique, dans ce cas, par le rôle de comarque déjà exercé par Campos, signifié par sa fonction de contrôle des activités administratives, judiciaires et civiles des communes, localités et vilas des alentours. Le désir d’être une province est donc un dédoublement politique de ce rôle de chef-lieu de district.
60La mise en relation de Campos avec les différents réseaux de pouvoir gravitant autour de ce projet est illustrée, non seulement au travers de la gamme des adhésions à la requête, mais aussi, par le fait que la proposition n’a pas été débattue en premier lieu à l’Assemblée provinciale de Rio de Janeiro. Même en ayant quelques difficultés à définir les réelles attributions de cet organe, le fait que la requête se soit dirigée vers le Sénat paraît étrange. En effet l’émancipation de Campos aurait pu avoir un impact économique sur les revenus de la province de Rio de Janeiro.
61Le projet de la province dos Goytacazes n’a cependant pas été exécuté. En effet, avant son vote, Campos affronte une fatalité. Elle souffre d’une épidémie qui, en peu de semaines, atteint des milliers de personnes dans la ville et provoque une notable baisse de la population49. Avec cette tragédie, Campos perd en quelques semaines son image de cité prospère et gagne le titre de cité malade. Si le projet de devenir une nouvelle capitale est abandonné temporairement, le désir d’être une capitale reste cependant présent.
3e Mouvement : désir de devenir une nouvelle capitale de l’État de Rio de Janeiro 1860-1890
62Pendant les années 1860 et 1870 se produisent plusieurs débats autour du changement de capitale de la province, dont certaines propositions sont esquissées par les édiles de Campos. Ces discussions reflètent d’une certaine manière la crise politique et économique du Brésil et celle de la province de Rio de Janeiro à partir de 1870. Il s’agit d’une période où les bases du système monarchique commencent déjà à s’effriter et où croissent les revendications d’autonomie dans les différentes régions du territoire fluminense. Les hommes politiques fluminenses s’organisent autour des propositions visant à sauver les plantations de café et de sucre tout comme celles visant à augmenter les ressources municipales. Même après l’approbation d’une loi aidant financièrement les communes, l’insatisfaction de la population locale à propos des choix de la politique économique impériale est notoirement connue50. Un autre sujet de conflit entre les députés fait référence à l’adhésion de l’empereur à la campagne abolitionniste dans la mesure où nombre de ses soutiens sont contre la libération des esclaves51.
63Les propositions de changement de capitale illustrent d’une certaine manière cette conjoncture de crise et la tentative de résoudre les conflits au niveau des communes. Ce n’est pas sans raison que, malgré les discordances sur la municipalité qui doit recevoir le gouvernement de la province, il existe un consensus sur la nécessité de transférer la capitale de Niterói vers une autre ville.
64À partir des années 1870, on assiste aussi à un changement dans le cadre urbain de la province : en effet dans les villes et vilas, se renforcent les idées d’émancipation des esclaves, de construction d’une nouvelle civilité et d’un nouvel idéal politique, social, économique et culturel. Il y a, même si encore timidement, une relative mobilité des couches sociales résultant de la croissance des activités citadines, comme l’artisanat, le petit commerce et les services. Ce nouveau contexte urbain est impulsé à Campos par la croissance des activités commerciales et de services, par l’élévation du niveau de vie de sa population et par la diversification des groupes sociaux52. Ces processus redéfinissent le profil social et économique tout comme les réseaux de pouvoir dans la ville. Dans ce contexte, il y a une plus forte dépendance des grands propriétaires d’exploitation de sucre vis-à-vis du secteur commercial. L’occupation par ces nouveaux groupes sociaux de l’espace politique anciennement occupé en majorité par les grands fazendeiros découle de ce processus.
65Ce sont ces nouveaux agents qui, symbolisant ce nouveau rôle social et politique dans la ville, participent activement, durant la décennie 1870, à la demande de Campos pour devenir la nouvelle capitale de la province. L’association commerciale de Campos joue un rôle important dans ce mouvement. En devenant représentante des aspirations de ces groupes urbains, cette institution est l’une des principales propagandistes de la nécessité de moderniser la ville et d’instituer de nouvelles valeurs sociales et urbaines. Une nouvelle urbanisation, l’implantation de nouveaux services, des propositions plus modernes d’hygiénisation, tout cela compose le nouveau programme de revendication des grands commerçants, entreprises d’import/export et des couches urbaines émergentes. Comme l’avance Alves (2009), il y a un déplacement discursif des élites campistes : de commune agricole et monarchique, la ville est perçue petit à petit comme un important pôle commercial et urbain, notamment après l’installation de l’électricité, la première à l’obtenir en Amérique latine.
66En employant les mêmes stratagèmes que les grands agriculteurs il y a quelques décennies, les commerçants choisissent les journaux et revues locales pour diffuser leurs idées. O Diário de Campos, par exemple, réalise, durant les années 1870, une propagande systématique en faveur du transfert de la capitale de la province de Rio de Janeiro vers la ville de Campos. Même s’il n’est pas le seul journal à défendre cette proposition, il se distingue par les arguments en rien impartiaux utilisés pour vanter les richesses de Campos. Cet aspect peut être vérifié dans un sujet publié en 1875 dans lequel l’auteur affirme que la richesse de Campos surpasse celles de toutes les villes de la province et que pour cela, elle est une ville méritante, qui doit être récompensée par le titre de capitale.
67La force du discours hygiéniste est, symbole des temps nouveaux, un aspect important dans le nouveau débat sur le changement de capitale et devient l’épicentre des discussions liées au climat et à la salubrité de l’environnement. Les arguments pour recevoir la nouvelle capitale se concentrent ainsi sur les caractéristiques climatiques/sanitaires rencontrées dans les villes qui sont candidates. Cet aspect est illustré par les arguments avancés pour réfuter les thèses des défenseurs d’un transfert vers la région montagneuse de Rio de Janeiro. En 1876, par exemple, en réponse à un article publié dans le journal o Globo qui défend le transfert de la capitale vers Petrópolis, Teresópolis ou Nova Friburgo en fonction des meilleures conditions climatiques, l’auteur répond que le responsable de cet article ne connaît pas la réalité de Campos notamment : « La productivité de ses sols, ses relations commerciales, sa vie intime et ce qui importe le plus, la nature de son climat » (Diário de Campos, 31 mars 1876, p. 1, article intitulé : « Changement de Capitale »).
68En contestant donc les arguments faisant de la ville un foyer de propagation des maladies épidémiques, en raison de la nature du climat et d’un faible développement, l’auteur du Diário de Campos signale quelques attributs qui concourent à son élection53.
« Lorsque les douches de Friburgo auront exercé leur action calmante sur le système nerveux du journaliste du Globo, vérifiez de façon dépassionnée les intérêts de la province de Rio de Janeiro et vous serez d’accord avec nous pour dire que ce n’est pas un esprit de clocher qui dicte nos phrases, mais bien les intérêts de la province, et que Campos, de part ses améliorations matérielles, de part son excellent profit, de part ses importants établissements agricoles, sera sûrement la capitale de la province de Rio de Janeiro, si les timoniers de l’État réfléchissent avec clarté et justice » (idem, 31 mars 1876, p. 1, article intitulé : « Changement de Capitale »).
69Les échanges avec le journal Globo au sujet du changement de capitale ne s’arrêtent pas en chemin. Le 5 avril 1876 l’éditeur du Diário de Campos conteste encore une fois les arguments avancés par le journaliste en faveur des villes de la région montagneuse. Dans cet article le journal Diário de Campos accuse le Globo de tordre la réalité afin de justifier sa nette propagande en faveur du transfert de la capitale vers une de ces dites villes. Il affirme que Campos continue donc de réunir toutes les conditions pour concourir au titre de capitale.
« Sans vouloir débattre d’un sujet pour lequel il n’existe pas d’opportunité, nous traçons seulement ces présentes lignes comme une protestation au parallèle, que l’on a prétendu établir entre cette ville et Theresopolis, qui à l’exception de son climat froid, n’offre aucun avantage par rapport à Campos pour être le centre de l’administration […]. Pour que l’administration, puisse diffuser aux extrêmes du corps social cette action, qu’en partant de votre cœur et en y retournant donne la vie à ce même corps, il importe avant tout de disposer de moyens aisés et abondants pour que se manifeste l’activité gouvernementale » (idem, 5 avril 1876, p. 1, article intitulé : « Changement de Capitale »).
70Et en continuant les débats avec le journaliste du Globo, l’article publié le 12 avril 1876, le journaliste va défendre la salubrité de la ville et s’opposer avec véhémence au transfert vers Teresópolis en présentant les arguments suivants :
« Campos est un lieu sain, doté d’un climat sec et égal, peu sujet aux variations rapides de températures et dont les habitants atteignent d’ordinaire, en pleine possession de leurs facultés, un âge avancé » (idem, 12 avril 1876, p. 1, article intitulé : « Changement de Capitale »).
71Dans l’idée du rédacteur du Diário de Campos, changer la capitale pour une des villes de la région montagneuse démontre à peine des intérêts locaux de quelques partis à l’Assemblée. En effet, les lieux proposés sont situés dans des positions géographiques défavorables, possèdent un territoire stérile et une population réduite. Le rédacteur du Diário de Campos, après avoir déconstruit ces arguments, conclut donc sa défense de la manière suivante :
« Nous sommes fortement convaincus que le changement de capitale de la province n’est pas qu’un simple caprice, ou une obscure guerre de clocher, mais bien une amélioration au niveau politique et administratif […]. Des terrains fertiles dans lesquels la nature est heureuse d’afficher toute la beauté et la variété de ses richesses, une agriculture épanouie qui saupoudre les champs avec les beautés croissantes de ses immenses produits ; commerce loyal, vivant, fiévreux à féconder et à actualiser les sources vives de toutes les industries ; édifices élégants qui surgissent du sol comme les créations magiques des anciennes légendes ; chemins de fer qui sillonnent les vierges seins des gracieuses prairies et forêts séculaires ; instruction, source de lumière, immense et inexorable, qui illumine tout et tous, avec les plus surprenants effets de la plus splendide bonne foi auréolée, valeur et volonté, tout cela Campos le possède. Et pourquoi ne serait-Elle [sic] pas la capitale de la province de Rio de Janeiro ? » (Diário de Campos, 12 avril 1876, p. 1, article intitulé : « Changement de Capitale »).
72Les débats sur le changement de la capitale à Campos ne se sont pas terminés en chemin, d’autres propositions sont présentées, surtout lorsque se développent les conflits politiques entre les adeptes de la continuité monarchique et ceux de la République54.
73C’est dans ce contexte marqué par le renforcement des idées républicaines qu’à nouveau les représentants politiques de la ville de Campos annoncent leur projet d’être la nouvelle capitale de l’État de Rio de Janeiro, après la proclamation de la République. Francisco Portela, membre actif du mouvement républicain fluminense, entrepreneur et fazendeiro de Campos devient un enthousiaste défenseur du transfert de la capitale vers Campos. Malgré cela, la proposition de transformer Campos55 en nouvelle capitale de la République n’est pas acceptée à ce moment précis. Et cela malgré le fait que Francisco Portela soit désigné comme premier président républicain de l’État de Rio de Janeiro. L’idée, quant à elle, est cependant conservée…
74En 1893, le débat sur la capitale renaît du fait de la crise du parti républicain et de la recherche d’une plus grande visibilité des partisans de Francisco Portela. Ce débat reflète les disputes de pouvoir impliquant les responsables politiques de la ville de Niterói, Campos et autres communes. C’est dans ce contexte qu’à nouveau la ville de Campos, tout comme Nova Friburgo, se candidatent pour devenir la nouvelle capitale de l’État. Le débat est relayé par d’importants journaux de Campos : A República, A Gazeta et O Monitor Campista. Comme avancé par Alves (2009) l’agent qui se démarque dans ce mouvement est l’association commerciale de Campos qui transmet à l’Assemblée Législative une proposition signalant les avantages que la ville offre à l’État de Rio de Janeiro si elle devient capitale. Dans cette proposition, l’association s’engage à participer au processus de construction d’une ville-capitale.
75Alves (2009) souligne également que le mouvement pro-émancipateur est diffusé dans la ville par une pièce de théâtre présentée en 1893 et intitulée « Campos-Capitale ». Ce projet gagne une plus grande exposition quand il se fait le porte-parole d’une proposition régionale. En effet elle reçoit l’adhésion de plusieurs communes du nord-fluminense comme Macaé, Itaperuna, São João da Barra et São Fidélis. Dans ce processus, la proposition se dirige encore une fois vers la transformation de Campos en un nouvel État. Ce projet est voté en 1894 et encore une fois Campos est défait, Petrópolis sortant vainqueur. L’intention de Campos de devenir la capitale d’un État n’est cependant pas morte et de nouveaux projets sont présentés par les campistes au début des années 1920. C’est peut-être devant ce sentiment frustré d’être capitale que l’on peut comprendre le slogan actuellement utilisé par la mairie de Campos.
L’idée de Campos-capitale
76Les projets pour transformer Campos en capitale évoluent tout au long du xixe siècle. Cela est dû autant à la mutation de son rôle politique et économique qu’aux rapports aux nouvelles forces politiques qui s’imposent dans le cadre local et régional. Cependant, malgré les changements du contenu des propositions de transformation de la ville en capitale, nous pouvons souligner la similitude des arguments employés par leurs rédacteurs. L’objectif, sans nier quelques différences, est, d’une certaine manière, de renforcer le réseau de transport visant à intégrer et contrôler la production et la consommation des localités alentours. Une idée qui prend sa source dans les propositions élaborées, à la fin du xviiie siècle, par le capitaine Couto Reys. La matrice argumentative des projets de capitale s’appuie donc sur la proposition de soumission des localités alentours par l’intensification des voies fluviales et terrestres et l’incorporation de nouvelles terres.
77Le discours de transformation de Campos en capitale, suggéré comme clé du progrès régional, forge une idée de hiérarchie urbaine et de nouvelles configurations spatiales à partir de la projection et la création d’un réseau de communication. Les projets pour devenir une capitale coïncident ainsi avec le mouvement de formation et consolidation d’un réseau urbain dominé par la ville de Campos. Le désir récurrent de se transformer en ville-capitale traduit, dans ce cas, la volonté de renforcer les relations de dépendance économique et politique au niveau local et régional.
78Un des aspects qui caractérise également les mouvements en faveur de la capitalité est le postulat selon lequel la ville s’est agrandie de manière autonome. Dit autrement, selon une vocation naturelle des campistas au développement. Mémoires, livres, rapports, journaux et revues ont contribué à ce mouvement, et de façon significative, à l’édification d’une figure du campiste, comme d’un guerrier, presque un héros qui affronte la forêt et transforme la ville, avec sa force et sa pugnacité, en un lieu agréable occupé par des gens « sociables », « patriotes » et « coutumiers de la fête ». Ce discours omet cependant la réalité, en effet, la ville profite depuis toujours directement ou indirectement des aides de l’État, en particulier dans les premières années de l’Empire. Cet aspect a cependant toujours été manipulé afin de convaincre les autres groupes qui se disputent les moyens nécessaires à la mise en œuvre du développement de cette région. Après la naissance et la multiplication des journaux dans la région, les appels en faveur de la ville se spécialisent encore plus.
79L’on peut dire que les projets visant à devenir une capitale témoignent d’un désir de plus grande visibilité politique et économique de la ville. C’est pour cela qu’ils représentent un effort des dirigeants politiques pour se maintenir au centre des décisions de l’ancienne province de Rio de Janeiro. Cela nous informe ainsi sur les stratégies de ces auteurs visant à transformer les attributs physiques et sociaux d’un espace en une donnée positive. Dans ce cas, créer une capitale devient avant tout un acte de représentation des espaces, aspect qui instaure la valorisation/dévalorisation des tels ou tels lieux par rapport aux autres. C’est pour cela que, parallèlement à la projection idéologique de ces nouveaux « lieux centraux », ce qui est en jeu est le pouvoir d’intimidation et de persuasion des dits groupes et leur désir de se maintenir au pouvoir. Un élément qui met en évidence le concept de centralité comme une condition sociale construite historiquement.
80Les arguments utilisés afin de transformer la ville de Campos en capitale suggèrent donc de réfléchir sur les processus sociaux qui induisent de la complémentarité politique et économique et qui se structurent à partir d’intérêts liés à la production, la consommation et la circulation de biens, reproduction, contrôle et surveillance des groupes sociaux. Les analyses proposées par Raffestin (1993) sont donc pertinentes lorsqu’il avance l’idée d’un réseau associé au processus de transformation des espaces en territoires et donc en instrument de pouvoir.
81On observe, dans ce sens, que les projets de capitale présentés par Campos reflètent les désirs de construction et déconstruction des espaces en fonction des intérêts de quelques groupes sociaux à contrôler les routes, la population et les ressources au niveau régional dans l’intention de s’approprier les espaces afin d’établir les modalités d’une domination. Ce processus est marqué par la production d’un discours spatial et la création d’une image positive. Un acte qui substitue le réel par une « image » que va reconstruire la mémoire. L’on peut dire que le concept de capitale actionné par les édiles de Campos démontre, dans la majorité des cas, cette capacité des groupes sociaux à forger une histoire et une mémoire d’un lieu et, dans ce mouvement, reconstruire une image pas toujours réelle de la ville.
82La notion d’échelle est employée, en règle générale, par les agents du progrès afin de produire cette image et justifier leurs projets de capitale. C’est le cas des espaces autour de la capitale, presque toujours représentés comme lointains, vides et prêts pour un nouvel investissement. Comme analysé par Moraes (2005), presque toutes les représentations du territoire produites pendant la période coloniale et impériale expriment les intérêts à transformer des « zones de domination incomplètes » ou « aires stagnantes ou décadentes » en un territoire urbanisé. Soit avec des projets visant leur intégration, soit à partir de l’installation d’un service public. L’objectif est de promouvoir le rapprochement et/ou le contact. Les projets présentés par Campos ne dérogent pas à cette règle. En opérant une utilisation discursive, les propositions de capitale divulguent l’importance de la proximité afin de réduire la distance (sociale et spatiale) de l’hinterland de Campos. Être une capitale a cependant représenté une recherche de redéfinition de nouvelles frontières spatiales devant le besoin d’agrandir le pouvoir économique et politique et résoudre les différentes crises rencontrées par la ville.
Bibliographie
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Diário de Campos – órgão dos Interesses do Commercio e da Lavoura, Propridade de uma Associação Anonyima, Campos, Typografia A.D’Oliveira e Silva.
O Campista, Typ. Patriotica de Parayba e Alypio, 1834.
Notes de bas de page
1 Texte traduit par Grégory Corps – ATER en histoire, université de La Rochelle (CRHIA).
2 N.D.T. : petits paysans sans terre qui occupent et cultivent des terres publiques, réputées libres, dans l’espoir d’obtenir une régularisation de leur situation foncière une fois leur occupation reconnue par les autorités.
3 N.D.T. : division administrative (judiciaire) d’une province ou d’un État à l’époque républicaine.
4 On attribue les bons résultats de l’économie sucrière durant le xviiie jusqu’aux premières décennies du xixe siècle à l’appui gouvernemental et l’évolution des prix du marché international, surtout durant les périodes de conflits qui ont lieu aux États-Unis après son indépendance et lorsque la production des Antilles française diminue (1780 à 1806). La remarquable reprise des exportations de sucre à partir de 1790 est donc liée aux facteurs suivants : a) investissements continus du Marquis de Lavradio et de Luis de Vasconcelos e Sousa, b) plus grande quantité d’engenho par rapport à Bahia et à Pernambuco, c) plus important degré d’innovation de la production, d) occupation de nouvelles terres vers Angra et Parati et au sud et au nord de Campos, e) plus grands investissements dans l’agrandissement des engenho et établissement de nouvelles unités de production à partir de 1796. Wehling (1982).
5 Avec l’autorisation des vice-rois, les visites des autorités ecclésiastiques cherchent à recueillir des informations générales sur la région et la possibilité de créer de nouvelles paroisses (freguesias) et noyaux de peuplements.
6 N.D.T. : juge extérieur à la ville ou village qui occupe une position au sein du conseil municipal et qui peut également jouer un rôle politique dans la localité.
7 N.D.T. : juge à l’époque coloniale.
8 Ce fonctionnaire a pour fonction de rationaliser l’utilisation des terres devenues publiques après l’expulsion des Indiens (devolutas). Associés ou non aux ordres religieux, les mestres de campos ont donc assumé un grand pouvoir sur les localités occupant des fonctions militaires, administratives et fiscales. Le Mestre de Campo João José Barcelos Coutinho, qui est propriétaire de plusieurs engenhos est celui qui assume le commandement initial du District administratif de Campos (N.D.T. : ce terme fait référence à la fonction d’officier supérieur dans l’armée portugaise ou coloniale. Dans le contexte brésilien peut également être traduit par colonel).
9 Il est important de souligner que la performance économique de la région est dépendante des nombreux conflits initiés au milieu du xvie siècle autour de la possession de la terre, quand les colonisateurs occupent alors la région. Le combat pour l’implantation de la vila est en revanche un processus marqué historiquement par de nombreuses tentatives de fondations débutées dès le xviie siècle. À partir du xviiie siècle, les plus grands propriétaires, entre autre les héritiers de la famille Asseca, les pères jésuites et bénédictins et les grands fazendeiros, tombent d’accord ce qui provoque l’installation du pouvoir dans la région.
10 Comme l’indique Pizarro (1822) dans son « Informação da Capitania », le vice-roi marquis do Lavradio relate à son successeur que durant de nombreuses années la région de Campos a été un havre pour les voleurs, assassins et malfaiteurs qui y ont vécu en totale liberté sans connaître les règles de la soumission. Il rapporte les mesures adoptées pour imposer l’ordre dans la région, comme les investissements dans le recrutement de fonctionnaires et l’encouragement à la pratique du commerce et de l’agriculture, tout comme la distribution de sesmarias et la création de comarcas, districts, freguesias, aumôneries et aldeias. Pour lui tout cela a provoqué un effet positif puisque les dix années précédentes la région s’est développée.
11 Encore selon Soffati (1997), Manoel Martins do Couto Reys naît dans la vila de Santos autour de 1750. Il suit une longue carrière militaire se faisant connaître comme cartographe puisqu’il est responsable de l’élaboration de plans de plusieurs villes de la province de Rio de Janeiro comme celles de Campos, Cabo Frio et le mémoire et plan inachevé de la Fazenda de Santa Cruz. Pendant sa visite de Campos, il est responsable de l’élaboration d’un des plans les plus détaillés du xviiie siècle. Pour sa compréhension il rédige un texte explicatif qui montre les divers aspects représentés sur le plan qui s’intitule « Description géographique, politique et chronographique du district de Campos Goitacás ».
12 Ce document, dont l’époque révèle la vision utilitariste de la nature et de la société, est rédigé lorsque le capitaine réalise une longue expédition à Campos et enregistre minutieusement les divers aspects de la ville et de la région alentour, comme la naissance des freguesias et noyaux de peuplement, les activités économiques et les coutumes locales. Au-delà d’être, peut-être, le profil socio-économique et environnemental le plus détaillé de la ville au xviiie siècle, cette narration peut être considérée comme un projet social d’occupation puisqu’il souligne les moyens nécessaires afin de rendre cette région plus prospère.
13 Conformément aux arguments de Moreira (2002), après la promulgation en 1850 de la Lei de Terras, beaucoup de terres indiennes acquises par des sesmarias (terres cédées par la couronne ou la capitainerie à des colons) données antérieurement sont à présent interprétées comme du domaine public (devolutas). Ce fait conduit autant à l’appropriation légale de la part de l’État Impérial comme à son incorporation à plusieurs projets d’occupation, comme par exemple, les noyaux de colonisation qui sont implantés dans la région. À Campos cette stratégie peut être observée dans la grande majorité des terres anciennement indiennes.
14 Écrit en 1819, le livre s’intitule « Mémoire topographique et histoire sur Campos dos Goitacazes avec une brève notice sur ses productions et commerce offert au très puissant Roi et Seigneur nôtre D. João 6° pour être originaire du même pays ». Carneiro Silva est le fils du capitaine Manuel Carneiro da Silva et de l’aristocrate Ana Francisca de Vellasco Tavora de Barcellos Coutinho. Autant son grand-père que son père ont été capitaines du village indien de Quissamã. Ils ont été, dit autrement, responsables de l’administration des terres indiennes dans la région. Ils bâtissent une grande fortune via les plantations de canne à sucre dans une sesmaria qui va de Lagoa Feia jusqu’à Lagoa da Ribeira. La famille construit, dans ce lieu, entre 1777 et 1782 la maison de la fazenda Mato de Pipa, qui est aujourd’hui la plus ancienne maison de seigneurs d’engenho de la région Nord Fluminense. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle est inscrite au patrimoine par l’Inepac en 1985.
15 La participation politique des grands fazendeiros de l’interior de la province de Rio de Janeiro et de Minas Gerais au début du xixe siècle est liée également à leur rôle de distributeur de produits alimentaires qui ravitaillent la Cour. Certaines routes sont ouvertes et/ou agrandies pour viabiliser ce ravitaillement (Lenharo, 1993).
16 Ribeiro (2008) (apud Oliveira, 1996) analyse les bases de ce soutien démontrant qu’elles symbolisent autant l’intérêt de quelques groupes à conquérir une meilleure position dans le marché interne et dans l’administration que la crainte d’une révolte d’une partie des couches les plus pauvres. Protégés par les réseaux de parenté qui occupent les principales fonctions administratives de la couronne, ces groupes défendent la nationalisation du commerce, autrefois détenus par les représentants de commerce du Portugal. Ces forces politiques ne sont cependant pas opposées à l’indépendance ni au maintien de pratiques monopolistiques en lien avec le commerce interne.
17 Sodré (1999) nous informe que le rôle assumé par la presse ne se différencie pas beaucoup dans ce contexte, dit autrement, elle conserve les caractéristiques locales et régionales. Les journaux du début des années 1830 possèdent, d’une certaine façon, comme caractéristique la résistance initiale au Regresso et dans les années 1840 son adhésion à d’autres groupes qui s’installent au pouvoir. En citant les observations d’Otávio Tarquínio de Souza, Sodré (op. cit.) qui signale que la presse de cette époque peut être identifiée à partir de son adhésion aux idées conservatrices, libérales ou modérées.
18 Auparavant, en 1826, naît l’Espelho Campista – de Prudêncio Joaquim Bessa – considéré comme le premier journal de Campos. Le 1er janvier 1831 est imprimé son 1er numéro. Mello (1886), de son côté, nous informe que le premier quotidien de la ville date de janvier 1831 et se nomme O Correio Constitucional Campista. Selon lui : « C’était un journal patriote, et son rédacteur en chef était le Docteur Francisco José Alipio, médecin reconnu et de grande réputation qui est mort assassiné. Mr le Commandeur José Gomes da Fonseca Parahyba le secondait dans son œuvre » (op cit, p. 100). Il signale que Campos est une des premières villes à avoir un journal, il nous informe que dans les années 1830 et jusqu’à la date de publication de son livre (1886) il a existé à Campos les journaux suivants : O Campista (1834), Diario Commercial de Campista, Recopilador Campista, Monitor Campista, Cruzeiro, Conciliador, Sentinella da Constituição, Revista da Sociedade Phenix Literaria, Ordem, Regeneração, O Paiz, Independente, Alvorada Campista, Despertador, A Abelha, O Pury, O Goytacaz, A Verdade, Ortiya, Gazeta de Campos, Borboleta, Amolador, Artista, Pernilongo, Infancia, Diario de Campos, Futuro, Correio de Campos, Commercio de Campos, O Regenerador, Gazeta do Commercio, Jornal da Provincia, Diario Popular, Matraca, Situação, Lux (literário). Mello ajoute également la présence d’autres journaux qui ont connu une existence éphémère.
19 La province tout comme la ville est institutionnalisée par le biais de l’acte Additionnel de 1834. Nommé le 20 août 1834, Joaquim José Rodrigues Torres, le vicomte de Itaboraí est celui qui inaugure sa vie politique en donnant les premiers pas à l’organisation administrative et judiciaire. L’assemblée provinciale, composée de trente députés, réunie des personnages à haut rayonnement régional et national à l’image d’Evaristo Ferreira da Veiga, João Paulo dos Santos Barreto, José Clemente Pereira, Paulino José de Sousa Soares.
20 Mello (1886) nous informe qu’étant donné les conflits de terres et la dispute autour de la création de la vila de Campos, le docteur José ordonne que la capitainerie de Parahyba do Sul soit intégrée aux limites de la capitainerie de Espírito Santo au 1er juin 1753. Il est concédé à son donataire une pension annuelle de 3 000 cruzados en compensation. « La Villa de São Salvador a joui, dès lors et jusqu’en 1832, de la paix et de la tranquillité dans le lagon qui se peuple et développe son agriculture et conquiert rapidement une place importante entre ces consœurs » (op. cit., p. 100).
21 Sont incorporés dans les limites de la province les territoires de Campos São João da Barra, Parati e Cantagalo. Du point de vue économique l’insertion de ces territoires consacre politiquement et économiquement Rio de Janeiro, en effet ces espaces se distinguent par une importante production de café et de sucre.
22 Persiste dans ce contexte le doute au Sénat à propos de la nécessité ou non de Rio de Janeiro à devenir une province et avoir une administration en propre. C’est-à-dire qu’il existe un débat sur la pertinence d’avoir un Conseil provincial à la Cour. Il existe donc des craintes chez quelques sénateurs que le représentant politique de cette nouvelle province ne soit pas préparé à assumer l’administration d’une région aussi stratégique pour l’Empire. On craint également, à l’exemple du marquis de Caravelas, que le président de Rio de Janeiro éclipse le pouvoir de l’empereur. « Le chef suprême de la Nation a besoin d’avoir ses délégués dans les autres provinces ; mais pas à Rio de Janeiro où il a son Ministre, et son Conseil d’État – un tel président ne servira qu’à créer des conflits avec les ministres et se révélera un rouage non nécessaire de l’administration » (extrait du débat du Sénat publié au Diário do Rio de Janeiro, n° 8).
23 L’un des importants débats du xixe siècle fait référence au rôle politique et administratif des communes. Ce débat devient central après la promulgation de l’acte Additionnel de 1834 qui renforce encore plus la situation de centralisation du pouvoir provincial. Deux tentatives visant à modifier l’extrême centralisation sont réalisées durant la décennie 1860. La première est une loi présentée par le marquis de Olinda en 1862 et la seconde en 1869 par Paulino Soares de Sousa. Les deux sont ministres de l’Empire quand ils présentent les dits projets de réforme. Ces derniers n’obtiennent pas de soutiens, et même s’ils sont approuvés, n’introduisent pas de modifications substantielles dans la façon dont les provinces interfèrent dans la vie administrative des communes (Chrysostomo, 2006 et 2010).
24 Le mouvement de Regresso, se déroule entre les années 1840 et 1841 et se caractérise par le rôle joué par les hommes politiques fluminenses dans les mesures d’ordre administratives et politiques qui sont mises en place pour renforcer le pouvoir de l’empereur. C’est le cas de l’élaboration de la loi d’Interprétation de l’acte Additionnel ; la réforme du Code de procès criminel et la loi du Conseil d’État. Conformément aux arguments d’Iglésias (1993), la dénomination de Regresso est donnée en opposition au Progresso prêché amplement au début du siècle par les libéraux. Les mesures du Regresso gagnent corps avec la renonciation de Diogo Antônio Feijó.
25 En hommage à l’empereur, la principale rue de la ville – « A Beira Rio » – passe à être dénommée rua Pedro II.
26 Le Monitor Campista est actuellement le troisième journal le plus ancien en circulation du pays. Selon Feydit (1900) le journal est la continuité de l’ancien Campista, né le 4 janvier 1834 et O Monitor, dont le premier numéro sort en juillet 1838. Cependant selon Horácio Souza (1935), le Monitor Campista naît de la fusion du Campista, fondé par Bernardino José Maciel le 4 de juillet 1838, et géré en 1840 par le Suisse Eugène Bricolens et Thomé José Ferreira Tinoco et du Recopilador Campista.
27 N.D.T. : La vila est une bourgade disposant d’une autonomie judiciaire sur un vaste ensemble territorial (termo), d’une chambre de représentants élus, et du droit d’organiser la population en milices pour sa défense.
28 Selon Feydit (op. cit.), la nouvelle de l’élévation de São Salvador dos Campos à la condition de ville (cidade) parvient le 4 avril et est beaucoup commémorée. Lors de son émancipation elle se trouve peuplée de près de sept mille habitants organisés autour d’une douzaine et demie de petites rues étroites et tortueuses, six traverses – presque toutes sans pavés et criblées de bourbiers –, une illumination publique précaire, une place et quatre allées.
29 À propos de cet aspect, Soffiati (2005) affirme qu’il y a une « explosion dans ce contexte de projets de développement élaborés par les élites rurales et urbaines, à l’exemple de celui réalisé par José Carneiro da Silva au xixe siècle et de Henrique Luiz de Niemeyer Bellegarde, chef de la 4ª Section des travaux publics de la Province de Rio de Janeiro au xixe siècle ».
30 N.D.T. : municipio.
31 Il n’a pas été retrouvé de débat dans le Recopilador Campista au sujet du changement de capitale. Ce journal publie cependant le décret de création de cette ville et les mesures qui doivent être prises eu égard à ce nouveau statut.
32 Conformément à ce qu’affirme Gouvêa (op. cit.), la législation de 1857 et de 1861 indique que Campos est la commune qui recueille le plus d’impôts, au-delà d’être celle qui possède le plus d’employés municipaux. Niterói, de son côté, est celle qui dépense le plus avec le salaire de ces employés. La situation privilégiée de la ville entraîne une délibération de l’Assemblée selon laquelle Campos n’a pas besoin d’une aide financière des coffres de Rio de Janeiro.
33 La recherche révèle que dans 88 % des cas, les députés représentent les intérêts de leur localité. Conformément à cette analyse, malgré le fait que Campos possède le plus grand nombre de liens avec les députés, au fur et à mesure que le temps passe, la ville perd sa position en faveur d’autres régions de la province, notamment le Vale do Paraíba du fait de sa grande production de café.
34 Il est important de se rappeler que de 1821 à 1830, le sucre est le principal bien d’exportation de Rio de Janeiro (30,1 %) suivi du coton (20,6 %) et du café (18,4 %). De 1831 à 1841, le sucre baisse à 24,0 % et le coton à 10,8 % alors que le café passe à 43,8 %.
35 Gouvêa (2008) révèle qu’en 1838 la province recueille 124 : 284 $. Les trois villes qui recueillent le plus d’impôts sont Campos, responsable pour 21 : 824 $0, Niterói (9 : 800 $) et Itaboraí (9 : 300 $). En 1851, Campos recueille 20 : 077 $; Niterói 12 : 100 $; Iguaçú 10 : 703 $. Il faut souligner que, durant les années suivantes, se distingue, au-delà de Campos, la ville de Macaé, qui jusqu’à lors est un district de Campos, qui parvient à se faire remarquer en terme d’impôt devenant un puissant allié de Campos dans son projet de devenir une capitale.
36 Par l’intermédiaire du rapport de la province des années 1841 et 1842, les projets les plus remarquables sont le canal de Nogueira, la construction de la digue sur le fleuve Paraíba et la construction des ponts et pontons dans la ville.
37 Le canal Campos-Macaé est le premier à avoir recours aux ressources financières de l’administration provinciale. Pour sa mise en route effective plusieurs lois et décrets sont promulgués et de nombreux projets sont pensés. Pour que cet ouvrage soit choisi, dés le premier président de la province, comme un des plus importants de la province, un contrat est signé avec l’Anglais Mr Fresse. La répercussion locale de cet ouvrage est relayé par O Recopilador en 1835 en divulguant une lettre du dit Anglais en janvier de la même année dans laquelle il enjoint les fazendeiros de la région à participer comme associés de la future entreprise qu’il prétend fonder afin de commencer le chantier de ce canal. L’éditeur du journal, se positionnant en faveur du projet, fait la déclaration suivante : « C’est le devoir de tout bon patriote de participer aux efforts qui sont employés dans ce sens ; et nous nous unissons aux meilleurs résultats du projet proposé par le Sr. Freeze » (O Recopilador, 1835, p. 2).
38 Le voyage de Campos reste marqué par la grande distribution de titres nobiliaires, preuve ainsi de l’importance des hommes politiques et fazendeiros. En 1846, le conseil municipal est informé par le moyen d’une directive du président de la Province, le vicomte de Sepetiba de la visite impériale sollicitant que les conseillers municipaux prennent des mesures. Le conseil municipal est convoqué de manière extraordinaire et les leaders locaux prennent une série de mesures d’urgence nonobstant l’« étroitesse de temps et le manque de ressource du pays ». L’estrada do Queimado et la Rua Direita commencent ainsi à être réparées. Les habitants de la Rua Direita, das Flores, Praça Principal sont invités à nettoyer les devantures de leurs maisons et à les décorer le jour du passage de Sa Majesté. On recommande également que durant le séjour de l’empereur toutes les maisons soient illuminées la nuit (Mello, 1886).
39 En parallèle à ce renforcement économique et politique de la ville, les disputes régionales pour plus de moyens venant de l’assemblée provinciale gagnent en intensité. Ce mouvement rencontre des échos dans les organes de communication locaux (Gouvêa, 2008). Il faut signaler qu’à partir de 1850 une nouvelle génération de députés, de moins en moins liés aux demandes de la Cour, commencent à représenter les intérêts des leurs localités et de leurs régions d’origine.
40 Il faut souligner que ce conseiller municipal (avocat et politicien) brésilien est un important responsable politique de l’Empire et un grand propriétaire de terres dans l’ample région qui couvre la ville de Campos et l’Espírito Santo. Ce dernier assume, durant les années 1860 et 1870, la fonction de président de diverses provinces, de l’Espírito Santo (1861 à 1863), Ceará (20 janvier au 26 avril 1871), São Paulo (1871 à 1872) et Rio Grande do Sul (1872). Il est aussi ministre dos Negócios do Império do Brasil, du 10 mars 1888 à 1889.
41 Les frontières entre les provinces de Rio de Janeiro, Minas Gerais et São Paulo, durant presque tout le xixe siècle font l’objet de nombreux débats et conflits.
42 Joaquim Pinto Neto dos Reis est le premier grand baron de Carapebus, important fazendeiro et homme politique de la région, il est avocat et militaire brésilien. Il exerce la fonction de lieutenant-colonel commandant de la Garde nationale. Son titre de noblesse de Baron lui a été concédé par D. Pedro II par la charte du 2 décembre 1854.
43 Les noms des conseillers municipaux qui signent la requête sont : Dr Antonio Francisco de Almeida da Barbosa, João Martins Leão, Antonio Joaquim da Silva pinto, José Fernandes da Costa Pereira, Francisco de Paula Gomes Barroso e les clercs Angelo Jose da Fonseca, Agostinho dos Santos Collares e Manoel de Brito Coutinho (Feydit, 1900).
44 Ce conseiller municipal est le petit-fils de Joaquim Vicente dos Reis, héritier du Solar do Colégio et un grand négociant et homme politique de l’Empire.
45 Il obtient les moyens via une souscription populaire et réalise les travaux entre le 10 juillet et le 3 novembre 1840. L’année suivante, cependant, par la loi n° 244 du 10 mai, le gouvernement de la province décide que le conseil municipal de Campos indemnise José Fernandes da Costa Pereira à hauteur de quatre mille et soixante contos de réis et devienne propriétaire du canal se chargeant de son entretien et de sa conservation. Cette décision est due aux problèmes dans l’administration du canal.
46 Le canal da Onça, au-dessus des sertões do Nogueira et de Imburi, se situe entre les fleuves Muriaé et Itabapoana, dans une région reconnue pour sa production de café, surtout à partir de 1840.
47 Il faut souligner qu’avant cette date il y a déjà des plans pour occuper le Sertão de Pedra Lisa. Certaines mesures sont adoptées à partir de 1850 dans ce sens afin de donner un nouveau destin à ces espaces, entre lesquelles la désignation de grandes parcelles de terres comme propriété de l’État.
48 Il n’est pas inutile, dans ce cas, de mentionner que durant l’Empire les communes ne bénéficient pas d’autonomie politique et administrative ce qui concoure dans de nombreux cas à la pénurie financière de beaucoup de villes.
49 Le projet est perturbé par la propagation du « Cholera morbus », maladie mortelle qui décime mille deux cents habitants en à peine deux mois (du 9 octobre au 31 décembre, seulement dans la ville décèdent 1 239 personnes) mais l’épidémie se diffuse pour plus de temps encore. L’impact de la maladie est si notable que le temps manque pour enterrer les cadavres qui sont entassés sur des chariots. Le gouvernement de la province tente de mettre en place des mesures préventives en nommant une commission de médecins et d’inspecteurs pour tenter de diminuer la propagation de la maladie. Ces mesures se déroulent au port de São João da Barra – les voyageurs venant de l’extérieur sont interdits d’entrer à Campos afin de ne pas étendre la maladie à Rio de Janeiro, ce qui a été inutile, en effet la maladie s’est diffusée. Des postes de soins sont improvisés au lycée da Lapa et à São João da Barra et à l’embouchure du Paraíba. L’inspection de police suggère que les inhumations de cadavres ne se fassent plus dans les églises ni au cimetière de la Miséricorde, en effet ils se trouvent dans le périmètre urbain. Étant donné le contexte, l’économie de la ville périclite (Mello, 1886).
50 La crise s’accroît encore plus, même après la suppression en 1887 de l’impôt sur l’exportation du sucre bénéficiant aux propriétaires ruraux, lorsqu’est promulgué le règlement de 1888 créant une nouvelle frange d’impôt sur les industries et les professions. Les commerçants de Niterói et Campos, les deux plus grandes villes entrent en conflit avec le gouvernement et se refusent à payer cet impôt.
51 Il faut souligner que beaucoup de républicains opposés au régime monarchique se plaignent également, dans le cas où les esclaves sont libérés, de la crise occasionnée pour les plantations et l’ordre public, c’est pour cette raison qu’ils s’opposent à sa fin immédiate.
52 Selon Vasconcellos (2000), autour des années 1870, la ville de Campos possède un champ de course dénommé Jockey Club, un abattoir public, deux banques, deux compagnies d’assurance maritime et terrestre, une station télégraphique, une caisse des dépôts, une poste, cinq hôtels, quatre quais, trois ateliers typographiques, trois journaux, quinze établissements d’instruction (publics et privés), une caserne, quatre usines de fonderie de machines-outils pour les plantations, trois usines de distillation, une scierie à vapeur, une tannerie, un atelier photographique, un orphelinat, trois loges maçonniques, six cimetières réunis au même endroit et qui communiquent entre eux, un temple presbytérien, quinze églises. En 1880 il y a dans la ville 58 avocats, 75 médecins, 4 ingénieurs, 10 officiers militaires, 4 de la marine et 67 religieux. En plus des 10 vicomtes et 16 barons qui constituent l’élite de Campos, il y a aussi 15 journalistes, 13 lettrés. En addition à ces catégories, il y a les professionnels qui exercent dans les services publics comme les infirmières, les courtiers, typographes entre autres (Alvarenga, 1880).
53 En 1834 par exemple, est fondé, par un groupe dirigé par le clerc Mariano Leite da Silva Escobar en tant que président et le baron de Garulhos comme trésorier, la Caixa Econômica qui fonctionne jusqu’en 1897. La banque de Campos est fondée en 1863 et fonctionne jusqu’en 1899. La banque la plus importante est cependant la banque commerciale et hypothécaire de Campos mieux connue comme « Banco Vovô ». Imaginée durant les années tragiques du « Cholera morbus » de 1855, elle est seulement inaugurée en 1873 et a duré plus de 80 ans (Mello, 1886).
54 En synthèse, l’éditeur du journal O Globo est en désaccord à propos du transfert vers Campos. Pour cela il avance les arguments suivants : le climat y est brûlant, la plaine habitée inondable et la plupart du temps humide, la région ne dispose pas de bonnes voies terrestres de communication ; les constructions sont en briques puisqu’il n’y a pas de pierre à proximité ; il n’y a pas d’eau seulement celle du Paraíba et pour cela l’eau existante doit être stockée une année et demi car à Campos il n’existe pas d’évacuation des eaux usées. (O Globo, 26 mars 1876).
55 Ferreira (1989) rapporte que durant le Congrès républicain provincial, réalisé le 13 novembre 1888, est fondé le Parti républicain fluminense. Durant cet événement sont mises en place les bases visant à combattre la monarchie et un plan afin de soutenir les ex-propriétaires d’esclaves dissidents du système monarchique. Sont par la suite crées plus de trente clubs républicains à Rio de Janeiro, ce qui a un impact aux élections des députés. Le Parti libéral, jusqu’alors minoritaire, se renforce principalement après l’appui de quelques représentants du Parti conservateur.
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