Revista do Brasil (1938-1943), un projet alternatif ?
p. 247-264
Texte intégral
1De plus en plus fréquemment, les historiens ont eu recours aux journaux pour réaliser leurs études. Si, au début des années 1970, l’utilisation de la presse était réduite, la situation a radicalement changé au cours des décennies suivantes, les journaux et les revues occupant une place des plus importantes dans les recherches historiques. De plus, même une lecture superficielle de cette production révèle combien les formes d’utilisation et les questions posées à ce type de documentation ont changé.
2L’usage instrumental, dans lequel les journaux et les revues étaient vus comme les dépositaires de données, de faits et d’idées qui validaient les conclusions du chercheur, fit place à des études qui montrent, par l’analyse du discours, la partialité des informations, dévoilent les liens des organes de presse avec des groupes politiques et/ou des catégories sociales et s’interrogent sur ses relations avec le pouvoir établi. Il existe une production importante qui, prenant pour objet des journaux et des revues, révèle combien les nouvelles et les polémiques qu’ils contiennent sont subordonnées aux intérêts de divers groupes1.
3La nécessité de suivre leur parcours historique semble évidente pour ceux qui privilégient de telles sources, dans la mesure où le statut de la presse a changé de façon importante au fil du temps. Il suffit de se souvenir que les journaux ont cessé d’être une activité de type artisanal, réalisée avec abnégation, pour se transformer en une industrie, organisée sur le modèle des entreprises et avec des centaines d’employés, cela étant vrai aussi en ce qui concerne les revues2. De telle sorte qu’il faut être attentif aux statuts de la publication, à sa spécificité, qui se présente sous plusieurs formes. Évidemment, il y a des différences marquantes entre un périodique du xixe siècle et un autre du siècle suivant, déjà produit dans le contexte des industries culturelles, pour citer un exemple.
4Il faut considérer non seulement la segmentation croissante de la presse, destinée à des publics et des catégories sociales de plus en plus spécifiques, mais aussi les transformations non moins profondes concernant la structure interne des publications, la répartition des rubriques et les ressources iconographiques disponibles3.
5La trajectoire des annonces est significative. Si autrefois on leur accordait peu d’attention, aujourd’hui certains travaux les ont placées au centre de la scène. Les chercheurs enquêtent non seulement sur leur signification économique, aspect le plus évident, mais aussi sur les transformations du langage et sur les canons esthétiques et artistiques, ainsi que sur les goûts, les attitudes, les habitudes, les pratiques et les valeurs sociales que ce matériel permet d’apercevoir4. Les caricatures et les rubriques humoristiques ont connu une valorisation similaire5.
6Les études dans le domaine de l’histoire de la lecture, pour leur part, invitent à s’interroger sur les différentes formes de réception6, pendant que celles qui sont orientées vers les responsables de la conception et de l’édition des périodiques ont considéré les rédactions comme une part importante du réseau de sociabilité des intellectuels. Les exemples, qui pourraient certainement être multipliés, indiquent que la presse a cessé d’être considérée comme un réceptacle d’informations et de textes pour devenir, elle-même, l’objet d’investigations, dans un mouvement qui fusionne source et objet7.
7L’un des aspects les plus intéressants de cet autre regard se situe dans les possibilités qu’il dévoile pour un spécialiste de la culture. Les revues, les maisons d’édition, les cafés, les librairies, les associations culturelles et les correspondances permettent, comme nous le rappelle Ângela de Castro Gomes, de dresser la géographie de la dynamique d’articulation des groupes intellectuels, réunis dans des lieux de sociabilité légitimés par eux pour le débat et la propagation des idées, attitude indissociable des modes d’intervention dans la société. Il s’agit d’analyser le processus de constitution des groupes, des réseaux organisationnels et des types de sensibilités qui s’y développaient. On peut aller au-delà de la contextualisation quand on travaille sur la notion de champ intellectuel, dans lequel se nouent des polémiques, s’établissent des identités individuelles et collectives, se délimitent des frontières8. On observe toutefois qu’il ne s’agit pas de positions immuables, mais de groupes en mouvement et en réorganisation constants en fonction de buts à caractère esthétique et politique. En fait, il est toujours possible de discerner différents projets qui rivalisent entre eux9.
8Réfléchissant sur la signification des journaux, Jean François Sirinelli affirme :
« Les revues confèrent une structure au domaine intellectuel par le biais de forces antagonistes d’adhésion – par les amitiés qu’elles sous-tendent, les fidélités qu’elles rassemblent et l’influence qu’elles exercent – et d’exclusion – par les positions prises, les débats suscités et les divisions en résultant. En même temps qu’un observatoire de premier plan de la sociabilité de microcosmes intellectuels, elles sont un endroit précieux d’analyse du mouvement des idées. En somme, une revue est avant tout un lieu de fermentation intellectuelle et de relation affective, en même temps qu’un vivier et un espace de sociabilité, et peut être, entre autres abordages, étudiée sous cette double dimension10. »
9Il est donc possible de considérer les journaux comme des projets qui, dans la plupart des cas, sont collectifs. L’étude des textes programmatiques – ou d’articles qui assument un tel rôle – se révèle précieuse dans la mesure où ils déclarent et explicitent des buts, des idées rassembleuses de valeurs, des stratégies d’intervention dans l’espace public et des manières dont le groupe qui idéalise lit le passé et imagine le futur. Finalement, les propositions esthétiques construites par les intellectuels se transforment en biens symboliques, en interprétations qui ont valeur de diagnostic et de pronostic. Plus que de tracer la géographie de contenus, d’idées et de trajectoire de concepts, cette proposition analytique prétend considérer les intellectuels comme des acteurs dotés d’historicité, qui se sont positionnés, de diverses façons, en relation aux dilemmes de leur époque.
10Dans cette perspective, l’analyse générale du journal à étudier est une étape de grande importance. Il faut déterminer, à partir de la production historiographique, la place occupée par la publication dans l’histoire de la presse, en évaluant sa représentativité et son importance. Le moment de la publication, les noms de ceux qui ont réalisé le travail, les directeurs, les secrétaires et/ou les responsables de la revue – en étant attentif aux éventuels changements qui auraient pu avoir lieu au cours de son existence –, le tirage, la périodicité, les objectifs explicites et implicites, le projet graphique (couverture, format, dimensions, type d’information contenue dans le frontispice) permettent de définir le profil général de la revue. Une telle étape est fondamentale aussi bien pour la compréhension de la ligne éditoriale que pour ses formes d’insertion dans l’univers culturel de l’époque où elle a circulé.
11La description et l’analyse interne du matériel publié, la forme de présentation et de distribution des contenus, les articles et leur degré de pérennité, la présence de publicités et la place réservée au matériel iconographique sont aussi des aspects importants, car ils permettent d’émettre des hypothèses à propos du public à qui se destinait la revue et en outre de fournir des pistes sur les idées qui unissaient leurs défenseurs donnant lieu à des analyses comparatives avec d’autres publications.
12Le relevé systématique des collaborateurs, pour sa part, permet de quantifier les principaux noms présents et de discerner les différentes formes de contribution : auteurs qui écrivaient des essais spécifiques pour le journal ; traductions ; responsables de rubriques fixes ; et, le cas échéant, transcription de textes provenant d’autres organes de la presse, nationale ou étrangère. L’analyse de cet ensemble de données permet de réfléchir à propos des groupes intellectuels réunis autour de la publication, de leur conception du monde, de leurs opinions politiques et esthétiques assumées, et d’esquisser par ailleurs une méthodologie d’approche pour ces sources/objets de recherche. Ces analyses ont orienté la recherche qui suit sur la Revista do Brasil.
La trajectoire de la Revista do Brasil
13La Revista do Brasil a connu plusieurs phases, ayant été relancée en différentes occasions. À l’origine, la publication a été idéalisée par Júlio de Mesquita, le puissant propriétaire du journal O Estado de S. Paulo, dont le premier numéro fut lancé en janvier 1916. Les directeurs de la publication étaient Júlio de Mesquita, Alfredo Pujol et Luís Pereira Barreto. Bien qu’ayant connu le succès auprès de l’élite lettrée, le journal enregistra des pertes financières croissantes. En 1918, la revue fut achetée par Monteiro Lobato qui la publia jusqu’en mai 1925, date de la faillite de ses entreprises d’édition. Dans cette première phase, 113 numéros ont été édités11.
14Assis Chateaubriand, qui débutait à l’époque la construction de son empire journalistique, racheta le titre de la publication et commença à l’éditer à Rio de Janeiro. Pendant la seconde période de son existence, entre le 15 septembre 1926 et le 15 janvier 1927, la revue devint bimensuelle, neuf numéros ayant été publiés. La production artistique et la critique occupaient la plus grande partie de l’espace. Officiellement la direction incomba à Plínio Barreto, Afrânio Peixoto, Alfredo Pujol et Pandiá Calógeras. À l’exception de ce dernier, qui approuva la ligne éditoriale, les autres prêtèrent seulement le prestige de leur nom à la publication.
15En fait, les responsables de la revue étaient le rédacteur en chef, Rodrigo Melo, Franco de Andrade et le secrétaire ad hoc, Prudente de Morais Neto12. Ils disposaient cependant d’une autonomie relative et, pour pouvoir publier les auteurs modernistes avec lesquels ils s’identifiaient esthétiquement, ils se virent contraints d’incorporer également les suggestions faites par Chateaubriand et Calógeras13. La dualité d’orientation déboucha sur la coexistence de deux aspects : le moderniste qui voulait aligner la revue sur des journaux d’avant-garde comme Klaxon (SP, 1922-1923), Novíssima (SP, 1923-1925), Estética (RJ, 1924-1925), A Revista (BH, 1925-1926) e Verde (Cataguases, 1928-1929), faisant écho à la recherche d’un chemin vers la nationalisation de l’art ; et l’autre qualifié de conservateur.
16La réunion qui définit le profil de la revue eut lieu dans la maison de Calógeras, en présence de Chateaubriand, Rodrigo et Prudente, qui relata ainsi la rencontre :
« Nous sentîmes alors que Calógeras, à l’inverse des autres [directeurs] tenait absolument à avoir un rôle effectif et direct, à avoir connaissance de tout, à donner des ordres et à exercer en somme la direction. Cependant, la conception qu’avait Calógeras ne correspondait pas à la nôtre et non pas parce que j’avais une quelconque réserve à l’encontre de Calógeras [...] Mais Calógeras avait son groupe, ses préoccupations et il voulait que ceux-ci prédominent dans la revue. Il voulait faire une revue beaucoup plus semblable à l’ancienne Revista do Brasil que celle que nous avions l’intention de faire. Il fallut alors que nous arrivions à un compromis qui convienne à Calógeras et à Chateaubriand et revendiquant pour nous une certaine liberté d’action dans le domaine qui ne les préoccupait pas [...] Il y avait la partie Calógeras/Chateaubriand et il y avait la partie Rodrigo/Prudente. Nous nous sommes soumis, et avons fini par nous adapter à ce schéma puisque nous avions la liberté de publier Oswald, Manuel, Mário, Alcântara et nous les avons publiés, cela nous satisfaisait déjà un peu et la revue ne manqua pas d’avoir une influence sur le mouvement culturel, littéraire moderniste, tout en publiant également [...] d’autres auteurs qui étaient apportés par Calógeras et par Chateaubriand14. »
17Les difficultés financières et politiques rencontrées par Chateaubriand expliquent la courte durée de la revue15. En juillet 1938, la publication fut relancée avec à sa tête l’historien Otávio Tarquínio de Souza. On note un effort pour maintenir certaines caractéristiques de la première phase. La couverture devint de nouveau pratiquement identique à celle des premières années, portant la mention fondée en 1916. La diversité des sujets, la préoccupation des problèmes nationaux, envisagés sous un angle large, devinrent de nouveau la topique et certaines rubriques de la première phase ressurgirent même, comme nous aurons l’occasion de le souligner. Bien que le journal soit englobé dans un contexte historique et dans un climat culturel assez varié dans la période 1916-1925, on ne peut nier certains points de contact avec les années initiales.
18Entre juin 1938 et septembre 1942, la publication sortit mensuellement, sans aucune interruption, totalisant 51 numéros. À partir de là, face à la crise du papier qui s’aggravait en raison de la guerre européenne, la périodicité devint trimestrielle, cinq autres numéros ayant été publiés, totalisant donc 56 exemplaires. En 1944, sous la direction de Frederico Chateaubriand et en la présence de Millôr Fernandes au secrétariat, la revue se relança pour une brève période. Assez modifiée tant sur son format, à présent similaire à la revue américaine Selections, que dans son contenu, léger et plein d’humour, elle n’obtint pas le succès escompté, trois numéros seulement ayant été publiés16.
19Après quatre décennies, la publication ressurgit entre 1984 et 1990, initialement sous la responsabilité du secrétariat de Science et Culture de l’État de Rio de Janeiro, avec la participation de la Mairie, par le biais de l’Institut Municipal d’Art et de Culture (Rioarte) ; Darcy Ribeiro, alors vice-gouverneur de Rio de Janeiro et ancien admirateur de la revue17, était le responsable de la présentation des trois premiers numéros18.
20Des changements significatifs se produisirent dans le cinquième numéro, édité en 1986. La revue assuma un caractère monographique, étant totalement consacrée à la littérature des années 1980. La présentation était signée de Heloísa Buarque de Holanda. La publication ressurgit entre 1988 et 1990, sous la coordination de Francisco de Assis Barbosa et la responsabilité exclusive de Rioarte, six numéros supplémentaires, tous thématiques, ayant été édités19. Il convient de noter qu’en dépit des variations de périodicité, les 12 exemplaires qui furent publiés entre 1986 et 1990 composent une unique phase malgré des différences significatives dans la conception des numéros.
21Bien que beaucoup reconnaissent l’importance de la Revista do Brasil, celle-ci n’a pas retenu l’attention des historiens. Cela ne manque pas d’être surprenant surtout si l’on considère à quel point la presse était devenue l’une des sources les plus mobilisatrices pour les spécialistes de ce domaine du savoir. Il est notoire que l’historiographie a eu tendance à privilégier les revues de variétés au détriment des journaux littéraires et culturels. Ces dernières ont été étudiées, presque exclusivement, par des chercheurs en littérature.
22La troisième phase de la Revista do Brasil commença, comme on l’a indiqué, en juillet 1938. À ce moment-là, les Diários Associados se situaient déjà au sein du principal réseau de communications du pays, formé de plusieurs journaux quotidiens, de stations de radio, de l’agence de presse Meridional20, et par les revues O Cruzeiro, A Cigarra, celle-ci acquise en 1933, et Detetive, lancée en 1937 et qui publiait des histoires policières. Peu après, en mai 1940, apparaîtra O Guri, premier des nombreux titres pour la jeunesse qui seront mis en vente. Comme l’a justement signalé Mario Barata,
« les [Diários] Associados ont remplacé le Brésil des îlots d’information en vigueur dans les années 1920, par le continent unifié par un puissant réseau d’expression et de communication, avec de nombreux points communs et des identités de buts. Ils atteignirent rapidement un plan d’unité et de répercussion nationale que peu d’institutions – uniquement celles de base – possèdent dans le pays21 ».
23Au cours des décennies suivantes, apogée des Diários Associados, le groupe s’étendait sur la quasi-totalité du pays et englobait la maison d’édition O Cruzeiro, fondée en 194322, plus de 30 quotidiens, plusieurs revues destinées à des publics variés, 25 stations de radio, 18 chaînes de télévision, ainsi qu’une agence de presse et une de publicité, ce qui rendait inévitable la comparaison entre son propriétaire, Chateaubriand, et son collègue nord-américain William Randolph Hearst.
24En dehors du secteur proprement journalistique, le propriétaire des Diários Associados possédait des entreprises agroalimentaires, des laboratoires pharmaceutiques et des propriétés luxueuses disséminées dans plusieurs pays. En 1954, il fut élu membre de l’Académie brésilienne des lettres. Sur le plan politique, Chateaubriand devint sénateur du Maranhão en 1957, puis renonça à son mandat pour assumer le poste prestigieux d’ambassadeur à Londres.
25La consultation des principaux biographes de Chateaubriand, ainsi que la lecture de la production spécifique concernant l’histoire de la presse au Brésil, ne nous ont pas fourni de pistes sur les raisons qui auraient amené le patron des Diários à remettre la Revista do Brasil sur le marché23. À en juger par les caractéristiques de la revue, ces raisons ne devaient pas être d’ordre financier. La publicité était réduite, surtout si on la compare à celle figurant dans O Cruzeiro, et elle se cantonnait aux pages initiales et finales, pratiques peu appréciées par les annonceurs. Bien que l’on manque de données spécifiques à propos du tirage, il est légitime de penser que ses lecteurs appartenaient au cercle restreint de l’élite lettrée. Finalement le journal ne mettait pas en valeur les couleurs et la photographie ; il traitait de thèmes arides, avait une couverture discrète et peu attractive. L’initiative doit donc être comprise comme un projet, financé par Chateaubriand, dont les motivations étaient autres que strictement économiques.
26La direction de la Revista do Brasil fut confiée à Otávio Tarquínio de Sousa, intellectuel jouissant d’un certain prestige à l’époque. Né en 1889 à Rio de Janeiro, Tarquínio obtint son diplôme d’avocat en 1918, et fut collègue de Alceu Amoroso Lima. Il débuta sa carrière professionnelle dans l’administration des Postes de Rio de Janeiro et assuma la fonction de directeur du Service postal (1914-1918). Il fut nommé procureur du tribunal des Comptes de l’Union (1918), devint ministre (1932), vice-président (1937) et président (1935-1936) de l’institution où il prit sa retraite en 194624.
27En 1914, il publia un premier livre, un roman intitulé Monólogos das cousas. Sa collaboration dans la presse, entamée alors qu’il était encore étudiant dans des journaux de l’intérieur de l’État de Rio de Janeiro, fut intense. Il écrivit pour O País, A Noite, Correio da Manhã, Tribuna da Imprensa, entre autres. De 1916 à 1917, il eut une rubrique permanente dans l’édition du soir du journal O Estado de S. Paulo. Il fut le responsable, entre 1935 et 1937, de la critique littéraire dans O Jornal, assumant la place occupée précédemment par Tristão de Ataíde (Alceu Amoroso Lima). Ses articles étaient reproduits dans plusieurs journaux qui faisaient partie du puissant réseau des Associados, qui s’étendait sur tout le pays.
28Otávio Tarquínio, avec Álvaro Moreira, Rodrigo Otávio Filho, Ribeiro Couto, entre autres, contribua activement à l’organisation de la Sociedade Felipe de Oliveira, qui avait pour objectif principal de maintenir vivante la mémoire du poète qui donnait son nom à l’organisme. Composée de 15 membres, parmi lesquels figurait Assis Chateaubriand, la société fut officiellement créée en août 1933. L’année suivante commença la publication de son bulletin annuel, Lanterna Verde25. L’esprit anti-académique de Tarquínio26 correspondait bien au collège qui, conformément au justificatif qu’il rédigea lui-même pour le premier numéro de Lanterna Verde, se constituait en une « société non-académique de lettrés27 », une sorte d’alternative à ABL.
29En 1944, Otávio Tarquínio succéda à Manuel Bandeira à la présidence de l’Associação Brasileirade Escritores (ABDE). Son travail à la tête de l’organisme fut marqué par sa lutte en faveur du paiement des droits d’auteurs. Il fut élu représentant du District fédéral au Premier Congrès brésilien des écrivains, organisé par l’ABDE, alors présidée par Aníbal Machado, en janvier 1945 à São Paulo28. La déclaration de principe approuvée lors de l’événement, qui put compter sur la présence d’un nombre assez significatif d’intellectuels sympathisants issus des courants politiques les plus variés, se concrétisa par l’une des premières voix à condamner explicitement la politique de l’Estado Novo, en insistant sur la légalité démocratique, les élections directes au suffrage universel direct et secret et sur la souveraineté populaire29.
30Sa production en tant qu’historien commença en 1931 avec le travail A mentalidade da Constituinte, présenté au Deuxième Congrès d’histoire nationale. Suivirent : Bernardo Pereira de Vasconcelos e seu tempo (1937), História de dois golpes de Estado e Evaristo da Veiga (1939) ; Diogo Antonio Feijó (1942) ; História do Brasil, œuvre didactique écrite en collaboration avec Sérgio Buarque de Holanda (1944) ; José Bonifácio e O pensamento vivo de José Bonifácio (1945) ; A Vida de D. Pedro I e De várias províncias (1952). En 1957, les éditions José Olympio lancèrent História dos fundadores do Império, une collection en dix volumes qui rassembla l’œuvre historique de Tarquínio de Sousa. Certains volumes furent totalement réécrits, d’autres revus et augmentés. L’option pour l’histoire fut ainsi expliquée par l’auteur :
« Ce fut à l’occasion de la Révolution de 1930. Le mouvement armé apparut, à mes yeux, comme un changement total du monde où j’étais né et m’étais formé. L’impression que j’ai eue était que le Brésil était en train de disparaître, et cela fit que mon attention se retournât vers l’Histoire. Je cherchai refuge dans le passé pour oublier les bouleversements du présent. Et c’est ainsi que, sans presque m’en rendre compte, je suis devenu historien30. »
31Le lien entre Tarquínio et José Olympio était assez fort. Au milieu des années 1930, ce dernier était devenu le principal éditeur d’œuvres littéraires et non didactiques du pays. Le sceau éditorial José Olympio conférait prestige et distinction. En 1934, l’éditeur décida de transférer son établissement de São Paulo à Rio de Janeiro, plus précisément au n° 110 de la rua do Ouvidor, adresse qui devint immédiatement un important point de rencontre du monde intellectuel de la capitale. D’après Hallewell, la librairie devint connue :
« Comme le point de rencontre au centre de la ville pour les écrivains et les artistes de toutes les nuances d’opinion progressiste, un véritable club où les personnes se rencontraient, conversaient, laissaient des messages, utilisaient même comme adresse de correspondance. Pour éviter (nous le supposons) que les discussions animées ne dérangent les habitués, José Olympio transféra son bureau à l’étage supérieur, libérant le fond du magasin pour les habitués, avec le fameux banc noir qui avait été acheté en même temps que les livres de la bibliothèque de [Alfredo] Pujol. Sur ce banc se postait Graciliano Ramos, les yeux mi-clos, une éternelle cigarette pendue aux lèvres, écoutant plus qu’il ne participait à la conversation, jusqu’à ce que, subitement, il lance une réflexion totalement extravagante, uniquement pour provoquer une réaction. Autour de lui se trouvaient ses compagnons du Nord : Zé Lins, préoccupé par des maladies imaginaires, l’homme politique socialiste Osório Borba, spéculant éternellement contre Vargas et tous ses actes, Tomás Santa Rosa, responsable en grande partie des travaux de décoration de la Maison, Luís Jardim, dont les portraits à la plume occupèrent souvent les deux pages de couverture, le compagnon artiste Cândido Portinari, le sociologue Gilberto Freyre et le gérant communiste de la publicité de la maison d’édition capitaliste, Jorge Amado.
D’autres parties du pays venaient l’aimablement ironique Otávio Tarquínio31, historien consciencieux et politiquement orthodoxe, le poète Murilo Mendes, proclamant à haute voix sa conversion au catholicisme, Nelson Werneck Sodré, militaire et marxiste, Hermes Lima (futur ministre de Goulart), Astrojildo Pereira (ex-secrétaire du PCB) et Paes Leme... Plus éloignés on trouvait aussi Aníbal Machado, Genolino Amado, Aurélio Buarque de Holanda Ferreira, Almir de Andrade, Valdemar Cavalcante, Marques Rebelo, Amado Fonte, Guilherme de Figueiredo, Órris Soares, Dias da Costa, Lúcio Cardoso, Peregrino Júnior, Rui Coutinho, Gastão Cruls, Brito Broca... – toute la génération plus jeune. Et pas seulement des lettrés ou des artistes, mais aussi des médecins, des professeurs, des journalistes... Des femmes de lettres aussi, chose dont on n’avait jamais entendu parler du temps où les écrivains se rencontraient à la Librairie Garnier ou à la Maison Garraux. L’accueil de Lúcia Miguel Pereira, Rachel de Queiroz, Adalgisa Nery e Eneida aide sans doute à expliquer comment José Olympio réussit à inscrire au catalogue de sa maison d’édition toutes les écrivaines importantes de l’époque.
Accentuant l’importance de la Librairie José Olympio comme catalyseur intellectuel, Carlos Drummond de Andrade suggère que l’orientation socialiste adoptée par la littérature brésilienne à cette époque (aux alentours de 1935-1937) ne peut être comprise que comme le résultat de l’interaction entre ces écrivains (et d’autres participants) lors des conversations du 110 rua do Ouvidor32. »
32La citation, bien que longue, est fondamentale, car elle permet d’entrevoir l’un des espaces privilégiés de sociabilité du monde intellectuel de l’époque. Beaucoup de noms indiqués ci-dessus faisaient aussi partie du groupe de collaborateurs de la Revista do Brasil, dont la rédaction intégrait aussi, à côté des rédactions des autres journaux, des librairies, des clubs culturels et littéraires, la cartographie des lettrés de l’époque.
33Otávio Tarquínio de Sousa était plus qu’un habitué assidu et un auteur publié par la maison. En 1936, José Olympio lança la collection « Documentos Brasileiros » pour concurrencer la revue semblable Brasiliana (1931), de la Companhia Editora Nacional. Gilberto Freyre la dirigea du 1er au 18e volume. En 1939, la déjà prestigieuse collection fut alors coordonnée par Otávio Tarquínio qui, jusqu’à décembre 1959, date de sa mort inattendue, édita 92 volumes. En 1938, quand il fut choisi par Chateaubriand pour diriger la Revista do Brasil, Otávio Tarquínio s’affirma comme un critique littéraire, écrivain et historien de renom, ayant accumulé une vaste production de journaux et de périodiques culturels. Il avait déjà travaillé aux Diários Associados et, ainsi que son propriétaire, il intégrait la Société Felipe de Oliveira.
34Il n’a pas été possible de préciser quand Chateaubriand décida de relancer la revue ni à quel moment il invita Otávio Tarquínio à la diriger. Cependant, compte tenu de la date et du contenu d’une lettre que ce dernier envoya à Ciro dos Anjos, on peut en déduire qu’il n’y eut pas de longue préparation :
« Rio, 30 mai 1938
Ciro dos Anjos
La Revista do Brasil va reparaître en juillet sous ma direction. Je n’ai accepté cette responsabilité qu’en comptant sur l’appui et la collaboration de ceux qui croient encore à l’esprit. Comme tu es de cette espèce si rare, j’attends que tu m’envoies dans les meilleurs délais possibles un travail, entre 3 et 6 pages dactylographiées. Le sujet reste totalement de ton choix. La rémunération est de 100 1 000 $.
Comme je n’ai pas le plaisir de connaître personnellement Eduardo Freiro, je te demande de l’inviter en mon nom et puisque j’écris au Minas, je fais également de toi mon interprète auprès de João Alphonsus et de Emílio de Moura. J’espère de vous tous une réponse favorable.
Ton ami et admirateur,
Otávio Tarquínio de Sousa
Edifício Império,
Praça Floriano, sala 35, 3º andar, Rio33. »
35On ne peut pas sous-estimer le fait que la revue ait été lancée en plein Estado Novo, période pendant laquelle il y eut un investissement significatif pour justifier le régime et en diffuser une image positive auprès des couches populaires. La préoccupation de la propagande était déjà évidente en 1931 au moment de l’apparition du Département officiel de publicité. L’organisme connut diverses modifications jusqu’à ce que, en 1939, soit créé le Département de la presse et de la propagande (DIP), directement rattaché à la présidence de la République, et chargé d’assumer l’exclusivité de ce qui concernait la propagande et la publicité de tous les ministères et les organismes publics, ainsi que la promotion et l’organisation de cérémonies commémoratives officielles et de fêtes civiques.
36Le département était également responsable de la censure préventive des journaux, revues, cinémas, théâtres, livres et distractions publiques comme les fêtes populaires, les cirques, les bals, les billards, les sports, les spectacles et les expositions. Le domaine des moyens de communication était d’une importance fondamentale, aussi bien pour juguler la divulgation de tout ce qui n’était pas dans l’intérêt du pouvoir, que pour mettre l’accent sur les réalisations du régime, leur adéquation à la réalité nationale et pour la promotion, personnelle et politique, du personnage de Vargas.
37La Constitution de 1937 considéra la presse comme un service d’utilité publique et lui imposa une série de restrictions. Les journalistes et les journaux durent s’inscrire auprès du DIP et ils commencèrent à cohabiter avec le personnage du censeur, qui vérifiait tous les sujets avant leur publication. Le gouvernement ne se contenta pas d’inspecter soigneusement ce qui serait publié, mais créa aussi ses propres journaux, en expropria et/ou ferma d’autres. Les activités du DIP, porte-parole officiel du pouvoir, incluaient l’édition de revues, en particulier Cultura Política, qui rassembla des intellectuels chargés de la justification idéologique du régime, Brasil Novo et Estudos e Conferências, ainsi que la publication d’une large gamme de livres, depuis des brochures jusqu’à des œuvres qui justifiaient le coup d’État de 1937, chantaient les louanges des réalisations gouvernementales et la figure de Getulio Vargas34. On comprend le rôle stratégique du DIP, machine de coercition et de propagande de l’Estado Novo, qui maintenait un strict contrôle sur la vie culturelle du pays et déterminait ses orientations.
38En 1938, date de la réapparition de la Revista do Brasil, circulaient plusieurs publications de nature culturelle et littéraire. Outre la traditionnelle Revista da Academia Brasileira de Letras, Agripino Grieco et Gastão Cruls éditaient le Boletim de Ariel (1931-1939), Murilo Miranda était le responsable de la Revista Acadêmica (1933-1946), tandis que Dom Casmurro (1937-1943) appartenait à Bricio de Abreu et Álvaro Moreira. Diretrizes (1938-1944), dirigée à l’origine par Azevedo Amaral et Samuel Wainer, apparut comme une revue mensuelle de politique, économie et culture, et fédéra la résistance anti-Vargas. Astrogildo Pereira, Graciliano Ramos, José Lins do Rego, Raquel de Queiróz, Octávio Malta, Aníbal Machado, Rubem Braga, Osório Borba, Joel Silveira collaboraient à cette publication. Son tirage, qui oscillait entre quatre et cinq mille exemplaires, atteignit les 20 000 en 1940, époque à laquelle elle devint hebdomadaire. Dans son livre de mémoires, Samuel Wainer décrit en détail les confrontations qu’il eut avec la censure de l’Estado Novo35. En juillet 1944, Diretrizes vit son quota de papier coupé par le DIP à cause de la diffusion d’un reportage sur Miguel Costa.
39Il convient dès lors de se demander pourquoi lancer une revue culturelle au moment où il y avait de sévères entraves à la liberté d’information et où le gouvernement se chargeait de créer ses propres journaux ? La publication souhaitait-elle valoriser les réalisations du régime et leur adéquation à la réalité nationale ou bien, au contraire, s’érigea-t-elle en espace de contestation ? Pour commencer à répondre, il est nécessaire de prendre en compte les caractéristiques du journal.
A Revista do Brasil : caractérisation préliminaire
40La Revista do Brasil, durant toute sa troisième phase, présenta toujours les mêmes dimensions (15 x 22 cm) et garda une moyenne de 100 à 200 pages par numéro. La face externe de la couverture ne présenta pas de modifications significatives au cours du temps. Dans la partie supérieure, en lettres de grande taille, était imprimé le titre du journal et, juste au-dessous, l’inscription entre parenthèses : FONDÉE EN 1916. Suivaient le nom du directeur et le sommaire – qui occupaient près des trois quarts de la couverture – et des informations relatives au mois, année, numéro, phase. La seule modification se fit à partir de décembre 1938 (n° 6) : le mois et l’année vinrent précéder le nom de la revue. Cependant, l’option de réserver la plus grande partie de l’espace de la couverture au sommaire fut constante sur tous les numéros. La tonalité sobre des couvertures fut une autre des caractéristiques constantes.
41La publicité fut toujours confinée aux troisième et quatrième de couverture ainsi qu’aux pages initiales et finales du journal, précédant et/ou suivant les articles. Parmi les annonceurs on notait les produits pharmaceutiques, la Livraria José Olympio Editora, la Empresa Gráfica e Editora Cruzeiro, Chocolates Lacta, parmi d’autres produits moins répandus.
42La distribution des matières dans la Revista do Brasil suivit une norme fixe. Un ensemble d’essais, normalement inédits, qui abordaient des sujets variés et portant particulièrement sur la critique littéraire, ouvraient le fascicule. Cette partie incluait en outre la création littéraire, présente dans tous les exemplaires de la revue – poésies, nouvelles, impressions de voyage, contes. Ces derniers, toujours présents dans le journal, commencèrent à être présentés sous le titre O Conto Brasileiro (n° 20 à 56, sauf les n° 31 et 53) et O Conto Estrangeiro (présent 22 fois parmi les numéros 20 à 56).
43Des rubriques suivaient les essais et les créations littéraires. Certaines furent éphémères alors que d’autres étaient présentes dans presque tous les numéros. Il faut en plus faire la différence entre les textes produits spécifiquement pour la revue et qui étaient confiés à des chroniqueurs permanents et ceux qui retranscrivaient des sujets parus dans d’autres organes de la presse nationale et étrangère. Ceux-ci ne portaient généralement pas de signature, exprimant donc l’opinion de leurs responsables. Dans le premier cas, il s’agissait des critiques de Teatro (n° 27 à 52) élaborées, entre autres, par Guilherme de Figueiredo et Carlos Lacerda ; Artes Plásticas, qui figura de façon sporadique du premier au cinquantième numéro et qui étaient écrits par le peintre Santa Rosa ; Cinema (n° 16 à 28), commenté par Rachel de Queiroz ; Crônica Musical (n° 2 à 24), sous la responsabilité de Mário de Andrade et qui réapparut (n° 40 à 55) avec le titre Música, souvent sous la plume de Guilherme de Figueiredo ; Ciências (n° 2,3,5,13,14 et 15) écrite par divers collaborateurs. Dans la rubrique Livros étaient répertoriées les principales publications éditoriales du pays, dans les divers domaines du savoir. La responsabilité de ces listes était confiée à divers chroniqueurs, parmi lesquels Almir de Andrade, Aurélio Buarque de Holanda et Valdemar Cavalcanti.
44L’importance de la critique littéraire à cette période de la Revista do Brasil peut être évaluée par les diverses rubriques dédiées à ce thème : Movimento Literário na França (n° 1 à 6), avec Robert Garric et Letras Francesas (n° 17 à 18), par Augusto Frederico Schmidt ; Letras Norte-Americanas (12 fois entre les n° 31 et 50), qui compta avec des collaborateurs variés et de l’envergure de Mário de Andrade, Gilberto Freyre, Sérgio Buarque de Holanda, entre autres noms de grand prestige ; Letras Européias (n° 43 à 50 et 53 à 56), écrites par Otto Maria Carpeaux, et Letras Portuguesas (présentes du n° 13 au 56, sauf dans les n° 21 et 35), annotées par Lúcia Miguel Pereira.
45La situation internationale à la veille de la guerre explique peut-être la présence de la Política Internacional, dans laquelle Austregésilo de Athayde discutait des questions brûlantes du moment. La rubrique apparut dans le n° 13 et parut régulièrement jusqu’au dernier numéro de cette phase. Une fois la guerre commencée, apparut la rubrique O Conflito Europeu (n° 22 à 42), signée par Raul Lima et qui devint O Conflito Mundial (n° 43 à 56). L’objectif était là de présenter un panorama de l’évolution de la guerre.
46En ce qui concerne les rubriques qui transcrivaient des textes, il convient de noter Pesquisas e Documentos, avec un fort éclairage historiographique, qui ne manqua pas de figurer dans un seul numéro. La rubrique réunit un important corpus de documents historiques, publiant, souvent en exclusivité, la correspondance inédite d’importants écrivains brésiliens.
47Exception faite du premier numéro, qui contenait un texte signé du directeur et explicitant les objectifs du journal, la Revista do Brasil n’avait pas d’éditorial, contrairement à ce qui se passait dans la plupart des numéros de la première phase. La communication entre la revue et le lecteur se faisait seulement par le biais de la rubrique Notas e Comentários. Il n’y avait aucun espace pour recueillir les suggestions, les critiques ou les opinions du public. Les informations concernant les futurs numéros, la présentation des nouveaux collaborateurs, les explications sur les textes publiés étaient faites dans cette rubrique, présente dans tous les numéros36. Ici aussi divers sujets étaient abordés, depuis de petites notes sur des livres, des auteurs, la polique culturelle au Brésil et à l’étranger, jusqu’à des textes, généralement assez courts, qui condamnaient le nationalisme, le racisme et les régimes dictatoriaux, en mettant l’accent sur l’Allemagne. Les éditeurs se limitaient en général à retransmettre des nouvelles, ajoutant parfois de brefs commentaires. Voir les exemples ci-dessous :
« Le prof. Fritz von Ackermann a choisi Gonçalves Dias comme thème de sa thèse de doctorat en lettres, présentée au Séminaire des langues Romanes de l’Université de Hambourg. La critique du livre n’a pas sa place ici, dans cette rubrique [...], nous voulons seulement signaler le fait qu’a été étudié, avec estime et affection, par un Allemand, le personnage doublement métis de Gonçalves Dias ; si, par la culture, ce dernier fut romantique, il fut bien brésilien – bien métis – dans sa sensibilité blessée, dans son lyrisme nostalgique, dans sa douceur dolente. Serait-ce que les universités allemandes sont en train de réagir, bien que timidement, contre le racisme ? » (RBR, n° 3, septembre 1938, p. 316-317).
« Le secrétaire à l’Éducation du Rio Grande do Sul est devenu célèbre en refusant que l’on donne le nom de Machado de Assis à une école primaire, alléguant que ce grand sceptique n’était pas dans l’esprit de l’époque des certitudes qui devaient être les nôtres. En d’autres termes, Machado de Assis est accusé de représenter un danger pour l’Estado Novo. [...] En lisant l’arrêté mémorable de l’autorité gaúcha37, on a l’impression que le scepticisme du romancier est quelque chose qui contamine même ceux qui ne lisent pas ses livres – et c’est certainement le cas des élèves de l’école en question – qui pourrait, comme l’humidité, imprégner les murs des salles de classe, par le simple effet de son nom sur la façade. Doute qui pourrait respirer, sentir, toucher, qui entrerait par les oreilles, par les yeux, par la peau des enfants innocents, et qui s’installerait dans les âmes sans défense... » (RBR, n° 8, février 1939, p. 76-77).
« L’archevêque de York (anglican), l’archevêque de Westminster (catholique), le rabbin d’Angleterre, et un représentant des sectes protestantes non anglicanes, ont organisé récemment au Albert Hall, à Londres, un meeting de protestation contre les persécutions infligées par le nazisme aux divers groupes confessionnels, et spécialement aux Juifs. C’est la première fois, en Angleterre, que les chefs des différents cultes se réunissent pour défendre, publiquement, les mêmes idéaux. En proclamant la liberté des cultes – bien qu’il ne la respecte pas toujours – le libéralisme affaiblit, inégalement, l’esprit religieux ; en les poursuivant, en imposant le retour du paganisme, le nazisme réussira le miracle de faire ressurgir la foi ! » (RBR, n° 10, avril 1939, p. 85).
« Dans cette rude période de nationalismes exaltés, quand les peuples s’entourent de murailles de toutes sortes, il y a encore des rêveurs impénitents qui s’occupent de coopération par-delà les frontières, de compréhension entre les hommes, d’entente universelle. À Santiago du Chili s’est tenu, dans les premiers jours de cette année, un Congrès Pan-Américain de Coopération Intellectuelle, au cours duquel on traita de la mission pacifiste de l’intellectuel, du caractère supranational et humain de la culture, d’un statut international des Droits d’Auteur, de la réduction des barrières économiques et douanières à l’échange [...] du contrôle et de la régulation des bénéfices intermédiaires sur le commerce des livres, etc. C’était bien à Santiago du Chili ou sur la Lune qu’eut lieu ce Congrès ? » (RBR, n° 11, mai 1939, p. 86).
48Il convient de noter la rubrique Resenha do Mês, qui commença à partir du neuvième numéro. Elle était surtout composée d’essais, de conférences, de nouvelles et d’articles transcrits de journaux et de revues nationales et internationales, ainsi que de quelques textes de la rédaction. Contrairement à ce que suggère son nom, la rubrique ne présenta pas, jusqu’au numéro 18, un rapport ordonné ou un sommaire des faits survenus au cours du mois. Son objectif principal n’était pas d’informer sur les derniers événements, mais plutôt de discuter des questions d’actualité, toujours avec une préoccupation analytique. Ce n’est qu’à partir du 19e exemplaire que la rubrique commença à présenter une liste, au jour le jour, des principaux événements du mois précédent. En composant un aperçu général de la période, à partir d’une sélection faite parmi les organes de presse les plus différents, la Resenha do Mês permet de voir la ligne éditoriale adoptée par les dirigeants de la revue. Des textes plus denses firent leur apparition, occupant plusieurs pages et suivant le ton adopté dans Notas e Comentários. La défense des États-Unis et les éloges au Président Roosevelt étaient fréquents, surtout à partir du début de la Seconde Guerre.
49La préoccupation de dialoguer avec la presse internationale était explicite dans À Margem das Revistas Estrangeiras, absente uniquement dans les numéros 2 et 54, dans laquelle étaient transcrits des sujets sélectionnés dans des publications européennes et américaines. La rubrique qui, jusqu’au numéro 8, resta sous la responsabilité de Luiz Jardim, adopta un ton assez critique face à la situation internationale, surtout quand elle cessa d’être signée. Il y avait toujours le soin de citer la source, stratégie qui donnait l’impression de neutralité, dans la mesure où les éditeurs semblaient seulement avoir le rôle d’informer les lecteurs, en reproduisant des nouvelles provenant de journaux à la réputation irréprochable, comme on peut le voir dans l’extrait ci-dessous :
« Une nouvelle humiliation vient d’être imposée aux intellectuels allemands. Dorénavant, toutes les thèses de doctorat doivent être soumises à la “Commission officielle d’examen pour la défense de la littérature national-socialiste”. Ce n’est qu’après avoir été examinées par cette commission, du point de vue de l’orthodoxie nazie, sous ses aspects politiques, historiques, raciaux et philosophiques que les thèses sont remises aux professeurs. La commission peut obliger l’auteur à modifier le fond et la forme de son travail et a déjà annoncé que les citations d’auteurs juifs ne seront admises que si elles sont absolument indispensables, et à condition de déclarer expressément qu’il s’agit d’un juif. L’ingérence politique dans les universités est de plus en plus forte et la science ne peut être développée que si elle sert le nazisme. The Times Literary Supplement » (RBR, n° 20, février 1940, p. 96).
50Faire la liste des auteurs qui ont écrit dans la Revista do Brasil est une tâche ardue. Pendant ses cinq ans et demi d’existence, nombre de personnalités célèbres dans les milieux littéraires et artistiques furent accueillies dans ses colonnes, que ce soit par la publication de textes spécialement écrits pour le journal ou par le biais de transcriptions.
51Le tableau ci-dessous liste les collaborateurs qui figurent dans le corps principal du journal, avec jusqu’à trois contributions. À noter que l’on n’a pas calculé les transcriptions ni les textes destinés aux rubriques fixes. Bien que ne reprenant qu’une petite partie du nombre d’auteurs qui, d’une façon ou d’une autre, figurèrent dans les pages du journal, les données sont suffisantes pour montrer la diversité des courants idéologiques et des tendances esthétiques qui y étaient représentés.
Collaborations |
Nom des Collaborateurs |
Douze |
Barreto Leite Filho |
Dix |
Augusto Frederico Schmidt |
Neuf |
Manuel Bandeira (une en co-auteur avec Otto Maria Carpeaux), Otavio Tarquinio de Sousa, Roberto Alvim Correa |
Huit |
Adhémar Vidal, Aurélio Buarque de Holanda, Otto Maria Carpeaux (une en co-auteur avec Manuel Bandeira) |
Sept |
Adolio Casais Monteiro, Aires de Mata Machado Filho, Carlos Drummond de Andrade, Graciliano Ramos, Guilherme de Figueiredo, Helio Vianna, João Alphonsus, Julio Paternostro, Lucia Miguel Pereira, Vinicius de Morais |
Six |
Almir de Andrade, Alphonsus de Guimarães Filho, Antonio Osmar Gomes, Astrojildo Pereira, Augusto Meyer, Dinah Silveira de Queiroz, Edmundo Correia Lopes, João Barreira, Jorge de Lima, José Osorio de Oliveira, Justo Pastor Benitez, Orris Soares, Osorio Borba, Paulo Ronai |
Cinq |
Afrânio Coutinho, Gilberto Freyre, João Dornas Filho, João Gaspar Simões, José Marianno Filho, Sylvio Rabello |
Quatre |
Afonso Arino de Melo Franco, Aydano do Couto Ferraz, Eugenio Gomes, José Vieira, Josué Montello, Manuel Anselmo, Manuel Diegues Junior, Olivio Montenegro, R. Navarra, Tristão da Cunha |
Trois |
Abgar Renault, Afrânio Peixoto, Arthur Ramos, Euryalo Cannabrava, Hermes Lima, José Cesar Borba, José Lins do Rego, Marques Rebêlo, Miguel Osorio de Almeida, Nuno Simões, Oswald de Andrade, Paulo Corrêa Lopes, Sérgio Buarque de Holanda, Tristão de Athayde (une d’elles sous le nom de Alceu Amoroso Lima) |
52L’examen préliminaire du matériel publié indique que la revue organisa, dans les faibles limites dont elle disposait, un discours qui, sur de nombreux points, s’opposait à celui adopté par le pouvoir. Autour de la publication se réunirent des écrivains et des penseurs qui chérissaient la liberté civile et politique, condamnaient le contrôle de l’information, dénonçaient la discrimination, doutaient des théories raciales, critiquaient le nazisme et le fascisme, régimes avec lesquels Vargas flirta jusqu’en 1942 quand, sous la pression des États-Unis, il se tourna vers les alliés. La littérature et l’histoire furent efficacement utilisées comme armes de lutte contre la censure.
53L’étude systématique de la troisième phase de la Revista do Brasil, sommairement évoquée ici, peut fournir à l’historien, à partir de l’analyse de ce que les intellectuels choisissent comme problème et des tâches qu’ils s’imposent, des éléments significatifs pour la compréhension de différents projets et de la culture politique d’une époque donnée. Elle permet aussi de provoquer des discussions sur le caractère monolithique attribué à la presse dans les décennies 1930 et 1940, en raison de son homogénéité et de sa soumission supposées. En même temps elle peut contribuer à la compréhension de la dynamique des groupes intellectuels de l’époque, à partir de l’étude d’un lieu important de convivialité qui rassemblait des individus autour d’idées et de stratégies d’intervention dans l’espace public, ce qui montre différentes formes de coagulation, de luttes, et d’oppositions au sein même du domaine intellectuel. Le défi est donc de préciser de quelle manière le monde intellectuel réuni autour de la Revista do Brasil s’est positionné face aux dilemmes de son temps.
Notes de bas de page
1 Il convient de mentionner le travail de Capelato M. H. R. et Prado M. L. C., O Bravo Matutino. Imprensa e ideologia : o jornal O Estado de S. Paulo, São Paulo, Alfa-Ômega, 1980 ; Capelato M. H. R., Os arautos do liberalismo : imprensa paulista, 1920-1945, São Paulo, Brasiliense, 1988.
2 Bahia J., Jornal, história e técnica, 4e ed., São Paulo, Ática, 1990 ; Sodré N. W., História da imprensa no Brasil, Rio de Janeiro, Civilização Brasileira, 1966. Pour une analyse de la trajectoire du feuilleton au Brésil et en France, voir l’œuvre de Meyer M., Folhetim : uma história, São Paulo, Companhia das Letras, 1996.
3 Pour les revues brésiliennes de variétés voir Martins A. L., Revistas em revista : imprensa e práticas culturais em tempos de República, São Paulo (1880-1920), São Paulo, Edusp/Fapesp/Imprensa Oficial, 2001.
4 Lotito M. P., A cidade como espetáculo : publicidade e vida urbana na São Paulo dos anos 20, mémoire (maîtrise), Depto de História, FFLCH-USP, São Paulo, 1997 ; Renault D., O Rio antigo nos anúncios de jornais, Rio de Janeiro, Francisco Alves, 1984 ; Sant’anna D. B., « Propaganda e história : antigos problemas, novas questões » Projeto História, n° 14, São Paulo, PUC, 1997, p. 89-112 ; Taddei M. D. V., A imagem no anúncio de jornal : São Paulo, 1850-1914, mémoire (maîtrise), FAU-USP, São Paulo, 1977.
5 Saliba E. T., Raízes do riso. A representação humorística na história brasileira : da Belle Époque aos primeiros tempos do rádio, São Paulo, Companhia das Letras, 2002 ; Silva M. A., Prazer e poder do Amigo da Onça (1943-1962), Rio de Janeiro, Paz e Terra, 1989 ; Velloso M. P., Modernismo no Rio de Janeiro : Turunas e Quixotes, Rio de Janeiro, FGV, 1996.
6 Dans ce domaine les divers travaux de Roger Chartier et Robert Darnton méritent l’attention.
7 Un exemple dans ce sens est le travail de Junqueira M. A., Ao sul do Rio Grande. Imaginando a América Latina em Seleções : oeste, wilderness e fronteira (1942-1970), Bragança, Paulista, SP, Edusf, 2000.
8 Pour le concept de domaine, les divers travaux de Bourdieu P. sont fondamentaux, et plus spécialement O poder simbólico, Lisboa, Difel, 1989 et As regras da arte : gênese e estrutura do campo literário, São Paulo, Companhia das Letras, 1996.
9 De telles idées ont été discutées par Gomes A. C., Essa gente do Rio... Modernismo e nacionalismo, Rio de Janeiro, FGV, 1999. Voir également Sevcenko N., Literatura como missão : tensões sociais e criação cultural na Primeira República, 3e ed., São Paulo, Brasiliense, 1989.
10 Sirinelli J. F., « Os intelectuais », R. Rémond (dir.), Por uma história política, Rio de Janeiro, Editora UFRJ, 1996, p. 249.
11 Pour une analyse détaillée de la première phase consulter De Luca T. R., A Revista do Brasil : um diagnóstico para a (n) ação, São Paulo, Editora da Unesp, 1999.
12 Rodrigo Melo Franco de Andrade (1898-1969), avocat, écrivain, journaliste, directeur du Service du patrimoine historique et artistique national (1936-1969), fut l’un de ceux qui aidèrent Chateaubriand à lever des fonds pour la concrétisation de l’achat de ses deux premiers journaux : O Jornal (RJ) et Diário da Noite (SP). L’une des directions du journal carioca du matin lui fut confiée, les autres incombèrent à Epitácio Pessoa et Alfredo Pujol. Sur les rapports entre Rodrigo et les débuts de O Jornal, voir Melo Franco A. A., A alma do tempo : memórias, formação e mocidade, Rio de Janeiro, José Olympio, 1961, p. 229. Francisco de Paula Prudente de Morais Neto (1904-1977), avocat, poète, journaliste, professeur de littérature, fonda, avec Sérgio Buarque de Holanda, la revue Estética et a collaboré avec plusieurs autres revues modernistes. Il fut amené à la Revista do Brasil par son ami Rodrigo. Sur la vie et l’œuvre de ces auteurs consulter : Menezes R., Dicionário literário brasileiro, 2e ed., Rio de Janeiro, Livros Técnicos e Científicos, 1978.
13 Afonso Arinos de Melo Franco, cousin de Rodrigo et l’un des collaborateurs de la revue affirma, dans une interview donnée le 29 mai 1975, que « Chateaubriand était un agitateur, mais qu’il était en même temps un homme qui avait besoin de l’élément conservateur à cause de l’aspect professionnel (entrepreneurial) de ses activités. Il devait se préserver avec une espèce de compromis avec l’entreprise dont il avait besoin... [Il] s’entourait de garanties pour se défendre parce qu’il était un chef d’entreprise ». Le refus de Chateaubriand d’apporter un quelconque appui à la Semaine d’Art moderne de 1922, exprimé sans ambages à Graça Aranha, corrobore les affirmations de Afonso Arinos. À propos de cet épisode consulter Morais F., Chatô, o rei do Brasil, São Paulo, Cia das Letras, 1994, p. 127-128.
14 Interview de Prudente de Morais Neto, accordée le 30 mai 1975. Voir Ikeda M. A. B., Revista do Brasil, 2ª fase : contribuição para o estudo do modernismo brasileiro, mémoire (maîtrise de lettres), FFLCH-USP, São Paulo, 1975, p. 144-146.
15 Selon Prudente de Morais Neto, « A Revista do Brasil ne perdura pas au-delà du quatre-vingt-dixième numéro pour des raisons économiques. Chateaubriand souhaitait faire une revue très bon marché et avait l’espoir de réaliser des ventes importantes et, par le biais de ces ventes, d’obtenir de la publicité. Lui-même était un peu ennuyé avec O Jornal qui marquait une vive opposition au gouvernement fédéral qui tenta même une intervention contre le journal, et tenta même une manœuvre contre la société anonyme dans le but de l’abattre. Chateaubriand était donc en conflit avec le gouvernement, était très préoccupé avec les affaires, il vivait sur la corde raide, à la recherche d’argent et cela affecta l’existence même de la revue » (ibid., p. 146).
16 Silva M. C., « A Revista do Brasil : de Monteiro Lobato a Chateaubriand », Revista do Instituto Histórico e Geográfico Brasileiro, vol. 349, août-décembre 1985, p. 61-73.
17 Dans son livre Como o Brasil deu no que deu (Rio de Janeiro, Editora Guanabara, 1985), Darcy Ribeiro désigne 1916 comme l’année de la revue et affirme : « Júlio de Mesquita lance, à São Paulo, la Revista do Brasil, qui voulait être, pour nous, ce qu’était la Revue des Deux Mondes pour les Français. Deux ans plus tard, entre les mains de Monteiro Lobato, elle deviendra le meilleur reflet de la vie intellectuelle brésilienne. Elle connut, ultérieurement, plusieurs résurrections. »
18 La permission d’utiliser le titre Revista do Brasil fut obtenue par Darcy auprès d’Austregésilo de Athayde, qui exerçait la charge de président des Diários Associados, groupe propriétaire du titre.
19 Cette phase plus récente de la revue a fait l’objet d’une étude de Nadia Souza Conceição, qui a publié deux petits articles : « Revista do Brasil, 34 Letras e Oitenta », Boletim de Pesquisa do Núcleo de Estudos Literários e Culturais, n° 1, et « Projeto poéticas contemporâneas : histórias e caminhos », Florianópolis, UFSC, septembre 1997, p. 42-46.
20 Les données ont été puisées chez Barata M., Presença de Chateaubriand na vida brasileira, São Paulo, Martins, 1971, p. 58. Tavares J. N. (« Gênese do império “associado” de Assis Chateaubriand », Comunicação e Sociedade, ano IV, n° 7, São Paulo, Cortez Editora, mars 1982, p. 154-155) fournit une liste complète des journaux, revues, stations de radio et de télévision qui faisaient partie des Diários Associados en 1968, date du décès de Assis Chateaubriand.
21 Barata M., op. cit., p. 95.
22 Cette date est fournie par Hallewell L., O livro no Brasil : sua história, São Paulo, T. A. Queiroz/Edusp, 1985, p. 408. Déjà Tavares J. N. (op. cit., p. 154) affirme que la maison d’édition a été fondée en juin 1941 alors que Morais F. (op. cit., p. 414) situe son apparition au début des années 40, sans donner plus de détails.
23 José Nilo Tavares, Mário Barata, Samuel Wainer et Fernando Morais ne mentionnent pas la troisième phase de la revue. On peut en dire de même de Nelson Werneck Sodré, Juarez Bahia et du travail de Doyle P., História de revistas e jornais literários, Rio de Janeiro, MEC/FCRB, 1976. Même Darcy Ribeiro, un fervent admirateur de la revue, dans son œuvre Como o Brasil deu no que deu, ne signale pas son nouveau lancement en 1938. Déjà l’important article de De Lara Cecília, « Revista do Brasil. Uma fase da cultura brasileira » (Suplemento do Centenário, n° 36, O Estado de S. Paulo, 6 septembre 1975), se limite à peine aux deux premières phases (1916-1925 et 1926-1927). L’exception reste attribuée à Mário Camarinha Silva (op. cit.), qui fait de rapides références à la période 1938-1943.
24 Les données concernant la vie et l’action de Otávio Tarquínio sont rares. La plupart des dictionnaires se limitent à répéter les maigres informations de la Nota da Editora qui débute ses livres. Les sources suivantes ont été utilisées : Menezes R., op. cit., p 658 ; CPDOC, Dicionário, Rio de Janeiro, FGV-CPDOC, 1986, vol. 4, p. 3269 ; « Nota da Editora », Sousa O. T., História dos fundadores do Império, Rio de Janeiro, José Olympio, 1957, vol. 1 ; Rodrigues J. H. et Sousa O. T. « (1889-1959) », Historical American Hispanic Review, august, 1960, p. 431-4 ; « Noticiário », Revista do Livro, ano V, n. 17, Rio de Janeiro : INL/MEC, mar. 1960, p. 243-245 ; Barbosa F. A., « Mestre Otávio Tarquínio de Sousa, l’historien », Sousa O. T., varisto da Veiga, Belo Horizonte/São Paulo, Itatiaia/Edusp, 1988, p. 15-20.
25 S’agissant du processus de fondation, des objectifs, des membres, des activités, des publications, des récompenses, des ressources financières et de la signification de la Sociedade Felipe de Oliveira, consulter : Gomes A. C., Essa gente do Rio... Modernismo e nacionalismo, Rio de Janeiro, FGV, 1999, p. 77-103.
26 Il existe à ce sujet le témoignage suivant de Carlos Drummond de Andrade : « 19 juillet [1943]. Réunion de la ABDE (Associação Brasileira De Escritores) à la rédaction de la Revista do Brasil (immeuble des Diários Associados). Présents : Otávio Tarquínio de Sousa, Astrogildo Pereira, José Lins do Rego, Diná Silveira de Queirós, Álvaro Lins, Marques Rebelo, Francisco de Assis Barbosa (de passage à Rio) et moi. On continue l’examen de la question concernant la manière de recouvrer les droits d’auteurs. Rien de résolu... La conversation dérive vers l’Academia Brasileira à propos de l’exemplaire de sa Revista, à laquelle collabore Rebelo et qu’il a en mains. Cela provoque une discussion agréable avec lui sur son flirt avec l’Académie. D’autres interviennent et je lance l’idée : “Nous allons rédiger une déclaration affirmant notre but de ne jamais entrer à l’Académie ?” Tarquínio appuie avec enthousiasme et écrit lui-même l’engagement, que nous signons tous, par ordre d’âge, et avec cette déclaration, des 56 ans de Tarquínio aux 29 ans de Chico Barbosa. Aurélio Buarque de Holanda, secrétaire de la Revista do Brasil, participant à la réunion, refuse de signer. Il trouve légitime d’aspirer à l’Académie et, même s’il n’est pas candidat, préfère s’abstenir. Tout se termine dans les rires et nous sortons, déjà à la nuit tombée, avec la déclaration dans la poche de Tarquínio » (Voir Andrade C. D., O observador no escritório, São Paulo, Círculo do Livro, s. d., p. 10-11).
27 Gomes A. C., op. cit., p. 97.
28 D’après les informations orales fournies le 7 février 2000 par le prof. Antonio Candido, bien que le nom de Otávio Tarquínio figure dans les Annales du Congrès, il ne s’y présenta pas.
29 À propos de l’impact de ladite déclaration et de sa signification pour l’époque consulter Candido A., O Congresso dos Escritores. Teresina etc., Rio de Janeiro, Paz e Terra, 1980, p. 107-112.
30 Témoignage transcrit à l’occasion du décès de Otávio Tarquínio de Sousa et de son épouse dans un accident d’avion survenu le 22 décembre 1959 alors qu’ils revenaient de São Paulo à Rio de Janeiro. Cf. O Estado de S. Paulo, 23 décembre 1959, p. 9.
31 Ici l’auteur s’est certainement trompé car Tarquínio était originaire de Rio de Janeiro.
32 Hallewell L., op. cit., p. 364-365. Un exemple significatif de l’importance des librairies comme espaces de rassemblement est fourni par la Livraria do Globo, située dans la célèbre rua da Praia à Porto Alegre qui possédait aussi son secteur édition. Voir Torresini E. R., Editora Globo : uma aventura editorial dos anos 30 e 40, São Paulo/Porto Alegre, Edusp/Com-Arte/Editora da UFRGS, 1999.
33 Archive Ciro dos Anjos : copie fournie par les archives du musée de la Littérature, Fondation Casa de Rui Barbosa.
34 À ce sujet consulter Capelat M. H., Multidões em cena : propaganda política no varguismo e no peronismo, Campinas, SP, Papirus, 1998 ; et Gomes A. C., História e historiadores : a política cultural do Estado Novo, Rio de Janeiro, FGV, 1996.
35 Consulter Wainer S., Minha razão de viver. Memórias de um repórter., 13e ed., Rio de Janeiro, Record, 1989, p. 51-69.
36 À titre d’exemple voir la RBR, vol. 1, n° 1, juillet 1938, p. 101, dans laquelle on peut lire : « Aux côtés d’un corps de collaborateurs nationaux où figurent les noms les plus prestigieux dans toutes les activités intellectuelles, la Revista do Brasil peut annoncer à ses lecteurs qu’elle publiera régulièrement et en toute exclusivité des articles et des essais de collaboration étrangère. Dans ce numéro, inaugurant la série, se trouve une remarquable étude de Thomas Mann. »
37 Gaúcha : originaire de l’État du Rio Grande do Sul.
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Les Premiers Irlandais du Nouveau Monde
Une migration atlantique (1618-1705)
Élodie Peyrol-Kleiber
2016
Régimes nationaux d’altérité
États-nations et altérités autochtones en Amérique latine, 1810-1950
Paula López Caballero et Christophe Giudicelli (dir.)
2016
Des luttes indiennes au rêve américain
Migrations de jeunes zapatistes aux États-Unis
Alejandra Aquino Moreschi Joani Hocquenghem (trad.)
2014
Les États-Unis et Cuba au XIXe siècle
Esclavage, abolition et rivalités internationales
Rahma Jerad
2014
Entre jouissance et tabous
Les représentations des relations amoureuses et des sexualités dans les Amériques
Mariannick Guennec (dir.)
2015
Le 11 septembre chilien
Le coup d’État à l'épreuve du temps, 1973-2013
Jimena Paz Obregón Iturra et Jorge R. Muñoz (dir.)
2016
Des Indiens rebelles face à leurs juges
Espagnols et Araucans-Mapuches dans le Chili colonial, fin XVIIe siècle
Jimena Paz Obregón Iturra
2015
Capitales rêvées, capitales abandonnées
Considérations sur la mobilité des capitales dans les Amériques (XVIIe-XXe siècle)
Laurent Vidal (dir.)
2014
L’imprimé dans la construction de la vie politique
Brésil, Europe et Amériques (XVIIIe-XXe siècle)
Eleina de Freitas Dutra et Jean-Yves Mollier (dir.)
2016