La formation de l’enfant brésilien et la « plus terrible des instabilités » : un livre de lecture lusitanien du XIXe siècle
p. 419-434
Texte intégral
1Former l’esprit de l’enfant et, en particulier, façonner une représentation de la nation ont, presque toujours, été les objectifs des livres de lecture de l’école élémentaire : ces livres représentent, à des degrés divers, l’effort d’élaboration d’une communauté de discours, c’est-à-dire de constitution de sens, de valeurs et de dispositions partagées, capables de former une identité et de fonder l’union d’une nation.
2Parallèlement à cette dimension formative, les livres de lecture visent en outre d’autres finalités et ne peuvent donc être réduits à celle-ci. Ils intègrent, tout d’abord, un ensemble de pratiques et d’objets autour desquels s’organisent l’insertion de l’enfant dans la culture de l’écrit. Ils sont destinés, spécifiquement, à l’apprentissage de la lecture : tout d’abord en renforçant les compétences de base liées au décodage et, ensuite, en développant la lecture courante, la rapidité et la fluidité. Mais les livres de lecture servent également, dans une plus ou moins grande mesure, à l’enseignement de l’écrit, en exposant des figures de style, des expressions idiomatiques et des modèles d’écriture (calligraphie, descriptions de scènes, dissertations, lettres). En second lieu, lorsqu’ils sont conçus et utilisés comme livre unique en salle de classe, les livres de lecture peuvent chercher à rassembler un ensemble de connaissances – historiques, géographiques, grammaticales ou mathématiques – objet d’apprentissages scolaires1.
3La dimension formative des livres de lecture – bien que ce ne soit que l’une de leurs facettes – constitue, depuis quelques décennies, l’un des principaux angles d’approche des manuels scolaires sous lequel on cherche à comprendre, en analysant les contenus des livres, les significations et les motifs autour desquels se constitue la vision d’une société donnée et, à ce que l’on suppose, imposée à ses lecteurs. Évidemment, les manuels scolaires de la période contemporaine – tels qu’ils ont été conçus au long des xixe et xxe siècles, en même temps que la prise de responsabilité par les États de l’éducation de l’enfant et la création progressive de leurs systèmes éducatifs – se sont toujours fondés sur la croyance, issue des Lumières, dans le pouvoir de l’imprimé et de sa capacité à éduquer les peuples en faveur d’un projet politique et d’une construction ou d’un renforcement de l’identité nationale2. Il n’est donc pas surprenant que les études et les recherches menées sur ces manuels partagent la même croyance et participent, elles-mêmes, dans une certaine mesure, aux mêmes luttes pour l’imposition d’une représentation sociétale à une époque donnée.
4C’est peut-être pour cette raison que la production brésilienne sur l’histoire des manuels scolaires est marquée par un ensemble de processus d’exclusion. Elle tend à concentrer son attention, en premier lieu, sur le contenu des livres – qui sont censés exprimer directement les intérêts du contrôle politique – au détriment de l’ensemble des procédés discursifs dont ces contenus font partie, des dimensions techniques de l’appropriation de ces contenus dans les pratiques effectives de lecture3. En deuxième lieu, cette production – intéressée par les querelles politiques autour desquelles l’école brésilienne est construite – tend à concentrer son attention sur les périodes considérées comme fondatrices de cette école, ce qui la conduit à privilégier le moment où s’est constituée une littérature scolaire nationale et les grands repères d’organisation et de rénovation de l’école élémentaire républicaine, que ce soit la création d’établissements scolaires ou le mouvement École nouvelle, ou encore les réformes de l’enseignement promues par l’Estado Novo ou par les gouvernements militaires. Le privilège attribué à la littérature scolaire nationale considère rarement (bien qu’il en fasse le constat), même pendant les premières années de la période républicaine, l’utilisation d’une production scolaire lusitanienne destinée à la fois au royaume du Portugal et au Brésil, et censée, par conséquent, participer à la formation des enfants des deux pays4. Le privilège attribué, à son tour, à la période républicaine tend à reléguer au second plan la littérature scolaire produite pendant l’Empire et à la considérer généralement comme inexistante ou peu répandue5. En troisième lieu, enfin, les études historiques portant sur les manuels scolaires brésiliens tendent à se concentrer sur les œuvres qui fondèrent une approche canonique pour aborder le problème de la formation morale et civique de l’enfant, au détriment des œuvres, quoique largement utilisées, considérées comme mineures, des procédés rhétoriques tombés en désuétude, des expériences manquées.
5Par rapport à ces grandes tendances de la recherche sur l’histoire des manuels didactiques, cette étude propose – comme partie d’un projet plus général – quatre directions : intégrer d’abord, dans l’analyse des contenus didactiques des livres, les procédures qui cherchent à imposer une lecture des thèmes et des sujets traités les rendant, de ce fait, formatifs, tout en considérant dans cette analyse – dans la mesure où les sources le permettent – les pratiques et les appropriations qui assurent la transmission de ces contenus ou les modifient ou les transforment ; considérer, en second lieu, non pas les manuels nationaux mais ceux d’origine portugaise destinés aussi bien au Brésil qu’au Portugal ; analyser ensuite des livres de lecture produits pendant la période impériale et, enfin, des livres qui, peu pris en compte par la recherche sur ce thème, ne figurent pas sur les catalogues de littérature scolaire luso-brésilienne et qui se caractérisent, contrairement à une supposée homogénéité, par une remarquable hétérogénéité dans les diverses tentatives de conduire la formation de l’enfant.
6Comme partie intégrante de ces orientations générales de recherche, nous prendrons ici pour objet un manuel appartenant à un genre de livre de lecture peu étudié. Il s’agit de livres « paléographiques », ou livres de lecture manuscrite, un type de manuel assez répandu dans les écoles élémentaires du Brésil et du Portugal, ainsi que dans d’autres pays, tout au long du xixe siècle et les premières décennies du xx6.
7D’abord manuscrits et ensuite imprimés après l’invention de la lithographie à la fin du xviiie siècle, ils constituent une anthologie de textes et d’écrits différents, destinée, entre autres choses, à développer les compétences de lecture dans différents types de calligraphie. En Europe, depuis les expériences novatrices de Jean-Baptiste de La Salle, la lecture de manuscrits, classés par ordre de difficultés, constituait l’étape finale de l’apprentissage de la lecture et du cycle d’alphabétisation7. Au Portugal, déjà pendant les Réformes pombalines, on condamnait l’usage de procès litigieux et de sentences manuscrites et on recommandait la lecture du Petit Catéchisme de l’Évêque de Montpellier, dans des passages imprimés et manuscrits8. Au Brésil, également à fin d’alphabétisation et d’apprentissage de la lecture, on trouve fréquemment des références à l’usage de manuscrits, que ce soit des contrats, des attestations ou des « lettres d’ailleurs ». Pendant le xixe siècle, et même après la mise en place du système scolaire républicain, c’est un des livres dont l’absence est regrettée dans leurs rapports par les inspecteurs et les chargés, par l’Empire ou par la République, de mémoires sur l’état de l’instruction ; c’est aussi l’un des livres dont l’utilisation, à côté des livres de lecture « tout court », est recommandée aux écoles, en général pour la troisième ou quatrième année d’instruction élémentaire ; c’est enfin un des livres que les directions de l’enseignement envoient aux écoles publiques9.
8Au Brésil, ce genre de livre présente un long cycle de vie. Des manuels en langue portugaise – destinés au royaume du Portugal et à l’Empire du Brésil, ou seulement à la nouvelle république américaine – sont publiés probablement entre les années 1840 et 1860 jusque dans les années 1960 (voir en annexe).
9Parmi ces manuels nous avons sélectionné le premier livre rencontré appartenant à ce genre, un livre d’auteur portugais et édité en France, destiné aussi bien aux enfants brésiliens que lusitaniens. On trouve des traces de son utilisation au Brésil entre les années 1870 et 1890. Comment ce livre conçoit-il la formation de l’enfant ? Quels sont les thèmes, les motivations et les procédés de cette formation ? Quelles pratiques reflètent ces thèmes, ces motivations et ces procédés rhétoriques ? Dans le processus d’émancipation de la nation brésilienne, quelle est la signification de l’utilisation d’un manuel d’origine lusitanienne malgré les condamnations des législateurs10 ?
Camões, barons et langue « étrange » : un manuel portugais pour enfants luso-brésiliens
10L’Art d’apprendre à lire l’écriture manuscrite à l’usage des écoles... de Duarte Ventura (voir illustration dans les pages suivantes), un petit fascicule au format in-32, semble avoir été le premier manuel paléographique en langue portugaise. Sept exemplaires de l’ouvrage ont été trouvés. La Bibliothèque nationale de France (BnF) en possède cinq : l’un non daté (probablement de la fin des années 1840)11 et les autres de 1868, 1872, 1873 et 1885. La Bibliothèque nationale de Lisbonne (BNL) n’en possède qu’un exemplaire, de 1901, ainsi que la Fondation Bibliothèque nationale (FBN), daté cependant de 186812. Tous ces volumes furent publiés par la maison d’édition J.-P. Aillaud (bien que sous différentes dénominations et associations) à Paris.
Couverture de Arte de aprender a ler..., de Duarte Ventura. Fundação Biblioteca Nacional.
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12L’œuvre semble n’avoir eu que deux véritables éditions, ce qui témoigne d’une certaine stabilité. La première correspond à l’exemplaire non daté et une seconde à partir de laquelle se firent les tirages à partir de 1868. Les différences entre les deux éditions sont de nature graphique et visuelle : dans la seconde édition, les modèles d’écriture sont plus lisibles et les illustrations furent modifiées, incorporant des représentations d’enfants et d’anges. Aucun des exemplaires consultés ne fournit d’indication sur le numéro d’édition. Quoi qu’il en soit, les différents tirages attestent un long cycle de vie, d’environ 60 ans, prenant leur origine probablement dans les années 1840 et se terminant, probablement aussi, dans la première décennie du xxe siècle tout au moins.
13Des données sur l’auteur du manuel paléographique ont pu être trouvées dans le dictionnaire de Innocencia da Silva (1858-1923). Dans les entrées correspondant aux œuvres relatives à Camões, l’auteur ne donne des informations que sur l’Arte de aprender a ler a letra manuscripta... Selon Silva, le « petit livre de Ventura », qui aurait connu « de nombreuses éditions », comporte « plusieurs strophes des Lusíadas, y compris des épisodes d’Adamastor et Dona Inês de Castro, chacun des passages étant accompagné d’une petite gravure allusive au sujet. Il inclut en outre d’autres strophes aux pages 43 et 51 » (vol. XIX, p. 314).
Leçons d’éducation civique et abondance d’exemples
14Le livre comprend dix leçons. La première, comme c’est généralement le cas dans les livres de ce genre, présente l’alphabet en lettres majuscules manuscrites, les nombres de 1 à 10 et l’alphabet de nouveau, cette fois-ci en lettres minuscules, ainsi qu’une nouvelle suite de chiffres de taille plus petite.
15Les autres leçons construisent une anthologie, composée par un unique extrait de texte – dans le cas présent, le choix tombe généralement sur Camões et Os Lusíadas13 – ou par un texte de l’auteur parsemé d’extraits d’autres auteurs.
Première leçon du manuel Arte de aprender a ler... Fundação Biblioteca Nacional.
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17En ce qui concerne la thématique, les leçons promeuvent des valeurs civiques telles que l’honneur national, l’amour de l’indépendance et de la patrie, illustrées et exemplifiées par des épisodes et des héros de l’histoire portugaise (comme Dom Afonso Henriques, Dom João de Castro, Afonso de Albuquerque, Nunes Álvares Pereira). Ces épisodes et ces héros sont ceux de la formation de l’État portugais, de son expansion et de sa restauration. Outre les extraits de Os Lusíadas, le livre de Ventura recourt à d’autres auteurs du xvie siècle – à Frei Bernardo de Brito et Frei Antônio Brandão et à leur Monarchie Lusitanienne ; à l’auteur anonyme de la Chronique des Grands de la Cour – et du xviie siècle – à Jacinto Freire de Andrade et à sa Vie de Dom João de Castro, à Antônio Vieira et aux Sermons ; à Francisco Manuel de Mello et à sa « Epanaphoras de varia historia portugueza ».
Deuxième leçon du manuel Arte de aprender a ler... ; chant I de Os Lusíadas. Fundação Biblioteca Nacional.
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19Le commentaire fait par Innocencio da Silva – contemporain de Ventura – dans son dictionnaire, sur des auteurs actuellement moins connus, associé à la large utilisation de Os lusíadas, montre que cette sélection de textes est destinée non seulement à la présentation de valeurs civiques mais aussi linguistiques et stylistiques. Sur Francisco Manuel de Mello, par exemple, l’évaluation d’Innocencio da Silva est la suivante :
« Distingué en tant qu’historien, poète, orateur et critique moraliste, Dom Francisco Manuel fut sans aucun doute l’un de nos écrivains les plus érudits et les plus fins, et aucun avant lui n’écrivit sur une telle variété de sujets avec autant de talent. C’est un auteur qui doit être lu et étudié par tous ceux qui veulent pénétrer les richesses et les délicatesses de notre langage familier, son autorité étant (au moins dans cette partie) égale à celle des premiers maîtres. Il commit parfois quelques archaïsmes et dut supporter à cause de cela les remarques de quelques critiques. On peut malgré tout affirmer qu’en règle générale il est élégant et toujours éloquent ; il pense et écrit correctement ; et ses œuvres font honneur à la littérature de deux nations à la fois, la portugaise et l’espagnole, lesquelles le considèrent comme classique dans l’art du langage14. »
20Comme on l’a vu plus haut, l’utilisation de ces textes consiste en une insertion à l’intérieur d’un cadre général déterminé par le titre et par une introduction. Ce cadre général présente la « leçon » d’éducation civique que l’élève doit apprendre, les textes et les extraits qui suivent servant d’exemples fondés sur divers épisodes historiques. La leçon 5, qui illustre ce procédé rhétorique d’une leçon reposant sur une abondance d’exemples, commence par le titre et par une introduction qui affirme l’importance de l’amour pour l’indépendance nationale :
Amour de l’indépendance nationale
« Sans aucun doute, la première des vertus sociales et le socle sur lequel repose l’édifice de toutes les autres est incontestablement l’amour de l’indépendance nationale. Sans cette grande vertu, beaucoup de peuples devenus célèbres seraient tombés dans le silence de l’oubli, et grâce à elle [...] beaucoup d’autres secouèrent le joug de l’esclavage et reconquirent une liberté qui jadis avait été la leur et que, pour quelque temps, seul le droit du plus fort leur avait usurpée. Que soient glorifiés les Grecs et les Romains car personne d’autre comme eux n’a possédé à un tel degré cette vertu singulière, mais le cours du temps montra que la patrie des Viriate et des Sertorius était destinée à fournir des exemples d’amour à l’indépendance nationale qui en rien ne laissent envier ceux de l’antiquité païenne.
Lorsqu’elle réussit à dominer le cœur d’un peuple, cette vertu est éminemment appréciable ; mais son mérite est encore plus grand lorsqu’elle anime le cœur noble d’un Héros que la Providence désigne comme Sauveur de sa Patrie : comme un feu électrique elle agite alors tous les cœurs et fait de ces gens un peuple de héros. La preuve de cette vérité, nous la trouvons dans les premières pages de notre histoire15. »
21Après cette introduction sont insérés les exemples d’Afonso Henriques et de la création de l’État portugais :
« Lorsque Afonso Henriques remporte sur les Maures la mémorable et remarquable Victoire d’Ourique, due en grande partie à l’aide du Ciel, celle-ci ne manqua cependant pas de montrer aux Lusitaniens que ses bras étaient assez forts pour conquérir leur liberté et leur indépendance et qu’il suivit sagement le bon conseil selon lequel il était nécessaire de faire des lois qui promeuvent le bien de la république et garantissent la liberté conquise16... »
22L’exemple du Mestre de Avis suit celui d’Afonso Henriques :
« Le témoignage d’amour à l’indépendance nationale que les Portugais donnèrent ne fut pas l’un des moindres lorsque, pour secouer le joug de Castille, ils proclamèrent le Mestre d’Avis leur défenseur17... »
23On n’appréhende généralement pas la démarche d’appropriation de l’enfant ; cependant, dans les textes constitués seulement d’extraits insérés dans un cadre construit par l’auteur du manuel, le procédé rhétorique lui-même prend une dimension pédagogique tournée vers le lecteur en formation. De plus, l’iconographie et la « mise-en-livre » des exemplaires publiés à partir de l’édition de 1868 participent à cette démarche : comme on l’a déjà relevé, les illustrations représentent désormais des enfants ou des anges dans différentes scènes, prenant la place des héros, en train de lire, d’écrire ou de jouer de la musique ; les calligraphies deviennent plus lisibles et la mise en page moins chargée18.
Un livre pour les « Viriate » et les Brésiliens
24Bien qu’il s’adressât directement à la patrie des « Viriate et des Sertorius », le livre visait également le marché brésilien. En premier lieu, Aillaud se présente (dans les exemplaires de 1868, 1872, 1873 et 1885) comme le « libraire de leurs Majestés l’Empereur du Brésil et El Rei de Portugal » puis fait représenter côte à côte, sur la couverture de ces éditions, les blasons du Brésil et du Portugal. En second lieu, l’extrait de texte de Francisco Manuel de Mello décrit la Restauration de Pernambuco, glorifiant le rôle des habitants de la colonie dans l’expulsion des Hollandais, et, dans la liste des conquêtes portugaises, les références au « propre pays et ensuite l’Afrique et l’Asie » et le silence sur la conquête de l’Amérique attirent particulièrement l’attention :
« Que les Portugais, maîtres dans l’art de la guerre, et pendant de si longues années habitués aux fatigues de la mer et de la terre, se montrent toujours vaillants, toujours vainqueurs, ne doit pas surprendre ; parce qu’en héritant de leurs aînés le brio, l’honneur et la valeur, et éduqués à la grande école qui leur donnèrent d’abord leur propre pays et ensuite l’Afrique et l’Asie, de grands capitaines se formèrent et pratiquèrent des actions, pour eux naturelles, stupéfiantes et merveilleuses aux yeux des autres, mais ce qui n’est pas le moins curieux c’est que ces mêmes peuples, qu’ils tirèrent des ténèbres de l’ignorance et de la barbarie, rivalisèrent avec eux en valeur, en sagacité et intrépidité militaire et montrèrent (suivant l’exemple de ce qui se pratiquait au Portugal par la glorieuse investiture de Dom João IV) que leurs bras n’étaient pas moins forts et leurs poitrines moins vaillantes lorsque l’amour de la liberté embrasait leurs cœurs. Témoigne de cette vérité, de façon sans doute bien mémorable, ce que firent les habitants de Pernambuco lorsqu’ils secouèrent le joug des Hollandais et retrouvèrent une liberté perdue depuis plus de vingt-quatre ans19. »
25La présence du livre à la FBN est un indice, bien qu’indirect, de la circulation du livre au Brésil. Il existe cependant des indices directs de cette circulation. Il s’agit d’une œuvre recommandée dans l’Etat de Pernambuco, en 1873, alors qu’il existait déjà des titres portugais sur le marché20. L’avis donné pour l’approbation de l’œuvre souligne la présence d’extraits d’œuvres classiques ainsi que le choix des sujets :
« La commission nommée pour donner un avis sur l’œuvre [...] après l’avoir lue avec attention, juge convenable que son utilisation soit approuvée pour les écoles primaires, non seulement à cause des extraits classiques (vers et prose) qu’elle contient, avec un choix très recommandable de sujets, en dix leçons progressives du plus facile au plus difficile, mais aussi parce que, comme le suppose la Commission, aucun autre livre de lecture adapté à la septième année n’ayant été approuvé à ce jour conformément à la grille A du Règlement Interne du 30 juillet 1859, celui-ci pourra combler cette lacune si sensible. »
26Si pour beaucoup de législateurs de l’époque l’utilisation de manuels portugais dans la nation émancipée fait sourire, cette attitude ne semble pas avoir été celle des pernambucanos qui considèrent que le choix des classiques et des sujets s’applique à la formation des enfants du Pernambuco. Il est vrai que les procédés rhétoriques employés, basés sur l’exposé d’une leçon illustrée d’exemples, rendent moins problématique leur utilisation : si les exemples sont portugais, les valeurs civiques véhiculées par ces leçons sont traitées de façon universelle et s’appliquent à la formation d’enfants ou de jeunes de toute nation. Bien évidemment, la leçon sur la Restauration de l’État de Pernambuco – fait qui « chassa définitivement l’envahisseur [...] sera d’abord traitée en termes nativistes et ensuite nationalistes21 » – pèse sur cette option. De la même manière, la vision selon laquelle la langue écrite au Brésil doit, comme au Portugal, s’aligner sur les modèles de la période classique, lorsque le portugais avait prétendument atteint son apogée, semble avoir poussé la commission à approuver le livre. La fonction primordiale d’un livre de lecture manuscrite semble également avoir justifié le choix puisqu’au-delà de la transmission de valeurs – ce que les livres en lettres d’imprimerie font aussi – ce genre de livre est destiné au développement de la lecture de différents manuscrits, et à la lecture courante, ce qui semble exigé des livres de septième année auxquels se réfère l’avis.
27Enfin, il est important de souligner que l’utilisation du livre – qui, comme on le verra plus loin, est faite dans les toutes premières années suivant la Proclamation de la République – semble intégrer les ambiguïtés de la constitution de l’identité nationale de cette période : il faut marquer la différence entre Brésiliens et Portugais mais cette différence ne peut signifier la négation de l’unique élément européen – et civilisateur – présent dans la formation des Blancs ou des « presque Blancs ou presque Noirs ». La langue portugaise et l’histoire du Portugal, notamment celle racontée par Ventura – celle des découvertes et des mouvements de son indépendance contre les Maures et les Espagnols – fait également partie d’une certaine vision de l’histoire de la formation du Brésil. Comme le défend Nabuco22 vers la fin du xixe siècle :
« Nous, Brésiliens, [...] appartenons à l’Amérique par le nouveau sédiment, mouvant, de notre esprit et à l’Europe par ses couches stratifiées. Puisque nous avons la culture la plus basse, celle-ci prédomine sur celui-là. Notre imagination ne peut pas ne pas être européenne, c’est-à-dire humaine ; elle ne s’arrête pas à la première messe au Brésil pour continuer à partir de là à recomposer les traditions des sauvages qui remplissaient nos plages au moment des découvertes ; elle suit toutes les civilisations de l’humanité, comme celle des Européens, avec lesquels nous avons le même fond, comme la langue, la religion, l’art, le droit, la poésie, les mêmes siècles de civilisation accumulée et par conséquent, puisqu’il y a un rayon de culture, la même imagination historique » (2003, p. 11).
La langue étrange
28Ainsi, un livre portugais peut être utilisé dans la formation d’enfants brésiliens selon la vision des « faiseurs de livres » et de ceux qui légifèrent à son sujet. Si ces derniers ne trouvent aucune bizarrerie dans le fait qu’un manuel portugais soit utilisé dans un Brésil indépendant, ceux qui l’utilisent semblent trouver cela étrange. Rappelant ses souvenirs, dans Infância (1899), à propos de l’apprentissage de la lecture, Graciliano Ramos fait référence à un livre dont les caractéristiques indiquent qu’il s’agit du fascicule de Ventura :
« Ce fut à cette époque que l’on m’infligea Camões, sur le manuscrit. Oui, monsieur : Camões, en affreux caractères brodés – et manuscrits. À l’âge de sept ans, dans ma campagne du Nordeste, ignorant de ma propre langue, je fus obligé de deviner, en langue étrange, les filles du Mondego, la belle Inês, les armes et les barons distingués. L’un de ces barons était probablement celui de Macaúbas [auteur du livre de lecture précédemment lu par Ramos], celui des petits oiseaux, de la mouche, de la toile d’araignée, de la ponctuation. Que Dieu me pardonne. Je détestai Camões. Et au Baron de Macaúbas j’associai Vasco da Gama, Afonso Albuquerque, le géant Adamastor, certainement baron lui aussi23. »
29Il est intéressant d’observer le rapport que Ramos établit entre le livre de Ventura et les livres du Barão de Macaúbas, l’une des premières collections nationales (dont les deux premiers volumes furent publiés en 1867) largement utilisées au xixe siècle et au début du xxe. Qu’ils soient brésiliens ou portugais, les livres choquent étrangement l’enfant de l’État d’Alagoas :
« Le petit oiseau, sur la branche, répondait par des préceptes et des règles de morale. Et la mouche utilisait des adjectifs tirés du dictionnaire. La figure du Baron tachait le frontispice du livre – et nous comprenions que le pédantisme attribué à la mouche et au petit oiseau venait de lui. Il était ridicule pour cet individu hirsute et grave, docteur et baron, de pépier des conseils, de bourdonner des réprimandes.
Et ce n’était que simple condescendance. Une fois les deux apologues déchiffrés avec beaucoup d’efforts, je me recroquevillai et me décourageai, incapable de trouver un sens aux pages suivantes. Je les lis en épelant et en bégayant, écœuré » (p. 118).
30Selon toute vraisemblance, les livres du Baron de Macaúbas, point de départ du processus de nationalisation concernant la rédaction des livres scolaires, révèlent plus de continuités que de ruptures avec la tradition lusitanienne. Pour la compréhension de ces continuités et l’interprétation de la permanence d’une production portugaise destinée et utilisée au Brésil, il ne faut sans doute pas sous-estimer le poids énorme de la norme linguistique lusitanienne. Bien évidemment, comme l’a bien dit Nabuco, notre « imagination ne s’arrête pas à la première messe au Brésil » ni notre histoire ne prend sa source sur les plages des découvertes, et le livre de Ventura peut être considéré, par ceux qui font le livre et par ceux qui légifèrent à son propos, comme la partie commune d’une histoire qui ne bifurqua que très récemment. Il est vrai aussi que les procédés rhétoriques utilisés permettent des appropriations motivées par des intérêts nativistes ou nationaux. De la même façon, le caractère récent de la littérature scolaire brésilienne, les difficultés rencontrées pour sa production et sa circulation constituent encore une forte motivation – comme le soulignent les études historiques sur ce sujet – pour maintenir l’usage du livre de Duarte Ventura ainsi que d’autres manuels portugais. Cependant, si Alencar pratique et défend une langue brésilienne, si Gonçalves Dias refuse, comme un poète portugais, de faire rimer « mãe » avec « também24 », leurs positions sont minoritaires, même dans les premières décennies du xxe siècle25, au sein des éducateurs et des législateurs. Comme le fait remarquer Celso Cunha (1968), même les plus nationalistes des constituants de 1823 – Ubirajaras, Ataualpas, Tupis et Montezumas – adhèrent à l’idée que la variation dialectale du portugais au Brésil doit être limitée par la norme lusitanienne.
31Toujours selon Cunha (1968), pour l’un de ces constituants, le futur Comte de Cairu, c’est à la Cour que la norme lusitanienne serait susceptible d’être le mieux préservée, raison pour laquelle, lors de la session du 28 août 1823, il défendit l’implantation de la nouvelle université à Rio de Janeiro pour qu’ainsi « se conservent la pureté et la prononciation de la langue portugaise », car :
« De tout temps et chez toutes les nations, c’est dans les Cours que l’on parla le mieux la langue nationale. Dans les provinces il y a des dialectes avec leurs défauts particuliers ; le Brésil en a dans chacune d’elle et il est impossible de les subjuguer, même par les plus instruits du pays. Comme on le sait, le dialecte de São Paulo est le plus notoire. La jeunesse du Brésil qui y ferait ses études prendrait un accent très désagréable26. »
32Dans son analyse du discours de Cairu, Cunha fait remarquer que la « pureté et la prononciation de la langue » de la Cour, défendues par le constituant, sont en fait la norme linguistique lusitanienne, issue d’une « tradition séculaire de l’enseignement de la langue, systématiquement assuré par des professeurs portugais, pratique perpétuée dans nos établissements d’enseignement longtemps après l’Indépendance ». À l’appui de son interprétation, il cite le « Rapport sur l’état de l’enseignement public secondaire, des collèges et des écoles privées de la Capitale de l’Empire », le 5 avril 1851, de Justiniano José da Rocha, qui affirme que les directeurs de collèges sont « en général [...] étrangers ; peu sont brésiliens ; quelques-uns français et presque tous portugais ; sont également portugais presque tous les professeurs. Cela me semble d’une extrême gravité » (cité par Cunha, 1968, p. 83).
33De même pour Luiz Felipe de Alencastro, la norme linguistique de la population alphabétisée de Rio de Janeiro – à partir de 1850 – est régie par la norme linguistique portugaise, à tel point que des locuteurs d’autres provinces reconnaissent l’accent lusitanien dans le parler de Rio de Janeiro. Ce contrôle serait dû, en premier lieu, à la forte immigration portugaise à partir de la seconde moitié du siècle27 et, en second lieu, parce que « la plus forte présence de Portugais à la Cour – propriétaires de la langue – et la présence également dense d’Africains et de leurs descendants – déformateurs de la langue officielle – incita la population alphabétisée à calquer son parler sur celui du premier groupe28 ».
34La norme lusitanienne devient ainsi un signe de distinction par rapport aux « déformateurs de la langue » dont le parler contamine les « enfants élevés par les jeunes esclaves noires », les « messieurs, certains grands ignorants » et les « nombreuses dames, de vraies Noires à les entendre, négligeant les r et les s à la fin des mots, faisant des l au lieu de r ; disant fazê, mandá, comê, cuié et muié29 ». Ainsi, selon Gilberto Freyre, les actions « prophylactiques » concernant la langue visent moins le maintien d’une unité nationale que celle de ses élites31. D’où, entre autres raisons, la forte réaction aux innovations linguistiques de José de Alencar, comme celle d’Antônio Henriques Leal dans O País, en 1871 :
« Je crois, et beaucoup de gens sensés pensent certainement comme moi, que lorsque nous sommes forcés à cela [à innover], il est important d’avoir une profonde connaissance de notre langue, de l’avoir étudiée avec un esprit suffisamment éclairé, comme le firent Felinto, Frei Francisco de São Luís, Garrett et Odorico Mendes, et le font encore aujourd’hui MM. Visconde de Castilho, Alexandre Herculano et Latino Coelho [...]. Sans ces connaissances indispensables et les leçons des bons classiques portugais, car nous sommes descendants du Portugal et parlons la même langue, c’est folie que de se lancer dans de telles aventures qui ne servent qu’à discréditer ceux qui les font. Laissons de côté ces innovations extravagantes, alors que c’est déjà une misère, et grande, de ne pas savoir utiliser les richesses dont nous avons héritées, pour mieux mettre à profit et admettre tout ce dont nous avons besoin pour exprimer des choses ou bien nouvelles ou bien spécifiquement brésiliennes32. »
35Abílio Borges – l’un des barons qui tourmentait l’enfant Graciliano – considérait également que c’était « une misère, et grande » de ne pas savoir utiliser la langue dont nous avons héritée : « Chez nous, [la prononciation de la langue] se modifie de telle manière, dans un grand nombre de mots, qu’il est à craindre qu’elle ressemble bientôt à une autre langue parlée au Brésil33. »
36Pour cela, rapporte un biographe du Baron, Abílio Borges
« pour l’année scolaire 1862, fit venir un professeur du Portugal afin de corriger les gros défauts de prononciation qui, selon lui, enlaidissaient notre langue. Déjà en 1856, il n’avait pas hésité à signaler au Président de la Province l’abandon dans lequel se trouvait notre langue, justifiant sa critique par le manque d’un professeur national ou portugais de langue maternelle au Collége N. S. dos Anjos, où les jeunes filles lisaient escarnéo, míster, necropóle34, omettant généralement les s à la fin des mots35 ».
37Peu de différences, cependant, notait l’enfant Graciliano entre les « barons distingués » et celui de Macaúbas. Si, dans le livre de Ventura, les « affreux caractères brodés » constituent l’une des principales difficultés de lecture et de compréhension, c’est la « langue étrange » qui, aussi bien dans le fascicule que dans la collection du Baron, constitue le principal facteur d’étrangeté et de difficulté. En lisant le premier volume de la collection Abílio Borges36,
« très vite je bloquai sur l’histoire d’un petit garçon flâneur qui, sur le chemin de l’école, s’attardait à parler aux oiseaux et recevait d’eux de très sérieuses opinions et de bons conseils.
– Te plairait-il, petit oiseau, de jouer avec moi ?
Quelle étrange façon de demander, pensai-je. Et le petit animal, occupé à la construction d’un nid, s’exprimait de manière encore plus confuse ».
38Et l’enfant continue son raisonnement :
« Il ne me paraissait pas insensé que des animaux irrationnels puissent s’entendre, se fâcher, faire la paix, raconter leurs aventures, curieuses bien évidemment. J’avais réfléchi à cela et admettais que les crapauds du marais de Penha puissent manifester leur mécontentement en chantant des choses incompréhensibles pour nous. Les faibles se plaignaient, les forts criaient des ordres. Ils formaient une société. Des crapauds commerçants, des crapauds vachers, le Révérend crapaud João Inácio, le crapaud João da Luz, ami du dignitaire en uniforme, des crapauds turbulents, fils du gros crapaud Teotoninho Sabiá, le crapaud maître tailleur Firmo, la crapaude lavandière Rosenda bavardant avec toutes les commères du bord de l’eau. Notre monde exigu aurait pu s’élargir un peu, s’orner de rêves et d’intrigues37. »
39Malheureusement, un érudit, utilisant de petits animaux, nous imposait le langage des érudits :
« – Te plairait-il, petit oiseau, de jouer avec moi38 ? »
40On ne peut ainsi sous-estimer le poids de la norme linguistique lusitanienne dans l’ensemble des facteurs qui déterminent l’utilisation du manuel portugais au Brésil et qui, en conséquence, conditionnent une façon de penser et d’organiser la formation de l’enfant brésilien et son insertion dans la culture de l’écrit. Enlaidir la langue, supprimer les s, prendre l’accent « très désagréable » de São Paulo, ne pas prendre possession de l’héritage lusitanien signifie aussi réaliser un double renoncement dans la construction de l’identité des élites tupininquins39 : sur le plan externe, cela signifie renoncer à être reconnu comme européen et, par conséquent, à être reconnu dans le regard du « grand autre » comme identique, comme égal ; sur le plan interne, cela signifie renoncer à l’un des traits qui distinguent ces élites – métisses dans la culture de la vie quotidienne et très souvent dans la couleur – d’un « grand semblable », celui qui déforme la langue, celui auquel l’instruction publique est officiellement interdite, le Noir, le pauvre, le va-nu-pieds.
41Contrairement, donc, à ce que soulignent les études sur l’histoire du manuel scolaire brésilien, l’utilisation de manuels portugais dans le Brésil indépendant semble moins liée à l’absence d’une production nationale qu’à la conséquence d’une identité divisée de ses élites (et qui explique, en partie, cette absence) ; l’utilisation de manuels lusitaniens semble faire partie, selon la belle expression de Nabuco, de « la plus terrible des instabilités » auxquelles ces élites étaient condamnées :
« Nous sommes ainsi condamnés à la plus terrible des instabilités et c’est cela qui explique le fait qu’autant de Sud-Américains préfèrent vivre en Europe... Ce ne sont pas les plaisirs du rataqüerismo, comme on a appelé à Paris la vie élégante des millionnaires d’Amérique du Sud ; l’explication est plus subtile et plus profonde : c’est l’attraction d’affinités oubliées mais non éteintes, qui réside en nous tous, due à notre commune origine européenne. L’instabilité à laquelle je me réfère, provient de ce qui, en Amérique, manque au paysage, à la vie, à l’horizon, à l’architecture, à tout ce qui nous entoure, le fond historique, la perspective humaine ; et de ce qui en Europe nous manque : la patrie, c’est-à-dire le moule dans lequel chacun de nous a vu le jour ; l’absence du pays. En nous, le sentiment est brésilien, l’imagination européenne. Tous les paysages du Nouveau Monde, la forêt amazonienne ou les pampas argentines, ne valent pas pour moi une partie de la Via Ápia, un tournant de la route de Salerno à Amalfi, un bout des quais de la Seine à l’ombre du vieux Louvre. Au milieu du luxe des théâtres, de la mode, de la politique, nous sommes toujours des squatters, comme si nous étions en train d’abattre la forêt vierge40. »
42De l’autre côté de l’Atlantique et en son siècle, continue Nabuco, il ne reste que solitude, balbutiement, épellation, pour tout ce qui touche l’« imagination esthétique ou historique » :
« Je ne veux pas dire qu’il y ait deux humanités, la haute et la basse, et que nous soyons la dernière ; peut-être que l’humanité se renouvellera un jour au travers de ses ramifications américaines ; mais dans le siècle où nous vivons, l’esprit humain, qui n’est qu’un et terriblement centraliste, se trouve de l’autre côté de l’Atlantique ; le Nouveau Monde, pour tout ce qui touche l’imagination esthétique ou historique est un véritable espace de solitude où cet esprit se sent si loin de ses réminiscences, des associations d’idées, comme si tout le passé de la race humaine avait été effacé de sa mémoire et qu’il dût balbutier de nouveau, épeler encore, comme un enfant, tout ce qu’il avait appris sur le ciel de l’Attique41... »
Notes de bas de page
1 Pour une définition des livres de lecture, voir Bittencourt C. M. F., Livro didático e conhecimento histórico : uma história do saber escolar, thèse (doctorat d’histoire) – Departamento de História da Faculdade de Filosofia, Letras e Ciências Humanas da Universidade de São Paulo, São Paulo, 1993 et Batista A. A. G. et al., « Livros escolares de leitura : uma morfologia », Revista Brasileira de Educação, Rio de Janeiro, ANPEd, n° 20, mai-juin-juillet-août 2002, p. 27-47.
2 Le débat sur le pouvoir du livre scolaire et de la lecture peut être trouvé dans De Certeau M., « Lire, un braconnage », L’invention du quotidien ; 1. arts de faire, Paris, Gallimard, 1990, p. 239-255 et Chartier R., The cultural origins of the French Revolution, tr. Lydia G. Cochrane, Durham, Duke University Press, 1991. À propos de liens étroits entre État national et manuel scolaire, voir Choppin A., « Les manuels scolaires », J. Michon et J.-Y. Mollier (dir.), Les mutations du livre et de l’édition dans le monde : du xviiie siècle à l’an 2000, Paris, L’Harmattan, 2001, p. 474-483. Pour un aperçu plus général sur la production internationale au sujet du livre pédagogique, cf. Choppin A., « L’histoire du livre et de l’édition scolaires : vers un état des lieux », Paedagogica Historica, vol. 38, n° 1, 2002, p. 21-49.
3 Les différentes composantes du livre scolaire sont analysées dans Batista A. A. G., « Um objeto variável e instável : textos, impressos e livros didáticos », M. Abreu (dir.), Leitura, história e história da leitura, Campinas, Mercado de Letras, 2000, p. 529-575 et dans Choppin A., Les manuels scolaires : histoire et actualité, Paris, Hachette Éducation, 1992.
4 Voir, par exemple, l’analyse de Bittencourt C. M. F., op. cit.
5 Cf., comme illustration, le travail de Pfromm S. et al., O livro na educação, Rio de Janeiro, Primor/MEC, 1974.
6 Une description générale des livres de ce genre est faite dans Batista A. A. G. et al., Livros escolares de leitura : uma morfologia, op. cit.
7 Voir, à ce sujet, Hébrard J., « Três figuras de jovens leitores : alfabetização e escolarização do ponto de vista da história cultural », M. Abreu (dir.), Leitura, história da leitura, São Paulo, Mercado de Letras, 2000, p. 33-78.
8 Cf. Neves P. A., A escolarização dos saberes elementares em Portugal nos finais do Antigo Regime (1772-1820), Maia (Port.), Instituto Superior da Maia, 1996, en particulier les pages 88-89, 206 et 245.
9 Voir, à ce sujet, Batista A. A. G. et al., Livros escolares de leitura : uma morfologia, op. cit.
10 Pour les débats, au cours du xixe siècle, sur la nationalisation du livre scolaire brésilien, cf. Bittencourt C. M. F., op. cit.
11 La date de publication de l’exemplaire non daté peut être estimée au moyen d’un ensemble d’indicateurs. Le livret ne comporte que le nom de J.-P. Aillaud et non de sa veuve – associée à Guillard & Cie (« Va. J.-P. Aillaud, Guillard & Cie ») – comme les autres exemplaires de la BnF, ce qui atteste que sa publication est antérieure. De plus, le livre porte le sceau de la Bibliothèque Royale et non de la Bibliothèque Impériale, comme sur l’exemplaire de 1868, ou Nationale, comme sur les exemplaires de 1872, 1873, et 1885. Le sceau de l’exemplaire non daté est donc de la période 1815-1848, vu que ce n’est qu’après le coup d’État de Louis Napoléon que la Bibliothèque deviendra Impériale – comme le montre l’exemplaire de 1868. Les deux derniers exemplaires furent incorporés après la chute de Napoléon III et à partir de la Troisième République (1870). Enfin, à partir de l’exemplaire de 1868, tous les livres (imprimés à Paris sous les presses de A. Parent) présentent les mêmes caractéristiques graphiques et textuelles, contrairement à l’exemplaire non daté (imprimé par la Lithographie de L. Houbloup, également à Paris. Tout laisse à penser, par conséquent, que cet exemplaire a été publié entre 1815 et 1848. Il est toutefois peu probable que le livre de Duarte Ventura soit bien antérieur à 1848. Les plus anciens manuels du même genre, d’origine portugaise, espagnole et française, sont, respectivement, datés de 1854, 1851 et 1864. (Voir Leite L. F., Exercicios de leitura manuscripta, para uso das escholas pelo methodo portugues, 1854 ; Araujo y Alcalde D. C., Cuaderno litografiado para facilitar la lectura de manuscritos en las Escuelas de primera enseñanza, Dedicado á S.M. el Rey, 1851 et Bibliothèque manuscrite des écoles primaires, 1860). Aussi présume-t-on que le plus ancien manuel en langue portugaise ait été publié à une date très proche des autres manuels portugais, espagnols et français.
12 Selon le relevé réalisé par la division de l’Information documentaire de la FBN, que je remercie par l’intermédiaire de Sílvia de Souza, chercheuse dans cette bibliothèque et responsable de ce relevé. L’exemplaire présente, cependant, de plus grandes ressemblances avec celui de 1901 qu’avec les autres.
13 Chants I, V, III et citations des chants IV et VIII. Comme on le voit, la sélection est basée principalement sur le chant d’introduction et les épisodes de l’Adamastor et d’Inês de Castro.
14 Silva I. F., Dicionário Bibliográfico Português, Estudos de Innocencio Francisco da Silva applicaveis a Portugal e ao Brasil, Lisboa, Imprensa Nacional, 23 vol., 1858-1923, vol. 2, p. 438.
15 Ventura D., Arte de aprender a ler a letra manuscrita para uso das escolas em 10 lições progressivas do mais fácil ao mais difícil, Paris, Va. J.-P.Aillaud, Guillard e Ca. Livreiros de suas magestades o Imperador do Brazil e El-Rei de Portugal, 1868, 1872, 1873, 1885, p. 34-37.
16 Ibid., p. 37.
17 Ibid., p. 40.
18 Pour les concepts de « mise en livre » et de « mise en page », voir Chartier, R., « Du livre au lire », R. Chartier (dir.), Pratiques de la lecture, Paris, Payot et Rivages, 1993.
19 Ventura D., op. cit., p. 63-64.
20 Voir Freitas J. P. C., Paleógrafo, ou Arte de aprender a ler a letra manuscripta, para uso das escólas da Provincia do Pará, Lisboa, Lith. de J. L. Palhares, 1871 et Curso graduado de letra manuscrita em 21 lições composto para o uso da mocidade brasileira, Rio de Janeiro, B. L. Garnier, Paris, E.Belhatte, Livreiro, 1872.
21 Mello E. C., op. cit., p. 22.
22 Cf., à propos de Nabuco et Minha formação, l’analyse de Mello qui considère que l’œuvre exprime « l’ancienne sensibilité brésilienne de la Monarchie et de la Vieille République », Mello E. C., « Minha formação », Um imenso Portugal : história e historiografia, São Paulo, Editora 34, 2002, p. 234, en particulier ce qu’elle appelle « le dilemme mazombo, c’est-à-dire celui du descendant européen, ou considéré comme tel, ayant un pied en Amérique et l’autre en Europe, et faussement persuadé que tôt ou tard il devra prendre une option », ibid., p. 235.
23 Ramos G., op. cit., p. 120-121.
24 Voir Alencastro L. F., « Vida privada e ordem privada no Império », História da vida privada no Brasil : Império, São Paulo, Companhia das Letras, 1997, p. 11-93 (História da Vida Privada no Brasil, 2).
25 Même Mattoso Câmara, l’un des principaux responsables de l’introduction de la linguistique moderne dans le pays, fortement opposé à la forte tradition philologique brésilienne, dénonçait en 1941 « l’erreur des tentatives modernes, heureusement sporadiques, visant à couper les liens de notre langue littéraire avec la tradition portugaise d’outre-mer afin de faire surgir de nouveaux modèles d’écriture reposant sur la langue quotidienne, hésitant dangereusement entre les parlers régionaux et l’argot populaire, dans un double attentat à la cohésion linguistique nationale et aux exigences de la culture collective », Câmara Júnior J. M., Princípios de lingüística geral, 6e ed., Rio de Janeiro, Padrão, 1980, p. 285 (1re ed. 1941).
26 Apud Cunha C., Língua portuguesa e realidade brasileira, Rio de Janeiro, Tempo Brasileiro, 1968, p. 81-82.
27 Selon Alencastro, « dans les années 1870, la moitié de la population masculine de la Cour était étrangère, provenant principalement du Portugal », Alencastro L F., op. cit., p. 34.
28 Ibid.
29 Au lieu de : fazer, mandar, comer, colher, mulher (N.D.T.).
31 Ibid., p. 109.
32 Leal A. H., Questão filológica, O País, 27 et 28 mai 1871.
33 Alves I., Esboço da vida e obras do « amigo dos meninos » Dr. Abílio César Borges (Barão de Macaúbas, Conferencia realizada no Instituto Geographico e Histórico da Bahia, em 8 de setembro de 1924, Bahia, Imprensa Official do Estado, 1924, p. 41).
34 Au lieu de : escárnio, mister, necrópole (N.D.T.).
35 Alves I., ibid.
36 Borges, A. C. (Barão de Macaúbas), Primeiro livro de leitura para uso da infância brasileira, Paris, Aillaud & Guillard, 1867.
37 Ibid.
38 Ramos G., Infância, 35e ed., Rio de Janeiro, Record, 2002, p. 118 (1re ed. 1944).
39 Tupininquins = propres au Brésil – terme péjoratif (N.D.T.).
40 Nabuco J., Minha formação, Rio de Janeiro, Fundação Biblioteca Nacional, 2002, p. 1-68.
41 Ibid, p. 11.
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