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Introduction à la deuxième partie

p. 87


Texte intégral

1C’est en vivant à Urus Uma que j’ai compris que le contrôle du corps constituait une façon de contrer la prédation des saqra. Dès mon arrivée, les femmes s’empressèrent de faire de moi une « belle cholita », ce que j’acceptai volontiers. Cette « transformation » se manifesta en premier lieu par mon apparence physique. Vêtue d’une jolie jupe bouffante (pollera) qui cachait une multitude de jupons, chaussée de sandales en pneu (abarcas), coiffée de deux tresses prolongées par un postiche qui se terminait par une sorte de bourdalou en laine de lama tissée (tullma), munie d’un beau chapeau en feutre blanc, je déambulais ainsi dans la communauté avec fierté et assurance. Pourtant, ma façon d’agir exprimait manifestement l’ignorance des techniques corporelles appropriées : je risquais soit de me vider soit d’être mangée par un saqra. Lorsque je commettais une telle imprudence, Elvira ne manquait pas de la remarquer et de préciser qu’elle était inconciliable avec le fait d’être une cholita. L’habit et la coiffure étaient indéniablement insuffisants pour prétendre à un tel statut. Je devais aussi transformer mes manières d’agir et de réagir, je devais être « éduquée » afin de faire bon usage de mon corps. Cette expérience m’aida à comprendre comment le corps était quotidiennement façonné par les individus pour éviter l’infortune ; envisagé à travers sa matérialité, le corps constituait un lieu dans et par lequel les individus allaient faire obstacle à l’acte de prédation.

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