La Revista Americana (1909-1919) et les relations entre les Amériques
p. 343-357
Texte intégral
1La Revista Americana fut fondée en octobre 1909, à Rio de Janeiro. Publiée mensuellement jusqu’en juin 1913 (avec de courtes interruptions), elle souffrit alors d’une paralysie prolongée et ne fut remise en circulation qu’en octobre 1916. À partir de cette date elle fut publiée jusqu’en octobre 1919, date à laquelle elle cessa finalement de circuler. Selon l’éditorial de son premier numéro, cette publication avait pour objectif de diffuser les manifestations culturelles des Amériques et de servir de « trait d’union entre les figures représentatives de l’intellectualité » continentale. Outre « le rapprochement culturel », elle visait également le « rapprochement politique » entre les pays américains et la gestation des « fondements d’une [...] communion politique ». L’éditorial du lancement de la publication attire l’attention sur le manque de connaissance réciproque entre les pays américains et critique la « conviction ancrée en chacun de nous selon laquelle, pour être acceptables, les idées doivent porter le sceau européen1 ».
2Sans l’admettre clairement, la publication avait un caractère officiel évident. Pendant toute son existence elle fut imprimée dans les ateliers de l’Imprimerie officielle et, encore plus révélateur que cela, son éditeur et ses principaux collaborateurs entretenaient des liens étroits avec le gouvernement et plus particulièrement avec le ministère des Relations extérieures (MRE) et avec José Maria da Silva Paranhos Júnior, le baron de Rio de Janeiro, qui occupa le poste de ministre de 1902 à 1912, année de sa mort2. A. G. de Araújo Jorge – éditeur responsable de la revue pendant toute son existence – entreprit une carrière diplomatique à l’âge de 21 ans, fut secrétaire du baron de Rio Branco à l’Itamariti et premier secrétaire du MRE dirigé par Lauro Müller, successeur du baron, et devint ambassadeur par la suite. La création de la revue coïncide, non par hasard, avec la fin de la période de négociations pour la définition des frontières brésiliennes. La nouvelle phase des relations inter-américaines, qui s’était ouverte en 1909 avec la clôture de la quasi-totalité des litiges frontaliers impliquant le Brésil et ses voisins sud-américains, stimulait la mise en œuvre du projet, mené par Rio Branco, de vaincre l’isolement brésilien sur le continent en rapprochant le Brésil des pays hispano-américains et des États-Unis.
3Dans sa première phase, la direction de la revue bénéficia de la collaboration, avec celle d’Araújo Jorge, de Vianna et de Delgado de Carvalho, également liés au MRE. Dans sa deuxième phase, à partir de 1916, Araújo Jorge partagea la direction de la revue avec Silvio Romero Filho, membre du cabinet et sous-secrétaire du ministère et, de plus, fils de l’éminent essayiste et critique littéraire Silvio Romero, collaborateur de la revue depuis ses premiers numéros. Des ambassadeurs, des consuls, des fonctionnaires, des techniciens, des collaborateurs et des membres de missions officielles de l’Itamarati3 y publièrent de nombreux articles, comme Joaquim Nabuco, Oliveira Lima, Domício da Gama, Salvador de Mendonça, Hélio Lobo, Hildebrando Accioly, Cyro de Azevedo, Clovis Bevilacqua, Euclides da Cunha, Heitor Lyra, Rafael de Mayrinck, le chancelier Lauro Müller et Rio Branco lui-même4, entre autres. La tendance diplomatique de la revue se manifestait également chez les collaborateurs étrangers, dont beaucoup étaient diplomates de carrière comme Alberto Nin Frías – secrétaire de la mission diplomatique d’Uruguay à Rio de Janeiro – et José Maria Cantilo – chargé des affaires de l’Argentine au Brésil5. Il convient de noter que la position américaniste de la revue se reflétait autant par les thèmes abordés que par la présence d’auteurs hispano-américains dont les textes étaient publiés en espagnol. Au-delà des articles, des poèmes et des romans (publiés sous forme de feuilletons) en espagnol, la revue publiait aussi des articles et des poèmes en français (généralement d’auteurs brésiliens). Toutefois, aucun texte en anglais ne fut publié ni, tout au moins dans les numéros auxquels nous avons eu accès (la plus grande partie), d’auteurs américains.
4La relation entre Rio Branco et la revue fut mise en évidence également par la période où elle fut publiée. Elle débuta en 1909, année où le baron occupait le ministère. La mort de Paranhos, en février 1912, marqua le début d’une période de crise en raison de problèmes financiers menaçant la revue et qui menèrent à l’interruption de la publication en juin 1913. Un peu plus de trois ans après, la revue fut de nouveau publiée par la volonté personnelle d’Araújo Jorge qui réaffirmait ses objectifs primitifs de « travailler au rapprochement intellectuel des peuples américains ». Bien évidemment, la revue ne manqua pas de signaler la mort de Rio Branco. Le numéro d’avril 1913, organisé par Silvio Romero Filho, fut entièrement consacré à son hommage, avec des textes d’écrivains connus et d’hommes publics brésiliens et hispano-américains comme Rui Barbosa, Clovis Bevilaqua, Carlos de Laet, Calógeras, João do Rio et l’Argentin Manuel Corostiaga – représentant du gouvernement de son pays à Rio de Janeiro pendant plus de cinq ans, ayant quitté la mission diplomatique en 19056 – ou l’Uruguayen José Enrique Rodo, auteur, entre autres, du fameux essai Ariel.
5À partir de 1918, la revue connut quelques changements significatifs : elle fut désormais éditée par la maison d’édition de Leite Ribeiro & Maurillo (fondée un an auparavant) et dirigée uniquement par Araújo Jorge. Tout en maintenant ses liens avec les milieux diplomatiques, elle acquit alors un caractère plus commercial : elle s’enrichit de sous-titres – dans le but d’attirer l’attention sur la variété des thèmes abordés : « sciences, arts, lettres, politique, philosophie, histoire, religions » – et commença à publier des annonces les plus diverses (de magasins d’articles domestiques, de magasins de vêtements, d’alimentation, de boissons, d’agences de voyages, de livres publiés par la librairie-éditrice elle-même et par d’autres éditeurs, etc.)7. La Revista Americana commença aussi à offrir en encart des livres en fascicules qui pouvaient être détachés et reliés en fin de publication. C’était bien évidemment une manière efficace de stimuler l’achat de plusieurs numéros d’affilée jusqu’à la possession de l’œuvre complète8. Une autre stratégie commerciale consista à vendre par abonnements, y compris en insérant des annonces encourageant les abonnements.
6Ce ne fut que dans cette dernière phase, à partir de juillet 1918, que le lien officiel fut ouvertement admis en couverture de la revue sur laquelle il était précisé que la Revista Americana était une « publication internationale fondée en 1909 par le Dr. Araújo Jorge à l’initiative et sous le patronage du Baron de Rio Branco ». Cette phase plus mercantile fut cependant de courte durée puisque la publication de la revue fut définitivement close en octobre 1919.
7La Revista Americana fut l’un des instruments de la politique américaniste de Rio Branco. Cette orientation s’insère dans un nouveau moment de la politique extérieure du Brésil, inauguré avec la proclamation de la République. Le début de la République coïncida avec la réunion à Washington de la première conférence internationale américaine dont les travaux eurent lieu du 2 octobre 1889 au 19 avril 1890 et marquèrent officiellement la naissance du pan-américanisme. Ce terme apparut tout d’abord dans la presse nord-américaine qui commença à utiliser, quelques mois avant l’événement, l’expression pan-américaine. À partir de ce moment, même avant l’ouverture de la réunion, celle-ci fut appelée officieusement conférence pan-américaine, ainsi que dans les réunions ultérieures. Le terme de pan-américanisme se répandit et désigna désormais l’ensemble des politiques d’incitation à l’intégration des pays américains sous l’hégémonie des États-Unis9.
8La première conférence pan-américaine fut convoquée par le gouvernement des États-Unis, suite à presque une décennie de négociations diplomatiques et de débats internes, en tant que résultat d’un projet mené par le secrétaire d’État nord-américain James G. Blaine, mentor du pan-américanisme. Le renforcement de l’intégration des États-Unis avec les autres pays américains visait, en dernière instance, le développement des exportations de produits nord-américains vers le reste du continent, afin de compenser l’entrée de produits européens, notamment en provenance de l’Angleterre, leur principale concurrente (outre, bien entendu, les intérêts géopolitiques des États-Unis). Une preuve éclatante de cette intention réside dans le fait que l’unique résultat concret de la première conférence fut la création de ce qu’on appela alors le Département commercial des républiques américaines, avec pour but de réaliser une « rapide collecte et distribution de données sur le commerce10 », désigné ultérieurement comme union pan-américaine. Des rencontres périodiques furent réalisées durant toute la première moitié du xxe siècle dans diverses capitales du continent jusqu’à ce qu’en 1948, à la conférence de Bogota, fût créée l’Organisation des États américains – l’OEA, avec un nouveau cadre juridique, en remplacement de l’Union pan-américaine. La Revista Americana, pendant son existence, publia notes, commentaires et articles sur les conférences réalisées.
9Le Brésil républicain renforça une tendance au rapprochement avec les États-Unis qui s’esquissait depuis le Second Empire. Oliveira Lima, diplomate sous l’Empire et sous la Première République, en fit le commentaire suivant :
« Dans ses débuts, l’Empire s’était beaucoup appuyé sur la sympathie britannique car la scission du Royaume-Uni11 favorisait les intérêts commerciaux anglais, et le constitutionnalisme comme forme de gouvernement avait été importé de l’Angleterre ; mais la tendance au rapprochement politique fut plus prononcée du côté de l’Amérique du Nord. Le Brésil était tenu à distance des républiques néo-espagnoles par des antipathies héritées et réimplantées et par des parti-pris issus de sa nature impériale qui semblaient présager des annexions et des conflits. [...] Les deux grandes unions du nouveau monde, l’américaine et la brésilienne, s’entendirent parfaitement et il n’y eut pas plus grand agent de cette “entente cordiale” que D. Pedro II12. »
10Ces observations d’Oliveira Lima révèlent que le Brésil chercha un rapprochement avec les États-Unis depuis l’époque de la monarchie, contrairement à son attitude vis-à-vis des républiques hispaniques. Pour ces pays, le Brésil monarchique demeura un voisin gênant jusqu’en 1889. Toutefois, un plus grand rapprochement du Brésil avec les États-Unis ne fait aucun doute après la proclamation de la République. Le nouveau régime ouvrit ses portes pour une meilleure entente diplomatique du pays avec les républiques américaines. Cela signifiait que le Brésil abandonnait le monarchisme européiste – symbolisé par les Bragança – et adhérait à « la vocation républicaine et libérale des Amériques ». Ce ne fut pas sans raison que le nouveau régime brésilien fut d’abord reconnu par les pays américains et seulement ensuite par les gouvernements européens13.
11Les transformations qui affectaient le Brésil et le monde au début du xxe siècle – modernisation capitaliste, ascension des États-Unis sur la scène internationale, conflits en Europe – induisirent ce changement de cap dans la politique extérieure brésilienne conduite par Rio Branco. On décida d’ouvrir l’éventail des relations internationales, brisant ainsi la quasi-exclusivité européenne. En ce sens, Rio Branco essaya de résoudre les conflits frontaliers avec les pays voisins sud-américains14 – en vue d’augmenter l’influence géopolitique du Brésil en Amérique latine – et, en même temps, de se rapprocher des États-Unis. Cependant, le ministre ne souscrit pas une adhésion absolue à la politique nord-américaine, et chercha une position stratégiquement équilibrée entre les influences britanniques et nord-américaines au Brésil, bien que penchant plus nettement vers l’orbite d’influence nord-américaine15. Dans son discours d’ouverture de la IIIe Conférence pan-américaine – qui eut lieu à Rio de Janeiro entre juillet et août 1906 – Rio Branco réaffirma son choix du rapprochement progressif avec les pays américains, tout en maintenant des relations favorables avec l’Europe :
« Nations encore jeunes, nous ne pouvons oublier ce que nous devons aux formateurs du capital avec lequel nous entrâmes dans la concurrence sociale. L’immensité de nos territoires, en grande partie déserts, certains inexplorés, et la certitude que nous disposons de ressources suffisantes pour que sur ce continent vive une population dix, vingt fois plus grande, nous recommande de resserrer nos liens de bonne amitié et de chercher à développer ceux du commerce avec cet inépuisable vivier d’hommes et cette prodigieuse source d’énergies fécondes qu’est l’Europe. Elle nous a créés, elle nous a éduqués, nous avons reçu d’elle un appui et un exemple constant, la lumière des sciences et des arts, les facilités de son industrie et la leçon la plus profitable du progrès. Ce qu’en échange de cette inestimable dotation morale et matérielle nous pouvons lui donner, en croissant et prospérant, sera certainement un espace plus important au déploiement de son activité commerciale et industrielle16. »
12Le souci du chancelier de ne pas créer de situation diplomatiquement embarrassante avec les pays européens, notamment avec l’Angleterre, est visible. Ainsi que son intention de maintenir sa politique d’incitation à l’immigration européenne vers le Brésil. L’identification de Rio Branco avec le régime monarchique est indiscutable. Il craignait que la République mît en péril l’ordre et l’unité du pays. Comme d’autres politiques et intellectuels influents de l’époque, il redoutait que les guerres civiles, le caudillisme, les gouvernements tyranniques s’emparent du Brésil, à l’instar, selon eux, des républiques voisines. Il résolut de ne pas s’engager directement dans la campagne anti-républicaine, au nom de l’ordre public, mais conserva des relations étroites avec des monarchistes militants comme Eduardo Prado et Joaquim Nabuco, sans compter l’empereur lui-même en exil17.
13Rio Branco entretint des relations étroites avec l’empereur D. Pedro II, en continuité avec la tradition politique familiale. Son père, José Maria da Silva Paranhos, le Vicomte de Rio Branco, eut une intense vie politique sous la monarchie18. Son fils, comme on le sait, joua un rôle central dans la définition de la politique extérieure brésilienne à la fin de l’empire et au début de la République. Du temps de la monarchie, il fut professeur au lycée Pedro II, député et consul général à Liverpool en Angleterre. Une fois la République instaurée, il se vit confier d’importantes missions diplomatiques, devint ministre, poste qu’il occupa pendant les gouvernements de Rodrigues Alves, Afonso Pena, Nilo Peçanha et Hermes da Fonseca.
14Tout en représentant un maillon de la monarchie dans le nouveau régime, Rio Branco eut la claire vision de l’importance que les États-Unis allaient prendre dans le siècle naissant. Dans cette perspective, une mesure prise en tant que ministre fut d’élever la mission diplomatique de Washington au rang d’ambassade, la première en Amérique du Sud19. La même année, les États-Unis élevèrent également leur mission diplomatique de Rio de Janeiro au rang d’ambassade. Elle fut, réciproquement, la première en Amérique du Sud. Curieusement, Rio Branco choisit un monarchiste pour assumer le poste à Washington, Joaquim Nabuco, qui, comme on le sait, finit par abandonner la campagne anti-républicaine et s’engagea intensément dans la défense du pan-américanisme20.
15La Revista Americana joua ainsi un rôle de divulgation et d’affirmation de la politique pan-américaniste de l’Itamarati auprès des milieux intellectuels. Elle regorge d’articles qui confirment l’adhésion pan-américaniste de la politique extérieure brésilienne au début de la République. Joaquim Nabuco, Araripe Jr., Hélio Lobo, Arthur Orlando, Dunshee de Abranches, entre autres, publièrent des articles d’adhésion enthousiaste au pan-américanisme et de défense du leadership brésilien en Amérique du Sud.
16L’article de Nabuco, intitulé « La partie de l’Amérique dans la civilisation » – à l’origine, une conférence donnée à l’université du Wisconsin – ouvre le numéro inaugural de la revue. En parlant de l’Amérique, Nabuco lui-même admet qu’il ne se réfère qu’aux États-Unis car, selon lui, il était encore « tôt pour discourir sur la partie réservée dans l’histoire à l’Amérique latine21 ». L’auteur en vient à affirmer que « l’Amérique, grâce à la Doctrine Monroe, est le continent de la paix » et que « paix et pan-américanisme sont des termes équivalents pour vous et pour nous ». Évidemment, le pan-américanisme est considéré comme un simple dédoublement du monroïsme et celui-ci comme une doctrine de défense nationale contre les agressions européennes. L’article traite, comme le titre l’indique, des principales contributions nord-américaines à la civilisation qu’étaient, selon Nabuco, l’immigration, la démocratie, l’égalité de statut social, le système éducatif, les grandes inventions, le respect de la femme et le droit international. Son texte se termine avec cette promesse de fidélité : « Jamais nous ne chercherons à cacher notre immense fierté en reconnaissant les enfants de Washington comme les inspirateurs de notre civilisation américaine22. »
17Nous ne pouvons oublier que Nabuco était ambassadeur à Washington, que son public était formé d’enseignants et d’étudiants nord-américains et qu’il représentait l’intérêt du gouvernement brésilien de renforcer les liens entre le Brésil et les États-Unis. Mais nous savons aussi que Nabuco, en se résignant à la fin de la monarchie (après une décennie de résistance monarchiste), accepta le régime républicain et, une fois nommé par Rio Branco ambassadeur aux États-Unis, devint un fervent défenseur du pan-américanisme et l’un de ses plus ardents propagandistes. La Revista Americana – en ouvrant son premier numéro avec cette conférence de Nabuco – manifestait sa position sur un sujet aussi polémique entre les intellectuels, les politiques et les diplomates brésiliens et hispano-américains bien que, au Brésil, l’adhésion au pan-américanisme ait été beaucoup plus explicite et plus large que dans les pays hispaniques23.
18Le premier numéro de la revue, pour ne laisser aucun doute, publiait également un article de Hélio Lobo intitulé « George Canning ou James Monroe ? une page d’histoire diplomatique », exprimant des éloges uniquivoques au monroïsme et au pan-américanisme. Le député fédéral Arthur Orlando, à son tour, dans un article intitulé « Éducation internationale américaine » (dans le numéro de mars 1910), défend ce qu’il appelle l’« idéal américain », une supposée articulation des Amériques dans un tout harmonieux. Pour atteindre cet objectif, les souverainetés des pays continentaux devraient obligatoirement être redimensionnées. À titre d’exemple, l’auteur cite le cas du Panama et reproduit même des articles du traité de Washington relatifs à la concession de la zone du canal aux États-Unis. La question du canal est traitée tout naturellement, comme si la situation géographique du pays n’avait pas laissé d’autre option aux Panaméens. L’auteur est un fervent du pan-américanisme et, dans son opinion, la première tâche serait de mettre sur pied une éducation internationale américaine, sur laquelle il discourt longuement24.
19Nous avons pu trouver au moins 17 articles d’adhésion explicite au pan-américanisme sur la période de parution de la revue. Oliveira Lima, connu pour son attitude critique vis-à-vis du pan-américanisme – manifestée dans ses articles écrits entre 1903 et 1907 et ultérieurement publiés dans un volume intitulé Pan-americanismo – écrivit également pour la Revista quelques articles, tous de caractère historiographique. Aucun de ses articles d’opposition à l’adhésion pan-américaniste du Brésil ne parut dans la Revista Americana qui, cependant, publia des articles critiques ou de franche opposition au monroïsme et au pan-américanisme, mais uniquement d’auteurs hispano-américains et, même ainsi, en nombre bien inférieur au nombre d’articles favorables.
20Ramón J. Cárcano – alors vice-président de la Chambre des députés d’Argentine – le Péruvien Pedro Irigoyen et l’ambassadeur du Chili à Washington, Marcila Martínez25 figurent parmi les auteurs publiés dans la revue qui manifestèrent, avec plus ou moins de véhémence, des critiques à la politique nord-américaine envers l’Amérique latine.
21Bien que la revue ait, tout au long de ses années d’existence, proposé des articles sur une grande variété de thèmes – politique, diplomatie, droit, histoire, géographie, économie, philosophie, arts, sciences, psychologie, religion, littérature et linguistique, sans compter les poèmes, les contes, les romans (en chapitres) et des critiques littéraires – les textes de caractère diplomatique et historique prédominèrent. Les guerres dans la région de la Plata furent l’objet de nombreux articles, accentuant la vision officielle brésilienne de défense de nos frontières et justifiant l’action du Brésil dans les conflits de la région platine.
22Toutefois, quelques articles d’auteurs hispano-américains n’adhéraient pas, évidemment à certaines positions des brésiliens. Ramón J. Cárcano26, déjà cité, dans un article intitulé « Relaciones internacionales – el critério argentino tradicional », en 1910, où il discourt sur l’histoire de la politique exterieure argentine, remit en cause sévèrement la politique brésilienne, considérée comme expansionniste, tout en faisant d’évidents éloges de la politique de Buenos Aires envers ses voisins, jugée plutôt conciliatrice. Concernant le conflit visant le territoire de la Bande orientale, l’actuel Uruguay, (connu dans l’histoire brésilienne comme la Guerre de Cisplatine), Cárcano affirma :
« L’Empire, méconnaissant les lois sociologiques et mettant en risque des promesses inviolables, étendit sa souveraineté à la province Cisplatine. C’était une province argentine de par son origine, son droit, sa communauté politique, ses luttes et sa volonté actuelle. L’occupation transitoire du territoire se transforma en conquête définitive et la lutte armée devint l’imposition fatale d’une action de force. Le cri de guerre, populaire et vibrant, éclata au sein du peuple argentin27. »
23L’auteur finit, malgré tout, par défendre la position finale de constitution d’un État uruguayen indépendant comme moyen de sauvegarder la paix entre les deux nations belligérantes, l’Argentine et le Brésil.
24En ce qui concerne la guerre du Paraguay, il affirma que la participation argentine au conflit « sauva l’Empire d’une ruine assurée dans cette guerre improvisée ». L’Empire brésilien, selon Cárcano, aurait succombé sans l’aide de l’Argentine. Cette version du conflit, bien que publiée dans la revue (par respect pour les relations avec le pays voisin), fut accompagnée de « Notes de la rédaction » qui rejetèrent l’interprétation du politique argentin selon laquelle l’Empire brésilien était « stationnaire et archaïque28 ». Dans la réponse explicite de la revue, « le Brésil n’aurait pas succombé dans sa lutte contre le dictateur du Paraguay sans l’alliance argentine » Et dans ces notes on ajoutait :
« Sous le régime impérial, le Brésil fut incontestablement un pays bien plus libre et plus démocratique que la plupart des républiques de ce continent. En 1851 et 1852 il concourut à la libération des peuples de la Plata29. L’Empire du Brésil fut, selon les mots de ce même Général Mitre, un “libérateur de peuples et un vainqueur de tyrans”30. »
25Les notes mettent en exergue les vertus du régime monarchique brésilien, le comparant au modèle parlementaire anglais. Il est possible que Rio Branco lui-même soit l’auteur de ces notes, lui qui, habituellement, annotait les textes d’autres auteurs et écrivait des articles, des notes et des éditoriaux pour différents journaux et publications, sous pseudonyme ou sans signature31.
26Des articles d’auteurs hispano-américains qui exprimaient leur opposition à la politique extérieure nord-américaine ou à la politique extérieure brésilienne envers les autres pays du continent furent évidemment publiés en raison des incidents diplomatiques que le refus de ces articles aurait pu provoquer (compte tenu du poids politique des auteurs et l’évidente filiation de la Revista Americana à l’Itamarati). Ces divergences montrent à quel point l’équilibre diplomatique était délicat et fragile sur le continent.
27La présence de la Revista Americana sur la scène éditoriale carioca32 et brésilienne au début du siècle, pendant dix ans (avec une interruption de trois ans), avec ses publications d’articles sur des sujets les plus variés, poèmes, contes et chroniques d’auteurs brésiliens et hispano-américains, dénote la volonté politique existante, dans les premiers temps du régime républicain au Brésil, de rapprochement avec les républiques américaines.
28Rio Branco, tout en resserrant les liens entre le Brésil et les États-Unis, en appuyant la politique pan-américaniste et en évitant toute critique à l’égard de la politique extérieure de Theodore Roosevelt (président de 1901 à 1909) vis-à-vis de l’Amérique latine33, essaya de neutraliser les divergences entre le Brésil et les pays voisins, notamment l’Argentine. Au-delà de sa recherche, par la diplomatie brésilienne, de solution aux litiges frontaliers, Rio Branco considérait que la stabilité politique et le maintien de l’ordre et de la paix étaient essentiels pour le progrès de toute l’Amérique latine. Il craignait que des convulsions politiques dans les pays voisins (et plus encore sur le sol brésilien) accentuent les visions négatives sur cette partie du monde dans l’opinion publique et chez les dirigeants des grandes puissances économiques. Le chancelier brésilien, soucieux de ne rien céder en matière de souveraineté nationale, défendait l’établissement de relations cordiales entre les pays continentaux. Dans cette perspective, naquit en 1909 le projet de formation d’une alliance tripartite entre l’Argentine, le Brésil et le Chili – connue sous le nom de « triangle ABC » – réunissant les pays sud-américains de plus grande importance économique, militaire et géopolitique au début du xxe siècle. Clodoaldo Bueno l’appelle projet d’« influence partagée » :
« En proposant une influence partagée, Rio Branco agissait surtout avec pragmatisme. L’amitié entre les trois nations maintiendrait l’équilibre, empêcherait des interventions de l’une d’entre elles dans des républiques de moindre importance et, en même temps, laisserait le Brésil plus à l’aise dans le contexte sous-régional34. »
29Il convient de remarquer que le projet de l’ABC n’avait pas pour objectif de contrebalancer l’influence nord-américaine sur le continent. En 1906, à l’occasion de la IIIe Conférence internationale américaine, Rio Branco affirma, dans une interview, qu’un accord entre toutes les républiques américaines était inenvisageable : « Nous pensons qu’un accord d’intérêt général, pour être viable, ne doit être tenté qu’entre les États-Unis d’Amérique, le Mexique, le Brésil, le Chili et l’Argentine. De cette façon, États-Unis et Brésil, nous serions bien35. »
30La vision de la diplomatie brésilienne reposait sur l’idée qu’une ligue des pays du sud, à condition qu’elle soit efficace, renforcerait l’alliance avec les États-Unis. Toutefois, en raison de disputes historiques et de méfiances réciproques entre les trois pays – notamment entre l’Argentine et le Brésil, d’une part, et entre l’Argentine et le Chili, d’autre part – le projet de l’ABC ne vit pas le jour à l’époque de Rio Branco, mais il sera repris ultérieurement36.
31En ce qui concerne les États-Unis, l’alignement et l’appui à la politique pan-américaniste furent explicites et la Revista Americana constitua l’un des canaux par lequel furent affirmées et défendues les positions du MRE auprès des intellectuels, de la diplomatie, des politiques, de la presse et de l’opinion publique, de façon générale.
32Dans une interview accordée au journal argentin La Nación, en juillet 1906, Rio Branco assura que les pays du sud de l’Amérique ne devaient pas craindre d’ingérences militaires nord-américaines. Selon le chancelier, les nord-américains ne pouvaient intervenir directement que dans la région de la mer des Antilles. Et selon le journal de Buenos Aires, il alla même jusqu’à affirmer :
« Les pays qui ne savent pas se gouverner, qui n’ont pas les éléments suffisants pour éviter les révolutions et les constantes guerres civiles, qui se succèdent sans interruption, n’ont pas de raison d’exister et doivent céder leur place à une autre nation plus forte, mieux organisée, plus progressiste, plus virile37. »
33La coïncidence avec non seulement les arguments mais également avec le langage de la conception rooseveltienne, est évidente. Par des déclarations comme celle-ci, il n’est pas surprenant que l’image du Brésil, dans les pays de l’Amérique hispanique, ait été celle d’un allié inconditionnel et bras politique de l’expansionnisme nord-américain en Amérique latine.
34Francisco Doratioto résume les grandes lignes du projet de Rio Branco pour la politique extérieure brésilienne à cette période :
« Ce projet consistait à faire de l’Amérique du Sud un espace géopolitique sous leadership brésilien, avec le consentement de l’Argentine, non contraignant et dépourvu d’objectifs expansionnistes ou interventionnistes. De plus, le Brésil accepterait un équilibre du pouvoir avec l’Argentine dans la région de la Plata [...]. [Et jouerait le rôle de] puissance régionale, proche du pays hégémonique central, les États-Unis, mais lui garantissant une relative autonomie38... »
35Dans une note de novembre 1904 adressée à la mission diplomatique de Buenos Aires, Rio Branco ne fit preuve d’aucune ingénuité envers la politique extérieure nord-américaine. En se référant initialement à la possibilité d’ingérence impérialiste européenne en Amérique latine, notamment dans les pays « dévastés par les guerres civiles », le chancelier affirma :
« Et il est peu probable que leur vienne en aide la dite Doctrine de Monroe, car en Amérique du Nord aussi il y aura un excédent de population (alors que la politique impérialiste continuera) et on défend déjà là-bas, aujourd’hui, le droit de désappropriation des peuples les plus incompétents par les plus forts39... »
36Sous le mandat du successeur de Rio Branco à l’Itamarati, Lauro Müller (de 1912 à 1917), les relations avec les États-Unis se renforcèrent encore davantage, ce qui se refléta dans la Revista Americana. Son éditeur, Aráujo Jorge – comme nous l’avons déjà signalé – resta au MRE comme premier secrétaire. Cependant, l’ambassadeur brésilien à Washington – le successeur de Nabuco, Domício da Gama (en poste de 1911 à 1918) – un disciple de Rio Branco, pensait que les relations avec les États-Unis devaient garder une certaine réserve et prudence de la part du Brésil. Gama défendait un plus grand rapprochement avec les pays hispano-américains, afin, en outre, de renforcer le Brésil face à la puissance du nord :
« Nous, cependant, qui représentons un marché qu’ils (les Nord-Américains) ont envie de conquérir et de s’assurer, et qui n’avons pas besoin d’une hypothétique protection mais bien plutôt d’amitié sans dépendance, nous devons nous mettre du côté des gens de notre race, qui ne nous méprisent pas parce qu’ils nous connaissent, et, par des actes plus que par des paroles, constituer l’intelligence cordiale qui, par suite, nous montrera unis et plus forts dans la lutte d’intérêts qu’est la politique internationale. Nous arriverons ainsi plus rapidement à traiter avec eux d’égal à égal40. »
37Dans ce passage de sa lettre, Gama exprime clairement son opinion éminemment favorable à un resserrement des relations avec les pays hispano-américains (« gens de notre race ») et à une « amitié sans dépendance » vis-à-vis des États-Unis. Critique de l’ingérence nord-américaine dans les pays d’Amérique latine et de la « diplomatie du dollar » du président William Taft (1909-1913), Domício da Gama chercha à influencer les décisions du MRE41. Pendant la période Müller/Gama, on assista, d’une certaine façon, à une inversion de positions en comparaison avec la période Rio Branco/Nabuco. Comme nous l’avons précédemment montré, l’ambassadeur Nabuco avait une vision sans réserve des États-Unis tandis que le chancelier Rio Branco préférait rester sur ses gardes. Les positions de l’ambassadeur Domício da Gama et du chancelier Müller furent, comme nous venons de le voir, le contraire. Dans ce cas, ce fut l’ambassadeur qui préféra retenir les leçons du défunt ministre.
38Quant aux pays sud-américains – principalement l’Argentine et le Chili – les relations politiques et culturelles se renforcèrent, à tel point que, le 25 mai 1915 à Buenos Aires, Müller signa un traité pacifiste, plus connu comme traité de l’ABC, qui avait pour objet la résolution pacifiste d’éventuelles divergences entre les signataires42. Les trois pays étaient déjà intervenus conjointement en tant que médiateurs entre les États-Unis et le Mexique, en 1914, à l’occasion de l’occupation de Vera Cruz par les forces nord-américaines43.
39La Revista Americana, de par ses propres caractéristiques et ses origines, ne resta pas insensible à tous ces événements. Au contraire, elle en fut directement affectée. Cependant, l’objectif explicite de ses fondateurs, de renforcer les liens d’intégration entre les pays du continent – et, dans le cas de la revue, les liens d’intégration intellectuelle surtout – guida son projet éditorial.
40En ce qui concerne la distribution et la réception de la revue, il n’a pas été possible d’obtenir des données précises. Le nombre d’exemplaires de chaque numéro n’était pas mentionné sur la publication. Dans son annonce destinée à recruter de nouveaux abonnés, publiée à partir de 1918, la revue faisait une auto-propagande en se disant « la plus importante publication internationale distribuée sur tout le continent ». De plus, elle affirmait que sa distribution était gratuite « dans tous les établissements d’enseignement européens, les cafés, les hôtels, les restaurants, les salons de coiffure, les salles de lecture, les transatlantiques anglais, français, allemands, italiens, etc. ». Elle disait également avoir des représentants à Buenos Aires, à Lima, à Montevideo, à Santiago du Chili et à Porto. Il y a beaucoup d’exagération dans cette auto-promotion, de toute évidence irréelle et presque risible. Quant à ses représentants dans les villes citées, il s’agissait vraisemblablement de collaborateurs de ces villes qui envoyaient régulièrement leurs textes à la revue, puisque les auteurs étrangers qui publiaient le plus étaient argentins, péruviens, uruguayens, chiliens et portugais.
41Quant à sa réception, on trouve de nombreuses références à la Revista Americana dans d’autres publications de l’époque compte tenu de l’importance de beaucoup de ses collaborateurs et des thèmes abordés. Et elle avait certainement une grande pénétration dans les milieux intellectuels liés à la diplomatie.
42Les relations entre les intellectuels brésiliens et hispano-américains furent également renforcées, dans une grande mesure, par la diplomatie qui facilitait la circulation des hommes et des publications de par le continent. Malgré sa sympathie manifeste pour les États-Unis et son évidente adhésion au projet nord-américain, la revue – comme nous l’avons déjà mentionné – ne publia aucun article d’intellectuels nord-américains. Il convient de souligner que la vision de la majorité des intellectuels et diplomates nord-américains sur le rôle du pan-américanisme dans la politique extérieure états-unienne ne coïncidait pas exactement avec la vision dominante dans les cercles intellectuels et diplomatiques brésiliens. Les Nord-Américains explicitaient l’hégémonie des États-Unis sur le continent alors que les Brésiliens mettaient l’accent, diplomatiquement, sur l’intégration et la solidarité continentale. Autrement dit, le discours des Nord-Américains sur le pan-américanisme n’était pas compatible avec le projet politico-éditorial de la Revista Americana. Toutefois, sont également absents de la revue des articles d’auteurs nord-américains de caractère non explicitement politique (littéraires, philosophiques, etc.). Quelques hypothèses peuvent être avancées : manque d’intérêt de la part des Nord-Américains à publier dans la revue et/ou effort insuffisant de la part des éditeurs pour capter des articles d’auteurs états-uniens. Nous n’avons pas encore de réponse précise à propos de cette absence.
43Au sujet des États-Unis, Euclides da Cunha – dont plusieurs articles posthumes furent publiés dans le périodique américaniste44 – clarifia sa position dans une lettre adressée à Araripe Jr., en février 1903. Araripe Jr., comme on le sait, était un défenseur obstiné de la doctrine de Monroe et du pan-américanisme. Dans cette lettre, Euclides exprima sa solidarité avec les positions du fameux critique littéraire de l’État du Ceará. Tout en admettant l’« expansion irrésistible » des pays les plus puissants, Euclides trouvait « consolatrice l’idée selon laquelle l’absorption finale » se ferait moins aux dépens du militarisme allemand qu’au progrès nord-américain. Par rapport aux conceptions d’Araripe lui-même, Euclides dit :
« Je ne sais pas jusqu’à quel point on peut partager votre optimisme à propos de l’hégémonie nord-américaine. Même en supposant qu’il se révèle totalement infondé et que le funeste impérialisme yankee exagère jusqu’à prendre possession de pays étrangers, à quoi nous servirait-il de nous lamenter avec nos superstitions patriotiques ? [...] Subordonnés que nous sommes à la fatalité des événements, aggravés par notre faiblesse actuelle, nous devons avant tout agir intelligemment en accompagnant la nation triomphante et en préférant le rôle volontaire d’alliés à la situation inévitable de vaincus45. »
44Ses idées sur la question du pan-américanisme transparaissent dans le passage de cette lettre. Évolutionniste, il croyait à l’inexorabilité de l’hégémonie nord-américaine sur le continent. Dans cette perspective, il trouvait romantique et stérile toute tentative de défense patriotique. De sorte que l’alliance avec les États-Unis – c’est-à-dire l’adhésion à la politique pan-américaniste – était l’option la plus intéressante pour le Brésil qui, de cette façon, pourrait limiter la prépondérance sud-américaine avec l’appui nord-américain46.
45La politique de Rio Branco, clairement exprimée dans la Revista Americana, correspondait à la vision d’Euclides. Ou plutôt, Euclides, fidèle allié du Baron, souscrivait à la politique du ministre : maintien des relations amicales avec les pays européens, accompagnées de l’alliance avec les États-Unis, adhésion au pan-américanisme et aspiration au leadership en Amérique du Sud, avec l’appui de la puissance du Nord.
Notes de bas de page
1 A « Revista Americana », editorial, Revista Americana, t. I, fasc. I, octobre 1909, p. 5-7. Des recherches réalisées dans différentes bibliothèques nous ont permis d’avoir accès à la plupart des numéros publiés.
2 Sur le baron de Rio Branco, sa gestion à la tête du MRE, les positions de la politique externe brésilienne face à la proposition pan-américaine des États-Unis et à propos des relations avec les pays hispano-américains, voir Bueno C., Política externa da Primeira República : os anos de apogeu (1902 a 1918), São Paulo, Paz e Terra, 2003 ; Magnoli D., O corpo da pátria : imaginação geográfica e política externa no Brasil (1808-1912), São Paulo, Editora Unesp/Moderna, 1997, p. 185-237 et p. 261-272 et Doratioto F. F. M., « A política platina do Barão do Rio Branco », Revista Brasileira de Política Internacional, ano 43, no 2, Brasília, IBRI, 2000, p. 130-149.
3 Le palais d’Itamarati (ou Itamaraty) est le siège du ministère des Relations extérieures du Brésil – MRE (N.D.T.).
4 Parmi les articles de Rio Branco publiés dans la revue, mentionnons « L’histoire militaire du Brésil », la « Biographie de José Maria da Silva Paranhos (Visconde do Rio Branco) », le père de l’auteur, et « Commentaires sur l’Histoire de la Guerre du Paraguay de Schneider ». Ces travaux de Rio Branco, à cause de leur étendue, furent publiés par épisode à partir de 1916, après sa mort. La publication de ces textes correspondait aux intérêts des éditeurs qui voulaient magnifier l’œuvre du Baron.
5 Cf. Demarchi A., Falácias americanas : do americanismo à unidade da América, thèse (doctorat en littérature brésilienne), Departamento de Letras Clássicas e Vernáculas, FFLCHUSP, São Paulo, 1997, p. 52-55.
6 À propos de Manuel Gorostiaga, voir Bueno C., op. cit., p. 170-171.
7 Parmi les œuvres de la Livraria Editora, annoncées dans la revue, se trouve le livre d’Araújo Jorge, Ensaios de história diplomática do Brasil durante o regime republicano.
8 C’est ainsi que fut publiée par la Revista Americana à partir de janvier 1918, en fascicules de 16 pages, l’Histoire du Brésil, de l’auteur allemand Heinrich Handelmann.
9 À propos des Conférences pan-américaines et du pan-américanisme, voir Ardao A., « Panamericanismo y latinoamericanismo », L. Zea (dir.), América Latina en sus ideas, México, Siglo XXI/Unesco, 1986, p. 157-71 et Lobo H., O pan-americanismo e o Brasil, São Paulo, Companhia Editora Nacional, 1939 ; et Bueno C., op. cit.
10 Voir Ardao A., op. cit., p. 158.
11 L’auteur se réfère évidemment à la fin du Royaume-Uni du Brésil au Portugal et Algarves, en 1822.
12 Oliveira Lima M., O movimento da Independência : o Império brasileiro (1821-1889), 2e ed., São Paulo, Melhoramentos, s. d., p. 469-470.
13 L’Uruguay, l’Argentine et le Chili ont été les premiers à reconnaître le nouveau gouvernement brésilien, en 1889. En janvier 1890 ce fut le tour de la Bolivie, du Vénézuela, du Mexique et des États-Unis. En Europe, la France républicaine fut la première en juillet 1890, suivie de la Grande-Bretagne, de l’Italie et de l’Espagne, en 1891.
14 Pendant le mandat du baron de Rio Branco à la tête des négociations concernant les rivalités territoriales (à partir de 1893) et ensuite comme chancelier de la République (entre 1902 et 1912), plusieurs litiges frontaliers furent résolus : avec l’Argentine, les Guyanes française et anglaise, la Bolivie (au sujet de l’Acre), le Pérou, le Venezuela, la Colombie, l’Uruguay, l’Équateur (qui à l’époque avait des frontières avec le Brésil) et la Hollande (au sujet du Surinam). Pendant cette période d’intervention du baron de Rio Branco sur les questions frontalières, 885 000 km2 furent déclarés comme étant sous la souveraineté brésilienne et tous les confits les plus importants furent résolus avant 1909. Voir Doratioto F., Espaços nacionais na América Latina : da utopia bolivariana à fragmentação, São Paulo, Brasiliense, 1994, p. 73-81.
15 Bien que cela ne puisse être considéré comme l’unique facteur de réorientation de la politique extérieure, il convient de noter que, à partir des dernières décennies du xixe siècle (plus précisément depuis 1865-1870), les États-Unis devinrent l’acheteur le plus important de notre principal produit d’exportation, le café, et le plus grand importateur de produits brésiliens en règle générale (avec le café, ils achetaient le caoutchouc, le sucre, etc.). Cf. Bueno C., op. cit., p. 95-109.
16 Do Rio Branco Barão, « Discurso de Abertura da III Conferência Internacional Americana », H. Lobo, op. cit., p. 70-71.
17 Sur les positions d’Eduardo Prado et de Joaquim Nabuco au sujet des républiques hispano-américaines, cf. Baggio K. G., A « outra » América : a América Latina na visão dos intelectuais brasileiros das primeiras décadas republicanas, thèse (doctorat), Departamento de História, FFLCH-USP, São Paulo, 1998.
18 Le vicomte de Rio Branco fut militaire, professeur, député provincial à l’Assemblée de Rio de Janeiro, député à la Chambre de l’Empire, président de la province de Rio de Janeiro, ministre des Finances publiques, sénateur, diplomate (l’un des personnages importants dans les négociations qui eurent lieu à la fin de la guerre du Paraguay) et président du Conseil des ministres.
19 Seul le Mexique, parmi les pays latino-américains, avait une ambassade aux États-Unis avant 1905.
20 Sur le parcours et les positions politiques de Nabuco, voir Nogueira M. A., As desventuras do liberalismo : Joaquim Nabuco, a monarquia e a república, Rio de Janeiro, Paz e Terra, 1984 et Baggio K. G., op. cit.
21 Nabuco J., « A parte da América na civilização », Revista Americana, t. I, fasc. I, octobre 1909, p. 9-22.
22 Ibid., p. 22.
23 Cf. Baggio K. G., op. cit.
24 Orlando A., « Educação Internacional Americana », Revista Americana, t. II, fasc. III, mars 1910, p. 351-370. Du même auteur, cf. Orlando A., Pan-Americanismo, Rio de Janeiro, Tip. do « Jornal do Commercio », 1906, « uma explícita defesa da política externa norte-americana para a América Latina. Sobre Orlando », voir Baggio K. G., op. cit.
25 Cárcano R. J., « La diplomacia de la Triple Alianza. El barón de Cotegipe y Manuel Quintana (1871) », Revista Americana, t. I, fasc. II, novembre 1909, p. 161-178 ; Irigoyen P., « Mediación é intervención », Revista Americana, t. VII, fasc. II, mai 1911, p. 315-322 et Martínez M., « Cuestión chileno-peruana », Revista Americana, t. V, fasc. IV, avril 1911, p. 89-122.
26 Ramón José Cárcano (1860-1946), né à Córdoba, en Argentine, fut à la fois historien, juriste, journaliste, député fédéral, gouverneur de la province de Córdoba et ambassadeur à Rio de Janeiro (1933-1938), parmi d’autres activités et d’autres fonctions importantes. À l’époque du mandat de Rio Branco à l’Itamarati, Cárcano vint à Rio de Janeiro en mars 1911, en tant que représentant du président argentin Roque Sáenz Peña, afin de négocier avec le gouvernement brésilien au sujet de la dispute de supériorité navale entre les deux pays voisins. L’année précédente, le Brésil avait reçu deux cuirassés – les dreadnoughts Minas Gerais et São Paulo – et en avait commandé un troisième. L’Argentine, déjà en possession de deux, en commanda également un autre. Dans le but d’interrompre une course aux armements, Sáenz Peña envoya une mission diplomatique à Rio. Cárcano rencontra le président Hermes da Fonseca et Rio Branco. Suite à ces négociations, les gouvernements brésilien et argentin résolurent d’abandonner l’acquisition d’un troisième cuirassé, et la dispute s’apaisa. Il est important de considérer que le Brésil avait des raisons financières d’abandonner cet achat d’un troisième dreadnought (Rio de Janeiro), lequel fut vendu à la Turquie. Cf. Bueno C., op. cit., p. 286-287.
27 Cárcano R. J., « Relaciones internacionales : el criterio argentino tradicional », Revista Americana, vol. 1, n° 6, mars 1910, p. 336.
28 Cárcano R. J., op. cit., p. 342 et 346.
29 L’auteur des notes se réfère à la participation brésilienne aux guerres contre Oribe – leader des blancos uruguayens – et le caudillo de Buenos Aires, Rosas.
30 Notes de la rédaction à l’article de Cárcano R. J., op. cit., p. 342 et 346.
31 Cf. Demarchi A., op. cit., p. 61.
32 Carioca : de Rio de Janeiro (N.D.T.).
33 Au sujet du corollaire Roosevelt de la doctrine Monroe – qui conciliait monroïsme et interventionnisme – Rio Branco resta silencieux. Il n’y eut aucune manifestation officielle à ce sujet ni aucune critique à l’interférence et à l’occupation nord-américaine au Panama. Au contraire, le gouvernement brésilien reconnut prestement la République du Panama comme partie de la politique d’alliance avec les États-Unis. Cf. Bueno C., op. cit., p. 288-290.
34 Bueno C., op. cit., p. 291. À propos du « triangle ABC », cf. ibid., p. 287-302 ; Doratioto F., 2000 ; Conduru G. F., « O subsistema americano, Rio Branco e o ABC », Revista Brasileira de Política Internacional, ano 41, n° 2, Brasília, IBRI, 1998, p. 59-82. Nous ne devons pas oublier que, dans les premières décennies du xxe siècle, l’économie argentine était en meilleure situation que la brésilienne.
35 Apud Bueno C., op. cit., p. 299.
36 À propos des rivalités entre le Brésil et l’Argentine, voir Bueno C., op. cit., p. 169-308 et p. 383-412 ; Doratioto F., 2000. La dispute pour la suprématie navale fut l’un des principaux facteurs de divergences entre les deux pays pendant les deux premières décennies du xxe siècle. La seconde période pendant laquelle Estanislao Zeballos occupait le ministère argentin des Relations extérieures (1906-1908) marqua l’apogée des tensions entre les deux pays. Zeballos considérait que le Brésil, avec l’appui des États-Unis, avait pour but d’isoler l’Argentine du reste du continent. Selon le chancelier argentin – d’après des documents de l’époque – le Brésil avait l’intention d’entrer en guerre avec l’Argentine (Zeballos avait déjà occupé le poste de 1889 à 1891, au moment où le litige entre le Brésil et l’Argentine sur la région des Missions – Palmas – ne put être résolu ; cette dispute ne fut tranchée qu’en 1895, la défense brésilienne étant alors sous la responsabilité de Rio Branco). Cf. Doratioto F., 2000, et, du même auteur, Espaços nacionais na América Latina, São Paulo, Brasiliense, 1994, p. 73-74.
37 Voir Bueno C., op. cit., p. 152. Selon Bueno, Rio Branco n’a pas autorisé les déclarations publiées, mais le journal argentin les a confirmées.
38 Voir Doratioto F., op. cit.
39 Voir Conduru G. F., op. cit., p. 68.
40 Courrier de Washington (18 janvier 1913), de Domício da Gama à Lauro Müller (apud Bueno C., op. cit., p. 368).
41 À propos des positions de Lauro Müller et Domício da Gamaau sujet des relations Brésil-USA, cf. Bueno C., op. cit., p. 363-382.
42 Müller se rendit à Montevideo, Buenos Aires et Santiago, accompagné, entre autres collaborateurs, de A. G. de Araújo Jorge. À noter que le ministre avait précédemment visité les États-Unis, en 1913. Sur le traité de l’ABC de 1915, voir Bueno C., op. cit., p. 443-448.
43 À propos des relations Brésil-Mexique pendant la révolution Mexicaine, cf. Vinhosa F. L. T., « A diplomacia brasileira e a Revolução Mexicana, 1913-1915 », Revista do Instituto Histórico e Geográfico Brasileiro, n° 327, Brasília/Rio de Janeiro, 1980, p. 19-81.
44 Euclides mourut en août 1909, donc avant la fondation de la revue.
45 Cunha E., « Lettre à Araripe Jr. Lorena, 27 février 1903 », W. N. Galvão et O. Galotti (dir.), Correspondência de Euclides da Cunha (ativa), São Paulo, Edusp, 1997, p. 151.
46 Dans sa lettre à Oliveira, le 23 mai 1906 – il était à l’époque diplomate au Vénézuela – Euclides conseilla à son ami d’être plus discret dans ses critiques envers les États-Unis (exposées dans les articles qu’Oliveira Lima publiait dans le journal O Estado de São Paulo) : « Si je pouvais te conseiller, je te dirais de ne pas mettre en avant si abruptement, pour l’instant, certains aspects de l’existence yankee... Je ne peux aller au-delà de ces points de suspension que je livre à ta subtilité. » À Rio de Janeiro on préparait la IIIe Conférence pan-américaine qui s’y déroula entre juillet et août de la même année. Moment politique, par conséquent, assez inopportun pour les vigoureuses critiques d’Oliveira Lima. Euclides, en tant qu’homme de confiance de Rio Branco, se sentit dans l’obligation d’alerter son ami pour qu’il agisse de façon plus prudente, au moins dans les mois précédant la IIIe Conférence. Voir Carta a Oliveira Lima. Rio de Janeiro, 23 de maio de 1906, in Galvão W. N. et Galotti O., op. cit., p. 303-304.
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