« Un point c’est tout ; trois points, ce n’est pas tout1 » : De la pertinence d’une marque explicite d’implicite
p. 395-409
Texte intégral
1Trois points… une problématique qui pourrait sembler microscopique, sauf à s’apercevoir combien ce signe a des propriétés très complexes, qui offrent matière à réflexion, tant au stylisticien qu’au pragmaticien.
2On notera d’emblée qu’il faudrait préférer « points suspensifs » (voir Littré 1987, Grevisse 2007/1936) à « points de suspension » car si la suspension est une figure, les « points suspensifs » ne font pas toujours la figure de la suspension ; en revanche, on pourra rapprocher les trois points des figures de l’interruption, de la réticence ou de l’aposiopèse.
3En réalité, ces trois points sont un signe unique, et reconnu comme tel ; nous parlerons donc du « trois-points » au singulier.
4Ce trois-points est une marque qui pour être unique, n’en est pas moins complexe : c’est une marque de ponctuation encore relativement peu normée, une marque sur laquelle la littérature est essentiellement descriptive (voir Damourette 1939, Grevisse 2007/1936, Drillon 1991). C’est précisément cette lacune de problématique qui suscite l’intérêt, et invite à se tourner vers des hypothèses explicatives. Nous en avancerons ici quelques-unes, et chercherons à savoir comment ce trois-points – en fait plus essentiellement une variété particulière du trois-points : le trois-points d’« interruption interne intentionnelle » (Le Bozec, 2004), voir infra – s’interprète.
5On constatera tout d’abord que le trois-points est polysémique, dans la mesure où cette marque donne lieu à une variété importante d’effets ; si c’est un signe unique, le trois-points est donc doté d’un composant sémiotique unique, mais qui est sous-déterminé, et qui doit donc être spécifié en co(n)texte.
La polysémie du trois-points : rappels d’une typologie
6La grande variété d’emplois du trois-points se déploie à partir d’un socle sémiotique minimal et sous-déterminé : ce socle peut être défini comme le manque, l’ellipse, la lacune. En fait, le propos est interrompu : nous reprendrons donc la classification de Le Bozec (2004) fondée sur la notion d’interruption, pour qui le trois-points montre qu’un énoncé, ou une partie d’un énoncé, est laissé inachevé, volontairement ou non3.
7Le Bozec (2004) identifie d’abord une interruption externe : celle-ci est due à un phénomène extérieur à l’énonciateur. L’interruption externe se divise elle-même en une interruption dialogique dans laquelle un personnage en interrompt un autre, et une interruption non dialogique où la parole est interrompue par un événement extérieur à l’échange.
8Voici un exemple d’interruption dialogique :
MERCURE
D’un jambon…
SOSIE
L’y voilà !
MERCURE
Que j’allai déterrer,
Je coupai bravement deux tranches succulentes,
Dont je sus fort bien me bourrer […]. (Molière, 1965 : 218)
9Voilà un exemple d’interruption non dialogique :
(2) – Bonjour, brigadier. Comment all…
Nos salamalecs sont interrompus par le timbre électronique de mon téléphone portable : Allô ? (Lakhdar Belaïd, 2000 : 102)
10Un troisième type d’interruption externe – un peu flottant, mais les catégories ne sont pas toujours discrètes – autorisera la transition vers l’interruption interne. Il s’agit de l’interruption narrative ; ce cas relève plus du phénomène de régie, et est comparable à un etc. : en effet, « le propos s’évanouit sans clôture sur un prolongement indéterminé, une réplique reste inachevée pour cause de fin de roman, de rideau qui tombe, ou de pensée que vient recouvrir le récit qui reprend » (Le Bozec, 2004 : 4), voir (3). Le Bozec note comment cette interruption narrative est le plus souvent appelée par le procédé inverse de la contre-interruption, « où la voix surgit de nulle part, continuant un propos déjà engagé dans le silence des mots, sorte de départ in medias res de la réplique » (Le Bozec, 2004 : 4) ; dans ce cas, le trois-points est initiateur du propos, voir (4).
(3) Il dut arriver au domaine par cette allée de sapins qu’il avait suivie jadis, où il avait entendu, vagabond caché dans les basses branches, la conversation mystérieuse des beaux enfants inconnus…
Et c’est ce soir-là, avec des sanglots, qu’il demanda en mariage Mlle de Galais. (Alain-Fournier, 1932 : 274)
(4) … Les plus beaux romans de la vie, – disait-il, quand je m’établis sur mes coussins de canapé, à l’abri des épaules de la comtesse de Damnaglia, – sont des réalités qu’on a touchées du coude, ou même du pied, en passant. (Barbey d’Aurevilly, 1994 : 171)
11Quand l’interruption est le produit de l’énonciateur, on l’appelle interne. Dans le cadre de cette interruption interne, Le Bozec (2004) remarque qu’elle peut, premièrement, être non intentionnelle : c’est l’interruption provoquée par l’émotion, lorsque le locuteur ne trouve pas son mot, dans le cadre dialogique, mais aussi dans le développement monologique, où elle montre la confusion de l’esprit, voir (5). Il est important de noter que cette interruption émotive n’est pas un procédé rhétorique du locuteur pour mettre en scène les marques d’un sentiment, mais bien la traduction par le scripteur d’un trouble signalé comme réel.
(5) – Non, c’est-à-dire… oui. je suis surpris ; cette terre appartenait à un de mes amis. Il y a très longtemps que j’ai quitté Ithaque… à un de mes amis ; vous avez dû entendre parler de lui : Ulysse ! (Giono, 1971 : 65)
12À l’inverse, l’interruption interne peut être intentionnelle, et produire une figure de rhétorique. Le Bozec (2004) la nomme formulative quand le locuteur montre qu’il cherche volontairement son mot : elle mène à la figure de l’épanorthose, ou de la rétroaction, quand le mot est reformulé, voir (6). Il la nomme suggestive quand est laissé au destinataire le soin de compléter le propos : elle correspond alors à la figure de la réticence, par laquelle l’absence du mot/des mots hyperbolise le sens, où le « silence [est] éloquent » pour reprendre le mot de Marouzeau (1950 : 1), le « non-dit explicite, expressif » (Catach, 1994 : 63), voir (7).
(6) La chose la plus… comment dirais-je ?… la plus paradoxale… oui… c’est le mot… la chose la plus paradoxale, c’est qu’un tas de gens qui manquent complètement d’instruction parlent ces différentes langues. vous entendez ? Qu’est-ce que j’ai dit ? (Ionesco, 1992 : 135)
(7) Là-bas, en France, rappelez-vous… nous n’avions qu’une seule âme… une âme qui ne vivait que de rêves d’avenir… ET SI, MAINTENANT, PAR FAIBLESSE… ne voyez vous pas que je m’abaisserais encore à vos yeux. que je me déshonorerais… (Bisson, La Châtelaine de Shenstone, III, II., cité par Damourette, 1939 : 90)
13L’interruption interne intentionnelle fait figure, elle est rhétorique, quand les autres variétés d’interruption n’engagent pas le désir du locuteur d’orner son discours, et ne sont que des procédés de régie. Nous nous intéressons à l’aspect intentionnel de la communication, et au trois-points qui y ressort. Pour expliquer ce phénomène de « silence éloquent », il nous semble indiqué de convoquer une théorie de l’implicite et de la communication intentionnelle.
La pertinence du trois-points
14Pour Sperber & Wilson (1986/1995), auteurs de la théorie de la pertinence, la communication est régie par des principes d’économie ; notre hypothèse sera que le trois-points d’interruption interne intentionnelle s’explique, au moins en partie, par l’exploitation de ces principes. Sperber & Wilson partent d’un constat fondamental, celui de la sous-spécification générale du code linguistique : il y a davantage dans le sens compris que dans le code linguistique. Le destinataire d’un énoncé doit, pour construire un sens complet à partir d’un énoncé, lever les ambiguïtés, attribuer des référents aux expressions, ajouter des composants de sens comme les présuppositions et les implications logiques. Mais surtout, il doit enrichir, par raisonnement à partir du contenu littéral et des informations contextuelles dont il dispose, le contenu ainsi obtenu pour trouver les informations que le locuteur est susceptible d’avoir souhaité communiquer par cet énoncé dans ce contexte. Ainsi, pour prendre un exemple simple, l’énoncé J’ai mangé, s’il est proféré en réponse à une invitation à déjeuner, sera enrichi en paliers successifs : le locuteur a mangé récemment, le locuteur n’a pas faim, le locuteur décline l’invitation à déjeuner. Les contenus dérivés en dernier lieu sont donc des implicitations, ou implicatures, plus ou moins au sens où l’entend Grice (1957), et elles suppléent à ce que l’énoncé ne dit pas en permettant de faire une hypothèse au sujet de ce que le locuteur cherche à communiquer, mais qu’il a laissé en quelque sorte en suspens. Le raisonnement que proposent Sperber et Wilson est rapide et efficace, mais il est risqué, contrairement aux modèles logiques formels habituels, par exemple ceux de la sémantique du discours. Pour Sperber & Wilson, l’interlocuteur sélectionne avec un certain risque une ou des prémisse(s) contextuelle(s), à savoir des informations venues du contexte, qui, combinées avec le contenu explicite de l’énoncé lui-même dans un raisonnement, sont susceptibles de lui faire découvrir, comme conclusion, le contenu implicité par le locuteur. Comme la sélection des prémisses contextuelles peut être erronée, il s’ensuit que la conclusion peut l’être aussi. Sperber & Wilson ajoutent que le processus de compréhension revient à formuler une hypothèse au sujet de l’intention que le locuteur avait de rendre manifeste à son destinataire un contenu particulier. Ainsi, pour Sperber & Wilson, la communication est avant tout une affaire d’hypothèses formulables au sujet d’intentions, de « vouloir-dire ». Dans ce modèle, le code n’étant qu’un indice, même s’il est riche, beaucoup de la part interprétative revient à l’inférence, raisonnement spontané et non conscient qui s’opère en présence d’un stimulus communicationnel.
15L’intérêt du trois-points que nous étudions, à cet égard, c’est qu’il invite à un enrichissement pragmatique à partir d’un indice minimal : il se borne à représenter le fait qu’il y a quelque chose d’intentionnellement laissé à la spéculation du destinataire.
16Pour Sperber et Wilson, le processus de compréhension – donc d’enrichissement – est guidé par la recherche d’un équilibre qu’ils appellent la pertinence. Cet équilibre concerne l’effort consenti pour interpréter un stimulus et l’effort, ou l’ensemble d’effets, qui sont obtenus : tant que je n’ai pas atteint un effet que je ressens comme suffisant, je continue mon travail interprétatif. Par effet, il faut entendre quelque chose d’informationnel : l’émergence en particulier d’une ou de plusieurs nouvelle(s) information(s) ; l’effort, de plus, est susceptible de gradation, comme l’effort : un effet sera d’autant plus grand qu’il modifiera en profondeur l’environnement cognitif du destinataire. Autrement dit, il y a des informations plus cruciales que d’autres, et seront plus cruciales celles qui entraînent plus de modifications dans les hypothèses que le destinataire entretenait jusque là. De son côté, le locuteur, par les hypothèses qu’il peut faire au sujet des capacités de contextualisation de son destinataire, exploite sa capacité à découvrir des contenus non explicitement verbalisés, et incite le destinataire, par le fait d’actes de communication, à tirer davantage de son énoncé, si c’est possible, que ne donne le contenu littéral ou explicite. Or il est constitutif de tout acte de communication ostensive, c’est-à-dire exhibé comme tel – et le trois-points d’interruption interne intentionnelle (désormais d’III) participe bien entendu d’une communication ostensive d’un contenu laissé non verbalisé –, que le locuteur présume de la pertinence de ce qu’il communique à l’aide de l’énoncé qu’il produit. Autrement dit, si un locuteur, en l’occurrence scripteur, indique un trois-points, une conséquence de la théorie de la pertinence est que cette indication est intentionnelle et qu’elle doit donc servir de déclencheur pour un travail de construction de sens. C’est ce que nous nous proposons de regarder de plus près.
17Dans le cas du trois-points d’III, la théorie de la pertinence conduirait naturellement à penser, donc, qu’il s’agit d’une marque ostensive, associée à un contenu sémantique ou sémiotique minimal, marque qui doit être interprétée relativement à un contexte. L’hypothèse la plus naturelle serait, dans ce cadre, que le trois point soit une marque ostensive d’implicite, c’est-à-dire une marque qui signale explicitement qu’il y a des inférences à tirer. C’est l’hypothèse que nous ferons. Mais toute la complexité du trois-points d’III réside dans le fait, facilement observable, qu’il peut servir parfois non pas à communiquer un contenu implicite, mais à déclencher un travail d’inférence à un tout autre niveau. Ce sont ces aspects que nous allons aborder maintenant.
Analyse de quelques phénomènes
18Le trois-points d’III est, comme noté précédemment, une marque explicite d’implicite qui invite le destinataire à inférer un contenu informationnel et, parallèlement, communique le choix de l’énonciateur de ne pas donner ce contenu explicitement. Nous nous interrogerons ici sur l’aspect restituable du contenu informationnel. Dans notre analyse, nous étudierons d’abord les cas où un contenu est évidemment restituable, et continuerons jusqu’aux cas où aucun contenu ne semble restituable.
19Le premier cas étudié est celui que nous avons appelé la « liste ouverte » ; on pourrait dans ces cas-là trouver un etc., voir (8) & (9).
(8) D’abord, il aurait peur. Il s’attendrait à des paroles désagréables, à des moqueries. Mais au contraire : je serais douce, câline, j’aurais l’air de le prendre au sérieux… (Nimier, 1996 : 231)
(9) – Un succès fou, des fleurs, des gens charmants, des lumières. (ibid. : 237)
20Le destinataire pourrait certainement compléter l’énumération sans peine, ou, quand bien même il ne le pourrait pas, le trois-points montre que la liste n’est pas fermée, que d’autres éléments la complètent, mais qu’il n’est pas pertinent de continuer l’énumération, de verbaliser ces autres éléments, car ce qui suit sera du même ordre, du même acabit, et n’apportera pas de réelle information nouvelle, d’où une déperdition d’effet face à l’effort d’ajout. En d’autres termes, ajouter de nouveaux éléments à la liste jusqu’à l’exhaustivité ne ferait que produire de l’effort de traitement de l’information sans ajouter d’effet, rendant ainsi ces ajouts peu pertinents, peu pertinents, voire non pertinents. Non qu’ajouter de l’information serait effectivement ou réellement sans aucun effet, mais, dirons-nous, c’est ce que communique en ce cas le trois-points d’III, tout en signalant l’existence d’autres éléments.
21Quand le trois-points sert de « joker » (Drillon 1991 : 416), voir (10), son effet est similaire à celui de la liste ouverte : en (10), on se doute bien de ce qui suit le « moi je », le trois-points indique qu’il est suivi d’un paradigme de différents éléments, mais dont la spécification n’est pas pertinente, et la marque de ponctuation concentre l’attention sur ce qui est réellement pertinent, intéressant : le « moi je » répété.
(10) À peine vous ont-ils quittée, ils n’hésitent pas, ils s’étalent sur le dos et ils disent : « Moi je… (ibid. : 232)
22On trouve peut-être en (11) le trois-points d’III suggestive à proprement parler, ou tout au moins le cas le plus intéressant ; il s’agit de ce que Drillon nomme tout simplement le « sous-entendu » (1991 : 406).
(11) Fallait bien qu’elles s’occupent, les poupées, et puis l’infirmière, c’est comme une autre femme, ça sait reconnaître. N’empêche. Ce sera la chouette vie. » (ibid. : 168)
23Il manque en (11) un argument du verbe transitif reconnaître ; le contenu propositionnel est restituable contextuellement comme dans les cas précédents mais le trois-points ne tient plus le même discours. Dans ce cas, « les points de suspensions tiennent en suspens ce qui ne doit pas être dit explicitement » (Bachelard, 1993 : 47). On a ici affaire à la figure de la réticence, « où l’on s’interrompt volontairement, [qui] est une pause expressive, dont le silence est amplifié par ce qu’on pourrait attendre à la place » (Dupriez, 1984 : 336), qui consiste selon Fontanier « à s’interrompre et à s’arrêter tout à coup dans le cours d’une phrase, pour faire entendre par le peu qu’on a dit, et avec le secours des circonstances, ce qu’on affecte de supprimer, et même beaucoup au-delà [c’est ce beaucoup au-delà qui va nous intéresser, voir aussi l’« au-delà des mots » dont parle Marouzeau, 1950 : 1]. Combien cette figure, employée à-propos, l’emporte sur tout ce que la parole pourrait avoir de plus éloquent ! En faisant naître les pensées en foule dans l’esprit, elle affecte le cœur d’une manière vive et profonde » (1977 : 135), voir aussi (12) & (13).
(12) Avec votre nez retroussé, vous ne serez jamais malheureuse, vous… (ibid. : 232)
(13) […] si profond désespoir que tout à coup mon père, abandonnant cette réserve, cette distance qu’il montre toujours ici à mon égard, me serre dans ses bras plus fort qu’il ne m’avait jamais serrée, même autrefois. il sort son mouchoir, il essuie avec une maladresse tendre, comme tremblante, mes larmes, et il me semble voir des larmes dans ses yeux. (Sarraute, 1996 : 1053)
24Nous avons postulé que le trois-points d’III est une marque ostensive de non-dit, une marque explicite d’implicite qui invite donc le destinataire à inférer un contenu informationnel, et qui communique en même temps le choix du locuteur de ne pas donner ce contenu explicitement. Ce trois-points a donc également une valeur illocutoire, qui invite le destinataire à tirer des inférences au sujet de l’attitude que l’énonciateur adopte vis-à-vis de ce contenu laissé à l’interprétation du destinataire. Cette attitude est modale au sens large. Le trois-points d’III exhibe que le locuteur se décharge, comme dans les autres cas de communication implicite, du contenu inférable, et conduit à son tour à saisir d’autres attitudes qui en découlent : hésitation, réserve, pudeur, etc., son « silence [est] éloquent ».
25Le trois-points d’III donne l’instruction qu’un manque est à combler, et si ce manque peut être comblé, le destinataire se pose la question des motivations de ce « blanc ». Que montre le trois-points ? Et pourquoi cette hésitation quand le manque est comblé par locuteur lui-même ? Dans ce cas le trois-points montre toujours l’attitude du locuteur, Damourette (1939 : 91-93) en donne une liste quasi exhaustive : le trois-points peut marquer le « mensonge », le « peu de conviction », l’« allégresse », la « tristesse », le « sarcasme », la « timidité », etc.
26Cependant, le « manque » n’est pas nécessairement propositionnel : quand le trois-points d’III est dépourvu d’une implicature récupérable, seule l’attitude (au sens large d’état mental, d’émotion, …) du locuteur est récupérée – voir comment (13) semble un cas limite entre récupération possible d’un contenu propositionnel et non récupération.
27Il est en effet des cas où aucune forme propositionnelle développée ne vient compléter le silence du trois-points, et c’est probablement, en fait, le cas le plus courant, voir (14).
(14) La maison est située dans un vaste parc sans pelouses, jonché d’aiguilles de pin, planté de grands arbres sombres. Dans la salle à manger vient s’asseoir à notre table un homme au visage bouffi [.] (ibid.)
28Ce genre d’exemples montre que probablement l’effet central du trois-points d’III est de dire que l’on ne peut ou que l’on ne veut pas dire, et d’en faire inférer une attitude, une émotion qui serait trop coûteuse ou impossible à communiquer par une forme propositionnelle explicite et développée. Les émotions, ou les attitudes quelles qu’elles soient, sont particulièrement difficiles à décrire dans une forme propositionnelle développée, le trois-points d’III est ainsi justifié puisqu’il est générateur d’un effet qui aurait été obtenu à de bien plus grands coûts par une verbalisation longue et fastidieuse.
29Tous ces contenus non-dits, qu’ils soient propositionnels ou non, ont un certain nombre de propriétés avec lesquelles joue le trois-points. Premièrement, étant non-dit, le contenu implicite est laissé à la charge interprétative du destinataire, et le locuteur-scripteur montre justement que quelque chose est laissé à la charge interprétative du destinataire en posant graphiquement un trois-points, dans la bouche d’un personnage par exemple. Mais ce qui est plus intéressant ou moins trivial, c’est qu’un contenu non-dit, implicite, n’est pas astreint à une équivalence avec une forme explicite de substitution : un contenu implicite n’est pas forcément le tenant lieu, le suppléant, d’une forme explicite développée et complète qui serait à disposition du destinataire.
30Ceci constitue d’ailleurs un aspect de la communication verbale, et des figures par exemple, qui a aussi été exploité par Sperber & Wilson (1989/1995, 2006), au sujet de la métaphore. Le propos de ces auteurs consiste à dire, entre autres, que la métaphore n’est pas une question de substitution, mais bien de fabrication d’inférences qui n’auraient pas pu être générées autrement que grâce au procédé métaphorique. En d’autres termes, loin de la tradition, notamment aristotélicienne, qui voudrait que la métaphore soit un substitut imagé, la pragmatique cognitive de la théorie de la pertinence suggère que la métaphore est en fait intraduisible, car aucune autre formulation ne pouvait produire les mêmes effets avec l’élégance d’une telle économie mentale, d’où le frappant d’une métaphore et sa richesse. L’effet peut être assez proche lorsqu’on rencontre un trois-points qui demande au destinataire d’inférer les raisons pour lesquelles le contenu est laissé non-dit, contenu qui peut d’ailleurs ne pas être récupérable du tout. Autrement dit, c’est pour ces raisons de propriétés de non équivalence, de non asservissement à un contenu explicite de substitution, que le trois-points va nous permettre de construire une représentation de l’état mental qui a conduit au positionnement de cette marque. Nous irions volontiers jusqu’à suggérer que par nature, un contenu implicite est potentiellement plus riche, comme dans le cas de la métaphore par exemple, ou plus fin, qu’une structure verbalisable en une proposition pleinement développée (il suffit de se pencher sur la différence entre un énoncé au style indirect libre, où l’attitude du personnage relativement à son dire est implicite, et le même énoncé au discours indirect, où l’attitude du personnage est explicitée). En ce sens, le trois-points d’III répond à des objectifs de communication qui le rapprochent des autres moyens linguistiques de s’affranchir des contraintes purement codiques, tout comme les figures en général. En somme, le trois-points d’III ne dit rien, si ce n’est que ce qu’il ne dit pas, ou que le fait de ne pas dire, est hautement pertinent.
31En tant que marque explicite d’implicite, le trois-points d’III joue à la fois sur le niveau implicite et explicite de la communication. Tout d’abord, il explicite qu’il se substitue à un contenu non explicitable en les circonstances (parfois, à un contenu implicite récupérable dans le co(n)texte). Dans certains cas, voir (7) repris en (15), on complète l’ellipse facilement, et cette partie de contenu n’est pas un contenu « indépendant » implicite, c’est un contenu sur lequel le locuteur semble s’engager, donc qui ferait partie du niveau explicite de la communication.
(15) Là-bas, en France, rappelez-vous… nous n’avions qu’une seule âme… une âme qui ne vivait que de rêves d’avenir… ET SI, MAINTENANT, PAR FAIBLESSE… ne voyez vous pas que je m’abaisserais encore à vos yeux. que je me déshonorerais… (Bisson, La Châtelaine de Shenstone, III, II., cité par Damourette, 1939)
32En effet, si l’ellipse est facilement comblable, et si ce fait est manifeste, alors la prise de risque interprétatif est très faible, et, corollairement, la possibilité du locuteur de se rétracter sur le contenu se réduit jusqu’à pratiquement disparaître. Comme la rétractabilité, ou, à l’inverse, la question de l’engagement du locuteur sur les contenus qu’il communique, est admise comme l’un des critères cruciaux pour la distinction entre ce qui est explicite et ce qui est implicite, on voit que le trois-points d’III questionne, précisément, cette frontière. Et, par-delà ce questionnement, s’ouvre également celui de ce que la recherche actuelle nomme l’interface sémantique-pragmatique. Mais cela convoquerait une autre discussion.
Niveau du locuteur, niveau du régisseur
33Jusqu’ici, nous avons envisagé le trois-points comme la marque directe, pure, de l’interruption ; nous avons présupposé l’équivalence entre la formulation orale et la marque graphique. Dorénavant, nous distinguerons clairement le processus énonciatif de celui qui parle, et sa mise en texte par un régisseur4 de l’énonciation.
34Nous poserons donc deux niveaux d’analyse, que nous pouvons nommer niveau du locuteur et niveau du régisseur. D’emblée, nous notons que la communication d’une intention peut s’effectuer à ces deux niveaux, séparément, ou ensemble : ainsi le trois-points, comme marque explicite d’implicite, peut aussi bien exprimer une suspension du discours du locuteur (par exemple l’interruption interne intentionnelle, voir supra), qu’un processus de régie (interruption ou suspension pour un autre motif, comme par exemple l’ébauche d’un métadiscours sur le personnage) émanant de l’auteur ou du narrateur, qu’une combinaison de deux.
35Nous emprunterons notre premier exemple au genre dramatique :
(16) Sosie.
Ciel ! Me faut-il ainsi renoncer à moi-même,
Et par un imposteur me voir voler mon nom ?
Que son bonheur est extrême
De ce que je suis poltron !
Sans cela, par la mort… !
Mercure.
Entre tes dents, je pense,
Tu murmures je ne sais quoi ? (Molière, 1965 : 215)
36En (16), le trois-points ne traduit pas une interruption externe, car Mercure ne coupe pas la parole à Sosie, ni même une réelle interruption interne intentionnelle, car le propos de ce dernier ne s’interrompt pas, ne se met pas en suspension, ne fait pas figure. Au contraire, il meurt doucement, comme le confirme le commentaire de Mercure (« Entre tes dents […]/Tu murmures… »).
37Le trois-points sera donc dans ce cas la marque graphique d’un jeu de scène du comédien interprétant Sosie, qui laissera entendre ce grommellement dont Mercure lui fait reproche. Pas de véritable ellipse donc, tout au plus un propos bien existant mais inaudible. Car le trois-points est la marque de cet inaudible, effacement du sens plus qu’ellipse du texte, qu’indique indubitablement l’auteur.
38Défini au travers de cette finalité, le trois-points relève des didascalies : didascalie interne si l’on considère qu’il appartient encore au texte dont le comédien fait entendre la performance sonore par le moyen de son confus ronchonnement, didascalie externe si l’on considère l’extrême liberté de contenu que la marque graphique laisse à la profération.
39Cependant, comme didascalie, il n’est déjà plus le fait du personnage, mais bien une marque de l’intention directionnelle affirmée par l’auteur (son rôle de régisseur), métadiscours ordonnant la manière dont le texte doit être interprété.
40On pourra comparer cet emploi à l’usage du point d’exclamation. Marque de la modalité exclamative – modalité la plus communément mise en doute par la grammaire – le point d’exclamation indique au comédien la mélodie sur laquelle le texte doit être déclamé, et éventuellement, suggère qu’une gestuelle puisse en accompagner la diction. Remarquons combien la ponctuation est une didascalie économique, quantitativement plus sobre – mais tout aussi efficace5 – qu’un long métadiscours externe.
41On peut opérer une analyse parallèle de l’usage du trois-points dans la prose narrative. C’est le cas du propos rapporté, où se superposent au moins deux énonciations, celle du personnage et celle du régisseur. L’exemple (17) viendra illustrer le chevauchement des voix.
(17) [Sainte-Anne parle] – Un succès fou, des fleurs, des gens charmants, des lumières…[a] Il fallait venir. Le concert surtout a emballé le colonel de Fermendidier. Il est sorti en grommelant : « Brouf, brouf, belle musique, belle musique…[b] Plein les oreilles. » (Nimier, 1996 : 237)
42L’occurrence (a) appartient aux propos de Sainte-Anne, rapportés au style direct. Il illustre de façon classique une interruption intentionnelle, achevant une énumération dont le locuteur laisse entendre qu’elle pourrait se prolonger par des exemples supplémentaires. En revanche, on reconnaît, dans l’occurrence (b), les propos de Fermendidier rapportés par Sainte-Anne (mise en abîme d’un style direct), où brille le style constitutif du colonel, qui aboie plus qu’il ne parle : l’occurrence (b) ne traduit donc pas véritablement un discours manquant (voir redoublement de « belle musique »), mais bien l’ellipse d’un commentaire du colonel. Ce trois-points n’est pas, au demeurant, dénué d’ironie : est-ce l’expression originale de Fermendidier, ou un rajout de Sainte-Anne ? Plutôt le soulignement par Sainte-Anne de l’humour particulier de Fermendidier.
43Etudions ensuite un exemple particulièrement complexe, car il construit un système énonciatif réparti sur trois niveaux :
(18) [Fermendidier parle] O’Reish lance une proclamation. Très mauvais goût. Appels à la révolte. Laisse évidemment une situation impossible. Essaie de sauver la face : « Mes camarades de combat… Après la guerre, cette autre guerre qui s’appelle la paix… Mainteneurs de l’idée française… Ambassadeurs de la civilisation… Chevaliers du droit… Reste à vos côtés de cœur et d’esprit… Vous dis pas adieu mais au revoir. (ibid. : 183)
44Le narrateur (le premier niveau) passe la parole au Colonel de Fermendidier (le second niveau), dont le style se caractérise par une sécheresse militaire, notamment exprimée par l’absence des pronoms personnels et par les phrases nominales brèves. Mais à l’intérieur de ce monologue intérieur tenu par Fermendidier, ce dernier cherche à reproduire, de façon moqueuse, la déclaration d’O’Reish (troisième niveau) : pour ce faire, il n’en garde que les mots-clés.
45Le trois-points ne marque donc pas les interruptions de troisième niveau qui seraient le fait de l’énonciateur O’Reish, mais au contraire, il signifie le travail du narrateur de second niveau, Fermendidier, qui rapporte à ce deuxième niveau les propos du personnage situés au troisième niveau : tout en utilisant le style direct, il tronque ces propos afin de les caricaturer et d’en souligner la sécheresse par son propre style, tant du ton que du contenu.
46D’une certaine façon, ces trois-points ne sont pas loin du trois-points entre crochets, signalant l’ellipse de propos dont on peut faire l’économie tout en signalant l’existence.
47Ces exemples montrent la dissociation entre la marque graphique du trois-points et la fonction interprétative qu’on lui associe, puisqu’il ne peut y avoir de lecture univoque de cette ponctuation. C’est pourquoi trois-points et interruption ne sont pas la même chose : si l’interruption est un acte oral, le trois-points est une marque écrite qui ne pose pas d’équivalence totale et systématique avec l’acte pragmatique. Il y a transcription, traduction donc adaptation.
48Les exemples mettent en évidence l’autonomie graphique du signe, comme une marque spécifique d’une stylistique de l’écrit. Or, lorsqu’on recompose un non-dit, se pose un problème de psychologie ; et dans le roman, la norme n’est pas la psychologie humaine (le véritable), mais une psychologie probablement romanesque (le vraisemblable de la mimèsis). Le trois-points appartenant au code écrit, son interprétation s’inscrit donc avant tout dans cette psychologie romanesque, qui n’a qu’une relation d’équivalence (et non d’égalité) avec la psychologie humaine. Ainsi, dans l’exemple (18) le discours de Fermendidier n’est pas la reproduction d’un discours réel : bien au contraire, il élabore un code autonome, vraisemblable mais non véritable (peut-on croire que quelqu’un parle vraiment ainsi, en dehors des pensionnaires d’un hôpital psychiatrique ? !), construit autour de marques signifiantes mais convenues : ainsi l’absence des pronoms personnels, les phrases nominales, les trois-points, etc. ne copient pas, mais miment, c’est-à-dire signifient, en les en extrayant, les aspects les plus significatifs, les plus parlants, qui constitueront la spécificité du discours de Fermendidier.
49Plus loin encore, l’autonomie stylistique du trois-points peut le mener à un statut de pure marque visuelle. Il perd alors toute équivalence orale et devient une marque de reconnaissance stylistique de l’auteur. Cette fonction de repérage par le regard s’illustre particulièrement chez Céline6, voir (19), où le trois-points sature le texte :
(19) Il a bien fallu que je me mette donc moi à en inventer des trucs pour m’en débarrasser de son amour comme elle disait… C’est de là que l’idée m’est venue de lui faire peur en lui racontant comme ça que je devenais un peu fou de temps à autre… Que ça me prenait par crise… Sans avertir… Elle m’a regardé de travers, d’un drôle d’œil… Elle savait pas trop si c’était pas encore un bobard… (Céline, 2000 : 56)
50S’il y a ici un effet pragmatique lié au trois-points, il ne concernera donc plus seulement un paramètre informationnel ou une inférence sur la motivation émotionnelle de l’interruption, mais aussi, au niveau du discours en jeu entre l’auteur et son destinataire, la reconnaissance recherchée par l’auteur de son statut, à travers la récurrence de ce tic littéraire.
51Comme nous avons essayé de le montrer, le trois-points d’III demande avant tout à être enrichi pragmatiquement, mais ceci n’est qu’une entrée en matière sur le trois-points du point de vue de son traitement pragmatique. Ce que l’on peut déjà noter à ce stade, en considérant la prise de risque interprétative réalisée par le destinataire au contact de ce signe, c’est d’abord que le trois-points donne lieu à une tentative, si le co(n)texte l’autorise, de récupération d’un contenu implicite pertinent, c’est-à-dire qui va valoir la peine, en quelque sorte, de dépenser l’effort mental de reconstruction du contenu laissé en suspens. Cette récupération d’un contenu implicite pertinent a un caractère risqué, spéculatif : le destinataire n’est jamais sûr d’avoir reconstruit le bon contenu, il applique cette heuristique à risque car il doit raisonner avec des prémisses dont il ne peut être certain que ce sont les bonnes, comme dans toute opération de construction de contenus implicites, par nature hypothétique.
52Ce premier aspect du trois-points n’est pas forcément l’aspect le plus important, central ou subtil. Le second aspect, probablement à creuser davantage, en tout cas le plus fascinant, est l’effet qui donne lieu, d’ailleurs peut-être même toujours, à l’attribution par le destinataire au locuteur d’une attitude ou d’une émotion directement liée à l’interruption elle-même, pour le moins quand elle est intentionnelle (mais cela concernerait aussi certains cas d’interruption non intentionnelle). Le risque interprétatif, alors, ne concerne pas le processus de déduction qui ferait intervenir une prémisse peu sûre, mais est lié à la capacité humaine en général, et du destinataire dans les circonstances, à attribuer en dehors de schémas de raisonnement, les bons états mentaux, sur la base d’indices co(n) textuels, à l’énonciateur, respectivement à l’auteur-narrateur. Une part importante de la recherche en pragmatique met en lien, précisément, l’aptitude interprétative humaine et la capacité, naturalisée dans une large mesure, à attribuer spontanément, souvent de manière efficace mais avec une prise de risque certaine, des états mentaux à autrui, capacité empathique que la littérature sur la théorie de l’esprit préfère qualifier de métareprésentationnelle7. La citation de Balzac en exergue de cet article rend compte du risque interprétatif intrinsèquement lié au trois-points d’III : ces « points [sont] prodigués dans les passages dangereux, comme des planches offertes à l’imagination du lecteur pour lui faire franchir les abîmes » : le destinataire-lecteur ne peut être sûr de réaliser les bonnes inférences, mais l’énonciateur-scripteur doit également prendre le risque de n’expliciter qu’une marque qui ne dit rien, qui ne donne qu’une instruction d’inférences à tirer, concernant un contenu implicite et/ou une attitude. Ces planches offertes à l’imagination du lecteur ne sont donc bien que des planches au-dessus de l’abîme.
Notes de bas de page
1 Claudel P., Lettres à Albert Chapon, 24 nov. 1906, cité par Grevisse M. (2007) et Catach N.
3 Laurence Bougault nous fait justement remarquer que cette définition en termes de « moins-value » suppose en relief une « plus-value » : s’il y a manque, ce n’est qu’un manque à combler (communication personnelle).
4 Nous parlons de régisseur, car il ne s’agit pas de narrateur, la parole étant au personnage locuteur, et que le terme d’auteur est trop vague pour désigner cette fonction spécifique de l’organisateur du texte.
5 Nous n’analysons pas ici le trois-points en diachronie, contraint par les limites de l’article, tout en ayant cependant conscience que l’évolution de la ponctuation au cours des siècles laisse supposer un usage évolutif des signes. Nous laissons avec bonheur la porte ouverte à un prolongement de cette étude. Remarquons toutefois que le trois-points, qu’il soit le fait de l’auteur ou l’artefact de l’éditeur moderne, échappe de toute façon au personnage.
6 On pense également à N. Sarraute.
7 Baron-Bohen S. (1995), Happé F. & Loth E. (2002), Origgi L. & Sperber D. (2000), Sperber D. & Wilson D. (2002), parmi tant d’autres.
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