Préface
p. 9-16
Texte intégral
1Quiconque entreprend des recherches en littérature coloniale et postcoloniale (ce dernier terme est voué à être remplacé dans les pages suivantes) est pris d’une sorte de vertige face à l’infinie richesse du domaine, et les études critiques qui en découlent, à l’image de cette diversité, sont tout aussi vertigineuses. Que les points de vue se recoupent, se contredisent, s’annulent ou divergent, importe peu ; c’est même plutôt un fait heureux pour un chercheur soucieux de comprendre le fonctionnement du monde dans lequel il vit : la variété des opinions est à l’image de la complexité du monde dans lequel nous vivons, et le signe d’un perpétuel renouvellement, d’une remise en question profonde et stimulante de nos acquis littéraires et de l’histoire du monde. Elles font partie d’un processus inévitable et sont la promesse de la vivacité des débats.
2Les études anglo-indiennes et indo-anglaises sont de plus en plus pluri- et interdisciplinaires. Situées au carrefour de l’histoire, de la littérature, de la politique, de la sociologie, de l’économie, de la philosophie, des sciences exactes ou dures, ces études croisent des disciplines différentes lesquelles, chacune, à sa façon, éclaire le chemin parcouru par les représentants de la littérature anglo-indienne et celle de la littérature indienne de langue anglaise. Or, il apparaît que si la plupart des champs d’investigation précédemment cités sont régulièrement abordés, ils le sont de façon isolée. Chaque spécialiste a tendance à rester prisonnier de son propre secteur de connaissance, et hésite avant de s’aventurer sur le terrain d’un autre chercheur. Mêler des disciplines, en apparence opposées, demeure une pratique rare. Cela dit, certains chercheurs, comme le montre la variété des sources à l’origine de ce travail, ont reconnu la nécessité d’incorporer les réflexions issues d’autres disciplines. La présente étude a pour but de réconcilier, du moins de rapprocher deux d’entre elles : biologie et culture et plus précisément biologie et littérature. Sortir du champ habituel de sa discipline peut, sinon en redéfinir certains contours, du moins peut permettre de poser les questions autrement. Dans ses Écrits sur le théâtre, Bertolt Brecht, au cours d’un chapitre intitulé « La science », interrogeait la pertinence du lien entre art et science et déclarait que les deux sont « essentiels à ce que nous considérons comme humain » (p. 543). C’est la base épistémologique que je vais également défendre dans cette étude. Ainsi, il m’est apparu que la biologie, aussi surprenant que cela puisse paraître au premier abord pour certains esprits, avait une place à se faire dans l’éventail des approches critiques des littératures anglo-indienne et indo-anglaise pendant et après l’ère coloniale, et cela à plus d’un titre.
3La biologie, comme champ d’investigation, sera appliquée à la littérature romanesque anglo-indienne et indo-anglaise dans une perspective transcontinentale, c’est-à-dire dans un mouvement de va-et-vient entre deux types d’écriture que tout oppose mais qui, en même temps, se rejoignent sur certains points. Ce choix s’est imposé à partir du constat que la biologie était à la base de presque toutes, sinon toutes, les questions liées à la colonisation, ou plus généralement, on peut considérer, comme le fait Claude Lafon, que « Toute son histoire montre qu’elle a toujours été au cœur de grandes controverses alimentant le débat d’idées dans la société. Elle a dramatiquement marqué l’histoire […]. » (Idées reçues en biologie, p. 5). Elle a certes marqué l’Histoire et continue de le faire pour le meilleur et trop souvent aussi pour le pire. On ne peut se passer de ses discours dans l’histoire de l’humanité, à fortiori dans l’histoire coloniale. Michel Foucault ne m’aurait pas contredite sur ce point. Sans faire du colonialisme la thématique de son travail, le philosophe nous renvoie néanmoins à la notion de « bio-pouvoir » dans Histoire de la sexualité 1 – La Volonté de savoir (p. 184) et de « la pression du biologique sur l’historique » (ibid., p. 186) démontrant ainsi que « le biologique se réfléchit dans le politique » (ibid., p. 187).
4Nous verrons comment, dans les discours coloniaux et postcoloniaux (au sens que j’en donne plus loin), la biologie a été utilisée et interprétée à des fins contestables, pour « prouver » que des peuples étaient inférieurs aux autres sur des bases anthropologiques scientifiques douteuses : couleur de la peau, pureté du sang et morphologie entre autres critères. Ces idées sont nées dans ce que le sociologue Edgar Morin appelle les « sociétés historiques » (Culture et barbarie européennes, p. 10) c’est-à-dire ces sociétés créatrices des développements tels que nous les connaissons aujourd’hui dans les domaines politiques, culturels, commerciaux, religieux et techniques, dont l’Occident fait bien évidemment parti.
[…] c’est dans les sociétés historiques que l’on voit apparaître les traits d’une barbarie liée au pouvoir d’État et à la démesure démentielle, à l’hybris. […] il se produit […] un véritable déchaînement de conquêtes qui va au-delà du seul besoin vital et se manifeste par des massacres, des destructions systématiques, des pillages, des viols, de l’esclavage. Il y a donc une barbarie qui prend forme et se déchaîne avec la civilisation. (ibid.., p. 10-11)
5La proposition civilisation = barbarie est une équation difficile à admettre, un oxymore que la plupart des Occidentaux sont peu enclins à croire. L’Histoire du monde regorge pourtant d’exemples. Les pays ayant atteint un niveau de civilisation soi-disant très développé sont aussi à l’origine des pires atrocités commises sur des êtres humains. Les notions d’infériorité et de supériorité, d’oppression et de servitude sont nées au sein même de ces civilisations. Le but du présent ouvrage, à partir de cet état de fait, ne consiste pas à reprendre un à un les exemples historiques, mais à tenter de comprendre la mécanique de cette équation. La façon dont se sont propagées les certitudes d’un Occident supérieur aux autres parties du monde, et plus particulièrement comment elles ont abouti à la formation d’un certain type de discours susceptible de galvaniser des générations entières pendant les périodes coloniale et postcoloniale de l’empire britannique, sont les lignes directrices de la démonstration. Il sera ainsi question de discours mais surtout de leur manipulation, de leur fabrication, de leur relation et de leur mise en scène en littérature dont la finalité correspond aux exigences d’une époque donnée.
6Au fur et à mesure de mes lectures, il m’est apparu qu’un sens métaphorique pouvait se superposer au sens littéral du mot « biologie », et donner lieu à des débats riches d’enseignement sur le fonctionnement et la formation des discours coloniaux et postcoloniaux. On pourra ainsi parler de la biologie des discours. Faire cohabiter les deux sens donnent des résultats surprenants mais porteurs. Le sens métaphorique que je donne à la biologie passe, par exemple, par une nouvelle interrogation de la notion de culture. Un réexamen de ce mot, à partir de diverses formulations existantes, permet de dégager l’une de ses principales fonctions, à savoir le principe de transmission. Je me suis rendue compte que l’on pouvait considérer que la culture d’un pays est sa biologie et inversement que la biologie d’un pays est sa culture, c’est-à-dire un système vivant, donc en mouvement, évolutif, un système varié, composite. Tout comme l’ADN d’un individu est ce qui lui appartient en propre, l’ADN d’un pays est ce qui en fait sa spécificité, sa carte d’identité. La biologie est ce qui constitue un individu et lui permet de fonctionner. Il en va de même pour la culture, c’est du moins la prémisse que je me donne. La question de l’identité va, par conséquent, s’imposer d’elle-même. Pour le critique Amilcar Cabral, dans un article intitulé National Liberation and Culture, la culture n’est autre que « […] the organic nature of the society, […] » (Colonial Discourse and Post-colonial Theory, p. 55). L’adjectif « organic » étant la clé de cette définition, dans le projet qui nous concerne, puisqu’il relève du domaine du vivant.
7La biologie est l’histoire des hommes, celle de leurs migrations, de leurs rencontres et de leurs métissages. Autrement dit, la biologie d’une personne ou d’une culture, est l’histoire de cette personne ou de cette culture. Elle est la loi de la vie ou de tout organisme considéré comme vivant. L’analogie avec la biologie à l’échelle de la culture d’une nation est, semble t-il, pertinente dans un contexte où la mondialisation et ses conséquences nécessitent une position critique transdisciplinaire. Tout est lié dans le monde et chaque domaine a une incidence sur un autre. La culture d’un pays peut s’aborder sous différents angles dont, la littérature. Si nous posons comme préliminaire qu’une œuvre est un système vivant, il nous faut admettre qu’elle s’exprime dans une langue qui est aussi un organisme vivant. L’idée n’est pas neuve. De nombreux auteurs scientifiques ou littéraires l’ont montré. Aristote, déjà, en parlait dans sa Poétique.
[…] une action une, formant un tout et menée jusqu’à son terme, ayant un commencement, un milieu et une fin, pour que, pareille à un être vivant qui est un et forme un tout […]. (p. 1459 a)
8Au cœur de ce travail, se trouve finalement une volonté de réhabiliter l’être humain et ses relations avec les autres (les proches et les lointains), dans un monde où les abstractions et les concepts tendent à prendre le pas sur les individus qui les formulent et éclipsent ceux qui les subissent. La colonisation et la littérature qui en a découlé, qu’elles soient coloniales ou postcoloniales, sont avant tout une histoire des relations d’être humain à être humain. L’Histoire ne peut se faire sans les hommes. La biologie est par conséquent une autre façon de penser l’Histoire, ses textes et ses discours, et la littérature romanesque qui en émane. En important cette science dans le domaine littéraire, nous découvrirons un réseau infini d’autres questions, d’autres réponses mais aussi d’autres contradictions et d’autres problèmes, auxquels nous tenterons d’apporter des explications.
9L’un de ces problèmes est de dire, par exemple, que certains textes littéraires postcoloniaux ou certains essais anticolonialistes posent justement un problème. Il est, par exemple, reproché aux uns une tendance à imiter la littérature coloniale à la fois à travers son signifiant et son signifié, aux autres de faire un acte de haute trahison en utilisant la langue de l’ancien pouvoir impérial. Cela revient à répéter, à mon sens, l’argumentation coloniale, alléguant l’existence d’un Autre, et que c’est Autre est un problème à résoudre. Or, il est nécessaire de prendre en compte différents facteurs.
10Le véritable problème est plutôt à chercher à la source, à savoir dans les représentations coloniales, fictionnelles ou non, dans les constructions occidentales d’un Autre, dans l’idée même de la colonisation, enfin dans le fait que quelques théoriciens soient trop prompts à vouloir faire dire à certains écrivains ce qu’ils auraient voulu les entendre dire. Or les choses ne sont pas si simples. Chaque expérience du racisme, de l’insulte, du mépris, de l’humiliation et de tout autre forme d’exclusion, est unique et surtout ressentie différemment. Les victimes du fait colonial et de ses effets secondaires sont les mieux placées pour évoquer les conséquences de l’ostracisme européen. Cela signifie que leurs écrits vont prendre des formes hétérogènes dont les contours leur échapperont peut-être à un moment donné de leur écriture. Songeons à Frantz Fanon et ce que j’appelle son cri biologique. L’auteur, dans l’introduction de son essai Peau noire, masques blancs, affirme avec insistance qu’il a dépassé le stade de la colère.
[…] en toute sérénité, je pense qu’il serait bon que certaines choses soient dites.
Ces choses, je vais les dire, non les crier. Car depuis longtemps le cri est sorti de ma vie. (p. 5)
11Or, en écrivant, au fil des pages, la colère ressort intacte. Dès la page suivante, nous lisons « Nous n’aurons aucune pitié pour les anciens gouverneurs, pour les anciens missionnaires. » (p. 6) Ainsi, la colère doit être prise en compte au même titre que n’importe quelle autre forme de protestation. Derrière chaque production postcoloniale, il y a ce cri qui, oui ou non passe par un certain degré d’imitation, qui, oui ou non passe par l’adoption de la langue du pouvoir colonial et ses codes. Le jugement, sur la technique d’écriture, est par conséquent délicat. Chaque tentative de résistance et toute forme et d’insubordination, en matière littéraire, sont dès lors louables.
12J’adopte le mot « biologie » dans un sens large, et selon les termes exposés par des scientifiques et des littéraires, même si ces derniers n’utilisent jamais le mot stricto sensu dans leurs essais. En effet, certains historiens en parlent sans le savoir ou du moins sans dire explicitement que ce dont ils parlent n’est autre que la science des hommes et de la vie.
Les hommes, seuls objets de l’histoire… d’une histoire qui ne s’intéresse pas à je ne sais quel homme abstrait, éternel, immuable en son fond et perpétuellement identique à lui-même – mais aux hommes toujours saisis dans le cadre des sociétés dont ils sont membres – aux hommes membres de ces sociétés à une époque bien déterminée de leur développement – aux hommes dotés de fonctions multiples, d’activités diverses, de préoccupations et d’aptitudes variées, qui toutes se mêlent, se heurtent, se contrarient, et finissent par conclure entre elles une paix de compromis, un modus vivendi qui s’appelle la Vie. (Lucien Febvre, Combats pour l’histoire, p. 20-21, in Douze leçons sur l’histoire, p. 148, Antoine Prost.)
13Dans la même veine, Marc Bloch définit l’Histoire comme étant éminemment humaine et concrète.
[…] l’objet de l’histoire est par nature l’homme. Disons mieux : les hommes. Plutôt que le singulier, favorable à l’abstraction, le pluriel, qui est le mode grammatical de la relativité, convient à une science du divers. (Apologie pour l’histoire ou métier d’historien, p. 4, in Douze leçons sur l’histoire p. 149, Antoine Prost.)
14L’approche de la présente étude paraît dès lors justifiée. Elle résulte, au départ, d’une certaine intuition du sujet, fort heureusement confortée, dans de nombreux aspects, par des spécialistes de la question, et d’un travail de longue haleine qui a permis une remise en question fondamentale de mon expérience en matière de recherche. Associer littérature coloniale, postcoloniale et biologie n’est pas une idée qui va de soi pour tout le monde, mais se mouvoir dans un monde quasi-inconnu, mais dont on sent qu’il peut ajouter du sens à une réflexion sur cet univers à la fois fascinant et déconcertant qu’est l’ère coloniale, est une expérience qui vaut la peine d’être vécue. Les vicissitudes ont été constantes, les doutes aussi, pour un sujet paraissant trop vaste, insurmontable et délicat. Mais il y eut des récompenses, dont la découverte d’un numéro de la revue New Literary History de l’été 2007, intitulé « Biocultures », dans lequel se trouve un manifeste, reproduit en annexe de cet ouvrage, susceptible de redonner un élan à la recherche et de convaincre les esprits les plus récalcitrants. L’approche des auteurs de cet ouvrage est pluri- et transdisciplinaire, et ils encouragent les chercheurs à suivre cette pratique épistémologique en apportant la preuve que la plupart des domaines peuvent être explorés à travers le prisme de la biologie. Il nous suffit de nous souvenir de l’origine du mot pour finir de nous convaincre. Paul Mazliak nous le rappelle dans son ouvrage, Descartes. De la science universelle à la biologie : « Étymologiquement, le mot signifie : discours sur la vie […]. » (p. 2). Le présent essai n’est donc qu’un début.
15À la lumière de la mise au point que je viens de faire, il semble logique, par conséquent, que les débats sur la colonisation, la culture ou l’idée que l’on s’en fait passe par la biologie dont j’entends explorer bon nombre de facettes. Je me laisse guidée par cette pensée que sciences et littérature ont tout à apprendre l’une de l’autre. Le projet est immense : il est le reflet de la vastitude des implications de l’objet d’étude, et ne sera bien sûr pas couvert dans sa totalité ici. Enfin, il est évident que je n’ai pas pu utiliser toutes les possibilités que la lecture d’un ouvrage scientifique pouvait m’apporter, faute souvent de pouvoir comprendre. Par conséquent, j’ai laissé sur le bas-côté bon nombre d’informations qui auraient peut-être pu servir mon projet. En attendant d’autres développements, voici le fruit de quelques réflexions.
16La grille de lecture biologique a cette particularité fondamentale de l’arborisation. Telle la figure de l’arbre, en effet, la biologie comporte des branches, ouvre des perspectives, renvoie à des possibilités infinies dans la plupart des domaines y compris celui de la recherche littéraire. La biologie décloisonne les disciplines et les fait se rencontrer. Elle prend en compte et régit les cycles de vie du début à la fin, de la naissance à la mort. Entre temps, elle oblige à une circulation d’informations et à leurs combinaisons, et est la preuve que tout est lié, que « tout se tient dans le monde, comme dans un organisme » pour citer le biologiste Henri Laborit. (Biologie et structure, p. 188). Ce qui m’intéresse au premier plan est l’exploitation de ces ramifications tant au niveau du visible (les branches de l’arbre) que de l’invisible (les racines), et cette capacité de la biologie à mettre en relation, à analyser le cycle de vie d’une littérature liée à la colonisation, d’observer les similitudes et les divergences et de vérifier la signification des croisements.
17Trois termes fondamentaux serviront mon propos : union, transmission et évolution. Tout au long de ce travail, j’interrogerai cet axe, union-transmission-évolution, à la lumière de la biologie pour rendre compte de la richesse des littératures anglo-indienne et indo-anglaises, de leurs ambiguïtés et des débats que l’une et l’autre suscitent toujours. J’espère aussi apporter des éléments de réflexions et de réponses neufs concernant la mécanique textuelle des récits sur l’Inde en anglais. La citation de Rabindranath Tagore, mise en exergue au début du quatrième chapitre, évoque l’union, notion indispensable à l’élaboration de ce travail puisqu’elle est, d’une part, à la base même des expressions « littérature anglo-indienne » et « littérature indo-anglaise », et d’autre part parce qu’elle entre en résonance avec les prérequis biologiques concernant l’évolution : pour qu’il y ait évolution, il faut qu’il y ait union. « Rien n’a de sens en biologie si ce n’est à la lumière de l’évolution », affirme un article d’encyclopédie sur la biologie. Nous pourrons apprécier la portée de cette définition en la soumettant au test des discours anglo-indien et indo-anglais.
18L’argumentation, développée ci-après, découle d’une tension, issue de l’union, entre deux formes de transmissions : l’une verticale, l’autre horizontale ou encore l’une endogène, l’autre exogène. Je vais essayer de démontrer l’interdépendance de ces prérequis dans des systèmes littéraires considérés comme des systèmes vivants, c’est-à-dire non-statiques, non-figés, non-permanents. Nous verrons que cette dernière considération est problématique concernant le roman anglo-indien, tandis qu’elle s’ajuste précisément à la fiction indo-anglaise puisque les écrivains se positionnent à l’opposé d’une représentation stéréotypée de l’Autre que l’Occident a fait circuler sur l’Inde. La discussion soulignera aussi les paradoxes de la biologie : science du vivant certes, donc du mouvement et du changement mais aussi science de la répétition, donc du retour au point de départ, et dans ce sens, science du cercle vicieux.
19Cette étude a, par conséquent, l’intention de mettre au regard l’une de l’autre deux disciplines que tout semble au premier abord opposer. Amorcer une démarche de ce type signifie bousculer des tabous et faire tomber des barrières, mais c’est un geste parfois nécessaire, voire salutaire, pour aborder un sujet sous un angle nouveau. Après tout, il ne s’agit là que d’une manière de voir supplémentaire afin d’ouvrir des horizons et de créer un foyer critique original. J’ai aussi essayé d’innover dans le domaine lexical, comme nous le verrons plus loin, en proposant des variantes à des termes qui, à force d’être utilisés, finissent par perdre de leur force et de leur signification. Admettre l’intersection entre littérature et biologie, c’est déjà admettre la possibilité d’un terrain d’échanges, d’un dialogue, d’une certaine disponibilité d’esprit à donner et à recevoir, à partager et à rénover. Cette disposition particulière menant au brassage des connaissances et des acquis et à les associer est, à mon sens, l’apanage des écrivains de la littérature indo-anglaise. C’est dans la symbiose de leurs influences idiosyncrasiques qu’ils tirent leur originalité et leur stratégie de résistance. La présente approche n’a pas la prétention de résoudre toutes les questions linguistiques et littéraires liés à la colonisation et à ses conséquences, et encore moins la volonté de rompre avec les travaux précédents d’autres chercheurs sur le sujet (sans eux, cet ouvrage n’aurait jamais vu le jour) mais simplement d’apporter une nouvelle pierre à l’édifice. Et même si cette pierre a du mal à prendre dans le ciment de la tradition, le risque semble valoir la peine d’être pris.
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