La conscience possible de l’Amérique latine dans les éditions populaires
p. 209-2019
Texte intégral
1La guerre1 ou les guerres jouent un rôle important dans la tradition des brochures populaires qui renferment de nombreux récits, des transmissions continues, englobant un ensemble d’informations à partir de faits connus, récupérés dans les médias ou auxquels on a assisté et, en même temps, toute une fabulation que nous pouvons qualifier de mytho-poétique, c’est-à-dire une récupération d’intrigues ancestrales véhiculées par la tradition.
2Présent de différentes manières, sous forme de signes visuels, d’emblèmes, de références indicielles, dans la construction d’épisodes, ou même dans le système discursif, le sujet favorise une large observation. Les fonctions communicative (un journalisme populaire qui construit une histoire non officielle et fortement discutable) et poétique (transmission fabulatrice d’un temps/espace qui va de l’événement aux dépôts imaginaires : mytho-poétique) s’entrelacent, récupérant différentes durées temporelles, croisement de dépôts imaginaires avec des univers vécus ou de l’actualité.
3Dans certaines brochures, ou dans des textes oraux, nous retrouvons le combat médiéval et guerrier, mélangé à des allusions aux guerres d’autres temps. Lors de la première guerre du Golfe de 1991 apparurent des brochures et, en vedette ici, l’une d’elles qui présente, au milieu d’un répertoire traditionnel, la guerre de Saddam Hussein avec le curieux dessin d’un petit avion bien ancien sur la couverture.
4Dans ce processus de transformation de la littérature de brochure elle-même et des groupes sociaux qui la produisent – ou qui ne la produisent déjà plus – les antennes restent donc branchées pour capter le monde, à partir des résonances communicatives ou de l’élaboration et de l’actualisation d’une connaissance qui est, en elle-même, interprétation du monde.
5À mi-chemin entre la tradition de la voix, de l’écrit – construction d’images, concernant l’image/élément visuel comme indispensable dans le discours qui construit sa figuralité d’images allusives – cette façon de représenter la guerre a son registre particulier et un thème comme celui-ci sera, ainsi, toujours lié à cette conjonction des temps vécus ou entendus sous forme de récits, proches ou lointains, offrant la possibilité d’une « conscience » possible.
6Ainsi l’ensemble ouvert et non exhaustif (à chaque instant on peut en trouver un autre), relatif à la guerre des Malouines.
« LA GUERRE DES MALOUINES
De la vile colonisation
Qui appelle protection
Ce que j’appelle convoitise2. »
7Parmi les brochures de « faits » ou de nouvelles « à succès » – c’est-à-dire, ceux dans lesquels prédomine un événement récent – me sont parvenues quelques brochures de poètes populaires et qui traitaient spécifiquement de la guerre des Malouines. Ce que nous constatons immédiatement, même à la première lecture, c’est la curieuse coïncidence de positions entre ces textes.
8Raimundo Santa Helena, poète nordestino3 – résidant à Rio de Janeiro et président de la CORDEL BRÁS (une curieuse organisation créée pour la défense des intérêts des poètes populaires et de la littérature de cordel 4) – dans deux fascicules successifs – « A morte da menina de Campinas5 » et dans « Tragédia aérea no Ceará6 » – profite de l’occasion pour reproduire une note du journal O Globo qui parle de l’occupation de ces îles si célèbres. Et, sur la quatrième de couverture du premier, est écrit :
« Malouines
1) Les Britanniques ont aussi occupé nos îles de Trinidade et de Martin Vaz, dans l’Atlantique, et ne les restituèrent que 50 ans après (1895), “diplomatiquement”, parce que :
a) les îles n’avaient pas d’eau ;
b) le Brésil accorda aux Britanniques toutes les concessions ferroviaires (même les chemins de fer construits par des Brésiliens, comme Leopoldina) ; toutes les concessions hydroélectriques (et même la vieille usine de Paulo Afonso, construite par un Brésilien, et que les Anglais ont démantelée et remplacée par des turbines, pour faire place aux produits anglais) ; toutes les concessions des industries textiles. En réalité, nous avons acheté nos propres îles avec notre dignité, avec notre dépendance économique, avec le sacrifice de l’honneur national. Mais cela ne figure pas dans les livres officiels de l’Histoire du Brésil.
2) Je me souviens aussi de l’affaire du Pirara, à la frontière avec la Guyane, où le Fort brésilien de São Joaquim a été occupé par des soldats anglais, en 1840, lorsque la garnison brésilienne avait été retirée pour combattre la rébellion du Pará – Cabanada.
3) Je me souviens encore que les îles de Ascenção, Santa Helena, Tristão da Cunha et Vasco Gonçalves, entre le Brésil et l’Afrique, ont été découvertes par les Portugais sur la route des Indes (remarquez leur nom, que les Anglais ne se sont même pas donné la peine de changer), et que les Britanniques ont occupé dans la période d’expansion de leur impérialisme. S’ils n’avaient pas été là, ces îles seraient aussi brésiliennes aujourd’hui.
(Francisco Correa Neto, O Globo, juin 1982).
Le mari de Madame Thatcher est propriétaire d’une grosse affaire de laine dans les îles Malouines.
(Edmundo Silveira). »
9Cette transcription, que le poète insère dans ses brochures, montre qu’il est bien attentif et intégré dans le monde critique et dans celui de l’actualité. Après avoir reproduit cette information, le poète populaire conclut que les Malouines sont argentines et que « les Anglais, toujours ironiques, veulent humilier nos frères latino-américains ».
10Il attire notre attention sur l’idée d’humiliation et considère les Latino-Américains comme s’ils étaient une classe sociale ou une confrérie. Le renvoi à toute une documentation journalistique ou télévisuelle est frappant, comme on peut le lire au dos de la deuxième brochure citée.
11Et dans Eco das Malvinas, le poète insiste, affirmant qu’il transmet un message social et éducatif, et estime que les Malouines appartiennent à l’Argentine. Revenant à la charge, il cite ses sources : « Les Anglais, toujours ironiques, veulent humilier nos frères latino-américains. Ils se croient imbattables et veulent se montrer supérieurs. »
12Je ne les considère pas ainsi et, dans mon poème, je dis pourquoi.
a) O ESTADO de São Paulo, 8-5-82 ;
b) O GLOBO, 11-5-82 ; UH, 8-6-82 ; RÁDIO NACIONAL, 1-5-82 ; TVE, 2-5-827.
13En outre, il écrit une brochure combative dans laquelle il explicite, de façon claire et emphatique, sa position anticolonialiste et sa répulsion qu’il exprime dans les termes suivants :
« Et à mon avis
Un Etat ou un pays
Ne peut avoir deux sièges
Je l’affirme sans cérémonie
L’un est une filiale
Et l’autre est la maison mère. »
14Dans ce langage hyperbolique, qui caractérise l’argumentation de la tradition populaire nordestina, en vertu de la grande rhétorique héritée de l’époque coloniale et d’un verbiage qui vaut par lui-même et par les effets sonores, il ajoute :
« Avec une sublimation organique
Excrément du Cordel
La majesté cruelle
Reniflant l’âme satanique. »
15Pour sa part, et avec une autre maîtrise dans l’art de poétiser, dans la tradition de ce legs de tradition orale, le pernambucano8 João de Barros (Jota Barros) – résidant à São Paulo depuis plusieurs années et l’un des représentants les plus importants de la tradition de la poésie de brochures nordestines connue comme Literatura de Cordel – dans A vos do Padre Cícero contra a Guerra das Malvinas explique que :
« Quand Dieu fit ce monde
Il ne vendit rien à personne
Cependant les cupides
Sur ordre de je ne sais qui
Disent que le monde appartient
À celui qui a le plus de droits. »
16Par le biais de l’explication misogyne traditionnelle sur les peines et les maux du monde, conformément à la tradition biblique, il passe par des thèmes tels que la femme, le serpent et le péché, pour atteindre le personnage de « la mère » Thatcher :
« Souvenez-vous qu’une femme
A fait du monde la perdition
Quand a surgi le péché
Vint la désillusion
De faire les uns plus que les autres
À cause de l’ambition
Qui sait si celle-ci maintenant
Pleine de haine et de rancœur
N’est pas en train de provoquer le monde
Avec son génie malfaisant
Pour une troisième guerre
Ô horreur dévorante. »
17Il se produit ici, comme c’est courant dans la pratique de cette poésie populaire, une personnification nécessaire des entités. Il doit y avoir une figure qui représente tout. Dans certains textes de brochures, y compris dans les contes de fées et de princesses, le gouvernement, la police, l’armée et autres institutions sont personnalisés, pleurant, riant, s’étonnant, etc. Quand il n’en est pas ainsi, des figures allégoriques apparaissent pour assumer toute la responsabilité de ce qui se passe : La Famine avec son fouet, La Mort avec sa faux, L’Inflation (thème nouveau), La Faim (thème éternel).
18Le poète Jota Barros poursuit alors :
« Si l’Argentine exigea
Ses biens elle a raison
Il y a cent cinquante ans [sic]
Elle perdit les îles et alors
Aujourd’hui les demandant en retour
La restitution est juste. »
19Il paraît opportun de souligner que – chez les deux poètes en question, jusqu’alors de tendances et d’expérience très différentes – l’aversion pour le « dominateur » atteint la même intensité. On remarque, en outre, un fort sentiment d’appartenance à l’Amérique latine, dont on ne sait pas bien ce qu’elle est, dans sa complexité aux plans social, géographique et politique, mais qui représente ici une voix du colonisé en nette opposition à celle du colonisateur.
« La vos du père cicero » contre la guerre des malouines9
20En accompagnant ces voix unanimes – opinions de ces poètes résidant à Rio et à São Paulo – nous arrivons à celui de Bahia, Rodolfo Coelho Cavalcanti, aujourd’hui décédé, poète qui mériterait tout un chapitre sur l’histoire de la littérature populaire au Brésil, pas spécialement pour la qualité mais pour la quantité de brochures qu’il a produites, et pour avoir capté des thèmes avec autant de véhémence.
21Dans Guerra das Malvinas ou o Conflito mundial10, il relève le fait que l’Angleterre effraye la terre entière et passe à un minutieux dramatis personae de la guerre, ses personnages étant aussi Haig, Reagan, l’ONU elle-même, ce qui confirme l’intérêt en termes journalistiques et, donc, d’actualité du poète populaire. Là aussi le personnage terrifiant de Thatcher ne pouvait pas manquer d’être présent :
« La Ministre Margareth
L’attaque autorisa
Que l’Argentine reprenne
Ses îles de droit
Et que l’Angleterre convainque
Au nom du bon sens
Que sa cause est perdue
Dans le monde entier connue
Ne pas prendre par tous les moyens. »
22Et il ajoute encore :
« Un peuple civilisé
N’utilise pas l’oppression
En rien ne vaut la nouvelle façon
De coloniser un peuple
Au moyen d’une invasion. »
Illustration 1. – Couverture de la brochure A Vos do Padre Cícero Contra a Guerra das Malvinas, mai 1982.
23
24Sur un ton grandiloquent de poète et sonnetiste qui a beaucoup lu Castro Alves, il demande que toute l’Amérique Latine s’unisse pour trouver une solution pacifique. Il sollicite Reagan pour qu’il ne se mette pas du côté de l’Angleterre et, après toutes les attaques contre l’Anglais « oppresseur, colonisateur et envahisseur », vient l’habituelle personnification, comme je l’ai déjà dit, espèce d’allégorie du mal, Margareth Thatcher, cette présence contrastive et angoissante depuis toujours, de Dieu et du Diable :
« Je ne suis pas contre le peuple anglais
Un peuple de très braves gens à jamais
Cependant la mère Margareth
Par l’art de Satan
Veut prendre les Malouines
Qui sont des îles Argentines
Et ainsi il n’y aura pas de paix. »
25Il y a un autre point qui rapproche l’opinion de ces poètes et qui réside dans leurs plaintes. L’opposition Chrétienté versus Cupidité apparaît toujours, conformément à nos références culturelles pré-capitalistes et catholiques, comme le dit Jota Barros :
« Parce qu’ils ne pensent qu’aux terres
Pouvoir argent et parti. »
26À l’opposé de son projet d’harmonie de vie qui est de prospérer, d’avoir un bon emploi, en respectant les autres et « en évitant tout asservissement ».
27Par ailleurs, Rodolfo rappelle l’Indépendance de l’Argentine et l’effort que fit celle-ci pour se libérer de l’Espagne. Et comme il se considère comme faisant partie d’un peuple d’Amérique latine, colonisé et soumis aux pouvoirs de cupidité depuis toujours, le poète s’identifie à l’Argentine.
28Dans la recherche de cette identité formatrice, la rivalité bien connue entre Argentins et Brésiliens disparaît ici, ainsi que le conflit interne des classes sociales. Et il est également curieux de ne pas trouver, là, la moindre allusion à la terreur des dictatures militaires argentines. Le général Galtieri est un personnage qui disparaît par la magie de l’intrigue, pour diverses raisons que nous comprenons, y compris celle de compromettre la défense de la cause. Globalement, dans les textes de ces poètes, on ne trouve pas, en général, de référence au poids de l’oppression des dictatures militaires installées sur notre continent, sauf dans la brochure O drama da guerra nas Malvinas, de Téo Macedo.
29Je ne crois cependant pas que cela soit dû au manque d’information. De nombreuses barrières et difficultés de tous ordres sont responsables de l’omission de cette dangereuse partie de l’ensemble. Dans la lutte pour la légitimité, pour la possibilité d’une existence sans autres persécutions que les discriminations habituelles, ce qui leur est au moins possible dans ce cas, c’est d’avoir secrètement conscience d’une entité réalisable – l’Amérique latine unie – au moins dans leur idéal héroïque de résistance au colonisateur.
30C’est ainsi que Rodolfo défend, avec emphase, l’offensive de l’Argentine, sa proposition d’occupation des îles, en disant :
« Pour la plus juste raison
Il arriva cette année
Par un plan audacieux
À “Faire son invasion”. »
31Drama da Guerra nas Malvinas11 (notez « aux » [nas] et non « des » [das]), est une curieuse brochure de Téo Macedo. Sa tonalité diffère un peu des autres dans la mesure où il regrette le choc entre frères anglais et argentins. Il construit un discours contre la guerre, demande la paix, évoque les cris, les vagues, les gémissements.
32La dimension écologique ne lui échappe pas et même la défense des pingouins :
« Avec la fumée des missiles
Ils ne peuvent pas marcher. »
33Il mentionne cependant les mères de la place de Mai, les familles disparues [pendant la dictature en Argentine] et demande que revienne la Liberté :
« Je suis contre les
Méchancetés
Et n’importe quelle dictature. »
34Il fait référence à la cupidité, aux naufrages de navires et termine sa brochure, de huit pages, par un appel dramatique à Margareth Thatcher, personnage indispensable dans la représentation de cette guerre dans la littérature de brochures :
« Arrêtez dix minutes pour penser
Et faites une prière
En demandant avec émotion
De votre péché le pardon. »
Illustration 2. – Brochure Le drame de la guerre des Malouines, São Paulo, 1982.
35
36À ce chœur viendra se joindre Maxado Nordestino (un cas à étudier avec soin, du fait qu’il a fait l’option de se transformer en producteur de brochures populaires). Dans Malvinas são malvindas12 (Les Malouines sont malvenues), il joint sa voix à la protestation de ceux qui expriment, dans leur poésie, le sentiment de répulsion le plus profond pour la spoliation. Son texte comporte cependant d’autres types d’analyses, y compris le jeu de mots du titre.
37Dans cet ensemble de déclarations et de documents de nos poètes populaires, aux personnalités si diverses, porteurs d’attitudes religieuses et même politiques différentes (je les connais tous de près) et vivant dans des espaces urbains si variés, il y a une espèce de lien qui relie, unit et complète leurs textes. En remplissant leur mission de journalistes populaires, en informant et en donnant leur avis sur des faits mondiaux, ils marquent leur position, mélangent des perceptions de temps divers et ne perdent pas l’occasion de se positionner, de façon poétique et critique, à leur manière. Leurs discours peuvent se référer à la voix du colonisé en lutte contre des fantasmes, le colonisateur, le démon, la cupidité, comme s’ils existaient par eux-mêmes.
38La conséquence de tout cela sera, naturellement, d’alerter sur des problèmes qui – n’étant pas formalisés, ici, en raison d’impossibilités concrètes ou atteints de façon critique – montrent combien ils interprètent et influencent leur lectorat. Nos poètes populaires font leurs brochures avec des couvertures très significatives, cherchant à être dans l’actualité – conscience – en essayant de capter une certaine unité de ce continent si maltraité et attaqué. C’est leur savoir, issu de leur expérience, qui se répercute harmonieusement dans le corps de cet ensemble de littérature populaire versifiée, imprimée dans les éléments qui participent vigoureusement à la construction d’une autre histoire.
39Naturellement, ce que je propose, ici, n’est qu’un document non exhaustif dans son corpus, ne renfermant pas de théories complexes sur le social. Je mets l’accent sur la force de ce journalisme populaire et sur sa façon particulière de rapprocher des raisons mythiques de faits immédiats, concrets, d’histoire observée, en rendant compatibles un monde imaginaire appartenant à la tradition et la modernité amenée par les moyens de communication.
40J’essaie de suivre les stratégies des poètes de conserver certains faits alors que d’autres sont omis, la typisation d’éléments dans l’imaginaire et l’oblitération de circonstances inconfortables, enfin, la sélection mémorielle qui se charge d’éliminer une partie de ce qui est indésirable, comme nous le rappelle Iúri Lotman, dans ses études qui concernent la culture et la mémoire.
Guerre et Amérique latine
41En énonçant, ici, cette proposition, deux thèmes fondateurs se présentent, Guerre et Amérique latine, thèmes d’une grande complexité qui empêchent toute définition simpliste ou précipitée. Ici, dans l’exemple que je propose, il semble que la guerre soit véritablement invasion, disproportion, irrespect, déclenchant toujours une réaction immédiate et une production très expressive.
42Ainsi, le petit livre de la maison d’édition João do Rio, de Savério Fittipaldi (je mène actuellement une recherche sur cette maison d’édition), publié en 1928, malgré d’autres courants idéologiques qu’il reflète, met en relief la disproportion des forces de l’envahisseur, de son courage, et de son unité face à la résistance de la victime, lors de l’invasion du Nicaragua par les États-Unis.
43Ce texte va permettre de construire, pour le public des couches populaires, une autre histoire et de renforcer l’image du héros latino-américain, héros brun, métis, libérateur de son peuple. Il faut avoir en tête que, si l’éditeur a cru bon de le diffuser ainsi, c’est aussi parce qu’il connaissait l’existence de toute une demande, sous-jacente, pour ce type de production.
44Pour cela il ne serait pas hors de propos de récupérer, ici, quelques extraits bien évocateurs afin de les transposer au temps présent :
« L’intervention du pays du dollar marque le début de l’affrontement militaire au Nicaragua. »
45Alors que les marines américains attaquent avec des techniques militaires modernes et des armes de guerre sophistiqués, Sandino réussit à résister malgré le petit nombre de ses soldats et l’absence d’équipements pour la guérilla. Le succès de ses assauts contre les Nord-Américains est dû à l’usage de l’intelligence et de l’astuce, à la création de stratégies de défense et d’attaque et à l’avantage de la topographie du pays. Le dernier affrontement, décrit dans le texte, entre les forces révolutionnaires du Nicaragua et les troupes des États-Unis, se produit lorsque les Nord-Américains tentent de détruire le Chipote, espèce de quartier général de la guérilla de Sandino, qui résiste dans l’espoir de libérer le peuple nicaraguayen du joug du dominateur.
46La couverture – illustration de Casanova (un pseudonyme) – montre l’affrontement militaire se déroulant entre l’Oncle Sam, représentant la puissance des États Unis, et le rebelle Augusto Sandino, qui affronte les troupes américaines envahissant le Nicaragua. Un cadre rouge entoure le dessin. Du côté américain se trouve l’Oncle Sam, vêtu d’habits de magicien aux couleurs du drapeau de son pays et tenant une arme à la main. Au fond, apparaissent quelques gratte-ciel et, au devant, des navires militaires amarrés dans le port. Près de la frontière entre les deux pays, un canon est pointé en direction du Nicaragua.
Illustration 3. – M. Splayne, Fascicule Sandino e o Tio San ou a Intervenção dos Estados Unidos em Nicarágua (Reconstituição Histórica), Rio de Janeiro, Librairie João do Rio, 1928, 62 p.
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48La limite entre les nations est tracée par un alignement de munitions de gros calibre, au bord d’une rivière. Sandino, habillé en soldat, porte un foulard autour du cou et un chapeau de vacher. Empoignant un fusil et manifestant une attitude de brutalité, il est prêt à tirer sur l’Oncle Sam qui essaie de franchir la frontière en retirant l’un des projectiles qui la délimite. Un autre signe qui caractérise fortement le côté américain est le mot dollar écrit sur le soleil tandis que le mot Nicaragua est écrit sur le sol, entre les jambes de Sandino.
49Quant à l’Amérique latine (je soulève ici cette question que je reprendrai, dans l’avenir, lors de l’analyse d’autres brochures), le terme renvoie à plusieurs significations, correspondant à des habitudes et à des attitudes particulières, qui se présentent comme une grande difficulté conceptuelle, pas toujours fondamentale. Ce qui nous met, implacablement et abruptement, face à la colonisation, à l’extermination des peuples autochtones, à l’occupation et à la mutilation de leurs langues, de leurs cultures et de leur imaginaire.
50Mais nous sommes aussi en présence de nouvelles situations, de métissages, et du traumatisme le plus consistant, manifesté à chaque pas, envers la création d’une grande et puissante expression, envers l’art ou la vie quotidienne.
Notes de bas de page
1 Plusieurs chercheurs, parmi lesquels Vera Luna e Silva et Mark Curran ont rassemblé des matériaux et des brochures qui décrivent les guerres de façon objective.
2 Santa Helena R., Malvinas, Rio de Janeiro, 30 avril 1982.
3 Originaire des États du Nord-Est du Brésil (N.D.T.).
4 Littérature de cordel : terme d’auto-édition de poésies populaires (images) sous forme de fascicules et de brochures (N.D.T.).
5 Santa Helena R., Morte da menina em Campinas, Campinas (SP), 9 mai 1982.
6 Santa Helena R., Tragédia aérea no Ceará, Rio de Janeiro, 10 juin 1982 (tirage : 10 000 exemplaires).
7 Malvinas, Rio de Janeiro, 30 avril 1982.
8 Originaire de l’État du Pernambouc, région du Nord-Est du Brésil (N.D.T.).
9 A voz de Padre Cícero contra a Guerra das Malvinas, São Paulo, mai 1982.
10 Cavalcanti R. C., A Guerra das Malvinas ou Conflito Mundial, Bahia, 1982.
11 Macedo T., O drama da Guerra nas Malvinas, São Paulo, 1982.
12 Nordestino F. M., Malvinas são Malvindas, Campinas, mai 1982.
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