Introduction
p. 7-21
Texte intégral
1Venance Fortunat continue d’exister pour les lecteurs du xxie siècle qui appartiennent au grand public, selon l’expression usuelle. Nous en voulons pour preuve anecdotique le roman historique Les voiles de Frédégonde écrit par J.-L. Fetjaine1. Fortunat y figure, en effet, comme poète latin de la cour mérovingienne d’Austrasie où règne Sigebert époux de Brunehilde, la fille du roi wisigoth d’Espagne. Il apparaît dans l’intrigue au moment où Chilpéric, frère de Sigebert, assiste ébloui à ce mariage prestigieux, célébré au printemps 566 à Metz ; il est là pour chanter l’alliance du roi et de la princesse. Le romancier évoque sa « voix mielleuse » accompagnée par « la modulation aiguë d’une lyre », son « sourire modeste mais d’une prétention absolue » et… « une même envie de rire » chez les deux fiancés. Ayant le rôle du poète prétentieux, fier de déclamer son épithalame, Fortunat orne de ses strophes latines le repas de noces, « enflammé de ses propres vers, des vers en latin qu’il était probablement l’un des seuls dans la salle à comprendre, et certainement le seul à apprécier ». C’est ainsi que le romancier fige Venance Fortunat dans la fonction presque ridicule du poète courtisan2. Nous avons à réagir face à une telle caricature : notre propos sera précisément de réfléchir à l’emploi que Fortunat fait d’un genre particulier de la littérature latine, l’élégie. Nous entendons donner de la consistance à un poète de cour.
2L’art élégiaque des Latins est complexe. Pour une même métrique, celle du distique, des thématiques continûment diverses où l’analyse de l’intériorité peut s’associer à l’expression de sentiments collectifs voire universels. S’il est vrai que le premier exemple d’épigrammes funéraires en latin provient des inscriptions en distiques élégiaques composées par Ennius pour le tombeau de Scipion l’Africain et pour le sien propre, compte tenu de l’habitude de la critique littéraire antique il convient de considérer comme élégiaques seuls les poètes ayant rédigé plusieurs poèmes en distiques élégiaques, voire une œuvre entière de préférence en plusieurs livres ; c’est pourquoi un index des poètes élégiaques majeurs fera figurer Calvus et Catulle en précurseurs de l’élégie augustéenne, Gallus comme premier poète résolument élégiaque, Tibulle, Lygdamus, la poétesse Sulpicia, Properce, Ovide – soit la deuxième génération des écrivains augustéens –, Stace. On ne saurait oublier non plus les épigrammes de Martial ni Damase ni Lactance ni Ausone ni Rutilius Namatianus ni même Maximianus. Ainsi, au rythme de l’hexamètre dactylique et du pentamètre, l’élégie latine parcourt plusieurs siècles de la littérature occidentale, présente dans l’histoire politique et institutionnelle de Rome sous la République et l’Empire, présente encore dans le christianisme. C’est pourquoi nous avons à rappeler la mémoire de ce long passé si divers dans sa permanence culturelle pour mieux cerner la poétique elle-même élégiaque de Venance Fortunat au vie siècle chrétien.
3Au cours de cette introduction, trois motifs seront pris en compte : l’art métrique des élégiaques comme figuration cohérente d’un style ; les arts poétiques de l’élégie latine comme variations à partir du sens qu’Horace assigne à l’élégie gréco-latine ; enfin l’art élégiaque de Venance Fortunat comme imbrication de la pensée chrétienne et de la métrique des élégiaques augustéens, poètes de l’amour et de Rome.
Art métrique des élégiaques, figuration cohérente d’un style
4Au seuil du livre collectif sur Le poète architecte, J. Dangel écrit :
[…] la métrique latine apparaît tout à la fois comme une science, un art et une esthétique. Elle ressortit plus précisément à une technique que fondent des acquis, des règles et des procédés, à un acte littéraire de convenance, par rapport à des codes et des genres poétiques, et à un acte particulier d’auteur ou création artistique. Il s’agit ainsi autant d’identifier les modes de fabrication des formes poétiques, – on dirait aujourd’hui le « poiétique » –, que de pénétrer dans l’atelier même du poète, – soit au cœur même de l’acte poétique3.
5Dans le cas particulier du distique élégiaque, W J. Yeh4, choisissant l’exemple de l’emploi des monosyllabes initiaux, a bien démontré que le distique est marqué par une diction émotionnelle, pathétique qui le distingue du rythme hiératique et statique de l’hexamètre dactylique ; cette dramatisation caractérise les élégies amoureuses :
Cependant, que les sentiments personnels du poète soient sincères ou non, le distique élégiaque ne lui impose pas des histoires individuelles comme l’unique sujet. Notre recherche en matière de métrique verbale révèle qu’une modification dans le code poétique par les moyens de la versification est également apte à des thèmes collectifs, comme en témoignent les Fastes d’Ovide, exemplaires en ce domaine, et les divergences remarquables entre le premier et le dernier livre de Properce5.
6La cohérence du style élégiaque tient à ce qu’il se différencie du style épique et du style lyrique, que l’élégie soit subjective ou non. Ovide, dans les Amours, I, 1, 1-4, fait de la naissance de l’élégie érotique l’objet d’une plaisanterie de la part de Cupidon : le passage est connu où le pentamètre se substitue malicieusement à l’hexamètre épico-héroïque ; nous entrons alors dans l’univers de la tenuitas (les grands sujets guerriers sont amoindris par la petitesse d’un rythme composé pour les pueri et les puellae) et de la leuitas, cette frivolité qui éloigne du sérieux des représentations de guerres héroïques (v. 17-20). Quant à la célèbre Héroïde XV, elle nous fait voir Sappho saisie de douleur par le départ de Phaon et incapable désormais d’écrire des vers lyriques (v. 5-8) ; nous sommes dans le breue opus (v. 4) et si le flebile carmen ne suffit pas à définir le style élégiaque (le Cupidon élégiaque rit aussi), il reste que, pathétique ou non, le poème élégiaque se caractérise par le principe de la concision relative ; son sujet, la joie ou la peine d’amour, ne demande pas d’amples développements comparables à ceux des épopées homériques ou des odes pindariques6.
7La tenuitas de la métrique met donc en abyme la breuitas de l’ouvrage ; cette réflexivité propre à l’élégie construit des représentations du réel par l’énonciation d’un art métrique qui valorise, surtout par rapport à l’épopée, la relation au Moi auctorial et s’inscrit dans les principes de rhétorique et de poétique qui règlent la mise en œuvre de toute composition littéraire dans l’Antiquité, à savoir la doctrine des genera dicendi, des niveaux de style. Celle-ci fut exposée pour la première fois en latin dans la Rhétorique à Herennius qui distingue le genus graue, le style sublime de l’épopée et de la tragédie, le genus mediocre, le style tempéré, le genus extenuatum, le style simple7. L’élégie se rapproche de ce dernier, établissant une convenance entre son registre d’expression et le choix de sujets d’inspiration modeste. De fait, si nous prenons l’exemple du sentiment amoureux, son expression ne nécessite « a priori » aucune complexification : le fameux Odi et amo catullien juxtapose deux émotions simples pour en créer une troisième assurément complexe, l’amour-haine. Parmi les métaphores du texte poétique, il est significatif que celle de la poterie dit l’élégie, alors que celle de l’architecture est utilisée pour l’épopée8.
8Conçu également comme figure de théâtre, le genre élégiaque présente le renoncement à la grande poésie tragique comme constitutif de son identité9 et complète ainsi ce qui est dit du renoncement à l’épopée par choix de l’inspiration légère – il s’agit encore de la leuitas. en tant que constituant évident du texte élégiaque. Un « horizon d’attente » particulier se dessine alors, où le public reçoit et interprète cette poésie selon le double refus de l’épopée et de la tragédie (recusatio qui associe à l’aveu humble d’incapacité artistique le souci d’une gloire autre), préparant l’attention de l’auditeur-lecteur et déterminant son interprétation même. Une conception alexandrine de la poésie, héritée de Callimaque, apparaît ici10.
9Plusieurs commentateurs, dont nous ne sommes pas, réduisant l’inspiration élégiaque au modèle ovidien, font de l’ironie la modalité poétique de ce style élégiaque ; le Cupidon malicieux des Amours I, 1, qui crée précisément la métrique de la poésie amoureuse, en vient à dominer l’ensemble des ouvrages de l’époque augustéenne dont la passion est le sujet. A. Deremetz écrit :
Mais un emploi original retiendra plus particulièrement notre attention : celui, qualifié ici d’ironique, qu’en fait l’élégie. Se dessinera alors pour nous la dimension générique du thème < de l’inspiration > qui, jouant sur l’opposition de la vérité et du mensonge, fonde celle qui sépare l’épopée de l’élégie. C’est ainsi que nous aurons à opposer deux modalités opposées de l’emploi de ce thème, le mode positif (anagogique), qui continue à servir la prétention à la véridiction, et le mode ironique, qui promeut la préoccupation esthétique et le savoir-faire dont elle dépend11.
10Mais, comme nous le verrons bientôt, la thématique de l’inspiration érotique ne suffit pas à définir tout le genre élégiaque et les poètes augustéens de l’amour ne se ressemblent pas… De plus, il nous paraît pour le moins périlleux d’amalgamer systématiquement représentation de l’amour par les auteurs de comédie, tels Plaute et Térence, et représentation de l’amour par les auteurs d’élégies, comme le fait A. Deremetz12. Cependant l’explication par l’ironie a le mérite au moins de radicaliser la dualité métrique élégie/épopée en fiction vs vérité13.
11Au terme de cette première séquence d’introduction, nous retenons pour les analyses à venir la place inférieure qu’occupe l’élégie par rapport aux grands genres que sont l’épopée et la tragédie, la topique du poème court et du sujet simple. La seconde séquence aura pour objet la diversité thématique qui permet aux poètes élégiaques d’inscrire sur le mode mineur leur propre représentation du réel ; style sans grandeur et thèmes d’une subjectivité partagée entre la reconnaissance de valeurs collectives, politiques et religieuses, et la volonté de s’affirmer autrement, la passion amoureuse représentant la première occasion négative de ne plus s’identifier sous Auguste au modèle encore républicain du citoyen romain.
Art poétique d’Horace, arts poétiques de l’élégie latine
12La notion même d’art poétique désigne un manifeste littéraire pouvant avoir un caractère polémique et remplissant une mission essentielle, l’instauration d’un « protocole énonciatif » à propos des formes variées de la création versifiée. Après la Poétique d’Aristote établissant une hiérarchie des genres littéraires fondée sur la prééminence de la tragédie sophocléenne et de l’épopée guerrière homérique, à Rome l’Épître aux Pisons se charge d’établir les principes de la belle et bonne composition en vers et définit une morale du texte poétique selon le contenu éthique qui lui est approprié. Cette exigence de convenance est suffisamment connue pour que nous orientions notre lecture d’Horace vers le cas spécifique de l’élégie. A son sujet, en effet, Horace lie des attentes à des intentions précises de la part des auditeurs-lecteurs et des auteurs, recourant à une topique bien déterminée et limitée qui n’est pas celle du conflit axiologique (vérité/mensonge) marqué par l’ironie ovidienne, selon l’interprétation à laquelle nous avons précédemment fait allusion. Nous ne sommes pas dans le ludus poétique, dans le jeu esthétique créateur d’illusion qui déréalise :
Versibus impariter iunctis querimonia primum,
post etiam inclusa est uoti sententia compos.
Dans l’union de deux vers inégaux on enfermera d’abord la plainte, puis la satisfaction d’un vœu exaucé14.
13Horace définit ainsi l’élégie par le rapport au divin : les vers élégiaques de la plainte funèbre servent aussi à la célébration reconnaissante d’une divinité dans les épigrammes votives. Le vers 77 insiste sur la brièveté de ces compositions : exiguos elegos. P. Grimal en fait le commentaire suivant :
Pourquoi le distique élégiaque est-il propre à enfermer une plainte, ou l’expression d’un vœu comblé ? Horace ne le dit pas expressément, mais un mot dont il se sert ne laisse pas d’être suggestif : sententia n’était, certes, pas le terme que l’on attendait. Dans ce contexte où sont agités des problèmes traditionnels de l’école, il ne peut manquer d’évoquer l’idée d’une pensée formulée sous une forme close, comme celles que les rhéteurs enseignaient à placer à la fin de tout développement. Une sententia est alors non seulement une pensée, mais une cadence, et de rythme et de sens. Et telle est bien la fonction première du distique élégiaque, enfermer, dans l’enceinte restreinte d’un hexamètre qui raconte, ou décrit, et d’un pentamètre qui, par deux fois, freine et attarde l’élan, une idée, un sentiment proposés comme thèmes de méditation. Ultime message du défunt aux vivants, il sera épitaphe, ou éloge, il résumera une vie en un poème menu (exiguos elegos), ce qui reste d’une vie. Ou bien, gratitude exaltée, il essaiera de sauver le bonheur en son extrême acuité. Le distique arrête le temps, et, pour cela, se prête à parler aux dieux, ou à parler des morts15.
14P. Grimal en vient ensuite à situer l’élégie amoureuse de Tibulle, Properce et Ovide par rapport à cette nature primitive de l’élégie :
à nous de nous interroger sur la raison qui a conduit les poètes romains à utiliser le distique pour des poèmes suivis, alors que cela était contraire à sa nature. On se souviendra alors que le problème doit être reculé dans le temps : c’est en Grèce, au cours du iiie siècle av. J.-C., que s’est produite cette singulière transformation. L’innovation des Romains paraît bien avoir été de spécialiser l’élégie narrative dans l’expression des « aventures d’amour ». Et peut-être, à ce moment, la sensibilité d’un Gallus, et celle de ses deux illustres disciples, Tibulle et Properce, retrouva-t-elle, comme d’instinct, ce qui constituait la véritable puissance essentielle au distique, le pouvoir d’unir, en une confrontation incessante, le récit et l’émotion. La douleur, ou la joie comblée succèdent chaque fois à la mention de ce qui les provoque ; et chaque moment du récit, chaque aspect du tableau se colore, dans le pentamètre, d’une nuance affective particulière16.
15Quoi qu’il en soit, Horace, qui ne se préoccupe pas ici de cette évolution contemporaine du distique, rappelle, assez irrévérencieusement, que les grammairiens ne sont point d’accord sur le nom du poète qui aurait inventé ce mètre aux deux membres inégaux. On pourra penser que cette absence d’un « inventeur » s’explique aisément : mètre destiné à des usages religieux plutôt que littéraires (consécration d’un ex-voto, épitaphe d’un être cher et glorieux), il surgit, en quelque sorte, de l’ombre, tout armé, comme une création folklorique. Ainsi P. Grimal reprend la doctrine de la « convenance » ou du « convenable » afin d’expliquer le point de vue d’Horace ; le poème élégiaque se caractérise par le style de sa versification contrastée, hexamètre/pentamètre : « une expression rythmée, soumise à une forme définie, métriquement analysable, et conforme à un type reconnu constitue donc un poema17 » ; la poésie élégiaque, quant à elle, se caractérise par son inspiration, c’est-à-dire l’imitation des douleurs et des joies humaines en relation avec les choses divines. Horace fait entrer la caractérisation, autrement dit l’« èthos » des personnages représentés, dans les précepts relatifs au poema18, l’élégie établissant une éthologie limitée aux sentiments opposés (la tristesse et le contentement), mais fondamentaux chez l’être humain dès lors surtout qu’ils s’appliquent à la « mimèsis » de la condition humaine engagée dans une relation de soumission à la toute-puissance divine.
16Or, ce parti pris n’est pas celui d’un Properce ; Horace le sait. A l’élégie originelle Properce substitue, en effet, l’élégie comme art des représentations variées et son poème IV, 2 à Vertumne exprime une poésie aux limites considérablement élargies. C’est que la question du decorum est susceptible de réponses diverses selon que le poète définit de l’extérieur, en quelque sorte, un genre littéraire – c’est le cas d’Horace qui, dans son traité de poétique, préfère à l’élégie la tragédie – ou de l’intérieur – c’est évidemment le cas de Properce qui, poète élégiaque, défend la capacité que possède le poème élégiaque de multiplier les représentations avec virtuosité. A. Deremetz, dans l’ouvrage que nous avons déjà cité, situe avec raison l’élégie IV, 2 par rapport à celle qui la précède où le poète chante « tour à tour, sur un mode noble, les origines de Rome, et, sur un mode plus léger, par la bouche d’Horus l’astrologue, les tourments de la vie amoureuse […] tout en persévérant dans son intention d’aborder les sujets, religieux et étiologiques, dignes d’une grande poésie19 » ; l’expression opus fallax est mise explicitement en relation avec le genre élégiaque en IV, 1, 135 pour désigner « un poème trompeur, façonné par le poète créateur des images et des pièges de l’illusion, dont celles de l’illusion amoureuse20 ». Accroître les dimensions de l’espace poétique, c’est donc, pour Properce, revendiquer une esthétique de l’ambiguïté « où s’exprime le jeu des dissensions et des contradictions21 ». Les épigrammes funéraires qui figurent dans le livre IV des Élégies (4, 3 ; 4, 7 ; 4, 6 ; 4, 11) sont prises dans ce registre même de l’obliquité comme expressions, parmi d’autres, de l’écriture équivoque. De fait, lorsque nous abordons l’élégie IV, 2, nous voyons bien, comme le remarque A. Deremetz, que « figée dans sa forme de bronze, la statue de Vertumne parle du dieu qu’elle représente comme d’un être tout en mobilité, fugacité et pluralité22 » ; les vers 21-48, 59-64 montrent qu’« avec une seule et même statue, un nombre quasi illimité de rites peuvent être accomplis23 ». Le poème élégiaque permet alors de dire une chose et son contraire : Vertumne revêt l’apparence humaine d’une puella et/ou d’un uir ; socialement, il peut être moissonneur, soldat, vendangeur, chasseur, pêcheur, aurige, marchand, berger, jardinier ; il peut prendre l’aspect d’Apollon et/ou de Iacchos ; enfin sa matière est de bois et/ou de bronze.
Il assume aussi les tensions constitutives de la temporalité et, par elle, de l’histoire : Vertumne est romain et étrusque, étrusque, bien que naturalisé romain (à la suite d’une euocatio), et romain, malgré son origine étrusque […]. Figure historique, exprimant, par son double statut, la légitimité de la domination romaine et la nécessité de la coopération et de l’alliance entre des forces jadis antagonistes, Vertumne est donc finalement la figure de l’unité culturelle qui se réalise d’abord dans l’art et par l’art24.
17A. Deremetz ajoute ensuite :
Vertumne, je du poète, est ainsi la parole parlante du genre, propre à parler tous les langages, le sien et ceux des autres […] l’élégie, comme la statue de Vertumne, est une image fictive, et donc trompeuse, façonnée par l’artiste, mais produite par imitation du vrai25.
18Le schéma d’analyse proposé par l’auteur est à cet égard particulièrement éclairant26. Sans adhérer à toutes les conclusions d’A. Deremetz, notamment sur la question du sujet de l’énonciation dans l’élégie latine, nous avons nous-même insisté dans notre thèse sur les diverses représentations de la passion amoureuse de Catulle à Ovide27 et nous partageons avec lui l’idée que l’élégie érotique romaine est une œuvre ouverte à des perspectives thématiques multiples sans jamais cesser d’être elle-même. Horace, adversaire de Properce, pouvait prendre un malin plaisir à ignorer cette esthétique trop artificielle à ses yeux et préférer en revenir aux origines de la tradition religieuse faisant de la parole élégiaque une expression univoque. Du reste, des textes tels que la Consolation à Livie et les Élégies à Mécène suffisent à confirmer cette perspective, puisqu’ils appartiennent sans conteste au genre de l’éloge funèbre et prolongent la tradition élégiaque de la représentation du dolor. La forme littéraire de l’élégie-épicède perdure et nous empêche de céder tout à fait au vertige d’une poésie spéculaire où l’art seul s’impose en s’exhibant. Alors, interpréter l’Art d’aimer d’Ovide comme art poétique de l’élégie transposé à partir de l’Art poétique d’Horace28 ne permet ni de maintenir tout à fait la conception polysémique de l’élégie – c’est la thématique amoureuse qui est privilégiée – ni de continuer à prendre en compte la signification originelle du distique.
19Comprendre la longue durée du genre élégiaque dans l’œuvre de Venance Fortunat ce sera donc, pour nous, étudier la conciliation de la diversité thématique et de l’unité d’inspiration par le christianisme.
L’art élégiaque de Venance Fortunat : la question de l’esthétique
20M. Reydellet sait éviter l’écueil d’une lecture qui fait du genre élégiaque un art exclusivement autoréférentiel, tenu par le plaisir de sa propre virtuosité ; dans la copieuse Introduction de son édition des Poèmes de Fortunat29, il établit que le poète chrétien du vie siècle choisit le style élégiaque pour un thème particulier, l’éloge :
[…] bien souvent, par exemple, Fortunat mêle l’éloge d’une église ou d’une villa et celui de son constructeur. Il a célébré tour à tour la Sainte Croix, les saints, les rois et les reines, les évêques et leurs constructions, les grands dignitaires de l’Austrasie, des amis plus modestes, et un certain nombre de femmes, dont évidemment Radegonde et Agnès30.
21Nous renvoyons le lecteur à l’analyse que M. Reydellet effectue de chacun des onze livres de poèmes31 pour mieux cerner l’intérêt littéraire d’une poésie sachant varier le registre même de la louange, dès lors que l’écriture élégiaque convient pour célébrer tant les meilleurs et/ou les plus puissants parmi les humains que le Christ-Dieu.
22La métrique de Fortunat, notamment la répartition des dactyles et des spondées dans les quatre premiers pieds de l’hexamètre, montre qu’il est très proche d’Ovide32 sans pour autant reprendre l’ironie ludique de ce dernier et, s’il est vrai que Fortunat semble avoir été le dernier avant la Renaissance à avoir connu l’Institution oratoire de Quintilien, son projet esthétique, compte tenu des remarques dépréciatives formulées par Quintilien à l’encontre d’Ovide et de Properce, pourrait avoir pour référence Tibulle, le seul des élégiaques à être loué parce qu’il est l’auteur le plus châtié et le plus élégant33. Mais notre étude n’a pas pour objet une recherche des sources de l’élégie romaine dans l’élégie chrétienne : S. Blomgren a par exemple déjà étudié l’influence d’Ovide sur Fortunat ; si nous traitons de la réécriture, c’est afin de mieux définir l’esthétique du poète italien et de répondre surtout à la question suivante : pourquoi choisit-il le genre élégiaque ? Le thème prédominant de la louange n’explique pas tout, dans la mesure où il n’est pas un principe générique : la poétique de l’éloge ne passe pas nécessairement par le distique et l’hexamètre épique peut en accroître, à lui seul, la portée anagogique. Nous avons donc à comprendre la reprise d’une esthétique ancienne qui, par le christianisme, prend une valeur sociale et religieuse nouvelle ; sans négliger l’intérêt historique des Poèmes, nous avons préféré nous intéresser aux enjeux strictement littéraires d’une poésie consciente de ses possibilités comme de ses limites, selon la tradition même de l’élégie romaine se déclarant inférieure à l’épopée tout en revendiquant sa part de gloire.
23Cette problématique nous semble d’autant plus pertinente que la poésie chrétienne n’utilise pas l’élégie comme forme majeure d’expression de la foi. De fait, selon toute probabilité, l’hymne liturgique fut la forme primitive de la poésie dans l’Occident chrétien ; les témoignages de Pline le Jeune34 et de Tertullien35 évoquent ces chants sacrés qui s’élevaient en l’honneur de Dieu et qui prolongeaient les psaumes et les cantiques bibliques. Hilaire et Ambroise hériteront de cette tradition. Certes, le De aue Phoenice de Lactance, composé en distiques élégiaques, prouve que cette inspiration n’est pas incompatible avec l’expression de vérités symboliques, sujettes à une interprétation chrétienne mettant en valeur la résurrection même du Christ ; Damase, reprenant l’antique tradition des elogia, fit des épigrammes élégiaques en l’honneur de parents, d’amis et de martyrs ; Ausone ne négligea pas non plus le genre élégiaque parmi les diverses formes d’expression de son humanisme chrétien. Mais tout cela ne suffisait pas pour imposer une esthétique, surtout après Prudence qui, lorsqu’il publie vers 405 son recueil de poésies, le présente comme une expiation au terme d’une vie insuffisamment édifiante : la poésie devient hommage à Dieu pour celui dont l’âme est pécheresse36. On ne peut davantage lier poésie et haute spiritualité, le poète devenant un nouveau psalmiste37 ; par exemple les hymnes sont à l’honneur dans le Cathemerinon et le Peristephanon, les poèmes hexamétriques dans l’Apotheosis qui célèbre la « divinisation » de l’homme par la Résurrection, dans la Psychomachia, dans le Contre Symmaque où la poésie annexe l’apologétique, mais aussi la réflexion sur la théologie de l’histoire. Résolument tournée vers le service de Dieu, l’exaltation des apôtres, l’héroïsme des chrétiens suppliciés et leur triomphe céleste, cette inspiration élève. Enfin Paulin de Nole sait intégrer l’hagiographie à cet espace où l’âme aspire au divin. C’est dire combien l’élégie, par comparaison, risque d’apparaître aussi légère souvent que naguère, quand elle s’affrontait à l’épopée ou à la tragédie. La preuve en est que, dans les lettres païennes, Pentadius maintient la tradition d’un genre « mineur » par ses élégies sur la Fortune, le Printemps, Narcisse. et Avianus par son recueil de fables ; seul peut-être Rutilius Namatianus parvient, dans le De reditu suo, à grandir l’élégie par l’éloge de Rome38. Le ve siècle, temps des invasions, favorise « l’épopée biblique » qui, en faisant revivre les origines de l’humanité en Dieu, sublime la violence présente, tels les hexamètres du Paschale Carmen de Sédulius qui louent la vie du Christ et ses miracles ou ceux du De laudibus Dei de Dracontius ; quant à ceux de Paulin de Pella écrivant l’Eucharistos, poème d’action de grâces autobiographique, ils privilégient une voie plus personnelle qui, sans être à proprement parler un « examen de conscience », ne s’en révèle pas moins témoignage de la mystérieuse bonté de la Providence à l’égard d’un être humain : le poète lui-même. J. Fontaine a parfaitement analysé ces esthétiques de la grandeur spirituelle qui sont à la poésie ce que l’hagiographie est à la prose à savoir incitation « à la sagesse véritable, à la milice céleste, à la vertu divine », comme l’écrit Sulpice Sévère dans sa Vita Martini, véritable épopée en prose.
24Venance Fortunat lui-même utilise le mètre ïambique ou trochaïque dans les hymnes, sa Vita sancti Martini est en quatre chants hexamétriques ; s’interroger sur l’esthétique du style élégiaque chez ce poète signifie alors se demander pourquoi une phase importante de sa production littéraire fut consacrée à ce genre d’inspiration. Un premier élément de réponse, qu’il nous appartiendra de compléter au cours de notre étude, consiste à remarquer que la Vita sancti Martini est précédée d’une Préface adressée à Agnès et Radegonde, moniales de l’abbaye Sainte-Croix à Poitiers, en distiques élégiaques comme si l’élégie constituait le seuil – ni moins ni plus – de l’épopée en l’honneur du saint : manière de figurer l’humilité de l’inspiration élégiaque incapable de représenter les uirtutes, les faits accomplis par Martin, et la dignité tout de même d’une écriture propre à exprimer l’excellence d’une amitié chrétienne pour deux femmes consacrées au Christ.
25Au sujet de cette première esquisse d’interprétation du choix de ce style élégiaque nous pouvons aussi nous aider de l’épitaphe rédigée en distiques par Paul Diacre en l’honneur de Fortunat ; résumé de toute l’œuvre, elle met quelque peu en abyme par son vocabulaire l’écriture élégiaque du poète. La référence est d’autant plus intéressante que Paul Diacre composa lui-même des hymnes :
Ingenio clarus sensu celer ore suauis
cuius dulce melos pagina multa canit
Fortunatus apex uatum uenerabilis actu
Ausonia genitus hac tumulatur humo
Cuius ab ore sacro sanctorum gesta priorum
Discimus haec monstrant carpere lucis iter
Felix quae tantis decoraris Gallia gemmis
Lumine de quorum nox tibi tetra fugit
Hos modicos prompsi plebeio carmine uersus
Ne tuus in populis sancte lateret honor
Redde uicem misero ne iudice spernar ab aequo
Eximiis meritis posce beate precor.
26Illustre par le génie, alerte par la pensée, plein de charme par sa langue, lui dont mainte page fait retentir le doux chant, Fortunat, prince des poètes, vénérable par sa vie, né dans l’Ausonie, est enseveli dans cette terre.
27De sa bouche vénérable nous apprenons l’histoire des saints de l’ancien temps qui nous montre comment parcourir le chemin de la lumière.
28Heureuse Gaule que parent de telles perles dont l’orient chasse loin de toi l’affreuse nuit.
29J’ai composé ces vers modestes d’une facture commune pour que ta gloire, ô saint, ne restât pas cachée parmi les hommes.
30Au misérable que je suis accorde en récompense que j’évite le mépris du Juge équitable. Que tes mérites éminents soutiennent ta prière, ô bienheureux, je t’en supplie39.
31Les qualités du style de Fortunat sont donc le charme et la douceur qui le rendent agréable à écouter et à lire, agrément pour l’esprit et pour l’âme. Il est notable que Paul Diacre, dans cet éloge esthétique, n’oppose pas suauis à dulcis, comme l’avait fait Cicéron dans le De oratore, III, 103, lorsqu’il enjoignait à l’orateur (suauis orator) d’orner son discours pour lui donner un charme viril et non douceâtre (dulcis). De fait, P. Diacre assimile l’élégie de Fortunat au chant lyrique (melos), dont Horace avait fait usage dans l’Ode III, 4 ; il s’agissait, pour le poète augustéen, de se placer sous le pouvoir de Calliope, Muse de la poésie la plus noble (v. 1-2), afin de développer à la manière pindarique le motif de la pietas (v. 6-7) illustré par le mythe de la victoire remportée par Jupiter sur les Titans révoltés (v. 42-43). Assurément Fortunat n’est pas porté par le souffle épico-lyrique parce que la douceur précisément modère son chant ; cependant, dès lors que la foi anime son œuvre, la douceur même possède de la grandeur, celle du Christ.
32Lorsque M. Reydellet, pour sa part, traite de la poésie de Fortunat dans l’Introduction de son édition aux Belles Lettres, il écrit :
33Elle est, en tout cas, beaucoup plus simple que les lettres en prose insérées dans les Carmina ou les préfaces des vies de saints composées par Fortunat, comme s’il y avait un décalage entre la prose d’art et la poésie. Cette distorsion peut s’expliquer par le fait que les Carmina s’adressaient à un assez vaste public, alors que les lettres en prose ont un destinataire plus précis. Celui-ci est, le plus souvent, un évêque. Or il n’est pas douteux que l’épiscopat, ou plutôt le milieu aristocratique dont il était le plus souvent issu, conservait les traditions de Sidoine et d’Ennode […] Quand il écrit en prose à Grégoire, à Syagrius d’Autun, à Félix de Nantes ou à Martin de Braga, Fortunat se plie à un rite où entre une part de vanité : il veut montrer à ces hommes que, lui aussi, connaît la Kunstprosa. Cependant, lorsqu’il écrit des vers destinés à un public plus large et moins averti, Fortunat s’impose une censure, un effort de clarté. On peut dire qu’en ce sens il a été « l’éducateur des barbares », ou, plus exactement, il a tenté d’entraver chez les barbares – comme chez les Gallo-Romains – le développement d’un goût qui tournait au galimatias40.
34Si nous faisons donc un rapide bilan, l’inspiration élégiaque de Venance Fortunat réunit la douceur et la grandeur chrétienne dans la simplicité ; est-ce à dire que la question du choix esthétique serait d’ores et déjà résolue ? Le poète aurait opté par souci de convenance pour une forme lui permettant l’expression d’une spiritualité à la mesure de l’être humain, dont le style n’est ni celui de l’hymne sacrée ni celui de l’ode divine parce que ceux qu’il célèbre directement ne sont le plus souvent ni des saints ni des martyrs ni Dieu, mais des hommes et des femmes du monde chrétien, supérieurs par l’excellence de leur vie en Christ et proches par leur condition humaine. Alors l’élégie tient sa place et son rang dans la littérature chrétienne, légitimée par ses propres limites. Certes, nous avons là des éléments importants de réflexion, utiles et nécessaires ; sont-ils pour autant suffisants ? Nous estimons, quant à nous, que ces éléments de réponse sont à prolonger par une étude globale qui se fixe pour tâche de mettre en évidence le processus de création du sens élégiaque lui-même dans les Carmina ; de cette manière, une poétique liée à une réception particulière apparaîtra, cohérente par son projet et sa réalisation, permettant de tenir compte de la relative variété des situations d’énonciation où le poète écrit.
35M. Reydellet s’est justement interrogé sur « l’esthétique du style » chez Fortunat et a remarqué au sujet du poète :
[…] il est trop cultivé, trop doué aussi pour ne pas porter en soi une inquiétude esthétique, pour ne pas s’interroger sur la voie à suivre. Il a de l’activité littéraire une vision critique. On le sent attentif aux relations entre les valeurs de la tradition et celles d’une modernité plus adaptée aux goûts de son public. En somme, il apparaît probable que la création n’est pas chez Fortunat le pur produit d’un génie qui s’épanche, mais qu’elle se fonde sur des prises de positions esthétiques consciemment assumées, et assumées au jour le jour. Il lui fallait concilier des exigences presque contradictoires : emporter sur le champ la faveur du lecteur ou de l’auditeur, en lui tenant un langage qu’il entende et dans lequel il se retrouve, sans rompre pour autant avec son propre idéal. Comment être en même temps un poète fêté de la bonne société, sans renier son âme41 ?
36Mais nous ne saurions nous satisfaire de la formule : « un maniérisme baroquisant », par laquelle M. Reydellet en dernier ressort caractérise « l’esprit même du style de Fortunat42 » : trop anachronique, elle ne nous semble pas expliquer la formation d’une conception simultanément modeste et élevée de la poésie élégiaque. Nous préférons donc nous en tenir à des analyses de poèmes qui montrent la poésie et le poète élégiaques en action, pour ainsi dire ; c’est pourquoi nous avons nous-même choisi un plan d’étude susceptible d’éclairer cet art poétique.
37Notre travail s’organise selon deux parties principales (« poèmes et poésie élégiaque » puis « être poète chrétien élégiaque ou l’èthos chrétien partagé ») qui s’efforceront de saisir chez Venance Fortunat le sentiment d’une conscience de soi comme détenteur d’un art et comme être humain dans le Christ-Dieu. Cette double partition peut paraître simple, voire simpliste, pour traiter du dernier poète de l’Antiquité et du premier poète médiolatin ; c’est que notre lecture se veut plus « compréhensive » qu’érudite, pratiquant l’intertextualité au sein même des Poèmes, soucieuse d’aviver la lumière portée par cette poésie. Objet durant plusieurs années d’un séminaire que nous avons dirigé à la Faculté des Lettres de Nice, ce travail s’est précisé au contact des étudiants pour lesquels Fortunat fut une découverte. Il ne s’agit donc pas de publier une thèse, mais plutôt de favoriser l’intérêt pour une poétique particulière de l’élégie chrétienne dans la culture et la société mérovingiennes.
38A. Michel estimait naguère que l’un des fondements de l’élégie était « la confusion du profane et du sacré », le style élégiaque ayant besoin de « recourir à l’idéal, pris au sens platonicien (non pas idéalisme ou idéalisation, mais recherche exigeante de l’absolu, dans et sous l’apparence)43 » ; Fortunat nous fait entendre encore cet idéal poétique par la voix de son christianisme et ouvre sur un aboutissement spirituel. « Tu deviens tout entier ce bois élyséen… », écrira un poète moderne de l’élégie romaine. Ce sens de l’élégiaque est celui où se retrouvent représentation de l’individualisme immanent et représentation du sacré collectif, dans le divin. Assurément, ce dernier mot ne saurait caractériser l’élégie selon Fortunat : J. Grosgean, en 1962, écrira un étonnant recueil, Apocalypse, où se fait entendre la voix même du Créateur ; alors s’impose l’expression « élégie divine44 ». C’est que le dieu élégiaque du poète contemporain élève sa plainte pour être sorti de lui-même, pour s’être exilé dans l’Incarnation, ce que Paul nommait la « kénôsis », la diminution de la puissance divine, l’humiliation de l’entrée de Dieu dans l’existence, dans le règne de la séparation et de la perte du Fils, « dans toute l’étendue d’un désastre voulu par lui ». Fortunat, quant à lui, ne construit aucunement l’« èthos » d’un dieu endeuillé ; son christianisme est lumineux, ses élégies apparaissent le plus souvent sereines ; aussi en resterons-nous à la dénomination « élégie chrétienne » qui caractérise au mieux le lieu esthétique de cette tranquillité d’âme et de la foi comme « èthos » commun. Partie du plus haut, l’élégie divine est métaphysique ; partie du plus humble, le précaire de la condition humaine, l’élégie chrétienne, sans s’adapter à un quelconque désenchantement du monde, est plus modeste.
39Dans notre Première partie, nous nous attacherons donc à comprendre d’abord comment se fonde la parole de Venance Fortunat (« Fonder une parole »), puis nous donnerons à lire de quelle élégie parle dès lors le poète (« Elégies, élégie »). Dans notre Seconde partie, nous analyserons les représentations partagées : l’amour et l’amitié ; autrement dit, il s’agira des liens de la parole du poète aux principes de l’« èthos » chrétien qui transforment l’énonciation de la subjectivité en parole de communauté d’âmes. Ce supplément de spiritualité intensifie la lecture d’un texte qui refuse l’expressionnisme narcissique. Une Troisième partie, prolongeant les deux premières et se focalisant sur plusieurs figures de femmes chrétiennes, s’attachera à préciser ce que sont pour Fortunat l’amour et l’amitié en Christ : l’élégie prend alors les visages de celles qui reconnaissent Dieu en elles, paradigmes de Marie véritable inspiratrice du poète.
Notes de bas de page
1 Fetjaine J.-L., Les Voiles de Frédégonde, Paris, 2006, 301 p.
2 Ibid., p. 244-246 ; 249-250.
3 Dangel J., Le Poète architecte. Arts métriques et Art poétique latins, Bibliothèque d’Études Classiques, 24, Paris, 2001, p. 3-4.
4 Yeh W. J., dans Le Poète architecte, J. Dangel éd., Paris, 2001, p. 99-119.
5 Ibid.., p. 118.
6 À propos du Je pindarique, voir Deremetz A., Le Miroir des Muses. Poétiques de la réflexivité à Rome, Presses Universitaires du Septentrion, Paris, 1995, p. 132.
7 Rhétorique à Herennius, 4, 11-15.
8 Ibid., p. 57, 59-62.
9 Ovide, Amours, III, 1.
10 Deremetz A., op. cit., p. 102.
11 Ibid., p. 131.
12 Ibid., p. 276-280.
13 Ibid., p. 148-154 ; 267-269.
14 Horace, Épître aux Pisons, CUF, Paris, 1989, v. 75-76.
15 Grimal P., Essai sur l’Art poétique d’Horace, Paris, 1968, p. 102-103.
16 Ibid., p. 104-105.
17 Ibid., p. 116.
18 Ibid., p. 131.
19 Deremetz A., op. cit., p. 317.
20 Ibid., p. 325.
21 Ibid., p. 327.
22 Ibid., p. 329.
23 Ibid., p. 331.
24 Ibid., p. 334.
25 Ibid., p. 343.
26 Ibid., p. 344.
27 Delbey E., Poétique de l’élégie romaine. Les âges cicéronien et augustéen, Paris, 2001.
28 Deremetz A., op. cit., p. 361.
29 Reydellet M., Poèmes de Fortunat, CUF, Paris, 1994, p. VII – XCV.
30 Ibid., p. XXIX.
31 Ibid., p. XXX-XXXIII.
32 Ibid., p. LXIII-LXVIII.
33 X, 1, 93 : mihi tersus atque elegans maxime uidetur auctor Tibullus.
34 Pline le Jeune, Lettres, X, 96, 7.
35 Tertullien, Apologeticum, 2, 6.
36 Prudence, Préface, 34-36.
37 Prudence, Épilogue, v. 34.
38 Rutilius Namatianus, De reditu suo, I, 63-66.
39 Reydellet M., Poèmes de Fortunat, CUF, Paris, 1994, p. 1.
40 Ibid., p. LIV-LV.
41 Reydellet M., « Venance Fortunat et l’esthétique du style », dans Haut Moyen-Age : culture, éducation et société. Études offertes à Pierre Riché, éditions Publidix, 1990, p. 70.
42 Ibid., p. 76.
43 Michel A., « L’élégie dans la tradition littéraire de Rome jusqu’à nos jours », dans L’élégie romaine – Enracinement –Thèmes – Diffusion, Mulhouse, 1979, p. 287 ; 293.
44 Voir Auroux G., « Jean Grosjean : de l’élégie divine à une plainte sans sujet », dans Élégies, Babel, 12, Université du Sud Toulon-Var, 2005, p. 211-249 ; voir en particulier p. 220-221.
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