Chapitre IX : Autoportraits de Sartre en écrivain fou
p. 147-160
Texte intégral
Faut-il être fou pour écrire ?
Évitons un malentendu : au début du xxe siècle le long rêve littéraire commencé dès la vingtième année de Gustave s’achève avec les derniers symbolistes. À cet instant, beaucoup de jeunes écrivains qui voulaient conserver l’héritage de la génération précédente et la dépasser vers un classicisme nouveau, influencés par l’attitude étrange de leurs pères et de leurs frères aînés, décident que la névrose est la condition nécessaire du génie : on sait ce que Gide a pu écrire sur Dostoïevski. Mais c’est que cette génération post-symboliste jugeait les conditions nécessaires à l’œuvre d’après celles que l’Art exigeait de leurs prédécesseurs immédiats. En ce sens, ils témoignaient que, de 1850 à la fin du siècle, il fallait être fou pour écrire1.
1Si l’auteur de L’Idiot de la famille insiste tant sur le caractère aléatoire, historique, de la corrélation entre l’œuvre et la folie, entre la névrose et l’écriture, ce n’est pas seulement pour faire redescendre l’art sur terre, pour le reterritorialiser et le replacer dans son contexte, pour rappeler que la littérature n’existe pas, que ce que l’on appelle « littérature » n’a pas toujours le même « sens » ni les mêmes « fonctions » – une thèse brillamment défendue et illustrée dans Qu’est-ce que la littérature ? (1948) – au cours des siècles, mais parce que « le long rêve littéraire » commencé en 1830-1840 a profondément affecté, voire infecté Sartre lui-même, pour des raisons révélées dans cette extraordinaire autocritique et auto-analyse que sont Les Mots.
Vivre pour écrire, écrire à mort, écrire à la folie
2Que l’écriture de Sartre entretienne des relations intimes avec la folie, ce n’est pas « un beau mensonge » forgé par l’autobiographe a posteriori. Il est patent que les premières œuvres de Sartre sont une réponse aux diverses « folies » qui le guettent, que l’écriture est un moyen thérapeutique, une stratégie et une drogue pour triompher des crabes, de la dépression, de la mélancolie, de tous les monstres enfantés par le sommeil de la raison. Sans tomber dans les bévues beuviennes, sans prétendre tirer de la vie la teneur et le sens de l’œuvre, le fait est que ce n’est pas un hasard si les premiers écrits de Sartre sont si sombres et s’ils font la part belle aux « fous » et à la « folie ».
3Au sortir de ses études, de « l’irresponsabilité de la jeunesse », des « quatre ans de bonheur » à l’École Normale, et après les « vacances d’un an à Berlin » (la parenthèse, intellectuellement active et productive, à l’Institut français de Berlin en 1933-1934), quand il se voit devenu professeur (« un coup dur2 ») dans un lycée de province (au Havre), Sartre tombe de haut, se désespère, se résigne très mal à la vie morose qui lui est faite. D’Emma Bovary, femme mal mariée qui se trouve enfermée dans sa maison et sans espoir, Flaubert écrit : « Mais, pour elle, rien n’arrivait, Dieu l’avait voulu ! L’avenir était un corridor, tout noir, et qui avait au fond sa porte bien fermée3. » C’est en des termes très semblables que Sartre envisage son noir avenir lorsqu’il entre dans l’âge d’homme, dans la vie professionnelle, qu’il se voit menacé de demeurer professeur à vie, à mort : « Je me sentais très fortement engagé dans une voie qui allait en se rétrécissant, je sentais qu’à chaque pas je perdais une de mes possibilités, comme on perd ses cheveux4. » Le professorat est un tunnel, « tout noir », avec, au bout, « sa porte bien fermée ». Conformément à sa propre théorie qui veut que chaque homme soit le responsable de son destin – si Baudelaire s’est laissé mettre sous tutelle, c’est qu’il a voulu être un « éternel mineur », c’est qu’il a désiré ses chaînes, sa prison, son enfermement : Baudelaire a mérité sa vie5 –, Sartre cherche une voie de secours. La carrière de professeur n’est pas une carrière, mais une impasse, un mur. Il lui faut trouver une issue, et à défaut de trouver une porte, faire le mur. Ce qui sauve Sartre, ce qui le fait sortir du marasme, de la dépression, ce qui lui permet de ne pas « étouffer », de ne pas passer à côté de sa vie, c’est l’écriture :
Non, je ne crois pas au don. Cela ne signifie pas que n’importe qui puisse n’importe quand décider d’écrire. Mais que la littérature comme la pédérastie représente une issue virtuelle, qu’on invente dans certaines situations et qui, en d’autres, n’est pas même envisagée parce qu’elle ne serait d’aucun secours. Si vous n’écrivez pas bien, c’est que les circonstances ne vous ont pas sollicité de mettre votre salut dans les mots. […] Il n’y a pas de don d’affabulation : il y a la nécessité de détruire virtuellement le monde parce qu’on se trouve dans l’impossibilité d’y vivre6.
4Sartre est devenu écrivain parce que pour lui l’écriture était fuite et issue tout à la fois, la seule porte qu’il lui était possible d’ouvrir dans le mur d’une existence (et d’une profession) sans futur. Et il s’est trouvé que cette solution était la bonne : « tout se mit à sourire7 » quand Sartre se voit imprimé, reconnu comme écrivain.
Ruses et vérités de la folie : La Chambre
5Avant que l’écriture ne s’impose comme la seule issue « acceptable » et appropriée (elle éloigne la dépression, la maladie), Sartre a flirté avec la folie, et il n’est donc pas surprenant que ses premiers écrits portent trace de ce qui, pour lui, est une conduite de fuite. Deux nouvelles ont la maladie, voire la folie pour thème explicite : La Chambre (esquissée en 1935 ou 1936, achevée au printemps 1937, et parue dans Mesures en janvier 1938) et Érostrate (écrit en 1936, publiée pour la première fois dans Le Mur en février 1939).
6Dans La Chambre, il y a pratiquement trois malades, trois reclus (Mme Darbédat, Eve, et Pierre ; seul M. Darbédat sort, circule d’une chambre à l’autre), mais le plus atteint est Pierre, le mari d’Eve qui a choisi de vivre calfeutré et cloîtré, qui « ne veut pas quitter sa chambre8 ». Pierre se sent espionné, a des hallucinations, voit voler des statues dont il conjure la menace grâce à des formules magiques et au « ziuthre », assemblage de « morceaux de carton ». Eve aime Pierre, voudrait comprendre, partager les sensations, les rêves, les angoisses, de son mari, mais elle reste à la porte. En dépit de tout son amour, Eve ne peut pas entrer dans la conscience de Pierre (conscience qui reste textuellement fermée, « murée » : aucune intrusion du narrateur dans la tête et les pensées du « malade » qui reste vu, perçu du dehors – littéralement impénétrable), ne peut savoir s’il « est tout à fait sincère » ou s’il « invente », s’il croit vraiment aux statues qui volent, etc. Pour les parents d’Eve, M. et Mme Darbédat, la cause est entendue : Pierre est « fou à lier », est un être « malsain », un « toqué » qui risque de « détraquer » leur fille, de l’entraîner dans sa folie9. Pour le docteur Franchot, incarnation de la normalité, de la santé et du discours scientifique normatif, le verdict est sans appel : « tous les aliénés sont des menteurs10. » La narration, elle, ne tranche pas. La folie de Pierre (qui cumule certains signes de la schizophrénie, du délire de la persécution, de la psychose hallucinatoire, de la paranoïa ou du « sujet psychotique11 ») ne se laisse pas réduire, épingler : les différents « diagnostics » portés sur la pathologie du séquestré laissent la réponse en suspens, indécidable12. La folie, c’est ce qui résiste à toute étiquette, à toute forme d’incarcération verbale, et ce qui mobilise l’écriture de Sartre, c’est d’entrer dans d’autres « intimités », de percer les consciences murées, d’écrire sur les murs –littéralement et dans tous les sens. La maladie de Pierre est-elle une simulation, une farce délibérée (le choix de faire le fou, de jouer au fou), une conduite de mauvaise foi (le refuge dans le cocon d’histoires enfantines, irréelles), l’expression de « la vérité13 », ou une maladie inscrite dans les gènes, dans le corps, dans le cerveau ? Si le texte oblige à se poser ces questions, il ne donne pas la réponse. Une réponse pourtant donnée sans équivoque dans le prière d’insérer du Mur, rédigé par Sartre, lequel opine dans le sens des gens « normaux », dans le (bon) sens du docteur Franchot :
Personne ne veut regarder en face l’Existence. Voici cinq petites déroutes – tragiques ou comiques – devant elle, cinq vies. […] Ève essaie de rejoindre Pierre dans le monde irréel et clos de la folie. En vain : le monde n’est qu’un faux-semblant et les fous sont des menteurs14.
7On ne saurait être plus explicite et plus expéditif. Que ce péritexte arrime despotiquement le sens pluriel de la nouvelle, trahisse radicalement les ambiguïtés du récit, c’est une évidence, mais c’est un coup de force à interroger. Si l’écrivain ne tranche pas, le préfacier décide, lui, que Pierre est un « menteur » parce que la théorie philosophique l’exige. C’est exactement la même exigence qui conduit à la thèse soutenue dans L’Idiot de la famille : peu importe ce qu’ont pu dire les médecins, Sartre a besoin de la névrose de Flaubert, et il fonde tout son volumineux « roman vrai » sur ce parti pris. Même si Sartre sait fort bien qu’il y a des fous qui ne jouent pas à être fous, des fous vraiment fous, et incurables, même s’il n’ignore pas à quel point le partage entre la raison et la folie est historique, culturel, instable, voire arbitraire, lorsqu’il objective La Chambre, lorsqu’il inscrit après coup la nouvelle dans un recueil, il tranche tout net, et décrète que Pierre est un simulateur, un fou de mauvaise foi plutôt qu’un authentique malade. C’est que si la folie est avant tout mensonge, alors Pierre est quelqu’un qui a choisi de vivre « en dehors de l’humain », qui fuit dans un monde irréel, et qui, finalement, est rattrapé par ses farces et attrapes, par ses propres fabulations : après avoir imaginé les statues qui volent, Pierre finit par croire vraiment à leur existence, et pour les combattre, fabrique un « ziuthre », use de formules et de conduites magiques dans une surenchère délirante sans répit ni solution autre que la démence véritable.
8Bref, catalogué « menteur », Pierre présente quelques-uns des symptômes typiques de l’écrivain selon Sartre. L’écrivain est lui aussi cet être de fuite qui ne peut s’accommoder du réel, qui cherche refuge dans l’imaginaire et compense les impuissances, les déficiences, les souffrances de l’existence par l’affabulation, par la création d’histoires plus ou moins fantasques, délirantes. L’écrivain est cela, mais pas seulement cela. La folie de Pierre est destructrice parce qu’elle est murée, tout entière fermée sur elle-même. Ce qui manque à Pierre, c’est l’issue : sortir de soi, parler, écrire pour autrui. Pour Sartre, Jean Genet, voleur, pédéraste, criminel, rêveur, trouve la bonne porte, l’issue, quand intervient « une conversion radicale de son attitude envers autrui », quand il en vient « au projet de se faire comprendre »
Mais en même temps, cet ouvrage [Notre-Dame des Fleurs], sans que l’auteur s’en doute, est le journal d’une désintoxication, d’une conversion : Genet s’y désintoxique de lui-même et se tourne vers autrui. […] Avant Notre-Dame, Genet est un esthète ; après, un artiste15.
9De même, Flaubert ne triomphe de sa maladie que du jour où il ne se complaît plus dans les fantasmagories de sa névrose, où il ne se contente plus d’une « écriture incantatoire et masturbatoire », mais entreprend de sortir de son blockhaus mental, d’objectiver le subjectif, de devenir écrivain : car « être écrivain, ce n’est pas seulement tracer des mots sur un cahier, c’est être publié et puis lu16 ». Pierre est un écrivain raté, « inachevé » parce que sa folie tourne en boucle, parce que son « don d’affabulation » reste englué dans l’imaginaire pur (et un imaginaire passablement infantile), parce que ses visions demeurent narcissiques, autistiques, parce que le séquestré du cinquième reste un incurable rêveur, parce qu’il ne verbalise pas ses angoisses, ses délires pour autrui, parce qu’il ne les couche pas sur le papier, parce qu’il ne les inscrit pas dans un langage commun, dans une pratique sociale reconnue.
Autoportrait du fou littéraire : Érostrate
10Paul Hilbert, antihéros de la troisième nouvelle du recueil, Érostrate, est un autre malade, un mégalomane misanthrope qui entend se placer « au-dessus de l’humain », qui rapetisse ses semblables en prenant sur eux une « perspective plongeante17 ». Par haine de ses semblables, un soir l’idée lui vient de « de tirer sur des hommes » ; il achète donc un revolver avec l’intention de tirer au hasard, dans la foule. Pourquoi un tel geste ? Parce qu’il se croit un surhomme mais plus profondément parce qu’il veut sortir de l’anonymat, parce qu’il veut « les étonner tous18 », et, plus ambitieux, laisser une trace indélébile. C’est ce dernier désir qui est le plus fort, si déterminant même que c’est lui qui donne son nom de guerre à l’insignifiant employé. Un lundi matin, discutant avec ses collègues de bureau, Paul Hilbert expose sa conception du « héros noir » (dans le sens où, tient-il à préciser, on parle de « magie noire »), ce qui conduit à l’échange de paroles suivant :
Mais Massé, qui avait des lettres, intervint à ce moment :
« Je le connais, votre type, me dit-il. Il s’appelle Érostrate. Il voulait devenir illustre et il n’a rien trouvé de mieux que de brûler le temple d’Éphèse, une des sept merveilles du monde.
– Et comment s’appelait l’architecte de ce temple ?
– Je ne me rappelle plus, confessa-t-il, je crois même qu’on ne sait pas son nom.
– Vraiment ? Et vous vous rappelez le nom d’Érostrate ? Vous voyez qu’il n’avait pas fait un si mauvais calcul. »
La conversation prit fin sur ces mots, mais j’étais bien tranquille ; ils se la rappelleraient au bon moment19.
11Paul Hilbert est sans nul doute un être méchant par faiblesse, un pervers (onaniste, sadique et voyeur), un « joli cas de paranoïa20 », mais l’expression de sa folie, tout comme celle de Pierre, n’est pas sans présenter d’évidentes similitudes avec l’orgueil démentiel, le désir de toute-puissance, la « névrose » typique de l’écrivain selon Sartre. Inutile même d’aller jusqu’à voir le nom de Flaubert caché dans Paul Hilbert21, tant les indices sont sur ce point nombreux et parlants :
12– C’est un collègue instruit (Massé « a des lettres ») qui baptise en quelque sorte Paul Hilbert. Le modèle de « héros noir » est un produit de culture, et a été trouvé par autrui : Paul Hilbert n’a rien à lui, pas même son idole, qui lui est donnée, soufflée par un autre homme.
13– Paul Hilbert, avant de tuer, tient à faire savoir qu’il va tuer, et pourquoi : « il aurait pu envoyer un mot à la presse, mais non, comme tout homme de plume qui se respecte, il méprise la prose » des journaux, et préfère écrire de sa propre main, recopiée « en cent deux exemplaires » une « lettre » qu’il adresse à des « écrivains français », des romanciers « célèbres » : « Monsieur, Vous êtes célèbres et vos ouvrages tirent à trente mille. Je vais vous dire pourquoi : c’est que vous aimez les hommes22. » Est-il utile de préciser qu’une telle conduite est le signe d’une évidente jalousie ? Paul Hilbert est infiniment moins « le type du nihiliste russe, peut-être emprunté aux Démons23 » qu’il n’est le frère jumeau, l’alter ego du personnage solitaire et malade des Mémoires écrits dans un souterrain. Cet amoureux des hauteurs est profondément un homme du sous-sol, qui hait les hommes par impuissance et blessure d’orgueil, parce que ses semblables l’ignorent, parce qu’il n’existe pas à leurs yeux. Déséquilibré, plus de cent fois « timbré » (« Je glissai les cent deux lettres dans cent deux enveloppes et j’écrivis sur les enveloppes les adresses de cent deux écrivains français. Puis, je mis le tout dans un tiroir de ma table avec six carnets de timbres24 »), Paul Hilbert ne porte pas aux hommes une haine indifférenciée. Certes, tous les hommes sont ses « ennemis », tous « les gens » sont par lui détestés, mais certains le sont plus que d’autres, et cette élection dans la détestation est la clé du personnage. Entre tous les gens, ceux qui sont le plus abhorrés, ceux dont il aimerait, avec le plus grand « plaisir », « [faire] sauter la cervelle25 », ce sont les écrivains reconnus, id est ceux qui, précisément, sortent par l’écriture de l’anonymat – le lot quotidien de l’obscur, du transparent Paul Hilbert. Il faut porter bien de l’intérêt aux écrivains pour rechercher leurs noms et prendre la peine d’écrire à chacun ; et il faut être démesurément envieux pour gonfler ainsi le nombre de romanciers favorisés par la fortune : statistiquement, aujourd’hui même, on est fort loin du compte ; il n’y a pas, en France, « cent deux » romanciers « célèbres » dont les ouvrages « tirent à trente mille » ! Le sens de l’envoi de toutes ces lettres timbrées est clair. Paul Hilbert ne réagit pas uniquement en homme de la foule et du ressentiment, il réagit en plumitif frustré, en écrivain raté qui désire se venger de son insignifiance, de son absence de reconnaissance. En dépit de ses dénégations (non, je ne suis pas « furieux »), Paul Hilbert, homme raté, gratte-papier misérable (ses ressources sont minimes : sans emploi, il se retrouve très vite à court d’argent) qui n’a pas trouvé « de place au soleil », parfait inconnu désormais privé de travail (le bureau vient de le « congédier »), envie et déteste donc les hommes de lettres qui ont le bonheur de plaire à leurs semblables, qui rencontrent le succès.
14– La lettre anti-humaniste de Paul Hilbert ironise longuement sur l’orgueil déplacé du « bipède sans plumes », sur la « station debout » et le pouce opposable aux autres doigts, mais cet ultime message (dans le scénario projeté, le scripteur sera mort quand les écrivains recevront la lettre : il s’agit donc d’une lettre testamentaire) d’un « homme qui n’aime pas les hommes » comprend un développement sur les mots qui jure avec les développements précédents :
Tout ce que j’ai entrepris, j’ai dû l’abandonner […]. Les pensées que je ne leur destinais pas expressément, je n’arrivais pas à les détacher de moi, à les formuler ; elles demeuraient en moi comme de légers mouvements organiques. Les outils mêmes dont je me servais, je sentais qu’ils étaient à eux ; les mots, par exemple : j’aurais voulu des mots à moi. Mais ceux dont je dispose ont traîné dans je ne sais combien de conscience ; ils s’arrangent tout seuls dans ma tête en vertu d’habitudes qu’ils ont prises chez les autres et ça n’est pas sans répugnance que je les utilise en vous écrivant26.
15Ce sont là réflexions de quelqu’un qui a réfléchi sur l’expression verbale comme dépossession, sur la manière dont les mots sont socialisés, habités par des significations qui appartiennent à tous, ce sont là réflexions, sinon d’un authentique écrivain, du moins de quelqu’un qui a conscience qu’on « est parlé » plus qu’on ne parle. En soi, ces considérations ne sont nullement « insensées », et elles le sont d’autant moins que ce sont les idées mêmes de Sartre (de l’auteur du Dictionnaire des idées reçues ou de Mallarmé tout aussi bien), sensible au « vol » de l’intimité, de la pensée27 dans les « mots de la tribu ». Aussi convient-il de ne pas se tromper de cible, de ne pas focaliser uniment sur le côté bouffon, sur l’aspect parodique de cette lettre. Pas plus que l’Autodidacte ne dit que des sottises, Paul Hilbert n’est un « détraqué » intégral, seulement capable de plagiat ou de pensées dévoyées : en l’occurrence, ce mégalomane témoigne d’une conscience linguistique aiguë, assez inattendue dans l’esprit présupposé d’un employé de bureau, mais tout à fait légitime dans une nouvelle qui, à travers le cas de Paul Hilbert, aborde quelques bizarreries, tares et folies ordinaires dans le monde des lettres.
16– L’acte par lequel Paul Hilbert désire être célèbre est lui aussi expressément signé. « Je vais prendre, tout à l’heure, mon revolver, je descendrai dans la rue et je verrai si l’on peut réussir quelque chose contre eux28. » Pas plus qu’il n’est à l’origine du nom « Erostrate » qu’il voudrait voir associé à son geste après sa mort, Paul Hilbert n’invente personnellement son projet suicidaire. « Un soir l’idée m’est venue de tirer sur des hommes29. » Comme n’ont pas manqué de le relever les commentateurs, « l’idée » est d’emprunt, elle vient de Gide (le meurtre sans mobile, « l’acte gratuit » de Lafcadio dans Les Caves du Vatican) et elle sort tout droit d’une phrase du Second manifeste du surréalisme (1930) qui, justement, avait fait quelque bruit : « L’acte surréaliste le plus simple consiste, revolvers aux poings, à descendre dans la rue et à tirer au hasard, tant qu’on peut, dans la foule30. » Quels que soient les mobiles qui poussent Sartre à discréditer ainsi le surréalisme (faire de Paul Hilbert le plagiaire de Breton, c’est, par ricochet, révéler les maladies infantiles du surréalisme, mettre en pleine lumière la haine des hommes manifestée dans les Manifestes), mouvement poétique qu’il devait exécuter de belle manière dans Qu’est-ce que la littérature31 ?, la portée de cette référence littéraire dans la nouvelle est évidente : ce n’est pas sans raison que Paul Hilbert adresse son credo, explique sa conduite dans une lettre à des hommes de lettres ; c’est un retour à l’envoyeur, c’est destiner à des écrivains un projet qui tire son origine dans la littérature du temps.
17– Mais plus que tout ce faisceau d’indices congruents et éloquents, ce qui rapproche indubitablement la folie de Paul Hilbert de celle des hommes de lettres, c’est, comme le souligne expressément le titre de la nouvelle, le pathologique rapport à la postérité. Paul Hilbert souffre de son obscurité, envie ceux qui font parler d’eux. Sa grande ambition, c’est d’être « célèbre », mais plus longtemps que les sœurs Papin (« J’ai vu les photos de ces deux belles filles, ces servantes qui tuèrent et saccagèrent leurs maîtresses »), mais un peu plus d’un quart d’heure. Il sait que s’il tue cinq passants sur un boulevard parisien, il aura son nom dans « les journaux de demain », mais cette gloire fugace (par définition, les nouvelles du jour sont éminemment périssables) ne lui suffit pas. Ce qu’il désire, c’est, carrément, que son nom survive éternellement, traverse les siècles ; il veut passer à la postérité comme Erostrate dont le geste incendiaire est resté légendaire : « Il y avait deux mille ans qu’il était mort et son acte brillait encore, comme un diamant noir32. » C’est cette folle ambition-là qui le taraude, et c’est pourquoi il se préoccupe avant tout de la « publicité » qu’il convient de donner à son geste. Et s’il choisit d’envoyer son dernier message (qui doit donner du retentissement à sa mort, qui doit se faire l’écho durable du bruit de ses coups de feu) à une centaine d’écrivains plutôt qu’aux journaux, c’est parce qu’il ne saurait trouver de meilleurs destinataires. Sur ce point encore, cette lettre de mort tombe à la bonne adresse, chez les spécialistes incontestés de la survie. De fait, quels sont les hommes qui assurent le service après mort des mortels, qui sont obsédés par le souci de leur « écho sonore », de leur bruit dans les siècles à venir, qui ambitionnent déraisonnablement de survivre dans la conscience des hommes bien après leur mort ? Les hommes illustres et, dans le nombre, les écrivains au tout premier plan. Sartre en sait quelque chose qui, enfant, s’est tué « par anticipation », est devenu sa propre « notice nécrologique33 » !
18À travers la « postéromanie » (Stendhal) de Paul Hilbert, c’est toute la mégalomanie, c’est toute la folie des grandeurs des écrivains que Sartre vise. Erostrate est l’idéal du moi d’un homme raté et désaxé, Paul Hilbert est un « héros merdique34 » certes, mais c’est aussi « le grand écrivain » névrosé tel qu’en lui-même les « fadaises35 » du xixe siècle l’ont inventé, tel qu’en lui-même Sartre le voit. Que Paul Hilbert ne soit pas simplement un fou de fait divers, mais un personnage très proche de l’écrivain Sartre (dans « Érostrate », il y a « Sartre »), le prouve la nature même du projet hilbertien : « étonner » tous les hommes, mourir pour devenir immortel et devenir immortel dans et par la mort même. Invisible, inexistant, transparent pour les autres, Paul Hilbert veut se faire entendre : le bruit doit être la preuve de son existence, même s’il doit dans le même temps mourir. Au moins, il ne mourra pas comme il a vécu, en silence. Or le jeune Sartre imagine que ses écrits vont avoir sur le monde sensiblement le même effet que le crime (parodie du coup de feu surréaliste) de Paul Hilbert : ses mots jetés sur le papier vont « les étonner tous » (loc. cit.), ils vont exploser, « faire sauter la cervelle » (loc. cit.) de tous les écrivains humanistes et idéalistes, avoir un grand retentissement, être entendus (du point de vue acoustique tout au moins), être des « bombes » :
Ce qui ne variait pas, c’était son [Nizan] extrémisme ; il fallait, en tout cas, ruiner l’ordre établi. Cet ordre, pour ma part, j’aimais qu’il existât et pourvoir lui jeter ces bombes : mes paroles. Ce vrai besoin de s’unir à des hommes pour soulever ensemble les pierres qui les étouffaient, je voulus n’y voir qu’une extravagance de dandy : il était communiste comme il portait monocle, par un goût menu de scandaliser36.
…le style est un marteau qui écrase nos résistances, une épée qui déchire nos raisonnements. […] Le grand écrivain, ce fou furieux, se lance à l’assaut du langage, le soumet, l’enchaîne, le maltraite, faute de mieux ; seul dans son cabinet, c’est un autocrate : s’il sabre son papier d’un coup de foudre qui éblouira vingt générations, c’est qu’il cherche dans cet oukase verbal le symbole de la responsabilité et des humbles pouvoirs que ses contemporains s’obstinent à lui refuser37.
19Si Nietzsche veut « philosopher à coups de marteau », Sartre veut « penser à grands coups d’épée38 », fait de la plume une épée39. Quand bien même sur le tard l’écrivain a grandement relativisé l’influence des écrivains, revu à la baisse l’impact des mots sur le cours des choses, il a néanmoins toujours continué à associer les pensées et les mots à la dureté (acier, diamant), à la violence, aux armes meurtrières (épée, pistolet, bombe, etc.). Les configurations thématiques et les réseaux sémantiques sur ce point sont sans équivoque, les textes d’une aveuglante clarté, à commencer par la célébrissime formulation de la théorie de l’écrivain engagé :
L’écrivain « engagé » sait que la parole est action : il sait que dévoiler c’est changer et qu’on ne peut dévoiler qu’en projetant de changer. […] Il sait que les mots, comme dit Brice Parain, sont des « pistolets chargés ». S’il parle, il tire. Il peut se taire, mais, puisqu’il a choisi de tirer, il faut que ce soit comme un homme, en visant des cibles et non comme un enfant, au hasard, en fermant les yeux et pour le seul plaisir d’entendre les détonations40.
20Quel lecteur pour se laisser abuser par la référence à Brice Parain ? Sartre reprend d’autant plus volontiers l’idée du « pistolet chargé » qu’elle est depuis toujours la sienne, que c’est en ces termes qu’il pense le poids des mots, lors même qu’il parle de poésie, de… Mallarmé :
Fils et petit-fils de fonctionnaire, élevé par une regrettable grand-mère, Mallarmé sent croître en lui de bonne heure une révolte qui ne trouve pas son point d’application. La société, la Nature, la famille, il conteste tout, jusqu’au pauvre enfant pâle qu’il aperçoit dans la glace. Mais l’efficacité de la contestation est en raison inverse de son étendue. Bien sûr, il faut faire sauter le monde : mais comment y parvenir sans se salir les mains. Une bombe est une chose au même titre qu’un fauteuil Empire : un peu plus méchante, voilà tout ; que d’intrigues et de compromissions pour pouvoir la placer où il faut. Mallarmé n’est pas, ne sera pas anarchiste : il refuse toute actions singulière ; sa violence – je le dis sans ironie – est si entière et si désespérée qu’elle se change en calme idée de violence. Non, il ne fera pas sauter le monde : il le mettra entre parenthèses. Il choisit le terrorisme de la politesse ; avec les choses, avec les hommes, avec lui-même, il conserve toujours une imperceptible distance. C’est cette distance qu’il veut exprimer d’abord dans ses vers41.
21Mallarmé en poseur de bombes verbales !… Sartre sent bien que le portrait qu’il dresse du poète est quelque peu forcé, que la violence qu’il prétend débusquer ne saute pas aux yeux, raison pour laquelle il ruse avec le paradoxe, pour maintenir à tout prix son idée à lui : que la poésie de Mallarmé est une authentique bombe, quoique soigneusement désamorcée. Difficile à croire ? Il n’importe. Sartre tient absolument à ce que les mots, fussent-ils d’un obscur poète qui « fait la grève du silence », fassent du bruit, explosent. C’est d’ailleurs cette irrésistible prédilection pour la déflagration verbale qui explique le ton tranchant des Situations, la teneur « terroriste » de la virulente préface aux Damnés de la terre de Frantz Fanon (1961), la violence des imprécations testamentaires de Frantz dans Les Séquestrés d’Altona (1959), ou encore la création de deux personnages qui, outre Paul Hilbert, incarnent le plus visiblement le lien sartrien entre les mots et les armes : Hugo dans Les Mains sales (1948), Mathieu Delarue dans La Mort dans l’âme.
22Raskolnikoff (nom de Hugo dans la clandestinité : Raskolnikoff et Hugo, deux noms qui signalent une hérédité culturelle « chargée ») est un transfuge, un fils de bourgeois qui est entré dans l’opposition, un intellectuel qui participe à la rédaction du journal du parti. Dans le second tableau, le retour en arrière (« Même décor, deux ans plus tôt, chez Olga ») livre de Hugo cette première image : quelqu’un qui « tape à la machine42 ». C’est un travail dont Hugo ne voit guère le sens (comme le souligne Ivan, les nouvelles publiées dans ce journal « sont en retard de huit jours »), un travail qui lui pèse, qui ne lui semble pas utile, efficace. Il voudrait être autre chose qu’une « machine à écrire », il voudrait effectuer un « vrai travail », il voudrait, comme Ivan chargé de faire sauter un pont, « faire de l’action directe » : « J’en ai assez d’écrire pendant que les copains se font tuer43. » Et quelle est la première chose à laquelle pense Hugo, quelle est la première action qui lui vient à l’esprit ? Non d’accomplir des tâches obscures, de distribuer des tracts, par exemple, mais de faire sauter une bombe, évidemment ! Et de penser, comme Paul Hilbert, aux anarchistes russes qui devaient aussi inspirer Les Justes de Camus : « En Russie, à la fin de l’autre siècle, il y avait des types qui se plaçaient sur le passage d’un grand-duc avec une bombe dans leur poche. La bombe éclatait, le grand-duc sautait et le type aussi. Je peux faire ça44. » Des mots à la bombe, l’enchaînement est direct. Si le mode d’action de Hugo est bien le « rêve » suicidaire d’un « intellectuel anarchiste » en retard de « cinquante ans », le parti toutefois va pouvoir exploiter son désir d’en finir : on va lui donner l’ordre de devenir le secrétaire du secrétaire du Parti (Hoederer), de gagner sa confiance, afin de pouvoir ouvrir la porte à des tueurs professionnels qui « feront l’affaire ». Hugo accepte la mission, mais refuse la dernière phase du plan : il veut tuer Hoederer en personne. Après la bombe anarchiste, le revolver sur ordre du parti. Et une grande part de l’intérêt de la pièce tient dans cette question : Hugo sera-t-il capable passer des mots (« pistolets chargés » à blanc selon Raskolnikoff) au revolver ?
23Dans le cycle des Chemins de la liberté, le personnage central, le professeur de philosophie Mathieu Delarue, homme de pensée et de plume (c’est un « écrivain du dimanche ») emprunte le même chemin que Hugo : des mots, il veut lui aussi passer aux armes, et comme Paul Hilbert, il décide de finir sa vie en tirant sur des hommes, en faisant un carton. En la circonstance, Mathieu tue pour la bonne cause, tire sur de vrais « ennemis », mais qui ne voit le lien étroit entre le geste (positif, héroïque) de ce héros et l’acte démentiel et suicidaire de Paul Hilbert ? Du reste, les dernières réflexions du soldat ne laissent aucun doute sur ses véritables motivations ; Mathieu fait acte de bravoure, se conduit en bon Français lorsqu’il tire sur des Allemands du haut d’un clocher, mais le patriotisme et l’héroïsme entrent pour fort peu dans la fusillade :
Il s’approcha du parapet et se mit à tirer, debout. C’était une énorme revanche ; chaque coup de feu le vengeait d’un ancien scrupule. « Un coup sur Lola que je n’ai pas osé voler, un coup sur Marcelle que j’aurais dû plaquer, un coup sur Odette que je n’ai pas voulu baiser. Celui-ci pour les livres que je n’ai pas osé écrire, celui-là pour les voyages que je me suis refusés, cet autre sur tous les types en bloc, que j’avais envie de détester et que j’ai essayé de comprendre. » Il tirait, les lois volaient en l’air […]. Il tirait sur l’Homme, sur la Vertu, sur le Monde : la Liberté, c’est la Terreur ; le feu brûlait dans la mairie, brûlait dans sa tête : les balles sifflaient, libre comme l’air, le monde sautera, moi avec, il tira45…
24Inutile de commenter. D’évidence, le militant Hugo (qui finit par tuer Hoederer « par hasard »), le soldat Mathieu et le fou Paul Hilbert sont frères. Les bombes, les coups de feu, les mots et les morts ne sont donc pas associés seulement dans l’esprit dérangé d’un anonyme gratte-papier. « Érostrate évoque un petit bourgeois modèle, Paul Hilbert qui tire au hasard sur des passants46. » Sans doute, mais ce court récit ne se borne pas à conter une petite tranche de vie d’un petit employé aux écritures qui perd soudain la tête et projette de faire un carton sanglant sur les passants. Dans Érostrate, un fou en cache un autre, une foule d’autres : Paul Hilbert incarne les maladies honteuses des hommes de lettres ratés, frustrés, haineux, élitistes, misanthropes, mégalomanes et postéromanes47.
Notes de bas de page
1 Sartre J.-P., L’Idiot de la famille. Gustave Flaubert de 1821 à 1857, t. III, Gallimard, 1972, p. 41-43.
2 Sartre J.-P., Carnets de la drôle de guerre [en abrégé : Carnets], Gallimard, 1983, p. 99,100.
3 Flaubert G., Madame Bovary (I, 9), éd. Garnier, 1971, p. 65.
4 Carnets, p. 99-100.
5 Cf. Sartre J.-P., Baudelaire (1963), Gallimard, coll. « Idées », 1979, p. 18, 79-85, et la conclusion (p. 243-245).
6 Sartre J.-P., « De la vocation d’écrivain », 1950, Les écrits de Sartre. Chronologie, bibliographie commentée, Contat M. et Rybalka M. (éd.), Gallimard, 1970, p. 697.
7 Carnets, p. 101-102.
8 La Chambre, dans Œuvres romanesques [en abrégé : OR] Contat M. (éd.), Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1981, p. 242.
9 Ibid., p. 236, 240, 241.
10 Ibid., p. 256.
11 Tel est le verdict de J. Bellemin-Noël qui décèle en Pierre tous les signes cliniques du « psychotique caractérisé » (« La Chambre ou une cellule ? », dans Interlignes 3. Lectures textanalytiques, P.U. du Septentrion, Lille, 1996, p. 142-143, 146).
12 Voir sur ce point Idt G., Le Mur de Jean-Paul Sartre. Techniques et contexte d’une provocation, Larousse, coll. « Thèmes et textes », 1972, p. 37-38, 43-44, 48-49, 71-72, ainsi que l’article de J.-Fr. Louette, « La Chambre de Sartre, ou la folie de Voltaire », dans Traces de Sartre, Ellug, Grenoble, 2009, p. 10-26.
13 « Les fous disent la vérité […] : l’horreur de vivre. » Johanna, dans Les Séquestrés d’Altona, III, sc. 4.
14 « Prière d’insérer », Le Mur, Documents, OR, p. 1807.
15 Sartre J.-P., Saint Genet comédien et martyr, Gallimard, 1952, p. 473-474, 499.
16 L’Idiot, t. III, op. cit., p. 32-33.
17 Érostrate, OR, p. 262.
18 Ibid., p. 267.
19 Ibid., p. 269.
20 « Voilà donc cet homme atteint de mégalomanie, gonflé de haine, brûlant de jalousie, et poussé par un narcissisme de première grandeur puisqu’il ne cherche rien de moins que l’immortalité. Joli cas de paranoïa, c’est indubitable. » Bellemin-Noël J., « Érostrate de Sartre », dans Interlignes. Essais de Textanalyse, PU de Lille, 1988, p. 178.
21 « Peut-être […] faut-il voir dans Paul Hilbert l’anagramme ironique de “Phlaubert”. » IDT G., op. cit., p. 158.
22 Début de la lettre adressée à « cent deux écrivains français », Érostrate, p. 270.
23 Idt G., op. cit., p. 154.
24 Érostrate, p. 272.
25 Ibid., p. 272.
26 Ibid., p. 271.
27 Cf. L’Être et le Néant. Essai d’ontologie phénoménologique, Gallimard, 1943, p. 441-442.
28 Érostrate, p. 271-272.
29 Ibid., p. 264.
30 Breton A., Manifestes du surréalisme, Gallimard, coll. « Idées », 1973, p. 78.
31 « Il faut seulement noter que […] le surréalisme renoue avec les traditions destructrices de l’écrivain-consommateur. Ces jeunes bourgeois turbulents veulent ruiner la culture parce qu’on les a cultivés, leur ennemi principal demeure le philistin de Heine, le Prudhomme de Monnier, le bourgeois de Flaubert, bref leur papa. Mais les violences des années précédentes les ont portés au radicalisme. » Qu’est-ce que la littérature ?, Gallimard, coll. « idées », 1970, p. 219-220.
32 Érostrate, p. 269.
33 Voir Les Mots, (1964), Gallimard, coll. « folio », 1972, p. 154-174.
34 L’expression est de J. Bellemin-Noël qui, méconnaissant totalement l’envergure et la portée critique du personnage (un plumitif qui exhibe les vices cachés des écrivains), ramène la nouvelle au plus bas, au niveau d’une sordide histoire pipi-caca (« Érostrate de Jean-Paul Sartre », art. cit., p. 186-194).
35 Les Mots, éd. cit., p. 151.
36 Nizan P., Aden-Arabie, Avant-propos de Jean-Paul Sartre, éd. Fr. Maspero, 1973, p. 20.
37 Sartre J.-P., « Des rats et des hommes » (Avant-propos au Traître de Gorz A., 1958), dans Situations, IV, Gallimard, 1964, p. 40.
38 Carnets, p. 111.
39 « Longtemps j’ai pris ma plume pour une épée. » Les Mots, éd. cit., p. 212.
40 Qu’est-ce que la littérature ? (1947), op. cit., p. 30-31. Soit dit en passant, le type d’écrivain qui tire « comme un enfant, au hasard, en fermant les yeux et pour le seul plaisir d’entendre les détonations », tous les lecteurs l’ont reconnu.
41 Premier paragraphe de la Préface à Mallarmé (Gallimard, coll. « Poésie », 1966), Situations, IX, Gallimard, 1972, p. 191.
42 Les Mains sales, dans Théâtre complet, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2005, p. 258.
43 Les Mains sales, p. 261-262.
44 Ibid., p. 263.
45 La Mort dans l’âme, OR, p. 1344.
46 Ainsi se trouve résumée la nouvelle dans Le Robert des grands écrivains de langue française, éd. Dictionnaires Le Robert, 2000, p. 1281.
47 Sartre a manifestement beaucoup mis de lui-même dans cette nouvelle. Sur les mobiles secrets, sordides, sanglants et inavouables, qui président au désir d’écrire (et de s’engager), l’écrivain a rarement été aussi condensé et aussi clair. Pourtant Érostrate n’a guère été mise à sa juste place par la critique, apparemment abusée par l’ostensible insignifiance du personnage. C’est ainsi que dans Sartre au miroir. Une lecture psychanalytique de ses écrits biographiques (Klincksieck, 1980), J. Pacaly met L’Enfance d’un chef et La Nausée dans les « écrits biographiques », mais non Érostrate, comme si Sartre ne s’était pas pleinement investi et trahi dans les pulsions, actes et postures de l’obscur bureaucrate.
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