Carlos Luis Fallas : les relations conflictuelles entre politique et roman
p. 221-234
Texte intégral
1Si Carlos Luis Fallas est un des rares écrivains costariciens connus à l’extérieur de son pays, c’est en partie grâce à Pablo Neruda qui se réfère dans El Canto general à Calero, personnage de Mamita Yunai, le premier roman de Carlos Luis Fallas. C’est aussi grâce à cette référence que Carlos Luis Fallas sort de son rôle de leader communiste pour être élevé au rang d’auteur, d’abord à l’étranger puis dans son pays. Car la polémique autour de la présentation de Mamita Yunai pour les sélections nationales du Prix du Meilleur Roman latino-américain, concours organisé par Farrar et Reinhardt en 1940, le prive de toute valeur littéraire. Il faut préciser que le roman est une réécriture d’articles parus dans Trabajo, l’organe du parti communiste costaricien, pour rendre compte des élections qui se sont déroulées dans la région de Talamanca. Le contexte de rédaction prend alors tout son sens et le garde pour toute l’œuvre de Fallas, jusqu’à son quatrième et dernier roman, Mi madrina, rédigé en 1950 et publié en 1954, alors que le parti communiste est interdit. La guerre civile de 1948, à laquelle Carlos Luis Fallas a activement participé1, marque une césure dans les thèmes abordés, la manière de les traiter, même s’il est possible de dégager certaines constantes, qui correspondent au rôle que se donne Carlos Luis Fallas en tant qu’écrivain engagé. L’écriture apparaît en effet chez cet auteur comme une facette du rôle qu’il s’attribue dans la Cité. Si, au début du xxe siècle, les auteurs visent à peindre le pays dans une construction de l’identité nationale, y compris en soulignant les évolutions ou les aspects négatifs, les auteurs dans les années 1940 montrent les fissures de cette construction identitaire, sa complexité, tant géographique que culturelle ou sociale. Avec Carlos Luis Fallas, l’action s’éloigne de la Vallée centrale et de la population « blanche » pour s’intéresser aux marges, aux Noirs et aux Indiens, qui font leur apparition dans la littérature avec la publication de Mamita Yunai. Prétexte à la rédaction du roman, texte et contexte, sont autant d’éléments qui permettent de mieux comprendre les relations conflictuelles entre politique et roman, alors que l’engagement littéraire se redéfinit2.
Du prétexte au pré-texte
2En 1940, le parti communiste, qui porte alors le nom de Bloc des Ouvriers et des Paysans, confie une double mission à Carlos Luis Fallas : surveiller les élections dans la zone atlantique et en rendre compte dans Trabajo. L’homme connaît la région où il a travaillé avant d’adhérer au Parti communiste costaricien (PCC). En outre, il a dirigé pour le PCC la grève de 1934 contre la United Fruit Company dans cette même zone.
3Carlos Luis Fallas est parti en 1925 dans la région atlantique à l’âge de 16 ans. Il y a passé cinq ans comme porteur de régimes sur les quais, ouvrier bananier, conducteur de tracteur, maçon, artificier. Il rentre pour assister aux funérailles de sa mère en 1931 à Alajuela, dans la Vallée centrale. Il y exerce ensuite le métier de cordonnier et assiste à une des premières réunions du PCC en août 19313, quelques jours seulement après sa création4. Il prend rapidement de l’importance dans le parti, notamment parce qu’il est un ouvrier instruit, ce qui est recherché par les cadres dirigeants5. Il le représente ainsi lors d’élections locales ou nationales et, surtout, à l’occasion de la grande grève bananière de 1934, qui oppose les ouvriers à la compagnie américaine United Fruit Company pour de meilleures conditions de vie et de travail : logement décent, soins, salaires plus importants, journée de travail réduite, contrôle des prix dans les magasins de la compagnie, mais aussi paiement par celle-ci des petits propriétaires en fonction des régimes de bananes coupés et non acceptés6. Carlos Luis Fallas signe en tant que Secrétaire général du Comité de grève la liste des revendications7. Pour le parti communiste, il est donc en premier lieu un syndicaliste, ce qui va influencer son écriture, en particulier les thèmes qu’il développe et les personnages choisis ou la focalisation privilégiée.
4Si Carlos Luis Fallas est présent dans la région atlantique en 1934, c’est qu’il y a été exilé suite à une condamnation de justice pour non-respect des forces de l’ordre. Plutôt que d’accepter de payer l’amende proposée par le juge, ce qui aurait été reconnaître les torts de Carlos Luis Fallas et financer le parti au pouvoir, le parti communiste préfère l’alternative proposée : exiler le syndicaliste dans la zone de son choix8. Sa présence dans la province de Limón va permettre de mobiliser 90 % des ouvriers dans la première grande grève contre la compagnie américaine. Carlos Luis Fallas passe clandestinement d’une propriété à l’autre avant et pendant le mouvement pour mobiliser les employés de la Compagnie. La United Fruit Company accepte en partie les revendications tandis que la police poursuit Carlos Luis Fallas. Il finit par se rendre, est incarcéré à San José et n’est libéré qu’après une grève de la faim et sous la pression de l’opinion publique9. Que Carlos Luis Fallas soit choisi pour atteindre le bureau de vote puis surveiller le déroulement du suffrage lors des élections de 1940 ne doit donc rien au hasard : il est désormais un cadre important du parti et il connaît parfaitement la région, tout en ayant réussi à obtenir l’appui d’une partie de l’opinion publique. Son rôle primordial est politique. Il est nécessaire également de diffuser les idées du parti communiste et de mettre en avant les bénéfices d’une adhésion à ce parti ou aux syndicats, en se servant du prétexte des élections10. Carlos Luis Fallas va donc aussi présenter un intérêt pour le parti en tant qu’auteur.
5Le parti communiste lui confie ainsi une autre mission : la rédaction d’articles dans Trabajo, l’organe du parti11. Les élections dans la province de Talamanca en février 1940 deviennent le prétexte d’une chronique qui paraît entre le 16 mars et le 7 septembre 194212. Le dirigeant syndicaliste se doit donc d’être aussi un chroniqueur, pour rendre compte de son travail et du rôle du parti. Toutefois, la fiction permet de toucher un public plus vaste, à condition que le prosélytisme ne prenne pas le pas sur la qualité littéraire. Les tensions vont alors apparaître entre homme de terrain et homme de lettres.
Du pré-texte au texte
6L’homme politique qu’est Carlos Luis Fallas ne s’efface pas derrière l’écrivain lors de la rédaction du roman. L’engagement de l’auteur est visible, que ce soit pour la commande, les thèmes abordés, la façon de les examiner ou le message qui est transmis. Pourtant, nous sommes loin d’un roman à thèse.
7Le prétexte devient pré-texte, lorsque Carlos Luis Fallas est invité à transformer son compte rendu en roman par Carmen Lyra, institutrice, cadre du parti et égérie de nombreux auteurs de l’époque. Elle donne son titre au roman, Mamita Yunai, avec une « petite maman » ironique et une écriture presque phonétique du nom de la compagnie, la United Fruit Company13. Si la première partie du roman traite des élections, la deuxième décrit les conditions de vie et de travail dans la compagnie. Carlos Luis Fallas tire donc profit de sa propre biographie pour illustrer son propos, ce qu’il fait dans tous ses romans à en croire Víctor Manuel Arroyo, le premier critique à faire, dans les années 1970, un parallèle entre l’homme politique et l’écrivain14. Il y a cependant un réel travail de réécriture pour transformer la chronique en roman, le pré-texte en texte.
8Le roman compte initialement trois parties : la première est consacrée aux élections dans la province de Talamanca, comme dans le pré-texte, tandis que la deuxième est un long retour en arrière sur la vie de deux personnages de la première partie, alors qu’ils travaillaient dans les plantations bananières. La troisième permet de faire un lien rapide entre les deux premières tout en établissant une synthèse de ce qui s’est passé entre les deux périodes. Une quatrième partie est ajoutée postérieurement. Son titre, « La grande grève bananière de l’Atlantique de 1934, en guise de quatrième partie », l’éloigne complètement des trois parties précédentes. Il s’agit du discours prononcé par Carlos Luis Fallas en 1955 à l’occasion d’une grève des ouvriers bananiers et qui fait le lien entre les revendications de 1934 et celles de 195515. La fiction disparaît complètement, le travail de l’écrivain s’efface devant celui du syndicaliste, le prosélytisme prend le dessus16. Toutefois, l’importance du message politique reste la même dans les différentes parties, qu’il soit ou non clairement énoncé.
9Pour mieux communiquer ses convictions, Carlos Luis Fallas a recours au réalisme. Situations spatiale et temporelle sont clairement définies. Le roman n’est pas linéaire – la deuxième partie se situe avant la première – mais le lecteur ne peut se perdre puisque les deux périodes sont clairement identifiées et qu’il n’y a presque pas d’autres analepses, sauf sous forme de souvenirs très bien définis dans le temps17. Pour ce qui est de l’espace, il y a une rupture par rapport aux auteurs de la première moitié du xxe siècle, puisque l’action ne se déroule plus, comme nous l’avons dit, dans la Vallée centrale mais dans la région de Talamanca. Le lecteur découvre donc avec Carlos Luis Fallas, puis avec d’autres auteurs de sa génération comme Joaquín Gutiérrez ou José Marín Cañas, les « marges », ainsi que des populations qui jusque-là n’avaient pas suscité l’intérêt des écrivains : les Indiens et les Noirs18. En outre, le narrateur est intradiégétique19. José Francisco Sibajita accompagne en effet le lecteur afin de faire connaître et d’analyser ce qui est décrit, avec de nombreuses redondances20. Le message est ainsi plus intelligible. Toutefois, Sibajita n’est pas idéalisé, ce qui permet de différencier le roman de Carlos Luis Fallas d’un roman à thèse21. Au contraire, Sibajita évolue entre la deuxième et la première partie, si nous reprenons l’ordre chronologique, puisqu’il passe du statut d’ouvrier bananier, victime de l’exploitation par la compagnie bananière, à celui de représentant du parti communiste pour surveiller les élections, capable d’analyser ce qui l’entoure tout en fermant en partie les yeux sur la fraude électorale. Même si les valeurs sont essentiellement positives, il n’est pas pour autant un « héros parfait » ou un modèle à suivre. Sa biographie, en revanche, permet de faire connaître la vie dans les « marges » et de dénoncer la vision idéalisée du Costa Rica, comme nous l’avons dit.
10Le protagoniste décrit en effet les conditions de vie des Indiens et des ouvriers bananiers, pour insister sur l’opposition entre ce que d’aucuns considèrent comme la « civilisation », et la réalité quotidienne : alcoolisme, illettrisme, violence, viol (y compris par la police22), pour les premiers ; exploitation par une entreprise nord-américaine jusqu’à la mort, misère, maladie, pour les seconds. Il dénonce les difficultés rencontrées par les Noirs qui ne trouvent plus de travail lorsque la compagnie américaine développe la production dans la région pacifique, et non plus atlantique. En effet le gouvernement costaricien n’autorise pas les Noirs, d’origine jamaïcaine pour la plupart, à quitter la région de Limón23. Il souligne l’« abrutissement » des Indiens24. Sans aller aussi loin dans la description de la déchéance que Max Jiménez dans El Jaúl, Carlos Luis Fallas met en lumière la noirceur de la population costaricienne. Deux aspects se détachent toutefois : la fraude aux élections – thème de la première partie25 – et les conditions de vie et de travail dans les plantations bananières de la United Fruit Company – sujet de la deuxième partie et l’origine du titre du roman. Le texte a ainsi une portée didactique : décrire et dénoncer, en se référant à l’histoire et à la géographie costariciennes pour montrer au lecteur qu’il est concerné, tout en se servant du protagoniste comme guide qui montre comment se battre, non pas physiquement comme à la fin de la deuxième partie, mais en militant dans un parti ou des syndicats communistes26.
11Nous nous trouvons alors face à une tension entre l’homme politique, qui doit transmettre un message clair, et l’homme de lettres, qui doit s’éloigner du prosélytisme trop visible. Cette tension donne lieu à une reconnaissance nationale qui évolue au cours des décennies. Comme nous l’avons indiqué précédemment, toute valeur littéraire est ainsi déniée à Mamita Yunai lors des sélections nationales pour le Concours du Meilleur Roman latino-américain, en 1940, même si d’autres évoquent un problème politique27. La reconnaissance littéraire vient d’abord de l’étranger, avec la référence indiquée en introduction dans El Canto general à Mamita Yunai puis le Prix Ibéro-américain du Roman attribué par la Fondation William Faulkner en 1962 à Marcos Ramírez. Ce n’est qu’ensuite qu’il y a une reconnaissance nationale, avec le Prix National de Littérature Magón 1965, attribué en 1966, peu de temps avant la mort de Carlos Luis Fallas, ce qui n’empêche pas La Nación, le principal journal costaricien, de révoquer en doute la valeur littéraire du romancier28. En 1977, il reçoit le titre de « Grand homme de la Patrie », Benemérito de la Patria. Il semble qu’il faille attendre que Carlos Luis Fallas soit mort depuis plus de dix ans pour que le caractère subversif de l’homme et de l’écrivain disparaisse. Nous assistons alors à une dépolitisation de l’œuvre de Carlos Luis Fallas, soulignée par Manuel Picado :
De marginal et transgressif, d’élément dangereux et provoquant des dissensions, le texte devient, à l’opposé, un facteur d’intégration et de continuité. Soudain, le roman devient un pilier de la tradition littéraire costaricienne et, en allant jusqu’à en changer la substance originelle, le récit est un élément de plus de reproduction idéologique. De cette façon, comme pour beaucoup d’autres discours dits littéraires, Marcos Ramírez est finalement réduit à un mode de lecture dont le but est d’illustrer, entre autres, certaines représentations de la société costaricienne29.
12Marcos Ramírez est adapté à la télévision en 1980 et Mi Madrina donne lieu à une adaptation théâtrale en 1982. En 1995, le rôle politique de Carlos Luis Fallas ou de Carmen Lyra est à peine abordé par Margarita Rojas et Flora Ovares dans leur histoire de la littérature costaricienne au xxe siècle30. C’est Marielos Aguilar qui revient sur l’engagement politique de l’auteur, en 1981, justifiant au contraire tout par l’action politique et mélangeant la fiction des romans et la réalité de l’auteur et du pays31. La proclamation de l’obsolescence du discours ne serait donc qu’une stratégie pour enlever tout caractère subversif au message politique32. La quatrième partie du roman, rajoutée par Carlos Luis Fallas en 1955 soit quinze ans après la rédaction des autres parties, établit à l’opposé un parallèle entre la description de la situation dans les plantations bananières dans les années 1930 et la situation contemporaine, pour montrer que les conditions se sont améliorées, en partie grâce à la grève, mais qu’il reste beaucoup à faire. C’est redonner une valeur au texte, en souligner la pertinence, et pousser de nouveau au combat alors que la fiction était déjà claire sur les objectifs visés par la rédaction. Mais cette tension entre l’écriture et l’action politique s’explique aussi par le discours de Carlos Luis Fallas sur lui-même.
13Lors d’une interview réalisée à propos de la deuxième partie de Mamita Yunai, Carlos Luis Fallas insiste sur le fait que ce sont les lecteurs qui l’ont poussé à écrire la deuxième partie du roman33. Il met en avant son expérience politique pour justifier sa capacité à décrire la réalité. Pour cela, il va jusqu’à récrire son autobiographie. Il semble alors que Carlos Luis Fallas ait systématiquement besoin de se justifier en tant qu’homme de lettres. Non seulement il insiste sur sa connaissance de la réalité décrite, mettant indirectement en cause les écrivains qui restent dans leur tour d’ivoire, mais il récrit sa biographie pour qu’elle corresponde à son idéal d’écrivain engagé34. Il insiste ainsi sur le fait qu’il est né hors mariage et que son beau-père était ouvrier. Toutefois Iván Molina Jiménez montre que son appartenance à la classe ouvrière est circonstancielle : ses grands-parents maternels vivaient dans une certaine aisance35. Il fait en outre partie des 8,6 % de garçons de sa génération qui ont pu faire au moins un an d’études dans le secondaire et il entre ensuite à l’école de mécanique plutôt que de travailler dans la rue36. Carlos Luis Fallas cherche ainsi à se rapprocher du public qu’il vise et qui est en partie celui de Trabajo37. La connaissance du contexte de publication éclaire alors d’autant plus le message véhiculé par les romans.
Texte et contexte
14Si nous comparons le message qui est transmis dans Mamita Yunai et la façon de le transmettre, à ce qui se passe pour d’autres romans de Carlos Luis Fallas et notamment Mi madrina, publié en 1954, l’importance du contexte de publication sur l’écriture apparaît d’autant plus clairement.
15Les sujets de dénonciation dans Mamita Yunai, d’une part, et Mi madrina, d’autre part, correspondent aux thèmes mis en avant par le parti communiste lors de la rédaction du roman. Ainsi, le programme du parti communiste en 1940 coïncide en partie avec ce que Carlos Luis Fallas dénonce dans Mamita Yunai. La visée est essentiellement économique, avec la défense des plus pauvres en pleine crise, et la volonté d’appuyer les réformes sociales annoncées par Rafael Ángel Calderón Guardia dans son programme pour les élections présidentielles de 1940. Le vote du Code du travail, de la Sécurité sociale, sont des thèmes que nous retrouvons dans Mamita Yunai dans la mesure où sont critiquées les journées de travail trop longues, le salaire minimum inexistant voire non payé, tandis que les conditions d’hygiène et l’absence de service de santé sont dénoncées. Le vote en 1945 du Code électoral pour limiter la fraude, alors que Carlos Luis Fallas est député, répond d’une certaine manière aux dénonciations de fraude évoquées par l’écrivain dans Mamita Yunai38. Le personnage principal de Mi madrina étant un enfant, comme dans Marcos Ramírez, l’importance de l’éducation, ou dans le deuxième cas les travers du système éducatif, sont mis en avant. Or cela correspond au huitième point avancé par le parti communiste lors du Congrès de Vanguardia Popular, en 1952, qui insiste sur la nécessité d’une éducation laïque et gratuite pour tous. Dans les années 1930 et 1940, l’éducation était essentiellement perçue comme une manière de former les masses, dans un but de transformation sociale, en mettant en avant l’éducation technique39. L’éducation reste donc un thème important pour le parti mais il est développé ou non par Carlos Luis Fallas en fonction de l’âge du personnage principal du roman.
16Le choix du personnage principal de Mamita Yunai et de Mi madrina est aussi à rapprocher de la place du parti communiste dans la vie politique au moment de la publication. En 1940, le parti communiste a une forte visibilité dans la vie politique costaricienne, acquise notamment grâce aux différentes grèves qu’il a organisées, que ce soit celle des cordonniers d’Alajuela ou surtout celle des ouvriers bananiers, toutes les deux en 193440
17Le nombre de militants ne cesse d’augmenter, ainsi que celui des élus au niveau local ou national. En 1943, le président de droite Rafael Angel Calderón Guardia décide de s’associer au parti communiste pour former le Bloc de la Victoire, de façon à faire voter plusieurs lois sociales comme le Code du travail, la Sécurité sociale, la Loi dite « des parasites » permettant à des paysans sans terre d’obtenir un titre de propriété41. Nous pouvons donc considérer qu’un membre du parti communiste comme Sibajita a une légitimité en tant que personnage principal de roman. Il représente des valeurs positives : la solidarité, la défense des opprimés, l’association politique pour obtenir de nouveaux droits. Dans les années 1950 au contraire, le parti communiste est interdit par le gouvernement au pouvoir : il est considéré comme violent, aux ordres de Moscou. On lui reproche d’avoir participé à la fraude électorale lors des élections de 1948. La même année, il a été vaincu lors de la guerre civile42. Carlos Luis Fallas a été incarcéré pendant un an, condamné à quatre ans de prison et libéré grâce aux pressions nationales et internationales43. Le protagoniste de Mi madrina n’est plus un syndicaliste mais un enfant, dont l’innocence permet de s’interroger sur les « valeurs » de la société costaricienne44. Le personnage porte un regard critique sur la solidarité, la religion, l’aide aux plus pauvres et aux handicapés, l’accès à l’éducation, des thèmes que nous retrouvons dans Marcos Ramírez publié en 1952 mais rédigé après Mi madrina (1951 et 1950 respectivement). Le message est plus moral que politique apparemment, même si le lien avec le programme politique du parti communiste invalide une indépendance totale de l’écrivain par rapport au syndicaliste45. Le message est proche mais le messager diffère pour franchir la barrière de la censure, ou de l’auto-censure, et atteindre plus facilement le lecteur46. La définition de l’engagement selon Carlos Luis Fallas consiste donc à être proche du public, notamment par sa biographie, à fournir un texte intelligible et à transmettre un message47.
18Du prétexte au contexte, en passant par le pré-texte ou le texte, l’engagement de Carlos Luis Fallas signifie une tension entre ses fonctions de cadre du parti communiste et son rôle d’homme de lettres. Celle-ci est également perceptible dans les critiques littéraires, qu’elles soient publiées sous forme d’article, de thèse, d’essai ou d’introduction. Le discours que tient Carlos Luis Fallas sur lui-même, lors d’interviews ou dans l’autobiographie qui sert d’introduction à Mamita Yunai, confirme les difficultés à être reconnu à la fois comme syndicaliste et comme auteur. Il semble que Carlos Luis Fallas ressente constamment le besoin de justifier son appartenance à la classe ouvrière – y compris en récrivant partiellement sa vie – et le temps qu’il consacre à l’écriture. Il met en avant sa connaissance directe de ce qu’il décrit, limitant sa capacité à créer au profit de sa capacité à représenter. Le fait qu’il reçoive d’abord une reconnaissance internationale, et ensuite seulement une reconnaissance nationale – qui intervient essentiellement après sa mort –, est une preuve supplémentaire de la difficulté à dépasser l’image de l’homme politique pour se concentrer sur ses romans48. Le contexte influence ainsi le travail du romancier et celui du critique. Lorsque le contexte de l’analyse est suffisamment éloigné dans le temps de celui de l’écriture, elle ôte au texte toute contingence politique et fait disparaître le message qu’a voulu transmettre l’écrivain engagé.
Notes de bas de page
1 Cf. l’autobiographie qui sert d’introduction à Mamita Yunai. Fallas C. L., Mamita Yunai, San José, Editorial Costa Rica, 1986, p. 14 : « J’ai dû m’improviser chef militaire des bataillons ouvriers, mal armés, qui ont versé leur sang pendant la guerre civile costaricienne de 1948. Vaincus par les intrigues impérialistes, et sous la brutale et sanglante répression déchaînée par nos ennemis, je suis allé en prison, j’ai failli être fusillé et on m’a organisé un procès calomniateur et infamant, mais j’ai réussi à sauver ma vie et j’ai recouvré la liberté grâce aux protestations du peuple et à la solidarité internationale. » Sauf mention contraire, les traductions sont de l’auteure de ces lignes. Cf. également Aguilar M., Carlos Luis Fallas : su épocay sus luchas, San José, Editorial Porvenir SA, 1983, p. 196-197, p. 200-201.
2 Voir la définition de l’engagement littéraire dans les années 1930 en Europe in Denis B., « Engagement et contre-engagement. Des politiques de la littérature », in Kaempfer J., Florey S., Meizoz J. (dir.), Formes de l’engagement littéraire (xxv-xxie siècles), Lausanne, Éditions Antipodes, 2006, p. 103 : « À l’origine, la notion d’engagement littéraire apparaît en s’opposant aux formes du purisme esthétique et désigne les modalités et les formes selon lesquelles l’écrivain, dans ses œuvres, est susceptible de participer au débat politique ou aux luttes sociales ; elle est également porteuse de valeurs, au sens où elle représente une injonction faite aux écrivains, un appel à leur responsabilité, qui leur commande de quitter leur « tour d’ivoire » pour entrer dans l’arène qu’est le débat public. En cela, l’engagement questionne la manière dont la littérature, en régime de modernité, négocie sa relation au politique et au pouvoir. »
3 Molina Jiménez I., « Introducción » in Lyra C. et Fallas C. L., Ensayos políticos, San José, Editorial de la Universidad de Costa Rica, 2000, p. 42-43 : « L’adhésion de Fallas se produisit peu de temps après la fondation du Parti, entre juillet et août 1931 : c’est ce mois-là qu’il fut élu Secrétaire d’Acuerdos pour la cellule communiste d’Alajuela, en 1933 il dirigeait déjà celle-ci et, en 1934, il fut candidat aux élections législatives en troisième position sur la liste de San José. On comprend mieux le succès vertigineux de sa carrière politique et syndicale si on considère qu’en juin 1933, suite à un discours prononcé en juillet 1932 et au cours duquel il avait prétendument diffamé les secrétaires du Congrès, il fut condamné à un an, un mois et un jour d’exil dans la province de Limón. C’est le lieu qui fut choisi par le jeune habitant d’Alajuela, après une discussion avec ses supérieurs. »
4 Aguilar M., Carlos Luis Fallas : su época y sus luchas, op. cit., p. 45-46.
5 Molina Jiménez I., op. cit. , p. 48-49 : « Si [Fallas] réussit à s’intégrer de manière bénéfique au sein du Parti c’est aussi en raison d’un courant d’opinion qui prévalait parmi les cadres de cette organisation de gauche, selon lequel les seules personnes qui devaient aspirer à être élues étaient les prolétaires. Cette perspective, partagée par des figures comme Carmen Lyra et Manuel Mora, fut bénéfique pour la carrière de Fallas, en tant que travailleur en phase d’intellectualisation. L’autre facteur qui facilita l’ascension de Calufa [Carlos Luis Fallas] fut justement le manque d’intellectuels : à part les étudiants de Droit, Carmen Lyra et quelques figures venant du Comité APRA, le Parti manquait d’un large cercle consolidé de personnes instruites. » D’après la même source, Carlos Luis Fallas faisait partie des 8,6 % de garçons nés entre 1906 et 1915 et ayant suivi au moins une année d’études au collège. Ibid., p. 45.
6 La revendication est reprise dans Fallas C. L., Mamita Yunai, Éditions du Burin, 1971, p. 221. L’édition française ne comprend ni l’introduction ni la quatrième partie, ce qui explique nous ne pouvons pas nous y référer systématiquement.
7 Aguilar M., Carlos Luis Fallas : su época y sus luchas, op. cit., p. 83.
8 Ibid., p. 78.
9 Ibid., p. 96.
10 Fallas C. L., Mamita Yunai, Éditions du Burin, 1971, p. 217 : « – Il y a d’autres moyens, camarade ! Le jour où nous nous organiserons, nous, tous ceux d’en bas, ce jour-là y aura un autre son de cloche ! »
11 Cf. également id., ibid., p. 300. Cette deuxième mission aurait été confiée par Carmen Lyra selon ce que rapporte Carlos Luis Fallas, dont les propos sont parfois sujet à caution, comme nous le verrons. Cf. Bogantes Zamora C., La narrativa socialrealista en Costa Rica, Aarhus, Aarhus University Press, 1990, p. 195 : « Le premier texte de Mamita Yunai fut une sorte de compte-rendu au Parti sur la mission à Amure. Il éveilla, dès le début, l’intérêt de nombreuses personnes et surtout de Carmen Lyra, qui aida Fallas à le transformer en texte publiable dans le journal. Le 16 mars 1940 fut publiée une première partie, sous forme d’articles, dans l’hebdomadaire Trabajo, le journal du Parti Communiste. Dans une interview Fallas donna quelques détails : “Ils ont rapidement décidé de m’envoyer dans la zone bananière, où il y avait eu un problème avec les travailleurs, afin de rapporter dans le journal ce qui s’était passé, et ce reportage a été mon premier travail. C’est cette mission électorale à Talamanca qui est racontée dans Mamita Yunai. Mais je suis parti chez une camarade, une auteure révolutionnaire, Carmen Lyra, qui est morte vers 48 ou 49, et nous nous sommes mis à discuter, et moi je lui racontais le voyage et ses péripéties. Et parfois elle s’offusquait, d’autres fois elle riait. Et elle me l’a fait écrire. Mais comme je le lui racontais. Exactement de la même façon. Et nous avons commencé à le publier dans le journal. Mais moi je n’écrivais pas un roman. Les noms des personnages étaient les mêmes, les lieux, les événements, tout, peu à peu, s’est passé comme cela, parce que c’était pour informer”. »
12 En 1956, le parti communiste confie le même travail à Carlos Luis Fallas : sa participation au VIIe Congrès du Parti communiste chinois est l’occasion de publier un compte rendu de son voyage en Chine sous forme de trente-six épisodes publiés dans Adelante, journal qui prend la suite de Trabajo après l’interdiction de celui-ci. Cf. Saxe Fernández E., « Introducción », in Fallas C. L., Un mes en la China roja, San José, Editorial Universidad de Costa Rica, 1977, p. 4.
13 Arroyo V. M., Carlos Luis Fallas, San José, Ministerio de Cultura, Juventud y Deportes, Departamento de Publicaciones, 1973, p. 43-44 : « Fallas écrivit d’abord cette œuvre sous forme de chroniques, en particulier sur son travail en tant que contrôleur d’un bureau de vote au nom du Bloc des ouvriers et paysans, envoyé dans la région de Talamanca. D’autres récits apparurent ensuite, que l’auteur réunit rapidement et auxquels il réussit à donner une unité. Il pensa d’abord appeler l’œuvre A L’OMBRE DE LA BANANE, titre conservé par la deuxième partie ; mais le génie si particulier de Carmen Lyra baptisa le livre du nom ironique, imbattable, de MAMITA YUNAI. » United et Yunai sont, phonétiquement, presque identiques pour un Costaricien.
14 Arroyo V. M., Carlos Luis Fallas, op. cit., p. 31-32, p. 36-37, p. 39. L’analyse fait constamment référence aux romans de Carlos Luis Fallas pour illustrer la biographie de l’auteur.
15 Fallas C. L., Mamita Yunai, San José, op. cit., p. 183-184.
16 Víctor Manuel Arroyo refuse les critiques portées contre Mamita Yunai qui serait un texte empreint de prosélytisme. Arroyo V. M., « Prólogo », in Fallas C. L., Mamita Yunai, San José, op. cit., p. 8.
17 Pour la définition de l’analepse, cf. Genette G., Figures III, Paris, Seuil, 1972, p. 82.
18 Cf. Gutiérrez J., Manglar, San José, Editorial Costa Rica, 1988, 140 p. Id., Puerto Limón, Cuba, Ed. Casa de las Américas, 1977, 264 p. Id., Murámonos Federico, San José, Editorial Costa Rica, 1989, 232 p. Marín Cañas J., Pedro Arnáez, San José, Editorial Fernández-Arce, 1994, 250 p. Les trois derniers romans décrivent les plantations bananières. Joaquín Gutiérrez focalise son attention sur les petits propriétaires, tandis que Marín Cañas peint le travail dans les plantations de la United Fruit Company.
19 Pour le rôle du narrateur, cf. Picado M., « Prólogo », in Fallas C. L., Narrativa de Carlos Luis Fallas, San José, Editorial Stvdivm, 1984, p. 11, p. 12.
20 Sur le rôle des redondances, cf. Ovares F., Rojas M., Santander C., Carballo M. E., La Casa Paterna : Escritura y nación en Costa Rica, San José, Editorial de la Universidad de Costa Rica, 1993, p. 250.
21 Suleiman s. R., Le Roman à thèse ou l’autorité fictive, Paris, PUF, 1983, 314 p.
22 Fallas C. L., Mamita Yunai, Éditions du Burin, 1971, p. 177-178.
23 Ibid., p. 134 : « – Cette propriété, on va déjà la remettre à la Yunai ; elle est presque à l’abandon, car tous les blancs sont partis vers le Pacifique et il n’y a pas beaucoup de gens de couleur ; c’est pareil dans toute la région. Presque tous les jeunes Noirs de ces remorques vont de l’aut’côté, ils cherchent à passer au Panama. [...] Tu sais à combien de navires par mois la Yunai a réduit son trafic ? Eh bien ! À deux ! Je connais bien des familles noires à Limón qui vivent à coups de crabe et de bananes. Les propriétés sont abandonnées et on trouve pas de travail, nulle part. Alors ? Qu’est-ce qu’il faut faire ? Les Blancs peuvent s’en tirer sur le Pacifique, mais nous ? Même pour légaliser nos papiers, on nous fait des histoires ! Pas de travail, on peut pas cultiver la terre et, sur le Pacifique, on nous empêche de gagner not’vie... Alors ? Il faut mourir de faim ? Y en a pas quatre, on est des milliers de Noirs au Costa Rica et on peut pas tous devenir bandits. C’est pour ça qu’on s’en va au Panama. »
24 Ibid., p. 183 : « Le dressage, l’abrutissement de l’Indien, la destruction de la race fière, ce fut le lot d’autres conquérants mille fois moins courageux mais infiniment plus cruels et rapaces que les Espagnols et plus adroits ! : [sic] les conquérants impérialistes yankees, secondés par des Costariciens serviles. Et à quelle époque ? À l’époque glorieuse de la République Démocratique et Très Libre. Les Yankees de la United n’ont apporté ni arquebuses ni cuirasses. Ils ont apporté beaucoup de chèques et beaucoup de dollars pour corrompre les gouvernants vénaux et se procurer des chiens de chasse parmi les enfants les plus dénaturés du pays. »
25 Ibid.., p. 163, p. 164-174.
26 Rojas et Ovares considèrent le lexique situé à la fin du roman comme une preuve supplémentaire de la volonté didactique de l’auteur, puisque le but serait que le texte soit compris par une majorité. Rojas M., Ovares F., 100 años de literatura costarricense, op. cit., p. 134.
27 Bogantes Zamora C., La narrativa socialrealista en Costa Rica, op. cit., p. 189 : « Pendant les décennies suivantes le débat autour de Mamita Yunai se poursuit plus ou moins de la même façon qu’en 1940 ; d’un côté on doute de sa valeur littéraire, même si on lui reconnaît, comme quelque chose de très positif, la force de sa valeur documentaire, la sincérité et la vérité dans la représentation des personnages et de l’environnement, mais on le critique à cause de ses positions politiques, et de certaines carences formelles ; d’un autre côté, on insiste sur le fait que ces valeurs documentaires, de sincérité et de vérité n’empêchent pas, par elles-mêmes, la présence de qualités authentiquement littéraires. Ceux qui pensent ainsi laissent entendre que le jugement de ceux qui privent le roman de toute qualité littéraire est toujours basé sur un rejet de l’engagement politique de l’œuvre et la filiation idéologique de l’auteur. C’est-à-dire que ce que laissaient transparaître, au fond, les déclarations mentionnées des deux membres du jury qui se sont prononcés publiquement : que le roman n’a pas été sélectionné pour des raisons particulières et que le jugement reflétait la situation politique du pays. » Cf. également, pour les différentes attitudes des critiques face au texte, depuis l’anathème jusqu’à l’encensement en passant par l’oubli presque total de l’aspect politique, Picado M., « Literatura y política : el efecto autor », in La Nación, 4 mars 1984, p. 2-3.
28 La Nación, 17 mai 1966, p. 4, cité par Aguilar M., « Carlos Luis Fallas : semblanza de un escritor revolucionario », in Pensamiento revolucionario, San José, mars-avril-mai 1983, n° 4, p. 49 : «. si les œuvres de monsieur Fallas ont été plus favorisées que celles de n’importe quel autre auteur national, avec de nombreuses traductions à l’étranger, surtout dans les pays communistes, cela est dû avant tout à la thématique qu’elles développent, sur fond social et politique, plus qu’à leurs mérites proprement littéraires. »
29 Picado M., « Ejercicio de lectura de Marcos Ramírez », in Letras, Revista de la Escuela de Literatura y Ciencias del Lenguaje, Heredia, Universidad Nacional, EUNA, n° 8-9, VII-XII 81, 1-VI 1982, p. 81. Cf. également Molina Jiménez I., op. cit., p. 52 : « La force de la culture officielle au Costa Rica est basée sur sa capacité à intégrer les idéologies et les figures contestataires, dans un processus qui leur ôte leurs contenus les plus critiques et subversifs. »
30 Ibid., p. 54 : « L’adhésion de Carmen Lyra au Parti est une donnée absente de l’examen de sa production écrite faite par Margarita Rojas et Flora Ovares dans 100 años de literatura costarricense (1995) ; et dans l’édition de Mamita Yunai réalisée par Lehmann et publiée en 1971, on note que, même si ce roman “a été traduit dans beaucoup de langues, peut-être pour ses qualités littéraires et son prosélytisme, pour nous il a une valeur quelque peu différente : c’est une œuvre littéraire définitive et qui a des aspects historiques, dont nous avons dépassé les circonstances grâce à notre régime démocratique, à l’éducation de notre peuple et par voie de conséquence parce que nous avons eu des gouvernements moralement forts face à de grandes entreprises.” »
31 Aguilar Hernández M., Carlos Luis Fallas y el Partido Comunista de Costa Rica, Tesis para optar al grado de Licenciada en Historia, Universidad de Costa Rica, Facultad de Ciencias sociales, Escuela de Historia y Geografía, 1981, 390 p. Cette thèse est publiée deux ans plus tard sous le titre de Carlos Luis Fallas : su época y sus luchas, op. cit., 280 p. Sur l’intérêt de la thèse de Marielos Aguilar, cf. Acuña V. H. : « Carlos Luis Fallas, una biografía política », in Aportes, San José, mars-avril 1984, Année 4, n° 18, p. 36.
32 Kaempfer J., Florey S., Meizoz J. (dir.), Formes de l’engagement littéraire (xve-xxie siècles), Lausanne, Éditions Antipodes, 2006, p. 7. Pour un exemple de différence entre la situation décrite par Mamita Yunai et la réalité contemporaine, cf. Arroyo V. M., Carlos Luis Fallas, op. cit., p. 44.
33 Bogantes Zamora C., op. cit., p. 197.
34 Homme de lettres et homme politique sont souvent indissociables dans son discours. Pour un exemple, cf. Aguilar M., « Carlos Luis Fallas : semblanza de un escritor revolucionario », op. cit., p. 48, qui cite une interview de Carlos Luis Fallas publiée par le journal Excelsior en mai 1976.
35 Molina Jiménez I., op. cit., p. 43-44 : « L’insistance sur son origine ouvrière, dès le début de son autobiographie, était sans aucun doute stratégique pour le leader communiste de 1957, mais un examen plus précis de l’arrière-plan domestique de l’écrivain d’Alajuela offre une vision différente. La famille de Fallas, du côté de sa mère, telle qu’elle est décrite dans Marcos Ramírez (un roman sur son enfance publié en 1952), est celle d’agriculteurs aisés, possédant des champs de canne, un moulin et une raffinerie pour le sucre, avec plusieurs ouvriers agricoles. En outre, un des fils vivait à San José, car il étudiait le droit, une formation professionnelle dominée par les jeunes bourgeois de l’époque. L’expérience prolétaire de Fallas fut donc circonstancielle, conditionnée par la grossesse hors mariage, qui limita les chances de sa génitrice sur le marché du mariage. Le fait qu’elle réussît à se marier, malgré tout (même si c’est avec un homme inférieur à elle dans l’échelle sociale), montre l’appui qu’elle reçut d’une famille ayant des ressources suffisantes, puisque les mères célibataires n’allaient généralement pas jusqu’à l’autel, ce qui était d’autant plus vrai que les femmes étaient pauvres. »
36 Ibid., p. 45.
37 Carlos Luis Fallas n’est pas le seul écrivain de sa génération à tenter de réécrire sa biographie. Joaquín Gutiérrez indiqua parfois qu’il était né en 1917, et non 1918, pour adopter la date de la révolution d’Octobre. Fabián Dobles insistait sur sa vie simple, parce que son père était médecin de campagne, alors qu’il put faire des études de droit à l’université ce qui montre que sa famille avait suffisamment de revenus pour payer des études longues.
38 Aguilar M., Carlos Luis Fallas : su época y sus luchas, op. cit., p. 178-179.
39 Ibid, p. 223, p. 48.
40 L’importance des cordonniers dans l’organisation des cellules communistes, notamment à Alajuela, est soulignée par Aguilar M., Carlos Luis Fallas : su época y sus luchas, op. cit. , p. 50.
Cf. également, pour les différentes grèves en 1934, Molina Jiménez I., op. cit., p. 40-41.
41 Aguilar m., Carlos Luis Fallas : su época y sus luchas, op. cit., p. 150-153.
42 L’interdiction du parti communiste intervient en 1948 ; elle est introduite dans la constitution de 1949 et précisée par décret en 1954. Aguilar M., Carlos Luis Fallas : su época y sus luchas, op. cit, p. 204-206, p. 238-239.
43 Aguilar M., Carlos Luis Fallas : su época y sus luchas, op. cit., p. 204-206, p. 209, p. 210.
44 Pour l’utilisation du regard de l’enfant, cf. Pierre F., « Francisco Umbral et le paradoxe de la censure littéraire », in Censure et littérature dans les pays de langues romanes, textes réunis et présentés par Claude Le Bigot et Yves Panafieu, Cahiers du LIRA, Université Rennes 2, 2000, p. 245 : « Les attaques contre le régime ne pouvant être qu’explicites, les écrivains doivent adopter une position de relative innocence afin de désarmer les possibles réactions d’indignation et de refus de la part des censeurs. C’est pourquoi les narrateurs des romans de l’après-guerre sont très souvent des enfants. Cette utilisation est stratégique : on permet aux enfants d’évoquer des sujets tabous, car on pense qu’ils agissent en toute innocence, sans connaître encore la répression du surmoi parental ou social, avec la subversive candeur de leur regard et de leur esprit. En réalité, cette candeur, cette innocence, ce naturel, sont subversifs. Ils sont utilisés par Umbral parce que l’enfant, encore si près de la nature et de ses instincts, n’ayant pas appris à renier ni à refouler ses passions, incarne, indirectement ou subtilement, une position qui se retrouve en conflit avec l’ordre établi et l’éducation à laquelle on le soumet. »
45 Pour la fonction morale du roman engagé, cf. Denis B., op. cit., p. 104 : « On peut cependant pointer quelques constantes dans ces discours par ailleurs très divers : la première consiste à réfuter l’idée que l’engagement relève uniquement du rapport entre le littéraire et le politique, rapport perçu comme réducteur et mutilant ; l’idée est ici que l’écriture engage des formes de décision morale qui excèdent largement le seul domaine des prises de position politiques ou de l’adhésion militante. »
46 Nous n’avons pas trouvé de référence attestée à une censure, même si Manuel Picado l’évoque. Picado M., op. cit., p. 80 : « En 1952, l’écrivain costaricien Carlos Luis Fallas (1908-1965) publia le roman Marcos Ramírez. Même si à l’étranger l’œuvre semble avoir été quelque peu diffusée, au niveau national elle a été confinée pendant plus d’une décennie. Certaines anecdotes soulignent même que le roman a dû être soumis à une forme ou à une autre de censure. » Elle est également évoquée par Ascanio à propos de Fabián Dobles, écrivain communiste de la même génération, dans un article de La Nación.
47 Benoît Denis définit le rapport au public comme fondateur de l’engagement. Denis B., op. cit., p. 116 : « D’un côté, on pourrait avancer que, pour les tenants de l’engagement, la littérature relève de la culture : elle est l’objet d’un échange, elle vise la transmission, elle a pour fonction de rassembler en se propageant ; avant même donc d’être engagée et de descendre dans l’arène politique, elle est vécue comme porteuse d’une fonction sociale, intégratrice et émancipatrice. On ne s’étonnera donc pas que, dans ce cas, le rapport au public soit perçu comme fondateur de l’engagement de l’écrivain. »
48 Nous avons volontairement omis toutes les œuvres non fictionnelles, comme Un mes en la China roja, ainsi que les contes.
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