Amour et culture populaire : armes de lutte politique dans le roman Je tremble, ô Matador de Pedro Lemebel
p. 125-132
Texte intégral
1L’une des manifestations les plus évidentes du recours à la culture populaire dans la littérature latino-américaine contemporaine, tant d’un point de vue esthétique que politique, se trouve dans la prose de l’auteur chilien Pedro Lemebel. Celle-ci exprime une lutte politique qui cherche à influencer la société et à subvertir les relations de pouvoir. Au fil des pages de son roman apparaissent des paroles de boléros, des actrices hollywoodiennes, des chanteurs d’autres époques et des personnages marginaux, parmi lesquels émerge la figure du travesti local, la loca1. Lemebel est « avant tout un sujet qui observe et écoute la réalité qui l’entoure2 ». Il conçoit la loca comme une forme de résistance culturelle contre l’hégémonie hétérosexuelle et de résistance politique en mettant en question l’hypocrisie de la société chilienne, y compris de la classe politique de gauche. Il s’agit d’un auteur qui « confère à l’inquiétant langage de la fiction ses unités, ses liens de cohérence, son insertion dans le réel3 ». Ses œuvres offrent ainsi une approche de la sexualité et de l’amour qui brise les schémas, une approche gênante et troublante. Parmi ses armes favorites figure le langage camp, le ton désinvolte et la culture populaire : « [Elle était] la seule qui pouvait encore se permettre de faire son show et de s’habiller comme Carmen Miranda, avec une minijupe en bananes qu’elle secouait à la face de zonards bourrés pour les réveiller4. »
2Lemebel est l’une des figures les plus influentes du paysage culturel chilien en raison de la force provocatrice de ses chroniques et de ses interventions controversées à la radio et dans la presse. Il ne fait pourtant aucun doute que le souvenir laissé dans la mémoire collective par « les discours et les pratiques esthétiques5 » du groupe Juments de l’Apocalypse6 (Las Yeguas del Apocalipsis) ont contribué à son succès. À la fin des années 1980, lorsque la dictature du général Pinochet commençait à subir les effets des manifestations protestataires et d’une pression internationale de plus en plus notoire, Francisco Casas et Pedro Lemebel se sont unis pour donner vie à ce tandem. Leur proposition cherchait à susciter auprès de la population urbaine une attitude critique de la réalité face à des problèmes bien concrets tels que la situation des détenus-disparus et les droits des minorités sexuelles. Entre 1987 et 1995, Les Juments de l’Apocalypse ont été au centre de quinze manifestations publiques dans lesquelles le travestisme, la performance et les installations visuelles étaient mêlés. Chacune de ces apparitions s’est produite de manière inattendue, l’effet de surprise permettant de casser la routine et de bousculer l’ordre établi par la censure.
3Dans Je tremble, ô Matador, son unique roman, Lemebel présente au lecteur la relation entre la Folle d’en Face, un travesti homosexuel d’âge mûr, et Carlos, un jeune appartenant à la résistance armée contre la dictature du général Pinochet. Le récit fait apparaître en contrepoint le couple formé par le dictateur et son épouse. À ce propos, Dorita Nouhaud nous signale : « Les relations du couple Pinochet-Lucía sont une satire féroce mais très drôle d’un tyran pusillanime tyrannisé par sa femme7... »
4Carlos est membre du Front patriotique Manuel Rodríguez, un groupe de résistance armée qui est à l’origine de l’unique attentat ayant réprésenté une véritable menace perpétré contre Pinochet le 7 septembre 1986. Cet événement historique, baptisé Operación Siglo xx, constitue la toile de fond de cette histoire entre deux personnages qui représentent deux mondes antagoniques. Le titre du roman, inspiré d’une chanson immortalisée par la célèbre Sarita Montiel, évoque une histoire d’amour impossible. Dépourvue de tous les attributs de la jeunesse, la Folle d’en Face séduit Carlos en tissant une toile envoûtante de chansons, d’histoires et de dictons enveloppés dans du papier kitsch.
5L’hommage voilé et la nouvelle approche du Baiser de la femme araignée de Puig sont indéniables. De la même manière mais dans une moindre mesure, les références à la nouvelle de Senel Paz, Le loup, la forêt et l’homme nouveau sont évidentes. Pourtant, dans cette œuvre qui a remporté un succès international grâce à son adaptation au cinéma Fraise et chocolat8(19939), David est un militant communiste engagé mais pas un guérillero. Contrairement à la Folle d’en Face, Daniel est un intellectuel qui commence à tisser sa toile d’araignée de séduction en offrant au jeune David un exemplaire de Conversation à La Cathédrale de Mario Vargas Llosa, un livre interdit à Cuba. Chez Daniel, David fera la découverte d’autres écrivains dont il ignorait l’existence, tels que Konstantinos Kavafis et John Donne et finira par regarder d’un œil curieux d’autres auteurs, tels que José Lezama Lima. De la même manière, Diego fera découvrir à David la voix et l’art de Maria Callas tandis que, dans le roman de Lemebel, la Folle d’en Face admire les chansons de Sara Montiel.
6Dans Je tremble, ô Matador, la Folle d’en Face et Carlos connaîtront un amour qui dévoilera le côté humain des personnages, permettant l’expression du dialogue, de l’entente et du respect mutuel au-delà des différences, dans le Chili tumultueux des années 1980. À travers ces lignes, nous essaierons de démontrer la manière dont Lemebel parvient à rapprocher l’homosexualité et le communisme, deux mondes opposés naguère, par le biais d’une écriture qui tente de convertir l’amour et la culture populaire en armes permettant de transformer la société.
Un contexte politique de dictature
7L’action du roman se déroule à Santiago du Chili en 1986, plus précisément dans une maison d’un quartier populaire habitée par un travesti usé, passionné de boléros et de chansons à la mode des années 1960. En 1986, Pinochet réutilisa la répression pour tenter de récupérer le contrôle de la situation politique. L’amorce d’ouverture entre 1983 et 1985 s’est soldée par un échec. La situation au Chili avait pourtant changé. Le retour de quelques exilés, la relative ouverture de la presse, les protestations, la lassitude de l’opposition et le rejet provoqué par la mort du photographe Rodrigo Rojas Denegri et par les séquelles subies par Carmen Gloria Quintana, suite aux graves brûlures provoquées par un groupe de militaires pendant les mouvements de protestation des 2 et 3 juillet 1986, ont progressivement ébranlé les remparts de la dictature. L’attentat contre Pinochet en septembre de cette même année déclencha une répression bien plus forte. Les premières lignes du roman de Lemebel évoquent le découragement de l’époque :
8« Comme un voile tiré sur le passé, un rideau brûlé flottait à la fenêtre de la maison en ce printemps 86. Une année marquée par la fumée des pneus en flammes dans les rues de Santiago quadrillé par les patrouilles de police. Un Santiago qui venait de s’éveiller au martèlement des casseroles et aux fulgurantes coupures de courant ; il y avait du déchaînement dans l’air, dans les câbles électriques parcourus d’étincelles. Alors venaient la nuit noire, puis les phares d’un camion blindé, arrête-toi, merdeux, les corps de feu et les cavalcades terrifiées lézardaient la nuit feutrée dans un bruit de castagnettes métalliques. Des nuits funèbres, crochetées de cris, de l’inlassable “Il va tomber” et de temps en temps de communiqués de dernière minute dont on entendait chuchoter l’écho au “Journal de Radio Cooperativa”10. »
9La description attire et enveloppe le lecteur grâce à un ton qui laisse entrevoir une certaine difficulté pour rendre compte de ce qui est arrivé. Le narrateur actualise sa mémoire à l’aide d’un langage qui récupère le passé qui « permet de réfléchir sur la dictature de Pinochet et sa domination centrée sur la mort et la peur11 ». Néanmoins, tel que le souligne José Amícola, il n’y a pas de mot « innocent » et « chaque mot est façonné en fonction d’un passé et d’un présent immédiats qui lui confèrent une connotation et le chargent de significations supplémentaires12 ». Ici, par exemple, le mot « voile » établit un « dialogue intertextuel » entre Je tremble, ô Matador et un autre roman qui se situe aussi dans le contexte politique d’une dictature. Nous faisons ici allusion à l’ouvrage précité, Le baiser de la femme araignée, de Manuel Puig. Bien que les lieux diffèrent, une prison pour l’un et une maison pour l’autre, dans les deux romans, des personnages marginaux et marginalisés sont représentés : un guérillero et un homosexuel. Une autre composante qui permet de mettre en relation les deux romans est l’emploi de la culture populaire comme stratégie de séduction. Molina captivera Valentín en lui racontant des films et La Folle d’en Face fera de même en utilisant un langage qui recycle la sensiblerie des paroles de boléros : « Moi, pour toi, comme dit la chanson, je compterais les grains de sable de la mer (fermant à demi les yeux). Pour toi je serais prêt à tuer13. »
Amour et prise de conscience politique
10Un autre aspect qui ne peut passer inaperçu est la fonctionnalité de la radio et l’hommage qui lui est rendu dans le roman Je tremble, ô Matador et, plus particulièrement, à la radio Cooperativa. En 1986, cette station était une étape « incontournable » dans le quotidien des opposants à la dictature. À ce propos, Lemebel fait remarquer : « Personne ayant vécu les années 1980 ne peut ignorer le générique de radio Cooperativa et les voix de Sergio Campos ou de Manuela Robles14. » La reproduction de ce phénomène, dans le roman qui fait l’objet de notre étude, met en exergue ce moyen de communication en lui conférant une présence qui aide à reconstituer la mémoire de ces années : « Que tout le monde se rende au parc ou au cimetière et emporte du sel et des citrons pour se protéger des bombes lacrymogènes15... » En insérant la radio Cooperativa dans le roman, Lemebel, tout comme Puig, « intègre le monde du lecteur dans le processus d’écriture et favorise ainsi une autre lecture16 ».
11Avant de faire la connaissance de Carlos, la Folle d’en Face, elle « s’en tamponnait, de l’actualité politique. Cela l’effrayait plutôt d’écouter cette radio qui ne diffusait que des mauvaises nouvelles17 ». Elle préférait passer ses après-midi à écouter des émissions rétro : « Au rythme du cœur », « Pour les jeunes d’hier », « Nuits des faubourgs » « [en brodant] de grandes nappes et des draps pour une vieille de la haute qui rémunérait correctement le travail arachnéen de ses mains18 ». Les émissions du souvenir sont une échappatoire pour la Folle d’en Face, ce qui constitue une différence vis-à-vis des folles présentes dans les chroniques de Lemebel. En effet, ces dernières cherchaient, de manière décontractée, un espace dans le paysage politique grâce à un discours et un corps politisés pour accéder, précisément, à une existence citoyenne.
12Ainsi, dans une étude traitant de l’œuvre de Pedro Lemebel, Alicia Montes a fait remarquer que « le texte oublie [...] l’attitude provocatrice de Loco afán y La esquina es mi corazón, contribuant à créer la sensation d’une simulation qui se plaît à imiter un style déjà consacré19 », et elle ajoute ensuite que cela « s’explique par un certain opportunisme politique et commercial présent dans le roman20 ». De son côté, Fernando Blanco affirme :
13« En ce sens, nous parlons d’une œuvre dotée d’une immense valeur à la fois esthétique et politique. Le projet autobiographique, sans pouvoir être interprété comme une métaphore exclusive du passé remémoré à un moment et dans un lieu déterminés, peut toutefois être compris en tant que dispositif de déchiffrement d’une culture, et dans ce cas, de problématisation de l’ensemble des lois propres à la dictature chilienne. Il me semble que reparler, réécouter des voix est le geste saturé d’obscénité le plus intéressant du roman de Pedro Lemebel, nous rendons la capacité de « parloter », d’en finir avec la complicité du silence21. »
14Selon nous, il ne fait aucun doute que l’auteur est devenu à la mode et que les pressions subies par les écrivains de la part des éditeurs sont évidentes ; cependant, dans ce roman, les contenus « algides, profanes et païens22 » sont toujours présents. La séparation du pays à travers les deux réalités proposées par le roman, par exemple, correspond à la situation vécue au Chili à cette époque. Un secteur assumait une dissidence avec différents niveaux de visibilité, compte tenu de la répression qui régnait, tandis que l’autre faction préférait ne pas s’informer soit par indifférence, par crainte ou bien par adhésion à la dictature. Le roman nous en offre un exemple éloquent et grotesque dans la figure de Lucía, l’épouse du dictateur :
15« C’est pas possible, toutes ces rides qui apparaissent sur mon front. Regarde, Augusto, j’en ai presque autant que toi alors que je suis beaucoup plus jeune. C’est probablement à cause des contrariétés, des frayeurs et des colères que j’ai connues à tes côtés. Aucune femme n’aurait supporté que la presse internationale traite son mari de tyran, de dictateur, d’assassin. Et même si ce sont des mensonges, même si nous autres, Chiliens, savons que tu as sauvé la patrie, tu ne vas pas nier que c’est déprimant. Eh oui, je te le dis, moi, c’est cauchemardesque de savoir que tous ces pignoufs de communistes, qui se prennent pour des écrivains, n’arrêtent pas de cracher sur ton dos23. »
16Contrairement à la femme de Pinochet, la Folle d’en Face subira une transformation grâce à l’amour qu’elle ressentira pour Carlos. Tout commencera lorsque, « sur un ton si viril24 », il se présentera à la Folle sous les traits d’un étudiant, réussissant à la convaincre de garder chez elle des cartons de livres et de lui laisser inviter ses amis chez elle puisqu’ils n’ont aucun endroit pour étudier. Les premiers cartons finiront dans la chambre « où elles lui serviraient de table de chevet et de meuble pour le transistor25 ». Le lecteur trouvera rapidement l’information qui lui manque, puisque les cartons lui apparaissent comme des « cercueils26 » et des « sarcophages27 », lui permettant ainsi de comprendre qu’en réalité, il s’agit d’armes et que, selon toute vraisemblance, un attentat se prépare :
17« C’est ainsi que dans le petit coffre à bijoux qu’était sa maison, les réunions devinrent de plus en plus fréquentes, de plus en plus urgentes, un défilé d’hommes montant et descendant sans cesse l’escalier vermoulu qui menaçait de s’effondrer sous leurs viriles foulées. Carlos lui-même était parfois interdit de combles, exclu du cercle, et son rôle se cantonnait alors à entortiller la Folle pour éviter qu’elle n’aperçoive certains visiteurs masqués, à la retenir lorsque, par gentillesse autant que par curiosité, elle proposait de leur apporter du café28. »
Rapprochement entre communisme et homosexualité
18Bien que la rencontre fortuite et la relation postérieure entre un guérillero et un homosexuel trouvent des précédents dans la littérature latino-américaine, il nous semble nécessaire de mettre en relief le traitement donné par Lemebel à la relation entre ces deux hommes. Nous pouvons affirmer que dans le roman Je tremble, ô Matador il se produit un rapprochement entre le communisme et l’homosexualité qui a davantage à voir avec la nouvelle de Senel Paz qu’avec le roman de Puig. Nous souhaiterions néanmoins insister sur la transformation du comportement de Carlos : « Grâce à sa réplique de comédie vieillotte, elle avait réussi à émouvoir le gosse, à l’intégrer dans la scène bon marché de folle fatale qu’elle était en train de jouer29 », qui intervient parallèlement à la prise de conscience qui va enclencher le processus de maturation politique de la Folle d’en Face :
19« Toutes ces émissions sur le sujet avaient fini par la sensibiliser, par l’émouvoir au point d’en avoir la larme à l’œil chaque fois qu’elle entendait les témoignages de ces femmes à qui on avait arraché un mari, un fils ou un autre parent dans la nuit noire de la dictature. Elle osait à présent dire dictature et non pas gouvernement militaire, comme disait Lupe, cette folle qui aimait les hommes en uniforme, si à droite alors que c’était une traîne-savates30. »
20L’univers de création de Lemebel permettra la communication entre ces personnages si différents par le biais d’« une théâtralisation affectée, feuilletonesque, tirée d’un film31 ». Nous en trouvons l’un des meilleurs exemples lorsque Carlos invite La Folle à faire un tour en voiture :
21« Personne ne peut se comparer à vous, princesse. Vous êtes unique. Vos compliments me touchent, monsieur le cocher, mais occupez-vous plutôt de la route ; je ne vous ai pas accordé ma confiance au point de vous laisser me séduire ainsi. Ne vous avisez pas de me manquer de respect et encore moins de me regarder avec ces yeux de... De quoi, princesse ? Ces yeux de braise obscure, aveuglants, dévorants d’impertinence. Ils éclatèrent alors de rire, ils rirent à n’en plus pouvoir, comme si leurs cœurs aspergeaient dans un même élan l’exaltation d’une frénésie vagabonde. Elle se fichait royalement de ce qui pouvait arriver, tant pis si plus tard elle pleurait, puisqu’au moment présent elle mourait presque de le regarder, de sentir sa main empoigner son épaule, d’être sous son aile affectueuse32. »
22Grâce à cette séquence où l’on trouve une surabondance de termes propres au feuilleton télé, Lemebel « bouscule l’imaginaire dans lequel s’inscrit la sexualité, la morale, l’éthique “normale”33 » pour donner à la Folle l’espace que la société lui refuse. Il nous semble également intéressant de souligner le fait que le modèle de masculinité traditionnel soit altéré lui aussi. En effet, la figure de la folle amoureuse, coquette et mélodramatique digne d’un film hollywoodien des années 1950, est contrebalancée par un modèle de masculinité alternatif au stéréotype du macho de gauche homophobe, dénoncé par Lemebel en 1986 dans son Manifeste, Je parle au nom de ma différence. Cette « aile affectueuse » que Carlos offre à la Folle nous parle d’une façon de communiquer plus naturelle, plus spontanée par rapport à la vie émotionnelle. « Être un homme n’exclurait donc pas d’apprécier les différences, de rechercher des compromis et de répondre aux besoins de l’autre d’une manière différente34. » Ici, il nous semble que le projet esthétique politique du roman Je tremble, ô Matador est mis en évidence dans le sillage de Puig : « Il fait tomber le masque de la culture populaire pour analyser la manière dont certaines valeurs et idéologies gouvernent nos vies et contrôlent nos désirs35. » D’autre part, il écrit l’histoire de la résistance à la dictature « dans le but de construire l’image du pays dans son ensemble, avec ses différentes identités et individualités36 », comme le fait remarquer à juste titre Isabel López García.
23L’expérience traumatisante de la dictature et les négociations qui ont amené à blanchir le Chili des effets de la dictature avaient provoqué ce que Tomás Moulian appelle la « difficulté à parler37 ». La voix narrative de Pedro Lemebel récupère un temps oublié par le « blocage de la mémoire38 » imposé, par les autorités politiques qui négocièrent la Transition avec les représentants de Pinochet. Par une écriture qui absorbe avec adresse les résidus culturels, les expériences collectives et les restes urbains, Lemebel active le travail de mémoire et nous rappelle qu’il reste encore des problèmes à régler et des espaces à conquérir pour que le Chili devienne une véritable démocratie.
Notes de bas de page
1 La « folle » [loca] met en évidence ce que Judith Butler appelle « la discontinuité radicale entre le sexe du corps et les genres culturellement construits ». Voir Trouble dans le genre, Paris, La Découverte, 2006, p. 67.
2 Bencomo A., « Subjetividades urbanas : mirar/contar la urbe desde la crónica », Iberoamericana, nº 11, p. 146.
3 Foucault M., El orden del discurso, Buenos Aires, Tusquets, 1992, p. 25-26.
4 Lemebel P., Je tremble, ô Matador, Paris, Denoël, 2004, p. 70. Traduit par Alexandra Carrasco. En espagnol Tengo miedo torero, Santiago, Planeta, 2007.
5 Sutherland J. P., Nación marica. Prácticas culturales y crítica activista, Santiago, Ripio, 2009, p. 133.
6 Le mot jument (yegua) signifie homosexuel dans l’argot chilien et cubain, mais comme en français, ce n’est pas le seul mot pour nommer les homosexuels.
7 Nouhaud D., « Dragues de folles entre le rire et la mort », Chili 1973-2003, arts et histoire, Les langues Néo-latines, n° 330, 2004, p. 64.
8 Scénario : Tomás Gutiérrez Alea et Senel Paz d’après sa nouvelle Le loup, la forêt et l’homme nouveau.
9 Le film a été diffusé pour la première fois à la télévision cubaine en 2007.
10 Lemebel P., op. cit., p. 9.
11 Montes A., « Una memoria entre el camp y el kitsch. Escritura neobarroca, política y mercado », A. M. Zubierta (éd.), De memoria, Buenos Aires, Eudeba, 2008, p. 165.
12 Amicola J., Manuel Puig y la tela que atrapa al lector, Buenos Aires, Grupo Editor Latinoamericano, 1992, p. 9.
13 Lemebel P., op. cit., p. 126.
14 Zeran F., « Pedro Lemebel y la loca del Frente », Rocinante n° 30, avril 2001, [http://www.letras.s5.com/pl180705.htm].
15 Lemebel P., op. cit., p. 11.
16 Ruiz Ezquivel A., « Cultura popular como elemento de seducción en El beso de la mujer araña, de Manuel Puig », R. Eberenz (ed.), Diálogo y oralidad en la narrativa hispánica moderna, Madrid, Verbum, 2001, p. 253.
17 Lemebel P., op. cit., p. 11.
18 Ibid., p. 11.
19 Montes A., op. cit., p. 177.
20 Ibid., p. 177.
21 Blanco F., « Ciudad sitiada, ciudad sidada », notes de lecture dans Tengo miedo torero, Cyber Humanitatis n° 20, printemps 2001, [http://www.cyberhumanitatis.uchile.cl/CDA/texto_simple2/0,1255, SCID%253D8620%2526ISID%253D436,00.html], document consulté le 5 avril 2011.
22 Pizarro D., « Pedro Lemebel. Entre balas y boleros », Ercilla, n° 3163, p. 78.
23 Lemebel P., op. cit., p. 101.
24 Ibid., p. 12.
25 Ibid., p. 12.
26 Ibid., p. 13.
27 Ibid., p. 13.
28 Ibid., p. 15.
29 Ibid., p. 81.
30 Ibid., p. 110.
31 Pizarro D., op. cit., p. 78.
32 Ibid., p. 128.
33 López Morales B., Tengo miedo torero, de Pedro Lemebel : ruptura y testimonio, Estud. filol, [online], 2005, n40, p. 121-129, [http://www.scielo.cl/], document consulté le 5 avril 2011.
34 Seidler V. J., Masculinidades. Culturas globales y vidas íntimas, Barcelona, Montesinos, 2006, p. 114.
35 Levine S. J., « De traiciones y traducciones », La literatura es una película. Revisiones sobre Manuel Puig, México, CCyDEL, 1997, p. 77.
36 López García I., « Género y compromiso político en Tengo miedo torero del escritor Pedro Lemebel », Imaginarios de género en la (Post)nación, Hispanista, Niteói, n° 27, vol. 7, octobre, novembre, décembre 2006, [http://www.hispanista.com.br/revista/artigo219esp.htm], document consulté le 4 avril 2011.
37 Moulian T., Chile actual. Anatomía de un mito, Santiago, LOM, 2002, p. 37.
38 Ibid., p. 37.
Auteur
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