Chapitre II. Des paroles et des hommes
p. 61-87
Texte intégral
1Le 27 septembre 1994, 367 Républicains, tous candidats aux élections à la Chambre des représentants, se rassemblent sur les marches du Capitole. Ils s’engagent solennellement à respecter les termes d’un contrat de gouvernement qu’ils disent conclure avec les électeurs américains. Le document occupe désormais une place de choix dans l’imaginaire politique américain mais son importance est controversée. La légende voudrait qu’en proposant ainsi des engagements précis et populaires, le « Contrat » constitue un tournant dans l’histoire politique du pays. Il aurait permis le retour au Congrès d’une majorité républicaine clairement conservatrice. À l’inverse, les critiques moquent une liste démagogique façonnée par des communicants et insistent sur sa médiatisation tardive ainsi que le désintérêt relatif de l’électorat de 19941.
2En réalité, grâce à ce « Contrat avec l’Amérique », les cadres républicains vont parvenir à remplir trois grands objectifs : unifier le parti, nationaliser l’élection et anticiper le travail législatif. Pour autant, la prétendue efficacité du document et sa rationalisation ont plutôt lieu a posteriori. Au moment de créer ce contrat, les Républicains n’en sont toujours qu’à espérer quitter le statut minoritaire. Seule une minorité de cette minorité paraît véritablement croire en une possible victoire. L’existence du document n’était ni naturelle ni unanimement reconnue comme nécessaire ou utile. De fait, le « Contrat avec l’Amérique » est essentiellement dû à la détermination d’un homme et de ses associés. Cet instrument va faire la fortune politique de son créateur, le représentant de la sixième circonscription de Géorgie et dauphin du chef de la minorité, Newt Gingrich.
Le Contrat avec l’Amérique
3Certains politologues ont souligné avec une pointe de regret2 que les partis politiques américains ne sont pas organisés de manière hiérarchique autour de programmes de gouvernement précis. L’expression la plus claire des principes fondamentaux du parti et ses propositions de réformes sont à trouver dans des programmes (platforms) adoptés à l’occasion de la convention d’investiture qui choisit officiellement le candidat pour la présidentielle. Bien qu’ils aient pu jouer un rôle important par le passé, ces programmes adoptés tous les quatre ans ne sont plus considérés comme des documents majeurs et sont largement ignorés par la presse. Les hommes politiques modernes se servent de leur affiliation politique comme un marqueur et, parfois, une banque de ressources organisationnelles et financières mais ils se considèrent plus comme des auto-entrepreneurs que comme des associés dans une entreprise commune. Cette nouvelle manière de briguer un mandat et d’exercer une responsabilité politique se retrouve aussi bien au niveau présidentiel3 qu’au Congrès4.
4Dès 1980, Newt Gingrich avait tenté de réunir le candidat Reagan et les candidats républicains au Congrès sur les marches du Capitole pour présenter un front unifié. La démarche visait à renforcer son parti fragilisé par l’individualisation croissante des carrières politiques. Il avait fallu longuement insister pour que Reagan accepte finalement de s’afficher avec les autres candidats républicains. La stratégie présidentielle standard consiste plutôt à se tenir à l’écart d’un Congrès toujours impopulaire. D’ailleurs, quatre ans plus tard, Reagan n’avait pas renouvelé l’expérience. Son successeur, George H.W. Bush avaient lui aussi gardé ses distances avec les membres du Congrès. Pour autant, Gingrich n’avait, semble-t-il, jamais abandonné l’idée. En 1994 il dispose enfin des moyens de la mettre en œuvre.
5L’influence grandissante du représentant de la sixième circonscription de Géorgie auprès de ses collègues avait été avérée avec son intégration dans l’équipe dirigeante du parti à la Chambre en 1989. Depuis son élection en 1978, Gingrich s’était opposé à la tactique accommodante du chef de file des Républicains de la Chambre, Robert Michel. Héritier d’une époque où la coopération entre les partis n’était pas vue comme une compromission, le représentant de l’Illinois pensait que la négociation était le meilleur moyen pour la minorité d’influer sur le contenu de la loi. Dans une institution où les commissions permanentes, lieux privilégiés de telles négociations, voyaient leurs pouvoirs érodés en faveur de l’appareil dirigeant du parti majoritaire, cette tactique se révélait de moins en moins efficace. Au fil des élections, les nouveaux membres républicains de la Chambre se montraient logiquement moins réceptifs aux appels à la modération de Michel. Ses préceptes conciliants souffraient de la concurrence d’une faction plus combative du parti minoritaire.
6Sur les conseils de l’ancien Président Nixon, Newt Gingrich avait décidé de former un groupe au sein de la minorité républicaine pour regrouper les conservateurs déterminés à marquer leur différence avec les Démocrates. Entouré de ses collègues, Vin Weber du Minnesota, Robert Walker de Pennsylvanie et Judd Gregg du New Hampshire, il avait fondé la Conservative Opportunity Society (COS) en 1983. L’objectif était d’attaquer sans relâche la majorité et promouvoir une idéologie conservatrice au sein de la minorité. Le groupuscule de ces « artificiers » (bombthrowers) autoproclamés grandit rapidement en recrutant toujours plus de nouveaux membres dans un parti qui, géographiquement, devient nettement plus ancré dans la sunbelt que dans le Nord-Est et, idéologiquement, devient plus conservateur. Ainsi, lorsque Gingrich parvient à se faire élire assistant du vieillissant Bob Michel en 1989 contre le candidat désigné par ce dernier, la moitié de l’équipe dirigeante des Républicains de la Chambre est issue des rangs du COS. Les conservateurs ont analysé la défaite de Bush comme une nouvelle illustration de l’inanité de la coopération avec les Démocrates et une nouvelle invitation à insister sur la ligne conservatrice. Après avoir été réélu d’extrême justesse dans sa circonscription lors des élections de 1990, Gingrich n’a plus qu’à attendre la retraite annoncée du chef de file de la minorité pour pouvoir enfin déployer ses théories.
7Newt Gingrich est persuadé que les Républicains ne peuvent se contenter de rester dans une posture d’opposition. Habitué des formules emphatiques, il déclare qu’il ambitionne de « renouveler la civilisation américaine », et « modifier le destin de la race humaine5 ». En attendant, ses partisans doivent faire des propositions concrètes pour convaincre le pays de leur confier la majorité. Dès le début de l’année 1993, une partie de la minorité républicaine est donc réunie à Princeton dans le New Jersey6 pour commencer à réfléchir à l’élaboration d’un budget républicain. À l’aube de prendre les rênes du parti à la Chambre, Gingrich sait qu’il lui faut désormais rassembler au sein de la minorité. Cela implique de rassurer les Républicains modérés notamment ceux qui se retrouvent dans le « Groupe 92 » créé par Olympia Snowe, représentante et future sénatrice du Maine. Convaincu qu’un Parti républicain unifié peut reconquérir la majorité, Gingrich décide de réunir tous les membres républicains de la Chambre à l’université de Salisbury dans le Maryland fin janvier 1994. Après trois jours de sessions de travail en groupes encadrés par l’équipe de Gingrich7, les Républicains s’accordent pour reconnaître cinq valeurs fondamentales qui doivent guider le parti : liberté individuelle, opportunité économique, État fédéral aux pouvoirs limités, responsabilité individuelle, sécurité intérieure et extérieure8. Ils décident de se fonder sur ces valeurs pour créer un programme plus précis en vue de l’élection, jetant ainsi les bases du « Contrat avec l’Amérique ».
8Le processus se veut participatif. La direction du projet est confiée à Richard (« Dick ») Armey, le représentant de la 26e circonscription du Texas. Comme Newt Gingrich, Armey est un ancien universitaire. Originaire du Dakota du Nord, il a abandonné sa carrière de chercheur en sciences économiques pour rejoindre la Chambre des représentants en 1985. Il est lui aussi connu pour son style combatif, son franc-parler et ses positions idéologiques très marquées par la pensée libertaire. En 1992, il avait été élu président du groupe républicain à la Chambre, troisième échelon dans la hiérarchie derrière Michel et Gingrich. Sa contribution essentielle à l’élaboration du « Contrat » est avérée par la présence de son nom juste à côté de celui de Gingrich dans le titre de la version publiée. Il sera aussi l’un des premiers à essayer de faire fructifier le succès électoral en publiant dès 1995, un ouvrage à la gloire de cette « révolution pour la liberté9 ». Au cours de l’été 1994, Dick Armey organise un processus de consultation des membres républicains de la Chambre puis des ateliers pour que les propositions soient développées par consensus. Plus que de vagues annonces, l’objectif est de rédiger de véritables propositions de lois prêtes à être adoptées en cas de victoire.
9En parallèle à ce travail des législateurs, les cadres décident de consulter les plus importants groupes d’intérêt de la mouvance conservatrice. Tous insistent pour intégrer leurs priorités dans les propositions du « Contrat ». Les représentants de la droite religieuse obtiennent d’intégrer une proposition de crédit d’impôts de 500 $ par enfant. Pour assurer la signature du « Contrat » par tous les candidats républicains, ils doivent cependant reculer sur leurs revendications prioritaires : la prière dans les écoles et la restriction du droit à l’avortement. Le « Contrat » se contente dans son préambule d’annoncer « les premiers pas vers un Congrès qui respecterait les valeurs et partagerait la foi des familles américaines10 ». Ensuite, citant Lincoln, ils invoquent l’aide de Dieu pour les mener dans le droit chemin. En s’abritant derrière le premier président républicain, les signataires insistent sur leurs convictions religieuses sans trop s’exposer à une gronde des libertaires au sein de la coalition conservatrice.
10Il fallait également œuvrer pour récupérer les millions de voix qui s’étaient portées sur la candidature indépendante de Ross Perot en 1992. Les Républicains ont donc communiqué très régulièrement avec les membres de son organisation « United We Stand ». La démarche d’un contrat qui engage la responsabilité politique des signataires participe de l’élan amorcé par la candidature de Perot. Certaines propositions comme celles ayant trait aux réformes au sein du Congrès, aux questions budgétaires, et à la limitation des mandats avaient été conçues pour convaincre les électeurs et les sympathisants indépendants suspicieux envers la et les politiques. Ce travail a été récompensé lorsque Ross Perot lui-même a choisi d’appeler à voter pour les candidats républicains au Congrès en 1994. Le ralliement du candidat indépendant de 1992 vient couronner le travail de rassemblement au sein du courant conservateur et du parti.
11Dans les faits, avant que le véritable travail d’élaboration piloté par différents groupes de travail n’ait pu commencer, les cadres avaient déjà fixé certains paramètres. Newt Gingrich avait décidé d’imposer la date du 27 septembre et le chiffre de dix propositions11. En février 1994, à l’issue d’une réunion avec le Sénateur Dole, Gingrich et Haley Barbour, alors directeur de l’appareil national du Parti républicain (Republican National Committee) se seraient rencontrés dans un bar et ils auraient décidé de s’allier. L’objectif numéro un pour Haley Barbour était de réunifier la coalition conservatrice au sein du GOP en offrant un front d’opposition uni face au président et aux Démocrates12. Il accepte de participer au financement de la promotion de ce qui deviendra le « Contrat avec l’Amérique » à condition que le programme contienne une proposition de réforme des dommages et intérêts accordés par la justice (tort reform13).
12Haley Barbour avait accepté de financer une idée originale de Newt Gingrich. Pour être sûr d’atteindre l’Américain moyen, le représentant de la Géorgie voulait inclure une version détachable du « Contrat avec l’Amérique » dans le Reader’s Digest, une publication à très grand tirage. Haley Barbour proposera d’utiliser finalement le programme TV (TV Guide). Le lecteur peut découper la page de publicité présentée sous forme de liste à cocher. Chacune des dix promesses est précédée d’une case vide afin de permettre au citoyen de cocher à mesure que les Républicains rempliront leurs promesses électorales. Cette approche participe clairement d’une ambition populiste de responsabilisation des élus sur un programme défini au niveau national. L’électeur est ainsi censé connaître les enjeux et surveiller la mise en application du programme.
13Au cours de cette rencontre Haley Barbour et Newt Gingrich s’accordent sur une stratégie électorale innovante : ils veulent nationaliser l’élection. Comment nationaliser des élections intermédiaires qui concernent 435 candidats à la Chambre élus chacun dans leurs circonscriptions ainsi qu’une trentaine de candidats au Sénat élus chacun dans leurs États ? Cela implique d’abord de réussir à inscrire un candidat républicain dans chaque circonscription. Il faudra ensuite inciter ces candidats à faire campagne sur les mêmes thèmes. Une telle entreprise nécessite de disposer de fonds de campagne importants afin de médiatiser les mêmes thèmes électoraux dans plusieurs centaines de circonscriptions. Là encore, le « Contrat avec l’Amérique » va se révéler extrêmement utile. La rhétorique manichéenne qui caractérise le tournant conservateur du GOP sert également à encourager les donations14. Le processus d’élaboration du « Contrat » en petits comités permet aux groupes d’intérêts d’être intégrés au processus législatif. Cela peut les inciter à contribuer généreusement pour tenter de faire élire des représentants qui promettent de porter leurs projets.
14Cette stratégie était rendue possible par un travail de longue haleine mené en amont. Depuis 1986, Newt Gingrich avait pris les rênes de GOPAC, une organisation chargée de lever des fonds pour encourager le recrutement de candidats pour le Parti républicain15. Il l’utilise pour produire des enregistrements audio et vidéos qui sont distribués à la demande à tous les futurs candidats potentiels. Ces enregistrements lui permettent de s’adresser directement à eux. En sus de conseils pratiques utiles pour ces hommes et femmes politiques amateurs, l’ancien professeur dispense des leçons sur l’histoire américaine, l’avenir de la civilisation occidentale et les méfaits de l’action des Démocrates. Le ton est à mi-chemin entre le discours de motivation et d’érudition mais la cible reste la même : le Parti de l’âne. Une cohorte de jeunes conservateurs sont ainsi formés à la pensée de Newt Gingrich. La dette intellectuelle qu’ils avaient accumulée aidera le futur Speaker à conserver leur soutien après l’élection. Par le biais de ces cassettes, Gingrich contribue à l’homogénéisation idéologique et rhétorique au sein de son parti.
15Il est aidé dans cette mission par le travail quotidien des divers animateurs de « talk-radio » dont le plus populaire d’entre eux, Rush Limbaugh. Au fil de ces trois heures d’émission quotidienne, Limbaugh distille et propage l’essence de la pensée conservatrice moderne prônée par les Républicains. Ses derniers ne s’y trompent d’ailleurs pas. Rush Limbaugh avait été invité à prononcer un discours en clôture de la conférence organisée par la fondation Heritage à Baltimore du 7 au 10 décembre 1994. Les nouveaux membres républicains de la Chambre lui offrent une réception triomphale16. Pour reconnaître leur dette et s’assurer son soutien, ils offrent à leur idole le titre de membre à titre honorifique de leur cohorte ainsi que le badge qu’ils arborent eux-mêmes fièrement : « Faiseur de majorité » (Majority Maker). Afin d’enfoncer le clou, avant de céder la parole à Limbaugh, Vin Weber, l’ancien représentant et membre fondateur de la Conservative Opportunity Society avait rappelé à l’auditoire une statistique que tous avaient sans doute à l’esprit : les trois quarts des personnes qui écoutent plus de 10 heures de « talk-radio » par semaine avaient voté républicain17.
16Ainsi, le « Contrat avec l’Amérique » était à la fois un instrument d’unification interne au parti et un outil stratégique pour nationaliser les élections intermédiaires. L’existence de ce document avait une ultime vertu : elle permettait de préparer le terrain législatif à couvrir. À la Chambre des représentants, le Parti républicain était dans la minorité depuis les élections de 1954. Il n’y avait donc plus aucune mémoire institutionnelle pour permettre de gérer l’organisation complexe de la Chambre basse où la minorité est largement exclue de l’essentiel des tâches de planification. Dans les commissions permanentes les présidents de commissions Démocrates s’étaient adjugés la part du lion des ressources, notamment en termes de personnels assistants.
17La perspective de retrouver le contrôle pouvait donc être intimidante pour une majorité néophyte. Elle pouvait s’appuyer sur un réservoir de mesures que les Démocrates avaient toujours refusé de considérer mais comment choisir par où commencer ? Codifier une liste de dix propositions de lois prioritaires dans un document concis comportait alors deux avantages. Premièrement, les Républicains s’épargnaient un grand désordre dans les premiers jours de la session législative. Deuxièmement, le « Contrat » offrait un formidable moyen d’encourager la discipline de vote et de faciliter le travail des responsables Républicains de la Chambre18. Le candidat qui avait apposé son nom en bas du contrat, se devait de voter en faveur des propositions de lois incluses dans celui-ci.
18On voit donc combien ce « Contrat avec l’Amérique » était, en réalité, bien plus qu’un simple pamphlet de campagne. Sans être le document révolutionnaire décrit par ses promoteurs, il se révélera un facteur fondamental de la cohésion au sein d’une majorité à venir. Les critiques qui doutent de son efficacité électorale manquent donc l’essentiel. C’est dans l’utilisation qui en sera faite après les élections que le « Contrat » prend tout son sens19.
19« Le Contrat avec l’Amérique » se divise en deux parties principales. Dans un premier temps, les Républicains s’engagent sur huit réformes de la Chambre des représentants qu’ils promettent d’adopter le premier jour de la session législative. Ils énoncent ensuite les dix propositions de lois qui doivent constituer leur agenda pour les cent premiers jours. Ce calendrier très serré fait directement référence aux cent premiers jours de l’Administration Roosevelt durant lesquels avaient été jetées les bases du New Deal. Pris dans sa globalité, le « Contrat » propose donc un contre-modèle républicain à l’État fédéral moderne que les conservateurs combattent depuis les années 1930. Une analyse détaillée de son contenu et de sa forme doit permettre de fournir une première évaluation de la trajectoire initiale de la révolution républicaine.
20On ne peut trop insister sur l’importance des questions éthiques dans la longue lutte de la minorité républicaine de la Chambre des représentants pour retrouver le pouvoir. Les divers scandales dont ils ont accusé les Démocrates durant le 102e (1991-1992) et 103e Congrès (1993-1994) faisaient partie intégrante de la stratégie de Newt Gingrich. Il était convaincu que, pour retrouver la majorité, le Parti de l’éléphant devait entièrement discréditer l’institution elle-même20. Dès 1993, les Républicains de la Chambre avaient proposé 48 réformes institutionnelles pour lutter contre les atteintes à l’éthique commises par la majorité démocrate. Hostiles à la bureaucratisation de la Chambre où le pouvoir était trop décentralisé dans les multiples commissions, les Républicains proposaient d’interdire la pratique du vote par procuration en commission. Ils proposaient de réduire le nombre de commissions permanentes et les amputer d’un tiers de leurs personnels. Enfin, ils souhaitaient instaurer une limite à trois mandats consécutifs pour les présidents de commissions, ou encore de faire appliquer le droit commun aux membres de la Chambre. Compilées dans un document intitulé « Un mandat pour le changement à la Chambre du peuple » (« A Mandate for Change in the People’s House »), ces propositions avaient été largement ignorées par la majorité démocrate21. Elles sont logiquement reprises dans cette première partie du « Contrat22 » où les Républicains promettent également : de commanditer un audit complet des activités de la Chambre afin de lutter contre les gaspillages23, de rendre publiques toutes les séances des commissions24, de requérir une majorité qualifiée des trois cinquièmes pour toute hausse d’impôt25 et de modifier les règles de présentation des dépenses au sein du budget en supprimant le concept de « base budgétaire26 ».
21Les Républicains proposent donc un nouveau modèle de gouvernance au sein de la Chambre. Là où les Démocrates ont longtemps préféré distribuer le pouvoir et décentraliser le processus décisionnel, ils envisagent une institution aux moyens plus réduits et au fonctionnement potentiellement plus hiérarchisé. Ces réformes peuvent être adoptées lors de la première journée de la première session législative car c’est à ce moment que la Chambre des représentants adopte par une majorité simple les règles de fonctionnement qui gouverneront l’institution pour l’ensemble de la durée de ce Congrès.
22Le premier volet du Contrat permet donc aux Républicains de se poser en garant de la probité à la Chambre face à une majorité sortante qu’ils veulent présenter comme largement corrompue. L’électorat de Ross Perot est clairement ciblé. Ce sont ses électeurs qui avaient tant clamé leur méfiance envers les hommes politiques. Cependant, la place consacrée aux questions d’organisation interne à la Chambre démontre à quel point le « Contrat » ne saurait se réduire à un manifeste électoral. On peut légitimement douter de l’engouement populaire pour l’interdiction du vote par procuration en commission. En réalité, ces propositions de réformes à la Chambre s’adressent plus au candidat et représentant potentiel qu’à ses électeurs qui sont, a priori, plus intéressés par les promesses législatives.
23Après les réformes internes, les Républicains dévoilent leur projet pour le pays. Chacune des dix réformes fait écho à des propositions de loi prêtes à être adoptées dans les cent premiers jours. Le cœur du « Contrat avec l’Amérique » est formé par les dix propositions de loi issues du long processus d’élaboration dirigé par Dick Armey durant l’été 1994. Elles balayent l’essentiel du champ d’action de l’État fédéral jusqu’à la politique étrangère, domaine traditionnellement réservé à la présidence. Le sixième élément27 prétend ainsi interdire de déployer des troupes américaines sous commandement des Nations-Unies ; un appel au nationalisme militaire un peu vain dans la mesure où, au xxe siècle, le président s’est arrogé un quasi-monopole sur les questions militaires. Il se double d’une promesse plus réaliste de restaurer les crédits destinés à la défense nationale. Cela ne devait pas manquer de satisfaire les néo-conservateurs inquiets de l’allégement relatif de l’effort militaire sous l’Administration Clinton.
24Comme on pouvait s’y attendre, la question fiscale figure en première ligne avec une proposition d’amendement constitutionnel pour inscrire l’équilibre budgétaire dans la loi fondamentale et donner au président un droit de veto parcellaire (line-item veto28). La proposition d’amendement prévoit également d’inscrire dans la Constitution le mécanisme d’adoption des hausses d’impôts avec une majorité des trois cinquièmes pour éviter que la recherche de l’équilibre ne se fasse aux dépens du contribuable. L’objectif est d’interdire les déficits pour contraindre l’État fédéral à réduire ses dépenses. Le contrôle des dépenses motive également la proposition de modifier le droit de veto présidentiel. Un droit veto parcellaire permettrait prétendument29 à la Maison-Blanche de lutter contre les tendances dépensières d’un Congrès dont les membres se rendent la pareille pour financer des projets dans leurs circonscriptions respectives30. Le conservatisme fiscal constitue une constante historique pour le Parti républicain. Même si tous ne lui assignent pas la même priorité31, la question fait également consensus au sein du mouvement conservateur.
25La question fiscale constituait bien sûr une revendication très forte du candidat Perot. On retrouve également son influence dans la dernière des dix propositions : le premier vote au Congrès pour interdire aux membres de la Chambre de se faire réélire indéfiniment afin de lutter contre la professionnalisation des représentants du peuple32. L’idée est très populaire auprès des électeurs mais beaucoup moins chez les responsables politiques. Pour compenser cette ambivalence, les Républicains promettent simplement d’organiser un vote sur la question, laissant à chacun de leur membre le soin de voter pour ou contre la réforme. Le placement de ces problématiques populaires, voire populistes, en début et en fin de liste ne doit rien au hasard. Une telle mise en exergue révèle une nouvelle fois à quel point les Républicains utilisent le « Contrat » pour tenter de rallier l’électorat de Ross Perot.
26Le deuxième élément de la liste33 est une réponse à loi anti-criminalité récemment adoptée par les Démocrates. Depuis l’Administration Nixon, les Républicains s’étaient saisis de la problématique de la sécurité en usant d’une rhétorique empruntée à George Wallace. Il était donc hors de question de laisser le champ libre aux Démocrates. Cela explique pourquoi la minorité avait critiqué avec véhémence la réforme voulue par l’Administration Clinton. Après avoir fait tout leur possible pour dénoncer le laxisme de l’approche démocrate, les Républicains étaient désormais en bonne position pour se présenter comme les véritables défenseurs de la tranquillité de leurs concitoyens avec des mesures répressives sévères. Ils proposent notamment de redéployer les crédits affectés aux programmes de prévention de la criminalité vers la construction de nouvelles prisons.
27Le Parti républicain est vu comme le plus favorable aux milieux d’affaires. Il promeut une idéologie libertaire de dérégulation des activités économiques pour favoriser la concurrence sur tous les marchés. Les entreprises et les entrepreneurs sont directement visés par le huitième élément de la liste34. Les Républicains proposent de réduire les impôts sur le capital et de déréguler largement les activités de la sphère privée pour, disent-ils, encourager la croissance et l’emploi. Ils veulent également réduire la responsabilité civile des entreprises pour leurs produits (product liability). La croissance exponentielle des montants de dommages et intérêts accordés aux victimes par les jurys est décrite comme un frein à la croissance. L’avant-dernière proposition du contrat promet donc de réduire le nombre de procès en encadrant une procédure perçue comme trop ouverte. Pour décourager les assignations en justice, les Républicains veulent que celui qui intente un procès et le perd soit tenu de régler les frais de défense de la partie accusée à tort35. Derrière les objectifs affichés de cette proposition qui se veut de « bon sens36 », on peut aussi déceler une conséquence électoraliste annexe. Il n’est pas impossible d’imaginer que la mesure visait tout particulièrement les avocats spécialisés dans la défense des droits des victimes. Or, ces derniers constituent une source importante de contributions financières pour le Parti démocrate.
28Les quatre derniers éléments du « Contrat » peuvent être analysés ensemble. Ils cherchent tous à modifier en profondeur le fonctionnement de l’État-Providence hérité du New Deal. Ces propositions forment le noyau idéologique d’une révolution conservatrice d’un l’État fédéral dénoncé, dans le préambule, comme « trop vaste, trop intrusif et trop à l’aise lorsqu’il s’agit de dépenser l’argent public37 ». Avec la troisième proposition38, c’est l’aide sociale qui est visée. Comme sur la question de la criminalité, il s’agit de contrer toute tentative de préemption d’une thématique républicaine par l’Administration Clinton. Le candidat démocrate avait promis de réformer l’aide sociale mais il s’était confronté à de très fortes résistances au sein de son parti au Congrès. Les Républicains annoncent que leur objectif est de lutter contre la multiplication des grossesses chez les adolescentes ainsi que contre la banalisation des familles monoparentales. Pour cela, ils proposent d’imposer aux bénéficiaires de prestations fédérales des conditions très strictes qui les contraindraient à retrouver un emploi. Ces propositions constitueront le socle des négociations sur la réforme finalement adoptée en 1996. Le même discours moraliste centré sur la famille traditionnelle est également à l’origine des propositions rassemblées dans le quatrième élément de la liste39 : encourager l’adoption et lutter contre la pornographie. Pour aider encore davantage les familles, les Républicains annoncent un crédit d’impôt de 500 dollars par enfant40. On a vu que cette mesure constituait une priorité pour la mouvance religieuse. Enfin, en proposant de réformer le programme d’assurance retraite (Social Security), le septième élément du « Contrat » vise le plus grand symbole de l’État-Providence. Le Parti républicain a longtemps souffert des accusations de vouloir privatiser plus ou moins subrepticement le système des retraites. En 1964, Ronald Reagan promettait déjà de ne pas attaquer le plus populaire des programmes financés par l’État fédéral. Pour éviter la sanction dans les urnes, les candidats du GOP continuent à se montrer très méfiants sur cette question hautement sensible pour les électeurs. En 1994, ils veulent se poser en défenseurs des droits des retraités. La réforme proposée41 consiste à supprimer les plafonds qui limitent le montant des pensions des retraités et annuler les hausses des taxes sur ces mêmes pensions adoptées par le précédent Congrès. Cependant, leur cinquième proposition42 promettait de nouveaux instruments privés d’épargne retraite défiscalisés. Bien que les Républicains s’en défendent, on peut voir dans ces « comptes-épargnes pour le rêve américain » (« American Dream Savings Account ») un moyen d’encourager l’épargne retraite privée qui pourrait affaiblir le programme public en réduisant ses ressources.
29Ainsi on voit émerger une vision d’un État fédéral qui se détourne de l’aide aux personnes en difficultés pour renforcer le soutien aux personnes âgées et aux familles. Plutôt qu’un désengagement généralisé, la révolution conservatrice proposée par le Parti républicain promet donc une réduction générale des recettes doublée d’une réorientation de l’action étatique. Pour masquer l’influence des groupes d’intérêts ou les justifications politicienne de certaines mesures, les Républicains propagent l’idée selon laquelle les éléments du « Contrat » auraient été choisis pour leur popularité43. Newt Gingrich voulait inclure uniquement des propositions approuvées par au moins 65 % de la population44. Pourtant ce ne sont pas les sondeurs qui ont façonné le « Contrat ». Ils ont seulement été mis à contribution pour donner des titres accrocheurs aux propositions sur lesquelles les représentants républicains avaient choisi de travailler.
30Les Républicains savent que les réformes proposées risquent de devenir moins populaires lorsqu’il s’agira de les concrétiser. Leur tactique rhétorique consiste à préempter le soutien du peuple. Toute opposition à leur projet devient alors une fin de non-recevoir opposée aux électeurs américains ; une position peu enviable pour qui doit son poste au soutien de ses concitoyens. Même sans avoir rédigé aucun contrat, les Républicains auraient sans doute interprété leur victoire comme une ratification de leurs idées. Dès lors, le « Contrat avec l’Amérique » est utile en ce qu’il offre un aperçu concis et précis de ce que les hommes et les femmes politiques républicains aimeraient faire si une majorité des électeurs leur apporte son soutien. Bien qu’il ait été fabriqué de toutes pièces, il permet donc de donner un sens réel à une volonté populaire toujours élusive voire fictive.
31Cette tactique peut amener les Républicains conservateurs à prendre leurs désirs pour des réalités. La victoire électorale du parti sera réellement interprétée par certains cadres comme une ratification de leur idéologie conservatrice45. Le « Contrat avec l’Amérique » a été rédigé par des hommes politiques professionnels avec l’aide de sondeurs. Ils voulaient attirer une partie de l’électorat rendue sensible à leurs discours par de multiples facteurs : la persistance d’un malaise économique cumulée à la perception que l’Administration Clinton et le Congrès démocrate étaient incompétents, corrompus et trop progressistes. Avec leur « Contrat », les Républicains cherchent à sublimer la complexité des motivations du vote pour le rendre univoque en leur faveur. Ils savent qu’un vote pour le candidat républicain ne saurait constituer une marque de soutien pour chaque élément du « Contrat » mais ils essayent de capitaliser au maximum sur cette idée d’un large soutien populaire.
32Le « Contrat avec l’Amérique » contient donc un danger inhérent de sur-interprétation du sens des élections. Il est historiquement conséquent en ce qu’il marque une nouvelle étape dans la longue convergence entre le mouvement conservateur et le Parti républicain. Les propositions de lois listées dans le Contrat sont à même de plaire aux différents courants du mouvement. Les promesses engagent les candidats devant les électeurs mais aussi les groupes d’intérêts qui possèdent les moyens financiers et humains de suivre leur application et rappeler leurs promesses aux étourdis. L’influence du Contrat grandira donc encore après les élections et sa mise en application révèlera également de sévères limites dans sa conception.
33L’écart entre l’ambitieuse rhétorique des promesses électorales et la frustration qui doit nécessairement naître de leur mise en application représente le plus grave problème soulevé par le « Contrat ». La décision de ne pas inclure de propositions contre le droit à l’avortement ou en faveur de la prière à l’école constitue la seule concession faite au principe de réalité politique et encore, elle doit sans doute plus au manque de cohésion au sein du groupe républicain qu’au fait que de telles mesures n’auraient pas pu être adoptées.
34En promettant d’agir sur un agenda politique aussi vaste, les Républicains s’exposaient aux accusations de publicité mensongère. Le document se targue de ne pas contenir de clauses « en petits caractères46 » qui viendraient nuancer le propos. Le contenu des propositions de loi révèle cependant la grande influence des groupes d’intérêts lorsqu’il a fallu donner du contenu aux titres alléchants de Frank Luntz47. Sous la direction de Dick Armey et de Joe Gaylord, les membres de la Chambre ont œuvré pour offrir des propositions de loi soi-disant prêtes à être adoptées. Tout à leur hâte de boucler leur travail à temps, ils ont en réalité repris tel quel une collection de propositions que les membres les plus influents de la coalition conservatrice, notamment les petites et moyennes entreprises, demandaient depuis des années48. La révolution conservatrice n’allait pas du passé faire table rase. Quarante années dans la minorité avaient laissé aux Républicains le temps d’accumuler un certain nombre de projets législatifs plus ou moins aboutis que les membres revisitent au moment de rédiger le « Contrat49 ».
35Malgré les assurances que cherche à donner le « Contrat », un immense astérisque institutionnel plane sur le texte. Les signataires sont candidats dans leur circonscription pour tenter d’apporter à leur parti une majorité à la Chambre basse du Congrès. L’électeur, et lecteur, peu attentif pourrait croire qu’en votant pour le candidat qui brandit le « Contrat », il lui offre la possibilité de le mettre en œuvre. La réalité institutionnelle et constitutionnelle est évidemment toute autre. L’article 1, section 7 est formel : « Tout projet de loi adopté par la Chambre des Représentants et par le Sénat devra, avant d’acquérir force de loi, être soumis au président des États-Unis50. » Deux obstacles vont donc venir gêner l’adoption du Contrat, le Sénat et le président.
36La majorité de la Chambre des représentants ne peut adopter aucune loi sans le consentement du président des États-Unis. Malgré son impopularité, le Président Clinton conserve l’ensemble des pouvoirs inhérents à sa fonction et notamment le droit d’opposer son veto à toute proposition de loi. Surmonter un tel veto requiert une majorité des deux tiers des membres de chaque chambre du Congrès, une perspective hautement irréaliste pour un parti alors encore minoritaire. De même, aucun projet de loi ne pourra être adopté sans le consentement du Sénat des États-Unis. Les candidats républicains au Sénat se sont tenus entièrement à l’écart de la rédaction du « Contrat avec l’Amérique. » Tous les efforts des collègues de Newt Gingrich, appuyés par Haley Barbour à la tête de l’appareil du parti, se sont concentrés sur la Chambre des représentants. De fait, le Sénateur Bob Dole, leader des sénateurs républicains, n’a aucun état d’âme à déclarer que les promesses des membres de la Chambre basse n’engagent que ceux qui y croient51.
37À défaut de « Contrat avec l’Amérique », le Sénateur Dole a lui aussi tenté de nationaliser les campagnes des candidats républicains au Sénat. Ils ont rédigé un autre document intitulé : « Sept de plus en 94 » (Seven More in ‘9452), une formule de l’éditorialiste conservateur William Safire un an avant l’élection dont le chiffre sept correspond au nombre de sièges que le GOP doit remporter pour retrouver le contrôle du Sénat. Dévoilé le 21 septembre, ce manifeste est aujourd’hui largement oublié tant il a été éclipsé par l’intense effort de médiatisation autour du « Contrat avec l’Amérique53 ». On y trouvait le même engagement à « respecter nos promesses devant le peuple Américain » et la même rhétorique empruntée à la tradition populiste54. Cependant, la comparaison des deux textes permet de révéler que les Républicains ne sont que superficiellement unis sur les grandes lignes de leur programme politique. Le Sénat apparaît moins ouvert à des changements radicaux. Les sénateurs n’ont ainsi pas repris les promesses sur la limitation des mandats ou la réforme de la responsabilité juridique des entreprises. L’absence de ces deux mesures phares pour deux factions importantes du mouvement conservateur semble suggérer que le Sénat sera sans doute moins avidement à l’écoute de certains groupes d’intérêts conservateurs qui ont l’oreille des leaders de la Chambre.
38Un mémorandum daté du 4 octobre 1994, révèle les sérieuses réserves de l’équipe du Sénateur Dole quant aux promesses fiscales du « Contrat ». « On peut difficilement expliquer comment un amendement constitutionnel imposant l’équilibre budgétaire (avec une majorité qualifiée pour des hausses d’impôts) et le droit de veto parcellaire pourrait compenser l’impact sur le déficit des baisses d’impôts cumulées à l’augmentation des dépenses pour la lutte contre la criminalité et la défense nationale55. » Un mois avant les élections, le chef des républicains du Sénat commence déjà à réfléchir à la manière dont il va devoir prendre Gingrich de vitesse pour éviter que la priorité de l’équilibre budgétaire soit mise en péril par une compétition entre les deux chambres sur la question des baisses d’impôts56. Les tensions entre les deux hommes et les deux chambres ne font que commencer.
39Le « Contrat avec l’Amérique », et dans une moindre mesure le programme « Sept de plus en ‘94 », ont donc servi à renouer les liens entre le mouvement conservateur et le Parti républicain. L’année 1964 avait marqué une nouvelle étape dans le mouvement de convergence entre le Parti républicain et la nébuleuse des groupes conservateurs. L’affaire du Watergate avait ralenti cette progression en 1974, mais la vague reaganienne avait montré la voie du succès électoral en 198057 et 1984. Reconnaissant l’héritage du quarantième président, Newt Gingrich expliquait plus tard : « Mon modèle est très simple. Reagan a défini ce qu’était le conservatisme moderne. La campagne de 94 en a fait une majorité58. » Avant de pouvoir analyser les actes de cette nouvelle majorité, il est indispensable de mieux connaître les hommes et les femmes qui la composent.
Le groupe républicain au 104e (1995-1996) et au 109e Congrès (2005-2006) : la révolution conservatrice au sein du parti
40« Les partis au Congrès existent pour servir les intérêts de leurs membres59. » L’équilibre institutionnel contraint les leaders de la révolution conservatrice à jouer à la fois le rôle de principal et d’agent vis-à-vis des membres de leur majorité. Mais une majorité à la Chambre et au Sénat des États-Unis ne peut se réduire à ses cadres. Avant d’être un bouillon de culture idéologique et un outil de production législatif, le Congrès des États-Unis est une institution humaine au sein de laquelle 540 individus60 doivent collaborer. On ne peut trop rappeler l’évidence de la dimension humaine du travail politique. Par bien des aspects, les partis politiques américains peuvent parfois se réduire à des marques ou des franchises distribuant leur popularité à des entrepreneurs indépendants. Une fois élus au Congrès, l’indépendance de ces entrepreneurs est rapidement mise à mal. La réalité institutionnelle les force bien souvent à rentrer dans le rang de leurs partis respectifs au sein de la Chambre et du Sénat. De ce point de vue, les efforts républicains durant la campagne de 1994 énonçaient préventivement cette réalité à leurs candidats et futurs élus.
41Pour comprendre les effets de l’exercice du pouvoir au Congrès sur la convergence entre mouvement conservateur et le Parti républicain, on a donc choisi de procéder à une comparaison des groupes parlementaires républicains en janvier 1995 et en janvier 2005. Les variations dans la composition de ces groupes à dix années d’intervalle sont évidemment liées aux cinq élections qui jalonnent la période. Avec cette étude de cohorte, il s’agira plutôt de dessiner un portrait de ces hommes et ces femmes lorsqu’ils s’emparent du pouvoir puis au moment où ils le cèdent. L’objectif d’une telle comparaison est de faire ressortir le degré de continuité et les changements au sein du parti au Congrès. Les deux instantanés révèlent l’impact de la coalition conservatrice dans la majorité républicaine aidant ainsi à retracer la trajectoire politique des révolutionnaires et de leur révolution.
Profil démographique
42Au lendemain des élections pour le 104e Congrès (1995-1996), le Parti républicain compte 52 sénateurs et 230 représentants. Leur majorité est renforcée de six sièges à la Chambre après le ralliement de cinq Démocrates61 et la victoire de Tom Campbell dans une élection partielle pour remplacer le démissionnaire Norman Mineta62 dans la quinzième circonscription de Californie. Au Sénat, le ralliement au GOP de deux Démocrates conservateurs Richard Shelby de l’Alabama puis Ben Nighthorse Campbell du Colorado sera atténué par l’arrivée du sénateur démocrate Ron Wyden de l’Oregon en remplacement du Républicain Bob Packwood contraint à la démission par des accusations de harcèlement sexuel63. La majorité républicaine sera donc de 53 sénateurs pour l’essentiel du 104e Congrès. Lors du 109e Congrès (2005-2006), les majorités sont de 55 Républicains au Sénat et 230 à la Chambre.
Un groupe vieillissant
43Les élections du 8 novembre 1994 amènent un groupe de 86 nouveaux représentants dont 73 Républicains. Ce nombre exceptionnel et le comportement inhabituel de ces freshmen vont focaliser l’attention des médias et des analystes. On les compare aux « Watergate Babies » : 75 nouveaux représentants démocrates élus en novembre 1974 qui ont beaucoup contribué à transformer le fonctionnement de la Chambre64. Comme leurs prédécesseurs Démocrates, les nouveaux arrivants se déclarent prêts à ignorer les conventions et les traditions pour mettre en pratique leurs promesses de rénovation politique65. Ils participent à tout le moins au renouvellement démographique de la Chambre des représentants. Au sein du camp républicain le contraste est assez net puisque la moyenne passe de 52,7 ans à 50,7 ans66. Parmi les 236 membres Républicains de la Chambre, 31 ont désormais moins de 40 ans. Ils n’étaient que 18 avant l’élection. Au Sénat, les 11 nouveaux sénateurs, tous Républicains, ne limitent pas vraiment le caractère vénérable de la Chambre haute puisque la moyenne passe de 58,7 ans à 58,2 ans.
44Lors du 109e Congrès, la moyenne d’âge générale est de 55 ans à la Chambre et 60,4 au Sénat67. Au sein du groupe républicain, la moyenne a grimpé pour atteindre 55,1 années à la Chambre et 60,8 années au Sénat. Contrairement à la vague de 1994, on compte seulement 25 nouveaux élus républicains à la Chambre et sept au Sénat ce qui contribue au vieillissement généralisé du Parti républicain au Congrès.
Une diversité réduite
45La nouvelle majorité élue en 1994, n’offre pas un reflet très fidèle de la diversité du peuple américain. La parité homme-femme serait un objectif bien utopique puisqu’il n’y a que 22 femmes sur les 289 Républicains membres du 104e Congrès, 18 à la Chambre et 4 au Sénat. Olympia Snowe est la seule sénatrice républicaine. Élue dans l’État du Maine, elle vient rejoindre les huit autres sénatrices toutes membres du Parti démocrate. Elle pourra voir ce chiffre augmenter de manière très légère au fil des ans. Le 109e Congrès compte 14 sénatrices dont 6 Républicaines. La trajectoire politique exceptionnelle de la sénatrice du Maine a fait d’elle un symbole du législateur modéré qui joue le rôle de pivot capable de négocier entre les deux partis68. Avec sa collègue du Maine, Susan Collins élue en 1996, et dans une moindre mesure leur collègue Lisa Murkowski de l’Alaska, elles représentent une tendance moins conservatrice au sein du GOP. Ce positionnement est avant tout la conséquence du profil modéré des électeurs du Maine mais on peut aussi y voir un écho à celui des femmes au sein de l’électorat républicain, qui tendent à être moins conservatrices69.
46En ce qui concerne les minorités ethniques, le constat est encore plus sévère. En 1994, 230 des 236 membres républicains de la Chambre sont blancs. Bien que, selon le recensement de 199070, les Afro-Américains représentent plus de 8 % de la population, ils ne sont que 2 représentants noirs dans la nouvelle majorité républicaine. Au 109e, il n’y a tout simplement plus aucun Afro-Américain au sein du groupe républicain. Cette absence remarquable reflète les énormes difficultés du GOP à convaincre les électeurs Afro-Américains71. Les autres minorités sont tout aussi peu représentées puisque seuls 6 membres du parti à la Chambre ne sont pas blancs. L’élection du nouveau sénateur de Floride, Mel Martinez, issu de l’immigration cubaine permet d’éviter que la majorité républicaine au Sénat soit exclusivement blanche.
47Dans sa composition, le Parti républicain qui entame sa révolution en 1994 et conserve presque sans interruption le contrôle du Congrès jusqu’en janvier 2007, ne représente donc pas le peuple américain. Bien entendu, le principe représentatif ne requiert pas nécessairement que les hommes, et les rares femmes, censés représenter leurs concitoyens aient la même apparence, ou la même origine socio-culturelle. Malgré cela, le symbole d’un parti d’hommes âgés blancs amène nécessairement à poser la question de la représentativité de la majorité républicaine à l’échelle de la nation. Le manque de représentativité peut également se révéler problématique lorsqu’il s’agit de combattre des éventuelles accusations de cooptation par le système.
Professionnalisation
48Le vieillissement et le manque persistant de diversité au sein du groupe républicain au Congrès étaient prévisibles lorsque l’on sait que les sortants ont tendance à s’installer dans des carrières longues. Les équilibres, ou déséquilibres, initiaux en termes de composition sont donc largement conservés d’un Congrès à l’autre. Le faible renouvellement des membres Républicains du Congrès ne manque pourtant pas d’interroger car les hommes et femmes politiques qui se font élire en 1994 avaient promis d’être différents. Leur rhétorique de citoyens-législateurs libres de toute attache, et donc immunisés face à la redoutée « fièvre du Potomac72 », sera progressivement écartée au profit de discours sur les bienfaits de leur expérience. Entre le 104e et le 109e Congrès, l’ancienneté moyenne des membres du Congrès est passée de 7,5 à 9,3 ans pour les représentants et de dix à douze ans pour les sénateurs. De fait, sur les 73 nouveaux représentants et 11 sénateurs républicains élus pour la première fois en novembre 1994, il en reste encore 32 à la Chambre basse et six à la chambre haute73. De manière symptomatique, près de la moitié des révolutionnaires s’accroche donc toujours au pouvoir après dix ans de règne. La relative stabilité au sein des majorités républicaines ne doit pourtant pas masquer la poursuite d’évolutions antérieures très importantes quant à la répartition géographique du GOP sur le territoire.
Géographie
49Dans un contexte où les effectifs globaux de la majorité restent relativement stables sur une décennie, il convient de s’interroger sur les évolutions au sein de cette majorité. Pour comprendre les évolutions du Parti républicain au Congrès entre le 104e et le 109e Congrès, il est nécessaire de s’intéresser à la géographie électorale américaine. L’étendue du territoire et la dispersion de la population contribuent de manière essentielle au fonctionnement du système fédéral. Il est ainsi très difficile de généraliser l’évolution politique américaine à l’échelle nationale Pour éviter de passer en revue chaque État et chaque circonscription, les analystes ont coutume de subdiviser le territoire américain en diverses régions politiques regroupant certains États qui possèdent des caractéristiques historiques, culturelles et politiques communes. Ces régions sont des construits analytiques au sein desquels on note d’importantes distinctions, mais la catégorisation permet de faire apparaître des tendances intéressantes. Les développements qui suivent sont basés sur la typologie des politologues Earl Black et Merle Black qui divisent le pays en cinq régions : le Sud, le Nord-Est, le Midwest, l’Ouest et le Pacifique74. Il s’agit désormais d’étudier les fortunes relatives du GOP dans chacune de ces régions.
Progressions républicaines
50Le Sud représente peut-être la région américaine la plus homogène politiquement. Elle regroupe les onze États confédérés durant la guerre de Sécession plus le Kentucky et l’Oklahoma75. Entamée au niveau présidentiel, la stratégie sudiste du GOP a mis beaucoup de temps pour atteindre le Congrès76. L’histoire des efforts du Parti de l’éléphant pour redevenir compétitif dans cette région a déjà été évoquée plus haut. Ils commencent à véritablement porter leurs fruits en 1994. 23 nouveaux représentants républicains sont élus dans le Sud. Sur les 137 représentants du Sud à la Chambre, 78 sont Républicains. Pour la première fois les Républicains obtiennent donc une majorité des sièges (57 %) dans le Sud des États-Unis. Avec un tiers des représentants républicains, les élus GOP du Sud forment le plus gros groupe régional au sein de la majorité.
51Au Sénat, les résultats sont comparables puisque sur les 26 sénateurs du Sud, plus de la moitié sont Républicains dont 3 nouveaux élus77. Les 16 sénateurs républicains élus dans le Sud représentent un peu moins d’un tiers du groupe au Sénat au 104e Congrès. Cette tendance va se renforcer au fil de la période puisqu’ils sont 22 sénateurs républicains du Sud au 109e Congrès. Symbole des difficultés grandissantes du Parti de l’âne dans la région78, cinq sénateurs démocrates du Sud avaient décidé de ne pas se représenter en 200479 laissant le champ libre à l’adversaire. En 2005, il ne reste donc plus que quatre Démocrates sur les 26 sénateurs qui représentent ces États80. On assiste à une progression similaire à la Chambre. En 2005, sur les 14281 représentants du Sud à la Chambre, on compte non moins de 91 Républicains soit 65 %.
52Au vu de ces chiffres, on comprend mieux l’importance du Sud au sein du parti. Il n’est ainsi pas surprenant de constater que l’écrasante majorité des cadres républicains au Congrès viennent du Sud. Le triumvirat formé par le Géorgien Newt Gingrich et les Texans Dick Armey et Tom DeLay en offre un exemple éloquent. Au Sénat, Bob Dole fait figure d’exception mais, en 1996, le sénateur du Kansas est remplacé par Bill Frist, sénateur du Tennessee lui-même secondé par Mitch McConnell, sénateur du Kentucky. La marginalisation du Parti démocrate dans le Sud constitue sans doute l’évolution politico-électorale la plus marquante de la fin du xxe siècle. Un tel bouleversement ne peut manquer de fasciner les observateurs. Pour autant, les majorités républicaines du Congrès ne se sont pas construites que dans le Sud.
53Lorsqu’il s’agit d’étudier la coalition républicaine, on a parfois tendance à négliger une autre région dominée par le Parti de l’éléphant : le Midwest82. Ces États représentent un bastion historique, le véritable lieu de naissance du GOP83. En 1995, les élus républicains de cette région constituent le second groupe le plus important au sein de la majorité. Avec 52 représentants sur les 98 qui viennent du Midwest, le Parti républicain détient une courte majorité dans cette région. Dix ans plus tard, cette majorité est un peu plus nette puisque les Républicains sont parvenus à récupérer trois sièges de plus tandis que le Midwest dans son ensemble en perdait cinq. Le parti consolide donc sa position à la Chambre pour représenter une région où se jouent les équilibres fondamentaux du politique américain84.
54Au Sénat l’évolution est cependant moins positive. Entre 1995 et 2005, le GOP passe de 8 sénateurs sur 18 à 7 sénateurs sur 18. Aucun parti ne semble véritablement parvenir à s’installer durablement dans une position dominante dans la région. Les délégations sénatoriales paraissent refléter les équilibres de l’élection présidentielle. Les États de la région qui votent démocrate aux présidentielles élisent des sénateurs démocrates et réciproquement pour les Républicains85. Les états charnières (swing states) que sont l’Iowa et l’Ohio partagent leur délégation en fonction du contexte électoral.
55Le fait que les Républicains ne soient pas parvenus à une position hégémonique dans cette région renforce son importance à court terme. Les deux partis consacrent beaucoup de temps et d’énergie à tenter de prendre l’ascendant sur l’adversaire dans des scrutins toujours serrés. À long terme, la diminution constante de la population de la région risque cependant de diminuer progressivement son intérêt stratégique. Dans une large mesure, les flux migratoires actuels profitent déjà aux délégations des États du Sud mais aussi celles de l’Ouest.
À l’Ouest, rien de nouveau
56La région de l’Ouest contient deux zones géographiquement distinctes puisqu’elle englobe les grandes plaines et les grandes chaînes montagneuses pour s’arrêter juste avant les États qui bordent l’océan Pacifique86. En 1995 comme en 2005, cet ensemble disparate contribue fortement aux majorités républicaines.
57La faible densité de population dans les États de l’Ouest fait qu’ils ne sont que 31 membres de la Chambre pour représenter la région en 1995. Ces États connaissent cependant une forte poussée démographique qui leur a permis d’augmenter leur nombre de représentants pour en compter 35 en 2005. Les Républicains dominent sans partage. Avec 25 représentants en 1995 et 26 en 2005, le GOP contrôle près de 80 % de ces délégations. Cela permet aux représentants des États de l’Ouest de peser dans le parti d’une manière non commensurable à la taille de leurs circonscriptions.
58Les problématiques démographiques n’influent bien sûr aucunement sur la représentation au Sénat. En 1995, les 15 sénateurs républicains de cette région sont presque aussi nombreux que ceux du Sud. En 2005, ils sont 16 républicains sur les 24 sénateurs que compte la région. La progression est insuffisante pour contester la domination des Sudistes mais elle démontre la solidité du soutien républicain dans la région. Il serait théoriquement possible pour le GOP de construire une majorité au Sénat des États-Unis en remportant tous les sièges de sénateurs dans les États du Sud et de l’Ouest. Ce scénario chimérique montre à quel point les États de l’Ouest jouent un rôle essentiel pour le contrôle de la Chambre haute.
Reculs républicains
59Entre 1994 et 2005, le Parti républicain va s’affaiblir dans les deux dernières régions de notre liste. La région pacifique ne compte que 5 États87 mais elle inclut la Californie. L’État le plus peuplé de l’Union est représenté par 26 élus républicains après les élections de 1994. Ces élections marquent pourtant le début d’un déclin relatif dans une région où les Démocrates profitent de l’augmentation de la proportion d’électeurs issus des minorités ethniques ainsi qu’une forte densité de population dans les zones urbaines88. En Californie, cela se traduit par une diminution de la délégation républicaine à 19 membres dix ans plus tard. La tendance est encore plus sévère dans l’État de Washington où le GOP perd la moitié de ces représentants. Ils ne sont plus que 3 élus républicains pour représenter cet État à la Chambre en 2005. Au Sénat, ils ne restent également plus que 3 Républicains pour représenter l’ensemble de la région Pacifique en 2005, un de moins qu’en 199589. Le déclin républicain se confirme au niveau de la région puisque les représentants républicains passent d’une très courte majorité de 36 représentants sur 69 en 1995 à une minorité de 24 sur 70 en 2005.
60Depuis l’élection de Bill Clinton en 1992, la région Pacifique est devenue le premier des deux bastions démocrates. La région Nord-Est90 constitue le second. Le déclin républicain dans le Nord-Est est étonnant car, historiquement, le succès électoral du GOP s’était bâti sur sa popularité dans cette région. Les rôles respectifs ont été inversés mais il semble que, 130 ans après la fin de la guerre de Sécession, les affiliations partisanes du Nord et du Sud continuent de diverger. En 1995, les Républicains détiennent encore 45 des 100 sièges du Nord-Est à la Chambre. Une décennie plus tard, les États du Nord-Est ne comptent plus que 95 représentants dont 35 Républicains. L’avenir du Parti de l’éléphant en Nouvelle-Angleterre paraît particulièrement compromis. En 2005, le GOP ne possède plus d’élus à la Chambre pour représenter les États du Maine, du Vermont, du Rhode Island et du Massachusetts. On observe une évolution similaire au Sénat où le groupe républicain passe de 10 à 7 sénateurs sur les 22 que compte la région91.
61Entre 1994 et 2005, il y a donc un réalignement géographique au sein du GOP. La nouvelle répartition des forces républicaines au Congrès est extrêmement importante car les régions que nous avons identifiées possèdent chacune des caractéristiques idéologiques propres. Sans surprise, le déclin du Nord-Est et du Pacifique par rapport au Sud et au Midwest ne peut donc s’opérer sans influer sur le positionnement politique du parti.
Idéologie
62Les élus républicains de 1994 se présentent comme des révolutionnaires. Leur conservatisme se veut bien plus radical que celui de leurs prédécesseurs. De tels discours ne peuvent cependant pas constituer le seul marqueur de leur positionnement sur l’échiquier politique. Pour mesurer l’idéologie relative des membres du Congrès, il a longtemps fallu se contenter d’un système de notes décernées par des groupes d’intérêts. Le principe était assez simple : sur un certain nombre de votes importants pour eux, les groupes d’intérêts déterminaient s’il fallait voter pour ou contre la proposition de loi. Ils vérifiaient ensuite le vote de chaque représentant et leur attribuaient un bon ou un mauvais point. En faisant le total de ces votes, ils parvenaient à donner une note sur 100 qui offrait un aperçu du degré de soutien de chaque législateur pour leur cause92.
63Outre le caractère forcément partial de cet outil, force est de constater qu’il ne permet pas de mesurer l’écart dans le temps. Le positionnement de chaque législateur est toujours relatif à un vote précis. Pour surmonter cette difficulté, les politologues américains Keith Poole et Howard Rosenthal ont créé un outil statistique capable de mesurer le placement relatif des membres du Congrès les uns par rapport aux autres93. Ces scores appelés DW-NOMINATE94 sont basés sur une représentation spatiale du politique dans lequel chaque législateur est supposé occuper une position idéelle (ideal point) en fonction des positions qu’il a prises sur chaque vote. En compilant tous les votes de tous les législateurs ayant jamais servi au Congrès des États-Unis depuis 1789, Poole et Rosenthal sont parvenus à développer une mesure plus fiable de l’idéologie relative des membres du Congrès au sein de chaque Congrès mais également entre les Congrès95.
64La première dimension96 de l’indice DW-NOMINATE est utilisée pour attribuer à tous les élus de la Chambre et du Sénat un score sur une échelle entre -1 et +1 où -1 représente la position la plus progressiste et +1 la position la plus conservatrice. Cet outil est devenu au fil des ans une référence incontournable dans les travaux de sciences politiques sur le Congrès américain. Les développements qui suivent sont donc basés sur l’exploitation des scores DW-NOMINATE des membres Républicains du 104e et 109e Congrès97. Pour faciliter la lecture on aura tendance à décrire ces scores comme des indicateurs entièrement fiables et clairs de l’idéologie des Républicains tout en restant tout à fait conscient des limites conceptuelles de cet outil98.
Montée en puissance des conservateurs
65On aurait pu imaginer que, confrontés à la réalité de l’exercice du pouvoir, les insurgés se soient assagis avec les années. Pourtant, contrairement aux stéréotypes véhiculés par l’image de la « fièvre du Potomac », les mesures de leur idéologie étudiées ci-après démontrent que leurs années d’expérience au sein du Congrès ne semblent pas inciter les Républicains à plus de modération. Les Républicains de la Chambre et du Sénat sont en moyenne plus conservateurs en 2005 qu’en 1995. La tendance se retrouve dans chaque région. À la Chambre, les Républicains de l’Ouest obtiennent en moyenne les scores les plus conservateurs devant les Républicains du Sud, du Pacifique et du Midwest. Les Républicains du Nord-Est obtiennent les scores les plus modérés. L’ordre est le même en 2005 mais toutes les délégations républicaines à la Chambre sont devenues plus conservatrices.
66Les scores DW-NOMINATE permettent de confirmer certains a priori. Ainsi, en 1995 comme en 2005, les membres Républicains de la Chambre semblent, en moyenne, plus conservateurs que leurs collègues sénateurs. En 1995 et encore en 2005, les sénateurs républicains du Sud forment le groupe le plus conservateur de la chambre haute. Les sénateurs du Nord-Est sont les plus modérés des Républicains en 1995. Leur score pratiquement inchangé en 2005 les éloigne encore un peu plus du centre de gravité du parti devenu plus conservateur. Seul le petit groupe des sénateurs républicains du Midwest semble aller à contre-courant puisque les sept élus de la région de 2005 sont en moyenne moins conservateurs que les huit sénateurs républicains de 1995.
67En isolant les nouveaux élus républicains de 1994 à la Chambre et au Sénat, on remarque que, conformément à leurs discours, leurs votes les placent très clairement dans le camp conservateur. De manière plus surprenante, les nouveaux élus de 2004, groupe plus réduit et beaucoup moins étudié, sont en moyenne plus conservateurs que les révolutionnaires de Newt Gingrich.
68Il semble donc possible d’imaginer que la trajectoire du Parti républicain est affectée par l’arrivée de nouveaux élus toujours plus conservateurs que leurs prédécesseurs. Dans cette hypothèse, le conservatisme grandissant du Parti républicain au Congrès serait exogène puisqu’inspiré par l’influx électoral. Cependant, le même mouvement opère aussi au sein du Congrès. En effet, les membres Républicains élus en 1994 et qui sont encore au Congrès en 2005 semblent être devenus en moyenne plus conservateurs au fil de la décennie. À la seule exception du Sénateur DeWine de l’Ohio, tous les sénateurs républicains élus en 1994 se sont positionnés de manière plus conservatrice durant le 109e Congrès par rapport au 104e. La tendance se retrouve également chez chacun des 30 représentants républicains de la même cohorte. Un tel parallélisme entre les deux chambres amène certains politologues à écarter le découpage électoral comme facteur de polarisation partisane99 tandis que d’autres y voient la conséquence de l’arrivée au Sénat d’anciens membres de la Chambre rompus aux tactiques de Newt Gingrich100. Trent Lott, sénateur du Mississippi et leader de la majorité républicaine à la suite de Bob Dole, déclare ainsi s’appuyer sur son expérience à la Chambre101 ainsi que sur un groupe d’anciens collègues conservateurs l’ayant rejoint au Sénat102.
Quelle place pour les modérés ?
69La radicalisation du GOP pose évidemment de sérieux problèmes aux membres modérés du parti. Pour évaluer la portée de la révolution conservatrice au sein du parti de l’éléphant, il suffit d’étudier le sort des cinq Républicains les plus modérés du Sénat au 104e Congrès.
70Si l’on en croit les scores DW-NOMINATE, Jim Jeffords, sénateur du Vermont, était le Républicain le moins conservateur de la chambre haute103. Après avoir passé toute sa carrière dans le camp républicain, le 24 mai 2001 il décide d’annoncer qu’il quitte le parti pour devenir officiellement indépendant104. À défaut de rejoindre officiellement le Parti démocrate, il décide de s’associer à leurs réunions à des fins d’organisation. Le Sénat étant alors divisé à parts égales avec 50 sénateurs de chaque parti, cette défection permet aux Démocrates de retrouver une très courte, et temporaire, majorité.
71Au moment de se justifier, le Sénateur Jeffords explique qu’il ne trouve plus sa place dans un Parti républicain désormais contrôlé par les conservateurs. Il présente l’élection de George W. Bush comme un moment charnière et explique qu’il refuse de taire des désaccords avec l’administration sur le financement des programmes d’éducation et les baisses d’impôts105. Il aurait été particulièrement outré par la décision de la Maison-Blanche et de la majorité sénatoriale de refuser d’inclure dans le budget alors en discussion à la Chambre 200 millions de financements supplémentaires pour l’éducation des enfants handicapés, un programme qu’il avait toujours défendu avec véhémence106. À force d’occuper des positions idéologiques éloignées de celles de la majorité de ses collègues, sa présence au sein du groupe républicain était devenue difficile107. Après sa défection, le Sénateur Lott est l’un des premiers à sonner la charge. Dans un mémorandum adressé aux « leaders d’opinion républicains », mais distribué à la presse108, il critique un « coup d’état perpétré par une seule personne » qui « va à l’encontre de la volonté du peuple américain » clairement exprimée dans les urnes109.
72En 1995, Mark Hatfield avait déjà connu ce même type de pression. Le sénateur de l’Oregon avait refusé de voter en faveur de l’adoption d’un amendement imposant à l’État fédéral d’équilibrer son budget. Sa décision avait provoqué l’ire de ses collègues conservateurs. Il aurait alors offert sa démission au Sénateur Dole qui l’aurait refusée110 et continué à le protéger après avoir échoué à le convaincre de voter pour le texte111. Un mémorandum de la chef de cabinet de Dole évoque cependant la « trahison » du Sénateur Hatfield et les éventuelles conséquences d’une démission de sa part. Le document relate aussi comment les autres membres républicains de la commission qu’il présidait avait tenté de le démettre de ses fonctions112. Le même mémorandum explique enfin qu’à défaut de lui retirer la présidence de la commission, Bob Dole pourrait l’exclure de certains comités ou remettre en cause les responsabilités qui lui étaient confiées.
73Les tensions autour de l’échec de cet amendement constitutionnel auraient incité le troisième sénateur républicain le plus modéré à ne pas se représenter aux élections de 1996. Au moment d’expliquer sa retraite surprise, le relativement jeune sénateur du Maine, William Cohen, évoque sa frustration devant l’écart grandissant entre les deux partis113. Les modérés souffrent donc de tentatives internes au Sénat d’essayer de les contraindre à suivre la ligne conservatrice fixée par la majorité des sénateurs républicains. Les pressions s’exercent cependant également à l’extérieur de la Chambre par le biais des élections. Le Sénateur Chafee du Rhode Island en fera les frais en 2006 lorsque les électeurs de cet État progressiste lui préfèrent le candidat démocrate. Il décide après cette défaite de quitter le Parti républicain pour devenir indépendant et se fait élire gouverneur en 2011114. Le cinquième sénateur républicain le plus modéré en 1994 n’est autre qu’Arlen Specter. Après l’élection de Barack Obama en novembre 2008, le sénateur de Pennsylvanie décide de quitter le Parti républicain pour le Parti démocrate. Les électeurs de son nouveau parti lui refusent pourtant leurs suffrages lors de la primaire démocrate en 2010115.
74En ajoutant les défections des sénateurs démocrates conservateurs Richard Shelby, de l’Alabama et Ben Nighthorse Campbell du Colorado devenus Républicains, on obtient un premier aperçu convaincant des forces qui poussent les partis au Congrès à s’éloigner du centre. Du côté républicain, les conservateurs sur la colline du Capitole et dans les diverses régions sont parvenus entre 1995 et 2005 à clarifier le positionnement idéologique de leur parti en écartant progressivement leurs collègues les plus modérés. Si l’on s’attache uniquement à la composition du GOP au Congrès, le succès des révolutionnaires conservateurs paraît total. Il faut voir à présent quelle est sa traduction au niveau des politiques publiques.
Notes de bas de page
1 En novembre 1994, seuls 34 % des électeurs sondés par l’institut Gallup déclaraient avoir entendu parler du « Contrat avec l’Amérique ».
2 American Political Science Association Committee on Political Parties, « Toward a More Responsible Two-Party System: A Report of the Committee on Political Parties », American Political Science Review, vol. 44/3, 1950, p. Supplement.
3 Wattenberg M., The Rise of Candidate-Centered Politics: Presidential Elections of the 1980s, Cambridge, Harvard University Press, 1991, 186 p.
4 Loomis B., The new American politician: ambition, entrepreneurship, and the changing face of political life, New York, Basic Books, 1988, p. 28-29.
5 Seelye K., « With Fiery Words, Gingrich Builds His Kingdom », The New York Times, 27 octobre 1994.
6 Parmi eux, les cadres conservateurs qui soutiennent Newt Gingrich : Jim Nussle, représentant de la deuxième circonscription de l’Iowa ainsi que trois de ses collègues de l’Ohio, John Boehner de la huitième circonscription, Martin Hoke de la dixième et John Kasich de la douzième circonscription. Major Garrett, op. cit., p. 53.
7 Le journaliste Major Garrett insiste sur le rôle prépondérant de Dan Meyer et Len Swineheart. Garrett M., op. cit., p. 69.
8 Wolfensberger D., op. cit., p. 162.
9 Armey R., op. cit., p. 11.
10 Contract with America: the bold plan by Rep. Newt Gingrich, Rep. Dick Armey and the House Republicans to change the nation, op. cit.
11 Wolfensberger D., op. cit., p. 163.
12 Balz D. et Brownstein R., op. cit., p. 30.
13 Garrett M., op. cit., p. 73-74.
14 Gillon S., op. cit., p. 57.
15 L’organisation GOPAC avait été fondée en 1978 par treize gouverneurs Républicains dont Pete DuPont du Delaware. Jerry Gray, « Gingrich Cuts Ties to Gopac, A Party Coffer », The New York Times, mai 1995. Elle est organisée sous le régime des Comités d’action politique (Political Action Committee). Ce statut juridique permet de recevoir des donations et de contribuer aux campagnes des candidats dans le cadre fourni par la loi FECA (Federal Election Campaign Act) de 1971 et ses révisions ultérieures. Sur les questions complexes du financement de la vie politique américaine, le lecteur peut consulter Davidson R., Oleszek W. et Lee F., op. cit., p. 69-81. Pour une description actualisée suite à l’importante décision de la Cour suprême dans l’arrêt Citizens United c. Federal Election Commission le 21 janvier 2010 voir notamment Hasen R., « Citizens United and the Illusion of Coherence », Michigan Law Review, vol. 109, 2011, p. 581-624.
16 Killian L., The Freshmen: What Happened to the Republican Revolution, Basic Books, 1999, p. 25-26.
17 La vidéo de l’événement retransmis en direct par la chaîne parlementaire (CSPAN) est visible à cette adresse : [http://www.c-spanvideo.org/program/62105-1], consulté le 27 février 2012. « Republican Freshmen Orientation », Baltimore, 1994.
18 Strahan R., Leading Representatives: The Agency of Leaders in the Politics of the U.S. House, The Johns Hopkins University Press, 2007, p. 146.
19 Ibid., p. 143.
20 Brownstein R., op. cit., p. 142.
21 Wolfensberger D., op. cit., p. 154.
22 Dans l’ordre elles deviennent les propositions 5, 4, 3 et 1. Contract with America: the bold plan by Rep. Newt Gingrich, Rep. Dick Armey and the House Republicans to change the nation, op. cit., p. 8-9.
23 Proposition 2, Contract with America: the bold plan by Rep. Newt Gingrich, Rep. Dick Armey and the House Republicans to change the nation, op. cit.
24 Proposition 6, ibid.
25 Proposition 7, ibid.
26 Proposition 8, traditionnellement, les discussions sur les évolutions des dépenses se font en comparaison de projections sur ce que serait le niveau de dépense à politique constante. Du fait de l’inflation et de l’augmentation de la population, cette « base » est généralement plus élevée d’une année sur l’autre. Les Républicains proposent d’adopter le concept de « base budgétaire zéro » (zero-base budgeting). Cette convention développée initialement dans le secteur privé par Texas Instrument avait été adoptée par Jimmy Carter lorsqu’il était gouverneur de la Géorgie. En permettant de réviser chaque année les dépenses en imaginant que l’on repart de zéro, l’idée est d’amener un regard continuellement critique sur la nécessité de la dépense. Taylor G., « Introduction to Zero-Base Budgeting », The Bureaucrat, vol. 6/1, Spring 1977, p. 33-55.
27 The National Security Restoration Act. Contract with America: the bold plan by Rep. Newt Gingrich, Rep. Dick Armey and the House Republicans to change the nation, op. cit.
28 The Fiscal Responsibility Act, ibid.
29 Le veto parcellaire (line-item veto) désigne un ensemble de propositions de réformes législatives ou constitutionnelles qui visent à confier au président le pouvoir d’exercer son droit de veto sur seulement une partie d’une proposition de loi plutôt que devoir signer ou opposer son veto à l’ensemble du texte. En théorie, le président pourrait alors utiliser ce droit de veto parcellaire pour refuser les financements de projets qu’il juge trop coûteux et ainsi combattre limiter les dépenses.
30 Cette pratique dite du « log-rolling » leur permet de distribuer des crédits fédéraux à des projets spécifiques qui ne bénéficieront sans doute qu’aux habitants de leurs circonscriptions par un fléchage de la dépense dans la loi (earmark) qui s’impose, de fait, à l’exécutif.
31 Les défenseurs les plus fervents des théoriciens de l’offre comme Jack Kemp déclaraient préférer des baisses d’impôts à l’équilibre budgétaire. En parallèle, les néo-conservateurs paraissent prêts à sacrifier l’équilibre budgétaire pour financer de lourds investissements dans les programmes de défense nationale.
32 The Citizen Legislature Act. Contract with America: the bold plan by Rep. Newt Gingrich, Rep. Dick Armey and the House Republicans to change the nation, op. cit.
33 The Taking Back our Streets Act. Contract with America: the bold plan by Rep. Newt Gingrich, Rep. Dick Armey and the House Republicans to change the nation, op. cit.
34 The Job Creation and Wage Enhancement Act. Ibid.
35 Ils appellent ce mécanisme « règle du qui perd paye » (Loser Pays Rule). Sur les origines britanniques de ce concept popularisé dans l’Administration Bush ainsi que le recul éventuel des Républicains sur cette question voir Rowe T., « Indemnity or Compensation – The Contract with America, Loser-Pays Attorney Fee Shifting, and a One-Way Alternative », Washburn Law Journal, vol. 37, 1997, p. 317.
36 Common Sense Legal Reform Act. Contract with America: the bold plan by Rep. Newt Gingrich, Rep. Dick Armey and the House Republicans to change the nation, op. cit.
37 Ibid.
38 The Personnal Resonsibility Act. Ibid.
39 The Family Reinforcement Act. Contract with America: the bold plan by Rep. Newt Gingrich, Rep. Dick Armey and the House Republicans to change the nation, op. cit.
40 The American Dream Restoration Act, ibid.
41 The Senior Citizens Fairness Act, ibid.
42 The American Dream Restoration Act, ibid.
43 Drew E., Showdown: The Struggle Between the Gingrich Congress and the Clinton White House, New York, Simon & Schuster, 1997, p. 29.
44 Gillon S., op. cit., p. 59.
45 Balz D. et Brownstein R., op. cit., p. 339.
46 Contract with America: the bold plan by Rep. Newt Gingrich, Rep. Dick Armey and the House Republicans to change the nation, op. cit., p. 7.
47 Drew E., op. cit., p. 30.
48 Ibid., p. 31.
49 De fait, le recyclage législatif est une constante au Congrès des États-Unis. Il ne saurait en être autrement dans une assemblée où la quasi totalité des propositions de loi ne sont jamais adoptées. À titre d’exemple, 6903 propositions de loi ont été déposées lors de la première session du 112e Congrès. 90 ont été finalement adoptées. « Résumé of Congressional Activity », Congressional Record – Daily Digest, mars 2012, p. D210.
50 Deysine A., op. cit., p. 8.
51 Don Fierce déclare se souvenir que : « En 94, le Sénat ne voulait pas signer le “Contrat avec l’Amérique” avec lequel ils ne voulaient rien à voir. [...] Ma mission était de gérer la Chambre et le Sénat. Lors de la première réunion, Bob Dole a pris la parole : “Contrat avec l’Amérique ? Je ne sais pas à qui est ce contrat mais ce n’est pas le mien et ce n’est pas le nôtre.” Tous les sénateurs ont applaudi. » Entretien avec l’auteur.
52 Series 1. Legislative Relations. Sub-series 1. Assistant Leader Files. Box 11. Folder 7. Robert J. Dole Institute of Politics Archive, University of Kansas, « Senate Papers – Leadership Collection », Lawrence, 1994.
53 Langdon D., « “Contract” dwarfs Senate GOP’s pledge. », Congressional Quarterly Weekly Report, vol. 53/8, 1995, p. 578.
54 Kazin M., op. cit., p. 13.
55 « Memorandum to the Republican Leader » par David Taylor. 4 octobre 1994. Box 272. Folder 5. Robert J. Dole Institute of Politics Archive, University of Kansas, op. cit.
56 Ibid.
57 « La “révolution” politique manifeste au niveau électoral en 1994 peut être analysée comme une évolution qui étend les résultats de 1980 », Burden B. et Clausen A., « The Unfolding Drama : Party and Ideology in the 104th House » in Weisberg H. et Patterson S., op. cit., p. 153.
58 « The Republican Revolution at 10: Lasting Legacy or Faded Vision? » A Congress Project Roundtable Discussion », éd. Woodrow Wilson International Center for Scholars, 2005.
59 Smith S., Roberts J. et Vander Wielen R., The American Congress, New York, Cambridge University Press, 2009, p. 122.
60 100 sénateurs, 435 représentants plus cinq délégués représentant Washington, D.C., Guam, les Îles Vierges, les Îles Samoa américaines, et les Îles Mariannes. Le territoire de Porto Rico est représenté par un commissaire résident (resident commissioner) élu pour quatre ans. Les délégués et le commissaire résident peuvent participer aux travaux des commissions et aux votes procéduraux mais ne peuvent s’exprimer au moment de voter pour ou contre une proposition de loi.
61 Greg Laughlin, 14e circonscription du Texas ; Nathan Deal, 9e circonscription de Géorgie ; W.J. « Billy » Tauzin et Jimmy Hayes, représentant respectivement la 3e et 7e circonscription de Louisiane ; Mike Parker, 4e circonscription du Mississippi. « 104th Congress Ushers in New Era of GOP Rule », CQ Almanac 1995, éd. Congressional Quarterly, Washington, D.C., Congressional Quarterly, 1996.
62 L’ancien maire de San José quitte le Congrès après 21 ans pour rejoindre Lockhead Martin. « For Congressman, It’s Time to Leave », The New York Times, 12 septembre 1995. En 2000, le président Clinton le nomme Secrétaire au commerce. Il devient alors le premier membre du Cabinet issu de l’immigration asiatique. Marc Lacey, « First Asian-American Picked for Cabinet », The New York Times, 30 juin 2000. Il servira ensuite le Président George W. Bush pendant cinq années comme Secrétaire aux transports. Wald M., « Transportation Chief Quits, Citing “Other Challenges” », The New York Times, 24 juin 2006.
63 Chen E., « Senator Packwood resigns », Los Angeles Times, 8 septembre 1995.
64 Loomis D., op. cit.
65 Killian L., op. cit., p. 22.
66 Les élections de 1992 avaient déjà permis un renouvellement conséquent qui avait déjà rajeuni les rangs des Républicains de la Chambre. La moyenne d’âge était passée de 53.6 ans à 52.1 ans. Les données sur les moyennes d’âges des membres Républicains du Congrès depuis 1949 ont été analysées par des journalistes du Wall Street Journal. Seib G. et Fehrenbach D, « In With the New – and Young – Republicans », Wall Street Journal, 6 janvier 2011. Elles sont accessibles à cette adresse : [http://online.wsj.com/article/SB10001424052748704835504576059582025431402.html#project%3DCONGRESS_AGES_1009%26articleTabs%3Dinteractive], consulté le 4 mars 2015.
67 Mildred A., « Membership of the 109th Congress: A Profile », Washington, D.C., Congressional Research Service, 2006, p. 6, p. 2.
68 Olympia Snowe a annoncé le 28 février 2012 sa décision surprise de ne pas se représenter aux élections de 2012. Pour expliquer son départ, elle a cité les difficultés à travailler dans une atmosphère toujours plus partisane. Steinhauer J., « Snowe Opts Not to Seek Re-election In Maine », The New York Times, 29 février 2012, p. A12.
69 Black E. et Black M., op. cit., p. 18-23.
70 Atlas Des Etats-Unis: Les Paradoxes De La Puissance, Atlande, p. 129.
71 Black E. et Black E., op. cit., p. 11.
72 La « Potomac fever » est un motif créé pour dénoncer le changement des représentants et des sénateurs que la vie à Washington éloigne des préoccupations et du contrôle de leurs représentants. Barrett G., Hatchet Jobs and Hardball: The Oxford Dictionary of American Political Slang, New York, Oxford University Press, p. 208-209.
73 Mike DeWine de l’Ohio, William « Bill » Frist du Tennessee, Jon Kyl de l’Arizona, Rick Santorum de Pennsylvanie, Olympia Snowe du Maine, et Thomas Craig du Wyoming.
74 Black E. et Black M., op. cit., p. 40-41.
75 Caroline du Sud, Mississippi, Floride, Alabama, Géorgie, Louisiane, Texas, Virginie, Arkansas, Tennessee et Caroline du Nord. À la suite de Poole, Rosenthal & McCarty, on a choisi d’intégrer dans le Sud, le Kentucky et l’Oklahoma. Le Kentucky n’avait pas fait sécession mais ses racines esclavagistes et l’évolution culturelle et historique de sa population amènent les chercheurs à l’intégrer dans le même groupe. Fondé seulement en 1907, l’État de l’Oklahoma y est également assimilé car il posséderait la même culture politique et le même socle démographique que ses voisins : Texas au sud et Arkansas à l’est. McCarty N., T. Poole K. et Rosenthal H., Polarized America: The Dance of Ideology and Unequal Riches, Cambridge, The MIT Press, 2006, p. 46.
76 Black E. et Black M., op. cit., p. 338.
77 Les deux sénateurs du Tennessee : l’ancien acteur Fred Thompson et le futur leader de la majorité, le docteur Bill Frist, ainsi que le sénateur de l’Oklahoma James Inhofe.
78 Black E. et Black M., op. cit., p. 221.
79 John Edwards en Caroline du Nord, Fritz Hollings en Caroline du Sud, Bob Graham en Floride, Zell Miller en Géorgie et John Breaux en Louisiane.
80 Mark Pryor et Blanche Lincoln dans l’Arkansas, Bill Nelson en Floride, Mary Landrieu en Louisiane.
81 Le dynamisme démographique de la région fait que le nombre de représentants du Sud a été augmenté de cinq membres.
82 Les 9 États du Midwest: l’Illinois, l’Indiana, l’Iowa, le Michigan, le Minnesota, le Missouri, l’Ohio, la Virginie Occidentale, et le Wisconsin. ibid. À la différence d’Earl et Merle Black nous avons cependant choisi de ne pas inclure le Kentucky dans ce groupe.
83 Le Wisconsin et le Michigan peuvent tous deux se targuer d’avoir été le berceau du Parti républicain. Le 28 octobre 1854, une coalition d’opposants à la loi Kansas-Nebraska se réunit à Ripon dans le Wisconsin. L’historien Lewis Gould raconte qu’ils « promettent de fonder un nouveau parti “Républicain” si cette loi est adoptée. Cela représente l’une des premières fois où le terme Républicain est utilisé pour décrire une organisation politique. Leur seconde réunion le 20 mars 1854 est souvent utilisée comme date de naissance du Parti républicain. Les prétentions du Michigan pour s’arroger le titre de berceau du Parti républicain sont basées sur la tenue d’une convention d’État réunie à Jackson dans le Michigan le 6 juillet 1854 pour nommer des candidats pour des fonctions au niveau de l’État et adopter un programme », Gould L., op. cit., p. 14.
84 Black E. et Black M., chap. 5 « The Divided Midwest ».
85 Les Démocrates dominent généralement dans l’Illinois, le Michigan, le Minnesota et le Wisconsin tandis que les Républicains l’emportent le plus souvent dans Missouri et l’Indiana. Earl Black et Merle Black, op. cit., p. 225.
86 Les 12 États de l’Ouest : Arizona, Colorado, Dakota du Nord, Dakota du Sud, Idaho, Kansas, Montana, Nebraska, Nevada, Nouveau-Mexique, Utah, Wyoming. ibid. À la différence d’Earl et Merle Black nous avons choisi de ne pas inclure l’Oklahoma dans ce groupe.
87 Alaska, Californie, Hawai, Oregon, Washington.
88 Black E. et Black M., op. cit., p. 111-113.
89 Les deux sénateurs de l’Alaska, Lisa Murkowski et Ted Stevens ainsi que le sénateur de l’Oregon Gordon Smith. En 1995, le Sénateur Slade Gorton avait été réélu dans l’État de Washington. Les Républicains n’ont plus réussi à élire de sénateurs à Hawaii depuis le départ de Hiram Fong en 1977. Le dernier sénateur Républicain de Californie était Pete Wilson dont la démission pour devenir gouverneur de l’État avait permis l’élection l’actuelle sénatrice Diane Feinstein.
90 Cette région regroupe 11 États. Les six États de la Nouvelle-Angleterre : Connecticut, Maine, Massachusetts, New Hampshire, Rhode Island, Vermont et cinq États qui les jouxtent au sud : New Jersey, New York, Pennsylvanie, Maryland et Delaware. Black E. et Black M., op. cit., p. 40-41.
91 Sur les sept sénateurs encore présents en 2005, il ne restera en 2013 plus que la sénatrice Susan Collins du Maine puisque sa collègue Olympia Snowe a annoncé qu’elle ne se présenterait pas devant les électeurs en 2012. Le sénateur de Pennsylvanie Rick Santorum avait subi une lourde défaite en 2006. Son collègue Arlen Specter avait fait défection pour le Parti démocrate en 2009 avant d’être éliminé lors des primaires de son nouveau parti en 2010. Le sénateur du New Hampshire, Judd Gregg, avait décidé de ne pas se présenter en 2010 tandis que son collègue John Sununu avait subi la défaite en 2008. Lincoln Chafee, fils de John Chafee à qui il a succédé en 1999 comme sénateur du Rhode Island, n’était lui pas parvenu à se faire réélire en 2006.
92 Les scores calculés par le groupe progressiste Americans for Democratic Action faisaient figure de référence à gauche. Ceux de la Chambre du commerce (Chamber of Commerce) étaient très surveillés à droite. Chaque groupe d’intérêt peut développer un tel outil pour décider de soutenir un sortant dans ces efforts de réélection. Les membres du Congrès utilisent régulièrement les notes qu’attribuent des associations comme la NRA National Rifle Association ou encore les écologistes de la League of Conservation Voters comme des éléments de présentation devant les électeurs.
93 Carroll R., Lewis J.B., Lo J. et al., « Measuring bias and uncertainty in dw-nominate ideal point estimates via the parametric bootstrap », Political Analysis, vol. 17/3, 2009, p. 261-275, p. 5.
94 Dynamic Weighted Nominal Three-step Estimation.
95 Pour une brève discussion des fondements théoriques de l’indice DW-NOMINATE cf. McCarty N., Poole K., et Rosenthal H., Polarized America, p. 18-22.
96 Les législateurs sont également placés sur une deuxième dimension dont la signification varie au fil des décennies mais a longtemps permis de les ranger selon leur degré d’investissement en faveur des droits des afro-américains. Cette deuxième dimension est largement neutralisée dans la période qui nous intéresse.
97 Les chercheurs ont mis en ligne toutes leurs données. Elles sont accessibles librement à cette adresse : [http://voteview.com/dwnomin.htm], consulté le 2 mars 2015.
98 Stokes D., op. cit. Roberts J.M., Smith S. et Haptonstahl S., « The Dimensionality of Congressional Voting Reconsidered », Duke University Conference on Bicameralism, 2009. Smith S., Party Influence in Congress, New York, Cambridge University Press, 2007, p. 94-95.
99 McCarty N., Poole K. et Rosenthal H., op. cit., p. 59-66.
100 Sean Theriault parle de « Gingrich Senators » pour décrire les sénateurs élus après 1978. Ils sont selon lui largement responsables de la polarisation au Sénat. Theriault S., Party Polarization in Congress, New York, Cambridge University Press, 2008, p. 197.
101 Il avait occupé le poste de whip pour la minorité de Robert Michel à la Chambre avant de retrouver la même fonction au sénat sous Bob Dole. Pour des raisons institutionnelles, ce travail était beaucoup plus organisé à la chambre basse. Trent Lott s’est employé pour importer certaines techniques à la chambre haute. Lott, Herding Cats: A Life in Politics, New York, Harper Paperbacks, 2006, p. 123.
102 « Je pouvais m’appuyer sur une petite bande de conservateurs formée de jeunes sénateurs et d’anciens représentants. Certains m’avaient précédé à la chambre haute, d’autres étaient arrivés en même temps que moi, d’autres étaient arrivés ensuite. [...] Nous étions conservateurs, nous avions faim de pouvoir et nous avions bien l’intention de changer les choses et un jour nous emparer de la direction du parti. », ibid., p. 118.
103 Son score de -0,073 le place même très légèrement à gauche de l’axe médian.
104 La lettre qu’il adresse au Sénateur Daschle, leader des Démocrates est laconique : « Je vous écris pour vous informer de ma décision de devenir un Indépendant et de rejoindre le groupe des Démocrates du Sénat à des fins d’organisation [...]. » DA 2. Container 332. Box 36. Folder 66. Dakota State University Archives, « The Tom Daschle Congressional Career Papers », Brookings, SD.
105 La transcription de son discours du 24 mai est publiée par The New York Times : « Je me trouve de plus en plus souvent en désaccord avec mon parti. Je comprends que beaucoup de gens sont plus conservateurs que moi et qu’ils forment le Parti républicain. Étant donné les changements au sein du parti à l’échelle nationale, mes relations avec les cadres de notre parti sont devenues difficiles. [...] L’élection de Bush a tout changé. Nous ne vivons pas dans un système parlementaire mais il est naturel d’attendre des gens comme moi à qui l’on a confié des responsabilités au sein du parti qu’ils soutiennent le programme présidentiel. Et pourtant, cela me paraît de plus en plus difficile. » « A Struggle for Our Leaders to Deal With Me and for Me to Deal With Them », The New York Times, 25 mai 2001.
106 Lott T., op. cit., p. 213.
107 Dans ses mémoires, le Sénateur Daschle liste une série de marques de mépris de sénateurs républicains envers Jim Jeffords qui auraient pu aider sa décision. Daschle T. et D’Orso M., Like No Other Time: The 107th Congress and the Two Years That Changed America Forever, New York, Crown, 2003, p. 107-125.
108 Berke R., « Lott Takes Parting Shot on Eve of Senate Power Shift », The New York Times, 3 juin 2001.
109 Une copie du fax de ce mémorandum se trouve dans les archives du Sénateur Daschle. Daschle Collection, (Container 346, Box 504, Folder 7) Dakota State University Archives, op. cit.
110 Senator Lott T., « Robert J. Dole Oral History Interviews. Robert J. Dole Institute of Politics Archive, University of Kansas », 2007.
111 Bob Dole explique qu’il lui était nécessaire de conserver le soutien de Hatfield en prévision d’autres votes dans le futur. Dole R., « Robert J. Dole Oral History Interviews. Robert J. Dole Institute of Politics Archive, University of Kansas », 2007.
112 On y apprend notamment que les sénateurs Connie Mack de Floride, Judd Gregg du New Hampshire, Richard Shelby de l’Alabama, Mitch McConnell du Kentucky et Phil Gramm du Texas seraient prêts à lui retirer la présidence de la commission. À l’inverse, les sénateurs Ted Stevens de l’Alaska et Burns du Montana auraient déjà fait part à Dole de leur opposition à une telle manœuvre. Mémorandum de Sheila Burke, « Hatfied », 6 mars 1995. Folder 30. Personal/Political, Chief of Staff Files. Guarisco – Memoranda, Sheila Burke (Budget, Welfare, Health Reform, Taxes, Social Security, Consultants) 1995 Robert J. Dole Institute of Politics Archive, University of Kansas, « Senate Papers – Leadership Collection ».
113 Karen Holser, « Sen. Cohen, Republican moderate, is retiring Thinning centrist ranks polarizing Congress », Baltimore Sun, 17 janvier 1996.
114 Depuis 1976, John Chafee occupait le siège de sénateur du Rhode Island. Il meurt en 1999 et c’est son fils Lincoln Chafee qui le remplace. Au moment de l’épisode du changement de parti de Jim Jeffords, les Démocrates avaient essayé de le convaincre de rejoindre le Parti de l’âne. Tom Daschle et Michael D’Orso, op. cit., p. 106-107.
115 Les Démocrates de Pennsylvanie choisissent de confier l’investiture du parti à Joe Sestak qui sera battu par le Républicain Pat Toomey de 80 229 voix soit 2 % des suffrages exprimés. Haas K., « Statistics of the Congressional Election of November 2, 2010 », Washington, D.C., U.S. Government Printing Office, 2011, p. 42.
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Les États-Unis et Cuba au XIXe siècle
Esclavage, abolition et rivalités internationales
Rahma Jerad
2014
Entre jouissance et tabous
Les représentations des relations amoureuses et des sexualités dans les Amériques
Mariannick Guennec (dir.)
2015
Le 11 septembre chilien
Le coup d’État à l'épreuve du temps, 1973-2013
Jimena Paz Obregón Iturra et Jorge R. Muñoz (dir.)
2016
Des Indiens rebelles face à leurs juges
Espagnols et Araucans-Mapuches dans le Chili colonial, fin XVIIe siècle
Jimena Paz Obregón Iturra
2015
Capitales rêvées, capitales abandonnées
Considérations sur la mobilité des capitales dans les Amériques (XVIIe-XXe siècle)
Laurent Vidal (dir.)
2014
L’imprimé dans la construction de la vie politique
Brésil, Europe et Amériques (XVIIIe-XXe siècle)
Eleina de Freitas Dutra et Jean-Yves Mollier (dir.)
2016