Chapitre I. L’album, un support artistique ?
p. 25-49
Texte intégral
Évolutions de l’album
1Le livre tel que nous le connaissons aujourd’hui, le codex, fut conçu pour porter du texte. Dans cet objet, l’image a dû faire sa place, apprendre à composer tous les possibles d’un support qui n’avait pas été fait pour elle.
2L’album, qui apparaît dès le début du xix e siècle, marque la consécration de l’image dans le livre. Il opère un renversement par rapport au livre illustré : l’image prépondérante remplace une illustration rare et subordonnée au texte.
3Cette prépondérance est en premier lieu spatiale : dans l’album, l’image occupe davantage de place que le texte. Mais peu à peu, l’image va également tenir un rôle déterminant dans la narration et prendre une véritable dimension expressive.
4Au cours du xx e siècle des éditeurs ont soutenu, promu, voire défendu la place et la fonction de l’image dans le livre par des politiques éditoriales clairement axées sur sa valorisation.
5L’album pour la jeunesse contemporain français a subi jusqu’à nos jours de nombreuses évolutions, conséquences de démarches éditoriales affirmées. Il est véritablement né dans les années 1950 des publications de l’éditeur Robert Delpire1. Ce publiciste et éditeur d’art a travaillé avec des illustrateurs tels qu’André François, Alain Le Foll ou Georges Lemoine, pour certains issus du très novateur Push Pin studio fondé à New York par les graphistes Seymour Chwast et Milton Glaser. Il souhaite avant tout développer la place et le statut de l’image dans le livre. Ne considérant pas le livre comme une production destinée à la jeunesse, il conçoit une création à part entière de livres dont l’ensemble des composantes formelles participe à l’expression globale, comme Les Larmes de crocodiles (Robert Delpire, 1956) dAndré François, album livré dans une boîte de format oblong semblable à la caisse de crocodile représentée dans l’ouvrage.
6Engager l’image sur la voie d’expressions artistiques résolument novatrices est au cœur du projet éditorial dirigé par François Ruy-Vidal et d’Harlin Quist dans les années 1970. Les images rompent délibérément avec la fonctionnalité pédagogique. Face aux images dénotatives, copies du réel et supports d’apprentissages, émerge une image se posant comme « embrayeur d’une dynamique de l’imaginaire2 » : inattendue, complexe, provocatrice, aux nombreuses résonances symboliques.
7Nicole Claveloux, Henri Galeron, Étienne Delessert, Patrick Couratin et bien d’autres illustrateurs ayant œuvré aux éditions Harlin Quist et François Ruy-Vidal illustrent la collection Enfantimage créée par Pierre Marchand, fondateur en 1972 du secteur Jeunesse de Gallimard avec Jean-Olivier Héron. L’image envahit alors ces petits albums, confrontant le langage plastique de ces jeunes illustrateurs à la langue littéraire de grands auteurs : Victor Hugo, Franz Kafka, Léon Tolstoï, James Joyce… Promouvoir l’image dans le livre tel que l’entend Pierre Marchand consiste aussi à viser une plus grande diffusion ; la collection « Folio Benjamin » généralise le livre de poche jeunesse illustré. L’apport de Pierre Marchand se signale également par des innovations techniques liées à l’impression de l’image : utilisation de transparents, différenciation des textures d’encrages, etc.
8L’École des loisirs, créée en 1965 par Jean Fabre et Arthur Hubschmid fait appel aux plus grands artistes internationaux et s’attache à proposer des albums dits « de qualité ». La politique éditoriale permet le déploiement d’œuvres d’auteurs-illustrateurs travaillant particulièrement l’articulation de texte et de l’image : Tomi Ungerer, Philipe Corentin, Grégoire Solotareff, Claude Ponti… Les publications de L’École des loisirs favorisent la reconnaissance de créations inhabituelles : albums photographiques (Le Ballon rouge d’Albert Lamorisse, 1976), images abstraites (Petit-Bleu et Petit-Jaune de Leo Lionni3 en 1970), albums sans texte (Les Aventures d’une petite bulle rouge de Iela Mari, 1967), livres d’artistes (Alphabet de Sonia Delaunay en 1972)…
9Dans les années 1970 et 1980, de nombreuses petites maisons d’édition explorent de nouvelles voies pour l’album en faisant progresser le recours à la photographie ou aux styles picturaux audacieux, en multipliant les albums sans texte, ou de structures non narratives (Le Sourire qui mord), ou bien encore par la valorisation du caractère littéraire, recherchant aussi bien une poétique du texte que de l’image (Ipomée).
10Enfin, les années 1990 voient l’apparition de démarches éditoriales novatrices qui donnent toute leur ampleur à l’album contemporain. En 1993, Jojo la mache inaugure une collection d’albums pour la jeunesse aux Éditions du Rouergue dont l’auteur, Olivier Douzou, devient le directeur artistique. L’une des plus évidentes caractéristiques des albums du Rouergue est leur format carré. Dès le premier album, le travail sur la langue interagit avec les images et l’ensemble des dispositifs formels. À l’opposé du rapport entre le texte et l’illustration, les messages visuels sont primordiaux et les messages linguistiques s’adaptent aux représentations plastiques dont les styles graphiques sont inhabituels. Du point de vue du contenu, l’humour, les narrations minimalistes et la subtilité des thèmes abordés sont particulièrement maîtrisés en fonction du support et de la matérialité du livre.
11À la même époque Jacques Binsztok prend en charge le secteur jeunesse du Seuil. Ces productions se distinguent aujourd’hui par des créations résultant de démarches résolument artistiques comme en témoignent les albums de Kveta Pacovska, Thierry Dedieu, Béatrice Poncelet, Paul Cox ou Béatrice Allemagna…
12En 1997, l’éditeur Thierry Magnier entend encourager la création en donnant « carte blanche » aux créateurs. En 2000, Tout un monde, album résultant d’une véritable démarche artistique de la part de ses créateurs Antonin Louchard et Katy Couprie, semble emblématique des récentes évolutions de l’album d’aujourd’hui valorisant le langage visuel et développant une multitude de techniques et de styles.
13Cette rapide évocation nous permet d’apprécier l’ampleur de l’évolution de l’album qui, inlassablement, travaille dans le sens d’une affirmation de la place et du statut de l’image. Comment ces démarches travaillant à la valorisation de l’image se manifestent-elles aujourd’hui ? L’image ne s’est-elle pas pleinement affirmée dans l’album, au point de « contaminer » l’ensemble des messages et de faire de l’album un objet dont le mode d’expression est prioritairement visuel ? Dans cette perspective, n’aurait-on pas intérêt à considérer l’album comme un support ?
Le support album
14Tous les éléments du livre sont ainsi de plus en plus fréquemment conçus dans le but d’une participation aux effets visuels. D’une manière évidente, cela concerne la typographie pour laquelle on constate, a minima, un effort de cohérence avec les images. Mais cela concerne aussi la manière dont les différents messages s’articulent avec la double page.
15L’album est lié à un espace d’inscription. Ségolène Le Men dans son article « Le Romantisme et l’invention de l’album pour enfants », évoque l’une des origines du terme « album », rattachée à l’album antique, évoquant en latin une surface d’inscription blanchie à la chaux :
l’album retire de ses origines antiques son espace, celui d’une grande page, blanche en général, où peuvent se combiner, voire se superposer, les éléments textuels et iconiques, tout en accordant une place d’honneur à l’image4.
16L’album se trouve ainsi, dès son apparition, fortement lié à un espace d’inscription. Et la manière dont les éléments textuels et iconiques s’inscrivent sur ce support est déterminante. Claude-Anne Parmegiani5 et Isabelle Nières-Chevrel6 l’ont bien montré, si l’on peut considérer que Jean de Brunhoff7 est à l’origine de l’album moderne, c’est grâce à sa conception d’un support servant le projet narratif. D’abord par l’utilisation de la double page : les images vont par couple, montrant une cohérence sémantique et/ou graphique et relevant d’un enchaînement temporel ou spatial court. Ensuite par le sens donné à la successivité des pages, puisque les ellipses temporelles, les changements de séquences narratives se produisent au changement de double page et que les différentes organisations de la page prennent sens dans la variation qu’elles proposent à l’échelle du livre entier.
17Cet usage du livre est particulier à l’album car celui-ci relève d’un rapport privilégié à l’espace de la double page : pas de cloisonnement par page, pas ou rarement de tabularité et, face à un texte relativement court, des images relativement grandes. De plus, l’image, prédominante, est remarquablement élastique, pouvant être combinée à d’autres ou bien s’étaler à fond perdu.
Mises en pages d’albums
18De fait, et c’est certainement l’une de ses principales caractéristiques, l’organisation interne et le format de l’album montrent une grande flexibilité. La question de la mise en page se pose ainsi de manière particulière dans l’album au vu de cette flexibilité puisqu’il n’existe pas de mise en page dite « régulière8 », comme dans la bande dessinée par exemple.
19Il semble que depuis une dizaine d’années, l’album montre une évolution particulièrement dynamique des mises en pages, constituant même un fait marquant de son histoire récente. Maîtrisant particulièrement les codes de l’album, les créateurs contemporains n’ont de cesse qu’ils inventent de nouvelles organisations de la double page.
20On peut distinguer quelques grands types de mise en page : celle héritée du livre illustré dont textes et images figurent sur des pages différentes, ou celle, typique, de l’album moderne, dans laquelle textes et images se succèdent sur la page. Plus rarement, on trouve une mise en page proche de la bande dessinée. Enfin, à l’opposé de la mise en page héritée du livre illustré se réalise une organisation entremêlant différents énoncés sur le support. Textes et images n’y sont plus cloisonnés dans des espaces réservés, ils se trouvent articulés dans une composition globale le plus souvent réalisée à l’échelle de la double page.
21La mise en page relève alors davantage d’une mise en espace sur une surface d’inscription. Les énoncés y sont entremêlés et non juxtaposés, les textes intègrent littéralement l’image. Qu’ils soient visuels ou verbaux les messages se livrent conjointement et globalement, tandis que dans la mise en page associative, même si plusieurs messages voisinent, ceux-ci se comprennent plutôt successivement.
22Il est ainsi difficile dans ce type de mise en page d’isoler le texte de l’image tant l’un participe de l’autre au sein d’une expression résolument plastique. Les différents énoncés s’organisent en cohérence dans une composition unique que l’on pourrait rapprocher de l’affiche. Chacun des signifiants linguistiques, iconiques et plastiques, contribue à une expression globale.
23Ainsi, de nombreux créateurs travaillent à une convergence des différentes expressions. On assiste alors à une interpénétration des deux messages, traités sur le même plan, comme si ces deux langages étaient prioritairement envisagés en fonction de leurs ressources plastiques. De fait, la disposition, la typographie, la texture des éléments textuels y sont particulièrement travaillés.
24Chez Béatrice Poncelet, le texte se trouve fréquemment noyé dans l’image, participant aux effets plastiques de celle-ci qui occupe toujours l’intégralité de la double-page. Il n’est qu’à voir l’album Galipette 9, dans lequel les textes se confondent avec les lignes sinueuses figurant le mouvement de la toupie ou de la balançoire. On assiste d’ailleurs dans les albums de cette créatrice à une confusion – savamment orchestrée – entre textes et images qui s’enchevêtrent, se superposent, le texte pouvant partiellement disparaître sous l’image. Et si certaines typographies sont tracées à la main, certaines pages de livres représentés sont redessinées, passées au filtre du geste et du matériau pictural. La lettre tient une place importante dans ces albums, dont la typographie, jamais laissée au hasard, choisie pour sa forme ou sa texture, intègre une composition rigoureusement plastique. Ce travail sert ici le projet de la créatrice pour laquelle on s’en doute, tous les éléments du livre doivent contribuer à l’expression globale.
25De nombreux illustrateurs proposant de telles mises en page recourent souvent aux techniques mixtes qui impliquent l’intégration, aux signifiants plastiques, de matériaux linguistiques – parfois à l’état de trace –, que ce soit Chiara Career ou Maud Lenglet et François Braud. On pense alors au futurisme italien et notamment aux recherches de Marinetti qui dans Les Mots en liberté conçoit une page « typographiquement picturale10 » et entend dépasser le modèle linéaire de l’écriture en faveur d’une conception plastique de la page.
26Ces mises en pages, loin d’être toutes forcément justifiées, semblent intéressantes notamment dans la mesure où elles interrogent nos habitudes. L’ordre de lecture, traditionnel et caractéristique de l’album moderne qui consiste en une découverte d’une image suivie de la lecture du texte puis d’un retour rapide à l’image, se trouve complètement troublé. Elles soulèvent de nouveaux enjeux pour le lecteur, qu’elles déstabilisent, mais en même temps elles aboutissent à de nouveaux procès de lecture.
27Car les pages fourmillent de détails, de scènes dissociées ou bien elles soulèvent une énigme. Les images improbables, dont l’interprétation se trouve suspendue, demandent toutes du temps au lecteur. Et c’est certainement là que se réalise l’un des véritables plaisirs de lecture, dans cette exploration durable, concentrée, de tous les éléments flagrants ou retors contenus dans une image, qui se révèlent grâce à ce temps et à ces parcours de lecture. La grande force de ces albums est de laisser au lecteur la liberté d’en inventer le sens.
28C’est également la notion de récit qui se trouve interrogée. De fait, les albums répondant à ce type d’organisation reposant sur l’entremêlement et la contiguïté ne prennent pas nécessairement la voie du récit. Et si le discours est narratif, ces mises en pages sont souvent choisies pour présenter simultanément plusieurs voix narratives ou plusieurs niveaux de narration. Là encore, ce sont de nouveaux exercices de lecture qui s’imposent au lecteur.
29Ces mises en pages nous poussent à comprendre les relations entre texte et images en intégrant les évolutions de l’album par rapport aux autres médias environnants.
L’album et l’artiste
30Et de fait, des créateurs conçoivent de plus en plus l’album comme un objet artistique parmi d’autres. En effet, les albums contemporains se comprennent favorablement dans leurs rapports à l’affiche, à la bande dessinée, aux créations vidéos, etc.
31À ce titre, l’œuvre de Paul Cox s’avère particulièrement intéressante. La parution de Cox Codex 11, monographie signée du créateur, permet de mesurer à quel point ce dernier intègre le livre pour enfants dans une démarche globale de création dont le rapport au jeu, à la couleur, aux contraintes ou au livre même sont autant de clés pour véritablement comprendre et apprécier un titre. Ainsi, savoir que l’album Animaux 12 procède d’un travail qui a été décliné en installations ou en sculptures et s’inscrit dans une vaste réflexion sur les formes, les couleurs ou les alphabets, lui confère immédiatement une nouvelle dimension. Comme souvent dans l’art contemporain, le discours autour de l’œuvre en est partie prenante, et indéniablement, Ces nains portent quoi ? 13 ou Cependant… 14 se révèlent à la lumière de leur fonctionnement sous-jacent ou des codes qu’ils interrogent.
32Les livres de Paul Cox entraînent le lecteur dans de nouvelles confrontations avec le livre, et le conduisent à une prise de distance critique vis-à-vis de sa propre lecture. On y retrouve une interrogation sur le livre même, systématiquement représenté ou mis en abyme. Au-delà c’est à une réflexion d’ampleur sur les codes d’expression, de représentation ou de signification que Paul Cox nous invite à travers tous ses ouvrages, s’inscrivant dans une démarche initiée par René Magritte.
33Dans cette forme artistique aboutie que peut être l’album, la relation du texte et de l’image se pose de moins en mois en termes d’équilibre, de répartition ou encore de priorité. L’enjeu consiste plutôt à mon avis à percevoir l’album dans une dynamique : celle d’un système global et cohérent dont il faut comprendre le fonctionnement et les évolutions pour les soutenir et les accompagner.
L’album selon Anne Brouillard
34Il y a dès lors une nécessité à comprendre et à faire comprendre l’ensemble des mécanismes producteurs de sens dans l’album. Dans cette perspective, les albums d’Anne Brouillard constituent de formidables prolégomènes à la lecture approfondie et avertie d’albums. Car ses livres, ne nous livrant pas à proprement parler un récit, nous interrogent sur ce que l’on veut qu’ils nous racontent. Au lecteur de se mettre en quête.
35Les albums d’Anne Brouillard, au premier abord, se révèlent d’abord par ses magnifiques peintures, représentant le plus souvent des paysages dans lesquels évoluent des silhouettes imprécises.
36Les seuls titres de ses albums – Voyage 15, Le pays du rêve 16, Cartes postales 17, Promenade au bord de l’eau 18, La terre tourne 19 – témoignent de l’intérêt de l’artiste pour les paysages. Dès l’abord, nous sommes plongés de plain-pied dans ses représentations. Les couvertures sont réalisées à fonds perdus, comme la plupart des images de ses livres, véritables images-tableaux, figurant des étendues de campagne où terre et eau se trouvent mêlées et sur lesquelles peuvent apparaître une maison isolée, haute et étroite comme les arbres environnants, une voie de chemin de fer, un pont, un canal… Les paysages d’Anne Brouillard évoquent le nord de l’Europe mais ne sont aucunement référentiels, l’accent étant porté sur le caractère résolument plastique de ces images. Leurs différentes composantes, couleurs et textures sont presque exacerbées. Les formes subissent des distorsions, comme ces arbres si proches des cyprès de Van Gogh. Les contours ne sont jamais cernés, la superposition des couleurs engendre une interpénétration des formes, une dilution qui confère aux images une indéniable force suggestive.
37Au-delà, on peut s’interroger sur l’intérêt de ces images, de ces représentations d’espaces imaginaires, en tant qu’images d’albums. Car il ne s’agit pas d’images tableaux juxtaposées, mais bien d’images liées entre elles, possédant des modalités d’articulation propres et prenant sens dans l’enchaînement des pages du livre.
38Les premiers albums publiés travaillent sur l’articulation de représentations en proposant des métamorphoses. Dans le court album sans texte, Le sourire du loup 20, la suite d’images produit un mouvement de zoom. Et la dernière image, rigoureusement identique à la première, n’est alors plus la même, interrogeant l’ordre de la perception.
39Un tel jeu graphique avait déjà été opéré sur les trois chats de l’album éponyme21 qui se transformaient en oiseaux pour redevenir chats, renvoyant implicitement au marabout des trois petits chats.
40Le procédé de la transformation régit ainsi ce que l’on a tout de même quelques réticences à nommer des récits. Car on ne trouve pas de situation initiale perturbée, pas d’actant, et finalement peu d’action dans ces ouvrages qui frôlent le degré zéro du récit. Pourtant, ces images forment des séquences narratives et sont reliées entre elles par des relations de succession et de transformation. Deux principes du récit en image peuvent être mis au jour selon André Gaudreault qui emprunte ces notions à Tzvetan Todorov :
« Peut en effet être considéré comme narratif […] tout énoncé qui relate des actes, des gestes ou des événements ayant entre eux une “relation de succession” et développant “un rapport de transformation”22. »
41Relation de succession car Anne Brouillard sait remarquablement s’appuyer sur l’enchaînement des pages. Relation de transformation, car chaque image présente simultanément une ressemblance et une différence avec sa précédente. Ces différences font sens et c’est dans cette dialectique que réside tout le jeu sur l’espace – temps dans l’album.
42Ces principes se trouvent remarquablement mis en lumière dans l’album Petites Histoires 23 dans lequel le jeu combiné de la progression et de la variation de page en page construit de petites séquences narratives proches du style burlesque des premières images animées.
43S’appuyant prioritairement sur la relation de succession, l’album Voyage 24 a pour sujet un simple déplacement en train. Le texte est descriptif mais n’explicite que peu l’image et s’inscrit dans un strict rapport de redondance. Jusque dans l’expression du mouvement. Une ligne de texte placée sous les images accompagne leur vectorisation. Il s’agit de recréer le mouvement du train par celui de la lecture conjuguée du texte et des images juxtaposées à l’horizontale. Mimétisme accompli, puisqu’à l’image de l’arrêt du train en gare correspond, sur la page en regard, un bloc de texte vertical.
44Dans cet album, le travail sur la successivité des pages se place au service de l’illusion d’un continuum. Au fur et à mesure des pages, et donc de la prise de vitesse du train, de pleines pages puis des doubles pages entières sont investies, sans texte, occupant tout l’espace pour une vision qui se voudrait panoptique.
45Au détour d’un texte précédant cette séquence, le lecteur attentif aura compris soudain le but poursuivi : recréer l’expérience du voyageur qui observe le paysage qui semble défiler en sens inverse du train. Le lecteur doit être lui aussi « saisi » entre la « navette narrative » qui le tire de la gauche vers la droite de la double page – et donc du début vers la fin du livre – et ces représentations qu’il laisse derrière lui en tournant les pages. Cette expérience subjective est rendue par un travail sur la focalisation, entendue aussi bien en termes narratifs que cinématographiques.
46L’album L’Orage 25 suggère lui aussi un déplacement, celui de la promenade à pied. Le rythme de cette suite d’images génératives, qui s’étalent le plus souvent sur une page, voire sur une double page, est calme et lent. Impression de fluidité, dans ce récit en image que ne vient pas troubler de texte. Pourtant le format en hauteur n’accentue pas la vectorisation contrairement au format « à l’italienne » de Voyage.
47C’est davantage la remarquable élaboration de ces images recréant l’illusion d’un instantané photographique qui favorise cette expression de la temporalité particulière, ce que Jacques Aumont nomme, à la suite de Lessing, « l’instant quelconque » :
Le goût de l’instant quelconque apparut, avant même l’invention de la photographie, dans certains genres picturaux où l’on s’appliqua parfois à donner l’illusion qu’on n’avait pas choisi le moment représenté26.
48Chez Anne Brouillard, cette expression s’appuie sur le travail de la texture déjà évoqué : perméabilité, dilution, qui suggèrent des formes mouvantes. C’est aussi en mettant en scène les variations du temps qu’il fait qu’elle exprime le temps qui passe – thématique que l’on retrouve dans l’album Il va neiger 27. Elle rejoint en ce sens le peintre Pierre-Henri de Valenciennes qui se spécialisa vers 1780 dans la réalisation de peintures de paysages dans lesquels il accorde une grande importance aux phénomènes météorologiques. Ce goût de l’illustratrice pour la figuration des états de l’atmosphère renvoie également aux peintures de William Turner et de John Constable.
49À deux reprises, dans cet album, elle propose une mise en page plus propice à l’expression du temps en distribuant quatre images sur l’espace de la double page. L’entr’image joue alors un rôle prédominant dans l’expression temporelle. Dans la première de ces deux doubles pages, les images se comprennent, verticalement, dans une relation de successivité et, horizontalement, dans une relation de simultanéité. Ajoutant au trouble des représentations, ces relations se trouvent croisées dans la seconde de ces doubles pages.
50Sensible aux reprises et répétitions de motifs, le lecteur éprouve l’intuition que ces espaces sont à connecter. Dans ces ouvrages, les signes iconiques récurrents sont souvent à prendre comme des indices, tels les sémaphores représentés dans chaque album.
51Le lecteur s’improvise donc géographe de ces espaces imaginaires. Il tente de les reconstituer, voire d’en dresser la carte pour mieux les articuler. Finalement, les différents espaces représentés ne s’enchaînent pas, bien au contraire. Les différentes représentations de l’intérieur de la maison présentent des défauts de raccords manifestes, comme si cet espace fictif était en perpétuel changement. La cohérence étant rendue impossible, seul compte le système de relations qu’organise le montage.
52Le défilé d’espaces se comprend finalement selon le principe d’un système de variations – de luminosité, de couleurs, d’échelles de plan, de choix de cadrages – et d’oppositions – entre intérieur et extérieur et surtout entre simultanéité et successivité. La production de sens s’élabore précisément à partir de ces dialectiques.
53Il y aurait d’ailleurs à explorer cette notion du montage dans l’album à la lumière des écrits de Walter Benjamin convoqués par Georges Didi-Huberman dans son ouvrage Devant le temps qui traduit en ces termes les positions de Benjamin sur le montage dans Paris, capitale du xx e siècle :
le montage comme procédure suppose en effet le démontage, la dissociation préalable de ce qu’il construit, de ce qu’il ne fait en somme, que remonter, au double sens de l’anamnèse et de la recomposition structurale […]. [L]’imagination, la monteuse par excellence, ne démonte la continuité des choses que pour mieux faire surgir de structurales affinités électives28.
54On serait tentée de s’approprier cette affirmation et de la transformer en injonction programmatique pour la lecture des livres d’Anne Brouillard, artiste qui, précisément, organise les affinités pour permettre la mise au jour de fonctionnements paradigmatiques.
55Dans La terre tourne 29, les images pleine page réorganisent un paysage en fonction de plusieurs éléments donnés, comme une création sous contrainte : train, eau – bateaux –, maison, viaduc – ou aqueduc c’est selon –, arbres et variations autour de ce thème. Et de pages en pages on assiste à l’introduction progressive de personnages, sur le modèle de la randonnée. Ce sont finalement des images à secrets qui se révèlent à la faveur d’une lecture qui doit constamment revenir sur ses pas, dessiner des boucles sur l’apparente linéarité du récit pour, précisément, en faire surgir un véritable système de relations.
56Une fois ce processus mis au jour, on s’aperçoit que c’est l’espace même de la double page qui produit le système de relations le plus complexe. Entre un texte, élaboration parallèle à l’image au caractère résolument poétique, une série d’images qui décline un motif comme autant de petites métamorphoses qui aboutissent à la répétition d’un élément graphique de l’image, une image au motif immuable de page en page mais qui varie par le cadrage, la lumière ou la couleur et enfin l’image pleine page.
57C’est ainsi dans l’organisation de l’espace de la page que se réalise la véritable géographie. Partant de représentations d’espaces, c’est avant tout l’espace et les codes de la représentation que ces ouvrages interrogent. En dernier ressort, ces récits suivent la quête d’un lieu narratif qui est celui de l’album même.
58Anne Brouillard, Paul Cox, Béatrice Poncelet et bien d’autres ouvrent de nouvelles voies d’expression pour le livre d’images. Grâce à la maîtrise croissante des créateurs, l’album s’affirme avec force comme un médium dont il nous faut désormais prendre toute la mesure. Le travail sur l’objet, sur les modes d’expression, les techniques ne cessent de nous surprendre et de remettre en questions nos habitudes et conventions par rapport au médium, ce qui est le propre d’une œuvre d’art. L’un des intérêts majeurs de ces albums est qu’ils génèrent et comblent une attitude curieuse, attentive, active et réactive. L’œuvre concentre avant tout un échange de propositions entre l’artiste et son lecteur-spectateur, autant de propositions de jeux que l’enfant, mis en appétit, entraîné à une certaine prise de risque, encouragé dans son esprit de jeu sait démasquer, suivre et espérer. Ces jeux de lecture invitent le lecteur à dépasser son propre niveau de compétence, de sensibilité littéraire ou plastique ; ils conduisent au dépassement, à ouvrir, à bousculer, à compliquer, à multiplier son rapport aux langages textuels et iconiques.
Questions sur… l’album
59– Cette analyse sur l’évolution de l’album permet d’amorcer une réflexion sur un genre dont on ne soupçonne pas toujours les enjeux littéraires, et sa capacité à développer l’imaginaire chez l’enfant. Je me souviens cependant de débats très virulents dans les années 1970-1980, entre des psychologues et psychanalystes, dont Françoise Dolto, et les éditions Harlin Quist. Le sujet de cette polémique concernait les images de certains albums jugées traumatisantes pour les enfants, susceptibles de bloquer l’évolution du psychisme humain et de bloquer leur imaginaire30. Tout cela fait maintenant un peu sourire, mais la question de la réception des images reste prépondérante. Petite musique de la nuit de Christian Bruel publié au Sourire qui mord en 1998, ou plus récemment l’album Tout un monde de Katy Couprie et Antonin Louchard édité en 2000 par Thierry Magnier, sont des productions novatrices, mais on peut se demander si elles rencontrent un engouement de la part du jeune public. Sont-elles vraiment destinées aux enfants ? Il me semble aussi que si l’album devient un support artistique par l’image – travail sur l’objet, les modes d’expression, les techniques –, le destinataire ne serait plus seulement limité au jeune public. J’ai découvert avec beaucoup d’intérêt l’album d’Anne Brouillard Le chemin bleu publié en 2004 par Le Seuil jeunesse. Le narrateur adulte revit les souvenirs et émotions de son enfance, en choisissant d’habiter la maison de son ancienne école. La narration utilise des images en noir et blanc, pour raconter les moments de l’enfance qui ont déterminé son désir de découvrir le monde. Son imagination construisait son futur d’adulte. Le récit alterne subtilement entre présent, passé et futur, enfance et âge adulte.
60 Sophie van der Linden : – La question de l’âge des destinataires se pose en effet de manière cruciale en médiathèque. J’ai régulièrement des échanges avec des bibliothécaires à ce sujet lors des formations que j’anime sur l’album. Cette question est bien sûr liée à l’usage qui est fait de l’album, la conception que ses créateurs en ont et s’ils le rattachent avant tout à un support ou à un objet lié à ses destinataires. Aujourd’hui, certains éditeurs affirment clairement réaliser des albums pour adolescents ou adultes et font apparaître ces collections comme telles dans leur catalogue (Magnier, Le Seuil, Rouergue), d’autres éditeurs affirment réaliser des albums « point », c’est-à-dire sans distinction de destinataire tandis que d’autres encore n’annoncent rien mais font des albums pour leurs pairs et non pour les enfants.
61 Toutefois, vos exemples ne me semblent pas nécessairement correspondre à cette dernière catégorie. La volonté de Christian Bruel avec le Sourire qui mord est de publier des albums qui s’adressent aussi bien aux enfants qu’aux adultes, selon la formule : « on n’est jamais trop petits pour avoir besoin d’image ni jamais trop grands pour n’en avoir plus besoin ». Faire évoluer les conceptions de l’image pour l’enfant en même temps qu’ouvrir les adultes à de nouvelles formes d’expression aboutit en effet aux réalisations que nous connaissons. Par contre, je ne partage pas du tout votre avis sur Tout un monde de Katy Couprie et Antonin Louchard qui a véritablement été conçu pour un public de jeunes et même de très jeunes lecteurs. Et cela fonctionne. Je ne connais pas exactement les tirages, mais toutes proportions gardées, c’est un véritable best-seller. Et il est effectivement lu et transmis aux jeunes enfants. Indéniablement les enfants aiment ce livre et le comprennent comme un livre qui leur est adressé. Si l’expression est novatrice, la multiplication des techniques et des styles inhabituelles, je ne vois pour ma part aucune contre-indication à sa lecture par des tout-petits et bien au contraire, les représentations, les choix d’expression (le temps qui passe, la lumière, etc.) me semblent particulièrement concerner le jeune lectorat. Il me semble que cet album participe au contraire magistralement d’un éveil artistique et culturel. Et que dire du petit jeu de relations qui enthousiasme si profondément les jeunes lecteurs qui le découvrent par eux-mêmes ?
62– S’il est indéniable que les albums d’Anne Brouillard invitent à la digression et à la rêverie poétique, on peut tout de même se poser la question de leur réception auprès du jeune lecteur face à l’extraordinaire complexité de la mise en scène des doubles pages, du découpage et du montage. N’y a-t-il pas un risque de le rebuter et le décourager ? Vous citez Claude Ponti qui exige que son œuvre comprenne toujours plusieurs niveaux de lecture… N’y a-t-il pas nécessité d’accompagner le jeune lecteur, de lui proposer des pistes, des clés, mêmes cachées afin de ne pas le « perdre dans les bois » ? C’est ce que font entre autres Béatrice Poncelet, Hélène Riff ou Anne Herbauts – quoique pas toujours –, c’est ce que ne fait pas vraiment Anne Brouillard. Est-ce cela qui fait dire à Elzbieta dans L’Enfance de l’art :
« Je tiens à maintenir entre ma recherche plastique et mon activité en direction des enfants une séparation nette, pas seulement par principe mais parce qu’il n’y a entre elles aucun rapport visible. D’ailleurs, ce que je construis dans la part « adulte » de mon entreprise ne peut en aucun cas être adressé aux enfants31 ? »
63 Sophie van der Linden : – Je crois précisément que ce qui fait la grande valeur des albums d’Anne Brouillard, c’est qu’ils savent formidablement conjuguer complexité et respect de l’enfant. Tous les parcours qu’elle met en scène, sont savamment orchestrés, et proposent toujours de nombreuses pistes qui reposent sur des principes assez évidents : reprises iconiques, récurrences de motifs, etc. Ce sont des dispositifs essentiellement visuels. Or, mon expérience en ce domaine m’amène à croire que les enfants ont une attitude bien plus spontanée que nous face à l’image et qu’ils sont particulièrement à l’aise avec ses codes. Un album comme Cartes postales pose très souvent des difficultés aux adultes alors que je n’ai jamais vu un enfant peiner sur son décryptage. Anne Brouillard, avec laquelle je me suis entretenue de cette question, et qui a réalisé de nombreuses interventions auprès d’enfants me confirmait cette absence de difficulté des enfants face à ses albums et soulignait la grande pertinence et la précision de leur regard. S’appuyant favorablement sur les codes de l’image, les albums d’Anne Brouillard semblent poser plus de difficultés aux médiateurs qu’aux enfants !
64– À propos de Béatrice Poncelet, je souhaiterais connaître votre analyse sur la façon dont elle s’empare du temps dans ses ouvrages, dans Et la gelée, framboise ou cassis ? 32, Les cubes 33 ou Chut ! elle lit 34. Elle parle de « moments arrachés au silence ». D’autre part, toujours chez Béatrice Poncelet, pensez-vous que l’absence de narration relève aussi d’une narration, et pensez-vous que l’utilisation de la double page postule une lecture plus graphique ?
65 Sophie van der Linden : – L’œuvre de Béatrice Poncelet est très riche et permet de soulever de nombreux enjeux du fonctionnement de l’album. Ces « moments arrachés au silence » évoqués par la créatrice rejoignent certainement ses propos plus généraux sur la musique. Indéniablement, il y a une pertinence à rapprocher son expression de la création musicale, notamment sur cette question de l’expression du temps. Envisager par exemple Chut ! Elle lit selon cet angle peut s’avérer fructueux, tout comme l’approche cinématographique, d’ailleurs. Cette expression du temps semble indissociable de la question de la narration. Il n’y a pas d’absence de narration chez Béatrice Poncelet. C’est le récit qui est absent, alors même que la narration est précisément prédominante. Il y a toujours une voix narrative, souvent à la première personne, sur laquelle le discours, l’expression travaille particulièrement. Vous aurez certainement fait le lien avec les travaux dits du « Nouveau roman ». Je crois que la question du temps rejoint cette réflexion plus générale, empreinte de ce mouvement littéraire, sur les modalités narratives, un aspect d’autant plus intéressant de son travail qu’elle ne représente quasiment jamais le ou les narrateurs à l’image. Il y a là une distorsion texte-image propre à faire évoluer de nombreuses habitudes de lecture de l’album.
66– Vous notez une multiplication des albums « artistiques » où tout se mêle : le texte, les images, les collages, les photos, ce qui donne des résultats parfois très difficiles d’accès aux enfants qui ne se retrouvent pas dans cet espace non-organisé. Je pense à L’amoureux 35 de Rébecca Dautremer dans lequel les jeunes enfants picorent, font des chasses aux détails, apprécient les couleurs mais ne construisent pas de sens. C’est un peu le même problème avec Béatrice Poncelet dans Chez elle ou chez elle 36 : très peu d’enfants sont capables d’en déduire un sens global. L’album ne devient-il pas un objet artistique au détriment de la littérature qu’il est sensé porter ?
67 Sophie van der Linden : – L’absence de « sens » que vous évoquez n’est-il pas plutôt une « absence de récit » ? Je ne connais pas la réception des albums de Béatrice Poncelet, mais il me semble que Chez elle peut évoquer beaucoup de choses pour les enfants, les interpeller, susciter des discussions ou simplement les conduire sur de petits jeux référentiels. Mon expérience en tant que formatrice me fait dire que précisément, c’est parce que l’on ne lit pas assez « sérieusement » les textes de cette créatrice que l’on peut parfois buter. Ses textes sont précisément d’une qualité littéraire rare dans l’album d’aujourd’hui. Mais ils peuvent déstabiliser car ils sont très loin des récits conventionnels. Proches, comme je viens de le dire, des démarches du Nouveau Roman, ses textes très travaillés interrogent les possibilités narratives et sont particulièrement novateurs dans le champ de la littérature de jeunesse. Le littéraire prend des formes multiples qu’il faut comprendre et soutenir. L’artistique n’est pas en conflit avec le littéraire, loin de là. D’où l’importance à mes yeux de considérer l’album comme une forme artistique et littéraire cohérente et non comme une évolution du récit illustré.
68– Vous ne citez que des albums dont l’auteur est à la fois l’illustrateur. Est-ce à dire que seulement ceux-ci ressortissent à une véritable démarche artistique ? Il est vrai que beaucoup d’auteurs ne fournissent que le texte à leur éditeur et n’ont même pas le choix pour les illustrations et la mise en pages ! Elsa Devernois me confiait que, lors de l’écriture de son livre Fait divers en Laponie 37, elle avait imaginé de petits personnages dynamiques et drôles et qu’elle avait été très déçue de voir son album publié avec de beaux dessins doux aux pastels. Son livre me semble pourtant quand même un album artistique dans lequel s’articulent texte et images…
69 Sophie van der Linden : – J’ai finalement cité très peu d’albums et j’aurais pu tout aussi bien en citer d’autres associant un auteur et un illustrateur. Je ne crois pas que le fait d’être auteur-illustrateur garantit une cohérence texte/image. Il s’agit surtout de concertation et finalement de maîtrise de l’expression. François Place et Daniel Maja, par exemple, expriment avec précision comment ils travaillent par rapport au texte et surtout comment chaque type de texte produit en eux une réflexion, une implication et un travail chaque fois différent. Certains illustrateurs s’improvisent parfois trop vite auteurs et les textes peuvent être plats, peu compréhensibles, alors même que les illustrations sont remarquables.
70– Certains artistes travaillent toujours à deux comme Fred Bernard et François Roca, ce qui offre une vraie complémentarité dans l’ambiance des albums. Pourtant, la mise en page est toujours figée dans un face à face texte à gauche/illustration à droite. La mise en page doit-elle nécessairement être éclatée pour avoir une cohérence avec le texte ?
71 Sophie van der Linden : – Mon propos, en insistant sur les mises en pages dites « innovantes » était d’attirer l’attention sur les enjeux et surtout sur les implications, en terme de lecture de ce type de mise en page qui, à mon avis, joue avec des habitudes et des conventions très différentes des albums procédant d’une mise en page plus proche du livre illustré. Je constate que ces réalisations sont souvent peu appréciées parce que peu comprises. J’y vois une nécessité à s’interroger sur ces expressions, d’une part parce que sinon, tout est permis, y compris la gratuité de l’effet, d’autre part parce que plus personne ne voudra les éditer alors même qu’il y a un défi pour la lecture à relever. Surtout, n’en concluez pas que je considère les mises en pages plus « classiques » moins pertinentes, mais elles me semblent relever le plus souvent d’autres dynamiques. En termes de relations texte/image, tout est possible, dans toutes sortes de mises en pages. Mais les effets formels de mise en page sont également à prendre en compte dans leur appréciation.
72– Dans son livre Illustrateur jeunesse. Comment créer des images sur les mots, publié en 2004 aux éditions du Sorbier, Daniel Maja revendique le droit à une interprétation libre du récit qu’il doit illustrer. Cependant le récit narratif est antérieur à l’image et l’illustrateur le suit. Dans quelles mesures l’album est-il un support artistique lorsque l’auteur et l’illustrateur sont différents ? Peut-on penser que le texte soit seulement source d’inspiration pour certains illustrateurs ?
73De plus, le format album est traditionnellement réservé aux jeunes lecteurs car l’image y est prépondérante et est donc censée favoriser la lecture. Or on s’aperçoit qu’actuellement certains adultes achètent des albums pour leur bibliothèque personnelle. Tout se passe comme si les adultes s’appropriaient des récits qui ne leur étaient pas destinés. Je me demande si certains auteurs, illustrateurs, éditeurs produisent toujours pour un public d’enfants. N’y a-t-il pas tentation à utiliser le support album pour un public adulte ?
74 Sophie van der Linden : – Daniel Maja se revendique comme un illustrateur et son point de vue dans son ouvrage est bien celui-là. Il travaille toujours à partir d’un texte antérieur, pour des ouvrages qui sont soit des récits illustrés, soit des albums mais dont le texte reste premier et prioritaire.
75 L’album résulte d’une forte interaction entre textes et images. Cependant, ce ne sont pas les modalités de réalisation qui font ou non l’objet mais bien la qualité de cette interaction. Un illustrateur peut tout à fait se saisir d’un texte, et, par un travail sur le sens, sur l’expression plastique, la mise en page, réaliser un album d’une grande cohérence. Néanmoins, il faut reconnaître que le plus souvent, l’album comme forme d’expression artistique relève d’un créateur unique.
76 En ce qui concerne votre question sur l’intérêt des adultes pour les albums, je ne crois pas que ce soit comme vous le dites les récits qui intéressent ces adultes mais plutôt la prépondérance des images. L’album est un formidable support de l’image, permettant une très grande liberté et nombre de graphistes ou de plasticiens s’y intéressent pour ces raisons. De fait, ces créateurs et certains éditeurs comme L’Ampoule, Les Oiseaux de passages, etc. font évoluer l’album et le dirigent progressivement vers un public adulte, notamment un public jeune qui a été très tôt confronté aux médias visuels. Il ne fait pour moi pas de doute que nous verrons prochainement l’émergence d’albums « pour adultes » et que l’album s’affirmera comme une forme d’expression à part entière, au même titre que la bande dessinée, qui par ailleurs se rapproche très souvent de l’album.
77— J’ai été très perturbée par l’album de Nicole Claveloux, Dedans les gens, publié en 1993 dans la collection « Le sourire qui mord », chez Gallimard. Tout dans ce texte est source d’interrogation : le titre, le petit texte d’introduction et bien sûr les images, avec ses personnages incroyables qui se suivent à la queue leu leu, le style des peintures, à la fois baroques et surréalistes, l’utilisation de pages extrêmement petites qui ne servent qu’à faire un zoom sur une œuvre plastique démesurée, la structure qu’on croit linéaire au départ, mais qui se révèle perturbée peu après par le défilé des personnages fait d’allers-retours, etc. Cette œuvre d’une extrême densité m’a procuré une émotion que je n’ai pas comprise. Sa richesse m’a saturée à un point tel que je voulais m’échapper de ce monde bizarre dans lequel mes sentiments et mon inconscient, peut-être plus que mon imagination, étaient constamment sollicités. Je n’ai même pas réussi à finir. Je n’aurais pas imaginé ne pas arriver au bout de la lecture d’un livre d’images, considéré par le commun des mortels comme le genre qui convient au très jeune enfant. Et je n’ai pas repris la lecture de cet album. Je crois que l’impact a été trop fort. Connaissez-vous l’intention artistique que Nicole Claveloux a eue en réalisant cet album ? Savait-elle que ce livre allait être si fort ? Est-ce intentionnel ? Et savez-vous comment cet album peut être reçu par des enfants ? J’ai l’impression qu’un enfant sera moins étonné par cet univers qu’un adulte, et qu’il sera plus disposé à jouer avec les histoires qu’il peut inventer sur chaque personnage et sur les liens qu’il y a entre eux. D’où une autre réflexion : est-on vraiment préparé à la lecture d’images ? L’apprentissage de la lecture nous enlève-t-il cette innocence qui nous permet de comprendre dans toute son importance l’intérêt d’une image ?
78 Sophie van der Linden : – L’album de Nicole Claveloux est en effet profondément singulier. D’abord dans la prise en compte du destinataire enfantin, le style ici semble aux antipodes des représentations conventionnelles pour l’enfance. En même temps, il est évident qu’il y a là un hommage appuyé au travail du peintre Jérome Bosch. La fascination pour cet univers étrange et fantasmagorique peut certainement opérer quel que soit l’âge. En même temps, il s’agit ici d’un travail d’expression très personnel et très intime de Nicole Claveloux qui ne peut toucher qu’un public très limité tant ses partis-pris sont affirmés. Le travail sur les cadrages, les répétitions, les effets d’annonce me semblent très intéressants et peuvent d’ailleurs à eux seuls constituer un angle de lecture. Indéniablement, les enfants ont beaucoup moins de réticences face aux images que nous médiateurs en avons par rapport à leur prétendue capacité de réception. Des études montrent cependant que la capacité à mener une lecture approfondie de l’image s’atténue avec l’âge – et de manière significative entre sept et dix ans. Il est nécessaire de former à l’image non seulement les enfants mais également les adultes, en particulier les médiateurs, et dans la société dans laquelle nous évoluons, il y a une certaine urgence à former à la distance critique vis-à-vis de l’image.
79– Je suis souvent frappée moi aussi par l’importance « décroissante » de la lecture de l’image dans l’album au fur et à mesure que la lecture du texte est maîtrisée. Déjà, chez les enfants de CM (9/10 ans) bons lecteurs, s’intéresser à l’image n’est pas prioritaire. Ils se laissent porter par le texte et ne reviennent aux images qu’à la fin de la lecture de l’album, ce qui fait que les albums qui fonctionnent en interaction texte-image leur échappent à la première lecture et il faut les guider pour les amener à relire et à faire du lien. De même, les adultes, en comités de lecture, font également parfois abstraction des images. Pourquoi est-il donc si difficile de gérer ces deux lectures différentes en même temps, alors que nous les gérons sous forme de bande dessinée ? Il semble plus facile de lire du texte mêlé à l’image par la mise en page que du texte placé face à l’image. Comment le paramètre espace intervient-il ?
80 Sophie van der Linden : – La distance, les rapports formels ont en effet un rôle sur la lecture de ces deux messages intrinsèquement hétérogènes. Plus les textes seront intégrés à l’image, plus les adultes mal à l’aise avec l’image auront des difficultés à en faire une lecture pleine et entière. Ce sont d’ailleurs les mêmes qui ne réussiront pas à « rentrer » dans une bande dessinée. La bande dessinée constitue un langage spécifique dont il faut faire l’apprentissage spécifique. De même, ces mises en pages associant au plus près textes et images, les entremêlant, relèvent d’une lecture particulière, qui n’est ni celle de la bande dessinée, ni celle de l’album « classique » montrant une alternance claire de textes et d’images. Lorsque l’album se rapproche formellement du livre illustré, il y a aussi, du point de vue de l’appréhension du sens, une tendance à ne considérer les images que comme des illustrations redondantes. Dès lors, la lecture de l’image reste superficielle et l’on perd des informations si l’image est complémentaire du texte. La capacité à mettre en œuvre une lecture associée du texte et de l’image relève indéniablement d’une formation particulière du lecteur.
81– Les livres de l’artiste japonais Katsumi Komagata, qui crée des livres objets pour les enfants – il a été l’invité d’honneur du Salon de la jeunesse à Montreuil en 2003 –, sont d’une beauté stupéfiante : délicates sculptures de papier, lignes épurées, jeux sur les couleurs, les contrastes, les formes, le rythme. Ils renferment des surprises, bouleversent les habitudes de perception, invitent au jeu, à l’exploration du livre dans tous les sens. Pour autant, je ne vois pas à proprement parler de « littérature » dans ces ouvrages, pour la plupart sans textes, mais plutôt des objets d’art. Komagata affirme que l’important, c’est la communication qu’adultes et enfants instaurent et que ses livres sont des outils de communication visuelle qui favorisent ce dialogue. L’émotion esthétique vous paraît-elle aisée à communiquer entre enfants et parents ?
82 Sophie van der Linden : – Il nous paraît très difficile de parler de littérature s’agissant des livres de Komagata mais ces livres véhiculent une émotion et suscitent une réflexion qui fait évoluer notre relation au livre, même littéraire. D’abord parce qu’ils placent en exergue le rôle du support mais aussi parce qu’ils interrogent la question des formes d’expression liées au livre. L’usage de la couleur, des formes, du rythme, l’enchaînement des pages, les correspondances, échos, évolutions, interrogent le livre de manière universelle. Connaissez-vous Ali ou Léo de Sophie Curtil, publié en 2002 chez Les doigts qui rêvent, un remarquable livre artistique tactile ? Cet objet, constitué de courts textes imprimés et en braille ainsi que d’empreintes en volume sur le papier interroge comme aucun autre la relation texte-image ! A la découverte de ce livre, une forte émotion nous submerge : la qualité du papier, la blancheur des pages, la beauté des empreintes imposent un profond respect. Vient ensuite l’intérêt pour le discours et l’élaboration d’hypothèses jouant sur la polysémie des représentations formées par les empreintes. Il y a enfin quelque chose de très ludique dans la lecture de ce livre. Tout cela me semble en effet très riche pour une lecture partagée. Mais peut-être plus sous une forme individuelle ou en petit groupe. Comme ceux de Bruno Munari et bien d’autres, les livres de Komagata ou de Sophie Curtil se découvrent comme des objets précieux, parce que fragiles, réalisés de manière artisanale, relevant d’une véritable démarche artistique mais aussi parce qu’ils sont chers, propres à générer une émotion chez les lecteurs qui le découvriront ensemble. Tout le rôle de l’adulte est alors de savoir guider l’enfant dans cette découverte, tout en le laissant agir, décider, être surpris, sans anticiper sa lecture. Mais il faut bien sûr accepter de ne pas réussir à partager la grande émotion que l’on aura pu ressentir à la lecture de telle ou telle œuvre. Nous devons certainement découvrir, proposer, suggérer et… savoir essuyer un refus ! Et puis savoir également inverser la relation et nous laisser surprendre par les attitudes des enfants. Combien de fois ai-je été surprise par l’enthousiasme d’un enfant pour tel ou tel livre que je jugeais sans intérêt !
83– Dans Cependant, de Paul Cox, publié chez Le Seuil jeunesse en 2002, la technique d’illustration me déconcerte totalement. Pourriez-vous m’aider à comprendre ce qu’il a voulu faire dans cet ouvrage ?
84 Sophie van der Linden : – Concernant Paul Cox, il est vrai que ses images semblent a priori peu esthétiques. Le sous-titre peut aider à mieux comprendre : « le livre le plus court du monde », tout comme ce simple mot, répété sur chaque page et qu’il faut prendre au pied de la lettre. En fait, chaque image et donc chaque page de ce livre représentent une action simultanée aux autres. C’est pourquoi il s’agit du livre le plus court du monde : il se déroule sur une seconde ! De plus, si vous observez bien les images – et les horloges sont là pour nous y aider – nous trouvons des représentations de plusieurs endroits du monde. Plus précisément, ce livre nous offre un tour du monde, une vision de scènes du monde à la même seconde, d’où les heures différentes sur les horloges. Reprenez ce livre en tournant les pages et vous verrez alors des signes, des symboles de pays que vous identifierez et dont vous constaterez qu’ils suivent un ordre géographique, de l’Ouest vers l’Est. De plus, comme dans Tout un monde, à l’échelle de la double page, il existe toujours un lien, qu’il soit de couleur ou de forme, parfois d’association d’idées : le bébé et l’astronaute, le champ contre-champ entre la jeune fille et le jardinier, etc.
85– Il semblerait que les enfants par le jeu ou toute autre activité libre et consentie par plaisir – comme les adultes sans doute – façonnent des images mentales qui leur permettent par compromis d’accepter la réalité tout en ménageant leur intégrité. Ainsi donc l’intérêt majeur de l’album est la possibilité offerte aux enfants de se forger des images mentales non pas seulement à partir d’un texte écrit ou d’un texte lu mais à partir de l’autre médium qu’est l’image en un ensemble qui interagit. une autre entrée en quelque sorte.
86Ne pensez-vous pas que chez certains auteurs contemporains, l’image force la représentation en dévoilant brutalement – je pense à la réécriture iconique du Petit chaperon rouge par Sarah Moon, chez Grasset en 2002 – un sens dont la portée symbolique perd ainsi en efficacité ? La brutalité des images agirait donc à l’encontre du but poursuivi, c’est-à-dire la construction d’hypothèses personnelles de représentation, surtout si l’on considère qu’on se défait difficilement d’une image reçue.
87 Sophie van der Linden : – Vous réactivez ici une querelle assez ancienne, portée notamment par Bruno Bettelheim, à propos de l’illustration des contes. Concernant les images qui « forceraient » la représentation, les images de Sarah Moon orientent en effet l’interprétation vers le sens premier du conte d’avertissement qu’est le conte du Petit Chaperon rouge. Pour autant, la distanciation me semble toujours présente dans ce travail de haute portée artistique. L’esthétique succède à la métaphore et je crois que, en raison des choix de cadrage, de lumière, etc. les enfants sont libres de leur interprétation à la lecture de cet album, certes très fort et peut-être très marquant. J’avoue pour ma part m’inquiéter davantage de la multiplication des versions édulcorées de ce conte plutôt que de parti-pris comme ceux de Suzanne Janssen ou Sarah Moon qui renouent avec la fonction première de ce conte.
88 Pourquoi illustrer des contes ? Les illustrateurs ont souvent répondu à cette question et l’ont fait chacun à leur manière. Si certains pensent en effet se substituer à la parole du conteur, pensant peut-être que l’enfant ne le rencontrera pas ou plus, ils peuvent en effet rivaliser avec lui. Les effets de typographies, entre autres, dans une certaine mesure, peuvent en effet « mimer » cette oralité et fournir des indications de lecture au médiateur.
89 Pour autant, je pense qu’il faut considérer l’album comme une forme d’expression à part entière qui mérite aussi d’être évaluée dans sa propre singularité. Voyons plutôt ce que ses caractéristiques lui permettent, que ce soit dans le rapport texte-image, l’enchaînement des pages, la confrontation de point de vue etc. C’est une toute autre réception qui est sollicitée pour, certainement, de tous autres objectifs…
90– À qui sont exactement destinés les albums actuels ? Aux enfants ? Ou aux adultes, notamment amateurs d’œuvres d’art ? Dans quelle mesure l’enfant peut-il se retrouver dans la page quand tout bouge tout le temps (texte, images, typographie, format.) ? Est-ce que cela ne trouble pas sa découverte de la linéarité du livre ?
91 Sophie van der Linden : – Il est toujours un peu surprenant pour moi de constater qu’il est généralement admis que l’enfant n’a pas a priori cette approche artistique et que toute lecture qui n’est pas linéaire peut lui poser problème.
92 Les éléments de réponses sont multiples mais il faudrait de toutes façons qu’un jour une véritable enquête sur la lecture concrète de ces albums par les enfants puisse être réalisée pour apporter des éclairages. L’album a toujours offert ce regard sur la création contemporaine et l’intègre d’ailleurs de plus en plus. Il n’est qu’à voir les évolutions de l’album pour les tout-petits ces vingt dernières années : on arrive aujourd’hui à une complète superposition : éveil de l’enfant/éveil artistique.
93 L’enfant est un très bon lecteur d’image et surtout, il a des a priori, certes, mais très différents de nous. Qui pouvait imaginer qu’un album, racontant une histoire uniquement par des taches de couleurs pourrait devenir l’un des plus grands succès de la littérature de jeunesse en images ? Et pourtant, cinquante ans après sa publication en 1959, Petit-bleu et Petit-jaune de Leo Lionni fait chaque jour ses preuves auprès du jeune public !
94 Pour autant, mon propos n’est pas de valoriser à tout prix l’innovation et la recherche graphique dans l’album. Il faut que cela ait du sens par rapport au propos, que ce soit motivé, et surtout que l’enfant lecteur soit respecté dans toutes ses dimensions. Ce qui permet ainsi à Dave McKean, l’un des plus novateurs de ces artistes, de réellement toucher le public enfantin, c’est qu’il met en scène des personnages dont la logique, l’humour, la manière d’agir est purement enfantine.
95 Savant dosage donc. De notre point de vue – lecture critique -, je pense qu’il est absolument nécessaire de considérer chaque album dans toute sa singularité et de partir de cette singularité pour élaborer le discours critique. Car les a priori et préjugés sont souvent trop prégnants dans la médiation de la littérature de jeunesse…
Bibliographie
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Petite bibliographie très sélective sur l’album
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Notes de bas de page
1 Cf. Claude-Anne Parmegiani, « Pourquoi les livres d’images ont cessé d’être sages », in La Revue des livres pour enfants, n° 163-164, été 1995, p. 51 à 65.
2 B. Duborgel, Imaginaire et pédagogie – de l’iconoclasme scolaire à la culture des songes, Paris, Le Sourire qui mord, 1983, p. 73.
3 S’engageant sur la voie ouverte en 1965 par Warja LAVATER avec son petit Chaperon Rouge publié chez Adrien Maeght.
4 J. Glénisson et S. Le men (dir.), Le livre d’enfance et de jeunesse, Bordeaux, Société des bibliophiles de Guyenne, 1994, p. 147-148.
5 Cf. Les petits français illustrés, 1860-1940, Paris, Éditions du Cercle de la librairie, coll. Bibliothèques, 1989.
6 Cf. « Jean de Brunhoff, inventer Babar, inventer l’espace », in La Revue des livres pour enfants, n° 191, février 2000.
7 J. de brunhoff, Histoire de Babar, le petit éléphant, Le Jardin des Modes, 1931 (rééd. L’École des Loisirs).
8 Mise en page proposant des cases de formes identiques, que Thierry Groensteen définit comme une « grille orthogonale régulière » dans Système de la bande dessinée, Paris, PUF, 1999, p. 113.
9 B. Poncelet, Galipette, Albin Michel, 1992.
10 Édition originale, 1919. Réédition en fac-similé, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1987, p. 49-50. Cité par M. PARIS, « Les Mots en liberté » in L’Aventure des écritures : la page, Paris, Bibliothèque Nationale de France, 1999. p. 201.
11 Paul Cox, Cox-Codex, Le Seuil, 2004.
12 Id., Animaux, Le Seuil, 1997.
13 Id., Ces nains portent quoi ?, Le Seuil, 2001.
14 Id., Cependant…, Le Seuil, 2002.
15 A. Brouillard, Voyage, éd. Grandir, 1994.
16 Id., Le pays du rêve, Duculot, 1996.
17 Id., Cartes postales, Sorbier, 1994.
18 Id., Promenade au bord de l’eau, Sorbier, 1996.
19 Id., La terre tourne, Sorbier, 1997.
20 Id., Le Sourire du Loup, Épigones, 1992.
21 Id., Les trois chats, Sorbier, 1990.
22 A. Gaudreault, Du littéraire au filmique, système du récit, Paris, Méridiens Klincksieck. Cité par T. Groensteen, dans Système de la bande dessinée, op. cit., p. 122.
23 A. Brouillard, Petites histoires, Dessain, 1992.
24 Id., Voyage, Grandir, 1994.
25 Id., L’orage, Grandir, 1998.
26 J. Aumont, L’image, Paris, Nathan, 2001, p. 180.
27 A. Brouillard, Il va neiger, Syros, 1994.
28 G. Didi-Huberman, Devant le temps, Les Éditions de Minuit, collection « Critique », 2000.
29 A. Brouillard, La terre tourne, Sorbier, 1997.
30 Voir Marc Soriano, Guide de littérature pour la jeunesse, Paris, Delagrave, 1974, p. 460.
31 Elzbieta, L’enfance de l’art, Paris, éditions du Rouergue (1997), 2005, p. 118.
32 B. Poncelet, Et la gelée, framboise ou cassis, Le Seuil, 2001.
33 Id., Les cubes, Le Seuil, 2003.
34 Id., Chut ! Elle lit, Le Seuil, 1997.
35 R. Dautremer, L’amoureux, Gautier-Languereau, 2003.
36 B. Poncelet, Chez elle ou chez elle, op. cit.
37 E. Devernois, Fait divers en Laponie, Tourbillon, 2002.
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