Un journal intime de la vie littéraire : le Journal de Jules Renard. Ah ! la vie littéraire1 !
p. 301-326
Texte intégral
1Dans l’univers des lettres des années 1880, où les prosateurs restaient encore marqués par l’objectivité naturaliste, ou disons par l’attitude de surplomb flaubertienne, la parution du Journal des Goncourt contribua fortement à lever les inhibitions de ceux qui renâclaient encore à faire œuvre à partir d’eux-mêmes. Les deux frères connurent de nombreux émules, ce que Marcel Schwob, qui venait lui-même d’entamer son journal2, ne manqua pas de souligner auprès du vieil Edmond, croisé en janvier 1892 chez l’éditeur Ollendorff : « Que de confessions la vôtre va nous attirer ! » s’exclama l’auteur de Cœur double. Ce que Goncourt voulut bien admettre :
Oui ! Jusqu’à Gaston Jollivet que je viens de rencontrer, et qui m’a dit : « C’est drôle, votre Journal. Moi, je vais commencer le mien3. »
2S’il est un homme de lettres pour qui l’entreprise des « deux bichons » fait modèle, c’est bien Jules Renard (1864-1910). Ainsi n’a-t-on4 pas manqué de souligner que 1887 était à la fois l’année de parution du premier volume des frères Goncourt et celle inscrite sur la première page du Journal de Jules Renard, comme si la lecture de l’un avait incité à l’écriture de l’autre. Il serait sans doute hasardeux d’accorder un complet crédit à cette concordance chronologique, car rien ne dit que Jules Renard n’ait pas écrit pour lui-même avant cette date5. Mais l’influence des deux frères demeure indéniable. Jules Renard reconnaît d’ailleurs sa dette à leur égard, tout en prenant soin d’affirmer son désir d’originalité. À Edmond de Goncourt, il déclare ainsi, en 1892 : « Ce qu’il faudra faire […] c’est la description de soi-même, comme vous faites celle des autres6. » En septembre 1894, il énonce à part soi la même idée : « Les Goncourt ont dit ce qu’il fallait des autres ; ils n’ont pas dit ce qu’il fallait d’eux-mêmes7. »
3Ces citations indiquent la claire orientation que Jules Renard entend donner à son Journal. Elles témoignent d’un changement de tropisme : l’écriture ne résulte plus d’une force centrifuge qui projette le moi vers l’extérieur mais découle d’un mouvement centripète où tout converge vers le moi. L’accent est mis, tout au moins si l’on s’en tient à ces déclarations d’intention, sur la personnalité de l’auteur plus que sur le monde observé. Alors que certains critiques se disent frappés par le manque d’« intériorité8 » du Journal des Goncourt, le Journal de Jules Renard se veut donc, au sens propre, journal intime, c’est-à-dire journal qui représente le reflet le plus intériorisé et le plus subjectif de la réalité, même si, par endroits, peut naître l’impression qu’il s’agit d’une sténographie objective de la situation vécue.
4Cet égocentrisme qui préside à l’écriture s’accorde, en outre, à l’usage privé réservé à la pratique diariste. En effet, Jules Renard, de son vivant, demeure sans doute le seul et unique lecteur de lui-même9. Or l’autodestination, par la franchise qu’elle autorise, donne à l’expression une tonalité toute particulière – nous aurons l’occasion de le montrer à propos de la vie littéraire. Certes, il est arrivé à Jules Renard, mais à quelques rares moments seulement, d’envisager la publication de ses cahiers intimes. Cependant l’idée, chaque fois qu’elle affleure, est assortie de conditions. Il se serait agi non seulement de sélectionner certains passages, mais de les réécrire entièrement10. Ce projet ne vit jamais le jour. Il aurait d’ailleurs donné lieu, à cause des transformations envisagées, à une œuvre bien différente de celle que nous connaissons aujourd’hui et à laquelle nous accédons sans autorisation de l’auteur.
5Le but suprême et général du Journal est donc l’exploration de soi-même pour soi-même. Mais cette auscultation intime de l’intime ne signifie pas pour autant le congédiement de la figure d’autrui, singulièrement en ces temps naturalistes où l’individu se perçoit comme foncièrement déterminé par une époque et par un milieu. Le moi social, s’il ne couvre pas toute l’étendue du moi, constitue une part non négligeable de la définition de soi. Jules Renard est ainsi habité par le sentiment que son être se révèle et se façonne dans son rapport à l’autre. Il ne vit pas seulement au contact des autres, il est traversé par eux, rempli de leurs discours, de leurs regards et de leurs actes. Cela suppose en outre que l’homme à la fois se construise et se juge dans la durée. Il s’éprouve dans son histoire vécue et s’accomplit dans la dynamique de l’existence. S’il y a un Jules Renard essentiel, il se résume à une caractérologie assez fruste, faite notamment de paresse, d’amertume et de mélancolie. Mais le Journal comporte somme toute assez peu d’autoportraits figés. Le récit ou le dialogue dépeignent bien mieux un homme qui préfère se saisir en situation, parce que la situation explique l’homme en grande partie. De ce fait, le Journal est plein du spectacle renouvelé qu’offre une microsociété dont l’auteur est à la fois l’acteur et l’observateur. L’intérieur s’éclaire ainsi de l’extérieur. Jules Renard ne doit donc pas être complètement dissocié de la tradition mémorialiste des Goncourt, malgré l’éminence revendiquée de la subjectivité11.
6Il reste à préciser, dans le paysage artistique et littéraire contrasté de la fin du siècle, à quelles sphères de socialité appartient Jules Renard. La recension des cercles fréquentés serait par définition incomplète et arbitraire car la vie sociale ne s’assimile pas à un espace circonscrit et cloisonné. Deux univers cependant sont nettement dissociés parce qu’ils recouvrent deux aires géographiques distinctes. Il existe avant tout, comme le rappelle André-Paul Antoine12, le « côté de Chitry13 » et le « côté de Paris ». Mais Jules Renard, qui a grandi à la campagne, puis qui y séjourne par intermittences, ne correspond en rien à la figure de l’écrivain-paysan à laquelle certains contemporains, comme Rachilde ou Gustave Guiches par exemple, ont voulu le réduire14. Non seulement il s’installe dès l’âge de 17 ans à Paris, mais décide presque aussitôt d’embrasser la carrière des lettres et va, pour ce faire, très précocement et très durablement circuler parmi les sphères intellectuelles de son temps. Jules Renard apparaît même, selon l’expression-cliché, comme un « électron libre » au sein de ce champ dans lequel s’exercent, selon Pierre Bourdieu, des magnétismes contraires entre écoles et générations, auteurs indépendants et artistes officiels, arrière-gardes et avant-gardes, adeptes de la « production pure, destinée à un marché restreint aux producteurs » et pourvoyeurs de « la grande production, orientée vers la satisfaction des attentes du grand public15 ».
7Or Jules Renard est aisément accepté de tous, d’une part parce que sa valeur littéraire est reconnue (les mauvaises critiques demeurent bien peu fréquentes), d’autre part parce que lui-même ne relève d’aucune mouvance précise. Sa marginalité esthétique, pour reprendre un qualificatif d’Alain Pagès16, lui assure une indépendance, presque une neutralité, propice à ne contrarier personne, ce qui lui ouvre les colonnes de bien des journaux et des revues. Il peut être publié aussi bien dans Le Roquet que dans Le Figaro, dans L’Echo de Paris que dans L’Humanité, par exemple. Et son nom réussit à rassembler des suffrages aussi inconciliables que ceux d’Alphonse Allais et de Francisque Sarcey17.
8Par exemple, à la fin des années 1880 et au cours des années 1890, il se mêle aux Symbolistes. Il assiste ainsi à leur banquet le 2 février 1891, est le principal actionnaire du Mercure de France qui les accueille et les publie, collabore à La Revue blanche qui leur est largement favorable18. En même temps, il garde des contacts avec les naturalistes, dont il est esthétiquement plus proche19. Émile Zola se montre très favorable à son élection à la Société des Gens de Lettres en 1894 et, une fois qu’il est élu, l’y accueille chaleureusement20. Il est vrai que Renard et Zola partagent les mêmes opinions politiques. Le soutien sans faille de Renard au signataire du « J’accuse » est d’ailleurs l’une des marques les plus flamboyantes de son dreyfusisme. Mais ses accointances avec le maître de Médan ne l’empêchent pas d’être de connivence avec les sécessionnistes du mouvement naturaliste. Dans son recueil Coquecigrues (1893), quatre des signataires du Manifeste des Cinq sont ainsi honorés d’une dédicace : Paul Margueritte, Rosny Aîné, Paul Bonnetain et Lucien Descaves21.
9De même, au théâtre, collabore-t-il avec des groupes d’obédiences diverses et parfois opposées. Ainsi, en 1891 et 1892, est-il membre du comité de lecture du théâtre d’Art de Paul Fort22. Plus tard, il fréquente assidûment le théâtre de L’Œuvre, bien que rétif à sa programmation : au théâtre mental, il préfère le parti pris réaliste d’Antoine, acteur et metteur en scène de Poil de Carotte, Monsieur Vernet et La Bigote. Au demeurant, le travail avec le fondateur du Théâtre-Libre ne l’éloigne pas d’un comédien qu’Antoine voyait pourtant comme un rival, Lucien Guitry23, le créateur du Pain de ménage et du Plaisir de rompre. En outre, au tournant du siècle, il se lie avec Jules Claretie et réussit, par son entremise, à faire reprendre Le Plaisir de rompre par les Comédiens français. Jules Renard passe donc, sans difficultés apparentes, du théâtre privé au théâtre public, du théâtre indépendant et d’avant-garde au théâtre institutionnel et traditionnel.
10Ajoutons qu’il aimait les productions du Chat noir 24 . Camarade, entre autres, d’Alphonse Allais et de Léo Trézenick25, coauteur d’un X…, roman impromptu avec George Auriol et trois autres « auteurs gais » (Pierre Veber, Georges Courteline et Tristan Bernard), il participe de cet humour fin de siècle qui souffle en maints endroits et dont Le Chat noir représente l’une des plus vivantes manifestations.
11En d’autres termes, Jules Renard est un témoin précieux de la vie littéraire de son temps, étant donné sa capacité à s’intégrer à différents groupes et à côtoyer des personnalités de tout bord.
12Ce rappel contextuel étant posé, venons-en à la question à laquelle nous souhaiterions ici réfléchir : elle porte en l’occurrence sur la dimension spécifique qui s’attache à la description intime du champ littéraire. Nous chercherons non pas à traiter de la part documentaire que recèle le Journal – travail d’historien passionnant qui s’accommoderait bien mal du cadre restreint de cette simple contribution –, mais à analyser le rapport entre vie sociale et écriture intime. Comment la fréquentation des milieux littéraires agit-elle sur la production du Journal ?
13Nous constaterons d’abord que le Journal apparaît comme le lieu où s’exerce une liberté de parole rarement offerte dans les cénacles littéraires. Mais le texte procède aussi d’une démarche salutaire : il sauve l’artiste d’une aliénation sociale qui compromet la qualité de son œuvre. Enfin le caractère morcelé de l’écriture diariste contribue à donner de la peinture de la vie littéraire une dimension toute personnelle.
Le journal intime, ou la parole libérée
14Jules Renard aimait relire Tartuffe et Le Misanthrope. Une œuvre sur l’hypocrisie comme moyen de l’ambition, une autre sur l’opposition entre l’accommodement social qui oblige à l’insincérité et l’intégrité personnelle qui force à la solitude. D’où vient une telle admiration ? Sans doute, le plaisir de la reconnaissance y entre pour une grande part, ces deux pièces exposant les rapports humains en des termes que l’homme de lettres fin de siècle peut facilement transposer dans son époque et son milieu. En effet, Jules Renard perçoit la vie littéraire comme éminemment théâtrale et mondaine, mensongère et pleine de compromissions. En outre, il accole souvent à l’écrivain l’image peu flatteuse de l’arriviste.
15La lecture du Journal fait ainsi apparaître une donnée sociologique fondamentale : le champ littéraire de la Belle Époque est un espace sous surveillance réciproque. Chacun se regarde, s’écoute, se jauge et se juge. Et cette mutuelle appréciation n’est pas toujours bienveillante. Les propos de table, notés par le diariste, en fournissent une illustration. Par exemple ceux de Joris-Karl Huysmans, qui, lors d’un dîner chez Lucien Descaves, « se reconnaît à sa haine pour Rosny » et considère ses autres confrères sans aucune indulgence :
– […] Mendès, ce ruffian de lettres, un être malfaisant, cérébral. Toute sa littérature est cérébrale. Des plaisanteries, ses histoires de femmes ! Est impuissant, a de petites pustules sur les lèvres, et se soigne !… Met de petites pilules dans sa boisson, des pilules sans nom qui ont l’air d’être faites pour lui. Très habile, et aime les lettres quand ça ne coûte rien. A joué Villiers, Moréas, a joué tout le monde, excepté Lorrain qui lui tient tête.
Sarcey, ignoble. Lemaitre, plus ignoble encore, parce qu’il croit comprendre. France, crétin. Maupassant a fait des affaires avec des terrains, a une maladie de la moelle26…
16 Verbatim condensé certes, mais qui, par sa concentration même, fait entendre distinctement l’air aigrelet de la calomnie. Cependant les cibles du dénigrement ne sont pas choisies uniquement en fonction d’une divergence esthétique ou même d’une antipathie de personne. En effet, la qualité d’homme de lettres ne se résume pas à la simple maîtrise d’un talent d’écriture, mais se définit également par le degré de puissance détenue au sein du champ littéraire. Or les personnages incriminés par Huysmans occupent tous une position dominante que leur œuvre respective n’est pas seule à justifier : Cuy de Maupassant, mais surtout Catulle Mendès, Francisque Sarcey, Jules Lemaitre et Anatole France ne remplissent-ils pas un rôle majeur dans la critique journalistique des principaux journaux de l’époque ?
17Cette distribution du pouvoir dans la république des lettres, répartition ni démocratique ni absolument méritocratique, n’entraîne pas seulement les convoitises et les jalousies. Elle exerce également sur l’expression sociale de l’écrivain un poids non négligeable : celui de l’autocensure. En effet, si l’homme de lettres, à l’instar de Huysmans, se plaît à médire en petit comité, il lui est moins loisible de se montrer malveillant en toutes circonstances et avec n’importe quel interlocuteur. Certes, l’acrimonie ne constitue pas nécessairement un handicap social en ces temps où l’esprit corrosif est une modalité de la mondanité fin de siècle. « Le féroce est tant à la mode qu’il en devient fade27 », relève ainsi Jules Renard qui, lui-même, voit « la vie en rosse28 ». Mais l’esprit rosse s’autocontrôle et les limites qui s’imposent implicitement à lui sont avant tout générées par le mode de structuration sociale de la vie intellectuelle. En certains endroits, à certains moments, l’homme féroce doit surveiller son langage, voire falsifier sa pensée, non par simple courtoisie mais par intérêt bien compris : « Chaque matin songer aux gens qu’on va cultiver, aux pots qu’il faut arroser29 », affirme ironiquement Jules Renard. L’autonomisation du champ littéraire exclut toute autre voie d’orientation professionnelle : « Réussir au théâtre sans la presse, sans les amis ni les ennemis, sans première répétition générale, voilà le rêve30. » Songe creux. Le désir de visibilité, tant sur une scène que sur un étal de librairie, impose d’appartenir à un réseau composé d’éditeurs, de rédacteurs ou de directeurs de théâtre. Jules Renard, à ce propos, « note que Barrès n’entretient que les amis qui peuvent lui être utiles31 ». La visite à l’écrivain constitue d’ailleurs une sorte de passage obligé dans le déroulement d’une carrière32. L’homme de lettres va parfois même jusqu’à se faire le courtisan d’auteurs ou de critiques influents. Ménageant les susceptibilités, il peut transformer ses froides réserves en chaudes félicitations, tel Marcel Schwob :
– Comment trouvez-vous Peints par eux-mêmes ?
– J’aime mieux les Liaisons dangereuses, dit Schwob.
– Mais vous avez écrit une belle lettre à Paul Hervieu.
– Oui.
– Alors, dis-je, ce que vous avez écrit, et rien.
– Ça dépend.
– Oui ! On ne sait jamais33.
18La dissimulation et la flagornerie font donc partie d’un processus d’intégration et de promotion professionnelle. Mais la parole sociale, incarnée ici par la lettre d’éloge – forme ritualisée de l’échange en milieu littéraire –, en soi ne signifie « rien ». Elle ne vaut que comme marque d’allégeance ou, disons, de bienveillance intéressée. Elle appelle un retour positif, une réciprocité du compliment : article louangeur, mot favorable glissé à l’oreille d’un patron de presse, recommandation auprès d’un éditeur. Dans le petit monde parisien des lettres, tout alors semble « très théâtre, c’est-à-dire très faux34 ». Par comparaison, la sincérité qui caractérise les échanges avec les paysans de Chitry (entre lesquels nul enjeu de pouvoir ou de gloire n’existe) n’en paraît que plus remarquable. Dès lors, l’approbation obtenue en milieu littéraire, voire la consécration publique, deviennent sujettes à caution : il n’est plus très sûr que la notoriété vienne couronner le talent d’un écrivain ou bien celui d’un habile faiseur qui a su manœuvrer. De ce fait, selon Jules Renard, la réussite terrestre et immédiate ne peut être autrement nommée que « gloriette35 », la reconnaissance confraternelle ou le succès de librairie ne garantissant jamais la qualité intrinsèque d’une œuvre.
19Hypocrite, l’homme de lettres l’est alors en un double sens : menteur et comédien. « Oh ! ce monde fatigué, hypocrite et vulgaire ! » s’exclame Jules Renard, après une séance de la Société des Auteurs, à laquelle, notamment, participe « Capus, qui ment par tous les pores36 ». Certes, la comédie sociale n’est pas l’apanage des cercles littéraires. Mais, si l’on en croit le Journal, il semble qu’elle s’y donne avec une particulière intensité, parce que, plus nettement qu’ailleurs, s’y livrent une guerre des ego, une lutte pour le succès. La règle est en effet la suivante, selon Jules Renard : « Pour bien arriver, il faut d’abord arriver soi-même, puis, que les autres n’arrivent pas37. » Courtisan et/ou médisant, l’écrivain, guetté par la paranoïa, est tenté de se contrefaire en un rôle qui lui donne consistance, le valorise aux yeux des autres, ou le protège des méchantes langues. En d’autres termes, il lui faut arborer un invisible masque qui, tout à la fois, le camoufle et le démarque, le dépersonnalise et l’individualise, au sein du groupe. Cette comédie de mœurs conduit Jules Renard à estimer que l’autre, à l’abri de son grimage souvent grotesque, demeure un perpétuel inconnu :
Peindre les hommes ! Qu’est-ce que ça veut dire ? Il faudrait peindre le fond, mais on ne le voit pas. Nous n’observons que l’extérieur. Or, il n’est pas d’homme, même de grande valeur, qui, par ses paroles, ses attitudes et ses gestes, ne soit un peu ridicule. Nous ne retenons que ses ridicules38.
20Le théâtre social offre un spectacle bouffe où les êtres se réduisent à la caricature d’eux-mêmes. Pour l’écrivain, dès lors, seule l’œuvre ne mystifie pas : elle est révélatrice du moi véritable de l’artiste.
21Le champ littéraire est donc tissé de relations artificielles et mensongères où la parole se fait instrument des stratégies de carrière, véhicule guerrier en terrain miné. Jules Renard s’interroge d’ailleurs souvent sur l’effectivité d’une amitié avec un autre homme de lettres. Un lien d’affection, honnête et véritable, peut-il véritablement se nouer si l’atmosphère incite à l’opacité, la concurrence ou la méfiance réciproque ? Parmi les nombreux contemporains rencontrés par Jules Renard et dont les noms sont recensés dans les index du Journal ou de la Correspondance, combien peuvent-ils prétendre au titre de véritable ami ? À dire vrai, ils se comptent sur les doigts de la main39.
22Dans cet univers frelaté, l’expression franche et spontanée ne trouve, chez Jules Renard, véritablement d’autre moyen de se manifester que dans et par le journal intime. Un exemple semble illustrer assez bien cette idée. C’est une page écrite au moment de la fondation du Mercure de France :
Revu Rachilde, Mme Vallette : un corsage rouge, flamboyant, colliers au cou et au bras, colliers d’ambre. Les cheveux coupés à la garçon, et raides, et va comme je te peigne. Toujours des cils comme de longs traits de plume à l’encre de Chine. Arrivent Dumur, Dubus. Le premier, toujours colère, le second, neuf pour moi, mais, au bout d’un instant, vieux jeu. […] Dubus parle de gardes-malades qu’il a eues après un duel, je crois. Il n’avait qu’à dire : « Je suis blessé, venez. » Elles venaient. Elles étaient une douzaine. Elles ont dû passer leur temps à l’épiler, car il a les lèvres et le menton blancs comme un élève du Conservatoire. […] Il pose, parle, interrompt, dit des paradoxes vieux comme des cathédrales, ennuie, assomme, mais continue, a des théories sur la femme. Encore ! Ce n’est donc pas fini d’avoir des théories sur la femme ? Imbécile ! Tu fais comme les autres quand tu es sur une femme. Tu dis : je t’aime, je jouis, et tu lui bois sa salive simplement, comme un homme. À moins que tu ne sois pas un homme.
Vallette arrive. On sent qu’il a un domicile. Il se tait suffisamment. Rachilde voit que je m’embête et me parle du bébé. Mais je m’embête tout de même, car j’ai en dégoût l’originalité de Dubus. Il me semble qu’on me fait manger quelque chose pour la millième fois. C’est peut-être aussi le chouberski, mais j’ai mal au cœur. On sonne. C’est Louis Pilate de Brinn’Caubast. Je me sauve. J’ai à peine le temps de voir une sorte de Méphisto élégant, et puis je crois n’avoir rien vu.
C’est toujours le procédé de Rachilde : faire croire aux autres qu’ils sont plus malins qu’elle. Elle dit : « Vous qui faites de l’art. » En effet, ils en font, ils en font trop. Ils puent l’art, ces messieurs. Non ! Assez ! Plus d’art, que je me débarbouille en embrassant Marinon et Fantec !
Lu des vers de Dubus dans la Pléiade. Ce n’est pas mal, mais pourquoi être si vieux jeu, si épatant, si fastidieusement peu naturel40.
23La théâtralité de la scène, telle qu’elle est rapportée, est évidente. Cette dimension attire d’autant plus l’attention que le milieu observé se situe dans ce que Pierre Bourdieu qualifierait d’avant-garde indépendante. Les règles de fonctionnement du champ s’appliquent donc aussi bien en son centre qu’à ses marges, puisque rebelles et institutionnels adoptent un jeu de masques comparable. Ici, les artistes tendent à se conformer à des stéréotypes : « Ils puent l’art. » Rachilde, par l’excentricité de sa mise, veut faire ressortir son côté bohême. Pourtant, sa naïveté est toute feinte. Alfred Vallette campe un bourgeois de vaudeville. Louis-Pilate de Brinn’Caubast paraît s’être échappé d’un drame faustien. Louis Dumur et Edouard Dubus appartiennent à la comédie de caractère : l’atrabilaire Dumur et le don juan Dubus, ce dernier ne parvenant surtout qu’à être un péroreur « vieux jeu ». Il joue à l’original et devient insupportable à force d’accaparer la parole. Théâtre donc, mais la pièce est mal jouée : « ils en font, ils en font trop. » Leur cabotinage indispose Jules Renard, qui est ici spectateur mais, rappelons-le, acteur aussi.
24Quelle fonction remplit alors le journal intime par rapport à ce mauvais spectacle ? On voit le diariste restituer la saynète et la revivre au moment de l’écrire. Le récit, raconté au présent, efface la distance entre le moment de l’énonciation et celui de l’énoncé. À la fin du texte, le narrateur parvient même à se replacer entièrement dans l’état d’esprit qui fut le sien au moment de son départ, désireux d’embrasser sa femme et son fils. Mais le locuteur ne se contente pas de transcrire les faits vécus. En les reprenant, il se les approprie. Un autre théâtre, régi par des règles différentes de celles du jeu social, semble même se faire jour. Cette seconde scène, toute mentale et littéraire, fournit au diariste l’opportunité non seulement de rejouer pour lui-même la comédie du jour mais, pour ainsi dire, de la compléter. La vie est alors exposée dans une version non expurgée, dégagée des contraintes de la bienséance. Ainsi, Jules Renard, quasi muet dans la réalité, s’arroge-t-il le droit de clamer son dégoût, sur le plateau imaginaire de ses carnets privés. D’où cette interpellation violente, en discours direct, comme si Dubus se tenait encore devant lui. L’excès des propos qu’il assène à son confrère-fantôme semble d’ailleurs proportionnel à la rancœur accumulée : la contention extérieure amène au débordement intérieur. L’écriture du Journal apparaît alors comme moyen d’un simulacre qui apporte une compensation fantasmatique aux frustrations du réel : le diariste déroule les dialogues du jour en y adjoignant les répliques qui manquent à ses yeux, celles que, en société, il a dû garder pour lui. Les personnes réelles se transforment alors en personnages de papier dans lesquels la plume vient se ficher comme une aiguille, conjuratoire et salvatrice, vient percer de quelconques effigies.
25Le journal intime a donc pour fonction d’abriter une vérité socialement inexprimable et d’être un instrument d’émancipation personnelle. Il permet en outre de réguler l’humeur puisque l’écriture naît de la décharge d’une tension emmagasinée. Jules Renard n’a cependant jamais su complètement dissimuler à ses contemporains sa « nature guetteuse, crêtée, ombrageuse et recroquevillée » selon le mot de Léon Daudet41.
26L’écriture du Journal naît donc en partie du battement entre fausseté sociale et vérité de l’intime. Mais elle se légitime aussi par une autre pliure, plus fondamentale encore : celle qui oppose la vie et la mort de l’artiste.
L’artiste sauvé par son Journal
27L’artifice du monde n’est pas seulement une remise en cause de la vérité de la parole sociale de l’homme de lettres. Elle affecte une autre parole, bien plus essentielle, celle de l’art. Ce qui transparaît en effet à la lecture du Journal, c’est la menace que constitue la vie mondaine sur le destin de la littérature.
28L’expérience sociale apparaît d’abord comme formidablement stérilisante pour l’artiste. Elle entraîne en effet un appauvrissement intellectuel déplorable :
Mais pourquoi aller dans le monde ?
Si c’est pour s’amuser, quel drôle de divertissement ! Si c’est pour prendre des notes, rien à faire. Ces gens-là se sont vidés, les uns, dans les affaires, les autres, sur le papier, les autres, dans leur art. Ils vont dans le monde pour attendre l’heure de se coucher. On n’entend pas un mot drôle. Dehors ils ont laissé leur esprit, leurs passions. Le moindre relief tuerait ce futur candidat à l’Académie ou à la Légion d’honneur. Ils le savent, et s’éteignent. Ils tâchent qu’on prenne leur bâillement pour un sourire. Pour moi, je m’y sens mauvais. Je dois avoir un visage couleur de sapin. Je ne dirais volontiers que des injures. Je giflerais plus d’une tête, à finir par la mienne. […] Ah ! reste donc chez toi42 !
29Vision funèbre et saisissante d’une société dévitalisée. C’est la vanité qui s’anime dans ces soirées huppées où le temps, quelques années avant Proust, est bien déjà le « temps perdu ». Les convives ne sont plus que surface, pure apparence, comme évidés, creusés de l’intérieur. Outre l’excès de dépense de soi dans l’activité artistique ou professionnelle, le conformisme et la crainte de déplaire stérilisent « ces gens-là ». L’ennui domine, la mort gagne. L’observateur lui-même croit « avoir un visage couleur de sapin ». Sa révolte et l’admonition qu’il s’adresse à lui-même à la fin du passage rapprochent une fois encore Jules Renard de ce caractère affectionné : Alceste. La tentation du retrait, d’ailleurs, ne s’explique pas seulement par la nausée provoquée par le constant spectacle de l’inanité des affaires humaines. L’envie de fuir se trouve également renforcée par les lectures réitérées des moralistes classiques qui nourrissent une méditation mélancolique, sans cesse reprise dans le Journal, sur l’imposture des gloires d’ici-bas, cette « fumée sans feu dont on parle tant43 ».
30Mais, au xviie siècle, Alceste peut larguer les amarres comme bon lui semble, puisqu’il dispose des réserves financières qui lui permettent de s’installer loin des hommes, en quelque désert. Au xixe siècle en revanche, les gens de lettres ne jouissent qu’exceptionnellement d’une semblable aisance. Comme le dit Jules Renard, ils sont, pour la plupart, « gens de métier. Ce n’est pas une table de travail qu’ils ont mais une table à ouvrage44 ». La littérature est donc compromise parce qu’elle est devenue un moyen de subsistance. En effet, dans l’univers de la bourgeoisie triomphante, le « succès matériel n’a pas l’air de vouloir correspondre au succès littéraire45 ». D’où le possible désir de lâcher la proie pour l’ombre, d’abandonner la recherche esthétique pour le gain d’argent, le beau pour le joli, le confidentiel pour la célébrité. Le théâtre en particulier offre un tremplin vers la célébrité :
Vraiment, ces hommes de si grande valeur me font pitié. Alors toute leur vie, c’est des pièces, et encore des pièces ? C’est triompher plus que le voisin, et recommencer toujours, toujours ? Quand trouvent-ils le temps de regarder l’horizon46 ?
31Le livre gagne-pain ou la pièce rémunératrice aliènent les artistes et finissent par tuer l’art. Alfred Capus incarne aux yeux du diariste l’archétype de l’écrivain qui sacrifie son talent à l’argent et aux honneurs. Ainsi, en 1901, lors du triomphe de La Veine, Alfred Capus se montre « grisé47 », « ne touche plus terre. Il marche à dix centimètres, au moins, du sol48 ». Il se verrait même « sénateur d’Indre-et-Loire49 ». Renfloué, il engage des dépenses somptuaires pour transformer une résidence campagnarde en demeure de nouveau riche50. Plus tard, il se montrera « obnubilé par son rêve d’Académie51 », comme il l’avait été par l’obtention de la légion d’honneur. Jules Renard, d’abord ébahi par une telle ascension, se rend rapidement à l’évidence. Au fil des répétitions de La Veine, les personnages lui apparaissent de plus en plus comme étant des « fantoches ». Quant au récit dramatique, il accumule les « combinaisons faciles comme des mensonges52 ! » Jules Renard conclut :
Voilà pourquoi je n’écrirai jamais une pièce en trois actes. Il y a un bon quart de la pièce de Capus que je n’écrirais pas, et c’est ce quart qui le mènera à deux cents représentations53.
32Le jour de la première, c’est, cependant, moins aux faiblesses du dramaturge qu’à la médiocrité de l’auditoire qu’il s’en prend :
Ah ! Il y a quelqu’un qui n’est pas difficile en esprit : c’est monsieur Tout-le-Monde. S’interdire n’importe quel mot d’esprit, c’est perdre de l’or. Oh ! ce public ! Faut-il qu’on le gâte pour que, à côté de ce qui est très bien, il choisisse ce qui est médiocre !
33Mais, là réside le paradoxe : d’un côté Jules Renard se montre lucide sur le danger de perdition qui guette tout artiste cherchant à plaire, de l’autre, on le voit sans cesse à la recherche de reconnaissances publiques et de distinctions officielles. Il ne paraît pas excessif même de parler, en l’espèce, d’un véritable rapport de fascination/répulsion pour les fallacieux attraits du siècle. Jules Renard admet lui-même son ambivalence, en se référant à nouveau au Misanthrope : « J’ai les sentiments d’Alceste et la conduite de Philinte54. » De même, dans Daphnis, Lycénion et Chloé, Daphnis, double fictionnel de l’auteur, déclare-t-il : « Je voudrais être tantôt le premier homme de lettres en France, et tantôt le dernier homme des bois55. » D’une part, en effet, l’ambitieux Jules Renard peut formuler l’amusant syllogisme :
Oui, je sais. Tous les grands hommes furent d’abord méconnus ; mais je ne suis pas un grand homme, et j’aimerais autant être connu tout de suite56.
34De l’autre, l’intègre Jules Renard se range à la raison en disant qu’il « a nettement conscience de son énorme vanité ; mais il espère qu’à force de volonté il la réduira au minimum de ridicule, et qu’à force de talent il la fera passer par-dessus le marché57 ». La même contradiction se fait jour à propos des dîners : bien qu’il s’y ennuie, il y participe assidûment, au point qu’on en vient à le surnommer « l’homme des banquets58 ». En termes de production écrite, cela donne d’un côté une partie de la Correspondance 59, de l’autre, on l’aura compris, le Journal. D’un côté, la parole fausse et flagorneuse, de l’autre, le verbe décapant et sans concession. Jules Renard reconnaît d’ailleurs volontiers l’insincérité de ses lettres : « À réfléchir aux lettres que j’écris, je me demande quelle valeur de sincérité on a le droit de trouver à la Correspondance des grands hommes60. » Alain Mercier, en comparant certaines Lettres et le Journal durant une période définie – celles qu’il nomme « les années dites du “Mercure61” », couvrant les débuts de la revue, de 1889 à 1891 – a ainsi eu l’intention de montrer « l’hypocrisie » de Jules Renard en faisant ressortir les « contradictions » entre l’épistolier et le diariste, en particulier à l’égard de Remy de Gourmont et de Maurice Barrès62.
35Attitude schizoïde donc. « Ne peut-on pas dîner chez les gens et ne leur trouver aucun talent63 ? » s’interroge Jules Renard, cynique. Or le Journal apparaît comme le lieu d’énonciation de ce malheureux paradoxe. Il en est même en grande partie le produit. Mais il est surtout la planche de salut grâce à laquelle Jules Renard peut surmonter ce clivage délétère.
36L’écriture diariste peut en effet être considérée non seulement comme l’épreuve d’une mise à distance de soi vis-à-vis des autres, mais aussi d’une mise à distance de soi vis-à-vis de soi. Elle n’a donc pas pour seul office de recevoir l’expression des rancœurs sociales, mais devient vitale à l’équilibre psychologique et même moral de l’écrivain : « Il faut que notre Journal […] nous serve à former notre caractère, à le rectifier sans cesse, à le remettre droit64. » Cette sorte d’exercice spirituel vise à dissocier le moi privé du moi social. Dans le Journal en effet, l’écrivain se dédouble et devient spectateur de lui-même. Le plus souvent Jules Renard rapporte les paroles qu’il a tenues dans l’espace social sous la forme du dialogue. Là encore, le Journal fonctionne comme un théâtre, mais il ne s’agit plus du mauvais théâtre social qui obscurcit le sens, ni même du théâtre de la redite qui permet le retour du refoulé, mais d’un théâtre essentiel qui permet d’opérer une véritable catharsis. Alors le diariste, spectateur de lui-même, prend conscience de l’ampleur du fourvoiement de l’écrivain sur les chemins dangereux de la mondanité littéraire : « Je cours les dangers du succès. J’espère bien en sortir vainqueur, c’est-à-dire dégoûté65 », écrit-il au moment du succès du Plaisir de rompre.
37Le Journal se fait alors confessionnal. Le pénitent y confie ses péchés d’orgueil, ses compromissions et ses lâchetés. Ce qui peut donner ce genre d’aveu :
Écrit une dizaine de remerciements complimenteurs sur une dizaine de livres que je n’ai pas lus. Honte. Fait compliment à Guiches de Snob après en avoir parlé avec dédain à Granier. Pourquoi ? Raconté pour la cinquantième fois le succès du Plaisir de rompre, en exagérant une fois de plus66.
38Le but d’une telle contrition, outre le repentir, est de rester clairvoyant, de ne jamais se laisser bercer par les illusions sociales ou de se mettre à croire à son propre babil, même si, en réalité, l’homme de lettres se prête au jeu d’une telle comédie.
39L’humour apparaît alors comme la disposition d’esprit la plus à même d’instaurer cet équilibre instable entre le cœur qui transige et la raison intransigeante : « L’humoriste, c’est un homme de bonne mauvaise humeur67 » dit Jules Renard.
L’humour, c’est, en somme, la raison. L’homme régularisé68.
40L’humour permet donc de participer au spectacle sans en être la dupe, d’interpréter son rôle social sans jamais y adhérer, de prendre part aux célébrations sans croire à sa propre célébrité, de se coiffer des lauriers de la gloire sans trouver la parure seyante. Or le style diariste est constamment empreint d’humour, comme si l’écrivain, par souci d’hygiène intellectuelle et morale, voulait dissiper pour lui-même les miasmes de la vie mondaine69. Le Journal possède à cet égard une vertu préventive et curative, puisqu’il accueille, sur le ton de l’humour, aussi bien les mises en garde que les bilans d’expérience.
41Cette distanciation n’a pas été infructueuse : l’exercice d’humour, quasi quotidien, a poussé Jules Renard dans le sens d’une dissociation nette entre l’œuvre et l’homme, les valeurs du beau et les valeurs de la société : si Jules Renard, homme du monde, voit sa vie compromise, Jules Renard, écrivain, sauve son œuvre de toute compromission70. Ainsi Jules Renard a-t-il toujours refusé de s’engager dans l’univers romanesque (L’Écornifleur, seul roman publié de son vivant, est, à bien des égards, un antiroman), bien que le genre soit très en vogue et que son entourage proche le presse de s’illustrer dans le roman : « Mes amis m’attendent au roman comme au détour d’une rue71. » Au récit long d’imagination, il préfère les « proses » brèves et inspirées du réel vécu.
42Le Journal a ainsi contribué non seulement à rendre plus sociable « l’homme des bois » : Alceste collabore avec Philinte, dans un partage des rôles distincts et assumés. Mais il a permis à l’artiste de se dissocier du mondain et à l’œuvre d’échapper à la mode. Cet équilibre est une expérience de tous les jours, un travail de Sisyphe, chaque fois recommencé.
Le milieu littéraire en « morceaux, petits morceaux, tout petits morceaux72 »
43Jules Renard transpose, presque quotidiennement, dans ce qu’il nomme des « carnets d’ivoire », les images, visuelles ou sonores, qui se sont gravées sur la plaque sensible de sa conscience. Mais cette recension se fait sur le mode de la fragmentation et du désordre émotif. « Je ne réfléchis pas : je regarde et laisse les choses me toucher les yeux73 », affirme en effet l’observateur. Cet impressionnisme donne à l’écriture sa dimension phénoménologique, linéaire et parcellaire. « Œil clair », oreille attentive, le diariste, quand il couche par écrit le fruit de ses observations, n’en opère pas moins une sélection scrupuleuse. Si le Journal mentionne un nombre important de contemporains, leur évocation est souvent réduite à l’allusion : bribes de dialogues, miettes de récit, confettis de description. Il est d’ailleurs possible de distinguer deux formes de brisure textuelle. Une première forme est constituée d’un strict relevé des choses vues ou entendues, sans intervention du locuteur. La conversation avec Marcel Schwob à propos de Peints par eux-mêmes, citée précédemment, en est un exemple. La scène, pour ainsi dire, parle d’elle-même et n’appelle pas de commentaire. Une autre forme rassemble les passages descriptifs ou narratifs dans lesquels la modalisation et les expressions du jugement rendent explicite le point de vue du diariste. L’extrait du 19 novembre 1889, qui retrace la soirée passée avec les membres du Mercure de France 74, appartient à cette seconde catégorie. L’évocation des personnes présentes est péjorative et le discours auctorial interfère dans le récit pour l’interpréter et, comme nous l’avons dit, le prolonger imaginairement.
44Mais, qu’ils soient subjectifs ou objectifs, les « morceaux » qui composent les cahiers intimes sont remarquables de brièveté. La longueur des comptes rendus n’excède que rarement les deux pages75. La plupart tient en deux ou trois courts paragraphes. Cette concision, associée à la diversité des thèmes abordés et à l’absence régulière de transition entre chaque segment, confère au Journal un caractère très affirmé de mosaïque textuelle. Quand le « morceau » est descriptif ou narratif, le Journal fait songer à un carnet d’esquisses. Une même personne peut faire l’objet d’une série de croquis : le portrait procède alors par accumulation de sèmes descriptifs dispersés dans le temps. Les passages consacrés aux milieux littéraires ne dérogent évidemment pas à cette règle d’une représentation étalée, lacunaire et suggestive.
45Dans ces petites cellules textuelles, les contemporains sont globalement appréhendés de trois manières. D’une part ils peuvent être saisis par une formule globale, du type : « Barrès, ce jonc coupant76. » Mais ces appréciations synthétiques sont en nombre minoritaire. D’autre part, il arrive à Jules Renard d’associer à un jugement global une énumération de quelques traits singuliers, comme dans ce portrait de Maurice Maeterlinck :
Vu Maeterlinck montré sur le boulevard par Camille Mauclair. Un ouvrier belge qui s’est acheté un chapeau trop petit et des culottes trop larges. […] Quand on lui présente quelqu’un, Maeterlinck a soudain un agrandissement d’yeux et un balancement du corps qui sans doute signifient : « Ah ! chouette ! »
46Enfin, le plus souvent, l’observateur privilégie la saisie en gros plan. Sont consignés quelques petits détails concrets ou quelques remarques anecdotiques, apparemment dérisoires. Les caractéristiques descriptives les plus infimes peuvent ainsi tenir lieu de portrait : les élastiques des bottines d’Emile Bergerat77, « le rire du nez78 » de Paul Verlaine, ou bien la façon de donner les poignées de main :
La main de Goncourt a une douceur d’édredon humide79.
La poignée de main plongeuse, en cou de cygne, de Barrès. Cette poignée de main n’est d’ailleurs qu’un vague attouchement de doigts80.
Carrière, un monsieur qui serre la main des autres le plus près possible de la cuisse81.
47Ces détails peuvent n’être que circonstanciels et éphémères, comme lorsque Jules Renard remarque, lors d’une visite chez Maurice Barrès, le « veston à longs poils » et les « bottines déboutonnées82 » de l’écrivain. Ils expriment plus souvent un caractère rémanent de la personne, comme, par exemple, l’élocution de Paul Claudel :
Claudel parle comme la machine à parler de Schwob. Ses lèvres se soulèvent comme de lourdes tentures à de violents courants d’air. Il parle avec un système de palettes83.
48Cet intérêt porté à l’accessoire, durable ou passager, place les lecteurs non seulement dans l’intimité de Jules Renard, puisque les impressions les plus ténues leur sont communiquées, mais aussi dans l’intimité des écrivains côtoyés. Ceux-ci sont moins perçus comme des incarnations de l’art et la pensée que comme de simples existences, marquées par la contingence et l’éphémère. Comment comprendre cette réticence à intellectualiser la figure d’autrui ?
49Ces « scalps de puces 84 », heureuse expression de Remy de Gourmont, relèvent, semble-t-il, d’une double motivation. D’une part, les réalités résiduelles et souvent dérisoires permettent à Jules Renard de saisir quelque chose de l’ipséité d’un être : « [l] e papillonnement des paupières de Schwob quand il ment85 », « [l] e Racine sur la table de Verlaine86 », les domestiques de Rostand qui écoutent les conversations des invités87, l’intérieur de style anglais, chic et tape-à-l’œil d’Alphonse Allais88, le goût d’Octave Mirbeau pour le chou rouge et le gigot aux haricots rouges89, etc. Tous ces détails ont une valeur « iconique90 ». Ils remplissent une fonction représentative : le trait biographique singularise l’individu et, partant, atteste d’une vraie présence. Edmond de Goncourt jugeait nécessaire « d’inventer une lorgnette nouvelle91 », pour la littérature. C’est bien par le petit bout de celle-ci que Jules Renard entend rendre compte des mœurs de ses contemporains.
50Mais il ne faudrait pas réduire le Journal à un ramassis de cancans ou un misérable petit tas de secrets.
51Il faut noter en effet que la scrutation des détails se confond le plus souvent avec un intérêt particulier centré sur les défauts, physiques ou moraux, de la personne observée. Le diariste peut tirer de cette observation un double bénéfice. Bénéfice d’ordre psychologique tout d’abord. Discerner les failles de ses semblables est, en effet, une façon de se consoler de ses propres faiblesses. Jules Renard peut ainsi constater : « Nous sommes tous un peu ratés par quelque endroit92. » Mais cette obsession de la faille sert surtout les vues du moraliste. Ce qui est relevé et qui éclate sous la plume, ce sont bien « les pustules de la vanité93 ». La recension des vicissitudes existentielles des « célébrités littéraires » et le rappel de leurs petites misères servent en effet à dégonfler les bouffissures d’orgueil des grands hommes satisfaits : « Ah ! parmi nos petites gloires lumineuses, que de bouts de chandelles94 ! » s’exclame Jules Renard au sortir d’un dîner de La Plume. Mais, surtout, l’attention portée aux défauts des autres incite en retour à se pencher sur sa propre arrogance : « Quand on peut voir si nettement les défauts des autres, c’est qu’on les a95. »
52Cette dimension morale incite à rapprocher les miniatures du Journal, dans lesquelles se réfracte le monde littéraire, de l’art des vanités. Les incorrections, physiques ou morales, qui obnubilent tant le diariste sont autant d’indices qui viennent confirmer un état de déliquescence fondamentale. Dans les natures mortes, il est habituel d’apercevoir un insecte parasite, quelques moisissures, des fruits pelés ou entamés et de les interpréter comme les vivants symboles du néant. Dans la peinture de Jules Renard, ce sont également les effets du temps qui passe qui sont dessinés : les « cheveux blanc sous perruque noire96 » de Mme Tola Dorian, la figure « couperosée97 » de Lemaître, le fond d’œil rouge d’Aurélien Scholl98, les miettes dont est couvert Jean Dolent lors d’un banquet99, etc. Autant de détails, de lézardes pourrait-on dire, qui connotent un délitement et renvoient les hommes à leur propre finitude. Ainsi, membre de l’académie Goncourt à partir de 1907, Jules Renard ne manque-t-il pas de mentionner toutes les « vision[s] funèbre[s]100 » que suscite la fréquentation de ses commensaux : teint sombre de Bourges, surdité de Rosny aîné, obsessions de Léon Daudet ou d’Octave Mirbeau, etc. Et d’en conclure : « L’Académie Goncourt me paraît malade : ça a l’air d’une maison de retraite pour vieux amis101. »
53En outre, la représentation atomisée du milieu littéraire s’apparente à une autre forme d’expression plastique qui, elle aussi, participe à sa manière de la visée morale du Journal : la caricature. Jules Renard manifeste un goût pour le genre dès lors qu’il s’agit de comprendre les gens de lettres : « C’est étonnant comme toutes les célébrités littéraires gagnent à être vues en caricature102 ! » Or la caricature opère une singularisation par jeu de simplification. Le regard s’arrête sur deux ou trois lignes saillantes de la personnalité, physiques ou intellectuelles, que l’artiste transforme alors, le plus souvent en les grossissant. Le profil croqué est le produit d’une altération mais devient immédiatement reconnaissable. C’est ce qu’Ernst Kris appelle « la transformation cocasse de la ressemblance103 ». L’extrait suivant donne un aperçu du mécanisme caricatural :
Vu chez Schwob, André Gide, l’auteur des Cahiers d’André Walter. […]
C’est un imberbe, enrhumé du nez et de la gorge, mâchoires exagérées, yeux entre deux bourrelets. Il est amoureux d’Oscar Wilde, dont je vois la photographie sur la cheminée : un monsieur à la chair grasse, très distingué, imberbe aussi, qu’on a récemment découvert104.
54Dans ce double portrait, le caricaturiste procède moins par exagération grotesque que par sélection implacable des distinctions les plus visibles. Chaque élément de phrase est un trait d’esquisse qui singularise admirablement André Gide ou Oscar Wilde. En outre, le pointillé du dessin désarticule les êtres, comme si le vide circulait dans les blancs du texte.
55Une étude reste à faire sur l’art de la caricature dans le Journal de Jules Renard, que cette contribution ne prétend pas vraiment entamer. On se bornera, pour le sujet qui nous occupe, à relever simplement ceci : le choix de la forme caricaturale renforce le caractère intime du Journal de Jules Renard. Le caricaturiste, en effet, cherche à rendre compte de la vérité d’un personnage mais exprime également, et peut-être plus encore, sa propre subjectivité dans la réduction et la déformation qu’il opère. Là encore, le milieu littéraire n’est pas seul à subir un tel traitement. Mais c’est un fait notable que le style de Jules Renard devient presque systématiquement caricatural quand l’observation porte sur un homme de lettres. Les pages consacrées au banquet des Symbolistes tenu en février 1891 illustrent cette aigreur de ton particulière :
Hier soir, dîner des Symbolistes. […] Je trouve Barrès gélatineux. […]
Mendès, c’est la pédérastie dans le geste. Mirbeau, un type d’adjudant d’artillerie.
Marie Krysinska, une bouche à mettre un pied dedans. […]
Vanor. Ce garçon-là donne des poignées de main avec un talent !… Il est de première force dans les saluts de tête et les sourires sympathiques.
[…]
Jean Carrère. Un Lamartine méridional. Il croit à l’idéal, à l’infini, à Job, à un tas de pauvres choses et, pour faire la preuve, récite de ses vers. En outre, il voudrait bien être pris pour un barbare, et croit qu’à l’apparition de son volume de vers, tout le monde va lui tomber dessus. […]
Léon Lacour, déjà gris, déjà chauve, et toujours tout petit. Ah ! ceux qui prennent la littérature pour une nourrice se portent mal.
Tous ces gens-là disent : « Je suis un révolté, moi », avec un petit air de vieillard qui vient de faire pipi sans trop souffrir105.
56L’évocation découle entièrement d’un point de vue qui s’exprime dans la modalisation (« Je trouve ») et dans les jugements de valeur négatifs. En outre, la confidentialité du support permet de connaître le ravissement pervers de la pure méchanceté. Le satiriste peut se livrer à loisir à l’attaque ad hominem, même gratuite. On subodore même que l’écrivain se grise de sa propre caricature, comme si tirer des flèches comptait plus que toucher des cibles. Une sorte de jouissance affleure qui tient autant à la libération d’une violence rentrée qu’au bonheur de la trouvaille littéraire. Dans ce Journal à caractère autodestiné, Jules Renard, « homme féroce, homme sensible106 », ne s’interdit donc ni la mauvaise foi ni le sarcasme. La vérité, tant recherchée, devient même quelque peu secondaire. Le plaisir du verbe rugueux, de la formule assassine, finit par primer.
57Or cette véhémence polémique trouve essentiellement sa place dans le Journal et n’innerve guère les livres, comme si les propos médisants n’avaient pas vraiment de légitimité morale ou littéraire à être publiés. Non pas qu’il n’existe pas d’œuvres rosses, mais celles-ci s’attaquent rarement à une personnalité précisément identifiée107 Les classes sociales se prêtent davantage à la satire : certains paysans, les petits bourgeois incarnés par les Vernet et les Bornet ou bien les gens de lettres pris comme un ensemble, dans les séries qui mettent en scène le personnage d’Éloi par exemple. Renard s’attaque en revanche plus nettement aux membres de sa propre famille (les Lérin, les Lepic). On notera d’ailleurs l’emploi systématique de noms fictifs pour éviter une personnalisation excessive. Mais au fond, s’il est un homme de lettres clairement identifié qui, dans les Œuvres, est le sujet d’un constant persiflage, c’est bien le narrateur lui-même. De L’Écornifleur à L’Œil clair, Jules Renard n’a de cesse de se railler lui-même.
58Le Journal, écrit pour soi, hors de toute logique commerciale, naît d’un retrait de la sphère sociale. Le hors-champ des cahiers privés permet de réfléchir à la place du moi dans le champ littéraire. Sur son promontoire caché, l’écrivain s’observe et observe : il scrute à la fois sa vie professionnelle et mondaine mais aussi la césure qui sépare l’homme public de l’homme privé. Il réfléchit au statut de l’art dans son siècle, au fourvoiement qui guette l’écrivain soucieux de transformer son œuvre en faire-valoir de lui-même.
59Né d’un désir d’introspection, le Journal est donc aussi un creuset où s’élabore au fil du temps une sociologie, certes subjective et parcellaire – parcellaire parce que subjective. Quand Jules Renard affirme que, dans son Journal, il a « soif de vérité108 », c’est à une vérité toute personnelle qu’il fait référence. « La vérité, c’est mon impression109 », proclame-t-il en effet. Il dit aussi :
Je suis un homme sensible que la vie blesse ou réjouit. Je n’ai pas le sang-froid de l’observateur indifférent110.
60Le rapport au monde se résume autour de deux pôles affectifs opposés : « Tout n’est que sympathie ou antipathie.111 » Ce sont donc moins des « Mémoires de la vie littéraire » que les « Mémoires de ma vie littéraire » qu’il nous est donné de découvrir.
61Mais le Journal est surtout l’œuvre d’un moraliste : le spectacle du monde donne matière à une vision à la fois amère et risible des vanités et de la comédie des hommes, en même temps qu’il renvoie, comme un miroir, à la propre inanité du diariste. L’écriture du Journal est donc exercice de dénigrement et d’autodénigrement. En cela, elle est pour Jules Renard un instrument essentiel de régulation éthique et esthétique.
62Dans un texte de jeunesse intitulé « Le Repas ridicule112 » qui, dans sa brièveté, concentre bien des aspects évoqués ici, l’écrivain met en scène Éloi, qui participe, en tant qu’homme de lettres, à un banquet de haute tenue intellectuelle. Les convives rassemblés constituent la fine fleur des cénacles littéraires. Les traits d’esprit fusent dans le meilleur goût français : « […] nous rions, les uns du rire de Molière, les autres du rire de Rabelais. Quelqu’un cite deux ou trois mots latins de bonne cuisine113. » Mais la cérémonie a quelque chose d’un peu figé, elle manque de naturel. Le riche décor est pesant, mais surtout Éloi ne se sent pas à son aise :
[…] Éloi regarde ses voisins avec défiance. Prudemment, le geste contenu et l’attitude rectifiée, il soigne ses phrases, afin que, s’il les retrouve plus tard dans les mémoires du temps, elles ajoutent à sa gloire.
Il y a peut-être un Goncourt parmi nous114 !
63Mais où se trouve cet espion qui inquiète Éloi ? Ne s’est-il pas glissé, incognito, derrière ce « nous » collectif qui suppose la présence du « je » ? N’est-ce pas Jules Renard lui-même « croque-notes littéraire115 » à qui rien n’échappe et qui se plaît, dans l’huis clos de son journal intime, à briser en menus morceaux les idoles de son temps ?
64De fait, Éloi a raison de se méfier116. Les cahiers privés de Jules Renard contiennent bien des vérités inaudibles et bien des sarcasmes blessants. La publication d’un tel ouvrage peut se révéler explosive, tout comme celle des Mémoires des Goncourt, par son système savant de programmation éditoriale, a pu instaurer une véritable « terreur dans les lettres » selon la formule de Claude Duchet, empruntée à Jean Paulhan117.
65Heureusement pour Éloi, la bombe à retardement, si l’on peut dire, que représente la sortie posthume du Journal a été grandement désamorcée. L’artificier est une femme. Il s’agit de la propre veuve, la brave épouse, la gentille Marinette. Affolée à la perspective de voir le landerneau littéraire contrarié par les écrits secrets de son mari, elle chargea Henri Bachelin, pourtant admirateur de Jules Renard, d’expurger le Journal de tous les passages compromettants. Trente pour cent du manuscrit sont ainsi passés à la trappe. Et les cahiers ont été intégralement brûlés. Mais Bachelin n’était pas un excellent éditeur ! Il a laissé passer à travers les mailles de son filet quelques morceaux de choix qui nous révèlent le milieu littéraire dépeint « avec un cynisme tout nu118 », vérité crue mais salvatrice pour l’homme clivé Jules Renard. Aussi, sans doute, pour les lecteurs que nous sommes.
Notes de bas de page
1 Renard (Jules), Journal, 13 février 1891, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1965, p. 78. Désormais nous citerons le Journal dans cette édition, en la signalant au besoin par l’abréviation J.
2 Ibid., 30 janvier 1892, p. 114. Marcel Schwob commença son journal le 23 janvier 1892. Il n’en écrivit que quelques pages si l’on en croit Pierre Champion, dans Marcel Schwob et son temps, Paris, Grasset, 1927, p. 99.
3 J., 30 janvier 1892, p. 114. Gaston Jollivet (1842-1927) a laissé, à défaut d’un journal, des Souvenirs de la vie de plaisir sous le Second Empire (1927) et des Souvenirs d’un Parisien (1928).
4 Le lien est notamment établi par Robert Ricatte dans la préface du Journal des frères Goncourt, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », tome I, p. XI, ou bien par Françoise Simonet-Tenant, dans Le Journal intime, genre littéraire et écriture ordinaire, Paris, Téraèdre, coll. « L’écriture de la vie », 2004, p. 88.
5 Deux indices incitent à penser que la page qui ouvre le Journal, dans sa version actuelle, ne constitue peut-être pas la toute première du genre ou de l’ouvrage. D’une part, l’incipit surprend par son côté abrupt : une remarque sur le style de Baudelaire, énoncée comme un bilan de lecture et qui ne présente aucune caractéristique d’un début augural. D’autre part, dans Poil de Carotte, l’enfant tient un « Album » qui ressemble à un journal sans date, comme si la pratique diariste avait commencé dès l’enfance. L’œuvre s’achève d’ailleurs sur un choix d’extraits de cet « Album de Poil de Carotte ». Il y eut donc peut-être un journal avant le Journal. La question peut donc être posée de savoir si des pages correspondant à la période antérieure à 1887 ont été arrachées. Faut-il supposer que les années de jeunesse, années de bohême marquées par la passion pour l’actrice Danielle Davyle, ont été éliminées par un éditeur soucieux de ne pas froisser la susceptibilité de la prude épouse ?
6 J., 30 janvier 1892, p. 114.
7 Ibid., 29 septembre 1894, p. 245. Jules Renard compare à nouveau son Journal à celui des Goncourt le 11 mai 1894, p. 222, mais sous un angle plus critique : « Il faut que notre Journal ne soit pas seulement un bavardage comme l’est trop souvent celui des Goncourt. Il faut qu’il nous serve à former notre caractère, à le rectifier sans cesse, à le remettre droit. »
8 Goulemot (Jean-Marie) et Oster (Daniel), Gens de lettres. Écrivains et bohèmes. L’imaginaire littéraire 1630-1900, Paris, Minerve, 1992, p. 107.
9 Dans J., le 13 juillet 1899, p. 539, Renard considère son fils, Jean-François, comme un lecteur éventuel.
10 Par exemple, dans J., le 13 mars 1906, p. 1039, Renard envisage de résumer et de réécrire son Journal.
11 Paul Léautaud, dans son Journal littéraire, le mardi 24 janvier 1928 (Paris, Mercure de France, 1986, tome I, p. 2157), se montre attentif à la personnalisation de l’écriture renardienne : « Évidemment, ce n’est pas un Journal comme je l’entends. Mais c’est le Journal de Jules Renard, de lui, absolument lui et c’est d’une grande originalité. » Il note également, le vendredi 18 mai 1928, p. 2258, que la réfraction de la vie littéraire s’opère dans le miroir de la vie privée. Cependant, il ne fait pas sien ce primat de la subjectivité : « Tout le côté peinture d’un homme de lettres est évidemment intéressant, jalousies, ambitions, calculs et combinaisons de réussite, succès, hypocrisie nécessaire, etc., etc., tout cela qui est si loin de moi, qui m’est si étranger, est assez bien étalé. J’ai peut-être tort aussi de ne pas apprécier le côté d’étude, d’examen de soi-même, le côté subjectif extrêmement développé dans ce Journal ».
12 Antoine (André-Paul), Antoine père et fils, Paris, Julliard, 1962, p. 67.
13 Chitry-les-Mines est le village d’enfance situé dans la Nièvre, celui de Poil de Carotte, dans lequel Jules Renard acquiert une résidence secondaire en 1896 et dont il devient maire en 1904. La vie à Chitry est maintes fois évoquée dans le Journal et dans les œuvres.
14 Rachilde insiste sur la ruralité de l’homme dans « Le Paysan perverti », publié dans les Nouvelles littéraires du 2 février 1929, puis inséré dans Portraits d’hommes, Paris, Mercure de France, 1930. Gustave Guiches, dans Le Banquet, Paris, Spès, 1926, est plus nuancé : « Dans son village, il est le parisien. À Paris, il est le villageois. Il n’est pas paysan. Il est municipal » (rééd. 2006, sous le titre Au banquet de la vie, Tusson, Du Lérot, coll. « D’après nature », p. 327). Il est vrai que Jules Renard aimait à rappeler à ses hôtes parisiens, par goût de la provocation, ses origines provinciales. Par exemple, Gustave Guiches note sa ponctualité. Mais Renard s’excuse d’arriver à l’heure : « Je vous demande pardon, mais j’ai gardé de ma province le goût d’être exact. » (Ibid.)
15 Bourdieu (Pierre), Les Règles de l’art, genèse et structure du champ littéraire, Paris, Le Seuil, coll. « Point », nouvelle édition revue et augmentée, 1998, p. 204. La facilité avec laquelle Jules Renard se glisse d’un pôle à l’autre du champ littéraire et artistique – mobilité qui, d’ailleurs, ne lui est pas propre – ne tendrait-elle pas à prouver que les lignes de partage théoriques, morales ou esthétiques mises en exergue par Pierre Bourdieu n’excluent pas la sociabilité, même conflictuelle, que cet espace somme toute restreint et peu peuplé des gens de lettres, par-delà les querelles de chapelle, est aussi lieu de rencontres, de côtoiements, d’échanges et, parfois même, de relations d’amitié ? Qu’on en juge par exemple en lisant la rencontre, certes tendue, entre un symboliste peu connu et un naturaliste de renom, rapportée dans J., le 25 juillet 1892, p. 132-133 : « Au banquet de la Plume, présidé par Zola, Retté lui disait : // – Je vous tends la main. Nous sommes ennemis, mais je vous tends la main. // Et Zola répondait : // – Moi, je vois ce que vous voulez faire. Je le ferai, moi, quand j’aurai fini mes Rougon. // Et Retté reprenait : // – Je ne crois pas. » Entre Zola et Retté se trouve Jules Renard qui rapporte cette scène. Et la place qu’il occupe au cours du dîner est à l’image de celle qui est la sienne dans le champ littéraire : à la fois partout et nulle part.
16 Pagès (Alain), Le Naturalisme, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? » ; 2e éd. corrigée, 1993, p. 60.
17 Sur l’antagonisme entre Francisque Sarcey et Alphonse Allais, voir la présentation d’André Velter, Les Poètes du Chat noir, « Liberté fin de siècle », Paris, Gallimard, coll. « Poésie », 1996, p. 20-24.
18 Pourtant, Jules Renard ressent peu d’affinités esthétiques avec ce courant qu’il nomme péjorativement le « cymbalisme » (le jeu de mots n’est pas l’invention de Jules Renard, Verlaine l’emploie également à propos de Jean Moréas, comme le signale Bertrand Marchal, dans Lire le Symbolisme, Paris, Dunod, « Lettres sup », 1993, p. 6 ; chez Jules Renard, le qualificatif s’applique à José-Maria de Heredia, dans J., le 14 janvier 1898, p. 462). Jules Renard n’apprécie guère non plus l’œuvre de Mallarmé, comme le montre, par exemple, la brève satire intitulée « Le Symboliste exaspéré », qui se moque de l’obscurité du poète, dans La Lanterne sourde, Eloi, homme de plume.
19 Jules Renard ne s’oppose pas au réalisme, mais cherche à le dépasser. Il est cependant l’auteur, en 1892, d’un bref et mordant « Naturalisme » dans La Lanterne sourde, Eloi, homme de plume, qui fustige le culte du document.
20 Émile Zola est président de la SGDL On lit dans J., le 17 mars 1894, p. 211 : « Zola dit : “Messieurs, si nous ne sommes pas sûrs de faire passer M. Jules Renard, il faut remettre l’élection, car la Société des Cens de lettres se rendrait ridicule.” » Une fois élu, Jules Renard est accueilli en ces termes par Émile Zola, rapportés le 8 avril 1894, p. 215 : « Monsieur, nous sommes très heureux d’avoir fait votre acquisition. »
21 Cet hommage n’équivaut pas cependant à une approbation de la condamnation de La Terre. Jules Renard, dans J., le 18 mars 1890, p. 58, trouve au contraire ridicules les « effarouchements, [l]es pudeurs, [l]es reculs de buste » manifestés devant les prétendues outrances du roman zolien. Cette position intermédiaire, ni totalement hostile à la vieille garde ni complètement fermée à la nouvelle, facilita sans doute son élection au sein de l’académie Goncourt, en remplacement de J.-K. Huysmans, mort au début de 1907. Il fut alors soutenu par Lucien Descaves et Octave Mirbeau, il ne déplut ni à Léon Hennique ni aux frères Rosny, même si ceux-ci ne lui accordèrent pas leur voix au premier tour de scrutin. En d’autres termes, il fut le candidat qui, in fine, attira autour de son nom, non pas l’adhésion franche et unanime, mais un relatif consensus qui, après des tractations menées, il est vrai, tambour battant par Octave Mirbeau (celui-ci menaça de démissionner si Jules Renard n’était pas élu), lui permit d’accéder au fameux couvert.
22 Outre Jules Renard, le comité de lecture du théâtre d’Art comprend en 1891 et 1892, Rachilde, Alfred Vallette et Saint-Pol-Roux.
23 Lucien Guitry, Alfred Capus, Tristan Bernard et Jules Renard formèrent longtemps un quatuor d’amis surnommé « les quatre mousquetaires ».
24 Mais qui ne fut pas proche du Chat noir tant le journal autant que le cabaret s’ouvraient à tous les vents de l’art et de la littérature ?
25 L’ensemble des Pointes sèches est dédié à Léo Trézénick.
26 J., 18 octobre 1891, p. 98-99.
27 Ibid., 2 décembre 1892, p. 142.
28 Ibid., 11 octobre 1905, p. 996. Jules Renard note, le 1er mars 1891, p. 81 : « Vu Custave Geffroy […]. Ajalbert lui a, à lui aussi, parlé de ma férocité ; il me fera une réputation que j’aurai de la peine à défaire. » Goncourt, en connaisseur, signale également dans son propre Journal, le dimanche 3 mai 1896, éd. citée, tome III, p. 1276, « l’ironie mauvaise de Jules Renard », à propos d’un mot cinglant qu’il aurait prononcé à propos de Marcel Schwob. Aux yeux des autres – Jules Renard finit d’ailleurs par s’en exaspérer –, il est, comme on peut le lire dans J., le 15 mai 1899, p. 530, « le monsieur qui a toujours, hélas ! le petit mot pour rire ».
29 Ibid., 26 mai 1891, p. 95.
30 Ibid., 4 avril 1906, p. 1045.
31 Ibid., 16 décembre 1891, p. 106.
32 Jules Renard effectua de nombreuses visites au début de sa carrière et en reçut quelques-unes à la fin, dont celle de Jean Giraudoux. Celui-ci la raconte dans Souvenir de deux existences, décembre 1909, Paris, Grasset, 1975, p. 85-86.
33 Ibid., 18 avril 1893, p. 158.
34 Ibid., 21 septembre 1908, p. 1198.
35 Par dérision, Jules Renard baptise sa maison de Chitry-les-Mines du nom de La Gloriette.
36 Ibid., 1er décembre 1905, p. 1013.
37 Ibid., 10 mars 1894, p. 210.
38 Ibid., 26 septembre 1908, p. 1199.
39 Non seulement les amis intimes de Jules Renard sont peu nombreux, mais l’amitié, chez Jules Renard, connaît des éclipses, voire des fins brutales. Il faudrait citer et détailler les cas de Marcel Schwob, d’Alfred Capus, de Lucien Guitry, d’Edmond Rostand, d’Antoine, d’Alfred Athis et de quelques autres. La relation la plus profonde, la plus longue et la moins orageuse demeure assurément celle nouée avec Tristan Bernard.
40 Ibid., 19 novembre 1889, p. 46-47. Marinon et Fantec sont les surnoms de la femme et du fils de Jules Renard
41 Daudet (Léon), Vers le roi, Grasset, 1934, cité par Tristan Jordan, dans « Jules Renard, vu par ses contemporains », Bulletin de l’Association des Amis de Jules Renard, vol. 7, Chitry-les-Mines, Association « Les Amis de Jules Renard », année 2006, p. 60.
42 J., 10 avril 1897, p. 405.
43 Ibid., 17 juin 1908, p. 1183.
44 Ibid., 3 avril 1901, p. 655.
45 Ibid., 22 novembre 1908, p. 1211.
46 Ibid., 29 décembre 1903, p. 873.
47 Ibid., 7 mars 1901, p. 643.
48 Ibid., 18 mars 1901, p. 646.
49 Ibid.
50 Ibid., 4 janvier 1902, p. 716.
51 Ibid., 14 décembre 1905, p. 1019. Voir également la conversation rapportée le 4 janvier 1902, p. 716, où Alfred Capus, animé par la « veulerie du parvenu », évoque la consécration que représente, à ses yeux, l’élection à l’Académie française.
52 Ibid., 2 avril 1901, p. 653.
53 Ibid.
54 Ibid., 11 août 1900, p. 597.
55 Renard (Jules), Coquecigrues, Daphnis, Lycénion et Chloé, XIV, dans Œuvres, vol. I, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1970, p. 581.
56 J., 28 avril 1893, p. 159.
57 Ibid., 6 mars 1895, p. 269. Cette phrase concerne Éloi, un des doubles fictionnels de Jules Renard homme de lettres.
58 Ibid., 11 janvier 1908, p. 1152. C’est précisément au cours du « banquet Gustave Kahn » que Jules Renard entend ce surnom.
59 Cette remarque ne s’applique pas aux lettres échangées avec les membres de la famille Renard.
60 J., 23 janvier 1897, p. 386. Il avoue même, le 11 novembre 1896, p. 353 : « J’écris d’abord une lettre d’éloges à l’auteur qui m’envoie son livre, puis je lis son livre, et je tâche de justifier ma lettre. »
61 Alain Mercier, « Interférences, convergences et divergences entre le Journal de Jules Renard et les Lettres retrouvées (éd. du Cherche-Midi, 1997) », dans Les Écritures de l’intime, la Correspondance et le Journal, Actes du colloque de Brest, 23-24-25 octobre 1997, textes rassemblés par Pierre-Jean Dufief, Paris, Honoré Champion, 2000, p. 150-151.
62 Remy de Gourmont avait aimé Sourires Pincés et l’avait fait savoir à son auteur. Mais l’admiration n’était pas réciproque. Jules Renard, dans J., le 4 novembre 1890, p. 72, trouvait en effet que Sixtine n’était qu’« un délayage bien fait ». La contradiction est plus flagrante encore avec Maurice Barrès. Les deux hommes s’appellent mutuellement « cher ami », dans la Correspondance et dans la vie. Or Jules Renard, s’il apprécie l’écrivain, goûte peu les manières du dandy et s’oppose à l’homme politique, quand celui-ci cesse d’être socialisant. Dans son Journal, il le traite, par exemple, de « gélatineux », le 3 février 1891, p. 77. L’antidreyfusisme achèvera de rendre Maurice Barrès antipathique aux yeux de Jules Renard.
63 Ibid., 6 mars 1894, p. 210.
64 Ibid., 11 mai 1894, p. 222.
65 Ibid., 6 avril 1897, p. 402.
66 Ibid., 13 avril 1897, p. 405.
67 Ibid., 4 novembre 1898, p. 508.
68 Ibid., 23 février 1910, p. 1266.
69 La gloire qui réjouit exhale en effet une odeur nauséabonde. On lit en effet dans J., le 17 mars 1893, p. 154 : « La gloire, c’est d’abord une belle plage. On se roule dans son sable fin, puis, bientôt, on sent une odeur mauvaise, celle des poissons que les femmes viennent vider sur le bord. »
70 Cette appréciation paraît cependant moins vraie pour certaines pièces de théâtre. Sur ce point, voir notre article « Jules Renard, adaptateur de lui-même au théâtre : trahison ou création ? » dans Le roman au théâtre, les adaptations théâtrales au xixe siècle, sous la direction d’Anne-Simone Dufief et de Jean-Louis Cabanès, Ritm n° 33, Nanterre, université Paris-X, Publidix, 2005.
71 J., 22 octobre 1891, p. 99.
72 Ibid., 11 juillet 1892, p. 130.
73 Ibid., 21 novembre 1893, p. 186.
74 Passage reproduit dans la première partie de cet article.
75 Le compte est établi dans l’édition de la Pléiade.
76 J., 27 novembre 1893, p. 187.
77 Ibid., 19 octobre 1890, p. 71.
78 Ibid., 9 mars 1892, p. 119.
79 Ibid., 15 janvier 1892, p. 112. La même impression est notée le 2 mars 1895, p. 267, lors du banquet donné en l’honneur d’Edmond de Goncourt : « Il est ému, et, quand on lui serre la main, on la sent molle, et ballottante, comme pleine de l’eau de son émotion. »
80 Ibid., 7 novembre 1891, p. 103.
81 Ibid., 5 mars 1891, p. 82.
82 Ibid., 7 novembre 1891, p. 103.
83 Ibid., 17 mars 1893, p. 154. « La Machine à parler » est une nouvelle fantastique de Marcel Schwob dédiée à Jules Renard et insérée dans Le Roi au masque d’or (1892).
84 Ibid., 4 décembre 1893, p. 189.
85 Ibid., 9 novembre 1892, p. 141.
86 Ibid., 20 juillet 1892, p. 131.
87 Ibid., 7 mai 1898, p. 485.
88 Ibid., 20 février 1896, p. 322.
89 Ibid., 12 novembre 1907, p. 1141.
90 Voir Klaus Speidel, « L’écriture du détail : allers-retours entre peinture et littérature », dans « Complications de texte : les microlectures », Fabula LHT (Littérature, histoire, théorie), n° 3, septembre 2007, http://www.fabula.org/lht/3/Spiedel.html.
91 Goncourt (Edmond et Jules de), op. cit., fin d’avril 1874, tome II, p. 576.
92 J., 23 juillet 1907, p. 1119.
93 Ibid., 27 avril 1891, p. 91.
94 Ibid., 9 mars 1892, p. 120.
95 Ibid., 23 octobre 1908, p. 1207.
96 Ibid., 8 mai 1895, p. 278.
97 Ibid., 18 novembre 1895, p. 299.
98 Ibid., 11 avril 1894, p. 217.
99 Ibid., 2 mars 1895, p. 266.
100 Ibid., 12 novembre 1907, p. 1141.
101 Ibid., 26 octobre 1907, p. 1139.
102 Ibid., 2 novembre 1891, p. 100.
103 Il s’agit de la définition de « l’essence même du portrait caricature » par Ernst Kris dans Psychanalyse de l’art, écrit en collaboration avec E. H. Combrich, Paris, PUF, 1978, p. 235.
104 J., 23 décembre 1891, p. 107.
105 J., 3 février 1891, p. 77.
106 Ibid., 4 janvier 1897, p. 379.
107 Il existe quelques exceptions : Éloi, homme de plume (1892) comporte des sections où certains écrivains sont l’objet d’une aimable satire : Remy de Gourmont (« Pourpre cardinalice »), Stéphane Mallarmé (« Le Symbolisme exaspéré ») et Paul Bourget (« Les Accessoires du psychologue »).
108 J., 8 janvier 1896, p. 313.
109 Ibid., 27 décembre 1907, p. 1147. Jules Renard s’exprime ici à propos de ce qu’il ressent au théâtre.
110 Ibid., 1er août 1906, p. 1061.
111 Ibid., 11 décembre 1905, p. 1018.
112 « Le Repas ridicule » est paru dans L’Écho de Paris, le 25 novembre 1892. Il est repris dans La Lanterne sourde, Éloi, homme de plume. Voir Jules Renard, op. cit., vol. I, p. 610-611.
113 Ibid., p. 611.
114 Ibid.
115 J., 19 avril 1890, p. 62.
116 Les contemporains n’ignoraient pas que Jules Renard tenait un journal. Dans J., le 29 juin 1909, p. 1246, Jules Renard rapporte que Pierre Veber lui « dit qu’il craint [s]es Mémoires ».
117 Duchet (Claude), « Le Journal des Goncourt ou la terreur dans les lettres », dans Les Frères Goncourt, art et écriture, édition préparée par Jean-Louis Cabanès, Bordeaux, PUB, coll. « Sémaphores », 1997.
118 J., 18 février 1901, p. 638.
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