Conclusion de la 2e partie
p. 237-238
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Index géographique : France
Texte intégral
11966-1969 : quatre années seulement, mais quatre années d’une histoire riche pour les MJC et leur fédération. Les conflits qui les secouèrent, de l’après-mai 1968 à 1969, et qui localement pouvaient d’ailleurs ne pas être totalement achevés, révélaient bien des aspects de leur évolution depuis le milieu des années soixante. Le conflit avec le secrétariat d’État sous Joseph Comiti n’avait fait qu’aggraver une dégradation des relations commencée dès le début de l’année 1966. En cela il devait assez peu aux événements de mai 1968, en dehors de la forme brutale qu’il avait prise. La scission et la régionalisation imposées aux fédérations de MJC allaient même moins loin que le projet élaboré par François Missoffe qui consistait à supprimer complètement la FFMJC. La création d’un secteur étatique de l’animation avait été envisagée par Missoffe parce qu’il entendait ne pas laisser à l’opposition le monopole de la jeunesse et parce que les gaullistes avaient saisi l’enjeu politique que représentaient les nouvelles générations : peut-être cela « annonçait-il » les événements de mai. Plus certainement, le conflit était, sans doute, devenu difficile à éviter, compte-tenu de l’importance prise parla FFMJC et de sa situation d’administration parallèle. À la même époque, un juriste, à l’issue d’une étude complète des relations entre associations et pouvoirs publics, concluait au caractère exceptionnel des MJC et de leur fédération : en dépit de l’importance des subventions engagées par les pouvoirs publics à leur égard, MJC et FFMJC restaient bien gouvernées par le statut légal de 1901, qui n’était pas, à la différence d’autres associations, simple habillage légal d’une procédure de démembrement administratif1. Mais cette existence ne pouvait être que fragile. Dans tous les cas, le rêve des pionniers, celui d’André Philip, d’une association indépendante gérée par les représentants élus des associations de base, mais disposant de moyens financiers grâce à des relations contractuelles avec l’État, était définitivement mort fin 1969.
2A l’occasion des affrontements avec l’autorité de tutelle, les représentants des Maisons avaient acquis une plus grande responsabilité dans le fonctionnement de la fédération. Cet essor s’était accompagné de la montée en puissance du pouvoir des directeurs professionnels. Leur appartenance majoritaire à la CGT fut l’une des causes de l’hostilité de l’État à leur égard. Elle joua également un rôle non négligeable dans la montée de l’influence communiste dans la fédération.
3Toutefois, celle-ci ne s’accrut véritablement qu’à l’issue de la scission. Les directeurs se voulaient à la fois les défenseurs de la cause des MJC et de leurs intérêts catégoriels. Les tensions, puis la scission de la FFMJC procédaient pour partie d’une différence d’appréciation au sujet de la possibilité de concilier intérêts des professionnels et intérêts des MJC. Globalement on avait tranché en faveur d’une réponse affirmative à cette question, puisque seule une minorité de Maisons, rurales, avaient opté pour la scission. La confiance dans ce domaine prévalait aussi au niveau local, où la généralisation des MJC dotées d’un professionnel ne semblait pas rencontrer d’oppositions majeures. Avec la finalisation des équipements, la généralisation des directeurs professionnels achevait en cette fin des années soixante le cycle de croissance né à partir de 1959 : l’effectif des MJC atteignait le millier, le nombre de celles qui disposaient d’un directeur était de 300, tandis que la proportion de celles qui disposaient d’un local construit depuis moins de dix ans était presque de la moitié, ce qui ne voulait pas dire qu’il était bien adapté. Mais le saut quantitatif et qualitatif était important.
4Les MJC avaient gagné, à la faveur des événements, le statut de Maisons de la contestation, ou tout au moins de lieux où il pouvait « se passer quelque chose ». Certaines pourtant ne dépassaient pas le stade de la Maison de loisirs simples. Toutefois, l’attention était attirée sur celles qui proposaient des activités, nouvelles ou plus culturelles, en particulier des spectacles et des débats. Cette ouverture grandissante des Maisons était le résultat de leur dynamique interne. Elle facilitait leur intégration dans la société locale, que les événements de mai accentuèrent dans certains cas. Le déclin du conseil de Maison très nettement accéléré après les événements, indiquait une transformation des rapports entre « jeunes » et « adultes », ainsi que l’arrivée dans les conseils d’administration de jeunes élus, dont certains d’ailleurs issus à l’origine des conseil de Maison. Il signifiait aussi que la Maison de jeunes du début de la décennie avait définitivement vécu. Place désormais à la Maison pour tous : les jeunes et les autres.
Notes de bas de page
1 Jean-Marie Garrigou-Lagrange, Recherches sur les rapports des associations avec les pouvoirs publics, thèse droit Paris 1967, LGDJ, 1970, p. 96-100.
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