Violences sexuelles et viols dans Cholos (1937) de Jorge Icaza : Une écriture de la dénonciation
p. 99-112
Texte intégral
11 Les années trente signifient, en Équateur, une crise sans précédent, économique, politique, culturelle et identitaire, qui met en péril la nation. Toute une génération d’intellectuels se penche alors sur la question de l’identité nationale, l’équatorianité, pour mener à bien une introspection culturelle à même de déboucher sur un projet de reconstruction nationale. Socialistes pour la plupart2, les auteurs de ce que la critique appelle aujourd’hui la « Generación del treinta » revendiquent une écriture engagée qui prétend donner à voir toute la vérité, même crue et sordide, des conditions de vie de ceux qui forment, selon eux, le cœur de la nation : les secteurs populaires, indiens, métis, noirs, qui, pour la première fois, deviennent des personnages littéraires à part entière3. Il ne s’agit pas seulement de défendre un projet politique, mais de montrer qu’il existe une culture populaire susceptible de vivifier la nation chancelante. Aussi la rupture prônée par la « Génération des années trente » est-elle autant esthétique qu’idéologique4. D’une part, dénoncer l’injustice sociale implique d’en explorer les aspects les plus sordides, tels que la prostitution, l’alcoolisme, la saleté, les odeurs ou la déformation des corps. Une esthétique de la laideur et du grotesque s’impose alors, non sans scandaliser le lecteur de l’époque. D’autre part, en plongeant dans une culture populaire qui aurait été ignorée par les précédentes générations d’écrivains, issues de l’oligarchie ou en partageant les intérêts, la « Génération des années trente » s’efforce de transcrire des parlers fidèles aux univers décrits. D’où une langue abrupte, souvent vulgaire, qui rompt avec la langue académique, alors seule admise en littérature.
2Jorge Icaza (1906-1978) appartient à cette génération5, comme l’illustre son roman Cholos, publié en 1937. Il entend y montrer, dans toute son horreur pour mieux le discréditer, un système qualifié de féodal, celui de l’hacienda andine6. Comme ses contemporains, il cultive une noirceur qui met en scène toutes les formes de violence possibles à l’encontre de l’Indien mais aussi, quoique dans une moindre mesure, du Métis, le Cholo. Les violences sociales et économiques, culturelles et raciales, physiques et morales, symboliques et linguistiques, prétendent dire la vérité d’un quotidien repoussant. Il s’agit bien de provoquer et de choquer le lecteur, afin de l’inviter à s’indigner du sort réservé aux perdants de l’Histoire. La culture populaire andine n’a ici rien de bucolique : le lecteur découvre les effets aliénants de l’hacienda sur tous les aspects de la vie, y compris les plus intimes. La sexualité est donc amplement représentée sous l’angle, nous l’aurons compris, de la violence et de la dégradation.
3Ce travail s’efforcera de revenir sur la stratégie de dépouillement des faux-semblants d’une société basée sur l’exploitation des plus faibles, à la lumière de l’analyse des représentations des relations amoureuses et sexuelles. Il conviendra d’observer la dimension destructrice de l’hacienda au prisme de la domination sexuelle. Le système en place pervertit toute relation sentimentale sincère qui permettrait d’envisager l’autre comme un égal ou un semblable. L’amour absent, la sexualité relève du viol, motif central qui résume toutes les formes de violence ; de genres, de races, de classes. Il désigne les dominants et les dominés du système, révélant aussi les angoisses inhérentes à l’obsession de la blancheur de peau. Simultanément, nous tenterons de cerner cette esthétique du sordide et de la laideur, au cœur de la stratégie de provocation du lecteur. Car les motifs sexuels, loin d’être secondaires, servent la représentation dégradée de la réalité et, partant, la visée d’indignation poursuivie par l’auteur.
Le viol par le Blanc : domination raciale et héritage historique
4Le roman s’ouvre sur une scène domestique qui réunit la famille Peñafiel : le grand propriétaire terrien don Braulio, son épouse doña Carlota, leur jeune fils Lucas et la servante Consuelo, une Indienne de l’hacienda qui effectue le service obligatoire et non rémunéré qu’elle doit à son patron7. Les brefs échanges entre les membres de cette famille au sommet de la pyramide sociale indiquent leur attachement viscéral au prestige de leur blason et à la pureté de leur filiation. Braulio Peñafiel clôt toute discussion avec son épouse en lui jetant à la face ses lointaines origines mulâtres, chez elle objets d’une honte permanente. Les personnages se construisent par le rappel constant d’origines familiales se confondant avec celles de la société équatorienne, la Conquête, la Colonie, l’esclavage des Noirs et l’asservissement des Indiens. Ce rappel légitime les valeurs en vigueur qui associent à la blancheur beauté, bonté, richesses et prestige, et à une peau foncée vice, laideur, misère et ignorance.
5La séquence se referme sur le viol de la servante. Ce dernier s’inscrit alors naturellement dans l’héritage historique de la domination blanche et de la négation de la personne de l’Indien :
6« Quand tout fut silencieux, la silhouette de don Braulio surgit de l’ombre. Il avait l’habitude, avant de se coucher, d’aller uriner dehors. Cette fois, la masse que formait le corps de la servante indienne, relent d’oignon, de nouveau-né, couché en plein chemin, fut pour don Braulio comme la pente savonneuse vers l’enfer d’une pulsion libidineuse. Avec une morgue de conquistador, il enfila sa cuirasse vertueuse, se pinça le nez et s’efforça de l’enjamber. Mais, par malchance – par acte manqué, par ruse habile du diable –, il trébucha et sa bienséance atterrit sur le corps turgescent et sale de la domestique. Il resta quelques secondes sans bouger ni rien tenter. Du plus profond de son sang chaud s’éleva la voix de Satan, queue longue et raide :– Consuelo.– À vot’service, Monsieur.– Réveille-toi.– Ben j’suis déjà réveillée – répondit la femme – crainte et vénération ancestrales, complicité et tentation. Elle ferma quand même les yeux pour penser à l’Indien Juan Chango – le mari que lui avaient donné Monsieur le curé et le lieutenant politique au village. Mais cela ne l’empêcha pas de prendre l’homme qui abusait d’elle dans ses bras, s’ouvrant avec un dépit amoureux de vaincue. À l’instant secret, elle pleura dans des mugissements de plaisir et de douleur à la fois. Jouissance sexuelle d’origines contraires. Pour obéir au caprice du maître, elle devait bercer son plaisir entre ses hanches. Comme cela était trop difficile, elle se contenta de murmurer :– Tout doux... doux... doux8... »
7D’une part, la scène rejoue ici la Conquête où le Blanc, avec cette « morgue de conquistador », s’empare des biens de l’Indien, y compris de sa femme, la « vaincue ». La domination sexuelle renvoie à celle du vainqueur sur le vaincu de l’Histoire. Don Braulio reste dans l’intimité la figure du maître et seigneur, du Blanc tout puissant qui inspire la terreur chez Consuelo. L’expression « Jouissance sexuelle d’origines contraires » prend ici tout son sens. Les attributs sociaux, raciaux, culturels du Blanc et de l’Indienne sont strictement opposés et relèvent des deux extrêmes d’une hiérarchie sociale née de la Conquête.
8La narration plonge le lecteur dans son histoire, revenant aux origines même de cette équatorianité au cœur de la réflexion de la « Génération des années trente ». Le viol est ici fondateur. Il est à l’origine d’une société métissée, mais dont le métissage ne saurait être assumé, car associé à la bâtardise. Il est également fondateur de la narration. Ainsi Consuelo découvre-t-elle qu’elle est enceinte d’un petit Métis, Guagcho, personnage pivot et moteur de l’action.
9D’autre part, les personnages paraissent agir contre leur gré, comme s’ils étaient soumis à un implacable fatum. C’est la malchance, œuvre du hasard, ou bien un acte manqué, œuvre de l’inconscient refoulé, ou encore un mauvais tour du diable, œuvre du Mal, qui fait trébucher don Braulio sur sa servante. Don Braulio n’est pas maître de sa volonté, mais jouet du destin. Le poids de l’Histoire est si écrasant que les personnages ne peuvent pas ne pas se prêter à son éternelle répétition. Dans la société équatorienne décrite par Icaza, chaque rôle est défini d’avance en fonction de l’origine ethnique, sans que les personnages puissent s’y soustraire. Le motif du viol, comme fatum de la domination, sert ici le propos engagé, la démonstration d’une rupture idéologique nécessairement radicale et révolutionnaire pour briser la reproduction inéluctable du système en place.
10À ce titre, l’ouverture de la narration sur le viol crée d’emblée un malaise chez le lecteur. Le voilà placé en voyeur d’un épisode choquant, contraire au bon goût en vigueur, qui le plonge dans une réalité dégradante. Le narrateur omniscient ne lui épargne pas les détails prosaïques, le besoin d’uriner du maître ou la saleté de la servante. De surcroît, l’ambivalence des sentiments de Consuelo s’avère fort troublante : si elle incarne la « vaincue », elle ne semble pas être une victime innocente. L’expression « Jouissance sexuelle d’origines contraires » prend un sens nouveau. La victime jouit d’une jouissance où vont de pair des sentiments aux origines opposées, le désir et la terreur, le plaisir et la douleur. Si Consuelo est ambivalente, si elle désire et jouit, n’est-elle pas, d’une certaine façon, consentante et complice ? « Cela ne l’empêcha pas de prendre l’homme qui abusait d’elle dans ses bras », indique le narrateur omniscient. Le viol participe de cette esthétique dérangeante où le sordide n’épargne pas les victimes. Il fait alors surgir les ambiguïtés et la complexité des relations dominants-dominés qui garantissent la survivance du système. Partant, il invite le lecteur à porter un regard neuf, loin des poncifs manichéens, sur la réalité crue de la domination.
11Force est de le constater, le poids de l’Histoire, la prolongation des hiérarchies traditionnelles, la prévalence des préjugés les légitimant, l’intériorisation de la domination par le dominant comme par la victime9 sont posés, dès la séquence d’ouverture, par le truchement du motif du viol. Le viol résume le système en place, pointe une société de vainqueurs et de vaincus et désigne des relations nécessairement basées sur les rapports de force. L’amour, qui implique une reconnaissance du partenaire comme un semblable, n’a pas sa place dans un ordre qui définit des altérités immuables, qui alimente la terreur de l’Indien envers le Blanc et le mépris du Blanc pour l’Indien. Les relations sexuelles sont donc toujours placées sous le signe de la violence, prolongeant dans la vie intime la coercition d’une société-hacienda.
12Le rêve final de Lucas Peñafiel, qui revient sur les modalités de la naissance de la société équatorienne, s’articule d’ailleurs autour du motif du viol :
13« Tapis de femmes à la peau cuivrée, faces tournées vers le ciel, nues, offertes, les jambes écartées... Le machisme orgueilleux des visages blancs couverts de barbes et de moustaches prend les femmes avec la violence de la satisfaction biologique - dans des marécages de boue laiteuse -, sans émotion ni amour durable. De la boue laiteuse, tels des têtards, surgissent les Cholitos dans un enchevêtrement de fleurs métisses qui grimpent et s’enroulent, tantôt serviles et soumises, tantôt sournoises et altières, autour des croix, des sabres, des pattes des chevaux, autour de tout ce qui orne et qu’exhibe le retable de visages blancs couverts de barbes et de moustaches10... »
14Le viol est non seulement fondateur en ce sens qu’il préside au peuplement du pays par la multiplication des Métis ; il assume également une valeur normative, définissant les comportements sexuels interethniques.
Le viol par l’Indien : déshumanisation et dénonciation
15La violence du système de l’hacienda est si implacable qu’elle conditionne toute la vie sexuelle des Indiens, faisant de Consuelo la victime par excellence, d’abord en tant qu’Indienne face à don Braulio, puis en tant que femme face à Julián Chango, son époux. Dans la « choza » misérable, sale et malodorante du huasipungo, leurs relations sexuelles débutent par des cris, des insultes puis des coups que l’Indienne subit sans mot dire : « Elle savait que cette attitude agressive de l’homme était le prélude d’une agression violente et d’un dénouement amoureux sur la paillasse11. » Le viol survient alors.
16La représentation d’un Indien aussi brutal que son maître, notamment sur le plan sexuel, permet de saisir toute la portée dénonciatrice du roman. Rappelons les critiques négatives qui ont accueilli les romans d’Icaza, alors accusé de racisme envers l’Indien. Huasipungo en 1934 et Cholos en 1937 dépeignent l’Indien comme un être veule, mesquin, grossier, menteur12. Aussi cruel que ses maîtres, il se présente comme le bourreau des siens. Il maltraite systématiquement son entourage, à commencer par sa femme, son souffre-douleur. Or c’est dans cette représentation dégradée de l’amour conjugal que réside la force de la démonstration. Loin de verser dans le manichéisme idéologiquement correct d’autres romans indigénistes, où le dominé est par essence innocent et vertueux, Icaza, tout en stigmatisant le cynisme et l’égoïsme des dominants, souligne la lente décomposition psychique de l’Indien par la description de son abrutissement. La représentation repoussante de son comportement sexuel s’inscrit dans la démonstration de cette déshumanisation inhérente aux relations de domination implacables qui prévalent dans l’hacienda. Cette dernière n’en paraît que plus monstrueuse.
17Les relations sexuelles entre les Indiens, à travers le motif du viol, pointent une déshumanisation telle qu’elle exclut toute tendresse. L’amour est ramené à des besoins physiologiques que le mâle assouvit sur sa femelle, « la hembra ». Les fonctions corporelles sont les seules possibles. D’où des comportements aberrants, particulièrement choquants pour le lecteur, tel le viol de Consuelo alors qu’elle vient tout juste d’accoucher.
18Consuelo, défigurée par la douleur, supplie son mari de l’aider à accoucher. De nouveau, aucun détail sordide n’est épargné au lecteur, de la description de Julián coupant avec les dents le cordon ombilical à ses pensées criminelles, la tentation de noyer le bâtard nouveau-né. Un climax est atteint dans le viol qui clôt la séquence :
19« – Ne bouge pas... Reste couchée... Un p’tit peu encore.– Ben pour quoi faire ?– Pour... Pour te soigner..., affirma l’Indien sans savoir ce qu’il faisait - muraille habituelle de sa conscience. Désir violent et vague, chaud et instinctif, qui monte et s’agite à la vue et à la revue de la femme nue : ses jambes ouvertes – peau sombre et goûteuse –, ses seins qui pointent du décolleté de la chemise déchirée et poisseuse – exubérant et maternel –, ses yeux emplis d’une placidité qui semble attendre et offrir un renouveau, bien loin de toute agression du Cholo contremaître et intendant ou du “maître, mon seigneur, grand patron”. Prosterné, à genoux, il s’inclina sur elle et lui caressa le ventre lavé de tout péché après l’accouchement. Ça pouvait, ça devait être lui à cet instant précis... C’était peut-être sa seule chance... La laisser passer ? Impossible... Etre le premier... Arriver avant eux... L’orgueil sadique du mâle, chaud et ferme, réveilla sa virilité – sauvage, incontrôlable. La femelle, bien qu’indisposée et sanguinolente, s’offrait à lui – pensait-il. “La v’là les jambes écartées, putain... Pour moi tout seul...”, se dit l’Indien sous l’influence de la vengeance, évoquant – sans doute pour justifier son élan libidineux – la façon dont les cochons d’Inde mâles, alors que la femelle met bat, se mordent et se déchiquettent dans une lutte à mort, avant que le vainqueur ne prenne frénétiquement la parturiente. Là, maintenant, décidé, impatient, lui aussi...– Te soigner moi, ma belle, shunguitica, dit l’Indien avant de la prendre de force, sans entendre la faible plainte, comme de protestation et de plaisir13. »
20Le comportement aberrant selon les normes définies par la morale souligne une déchéance psychique de l’Indien, qui, analysée dans un contexte de situation extrême tel que le définit Bettelheim14, participe de la dénonciation du système. La vie de l’Indien dans l’hacienda est si précaire qu’elle le broie, le dégrade, le déshumanise jusque dans son intimité sexuelle15. Julián est ainsi animalisé. Face à la « hembra », la femelle, il adopte le comportement du cochon d’Inde mâle, lequel s’accouple avec la parturiente au sexe encore ouvert et ensanglanté.
21Toutefois, son comportement déviant relève aussi de la vengeance. La pulsion sadique est ici le fruit des abus dont il est la victime. L’Indien sait que le nouveau-né n’est pas son fils. Humilié, il prend une revanche sur des maîtres qui le dépossèdent du monopole sur le corps de sa femme : il viole cette dernière avant même que ceux-ci ne soient en mesure de le faire. Parce qu’elle vient d’accoucher, son ventre, de nouveau vide et comme purifié, le recevra lui avant tous les autres. Le dominé devient alors le dominant, le « vencedor », le vainqueur. Il inverse les rôles le temps du viol.
22À travers des motifs sexuels, le roman ne décrit pas seulement un système social, mais l’engrenage débouchant sur la désintégration de la personnalité. Julián n’est pas le sujet passif des injustices. Il se trouve au cœur d’une relation qui le dépasse, parce qu’elle fait intervenir des enjeux psychologiques inconscients et incontrôlables, tels que les angoisses ou les pulsions. S’il ne peut réagir en actes contre le dominant, en s’en prenant directement à don Braulio par exemple, il réagit psychologiquement et décharge sur sa femme, plus faible que lui, sa rage et sa frustration. Julián est ainsi, malgré lui, le sujet de relations ambivalentes et complexes entre dominant et dominé. Ces relations, qui fonctionnent comme un engrenage infernal, sont mises à jour par le motif du viol.
23Le fils de Consuelo et de Julián, José Chango, victime à son tour de cet engrenage fatal, ne saurait connaître d’autres formes de relations avec une femme. Sa rencontre avec Rosaura se déroule donc sous le signe du viol :
24« Longuita, ma petite Indienne, murmura instinctivement l’Indien en laissant glisser à terre la charge qu’il portait, et, face à l’attitude excitante de la fille – défense nerveuse avant l’attaque – il se lança avec un appétit violent sur la femelle qu’il renversa sur le tapis de feuilles des buissons les plus proches16. »
Métissage et haine de soi
La sexualité sordide et instrumentalisante du Métis
25L’univers déshumanisant de l’hacienda n’épargne pas non plus le Métis. Sa sexualité est posée d’emblée comme sordide : « Les mauvaises langues affirmaient que tous trois, [Montoya], son compadre Ordoñez et sa comadre Alejandrina, sous l’influence tentatrice du démon de l’alcool – guarapo ou eau-de-vie –, partageaient le même lit17. »
26Les relations sexuelles du Cholo Montoya sont évoquées par le biais des ragots du village d’une part, présentées comme perverties au prisme du triolisme d’autre part, sous la forme de l’adultère consenti par le mari complice de surcroît, et dans le cadre d’une orgie d’alcool enfin. La sexualité associée au vice fonctionne comme une série de transgressions, symptôme de la dégradation morale et psychique des Métis.
27Certes, Montoya et Alejandrina ressentent un attachement sincère l’un pour l’autre ; toutefois, dans le contexte dégradant de l’hacienda, ils sont avant tout dépeints comme un « couple adultère18 ». La femme y est en outre animalisée, qualifiée de « hembra », de femelle, durant l’acte sexuel, lequel relève alors davantage de l’accouplement instinctif que de l’échange érotique19. Le couple adultérin, caractérisé par la luxure, devient même criminel. Alejandrina serait l’instigatrice de l’assassinat d’Ordoñez, le mari d’abord consentant puis opposé aux relations extraconjugales de son épouse20.
28Enfin, malgré son affection, le Cholo est incapable de sentiments désintéressés. Rattrapé par son ambition dans un univers implacable qui n’envisage les relations que sous l’angle de la domination, il considère sa partenaire avant tout comme un instrument. D’une part, elle représente l’outil approprié pour parvenir au plaisir et « jouir pleinement21 » ; la Chola est plus efficace que l’Indienne : « Alejandrina, Aleja, Alejita... Elle est bonne... Pas comme les Indiennes, on dirait des vaches mortes22. » D’autre part, Alejandrina est instrumentalisée comme agent économique favorisant l’enrichissement personnel. Le rêve de Montoya en témoigne, qui associe le sexe de sa maîtresse, objet de sa concupiscence, au sexe d’une parturiente, productif. Ce sexe fournit des Indiens au Cholo devenu, grâce à lui, le nouveau seigneur des lieux23 :
29« Le Cholo en pleine ascension, bientôt grand propriétaire terrien, se remit des désagréments du voyage sur un lit mal fait, ruminant des rêves dans lesquels ses problèmes étaient magiquement résolus : la comadre Alejandrina allongée sur le lit... Près de... Les jambes écartées, elle met bas, un, deux... Péons... Lui, il lui crie : “Encore, Encore !” “Je ne peux pas, je ne peux paaaas”, répond la parturiente en se transformant peu à peu en don Braulio Peñafiel ; des Indiens sortent de ses yeux, de ses oreilles, de son nez, de sa bouche, de son nombril, de son cul, de ses pieds... “De ses intérêts” pensa en rêve Montoya. Entre-temps, le vieux seigneur était magiquement devenu tout petit, alors que lui, il grandissait, grandissait, vêtu en homme élégant – souliers vernis, chapeau haut de forme, redingote24... »
30À travers Alejandrina, la femme désirée, mais aussi la complice de la duperie des Indiens, la figure amoureuse se confond avec celle de la puissance économique. Elle accouche, au sens propre dans le rêve, de péons (peones), main-d’œuvre rare et véritable richesse des haciendas. L’amour gratuit n’existe pas pour le « Cholo en pleine ascension, bientôt grand propriétaire terrien ». Il doit contribuer à son triomphe. La description des relations sexuelles cholas sert ici la construction du type historique au cœur de la narration, celui du Métisen pleine ascension durant les premières décennies du xxe siècle. Montoya finit d’ailleurs par s’emparer des terres de Peñafiel.
31De nouveau, il revient à la sexualité d’acter la transformation du Cholo en seigneur blanc : « Je dois célébrer mon triomphe au lit, merde... Propriétaire d’une bonne terre, avec Indiens, route, maison aristocratique... Aristocratique25... » Assumant son nouveau statut de patrón, Montoya tente alors de prendre Alejandrina, pourtant consentante, par la force :
32« Violemment, le nouveau latifundiste attrapa la femme qui était venue à sa rencontre puis la jeta sur le lit.– Qu’est-ce qu’il t’arrive ? Tu fais ton élégant..., protesta-t-elle en tombant26. »
33Alejandrina associe explicitement le comportement agressif et la tentative de viol à l’élégance du Blanc, attestant par là l’ascension sociale de Montoya. Ce faisant, le comportement sexuel fait éclater les faux-semblants qui associent à la blancheur noblesse et délicatesse. L’inversion des valeurs renvoie ici au fonctionnement d’une société construite sur l’exploitation cynique du plus faible, où le violeur est un élégant.
34L’étape finale de l’irrésistible ascension du Cholo, désormais homme politique respecté, nommé intendant par ses amis au pouvoir, est encore actée par l’évolution de ses relations sexuelles. Montoya se montre de plus en plus distant envers la campagnarde métisse qu’il juge indigne de lui. Désespérée, Alejandrina tente de le séduire en anticipant ses moindres attentes. Elle se comporte en inférieure soumise face à Montoya « blanchi ». Il la méprise, mais elle n’en est que plus disposée à assumer le rôle de la vaincue, l’invitant à la frapper et à la violer :
35« Elle dut faire appel à toutes les ruses féminines : alors qu’il était à peine arrivé, elle se dévêtait comme on lui avait dit que le faisaient les carishinas de la ville, ou bien, à force de baisers – lèvres et langue –, elle caressait tout ce qu’elle pouvait conquérir de son corps, ou encore elle exigeait en hurlant qu’il la prît de force27. »
36L’appel à violence de la part même de la femme atteste la métamorphose du Cholo en patrón blanc. La relation des amants métis bascule ici dans une relation dominant-dominée de type Blanc-Indienne.
Métissage et déchirement
37Toutefois, l’intimité sexuelle du Métis arrivé ne saurait échapper aux angoisses nées de la violence symbolique inhérente à l’hacienda, constitutive de sa vie psychique. La représentation des relations de Montoya et d’Alejandrina pose ainsi la question de l’identité métisse, une identité problématique et douloureuse :
38« Par vagues voluptueuses, le vieux désir de maternité parvint aux lèvres de la femme.– Un enfant... S’il te plaît, un fils... Un tout petit garçon... Mets... Mets-moi...– Mais...La chevauchée effrénée de Montoya se paralysa et, du plus profond du futur dont il rêvait, une voix – interdiction et refus – “un Cholo, un petit Cholo... Fils de... Comment... Nooon... Il devra être blanc, blond, d’une grande dame”. Dans une réaction incontrôlable, ses muscles furent frappés de l’atonie de l’impuissance28. »
39Le rejet des origines indiennes se manifeste sexuellement, par l’impuissance qui saisit Montoya lorsqu’il prend conscience qu’il pourrait devenir le père d’un petit Cholo plutôt que d’un petit Blanc, Cholo qui lui renverrait l’image du Métis qu’il est et qu’il s’efforce d’effacer. L’impuissance pointe le drame d’un métissage qu’Agustín Cueva définit comme un déracinement intérieur :
40« Dans la prose icazienne, le Métis se manifeste essentiellement comme le point de cristallisation subjective de toutes les contradictions sociales. Attrapé entre “deux races”, deux cultures, deux instances structurelles et même deux époques historiques, il incarne le déchirement et le déracinement plutôt que la figure privilégiée de la fusion29. »
41Montoya, obsédé par l’idéal de la blancheur qu’il cherche à atteindre à tout prix, vit son métissage comme une déchirure. Il méprise l’Indien, singe désespérément le Blanc et se voit rejeté par l’Indien comme par le Blanc. Il se construit alors comme un « ni ni », ni blanc ni indien. Son identité émerge en creux, des rejets et de la négation des origines. Le métissage est donc nécessairement douleur et déchirement, désigné par le terme péjoratif cholo qui donne son titre au roman.
42Si Montoya finit par recouvrer sa virilité, le couple demeure sans descendance. Le Cholo, coupé de ses racines, ne saurait enfanter et se projeter dans le futur de façon constructive. L’impuissance se fait stérilité, métaphore de l’impasse identitaire métisse. La stérilité manifeste la tension irréconciliable entre l’aspiration à la blancheur du Cholo et la réalité de sa condition, tension destructrice, car elle contribue à entretenir le cercle vicieux de la frustration, de la haine et du mépris, au cœur du roman : mépris du Métis envers le Blanc qu’il envie toujours malgré son succès social, mépris envers l’Indien qu’il hait d’autant plus qu’il lui rappelle ses origines honnies, mépris envers soi pour ne jamais parvenir à être le Blanc rêvé ni à assumer la part indienne.
43Car le Cholo est toujours rattrapé par ses origines. Au sommet de sa fortune, Montoya entend bien prendre femme parmi l’aristocratie quiténienne et avoir une descendance blanche. À trois reprises, il essuie un humiliant refus. Le voilà renvoyé à sa condition de Métis et à ses racines indiennes30. Or, loin de se révolter, ayant largement intériorisé les normes en vigueur, il œuvre au maintien du système, complice de sa propre domination.
44Repoussé, il épouse par défaut Alejandrina. Il assume néanmoins tous les masques sociaux blancs et travaille à « la transformation d’[Alejandrina] et de Blanquita, respectivement en une épouse respectable et en une nièce orpheline ou quelque chose de ce genre – dans l’espoir de restaurer la virginité complètement abîmée de cette dernière31 ». Alejandrina doit opérer, non sans peine, une métamorphose. Elle se blanchit en adoptant les vêtements, le maintien, le parler des dames de la capitale. Blanquita, l’orpheline élevée par Alejandrina, a été rattrapée par l’implacable fatum sexuel de la domination et violée par le respectable patrón à qui elle avait été confiée. Or Montoya étouffe le scandale et fait passer la jeune Métisse à la peau claire pour une innocente nièce. Force est de le constater, les Cholos parvenus garantissent le maintien du système par leur imitation acharnée des Blancs et par leur silence complice. Adhérant aux valeurs dominantes, ils jouent avec complaisance la comédie de la respectabilité et assument à leur tour les faux-semblants.
Sexualité et faux-semblants
45La société équatorienne se caractérise en effet par une inversion des valeurs qui érige en normes l’exploitation et l’hypocrisie, voilées par les faux-semblants de la décence et de la morale. Les motifs sexuels participent précisément de leur dévoilement, comme en témoigne le comportement de la veuve Peñafiel.
46Doña Carlota révèle, par le recours à la prostitution, la prévalence du paraître et l’hypocrisie d’une double morale. Ruinée et criblée de dettes, la veuve conserve un train de vie aristocratique grâce aux prêts que lui consent Antonio Mena, un Cholo parvenu qui compte s’approprier la demeure familiale quiténienne. Lorsqu’il en exige la cession, elle s’offre à lui pour la conserver. Ces actes de prostitution sont justifiés lors d’un échange entre la veuve et le défunt qui, depuis l’au-delà, lui enjoint de s’offrir à Mena :
47« – Débrouille-toi pour obtenir un nouveau délai.– Comment ?– En t’insinuant amoureusement un peu plus32. »
48La noblesse des Peñafiel n’existe qu’à travers les apparences sociales. L’honneur est vidé de son sens, car réduit à la nécessité absolue de tenir son rang dans une société obsédée par les biens matériels, seules valeurs qui importent.
49Les valeurs sont perverties et renversées depuis le sommet de la hiérarchie non seulement par l’élite aristocratique, mais par l’Église. Le traitement des motifs sexuels contribue également à désigner l’Église comme l’organisatrice du système pervers qu’elle légitime, assumant ses faux-semblants.
50Le prêtre du village fustige la luxure et s’immisce dans la vie intime de chaque fidèle à travers la confession, la menace et la terreur du châtiment divin. L’Église pratique une censure systématique, participant du pouvoir omniscient de l’instance blanche qui envahit la vie psychique de l’individu par le contrôle de sa sexualité, laquelle est alors vécue sur le mode de la culpabilité. Or le prêtre est le premier à céder aux péchés qu’il dénonce, vivant avec une soi-disant nièce. Il incarne par excellence la duperie et l’hypocrisie. Sa sexualité mise à jour dévoile le double discours d’une morale qui s’applique différemment selon que l’on est dominant ou dominé.
51L’autorité morale étant corrompue, le vice contamine, sous couvert de vertu, l’ensemble de la société équatorienne. L’épisode de la confession du jeune Guagcho l’illustre. Le curé prend en charge son éducation religieuse, ce qui a pour effet de le précipiter dans le vice. Le garçon découvre ainsi le péché de chair dont il ignorait l’existence :
52« – Quoi d’autre, mon fils ?, demanda le confesseur après avoir remarqué le silence du pénitent.– Non... Rien...– Et le sixième commandement ?“Ne pas forniquer”, répéta mentalement Guagcho, se rappelant tout à coup ses jeux malhonnêtes [...] avec Blanquita33. »
53Après avoir expliqué la nature de ses relations avec Blanquita, le jeune garçon constate chez le prêtre un soulagement qui pique sa curiosité. Pour la première fois surgit chez lui la concupiscence, actant la perte de l’innocence :
54« Bien... Bien... conclut avec satisfaction le confesseur qui semblait se réjouir que l’affaire en fût restée là.La voix du religieux – calme, complaisante – n’échappa pas à l’inquiétude sexuelle de Guagcho. Dès lors, il se répéta : “Il y a autre chose... Bien sûr... Comme les chiens, les ânes, le bétail”34... »
55Le garçon n’a alors de cesse de « jouir à son aise ». Montoya finit par le surprendre avec Blanquita. Or la transgression, dans une société-hacienda aux valeurs perverties, est moins le péché de chair, contrairement à ce que proclame la morale convenue, que l’union d’un Cholo avec une femme plus blanche, femme-tabou, car réservée à un homme de meilleure extraction :
56« – Tu t’es regardé ?– ...– Longo, Indien. Elle, elle est différente. Mais toi, longo, longo.– Longo, conclut Montoya35. »
57Le garçon est renvoyé à l’hacienda de Montoya et la jeune fille, éloignée du village. La punition ne sanctionne pas le péché, mais la transgression de la loi sociale qui assigne à chacun, selon la couleur de sa peau, une place prédéterminée, y compris sexuelle. La noblesse morale de l’individu importe bien moins que son apparence physique, que sa couleur, obsessions d’une société du paraître et des faux-semblants.
58Cette expérience initiatique cuisante détermine le comportement sexuel de Guagcho, non sans provocation à l’égard du lecteur. Ainsi Guagcho s’accouple-t-il avec une Chola inconnue lors d’une procession religieuse, à l’occasion de la fête de la Vierge de surcroît36. Pécher sous le regard marial souligne la dimension dérisoire des valeurs prônées par l’Église, systématiquement bafouées. Ce n’est d’ailleurs pas la morale religieuse, discours creux, qui pourrait freiner les appétits charnels des deux Métis ; mais les préjugés raciaux. De nouveau, les valeurs qui importent sont dictées par la couleur, par l’apparence.
59La femme se réjouit du teint plus clair que le sien de Guagcho et ressent même le « désir de provoquer la violence du conquistador37 ». Elle rejoue sexuellement l’Histoire selon une hiérarchie parfaitement admise et intériorisée qui accorde à l’homme à la peau plus blanche la position dominante. En revanche, lorsqu’il découvre le teint cuivré de sa partenaire, Guagcho la repousse de peur d’engendrer un Cholito, à l’instar de Montoya : « Elle m’a pris pour un reproducteur, merde38. » S’il finit par céder à ses avances, il ressent un profond dégoût pour cette partenaire indigne qu’il compare alors à Blanquita la Blanche, son idéal féminin. La sexualité n’échappe jamais aux considérations raciales, valeurs normatives jusque dans un lieu sacré, l’église, qui vient ainsi les institutionnaliser, les consacrer et les légitimer.
60La tendresse, l’amour, la solidarité, l’amitié, le respect, rien ne semble résister aux valeurs raciales qu’a érigées la Conquête. La représentation des comportements sexuels en révèle l’intériorisation absolue, laquelle en permet la reproduction derrière les apparences policées et la morale convenue, grâce à la complicité des élites, sociales et religieuses. La vision sombre d’une humanité dégradée et aliénée prévaut, qui concerne toutes les couches de la société.
61Le roman pose la question d’une identité équatorienne métissée dans une société aliénée par la violence et le rejet des origines indiennes, qu’illustre le motif du viol. Pourtant, à l’issue de son parcours initiatique douloureux, Guagcho ne perçoit plus sa condition de Cholo comme un ni indien ni blanc, mais comme la synthèse de deux origines. Il dépasse la relation binaire dominé-dominant de l’univers de l’hacienda et surmonte les préjugés raciaux dont il a mis à jour la vacuité. Il est alors capable de reconnaître ses frères dans l’Indien et le Blanc. Car le viol initial de l’Indienne par le Blanc est aussi à l’origine d’une fratrie révolutionnaire pour peu que ses membres parviennent à se reconnaître comme frères : Lucas et Guagcho ont le même père, don Braulio ; José et Guagcho ont la même mère, Consuelo ; Lucas et José se rejoignent à travers le Métis, Guagcho, leur demi-frère. Cette fratrie assumée permet d’envisager la nation selon un métissage heureux, dans la justice et le respect. Indiens, Métis et Blancs unis peuvent refonder des bases corrompues et construire un nouvel ordre social. La narration envisage ainsi le métissage comme un élément positif, la résolution du conflit identitaire entre origines indiennes et univers blanc. Elle se referme sur la perspective de la réconciliation des trois composantes, blanche, indienne et métisse, réconciliation qui annonce le roman El chulla Romero y Flores de 1958.
62À ce titre, le roman s’éloigne du genre indigéniste. Loin d’être une figure centrale, l’Indien représente ici une simple composante sociale et ethnique, alors que le Métis, à travers Guagcho, s’impose comme la réponse à la quête de référents identitaires. D’ailleurs, il n’est pas anodin que Guagcho, l’artisan de la réconciliation finale, soit issu du viol. Ce viol, échappant à la répétition des viols ordinaires, produit un Métis capable de défier l’Histoire. Il relève du viol dit héroïque de la mythologie, à l’origine de la fondation d’une lignée ou d’une cité. Le viol héroïque fonde ici un avenir pour la nation : il (pro)crée l’Équatorien des lendemains qui chantent, un homme nouveau placé sous le signe du métissage assumé, de la solidarité et de l’égalité entre les hommes.
Notes de bas de page
1 Icaza J., Cholos, Quito, Libresa, 1989. Nous traduisons en français les citations.
2 Il s’agit bien d’une littérature engagée assumant pleinement sa « filiation politique », celle des idées socialistes, d’après Adoum J. E., La gran literatura ecuatoriana del 30, Quito, El Conejo, 1984, p. 48.
3 Balseca F., « En busca de nuevas regiones : la nación y la narrativa ecuatoriana », Procesos, Revista Ecuatoriana de Historia, n° 8, II semestre 1995-I semestre 1996, p. 163-164.
4 Voir à ce sujet Sinardet E., « Le réalisme social équatorien au service de la dénonciation politique : Baldomera (1938) d’Alfredo Pareja Diezcanseco », I. Durand-Le Guern et I. Galleron (éd.), Roman et Politique, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011, p. 209-220.
5 Donoso Pareja M., Nuevo realismo ecuatoriano. La novela después del 30, Quito, El Conejo, 1984, p. 9-12.
6 Pérez G. R., La novela hispanoamericana, historia y crítica, Madrid, Oriens, 1982, p. 268.
7 Le système de l’hacienda s’appuie sur le huasipungo qui instaure des relations asymétriques au profit du patrón et au détriment de l’Indien. En échange d’une parcelle de terre, le huasipungo, l’Indien, doit travailler pour l’hacienda et envoyer travailler les membres de sa famille comme domestiques chez le propriétaire. À ce sujet, voir Sinardet E, « Majoritaire, minoritaire ou mineur ? : l’Indien en Équateur (1895-1925) », F. Martinez et M.-C. Michaud (éd.), Minorité(s) : construction idéologique ou réalité ?, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005, p. 147-158.
8 Icaza J., op. cit., p. 66.
9 Nous reprenons la notion d’intériorisation de la domination telle que l’utilise Pierre Bourdieu à la lumière du concept d’habitus dans Le sens pratique, Paris, Éditions de Minuit, 1980, et Raisons pratiques. Sur la théorie de l’action, Paris, Le Seuil, 1994.
10 Icaza J., op. cit., p. 214.
11 Ibid., p. 81.
12 Fell E.-M., Les Indiens, sociétés et idéologies en Amérique hispanique, Paris, Armand Colin, 1973, p. 162-163.
13 Icaza J., op. cit., p. 85-86.
14 Nous nous appuyons sur la notion de milieu extrême élaborée par Bruno Bettelheim dans Le cœur conscient, Laffont, Paris, 1977, ainsi que dans La forteresse vide, Gallimard, Paris, 1977. Si Bettelheim définit le concept de situation extrême à partir de l’observation du fonctionnement des camps de concentration de Dachau et de Buchenwald, il l’applique à certaines configurations familiales ou économiques et sociales. Nous l’utilisons ici pour décrire les effets du système de l’hacienda sur la personnalité de l’Indien.
15 Sinardet E., « Violence et désintégration de la personnalité dans Huasipungo de Jorge Icaza (1934) », A. Lopez (éd.), Figures de la violence dans la littérature de langue espagnole, Nanterre, Presses de l’université Paris X, 2003, t. IV, p. 185-195.
16 Icaza J., op. cit., p. 147.
17 Ibid., p. 73. Le guarapo est un alcool de sucre de canne fermenté.
18 Ibid., p. 88.
19 Ibid., p. 89.
20 Ibid., p. 118.
21 Ibid., p. 88.
22 Ibid., p. 87.
23 Sinardet E., « Rêves et cauchemars dans Cholos (1937) de Jorge Icaza : la révélation d’une réconciliation possible », A. Lopez et B. Ménard (éd.), Rêves et cauchemars dans la littérature de la langue espagnole. Tavaux de recherche n° 8, Nanterre, Presses universitaires de Paris Ouest, 2012, p. 267-277.
24 Icaza J., op. cit., p. 74-75.
25 Ibid., p. 122.
26 Idem.
27 Ibid., p. 148.
28 Ibid., p. 122.
29 Cueva A., « En pos de la historicidad perdida. Contribución al debate sobre la literatura indigenista en el Ecuador », Revista de crítica literaria latinoamericana, n° 7-8, 1978, p. 37.
30 Icaza J., op. cit., p. 189.
31 Idem.
32 Ibid., p. 151.
33 Ibid., p. 130.
34 Idem.
35 Ibid., p. 133. Le terme longo désigne en Équateur un jeune Indien.
36 Ibid., p. 163.
37 Ibid., p. 164.
38 Idem.
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