Chili. Par où est passée la justice ?
p. 43-56
Texte intégral
1La dictature chilienne a provoqué des dégâts humains que l’on parvient tant bien que mal à chiffrer avec 1 198 détenus-disparus, 3 197 morts1, entre 30 0002 et 300 000 cas de torture3. Un million de personnes quittent le Chili durant cette période et 250 000 s’expatrient pour des raisons politiques. Les dommages sont considérables mais encore difficiles à établir. Si le principe d’une réparation est acquis, il est difficile à mettre en œuvre ; tellement difficile que par certains aspects, on peut dire que les autorités chiliennes y ont pratiquement renoncé. Ce renoncement consiste essentiellement dans la réticence à rendre justice alors même que des plaintes sont formulées, que des constats sont faits et que des témoignages ont été recueillis. Par où donc a pu passer la justice au Chili ?
2On discerne grosso modo deux voies : une voie chilienne (nationale) et plusieurs voies non exclusivement internes (inter-nationales). La voie chilienne comme les autres voies sont marquées par une forme d’impuissance qu’elle ait été organisée ou non. Cette impuissance semble entretenue par des liens réciproques entre justice interne et justice internationale. Si pour la clarté de la présentation les deux séries de voies seront présentées séparément, on ne devra pas perdre de vue que les choix nationaux ont partie liée avec les choix souverains d’autres pays ou avec le niveau de pression internationale relayé par les principales organisations internationales.
3Ce sera d’ailleurs la thèse en toile de fond de cette contribution : si la justice nationale dépend évidemment au premier chef des choix politiques des gouvernants d’un État, elle est également sensible à l’environnement international. Mais lorsqu’un État comme le Chili résiste à ce que justice se passe en son sein, rien ne l’y forcera – pas même la pression d’organisations internationales, juridictionnalisées ou non – ; et ce d’autant plus si précisément la justice internationale pénale ou les autres États impliqués manquent de diligence voire font obstacle à l’unisson avec l’État chilien. Cette perception est celle du « verre à moitié vide ». Pour présenter les choses avec la perspective du « verre à moitié plein », on peut dire qu’à chaque fois qu’il y a eu des avancées pour juger la dictature, cela a été rendu possible par la conjonction de trois éléments : l’activisme soutenu de la « société civile », la contribution des États étrangers – même minime – associés à la volonté de l’État chilien. Mais d’une manière plus distanciée, on ne peut nier que le cas chilien en général et le cas Pinochet en particulier ont jeté une nouvelle lumière sur le rôle du droit international en droit interne4.
La voie chilienne et ses impasses
4On soutiendra à titre principal l’argument selon lequel au nom de la réconciliation, le Chili a mis sur pied une stratégie d’évitement de la justice qui se résume par une sorte d’adage inventé pour la circonstance : « Pas de sanction, pas de coupable. Pas de coupable, pas de victime. » Cette stratégie consiste à éviter les sanctions et la mise en scène du conflit pour privilégier à l’inverse le consensus et la concertation5. De sorte qu’en définitive, le crime s’il n’est pas a priori complètement nié n’a ni coupables, ni victimes. Pour éviter les sanctions, il suffit d’éviter le procès. Sauf quelques exceptions tardives, cet évitement a eu lieu notamment à propos des principales infractions constitutives de violations de droits fondamentaux tels que les assassinats, disparitions forcées, détentions arbitraires et actes de torture ayant ou non entraîné la mort.
5Trois mécanismes ont fait obstacle aux procès pendant un temps : les lois qui ont amnistié les actes commis durant la période de la dictature, la technique de la justice restauratrice telle qu’elle a été pratiquée en deux occasions6 et le système indemnitaire finalement mis en place.
Les lois d’oubli
6Ces lois constituent l’obstacle majeur au passage de la justice jusqu’à un arrêt de la cour suprême du 17 novembre 2004. Le 19 avril 1978, sont promulgués des décrets-lois portant amnistie des actes liés au coup d’État, actes commis entre le 11 septembre 1973 et le 10 mars 1978. L’assassinat en 1976 d’Orlando Letellier, ministre chilien de la Défense, est exceptionnellement exclu du champ de ces textes. L’immunité des auteurs d’infractions, y compris des crimes et délits, parmi lesquels les crimes les plus graves (assassinats et torture) est garantie à leurs auteurs, alors même que certains sont imprescriptibles. L’impunité devient alors la règle.
Justice restauratrice et Commissions Vérité et Réconciliation chiliennes
7Deux rapports contestés sont à l’origine de l’essai de justice dite restauratrice ou réconciliatrice au Chili : Rapport Rettig, 1991 et Rapport Valech, 2004. Les commissions vérité et réconciliation chiliennes qui les ont produits font l’objet de nombreuses critiques de la part des défenseurs des droits de l’Homme et des familles de victimes. Les critiques adressées à la première commission (Rettig 1991)7 sont les suivantes.
8Sa composition serait insatisfaisante parce qu’elle ne représenterait pas suffisamment la société chilienne avec la représentation jugées trop massive de professions juridiques8. Mais surtout, elle associe des partisans de la dictature9, ce qui est contesté dans le principe. De plus, son champ de compétence restrictif empêcherait d’embrasser l’ensemble des crimes de la dictature, notamment les disparitions, et tout simplement de stigmatiser la dictature comme un fait de violence politique particulièrement dévastateur, distinct de l’opposition politique militante. En effet, pour la commission Rettig, il s’agit de « compter les morts dans les deux camps10 ». L’enquête dont la Commission nationale Vérité et Réconciliation (CNVR) est chargée porte en effet sur deux catégories de victimes : les victimes d’assassinats et de disparitions commises par des « agents de l’État et les civils à leur service » et les victimes d’assassinats politiques commis par « des groupes rebelles » soit, dans le vocabulaire utilisé dans le rapport Rettig, les victimes des « violations des droits de l’homme » et celles de « la violence politique ». On apprend aussi que la commission Rettig a été assez loin dans la théorisation de l’impuissance à juger, puisque l’un de ses initiateurs, l’avocat José Zalaquett Daher, précise que la sanction pénale des responsables de la violence d’État est impossible sauf à mettre en péril la nouvelle démocratie ; le risque étant d’éventuelles représailles de l’armée. Pour autant, on reconnaît aussi dans ces conditions la difficulté à accomplir le devoir de mémoire puisqu’une partie des victimes ne peuvent être dénombrées. Devant ce que cet avocat et théoricien a appelé le « dilemme éthique », le choix des autorités chiliennes a été de prolonger le travail de la commission Rettig de trois manières : 1) en acceptant d’officialiser la condition posée par les militaires pour « passer à autre chose », d’intégrer la thèse de la « polarisation politique » des années 1970-1973 et acter ainsi une responsabilité du gouvernement d’Unité populaire de Salvador Allende : c’est l’œuvre de la Table de dialogue sur les Droits de l’homme datant de juin 2000 ; 2) en élargissant le champ de l’investigation en y incluant les actes de torture et les disparitions à l’occasion d’une nouvelle commission créée en 2004 à la suite des tout premiers jugements. Le rapport de la CNVR de 2004 dit Rapport Valech révèle un nombre de cas 10 fois plus important puisqu’aux personnes assassinées s’ajoutent les personnes torturées et/ou disparues ; 3) en faisant aboutir le travail d’investigation en une réparation impliquant un dispositif large d’indemnisation. Ce dispositif donne un statut de bénéficiaire aux membres des familles de victimes des deux camps donnant droit à des pensions, aides à l’accès ou à la restitution d’une propriété, à des bourses scolaires, etc., ainsi qu’à un programme de santé pour les familles présentant des difficultés physiques ou psychiques. Environ 200 000 personnes sont concernées soit 1,5 % de la population chilienne11.
Le symbole ambivalent du système indemnitaire exclusif
9Ce système indemnitaire faisant office de réparation reflète et produit une autre difficulté repérée par les plus critiques de l’évolution post-traumatique de la société chilienne : la dépolitisation et la réduction du statut des victimes12. Le fait que toute personne qui peut démontrer un impact notamment matériel sur son existence pendant la dictature a droit à une indemnisation produit deux conséquences ; d’abord celle de l’équivalence des victimes, de la dictature ou de ladite « violence politique », selon les termes du rapport Rettig ; ensuite celle de l’individualisation stricte du mécanisme de réparation, c’est-à-dire l’individualisation de la victime pas de l’auteur du dommage. Cette représentation interdit à la fois que le régime militaire soit tenu pour responsable, mais aussi que soit désigné un quelconque auteur puisque la démonstration des effets du dommage sans lien de causalité, hormis la période, suffit.
10Des familles de victimes de la dictature qui, elles, percevaient la dimension politique de la violence et de la perte tragique d’un proche, ont pu dire que ce mécanisme avait l’effet pervers de faire triompher les partisans du régime dictatorial, voire de perpétuer le crime. En excluant les sanctions pénales qui ont la vertu d’indiquer la limite entre le permis et l’interdit et en privilégiant le système indemnitaire, on rendait exclusive une réparation strictement économique qui ne désignait au surplus ni coupable, ni même de responsable et finalement non pas une victime mais un(e) bénéficiaire. Dans ces conditions, c’est une logique économique pure qui tient ici lieu de réparation conformément à ce que l’idéologie ultra-libérale sur un plan économique portée par les militaires au pouvoir avait pu imposer en leur temps et perpétuer ainsi au cours de la transition démocratique elle-même.
11Mais il serait faux de dire que la justice chilienne est restée inerte depuis la dictature. Elle a réagi.
12Pourtant, l’observation de la chronologie montre qu’elle ne s’est mise en mouvement qu’en raison d’une très forte pression extérieure et une évolution très progressive des rapports de forces internes.
13Ce ne sont pas ces rapports de forces politiques et sociaux qui seront ici examinés en détail mais les voies par lesquelles la justice est passée peu ou prou et a bénéficié à la reconnaissance judiciaire interne du préjudice qu’a constitué la dictature en tant que telle.
Les autres voies et leur effet sur la justice chilienne
Évolution dans le temps du nombre d’affaires traitées par la justice chilienne en relation avec la dictature.
Graphique élaboré par l’auteur d’après : [http://www.memoriaviva.com/fallos.htm].
14La première période qui a suivi la fin de la dictature (1988) a été marquée par l’impossible sanction pénale due en priorité au blocage des recours par de multiples moyens que l’on appellera des verrous et dont on verra comment ils ont sauté à la suite d’affaires assez retentissantes ayant débuté à l’étranger, et notamment la plus spectaculaire : l’affaire Pinochet13. Cet effet est démultiplié par le fait que l’affaire Pinochet qui démarre par le tandem britannico-espagnol a stimulé de nouvelles poursuites provenant notamment de trois États : la Suisse, la France et la Belgique. L’impact de l’affaire est aussi le résultat d’une position particulièrement audacieuse et inattendue de la part des juges britanniques : les droits humains les plus essentiels peuvent être opposés à quiconque les enfreindrait, par-delà même des règles de droit international contraires. On constate alors que les recours étrangers contre Pinochet ont déclenché une avalanche d’affaires récentes au Chili. Pour conclure, on devra pourtant admettre que la justice internationale proprement dite n’a pu et ne pourra jouer un rôle déterminant dans cette histoire laissant aux États impliqués la responsabilité d’une issue encore en voie d’élaboration.
Analyse du verrouillage des procès de la dictature
15On dénombre cinq verrous faisant obstacle aux poursuites :
la souveraineté contre le droit conventionnel et les résolutions de l’AGNU (1973-1988) ;
l’amnistie contre droit à la justice (Commission interaméricaine des Droits de l’homme, 1996) ;
l’immunité contre l’extradition (l’affaire Pinochet britannique, 1998-2000) ;
la prescription contre les actes imprescriptibles (Audencia Nacional, 5 novembre 1998, aff. 173/98 – Espagne) ;
la non-rétroactivité de la loi pénale et l’absence des prévenus contre les crimes continus (Audencia Nacional, 5 novembre 1998, aff. préc.) et les jugements in abstentia (Assises, 17 décembre 2010 – France).
Verrou n° 1 : la souveraineté
16Durant les 15 ans de dictature (1973-1988) et malgré le relative isolement du Chili, les protestations internationales se sont accumulées sous la forme notamment de résolutions annuelles de l’Assemblée générale des Nations unies (AGNU) qui n’a cessé de rappeler le gouvernement du Chili à l’ordre sur le fondement des règles de protection internationale des droits de l’homme et notamment l’interdiction conventionnelle de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants cf. Rés. 3059 (XXVIII) du 2 novembre 1973. Mais c’était sans compter avec l’acharnement du régime à s’isoler sur le plan international de manière à pouvoir perpétrer ses crimes à l’abri des regards étrangers14.
17Cette première résolution n’est pas adressée spécifiquement au Chili mais semble trouver son origine dans le déchaînement de violence qui a directement suivi le coup d’État du 11 septembre.
18L’AGNU sonne l’alarme mais ses moyens de riposte sont pauvres : l’invocation de l’art. 5 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et d’autres « instruments internationaux existants » sans plus de précision15 ainsi que d’une convention multilatérale en voie d’élaboration (« décide d’examiner la question de la torture... en tant que point à l’ordre du jour d’une session ultérieure de l’Assemblée générale16 ») n’arrêtera pas la répression, le Chili n’étant pas encore partie à la fameuse convention d’interdiction de la torture – et pour cause, elle date de 1984 – et la Déclaration universelle n’ayant aucun effet impératif – en voici un nouvel exemple s’il en était besoin.
19À partir de 197417, l’AGNU réservera chaque année une résolution spécialement dédiée à la protection des droits de l’homme au Chili, dont certaines réclameront puis s’appuieront sur des rapports d’enquête de groupes spéciaux créés par la commission des droits de l’homme de l’ONU18 ou de rapports du secrétaire général des Nations unies19, organiseront des pétitions internationales d’États membres de l’ONU contre la torture, autant dire des tollés contre les dictatures latino-américaines20.
20On verra d’ailleurs apparaître à plusieurs reprises un trait de la dictature chilienne contre lequel s’expriment constamment l’inquiétude et l’indignation de l’AGNU : le double refus du régime d’assumer une quelconque responsabilité en matière de violations des droits de l’homme, en particulier de reconnaître que les disparitions ont des raisons politiques et d’accéder aux demandes de justice des familles21. Il en résultera une « demande de justice » insistante de la part de l’AGNU sous la forme d’une exhortation à ce que les « responsables de ces pratiques » (tortures et disparitions) soient poursuivis et punis22. Il est demandé aux gouvernants chiliens de « traduire en justice » les responsables23. C’est bien au réinvestissement par les institutions judiciaires de leur pouvoir constitutionnel qu’appelle l’AGNU confirmant en cela l’idée que les Droits de l’homme sont garantis en dernier ressort par le juge24. Tout dépend donc de l’efficacité des recours et du caractère équitable des procès25.
21Si ces invitations étaient restées lettres mortes, on aurait pu douter de l’utilité voire de la réalité de la « communauté internationale ». Mais aussi longtemps que ces appels aient duré, ils ont finalement abouti à une réponse ou un début de réponse qui se consolide ces dernières années.
Verrou n° 2 : l’amnistie
22Contre les effets du décret-loi 2191 promulgué le 10 mars 1978, s’est élevé un tir de barrage international notamment animé par le système interaméricain des Droits de l’homme. En l’occurrence, la Commission interaméricaine des Droits de l’homme a rendu un rapport26 à partir d’une série de quatre pétitions déposées en 1993 et 1994 contre le Chili au motif que l’auto-aministie des militaires violait les obligations internationales de l’État chilien. Le rapport confirme cette violation et recommande la mise en conformité du droit interne chilien. C’est une remise en cause directe du décret-loi de 1978, de la sentence de la Cour suprême du Chili des 28 août et 28 septembre 1990 qui rend son application impérative ; ainsi que des décisions de non-lieu définitif de tribunaux judiciaires ordinaires.
23Ces recommandations sont restées sans réponse jusqu’à l’intervention d’un jugement de la Cour suprême en novembre 2004.
Verrou n° 3 : l’immunité
24Le cas Pinochet britannique met en lumière à la fois le verrou majeur de l’immunité et la fonction du droit international des droits de l’homme. Le rôle des juges britanniques a consisté à dire si l’extradition vers l’Espagne était possible puisqu’ils étaient saisis d’une demande en ce sens par l’Espagne27. Pour faire obstacle à cette extradition, Pinochet a plaidé l’immunité. Celle-ci pouvait avoir deux origines : 1) son statut de chef d’État (1973-1988) et 2) son statut de sénateur à vie (1998-2006). Au regard des accusations, seule l’immunité liée à son statut de chef d’État ou d’ancien chef d’État était pertinente. La question posée concernait d’abord la protection dont jouissait la personne de Pinochet et obligeait les juges à choisir entre deux conceptions du droit international28 : 1) une conception traditionnelle dans laquelle primaient la souveraineté et l’égalité des États de sorte que leur représentant jouissait d’une immunité de juridiction au même titre que l’État lui-même ; 2) une conception moderne initiée à la suite de la seconde guerre mondiale dans laquelle de nouveaux acteurs firent irruption sur la scène internationale – individus, peuples, organisations intergouvernementales, ONG, entreprises – et acquirent une responsabilité inédite. Par exemple, avec la Déclaration universelle, les États se virent imposer des obligations à l’égard de ces nouveaux acteurs en droit international. Mais ce n’est que très récemment que des mécanismes juridictionnels internationaux sont créés pour mettre en œuvre ces obligations (juridictions pénales internationales). En attendant, on n’a pu compter que sur les juridictions nationales ; d’où l’importance de la question du rôle du droit international dans le droit interne (procédure et organisation juridictionnelle comprises).
25Les accusations portées contre Pinochet s’appuyaient sur des incriminations dont il fallait déterminer si elles étaient des crimes extradables ou non, c’est-à-dire des infractions incriminées dans les deux États concernés, en vertu de la loi britannique de 1989 sur l’extradition29, et ce à la date de la conduite incriminée, non à celle de l’extradition30. En l’occurrence, les actes dont l’état d’incrimination était examiné étaient les actes de torture. Il s’agissait de savoir si ces actes étaient incriminés au Royaume-Uni en tant qu’actes extradables au moment où ils ont été commis. Seul le crime de torture défini par la Convention internationale de 1984 répondait à ce critère car à partir du moment où cette convention fut incorporée en droit interne, la règle devint telle que tout acte de torture, où qu’il ait été commis, était un crime justiciable au Royaume-Uni31. Cette convention ouvrait donc non seulement la possibilité d’extrader les auteurs d’actes de torture commis après son incorporation en droit britannique, mais aussi une juridiction universelle du Royaume-Uni en la matière. Il fallait donc vérifier l’état des ratifications de la convention contre la torture de 1984 dont le Royaume-Uni et le Chili étaient signataires. L’entrée en vigueur de ce texte pour les deux États datait de 1988. Les accusations de torture ne seront prises en compte que pour les actes commis après le 29 septembre 1988, date d’entrée en vigueur de la Convention internationale au Royaume-Uni.
26Le raisonnement majoritaire des Lords fut de privilégier une certaine définition du crime de torture comme crime international au sens où la Convention de 1984 qui le définit ouvrait en même temps une compétence universelle, autrement dit une obligation pour tout État de faire en sorte que ce crime soit ou bien prévenu ou bien jugé où qu’il ait été commis32. De sorte que le caractère ici extradable du crime de torture vint du fait qu’il était un crime international en vertu de la Convention de 1984. La date-clé fut alors celle de l’entrée en vigueur de la convention. Par la même occasion, on peut remarquer que les chefs d’accusation d’assassinats furent exclus de la procédure d’extradition33. Seule une des charges présentes dans la demande d’extradition de l’Espagne survécut à ce troisième arrêt34...
27Quant au lien avec l’immunité de l’ancien chef d’État, Lord Browne-Wilkinson opta pour un raisonnement par l’absurde consistant à dire que si l’immunité d’un chef d’État35 est liée à l’accomplissement de fonctions se rattachant matériellement à l’existence de l’État, à son pouvoir souverain, alors il ne peut y avoir d’immunité à raison de la commission d’actes de torture systématiques que si l’on considère que la torture fait partie des fonctions de l’État. Or cette probabilité est impossible, notamment depuis que la torture a été érigée comme un crime international justifiant une compétence universelle, d’autant plus que cette convention a été ratifiée par le Royaume-Uni mais aussi par le Chili. Il y avait donc de part et d’autre la reconnaissance que la torture ne pouvait pas être considérée comme une fonction normale de l’État protégée par une immunité de juridiction. De plus, si l’on acceptait l’immunité pour un ancien chef d’État, alors il fallait l’accepter pour tous ceux qui agirent en vertu d’une délégation d’un pouvoir du même ordre36, ce qui aurait eu pour conséquence de vider de son intérêt et de tout effet la Convention sur la torture de 198437.
28On notera cependant le choix restrictif de faire porter le caractère extradable du crime de torture exclusivement sur la Convention de 1984 et non sur du droit international coutumier à savoir les règles de jus cogens non écrites prohibant également les actes de torture et traitements inhumains et dégradants. C’était le raisonnement du premier arrêt Pinochet invalidé par la suite38. L’effet était alors beaucoup moins restrictif puisque les chefs d’accusation antérieurs à 1988 pouvaient être pris en compte et le champ de l’immunité pouvait être réduit au point de considérer qu’y compris la période durant laquelle Pinochet était chef d’État était couverte par l’interdiction et rendait non seulement l’immunité impropre à protéger le chef d’État fautif mais encore rendait les actes de torture commis pendant cette période parfaitement extradables.
Verrou n° 4 : la prescription
29On aurait pu opposer à l’émission des recours et des mandats d’arrêts internationaux la prescription des actes en cause. Le cas espagnol fournit précisément la réponse à cet obstacle. C’est en raison des chefs d’inculpation portant sur des actes de génocide et de terrorisme que l’imprescriptibilité des faits fut acquise. L’Audience nationale39, la plus haute juridiction judiciaire espagnole, a admis la qualification de génocide et terrorisme40. De sorte que sa compétence universelle fut ouverte et que notamment le décret-loi d’amnistie de 1978 ne lui fut pas opposable. L’Audience nationale s’est notamment appuyée sur la Convention de 1948 relative à la prohibition du génocide en considérant que le groupe national visé par les actes d’extermination était constitué des opposants politiques. En France non plus l’arrêt d’assises n’a pas retenu la prescription des actes (« non couvert par la prescription »).
Verrou n° 5 : la non-rétroactivité de la loi pénale ou l’absence
30La question de la non-rétroactivité n’a pas fait débat car il y avait suffisamment d’instruments juridiques, notamment internationaux, pour fonder les recours contre des actes aussi « interdits » que ceux qui s’apparentent au génocide (meurtres de masse), au terrorisme (prise d’otages et assassinats ciblés par exemple) ou à la torture. Par ailleurs, l’absence des inculpés à l’audience n’a pas posé de problème à des États comme la France qui admettent parfaitement le jugement in abstentia. La cour d’assises a statué dans le cadre de la procédure du défaut criminel en 201041. Le juge français a mobilisé la notion de « compétence personnelle passive », c’est-à-dire le cas des résidents habituels ou permanents et non la compétence universelle. Si bien que les victimes, du fait de leur nationalité française, justifiaient la compétence de la France pour juger, y compris en l’absence des prévenus.
L’avalanche de poursuites déclenchée par quelques recours contre Pinochet et d’autres
31D’autres cas sont concomitants ou déclenchés par les levées d’immunité, les inculpations et assignations à résidence successives de Pinochet. Il n’est pas seul impliqué dans ces affaires. On voit donc apparaître et se dérouler les procès d’autres responsables tels que Juan Manuel Guillermo Contreras Sepúlveda (directeur de la DINA de 1973 à 1978), Marcelo Luis Moren Brito, Rolf Gonzalo Wenderoth Pozo, Fernando Eduardo Lauriani Maturana y Gerardo Ernesto Godoy García (affaires datant de 2012). On peut considérer que des réactions en chaîne ont lieu à partir notamment du cas Pinochet qui a été le plus gros générateur de recours devant la Justice chilienne.
32Les recours étrangers ont donc été déclencheurs de procédures au Chili comme les demandes d’extradition de l’Espagne (pour les cas d’assassinats et de tortures liés notamment à la Caravane de la mort comme à l’opération Condor), de l’Argentine (pour l’assassinat de Carlos Prats en 1974), de la Grande-Bretagne au profit de l’Espagne (pour l’implication de Pinochet dans la Caravane de la mort), de la Suisse et de la Belgique, ainsi que de la France (pour l’assassinat de ressortissants français au Chili ou en Argentine), notamment.
Par où aurait pu passer la justice pénale internationale ?
33En l’absence d’un tribunal pénal spécial comme le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie ou le Tribunal pénal international pour le Rwanda, qu’en est-il de la Cour interaméricaine des Droits de l’homme, d’une part et de la Cour pénale internationale, d’autre part ?
34Quant à la Cour interaméricaine des Droits de l’homme, ce n’est pas une juridiction pénale proprement dite puisqu’elle ne prononce pas de peines à l’égard d’individus mais des recommandations ou des sentences à l’égard des États parties. Sa saisine n’aurait pas pu entraîner de sanctions pénales. Les seules saisines eurent lieu en 1996 auprès de la Commission qui n’est pas un organe juridictionnel. Il n’y eut donc qu’un rapport détaillé quoique fort utile pour accentuer la pression en faveur du déblocage de la justice pénale et civile chilienne.
35Quant à la Cour pénale internationale, son statut42 a été signé très rapidement par le Chili, le 11 septembre 1998. En revanche sa ratification fut tardive : le 29 juin 2009. Toutefois, même si le Statut de Rome avait été ratifié dans la foulée de la signature, il aurait été impossible de juger les crimes commis avant son entrée en vigueur en 2002. La non-rétroactivité de la compétence de la Cour est en effet la règle en vertu de l’article 11 du statut. Par ailleurs, se serait posé le problème de la compétence complémentaire de la Cour. En effet, l’article 17 dispose
qu’« une affaire est jugée irrecevable par la Cour lorsque : a) L’affaire fait l’objet d’une enquête ou de poursuites de la part d’un État ayant compétence en l’espèce, à moins que cet État n’ait pas la volonté ou soit dans l’incapacité de mener véritablement à bien l’enquête ou les poursuites ; b) L’affaire a fait l’objet d’une enquête de la part d’un État ayant compétence en l’espèce et que cet État a décidé de ne pas poursuivre la personne concernée, à moins que cette décision ne soit l’effet du manque de volonté ou de l’incapacité de l’État de mener véritablement à bien des poursuites43 ».
36Or, à supposer qu’il n’y ait pas eu l’obstacle de la non-rétroactivité, concernant Pinochet de retour de Londres en 2000, la justice chilienne s’est presque aussitôt mise en action. Il y aurait donc eu un problème de priorité de l’État chilien dans la menée des poursuites. De plus, le statut n’a pas été ratifié avant 2009 ce qui aurait exclu toute intervention de la Cour avant la mort de Pinochet en 2006. Quant aux autres responsables, le problème eut été le même puisque la non-rétroactivité et, paradoxalement maintenant, l’action des juridictions internes font obstacle à la compétence de la Cour.
Bibliographie
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Roht-Arriaza N., « The Pinochet Precedent and Universal Jurisdiction », 2001, 35 New Eng. L. Rev. 311.
Notes de bas de page
1 Environ 3 500, selon les militants des Droits de l’homme.
2 Selon le rapport Valech.
3 Les chiffres officiellement reconnus sont 3 197 victimes de disparitions ou exécutions et 28 461 victimes de torture ; très inférieurs à ceux des organisations de défense des Droits de l’homme qui avancent le chiffre de 300 000 victimes de la torture.
4 Byers M., « The Law and Politics of the Pinochet Case », 10 Duke Journal of Comparative & International Law, 2000, p. 415-442 ; voir aussi Roht-Arriaza N., « The Pinochet Precedent and Universal Jurisdiction », 35 New Eng. L. Rev., 2001, p. 311.
5 Cette sociologue relève très bien « l’aspect distinctif central du “modèle” chilien : la fabrication d’un récit “consensuel” sur la “vérité” des violations des droits de l’homme », Cuadros Garland D., « La Commission Rettig. Silences, controverses et contestations d’une mise en récit “consensuelle” des violations des droits de l’homme au Chili », in S. Lefranc (dir.), Après le conflit, la réconciliation ?, Paris, Michel Houdiard, 2006, p. 217.
6 « Alors que cette forme d’investigation extra-judiciaire répondait à la forte demande sociale et à la pression internationale consistant à affronter l’horreur passée, c’était aussi un moyen de reporter le conflit interne que l’introduction de recours juridiques aurait engendré. En d’autres termes, la création d’une commission vérité faisait partie d’une stratégie politique répondant au besoin de l’État de retarder la Justice », Gerez Czitrom C. (dir.), « Executive Summary. Truth Commissions – An Uncertain Path? », Chili, CODEPU, 2002, p. 47 (nous traduisons).
7 Rapport de la Commission nationale Vérité et Réconciliation de 1991 (Comisión Nacional de Verdad y Reconciliación – CNVR) dit Rapport Rettig du nom de son président Raul Rettig ancien ambassadeur sous Allende. Son objet était d’instituer une « politique de réconciliation nationale » un an après l’arrivée au pouvoir de Patricio Aylwin, président démocratiquement élu après la junte et le référendum qui refusa la reconduction de Pinochet au pouvoir en 1988. Sa fonction était d’amorcer la transition démocratique.
8 Raul Rettig, ancien ambassadeur d’Allende au Brésil ; Jaime Castillo Velasco, fondateur du Parti démocrate-chrétien et avocat défenseur des droits de l’homme sous la dictature ; José Luis Cea Egaña, juriste et ancien partisan de la dictature ; Mónica Jiménez de la Jara, assistante sociale et ministre de l’Éducation de Michelle Bachelet ; Laura Novoa Vásquez, avocate ; José Zalaquett Daher, défenseur des droits de l’homme, avocat dès 1973 au Comité Pro Paz ; Ricardo Martín Díaz, ancien juge de la cour suprême ; Gonzalo Vial Correa, historien et ministre de l’Éducation nationale de Pinochet en 1979.
9 3 membres sur 8.
10 Cuadros Garland D., art. préc., p. 212.
11 Les chiffres sont de Cuadros Garland Daniela, art. préc., p. 213.
12 Lefranc S., « La démocratie raisonnable et les corps des “disparus chiliens” », L’Ordinaire latino-américain, dossier « Chili : 1973-2003 », 2003, p. 193.
13 « Peu de plaintes avaient pu être déposées à la fin de la dictature en 1990, et elles étaient classées sans suite par l’application quasi automatique du décret-loi d’amnistie. Au moment du retour d’Augusto Pinochet à Santiago, après avoir été détenu à Londres, 60 plaintes avaient été déposées contre lui par les victimes de la dictature. Deux mois plus tard, il y en avait près de 100 et à sa mort, le 10 décembre 2006, alors qu’il n’avait jamais été jugé, il en existait plus de 400, notamment pour disparitions forcées, tortures, séquestrations d’enfants et homicides aggravés », dossier de presse FIDH LDH CODEPU, Le procès de la dictature de Pinochet, décembre 2010, p. 5.
14 Les autorités chiliennes ne permettront la visite des membres du Groupe de travail spécial qu’en juillet 1978 après que les décrets-lois d’amnistie aient été promulgués..., cf. Rés. 33/175 et 33/176 du 20 décembre 1978 ; ainsi qu’en décembre 1985 cf. Rés. 41/161 du 4 décembre 1986 § 2, en mars 1987 cf. Rés. 42/147 du 7 décembre 1987 § 2 et en octobre 1988 pour la dernière fois au cours du plébiscite cf. Rés. 43/158 du 8 décembre 1988 § 2. On voudra rappeler une description de l’ordre international de Pinochet lui-même qui, en 1968, alors qu’il enseignait à l’école de guerre chilienne semblait déplorer la perte de souveraineté des États : « Cette autorité souveraine qui est le droit propre d’un État n’a plus aujourd’hui un caractère absolu, ni même dans l’ordre interne, en raison de l’atmosphère internationale qui règne dans le monde. Quand les super-États et organisations internationales apparurent, le champ d’action du pouvoir de l’État a été de plus en plus limité par les accords et les traités souscrits dans l’arène internationale. Les multiples obligations et restrictions auxquelles les nations s’engagent les unes vis-à-vis des autres ou à l’égard d’organisations internationales, les ont virtuellement privées de liberté souveraine », Pinochet Ugarte A., Introduction to Geopolitics, 1968, p. 147, cité par Byers M., « The Law and Politics of the Pinochet Case », art. préc. (nous traduisons).
15 Il sera surtout fait mention du Pacte international pour les droits civils et politiques dans une résolution ultérieure 3448 (XXX) du 9 décembre 1975 § 2. a), b), c), d), f) et g).
16 Cf. Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée à l’unanimité de l’AGNU par une résolution 3452 (XXX) du 9 décembre 1975. Une Rés. 32/62 du 8 décembre 1977 priera la Commission des droits de l’homme de préparer un projet de convention contre la torture qui deviendra le texte de 1984. Elle réitère et suggère que soit donné priorité à cette demande par la Rés. 33/178 du 20 décembre 1978 § 3. Il y a bel et bien un lien entre les événements latino-américains et ces mesures prises par les organes des NU. D’ailleurs, le Chili en deviendra signataire assez tôt cf. Rés. 42/147 du 7 décembre 1987. En outre, on verra se préciser au niveau international de nouveaux instruments de protection des droits fondamentaux tels que l’amparo ou l’habeas corpus qui à cette période reçoivent une reconnaissance très officielle, celle de l’AGNU. V. Rés. 34/178 et 34/179 § 5.f) du 17 décembre 1979. Idem pour les personnes disparues qui deviendra plus tard le crime reconnu en droit pénal international des disparitions forcées, Rés. 33/173 du 20 décembre 1978.
17 Rés. AGNU 3219 (XXIX) du 6 novembre 1974, Rés. AGNU 3448 (XXX) du 9 décembre 1975 (prolongation de mandat), pour les toutes premières. Le mandat du Rapporteur spécial a été prorogé jusqu’en 1990.
18 Rés. AGNU 3448 (XXX) du 9 décembre 1975.
19 Rés. AGNU 3219 préc.
20 Nota. Rés. 33/178 du 20 décembre 1978.
21 « Des personnes continuent de disparaître, ce qui, d’après les preuves disponibles, est imputable à des raisons politiques, et devant le refus des autorités chiliennes d’accepter la responsabilité ou de rendre compte de ce nombre élevé de disparitions, ou même d’entreprendre une enquête adéquate sur les cas portés à leur attention », Rés. AGNU 32/118 du 16 décembre 1977 § 2 ; « le fait que les autorités chiliennes refusent d’accepter la responsabilité ou de rendre compte du nombre élevé de personnes qui auraient disparu pour des raisons politiques, ou d’entreprendre les recherches voulues au sujet des cas portés à leur attention », Rés. 33/175 du 20 décembre 1978 § 2.
22 Rés. 33/175 préc. § 4 c). V. aussi Rés. 34/179 du 17 décembre 1979 § 7, Rés. 35/188 du 15 décembre 1980 § 7 et nota § 8 : « Prie instamment les autorités chiliennes de respecter scrupuleusement le droit et le devoir du système judiciaire chilien de se prévaloir pleinement et sans restriction de son pouvoir constitutionnel au titre de l’habeas corpus et de l’amparo. » Sur le même sujet V. Rés. 36/157 du 16 décembre 1981 § 3 et 4e).
23 V. Rés. 38/102 du 16 décembre 1983, Rés. 39/121 du 14 décembre 1984 § 8.
24 Rés. 40/145 du 13 décembre 1985 § 2, 4 et 5 qui déplore l’hypertrophie de la justice militaire par comparaison avec les restrictions dont sont affligées les juridictions ordinaires pour exercer leur pouvoir.
25 La dernière résolution consacrée à la protection des Droits de l’homme au Chili 44/166 du 15 décembre 1989 § 9 l’exprime clairement : « Prie de même instamment le Gouvernement chilien d’assurer à cette fin l’indépendance du pouvoir judiciaire et l’efficacité des recours juridiques, en respectant dans tous les cas les garanties de procédure, l’égalité devant la loi et le droit à la défense. » La résolution 42/147 du 7 décembre 1987 § 10 est un modèle du genre.
26 Rapport n° 34/96 du15 octobre 1996, aff.11.228, 11.229, 11.231, 11.282.
27 « The judicial authorities in Spain sought to extradite him in order to stand trial in Spain on a large number of charges. Some of those charges had links with Spain. But most of the charges had no connection with Spain. [...] Our job is to decide two questions of law: are there any extradition crimes and, if so, is Senator Pinochet immune from trial for committing those crimes », Commissioner of Police for the Metropolis and Others, Ex Parte Pinochet [1999] UKHL 17 (24 March 1999), Lord Browne-Wilkinson.
28 Byers M., art. préc., p. 417-418.
29 « Under section 1(1) of the Act of 1989 a person who is accused of an “extradition crime” may be arrested and returned to the state which has requested extradition. Section 2 defines “extradition crime” so far as relevant as follows: “(1) In this Act, except in Schedule 1, ‘extradition crime’ means – (a) conduct in the territory of a foreign state, a designated Commonwealth country or a colony which, if it occurred in the United Kingdom, would constitute an offence punishable with imprisonment for a term of 12 months, or any greater punishment, and which, however described in the law of the foreign state, Commonwealth country or colony, is so punishable under that law” », Commissioner of Police for the Metropolis and Others, Ex Parte Pinochet [1999] UKHL 17 (24 March 1999).
30 « The conduct has to be a crime under English law at the conduct date », [1999] UKHL 17, Lord Browne-Wilkinson.
31 « As required by the Torture Convention “all” torture wherever committed world-wide was made criminal under United Kingdom law and triable in the United Kingdom. No one has suggested that before section 134 came into effect torture committed outside the United Kingdom was a crime under United Kingdom law », ibid.
32 « I have doubts whether, before the coming into force of the Torture Convention, the existence of the international crime of torture as jus cogens was enough to justify the conclusion that the organisation of state torture could not rank for immunity purposes as performance of an official function. At that stage there was no international tribunal to punish torture and no general jurisdiction to permit or require its punishment in domestic courts. Not until there was some form of universal jurisdiction for the punishment of the crime of torture could it really be talked about as a fully constituted international crime. But in my judgment the Torture Convention did provide what was missing: a worldwide universal jurisdiction », ibid.
33 « As to the charges of murder and conspiracy to murder, no one has advanced any reason why the ordinary rules of immunity should not apply and Senator Pinochet is entitled to such immunity », ibid.
34 Mais lors de l’audience d’extradition du 8 octobre 1999, le juge d’instruction espagnol a pu rajouter de nouvelles charges de torture postérieures à 1988 qui ont porté leur effectif à 34.
35 « Thus, at common law, the position of the former ambassador and the former head of state appears to be much the same: both enjoy immunity for acts done in performance of their respective functions whilst in office », ibid.
36 « If that applied to the present case, and if the implementation of the torture regime is to be treated as official business sufficient to found an immunity for the former head of state, it must also be official business sufficient to justify immunity for his inferiors who actually did the torturing », ibid.
37 « In my judgment all these factors together demonstrate that the notion of continued immunity for ex-heads of state is inconsistent with the provisions of the Torture Convention », ibid.
38 Position par 3 juges sur 5 dans un jugement pour deux affaires jointes relativement à deux mandats d’arrêt : Regina v. Bartle and the Commissioner of Police for the Metropolis and others Ex Parte Pinochet (on appeal from a Divisional Court of the Queen’s Bench Division) ; Regina v. Evans and another and the Commissioner of Police for the Metropolis and others EX Parte Pinochet (on appeal from a Divisional Court of the Queen’s Bench Division), 25 novembre 1998. C’est l’arrêt dit Pinochet I. Le jugement a été annulé par un arrêt dit Pinochet II en raison du conflit d’intérêt touchant à la personne du juge Hoffmann : In Re Pinochet, 17 décembre 1998.
39 Sala de lo Penal de la Audencia Nacional, 5 novembre 1998, aff. 173/98.
40 Roht-Arriaza N., « The Pinochet Precedent and Universal Jurisdiction », art. préc. p. 314.
41 Le procès français a eu lieu du 8 au 17 décembre 2010 en l’absence des prévenus : 12 officiers chiliens, un officier argentin et un civil chilien, et selon la procédure du défaut criminel.
42 Statut de Rome adopté le 17 juillet 1998.
43 « Ce n’est que si un État ne peut ou ne veut poursuivre l’auteur présumé d’un crime que la Cour pourra s’en saisir. Si les autorités judiciaires nationales fonctionnent, la Cour au contraire ne pourra pas en connaître. La seule hypothèse dans laquelle la compétence de la Cour est universelle, c’est lorsqu’elle est saisie par la Conseil de sécurité » (Badinter R., Préface, Statut de Rome. Commentaire article par article, Paris, Pedone, 2012, [http://www.pedone.info/Statut_Rome/Statut_Rome.html]).
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Le 11 septembre chilien
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