Introduction. Considérations historiographiques sur la mobilité des villes-capitales dans les Amériques (xviie-xxe siècle)1
p. 7-38
Texte intégral
1On peut s’en étonner ou le déplorer, mais le fait est là : en histoire, comme parmi les sciences sociales, aucun champ d’étude n’est consacré à l’analyse spécifique des villes-capitales. Un bilan historiographique de la littérature sur les capitales fait apparaître un ensemble de travaux de très grande qualité souvent, relevant de différentes disciplines, mais qui ne composent pas un champ d’étude légitimé avec des questions reconnues par la communauté des chercheurs : « Peu de choses ont été écrites sur les capitales comme type spécifique de ville » reconnaît Amos Rapoport (Rapoport, 1993, p. 31) ; « Les villes capitales sont une classe de ville aisément définissable, mais peu étudiée […]. Il n’y a pas dans la littérature académique, de théorie qui explique de manière concise le rôle des villes capitales à l’âge moderne » (Campbell, 2003)2. Historiens, géographes, architectes et urbanistes ou encore anthropologues, ont pour l’essentiel insisté sur la question de la position (ou situation) des capitales au sein du territoire, sur les enjeux économiques et démographiques, sur les modèles d’urbanisme (et d’architecture) adoptés par les capitales, sur la mise en scène et la représentation du pouvoir dans ces villes, privilégiant bien souvent la réalisation de biographies de villes capitales (Cadoux, 1913 ; Cornish, 1923 ; Sit, 1995 ; Robin, 1996 ; Lepetit, Clark, 1996 ; Hall, 1997 ; Angotti, 2001 ; Sonne, 2003 ; Dennison, Lynch, 2005 ; Daum, Mauch, 2005 ; Gordon, 2006). Ce constat est d’autant plus déroutant que jamais autant qu’au xxe siècle l’on a créé ou élevé des villes au rang de capitales : en effet, si l’on comptait un peu plus de 40 capitales au début du xxe siècle, ce sont aujourd’hui plus de 200 qui composent le nouvel échiquier international – après les diverses décolonisations et l’effondrement de l’URSS (Gordon, 2006, p. 63).
2Ce constat mérite, toutefois, d’être un peu nuancé, si l’on tient compte des propositions récentes de certains urbanistes et géographes nord-américains invitant à une réflexion collective et interdisciplinaire sur la spécificité des villes-capitales (Campbell, 2003 ; Schatz, 2003-1, Schatz, 2003-2 ; Rawat, 2005 ; Hall, 2006). Par une curieuse coïncidence, c’est à l’heure des villes globales et des sociétés en réseaux, où la place et les fonctions des capitales nationales se posent d’une manière nouvelle, où les capitales d’État (nées au xviie siècle dans le mouvement de structuration des États-nations) sont reléguées au rang de reliques de l’histoire, que prennent forme les premières bases de ce qui pourrait constituer un champ d’étude.
3Mon propos s’inscrit donc dans ce moment historiographique et souhaite ainsi attirer l’attention de la communauté des historiens sur ce terrain en jachère, en montrant certaines de ces potentialités encore non suffisamment éprouvées. Et parmi celles-ci, c’est plus particulièrement la problématique de la mobilité des villes-capitales qui retiendra mon attention – n’oublions pas que les trois principaux pays du continent américain sont concernés par de tels transferts : le Brésil, les États-Unis et le Canada. Toutefois, à la différence de Peter Hall, Edward Schatz ou Rajiv Rawat, ce n’est pas l’établissement d’une typologie des mobilités qui m’intéresse. C’est une réflexion sur les relations entre ville et pouvoir que je souhaite développer. En effet, si le rôle de capitale est « parfaitement révocable » selon les propos d’Arnold Toynbee (Toynbee, 1972, p. 84)3, chaque transfert est pourtant vécu comme un « événement majeur qui marque profondément le destin d’un peuple » (Penna, 1958, p. 9)4. À partir de cette apparente contradiction entre un phénomène banal (en apparence) et pourtant extraordinaire, je souhaite mettre en regard deux dimensions complémentaires de ces transferts, et montrer leur emboîtement en quelque sorte :
4Prenons ces chemins détournés comme une invitation à lire d’une autre manière les rapports entre ville et pouvoir. Si la ville est l’espace de prédilection du politique qui peut s’y déployer mieux qu’en aucun autre lieu et s’y mettre en scène (en la fondant, en y paradant, en affirmant sa puissance dans des bâtiments, des places ou de vastes avenues), que dire de ces rapports lorsque le pouvoir se projette dans une ville qui n’existe pas (dont on ne sait même pas si elle est à venir) ? Et que dire encore de ces rapports lorsque, cette fois, le pouvoir quitte la ville ?
En Europe : naissance des capitales modernes (xviie-xviiie siècles)
5Mais posons d’abord les bases du débat et voyons comment se pose historiquement la question de la mobilité des capitales, et quelles sont ses implications – en Europe d’abord, puis dans les Amériques.
6Dans son étude consacrée à L’Europe des capitales, Giulo Carlo Argan (1964) note avec justesse que c’est au xviie siècle, pour accompagner la formation de l’État national et symboliser ses nouvelles références culturelles, que prennent forme des villes capitales d’un genre nouveau5. Les rares villes élues à cette fonction capitale perdent alors leur caractère municipal pour devenir à la fois l’image de l’État et l’appareil de sa puissance. Leur position au sein de la nation est savamment mesurée, tout comme leur forme : instrument de représentation, chaque « agrandissement s’effectue par des plans étudiés rationnellement et approuvés par le souverain et le gouvernement » (Argan, 1964, p. 34). Si quelques villes nouvelles sont spécialement fondées à cet effet (comme Versailles ou Saint-Pétersbourg [Damien, 1996 ; Corboz, 2003]), ces capitales de l’âge baroque voient surtout le jour à la suite d’imposantes réformes urbanistiques et architecturales. De ce point de vue, Rome est la première ville qui prend consciemment structure et figure de capitale, façonnant son image (projetée à l’extérieur) et sa forme (projetée à l’intérieur, notamment grâce à l’invention de la perspective) (Labro, 1987)6.
7Et comme le soulignent Jean Brunhes et Camille Vallaux, ce phénomène a pour conséquence « la stabilité croissante des capitales modernes » (Brunhes, Vallaux, 1921, p. 390)7. Jusqu’alors, en effet, la mobilité des capitales est relativement fréquente dans l’histoire8 : pour la Perse achéménide, Pierre Briant évoque le nomadisme du grand roi, tant il est difficile d’identifier la capitale de l’Empire à une ville (Briant, 1988). Plus près de nous, il n’est qu’à songer à Charles VII, le premier des rois de la dynastie des Valois à résider dans les villes du Val de Loire : Chinon, Loches, Amboise, Tours – Paris étant alors aux mains des Bourguignons (Bové, 2006 ; Gilli, 2006). Ces déplacements du pouvoir d’une ville à l’autre indiquent que les décisions sont prises là où se trouve le roi.
8Il est à noter d’ailleurs que, dans les langues de racine latine, le substantif « capitale » est presque contemporain de ce mouvement de stabilisation des capitales, puisqu’il est attesté pour la première fois en 1509, dérivant de l’expression ville capitale (1416), forgée pour désigner la ville à la tête de l’État (du latin capitalis, dérivé de caput, chef). Littéralement, la capitale est la ville située en haut, celle qui domine, et par extension, celle où sont prises les décisions. Mais on trouve en Europe, notamment en Europe de l’Est, d’autres étymologies qui nous renseignent sur d’autres lectures des attributs de la capitale. Ainsi, en arménien et en géorgien, la capitale est la ville-mère, littéralement, la métropole (du grec meter – la mère – et polis – la ville). Bien sûr ce terme n’est pas à prendre dans son acception contemporaine, mais dans le sens d’une ville qui ensemence les autres. Quant au « terme russe, slolitsa, qu’on retrouve dans certaines langues slaves, il provient de la racine stol – le trône. Or ce trône auquel il est fait référence est celui du couronnement et se situe dans la cathédrale réservée à cet effet. La capitale est donc, en russe, polonais, biélorusse, etc., la ville du couronnement » (Batou, 2004)9. Ainsi, du point de vue de l’étymologie, Moscou n’a-t-elle jamais perdu son titre de capitale, puisque même après la fondation de Saint-Pétersbourg, c’est toujours en sa cathédrale qu’ont été couronnés les tsars : elle « est donc restée pervoprestolnyi gorod, le préfixe pervo – première – étant entendu ici au sens de première chronologiquement, plus ancienne. Tout juste Saint-Pétersbourg est-elle parvenue, tout au long de son règne, à devenir le lieu de sépulture de ses souverains. C’est en cela qu’elle incarne l’Empire russe : les empereurs qui ont régné dans la capitale du Nord y sont tous enterrés, dans la cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul, à l’exception de deux d’entre eux » (Batou, 2004). Ville-tête, ville-mère, ville du couronnement, autant de nuances qui permettent de relativiser de trop rapides savoirs sur les rapports en Etat, territoire et capitale : simplement à partir du cas européen, nous pouvons mesurer combien, pour certains systèmes politiques, un geste fondateur (le couronnement) peut suffire à définir une capitale, alors que pour d’autres il faut que soit attestée la dynamique de l’ensemencement (ville-mère) ou la primauté (ville-tête).
9Dans les pays de l’Europe atlantique, c’est plutôt cette dernière acception qui est retenue. Une notion va dès lors venir couronner cette définition – celle de centralité : la capitale doit manifester et incarner la centralité (Lepetit, Clark, 1996). Cette notion prétend synthétiser les trois composantes essentielles de l’État : le territoire (la capitale doit avoir une position centrale par rapport au territoire et être notamment au cœur de son réseau de communications), le peuple (ici, la centralité est moins à concevoir dans sa dimension démographique que sociologique : la capitale abrite les catégories les plus dynamiques de la société) et le gouvernement (la capitale incarne la souveraineté de l’État en concentrant ses instances de décision). Le recours à la monumentalité, par les réalisations architecturales des bâtiments du pouvoir (la plupart du temps situés au centre de la ville), permet alors de renforcer cette dimension de centralité de la capitale. Contemporaine de la stabilisation des États-nations européens, cette notion de centralité sous-tend une image de stabilité. D’où l’association implicite (car jamais spécifiquement démontrée ou formulée) : centralité = stabilité.
10Au milieu du xviie siècle, Alexandre Le Maître, un protestant français passé au service de l’Électeur de Brandebourg, est l’un des premiers à poser clairement les enjeux modernes d’une capitale d’État, dans un texte désormais fameux : La Métropolité (Le Maître, 1682). Se demandant s’il faut qu’il y ait une capitale dans un pays et en quoi elle devrait consister, il décrit ses différents attributs (politiques, sociologiques, moraux…), avant de s’interroger sur la façon dont il convient d’assurer « un État bien capitalisé, c’est-à-dire bien organisé autour d’une capitale siège de la souveraineté et point central de circulation politique et commerciale » (Foucault, 2004, p. 17). Si une telle lecture des fonctions de la capitale est en adéquation avec les besoins nés de la structuration des États modernes, d’autres philosophes, à l’exemple de Rousseau, n’hésiteront pas à remettre en cause la primauté de ces capitales, soulignant avec amertume que les capitales sont moins différentes entre elles que les peuples qu’elles gouvernent – induisant par là, selon lui, un regrettable processus d’uniformisation : « Or, si les villes sont nuisibles, les capitales le sont encore plus. Une capitale est un gouffre où la nation presque entière va perdre ses mœurs, ses loix, son courage et sa liberté […]. De la capitale s’exhale une peste continuelle qui mine et détruit enfin la nation » (Rousseau, 1763, p. 911-912)10. Néanmoins, Rousseau reconnaît qu’un centre de gouvernement étant nécessaire, « il y aurait trop d’inconvénient à rendre errante l’administration suprême […]. Il faut que cette capitale forme la correspondance de toutes les juridictions sans en attirer les peuples ; que tout y communique et que chaque chose reste à sa place. En un mot, il faut que le siège du gouvernement suprême soit moins une capitale qu’un chef-lieu » (Rousseau, 1763, p. 912).
11C’est donc au milieu du xviiie siècle que se structure le débat sur les capitales dans les États de l’Europe atlantique : si les points de vue de Le Maître et de Rousseau indiquent de réels antagonismes quant à la justification du rôle des capitales dans les États-nations, ils présentent toutefois deux points de convergence : ils reposent sur la même définition opératoire de la capitale (ville-tête), et s’inscrivent dans le même mouvement de stabilisation des sièges des capitales. Essayons désormais de voir comment il peut être posé pour le continent américain – conquis et colonisé par les pays de l’Europe atlantique.
Aux Amériques : des capitales mobiles
12Ce n’est qu’après l’échec des différentes tentatives de colonisation privée (les fameuses colonies à propriétaires [Van Ruymbeke, Roper, 2007]) et la conséquente reprise en main par les métropoles, que la question des capitales coloniales s’est posée de manière impérieuse aux puissances conquérantes : quelle ville choisir comme capitale ? Quelle position et quelle forme privilégier ? Et quelles compétences lui attribuer ?
13Ces questions sont loin d’être anecdotiques : elles constituent même un défi pour les puissances coloniales. En effet, ces capitales des Amériques coloniales présentent une spécificité forte : elles sont certes des lieux de représentation, de concentration des pouvoirs (administratifs, militaires et religieux), mais elles sont placées sous la dépendance de la métropole. De ce point de vue, et en comparaison avec l’Europe, elles paraissent des capitales incomplètes, servant avant tout de relais dans la transmission des décisions métropolitaines. D’où la particularité qui s’impose d’emblée dans certaines régions américaines : la localisation des capitales évolue au fur et à mesure que se précisent les besoins des métropoles et la géopolitique coloniale. Ainsi, au moment où l’on assiste en Europe à une stabilisation des sièges des capitales, du côté américain, au contraire, ces derniers sont caractérisés par une certaine mobilité11. En outre, et toujours à l’inverse de l’Europe, aucun discrédit ne semble alors peser sur une telle mobilité, puisqu’elle viendrait au contraire témoigner de la capacité de réaction à distance de l’État métropolitain, toujours prêt à intégrer la nouveauté12. De ce côté de l’Atlantique la centralité des capitales est dissociée de leur stabilité.
14Prenons l’exemple brésilien, où la mobilité des capitales s’impose, de toute évidence, comme une constante historique (Kesley, 1942). La première capitale, Salvador, est fondée en 1549, sur ordre du roi (Puntoni, 2009). En ce milieu du xvie siècle, sa localisation est centrale par rapport aux possessions portugaises du Brésil, qui se cantonnent alors à une longue bande littorale discontinue s’étendant au sud, en direction du rio da Prata, et au nord, en direction de l’Amazone. Mais au milieu du xviiie siècle (1763), Salvador est déchue de ce titre, justement parce que sa position n’est plus en phase avec les nouveaux enjeux de la géoéconomie coloniale : d’une part, l’exploitation de l’or dans le Minas Gerais, et son transport à Lisbonne via le port de Rio, ont décalé le centre de gravité économique vers le sud ; et d’autre part, le Portugal a créé en 1737 un État du Grão Pará e Maranhão, qui couvre toute la région amazonienne, ce qui désaxe encore plus la position de Salvador13. La position de Rio de Janeiro sera plus en accord avec les nouvelles dimensions territoriales du Brésil, et permettra un meilleur contrôle des convois de l’or14. Mais ce choix de Rio sera rapidement discuté : au début du xixe siècle, le prince régent, le gouvernement et la cour du Portugal fuyant les menaces napoléoniennes, viennent s’installer au Brésil (1808) : la question de la localisation de la capitale est à nouveau posée. Après un bref passage par Salvador (où, durant 15 jours, les habitants sont fermement persuadés que le prince régent va s’installer à Salvador, l’unique ville brésilienne construite spécifiquement pour être capitale), dom João VI arrive à Rio de Janeiro, le 8 mars 1808. Rio devient alors, de fait, la nouvelle métropole de l’Empire portugais. Si certains conseillers du prince suggèrent le choix d’une capitale plus au sud et à l’intérieur (pour des raisons climatiques et stratégiques), ou même la construction d’une Nova Lisboa, c’est finalement un autre choix qui s’impose : la transformation de Rio en capitale européenne sous les tropiques (Vidal, 2002 ; Karasch, 1984 ; Schultz, 2001 ; Carvalho, 2008). Toutefois, le débat sur la localisation moderne de la capitale est lancé : les réserves aurifères sont épuisées, les régions de l’or semblent soudain « inutiles », d’autres défis (en d’autres régions) attendent le Brésil…
15Le Canada offre un autre bel exemple, puisqu’après l’adoption de l’Acte d’Union, en 1840, réunissant les provinces du Haut-Canada et du Bas-Canada en une seule colonie, s’ouvre une longue période de mobilité du siège de la capitale. Dans un premier temps, c’est la ville de Kingston qui hérite de cette charge (1841) : située à mi-chemin entre Montréal et Toronto, elle paraît représenter un bon compromis entre les deux anciennes provinces (Pierce, Pritchett, 1929). Toutefois, sa position, sur le lac Ontario face à une base navale américaine, inquiète les parlementaires – qui trouvent par ailleurs peu de grâce à la région. Ils proposent alors de désigner un nouveau siège pour la capitale : en 1843, Montréal, la plus grande ville de la colonie, est alors choisie (Deschênes, 1990). Le bâtiment du marché Saint-Anne est réaménagé pour accueillir le parlement, qui siègera la première fois en novembre 1844. Mais son séjour ne sera que de courte durée : le 25 avril 1849, une foule de 1500 à 2000 personnes, appelée à se rassembler pour protester contre une loi d’indemnisation15, met le feu au bâtiment du parlement, qui sera entièrement incendié. Les parlementaires tenteront de siéger encore à Montréal, mais quelques semaines plus tard, devant les tensions grandissantes entre les deux anciennes provinces, l’Assemblée législative du Canada-Uni décida que la capitale se déplacera alternativement du Canada-Est au Canada-Ouest, tous les quatre ans : c’est ainsi que Toronto et Québec seront les deux nouvelles capitales du Canada Uni. Mais chaque changement de ville suscite de grandes dépenses et de nombreuses perturbations : c’est qu’il faut déménager les hauts fonctionnaires et les archives. Des documents se perdent, et les fonctionnaires rechignent à cette vie nomade. Après deux transferts, ce système de parlement tournant provoque de nombreux mécontentements. Le député William Lyon Mackenzie ironise même sur cette situation : « Il existe pour loger l’assemblée législative un projet d’aménagement d’un vapeur qui serait doté d’un bel emplacement pour le fauteuil du président et qui remonterait ou descendrait le courant selon le bon vouloir des députés16. »
16Comme les rivaux ne pouvaient s’entendre sur une capitale permanente, on s’en remit à la jeune reine Victoria, lui laissant le soin de trancher : ce qu’elle fera le 31 décembre 1857, désignant Ottawa, pour capitale de la Province du Canada (Groulx, 1952 ; Eggleston, 1961 ; Knight, 1991 ; Keshen, St Onge, 2001). Par sa situation géographique médiane, avec une population mixte d’anglophones et de francophones, suffisamment distante de la frontière avec les États-Unis, elle est facile d’accès par voie navigable (après l’inauguration du canal Rideau en 1832) et comprend déjà des terres publiques, pour la construction des édifices gouvernementaux, et une activité industrielle (celle des pins blancs de la vallée de l’Outaouais).
Carte 1. – De Kingston (1841) à Ottawa (1866) : le transfert de la capitale du Canada après l’Acte d’Union (1840).
17Que ce soit au Brésil ou au Canada17, nous pouvons mesurer combien la question de la centralité a été primordiale dans le choix de la localisation de la capitale. Au Brésil, puisque le projet colonial évolue, l’espace « utile » est donc redéfini : dès lors la « centralité » connaît elle aussi des réajustements : d’où le passage de Salvador ou de Rio de Janeiro18. Au Canada, suite à l’incendie de 1849, et pour ne léser personne, la capitale opère une transhumance permanente. Mais ici, à l’inverse de l’Europe, c’est une centralité-mobilité qui est privilégiée : aucun discrédit ne pèse – a priori – sur la mobilité des sièges de capitales.
Nouvelles mobilités à l’heure des indépendances : le choix des capitales nationales
18Mais c’est surtout à l’heure des indépendances, que la question du choix d’une capitale se pose pour les nouveaux États-nations du continent américain. Qu’il s’agisse de Républiques ou d’une monarchie impériale (cas du Brésil), tous ces pays indépendants héritent de capitales coloniales, c’est-à-dire de capitales « incomplètes », dont le centre de gravité principal ne se trouve pas tant dans le territoire qu’elles coordonnent, que de l’autre côté de l’Atlantique, dans les métropoles européennes. Or voici que les élites de ces nouveaux régimes indépendants doivent choisir (bien souvent dans l’urgence) une capitale capable à la fois de marquer symboliquement la rupture avec l’ordre colonial et l’ouverture d’un nouveau temps politique. Certains pays prendront le parti de maintenir la capitale coloniale mais de créer un nouvel ordonnancement de l’espace urbain, avec la construction de monuments à la gloire du régime19, d’autres envisageront un transfert du siège de la capitale. Quoi qu’il en soit, les indépendances induisent de nouvelles mobilités, mettant en marche la machine à rêves pour la construction de nouvelles capitales, mais aussi installant un sentiment de frustration parmi les villes destituées.
19Au sujet de ces mobilités contemporaines, Friedrich Ratzel a donné une explication que l’on peut aujourd’hui légitimement questionner : « Et chaque fois que l’évolution historique a favorisé la situation marginale comme à Washington, Rio de Janeiro, Buenos Aires ou Saint-Pétersbourg, la tendance à retrouver une situation médiane pour la capitale de l’État découle précisément du désir d’une plus grande pureté du développement étatique tant à l’intérieur qu’à la périphérie. Voilà pourquoi le siège des gouvernements a été enlevé à Rio de Janeiro ou Buenos Aires ; d’où la position de Moscou en tant que deuxième capitale de l’Empire russe et l’aspiration de Chicago à devenir le centre futur des États-Unis » (Ratzel, 1987, p. 138). Certes, dans les pays continents, de fronts-pionniers, les défis de l’occupation de l’espace posent régulièrement et en termes nouveaux la question de la localisation de la capitale, mais les raisons semblent bien plus complexes que ne le laisse croire le grand géographe. N’oublions pas, par exemple, le poids des facteurs psychologiques dans de tels projets – s’ils suscitent des rêves, ils n’en créent pas moins des frustrations. Et ce n’est pas toujours la raison qui sert à résoudre ces conflits de localisation du siège de la capitale : dans ces jeunes États-nations, la victoire temporaire d’un groupe d’influence fait basculer l’équilibre vers une région et une ville, avant d’être remis en cause…
20Prenons le cas des États-Unis : du lendemain de l’Indépendance (1776) à la construction de Washington (1800), les États-Unis ont connu pas moins de 9 capitales : Philadelphie, Baltimore, Lancaster, York, Princeton, Annapolis, Trenton, New York et Washington20. Ces capitales sont les différentes villes qui ont accueilli les activités du Congrès (Federal Hall), mais deux d’entre elles vont plus particulièrement rivaliser pour s’emparer de ce titre : Philadelphie (historiquement, la première) et New York, qui déjà revendique le titre de grand emporium du Nouveau Monde.
Carte 2. – De Philadelphie à Washington : les déplacements de la capitale fédérale des États-Unis (1776-1800). Basée sur la carte des États-Unis d’Amérique en 1800.
21Ainsi en 1790, après cinq années passées à New York, le siège de la capitale est à nouveau transféré à Philadelphie – le temps de construire la nouvelle capitale (cette décision est le fruit d’un compromis). Dans un poème publié dans le New York Morning Post (le 4 août 1790), le poète Philip Freneau regrettera une telle décision :
« The Congress has spent many a day
in hopes for to find out the way
At last its found and pointed out
when they go there they’ll love their fat
The road to Philadelphia has cost cash
[…]
Compos’d on bord the Federal ship
As they go round, I hope they’ll dip
She’s now moor’d in the Bowling Green
Better she had nev’r been seen » (New Song).
22En cette même année 1790, plusieurs caricatures anonymes présentent ce départ. Sur l’une, on voit le sénateur Robert Morris, de Philadelphie, conseillé par le diable en personne, transportant sur ses épaules le Federal Hall jusqu’à Philadelphie. Sur l’autre, on voit deux embarcations sur le Potowmack, se dirigeant vers Gonococheque (site de la future Washington), mais confrontées à d’importants rapides au bas desquels se trouve Philadelphie. Là encore le diable guide le sénateur : « this way Bobby ! », s’exclame-t-il. Pourtant, un bras plus direct et plus paisible du fleuve mène à Gonococheque. Mais rien n’y fait, c’est à Philadelphie que le Federal Hall sera provisoirement installé, dans l’attente de la construction de Washington. Derrière ces caricatures publiées à New York, transparaissent quelques-uns des sentiments mêlés qui, à l’heure de ce départ, se font jour : amertume, incompréhension, colère froide, cynisme21…
Illustration 1. – © Vail, RWG, « A Rare Robert Morris Caricature », Pennsylvania Magazine of History and Biography, LX (avril 1936), p. 181-186 (Historical Society of Pennsylvania).
23N’oublions pas qu’en parallèle à ce mouvement, les treize anciennes colonies, désormais États, ont dû également définir leurs capitales. Onze États vont changer le siège de leur capitale pour une localisation plus centrale : Delaware (de Newcastle à Dover – 1877) ; Virginie (de Williamsburg à Richmond – 1779) ; Georgia (de Savannah à Louisville en 1786 ; et de Louisville à Milledgeville en 1804) ; Caroline du Sud (de Charles Town à Columbia – 1786) ; Caroline du Nord (de New Bern à Raleigh – 1788) ; New Jersey (de Burlington à Trento – 1790) ; New York (de New York City à Albany – 1797) ; Pennsylvanie (de Philadelphie à Lancaster en 1799, et de Lancaster à Harrisburg en 1810) ; New Hampshire (de Portsmouth à Concord – 1808) ; Rhode Island (de Newport à un système rotatif : Newport, Providence, East Greenwich, South Kingston, Bristol) ; Connecticut (de New Haven à un système rotatif : New Haven et Hartford).
Illustration 2. – « Con-g-ss Embark’d on board the Ship Constitution of America bound to Conogocheque by way of Philadelphia », published in Bernard F. Reilly Jr., American Political Prints, 1766-1876: A Catalog of the Collections in the Library of Congress, Boston, G. K. Hall, 1991 (© Library of Congress Prints and Photographs Division Washington, D.C.)
24Ce processus de centralisation territoriale des capitales s’inscrit dans une philosophie politique originale : selon Thomas Jefferson et James Madison, la centralité est l’expression de l’égalité en termes géographiques : « Americans envisioned the republic as a circle in which the legislature’s meeting place occupied the center […]. Extending the circle metaphor and drawing on his experience of county-based politics in Virginia, Jefferson saw the center as the source of strenth and life for the republic. In the margins of the bill to move Virginia’s capital, Jefferson jotted: Central… Heart – Sun – Church – Couthouse » (Zagarri, 1988, p. 1240).
25Après 1812 (avec le début de la nouvelle guerre anglo-américaine), d’autres États vont entrer dans la fédération américaine. Et tous vont également définir le siège de leur capitale respective, ce qui va créer de fréquents conflits d’intérêts22. Prenons le cas des États de la frontière sud : entre 1812 et la guerre civile, 6 États ont intégré l’Union (Louisiane, Mississipi, Alabama, Arkansas, Floride et Texas), et tous, selon Stephanie Moussalli, ont intégré un dispositif similaire sur la centralité de leur capitale : « Choosing the seat of government was serious business on the generally cash-poor antebellum southern frontier. The state capital with its patronage, land development, and business opportunities, constituted a particularly fat variety of pork and drew the attention of elected politicians like a magnet » (Moussalli, 1997, p. 61-62).
26Le Texas offre un cas fort intéressant, puisque dans les dix ans qui ont suivi son indépendance (1836-1845), pas moins de sept capitales ont été désignées (Moussalli, 1997 ; Fowler, Maguire, 1988) : Washington on the Brazos, Harrisburg, Galveston, Velasco, Columbia, Houston, et finalement, Austin. En 1836, la lutte contre l’armée mexicaine a provoqué cinq transferts de capitales, les deux autres (Houston, 1837, et Austin, 1839) résultant de luttes entre factions politiques. Cette lutte entre les deux capitales a atteint son apogée dans la fameuse « Texas Archive War » de 1842. Tout a commencé en 1837 : alors que le Congrès de la nouvelle République cherchait une localisation plus centrale de la capitale, Sam Houston, le premier président élu de la République du Texas (1836-1838), décida de privilégier une localisation de la capitale le long du golfe du Mexique – il choisit une ville nouvelle, fondée en 1836 par deux entrepreneurs de New York, qui a reçu, en hommage au nouveau président, le nom de Houston. Mais le successeur de Houston, Mirabeau Lamar (1838-1841), reprendra le projet d’une localisation plus centrale de la capitale : une petite localité (Waterloo), située à proximité du fleuve Colorado, et sera réformée et renommée pour servir de capitale : Austin. Durant plusieurs années, la nouvelle capitale ne se différenciera guère d’un campement de frontière, mais le président donnera une impulsion décisive pour imposer son statut de capitale, en décidant de transférer les archives de la République à Austin : un train, composé de 40 wagons, quitta Houston pour Austin, devenant ainsi un symbole visible du pouvoir.
27En 1841, Sam Houston est réélu. Il considère qu’Austin est le lieu le plus laid de la terre pour servir de siège de capitale. Refusant de s’installer dans la résidence officielle, il choisit une pension dirigée par Angelina Eberly. L’année suivante, durant une nouvelle invasion des forces mexicaines, le président profite de la confusion pour organiser une session spéciale du Congrès à Houston, justifiant cette décision par le fait qu’Austin est sans défense pour lutter contre les Mexicains. Il ordonne également le transfert des archives à Houston. Mais les habitants d’Austin vont se mobiliser pour empêcher le transfert, formant un comité de vigilance. En décembre 1842, Sam Houston annonce qu’Austin n’est plus la capitale du Texas et ordonne au colonel Thomas Smith et au capitaine Eli Chandler de coordonner le transfert secret des archives. Aidés de 20 hommes, le colonel transporta les archives dans un train spécial. Trois wagons étaient chargés lorsque Angelina Eberly surprit cette tentative de déplacement et tira un coup de canon pour prévenir la population d’Austin. Smith et Chandler tentèrent de fuir avec le train, mais furent interceptés au nord de la ville, et les archives réinstallées à Austin. Le président Houston n’aura d’autre choix que d’accepter la réaction de la population : le gouvernement ne quittera plus Austin jusqu’en 1845, lorsque le Texas abdiqua son indépendance pour entrer dans la Fédération des États-Unis comme nouvel État. Toutefois, la question de la localisation de la capitale ne fut résolue qu’en 1850, lorsque la population vota pour le maintien d’Austin comme siège de la capitale du Texas.
28En Amérique espagnole, sauf exception (Guadalajara, Cuzco, Panama), toutes les capitales d’audience sont devenues capitales nationales au lendemain des Indépendances. Le seul endroit où les choix ont été complexes c’est en Amérique centrale, où Guatemala a eu du mal à s’imposer, et où des « villes secondes » (notamment au Nicaragua) se sont disputées la direction de ce que Bolivar appelait par dérision des « Republiquetas » (Torres-Rivas 1993 ; Fernandez, Lungo Uclés, 1987). En revanche, le choix du système fédéraliste, par certaines nouvelles Républiques, peut provoquer de vives tensions, comme en Argentine, où la capitale coloniale, Buenos Aires, a bien été confirmée dans son titre de capitale nationale par la constitution de 1853, mais où les habitants de la province ont rechigné à cette perte d’autonomie (et surtout au manque à gagner financier, dû à la perte des taxes portuaires et douanières). C’est pour cela qu’en 1882, le nouveau gouverneur de la province de Buenos Aires propose la création d’une capitale provinciale : La Plata (De Paula, A.S.J, 1987 ; Garnier, 1989-1 ; Garnier, 1989-2).
29Si l’on revient au Brésil, l’indépendance a deux conséquences : elle repose la question de la localisation de la capitale nationale, d’une part, et pose également celle des capitales provinciales. Plusieurs de ces dernières ont en effet été transférées :
pour la province du Piauí, d’Oeiras à Teresina en 1852 (Chaves, 1987 ; Melo, 1995 ; Gandara, 2008) ;
pour la province du Sergipe, de São Cristovão à Aracajú en 1855 (Telles, 1915 ; Calasans, 1942 ; Santiago, 1957 ; Assis, 1962 ; Governo, 2005 ; Santana, 2007) ;
pour l’État du Minas Gerais, d’Ouro Preto à Belo Horizonte en 1897 (Angotti, 1997-1 ; Angotti, 1997-2 ; Guimarães, 1996 ; Mello, 1996 ; Julião, 1994 ; Brandão ; Ávila, 2008) ;
pour l’État de Goiás, de Vila Boa à Goiânia en 1937 (Chaul, 1998 ; Daher, 2003 ; Gonçalves, 2002 ; Manso, 2001 ; Mello, 2009 ; Ribeiro, 2004), sans oublier la fondation récente de Palmas (1990), après la création de l’État du Tocantins, démembré de l’État de Goiás.
30Durant ce siècle et demi, de nombreux projets de réorganisation territoriale ont été mis au point et discuté, que ce soit à l’intérieur des assemblées représentatives, des commissions scientifiques, ou encore à l’initiative d’individus isolés. Certes, ils n’ont pas abouti, mais certains méritent d’être cités, à l’exemple du projet porté par le député Candido Mendes de Almeida à l’assemblée législative, le 1er juillet 1853. Suite à l’ouverture de l’Amazone à la navigation internationale, Candido Mendes suggère de créer une nouvelle province, au nord de l’Amazone, pour contrôler la navigation. Elle aurait pour capitale Macapá, et se nommerait Oyapockia, nom qu’il changera pour Pinsonia en 1868, en hommage au découvreur espagnol, et surtout de peur de froisser la France – le fleuve Oyapock, qui sert de frontière avec la Guyane française, fait l’objet d’un contesté entre les deux pays (Mendes, 1868, mappa n° XXIV, « Província da Pinsonia »). Citons également le projet du colonel Augusto Fausto de Souza, qui propose, en 1877, une division du Brésil en 40 provinces, soit 20 provinces supplémentaires. Il a maintenu les capitales existantes, y compris leur nom, même si « certains de ces noms soient très impropres. […] Les Portugais ont été plutôt malheureux dans un certain nombre de dénominations ». Pour les capitales des nouvelles provinces, tout en reconnaissant que leur choix relève de la compétence des assemblées provinciales, il se permet simplement d’indiquer « celles qui paraissent préférables pour leur position ou importance » (p. 54). Candido Mendes et Souza ont mesuré toute l’importance symbolique du choix des toponymes, et les implications psychologiques qu’ils peuvent avoir. D’autres projets suivront, dont il n’est pas nécessaire de retracer ici l’histoire23. En revanche, il importe de remarquer que toutes ces propositions envisagent en parallèle la question de la localisation de la capitale nationale.
Carte 3. – Capitales déplacées, capitales rêvées au Brésil (xviie-xxe siècle).
31Car c’est en effet au sujet du transfert de la capitale nationale que les débats seront les plus nombreux. Dès 1821, José Bonifacio (passé dans l’histoire nationale brésilienne comme le Patriarche de l’Indépendance) suggère que « soit construite une ville centrale dans l’intérieur du Brésil pour le siège de la Cour ou de la Régence, qui pourra être à la latitude, plus ou moins, de 15 degrés, en un lieu sain, amène, fertile et arrosé par un fleuve navigable. De cette façon, la Cour ou le siège de la Régence sera libre d’un quelconque assaut ou surprise externe et drainera vers les provinces centrales l’excès de population inoccupée des villes maritimes et mercantiles. De cette Cour centrale, il conviendra d’ouvrir des routes pour les divers ports de mer et provinces, afin que communiquent et circulent avec promptitude les ordres du gouvernement et qu’elles favorisent le commerce interne du vaste Empire du Brésil24 ». Durant plus d’un siècle et demi, jusqu’à la décision du président Juscelino Kubitshek en 1956, ce débat s’installe dans la vie politique brésilienne (Vidal, 2002, Holston, 1993 ; Vesentini, 1986 ; Braga, 2010, Evenson, 1973 ; Espejo, 1984). D’innombrables projets voient le jour, et tous (à de rares exceptions près) dans des moments de crise. Ainsi que le reconnaît Otávio Ianni, « à chaque période marquante de son histoire, la société brésilienne a été amenée à se penser nouvellement », à penser le tissu qui articule la société civile et l’État, à comprendre les conditions de modernisation de la société nationale, à réfléchir sur les moyens permettant de coordonner structures sociales, politiques et type d’organisation économique, c’est-à-dire sonder les potentialités du « Brésil Moderne ». Il est alors remarquable que lors de chacune de ces périodes de crise soit formulé un ou des projets de transfert de la capitale. Et ces projets peuvent aussi être le fruit d’initiatives privées : ainsi, en 1891, au moment où l’Assemblée constituante décide de faire du transfert de la capitale un précepte constitutionnel, l’Agência Construtora do Banco Impulsor demande au Congrès le privilège de construire la nouvelle capitale ; et en 1908, l’ingénieur français Leyret, associé à Jacinto Pimentel et Teixeira Lopes Guimarães, demande au Congrès le privilège de la construction de la nouvelle capitale, moyennant l’exploitation pendant 90 ans de l’électricité, des égouts et de l’eau : « En conséquence de quoi, les mandants offrent au gouvernement le plan de la ville, tous les palais nécessaires pour l’installation des services fédéraux et municipaux » (Vidal, 1995, p. 672)25. Toutefois, « s’il n’existe pas de liens de cause à effet dans la succession des différents projets, du moins des constantes apparaissent : chacun a été défini dans un contexte de crise du lien national, et surtout a projeté la construction d’une ville nouvelle » (Vidal, 2002, p. 9-10). Or, par sa capacité de conciliation, le projet de Brasília sert, tout au long de l’histoire du Brésil indépendant, d’exutoire aux différentes crises et conflits que traverse le pays. Ce qui fait précisément sa force, c’est son statut de projet, c’est-à-dire sa capacité à jeter en avant pour dépasser et transcender le présent.
Illustration 3. – Juscelino Kubitschek, tenant en laisse l’ancien et le nouveau palais présidentiel : à droite, le palais du Catete (Rio) et à gauche, le palais du Planalto (Brasília). © Visão, 29 avril 1960.
Illustration 4. – Carte souvenir de l’inauguration de Brasília. Au centre, une colonne du palais de l’Alvorada (Brasília) est coupée par les trois flèches symboles de São Sebastião (patron de Rio). © Collection particulière.
32Voici donc une nouvelle dimension qui aide à la compréhension complexe de la mobilité des villes capitales dans les Amériques : chaque déplacement met en jeu un projet de ville (c’est-à-dire un dépôt d’idées philosophiques et culturelles, d’ambitions politiques et de modèles techniques [Tafuri, 1979 ; Boutinet, 1990, Guidoni, 1984 ; Vidal, 2002]). La ville à créer doit à la fois, dans ses formes et ses fonctions, être porteuse d’une image de l’État, être une source de fierté nationale, et incarner les aspirations de la société. Lors de construction de Brasília, de grands débats ont ainsi opposé les architectes pour savoir s’il fallait ou non avoir recours à la monumentalité ou bien inventer une autre manière de représenter l’État. Lúcio Costa citait ainsi la fameuse remarque de Franck Lloyd Wright : « la démocratie n’a pas encore construit ».
33Ici, nous touchons du doigt l’importance de l’impact émotionnel de chaque transfert de capitale (Hardoy, 1964). Mais cette émotion a deux aspects : si le transfert permet en quelque sorte un électrochoc psychologique pour projeter la société vers un nouveau temps (la ville nouvelle en étant l’image), n’oublions pas l’émotion qui s’empare des habitants de la capitale abandonnée à l’heure du départ du gouvernement.
Du bon usage des capitales abandonnées dans les Amériques
34Car chaque projet de transfert crée, en parallèle, un sentiment de frustration parmi les élites et la population des villes déchues du titre de capitale, à l’exemple, au Brésil, de Salvador, la « reine détrônée » (Leite, 2005), ou au Portugal, de Lisbonne, capitale abandonnée, « presque veuve » (Alvarez, 1994), durant le séjour de la cour portugaise au Brésil (1808-1821).
35J’ai étudié la journée du 20 avril 1960 à Rio de Janeiro, dernier jour de cette ville-capitale, et les émotions qui se sont emparées des cariocas à l’heure du départ : mélancolie, nostalgie, mais aussi colère, incompréhension, sentiment d’impuissance… tel est le mélange instable qui compose ce moment, ainsi que le montrent les deux caricatures ci-dessous (Vidal, 2009).
36Les exemples qui suivent indiquent clairement combien il importe de prendre en compte les sentiments d’abandon dans l’analyse des villes capitales américaines. C’est justement en prenant appui sur de telles émotions que les historiens pourraient éclairer, sous une lumière nouvelle, la spécificité de la mobilité des capitales dans les Amériques. D’autant que ces émotions ne s’effacent pas facilement. Il n’est pas rare en effet qu’elles reviennent sur le devant de la scène bien des années après, savamment réactivées par certains groupes qui n’hésitent pas à jouer de ces « frustrations » ou « traumatismes » afin d’obtenir, à un moment donné, un avantage particulier. Qu’il s’agisse de mises en scènes patrimoniales ou de simples discours, c’est souvent à l’occasion d’une crise ou d’une commémoration, qu’ils fleurissent. Et l’enjeu n’est pas un simple retour sur le passé : il est bien aussi d’inventer un avenir, de projeter un futur. Et à nouveau, nous retrouvons, associée à la notion de ville-capitale, celle de projet26.
37Revenons sur le cas de Rio. Au début des années 1990, alors qu’un vote parlementaire a permis de déposer légalement un président de la République tout aussi légalement élu, a pris forme un projet de « décapitalisation » de Brasília : l’universitaire João Ricardo Moderno, « président du mouvement “Rio capitale”, considère que le transfert de la capitale a provoqué la perte des références culturelles du Brésil, de l’identité nationale. La capitale politique d’un pays doit coïncider avec la capitale culturelle : ce dédoublement, au Brésil, serait la raison majeure de la “schizophrénie” du pays » (Vidal, 2002, p. 305-306). Plus près de nous, en 2008, à l’occasion du bicentenaire de la venue de la cour du Portugal au Brésil, la « praça XV », où ont débarqué le prince régent et la famille royale, a été couverte d’immenses affiches. La mairie annonçait la réforme prochaine du site, avec la mise en valeur des bâtiments ayant joué un rôle dans ce moment historique, et en donnait la justification : « Rio. L’unique capitale impériale des Amériques » !
Illustration 5. – VILLE MERVEILLEUSE – Va, va vers ta Brasília, ingrat, Mais rira bien qui rira le dernier. © Diário da Noite, 19 avril 1960.
Illustration 6. – Vieux amours. © Estado de São Paulo, 23 avril 1960.
38Au Canada, évoquons le cas de Montréal. En 1990, dans un ouvrage consacré à Montréal, capitale éphémère, l’historien amateur Gaston Deschênes assure à ses lecteurs qu’« il n’y avait pas de raison pour que Montréal perde son statut de capitale sous l’Union et, avec la Confédération, cette ville composée à peu près également de francophones et d’anglophones serait probablement devenue capitale du Canada » (Deschênes, 1990, p. 14). Près de 20 ans plus tard, en 2009, la Société Saint-Jean Baptiste, fondée en 1834 « pour œuvrer à la protection et à la promotion de la langue française, de notre histoire nationale et de l’indépendance du Québec27 », a appelé à un grand rassemblement :
« Il y aura 160 ans, le 25 avril, Montréal était secouée par des événements d’une rare violence, alors que le Parlement du Canada-Uni était saccagé puis incendié par des émeutiers incités à commettre ces actes de sédition par la Montreal Gazette. La Société Saint-Jean-Baptiste (SSJB) de Montréal invite la direction dudit journal à saisir l’occasion de cet anniversaire pour exprimer des regrets à l’égard du rôle joué par ce quotidien dans cette explosion d’intolérance […] Mettant les députés en fuite, les émeutiers saccagent et mettent le feu au bâtiment, qui sera entièrement décimé par les flammes. Quelque 25 000 volumes, remontant jusqu’au début de la colonie française, sont détruits. Le Parlement ne siégera plus jamais à Montréal. Quelques jours plus tard, une foule enragée incendie également la maison du Premier ministre Lafontaine qui, arraché des mains des émeutiers, sera sauvé de justesse28. »
39Une telle demande intervient dans un contexte de nationalisme et d’indépendantisme qui connaît certes un repli, mais qui crée justement aussi, chez les plus fervents, des frustrations. Voilà pourquoi une telle date anniversaire pouvait offrir une belle tribune pour redonner du poids à un discours nationaliste.
Illustration 7. – Rio. Unique capitale impériale des Amériques. © Laurent Vidal, 2008.
Illustration 8. – Commémorons le 160e anniversaire de l’incendie du parlement de Montréal. © [www.ssjb.com], 2009.
40Aux États-Unis, évoquons le cas de Philadelphie : « La ville où la démocratie américaine a d’abord commencé revendique de nombreuses premières en Amérique : premier hôpital, première capitale, premier musée d’art, donnant naissance à la devise de la ville : “première en liberté”29. » À l’heure du marketing municipal, un tel titre de gloire est toujours bon à revendiquer, tant il peut attirer investisseurs ou touristes. Ce n’est donc pas un hasard si l’on trouve une telle phrase sous la plume d’un journaliste du mensuel pour professionnels et businessmen, The Network Journal.
41Mais un tel phénomène est également valable pour les capitales régionales « déchues ». Citons par exemple le cas de Québec (Blais, Gallichan, Lemieux, Saint-Pierre, 2008). En 1995, l’Assemblée du gouvernement du Québec, pare du titre de « capitale nationale » la région administrative de Québec, entretenant de ce fait une réelle confusion avec la situation de la capitale canadienne, Ottawa. Le préambule de la loi est fort explicite sur le recours à une telle dénomination30 :
« CONSIDÉRANT que Québec est la capitale nationale du Québec ;
CONSIDÉRANT que ce statut de capitale nationale a des impacts importants qui débordent le territoire de la Ville de Québec ;
CONSIDÉRANT que la capitale nationale rappelle par ses institutions, ses sites et ses monuments l’histoire politique du Québec ;
CONSIDÉRANT que la capitale nationale doit être aménagée, développée et mise en valeur en conformité avec sa fonction de siège des institutions de l’État et dans le respect de sa vocation historique et patrimoniale ;
CONSIDÉRANT qu’il importe de constituer un organisme ayant pour mission de promouvoir et de soutenir le rôle de capitale nationale et de prendre toute mesure prévue par la loi pour faire reconnaître les fonctions attachées à ce statut. »
Illustration 9. – Estátua de Angelina Eberly, realizada por Patrick Oliphanie, instalada em Austin no lugar da Guerra dos Arquivos, e inaugurada o 26 de setembro de 2004. © [http://www.flickr.com/photos/74568056@N00/363937768/in/photostream/].
42Quant à Austin, la capitale presque abandonnée du Texas, une statue d’Angelina Eberly a été érigée en 2004, sur l’avenue du Congrès. Cette statue a été donnée à la ville par la Capital Area Statues, Inc. (CAST), une organisation à but non lucratif dédiée à la célébration de l’histoire et de la culture du Texas. L’objectif était de rappeler la fameuse guerre des archives qui a permis le maintien de la capitale à Austin, malgré la volonté contraire du Président de la République. La plaque commémorative indique clairement l’intention : « This statue honors a bold woman whose vigilance and short temper preserved Austin as the Capital of Texas. »
43C’est parce que la mobilité est une caractéristique forte des capitales dans les Amériques, que ces dernières sont, à la fois, rêvées et abandonnées. Il importe de se saisir de ce sujet négligé de l’histoire américaine, de restituer ces rêves de capitales, parties prenantes de l’histoire des Amériques, mais sans jamais tourner le dos aux capitales abandonnées. Il faut, dans un même mouvement, s’emparer de la capitale transférée et de la capitale abandonnée. Que se passe-t-il lorsque le projet prend forme, perdant du même coup sa capacité à transcender le présent ? Que reste-t-il, quand il est devenu le présent, se heurtant au principe de réalité ? Que reste-t-il si ce n’est la frustration de ceux qui se sentent laissés pour compte, abandonnés. De ce point de vue, il s’agit de lire autrement les rapports entre ville et pouvoir, de sorte à les observer « non plus dans la positivité de leur liaison, comme lors des fondations ou des entrées de ville, mais dans le moment critique de leur mise à distance – quand le politique quitte la ville » (Vidal, 2009, p. 19)31. Il s’agit aussi de lire autrement la multiplication des mises en scène patrimoniales visant à glorifier le lustre perdu de ces capitales déchues – mais n’y voyons pas qu’une simple nostalgie : ces discours patrimoniaux sont aussi une manière de se projeter dans l’avenir, de réinventer un dynamisme.
⁂
44Ce dossier présente un certain nombre de cas d’études entre capitales rêvées et capitales abandonnées. Le Brésil, où la mobilité des capitales (tant au niveau national que régional) semble être la règle, sera un atelier privilégié d’observation. Du côté des rêves, celui de transformer Rio en capitale européenne, et ce dès le début du xviiie siècle (projet dom Luis da Cunha). Parmi les capitales provinciales, nous aborderons le cas de Teresina, nouvelle capitale du Piauí, mais aussi de Campos, qui a rêvé tout au long du xixe siècle, de devenir une capitale provinciale – un rêve avorté. Du côté des capitales abandonnées, quatre reines détrônées seront étudiées : São Vicente, Salvador, Ouro Preto et Cidade de Goiás. Un élargissement du cas emblématique du Brésil vers le continent américain est ensuite proposé, avec les cas de Québec, Saint-Louis du Maragnan, New York, Ottawa, mais aussi les capitales de l’Ouest américain et Belmopan (au Belize).
45Ainsi placées sous la lumière particulière de leur mobilité, puis saisies dans ce double mouvement de villes rêvées et abandonnées, ces capitales ne permettent-elles pas de raconter une autre histoire américaine ? Une histoire soucieuse de restituer les émotions qui accompagnent ces déplacements – entre rêves ou utopies, d’un côté, et sentiments d’abandon de l’autre. Autant de défis pour de futures enquêtes.
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Notes de bas de page
1 Ce dossier a été publié en 2011, en portugais, dans la revue História (São Paulo) (vol. 30, n° 1, Franca, janvier-juin 2011, p. 3-263). Trois articles ont été ajoutés pour cette version française – ceux de Yann Lignereux, d’Hélène Harter et d’Elizabeth Cunin. Au moment de la rédaction de mon article d’introduction (fin 2010), je ne pouvais avoir connaissance des actes du colloque organisé par Jean-Marie Le Gall sur Les capitales de la Renaissance (2011). Ce colloque, « né d’une lacune historiographique » (p. 8), partait du constat « que les travaux sur les capitales retiennent les cités qui le sont encore aujourd’hui. Comme si l’analyse du phénomène « capitale » ne valait que par sa pérennité et son actualité. On en vient à rêver de traiter du sort des capitales déchues. Cette tendance à ne faire l’histoire des capitales qu’en fonction de celles qui demeurent de très grandes villes induit une causalité mécanique qui estompe la question des capitales perdues et déclassées, mais aussi les fragilités, les difficultés et la précarité de statut de celles qui, parce qu’elles ont finalement traversé l’histoire, laissent à penser qu’il faut interroger leur éternelle « essence » capitale » (p. 8). Il est donc intéressant de constater qu’une même préoccupation nous mobilisait, que ce soit pour les capitales de la Renaissance ou celles des Amériques.
2 Le seul cas à notre connaissance de tentative de structuration, mais malheureusement restée sans suite, est le colloque organisé à Toulouse par Pierre Monbeig, Frédéric Mauro et Jean Roche : « Le problème des capitales en Amérique latine » (Caravelle, n° 3, 1964). Il s’agirait peut-être de la première tentative d’approche globale du phénomène des capitales en Amérique latine : y prennent part des géographes (Pierre Monbeig, Michel Rochefort, Olivier Dollfuss, Milton Santos, Claude Bataillon, Pierre Deffontaines, Pierre Georges, Bernard Kayser), des historiens (Frédéric Mauro, Richard Morse, Bartholomé Benassar, Jean-Pierre Berthe, Pierre Chaunu, Jacques Godechot), des sociologues (François Bourricaud), des ethnologues (Roger Bastide), des littéraires (Raymond Cantel, Paul Mérimée), des juristes (Pierre Vellas, Jacques Lambert), des linguistes (Guy Lasserre), mais aussi des urbanistes, des philosophes, des civilisationnistes… Ce colloque est né à l’occasion du transfert de la capitale brésilienne à Brasília (les géographes Milton Santos et Gotfried Pfeiffer ont d’ailleurs chacun présenté une communication sur Brasília).
3 À noter que dans cet ouvrage, Arnold Toynbee s’intéresse tout particulièrement à la question des capitales, puisque pas moins de cinq des dix chapitres sont consacrés à cette question.
4 À l’occasion du transfert de la capitale du Brésil à Brasília, le diplomate José Oswaldo de Meira Penna a préparé une vaste étude sur les transferts de capitales dans l’histoire mondiale. Il y évoque les cas de : Memphis, Thèbes, Akhetaton, Alexandrie, Constantinople, Pékin, Nara, Kyoto, Tokyo, Madrid, Versailles, Saint-Pétersbourg, Washington, Ottawa, Pretoria, New Delhi, Ankara, Canberra. Parmi quelques travaux récents sur ces transferts, citons : Sun Ze-xue, 2008 ; Johnson, 2008 ; Rio Barredo, 2000 ; Baquero Moreno, 2003 ; Pérouse, 1998 ; Hollé, 1996 ; Freitag, 2010 ; Vidal, 2009.
5 Ce mouvement, il est important de le souligner, est propre à l’Europe. Le cas africain, notamment pour les villes pré-coloniales, est par exemple assez différent, comme l’indiquent Holder et Peatrik, 2004 ; ou encore Christopher, 1985 ; Marguerat, 1994 ; Potts, 1985 ; Wondji, 1976.
6 D’autres lui emboîteront le pas, à l’exemple de Lisbonne, après le tremblement de terre de 1755 (França, 1965).
7 Parmi les derniers transferts de capitale nationale, citons le retour du pouvoir fédéral allemand de Bonn à Berlin. Après la chute du mur de Berlin en novembre 1989, et la réunification des deux Allemagne, le principe d’un déménagement partiel à Berlin a été voté par le parlement le 20 juin 1991. Une loi de 1994 fixe la résidence principale de six ministères à Bonn et de huit à Berlin, avec des annexes pour chaque ministère dans l’autre ville. « Entre les deux bâtiments d’une même administration, la transhumance est permanente. Ils sont presque 5 500 à prendre l’avion tous les mois, généralement pour venir à Berlin. Parfois pour être entendus pendant un petit quart d’heure seulement au Bundestag, avant de retourner à l’aéroport. » Entre la peur de la déshérence pour Bonn et les rêves de grandeur de Berlin, la situation est à ce jour encore figée (Bocev, 2006 ; Buffet, 1999). Citons également le cas du Kazakhstan qui, en 1997, a déplacé sa capitale d’Alma-Ala à Aqmola, plus tard renommée Astana (Schatz, 2003 ; Wolfel, 2002). En Birmanie, la ville de Naypyidaw devient capitale en novembre 2005 à la place de Rangoon.
8 Voir le chapitre que consacrent également à ce sujet Jean Brunhes et Camille Vallaux : « La capitale mobile est donc le résultat de la piste et du sentier. Elle se fixe lorsque la route remplace le sentier » (1921, p. 391). Une telle assertion est peut-être valable pour le cas du continent européen, mais nullement pour le cas du continent américain.
9 L’auteur fournit d’autres étymologies : en ouzbek, le mot (en l’occurrence persan) qui désigne la capitale signifie littéralement « le pied du trône ». Cette métaphore indique que le roi-shah est en haut de la citadelle, en référence aux villes anciennes de l’Iran préislamique, alors que, en bas de la citadelle se trouve la population. En croate, serbe et slovène, si le terme administratif et courant retenu pour désigner la capitale fait référence à la tête, toutefois subsiste dans la langue plus soignée, historique, la désignation de la capitale par la référence au trône également (on peut ainsi utiliser le terme prestolnica en slovène et en serbe ou prijestolnica en croate). En allemand, le terme retenu pour désigner la capitale est Hauptstadt, le préfixe « Haupt », tout comme « Kopf », étant également dérivé du latin caput. Le premier préfixe, plus poétique à l’origine, a pris ensuite un sens plus prosaïque, désignant ce qui est en haut : Hauptstadt – la capitale.
10 Voir aussi à ce sujet Vernes, 1978.
11 C’est le cas aussi pour l’Amérique espagnole coloniale, comme l’a clairement démontré Alain Musset (2005). Même si, sur le long terme, ce qui domine, c’est l’impression d’une grande tradition urbaine, bien acclimatée au Nouveau Monde, avec des réseaux hiérarchisés qui ont bien fonctionné, une mobilité a eu lieu. Et ce constat s’applique aussi au xviiie siècle : ainsi lorsqu’ont été créées les intendances, on a pu assister à de nombreuses luttes entre villes pour capter ce titre de capitale. Dans le cas mexicain, voir l’article de Rojas, 2007. Dans un tout autre contexte, Montevidéo offre un cas intéressant puisque cette capitale est contestée par les deux couronnes ibériques. Voir à ce sujet Luque Azcona, 2007.
12 Cette même caractéristique peut être notée pour les déplacements de villes (Musset, 2005 ; Vidal, 2008 ; Osorio, 2001).
13 Le traité de Madrid (1750) a mis un terme au traité de Tordesillas et permis au Portugal d’accroître ses possessions en Amérique, au détriment de l’Espagne. Mais cette dernière compte bien obtenir, rapidement, un nouveau règlement frontalier pour les zones contestées (notamment la région des Missions au sud et tout le bassin amazonien). Voilà qui explique cet empressement, dans la deuxième moitié du xviiie siècle, à renforcer la présence de l’administration coloniale dans les zones frontalières contestées. Pour une mise au point, voir par exemple : Sampaio, 2001 ; Araujo, 1998.
14 Pourtant la décision ne sera pas aussi simple : le 4 juillet 1760, après la mort du vice-roi du Brésil, le roi du Portugal ordonne au gouverneur de Rio de Janeiro de se rendre à Salvador pour prendre possession de la vice-royauté : ce dernier prétexte alors qu’en raison des négociations avec les Espagnols au sujet des frontières sud de l’Amérique portugaise, il serait risqué de laisser le gouvernement de Rio de Janeiro sans tête, ajoutant que cette ville « est le plus beau joyau de ce grand Trésor ». Et de poursuivre : « Ici se déroulent et se dérouleront les plus grandes affaires, tant de la Couronne, comme des Vassaux ; et ainsi elle doit être conçue comme la forteresse de ces Provinces, d’où l’on peut secourir et animer les autres », Bicalho, 2006. En attendant, une junte gouvernementale assure donc l’intérim à Salvador. Ce n’est que trois ans plus tard, après le décès du gouverneur de Rio, qu’un nouveau vice-roi du Brésil est nommé, le roi lui ordonnant cette fois de résider à Rio de Janeiro. Ces trois années de latence ont ainsi permis à la couronne de prendre la mesure de la nouvelle géopolitique coloniale du Brésil, et de l’inadéquation de la position de Salvador avec les nouveaux défis à relever.
15 En 1845, un projet de loi prévoyait d’indemniser les habitants du Haut-Canada ayant subi des pertes matérielles lors de la rébellion des Patriotes (1837-1838). Mais le Bas-Canada, où la plus grande part des rébellions et des dommages ont eu lieu, est exclu de ce projet de réparation. Après de multiples tractations, elle ne sera adoptée que le 25 avril 1849, lorsque le gouverneur général lord Elgin sanctionne la loi. Le même jour, James Moir Ferres, le rédacteur en chef du quotidien montréalais The Montreal Gazette publie un tract appelant à manifester avec violence contre cette loi au Champ-de-Mars.
16 [http://www.canadascapital.gc.ca/bins/ncc_web_content_page.asp?cid=16297-24515-58245-82007-93665&lang=2&bhcp=1], site visité le 9 août 2010.
17 Ajoutons un dernier cas – le plus récent même –, celui de Belmopan, nouvelle capitale du Honduras Britannique (Kearns, 1973). Après la quasi-destruction de Belize city par un ouragan, en 1961, la décision de construire une nouvelle capitale en un lieu intérieur et protégé des intempéries, a été prise (1962). La ville de Belmopan sera inaugurée en 1970 – mais le Belize n’accédera à l’indépendance qu’en 1981.
18 Le cas de la région amazonienne en fournit un autre exemple : pendant l’unification des couronnes, Philippe III décide de diviser le Brésil en deux États (1621) : l’État du Brésil, à proprement parler, et l’État du Maranhão, comprenant les capitaineries du Maranhão, Pará, Piauí et du Ceará. Avec un siège de la capitale installé à São Luis, il s’agit d’assurer une meilleure défense de la région nord et de stimuler les activités économiques de l’Amazonie. En 1737, l’État du Maranhão devient l’État du Grão Pará e Maranhão : la capitale est alors transférée à Belém, pour mieux coordonner la pénétration dans le bassin amazonien. En 1772, cet État connaît une nouvelle division en deux États : l’État du Maranhão e Piauí, avec pour capitale São Luís, et l’État du Grão-Pará e Rio Negro, avec pour capitale Belém. D’autres suivront jusqu’à la réunification du Brésil en 1775.
19 Pour l’Amérique espagnole, on consultera plus particulièrement : Almandoz, 2002 ; Rey Balmaceda, 1982 ; Ulloa, 1986 ; Martín Frechilla, 1997.
20 Philadelphie (10 mai 1775-12 décembre 1776) ; Baltimore (20 décembre 1776-27 février 1777) ; Philadelphie (4 mars-18 septembre 1777) ; Lancaster (27 septembre 1777) ; York (30 septembre 1777-27 juin 1778) ; Philadelphie (2 juillet 1778-21 juin 1783) ; Princeton (30 juin 1783-4 novembre 1783) ; Annapolis (26 novembre 1783-19 août 1784) ; Trenton (1er novembre 1784-24 décembre 1784) ; New York (11 janvier 1785-5 décembre 1790) ; Philadelphie (6 décembre 1790-14 mai 1800) ; New York (15 mai-16 novembre 1800) ; Washington (depuis le 17 novembre 1800). Voir à ce sujet : Fortenbaught, 1948. Sur le cas de New York, voir : Harter, 2005. A noter que durant la guerre de 1812, et le sac de Washington, la ville de Leesburg a temporairement été élevée au rang de capitale (septembre 1814).
21 Voir également le site : [http://www.gwu.edu/~ffcp/exhibit/p12/p12_5.html], consulté le 14 avril 2010 ; « Con-g-ss Embark›d on board the Ship Constitution of America bound to Conogocheque by way of Philadelphia », Library of Congress, Prints and Photographs Division.
22 Pour le cas des villes des États de la Fédération, voir : Moussalli S. D., « Choosing capitals in antebellum Southern frontier Constitution », Southwestern Historical Quarterly, 101, 1997, p. 58-75 ; Zagarri R., « Representation and the removal of state capitals, 1776-1812 », Journal of American History, n° 74, 1988, p. 1239-1256.
23 Voir la chronologie établie à la fin de notre thèse de doctorat (Vidal, 1995, vol. II).
24 Lembranças e Apontamentos do Governo Provisório de São Paulo para os deputados da Província as Cortes Portuguesas para se conduzirem em relação aos negócios do Brasil 1820. José Bonifácio avait rédigé auparavant une série de notes afin de guider la rédaction des instructions de la Junte de São Paulo : Ideias sôbre a organização política do Brasil, quer como Reino Unido, quer como Estado Independente. Constituição para o. Notas para as instruções do Governo Provisório de São Paulo aos Deputados às Cortes de Lisboa, Souza, 1922, p. 475. Voir à ce sujet notre étude : Vidal, 2002, chap. ii : « Cidade Pedrália, une capitale pour le Brésil indépendant ».
25 Bien d’autres initiatives privées suivront indiquant combien, au-delà du rêve, un transfert est aussi une affaire économique qui peut s’avérer juteuse. Ce phénomène est également présent aux États-Unis, où en 1900, un riche marchand de Boston, Franklin W. Smith, adresse une requête au Congrès pour faire de Washington une capitale à la gloire de l’intelligence, et non plus de la puissance, comme dans les capitales européennes. Curtis Dahl évoquant un projet d’urbanisme pour la nouvelle capitale des États-Unis : DAHL, 1956.
26 D’autres villes (ex-capitales) jouent aussi sur ces ressources : Joenniemi, Morozov, 2003.
27 [http://www.ssjb.com/contenu/la-societe-saint-jean-baptiste-de-montreal], visité, le 11 août 2010.
28 [http://www.ssjb.com/contenu/160e-anniversaire-de-lincendie-du-parlement-de-montreal], site visité le 11 août 2010.
29 [http://www.tnj.com/life-style/travel/philadelphia-still-%E2%80%9Cfirst-freedom%E2%80%9D], site visité le 10 août 2010.
30 [http://wikiwix.com/cache/?url=http://publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=2%26file=/C_33_1/C33_1.htm&title=%5B1%5D], visité le 11 août 2010.
31 Ce qui est ici en jeu, c’est la théâtralisation du politique : « On dirait que la société recourt au théâtre chaque fois qu’elle veut affirmer son existence ou accomplir l’acte décisif qui la remet en cause », constate Jean Duvignaud (1999, p. 14). Sur cette thématique, voir aussi : Balandier, 1980 ; Duvignaud, 1977.
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