L’autobiographie romantique, un genre en redéfinition les cas de Dumas et Berlioz
p. 217-238
Texte intégral
1Deux chefs de file du cercle romantique, des dates presque identiques, des rapports amicaux, enfin des Mémoires dont la rédaction commence à peu près au même moment : les coïncidences étaient trop nombreuses pour ne pas se risquer à un parallèle entre Dumas et Berlioz, et tenter de définir, à partir de leur exemple, quelques « canons » de l’autobiographie romantique, en s’interrogeant sur sa spécificité. Verrait-on en effet, à ce moment précis, se dessiner une manière particulière de traiter à la fois le champ artistique, qui est de l’ordre du public, et le terrain miné de la vie privée ? La question ne se posait guère pour les mémorialistes d’Ancien Régime1, qui avaient essentiellement l’objectif de « servir à l’histoire » d’une époque, et se souciaient peu de révéler leur intimité. Avec Rousseau et son exigence (ou du moins sa protestation) de sincérité absolue, c’est un décentrement total du genre qui s’opère, marquant l’avènement de l’individu, ce qui s’inscrit dans le glissement des Mémoires aux Confessions. Le personnel, l’intime, éliminé dans les premiers parce que jugé insignifiant, voire scabreux, devient riche de sens dans les secondes, et garantit l’authenticité du témoignage. Nous partons du postulat que l’autobiographie romantique se situe à mi-chemin entre ces deux traditions, dont elle s’inspire sans s’interdire de chercher d’autres modèles ; caractérisée par la jonction du public et du privé, du moi et de l’Histoire, elle hésite entre plusieurs exigences contradictoires (sincérité, prise en compte de la postérité), tout en subissant la contamination d’autres genres contemporains, qui président à sa redéfinition.
La charnière du siècle
2Peut-on fixer une date clé pour l’autobiographie romantique, c’est-à-dire produite par la génération née au tout début du xixe siècle ? Pour Dumas et Berlioz, l’année 1848 joue un rôle déclencheur dans la rédaction des mémoires. La mort de Chateaubriand en juillet lance le début de la publication tant attendue des Mémoires d’outre-tombe dans La Presse, d’octobre 1848 à juillet 1850. Le modèle (« Chateaubriand ou rien ») est à la fois écrasant et stimulant pour la génération romantique, qui se positionne inévitablement par rapport au maître. Par ailleurs, cette année marque pour nos deux artistes une sorte de crise du milieu de la vie (ils ont quarante-six et quarante-cinq ans), entraînant un bilan rétrospectif, dans un contexte politique sombre et agité. Berlioz entame la rédaction à Londres où il a fui l’agitation révolutionnaire, ce dont témoigne la préface, datée du 21 mars 1848. Dumas, lui, a rédigé quelques chapitres l’année précédente, mais ce n’est que fin 1 849 que l’entreprise prend sa véritable envergure. Comme Chateaubriand, ils progressent de façon irrégulière et discontinue. Chez Dumas, entre 1847 et 1853, les Mémoires sont tantôt repris, tantôt laissés en attente, sans cesse concurrencés par d’autres projets. Berlioz rédige en 1848 la plus grosse partie, avant de s’interrompre pendant cinq ans jusqu’en 1854, où il ajoute deux chapitres. Suit un post-scriptum en 1858, sous forme de lettre à un biographe potentiel, une postface en 1864, et un dernier texte, Voyage en Dauphiné, daté de la fin 1864, pour boucler la boucle. A mille lieues de l’écrivain (ou du personnage célèbre) qui, parvenu au soir de sa vie, jette sur elle un regard rétrospectif et synthétique, nous avons là deux individus dont la vie continue en même temps qu’ils la racontent, vie qui n’a pas fini de dévoiler ses surprises. Sur le plan de la parution, on notera une nette différence entre les deux : Berlioz, plus proche de la tradition classique (en cela héritier de Chateaubriand), livre quelques fragments en 1858. Il autorisera, en juillet 1865, une première publication très limitée, réservée aux intimes ; la publication destinée au grand public est posthume et date de 1870, soit un an après sa mort. Dumas, lui, réserve à ses Mémoires le même traitement qu’à ses romans2, et les fait paraître en feuilletons de 1851 à 1853 dans La Presse, où il prend la suite de Chateaubriand, puis, quand Girardin n’en veut plus, dans le Mousquetaire, qu’il a fondé, de 1853 à 1855. La publication en volumes est parallèle, avec un léger décalage (1 853 à 1 855). Dumas et Berlioz diffèrent également beaucoup si on considère l’achèvement (ou l’inachèvement) de l’entreprise. Berlioz, avec le post-scriptum du 1er janvier 1865, signe des mémoires couvrant pratiquement toute la vie (même s’il a des « blancs », les années 1840-1854, des accélérations) ; chez Dumas, l’ensemble reste incomplet : Mes Mémoires ne vont que jusqu’en 1833, ce qui semble très peu, mais il y a un va-et-vient incessant entre le temps de la narration et le présent de l’écriture, avec des incursions dans les années intermédiaires, (Souvenirs de 1830 à 1842) si bien qu’en fait on a beaucoup d’indications sur sa vie jusqu’en 1851.
3Ces deux autobiographies se focalisent sur les années-phares du romantisme, ce qui semble évident pour Dumas étant donné la période prise en compte, mais se vérifie aussi pour Berlioz, chez qui le temps s’accélère à partir de 1833. Le nombre d’années n’est pas toujours en rapport avec le nombre de pages : tous deux manifestent une nette volonté de donner plus d’importance à certaines périodes, certains épisodes, de faire l’ellipse d’autres tranches de vie : Berlioz, à partir de 1840, se contente de livrer quelques relations de voyages, en Allemagne, en Autriche, en Russie (déjà parues dans la presse), et traite plus de la vie musicale à l’étranger que de sa vie à lui. Proportionnellement, les années 1820-1830, qui marquent la jeunesse et le passage à l’âge adulte et à la notoriété sont largement favorisées. Il se trouve que ces années sont déterminantes dans l’histoire du romantisme, dans laquelle Dumas comme Berlioz jouent un rôle important. Une véritable gageure s’impose à eux : raconter vingt ans plus tard des moments vécus « à chaud » et en ressusciter la ferveur.
4Un autre point commun tient au caractère disparate des deux textes : on a vu comment Berlioz, par exemple, remplissait certains chapitres avec des articles écrits antérieurement, qui ne se rattachent que très indirectement au genre autobiographique : des articles critiques, des lettres (fictives) de relation de voyage en Allemagne, en Autriche, en Bohême… Pour Dumas, c’est encore plus net ; outre de longs passages de narration historique, il livre à son lecteur d’interminables citations des œuvres de ses amis, auxquels il rend également des hommages biographiques, qui sont sa spécialité : Mes Mémoires deviennent celles des autres, de Hugo, de Sue notamment. Serait-ce du remplissage, comme l’ont affirmé ses ennemis ? Cela tient plutôt à l’impossibilité pour Dumas de parler de lui sans parler des autres (chose que Berlioz réussit beaucoup mieux). Ce qui nous invite à nous poser la question suivante : quel sens ces deux artistes donnent-ils à leur entreprise ? Tous deux l’intitulent Mémoires, par commodité sans doute (le mot autobiographie est encore peu usité), mais il est évident qu’ils entendent ce terme très différemment du sens jusque là courant, qui désignait des écrits historiques et peu personnels. L’autobiographie est alors en pleine redéfinition, indissociable de celle qui affecte les genres et des hiérarchies littéraires lors de cette première moitié du siècle. Il semble donc logique de présenter d’abord ce qu’on pourrait appeler le pacte autobiographique romantique et de voir ensuite comment il se décline selon les différents domaines abordés (le récit de la jeunesse et de l’aspiration à la gloire, l’individu dans l’histoire, la vie affective).
Le pacte romantique
5On trouve un préambule en bonne et due forme chez Berlioz, alors que chez Dumas la justification de l’entreprise ouvre le chapitre I, mêlée étroitement au récit de la vie, mais le fond est à peu près le même. Berlioz : « On a imprimé et on imprime encore de temps en temps à mon sujet des notices biographiques si pleines d’inexactitudes et d’erreurs que l’idée m’est enfin venue d’écrire moi-même ce qui, dans ma vie laborieuse et agitée, me paraît susceptible de quelque intérêt pour les amis de l’art ». Dumas : « Je suis un homme de notre époque auquel on a contesté le plus de choses. On m’a contesté jusqu’à mon nom… ». S’ensuit tout un examen du dossier, pièces d’état-civil à l’appui. Dans les deux cas, l’autobiographie (en cela proche du modèle rousseauiste) se présente comme une réponse à des attaques, une autojustification, avec prise du lecteur à témoin. Il s’agit, pour l’un comme pour l’autre, de donner la version officielle, et d’affirmer son droit à l’image. À une époque où la propriété intellectuelle et artistique est au centre des débats, l’artiste/homme public tient à s’assurer au moins de la propriété de son image et de sa vie contre d’autres biographies, constructions et attaques diverses.
6Un autre objectif doit être relevé : la prise en compte de la dimension collective (histoire d’un mouvement, d’une génération), un élément permettant d’opposer autobiographie et mémoires. Cette dimension est peu affirmée dans le préambule de Berlioz, qui parle simplement de « donner des détails sur les difficultés que présente, à notre époque, la carrière des compositeurs ». Mais même s’il cultive plus la logique de l’autobiographie et s’en tient à l’histoire d’une personnalité, d’une vocation, il ne peut pas faire l’ellipse des batailles artistiques et de leur dimension publique. Dumas, lui insiste à plusieurs reprises sur le caractère collectif de ses Mémoires (même s’il ne faut pas toujours le prendre au pied de la lettre), comme par exemple dans ce passage, maintes fois commenté, du chapitre CXXXVIII :
Quand j’ai commencé ce livre, croyez-vous, vous qui me lisez, que ç’ait été dans le but de dire éternellement moi ? Les Mémoires d’Alexandre Dumas ! Mais c’eût été ridicule ! Non, ce ne sont pas mes mémoires que j’écris, ce sont les mémoires de tous ceux que j’ai connus, et comme j’ai connu tout ce qui était grand, tout ce qui était illustre en France, ce que j’écris, ce sont les mémoires de la France3.
7Malgré cette tonitruante déclaration d’intention, il n’en reste pas moins que ces Mémoires de la France sont intitulés Mes Mémoires, et constituent un bel exemple de l’hypertrophie du Moi romantique.
8« Je n’écris pas de Confessions… », « je ne dirai que ce qu’il me plaira de dire » ; Berlioz a le mérite de prévenir clairement son lecteur : il prend ses distance avec le modèle rousseauiste de transparence totale. Dumas, sans le dire aussi nettement, est sur la même logique. Cela n’empêche pas, chez l’un comme chez l’autre, de protester de sa sincérité et d’affirmer la légitimité qu’il y a à parler de soi. Dumas affirme l’objectivité de son témoignage : « Je parle de moi comme d’un étranger », ce qui prête à sourire, mais une chose est certaine : son intimité reste préservée. Que ce soit chez lui ou chez Berlioz, on ne trouvera pas dans leurs mémoires de détails croustillants sur la vie affective par exemple (pour ce genre de renseignements, c’est plutôt dans la correspondance qu’il faudrait chercher). Est-ce une régression par rapport à Rousseau ? Y a-t-il volonté de dissimulation, de déformation ? Les biographes ont souvent avancé à ce sujet des explications en rapport avec la vie réelle et ses impératifs : la réception, les convenances, l’impact sur les proches… Ces facteurs ont certes joué, mais il me semble que la véritable raison se situe ailleurs, sur le plan esthétique. La question centrale serait donc celle-ci : quel est le traitement que ces auteurs font subir à leur vie et pourquoi ?
9Ces auteurs sont avant tout des artistes, et on peut en déduire que le modelage qu’ils imposent à leur vie est à mettre en relation avec leur poétique et leur esthétique. Dumas ou Berlioz entreprennent de mettre en scène et de réécrire leur vie en se calquant sur les modèles littéraires de leur époque. On connaît la phrase célèbre de Berlioz « ma vie est un roman4 » ; rappelons également qu’il a écrit quelques nouvelles, ce qui suppose chez lui une expérience de la création littéraire (pour Dumas, nul besoin d’insister sur ce point). Comme les mémoires du xviie siècle, ceux du xixe se situent « au carrefour des genres5 » dont ils s’inspirent en cultivant une certaine liberté. Certes, les modèles ont changé : les genres en vogue, en cette première moitié du xixe siècle, ce sont le roman d’apprentissage, le drame, le mélodrame, qui occupent les premières places, ainsi que l’histoire, qui se cherche entre science, roman et épopée. Entre tous ces modèles et les mémoires, la contamination est inévitable et voulue. Faire de sa vie un drame ou un roman, voire une épopée, tel est donc l’objectif de nos deux artistes, rendu possible par le caractère protéiforme d’un genre en redéfinition. Cette entreprise est facilitée aussi par la distance chronologique, puisque ces deux œuvres sont écrites quelque vingt ans après les faits, et ce recul distingue l’autobiographie de la correspondance. Il s’agit donc, en 1850, d’écrire avec des canons de l830, de retravailler, avec l’incertitude de la mémoire, la matière brute qu’est la vie pour la faire entrer dans un moule obéissant à certaines règles. Un tri sélectif s’avère alors nécessaire pour distinguer ce qui entre et ce qui n’entre pas dans ces normes. Plusieurs stratégies sont possibles : déformation, dissimulation, amplification, voire invention, pour faire coïncider la vie avec le drame ou le roman.
10Nous allons explorer maintenant ces deux autobiographies selon trois axes et voir comment chacun de ces axes adopte les règles d’un genre et illustre une stratégie précise. Le premier, traitant de la jeunesse, se construit sur les modèles du roman de formation, et rend nécessaire quelques ajustements : déformation, schématisation, invention. Le narrateur devient un personnage-type : jeune homme pauvre, héros naïf, individu isolé dans un monde impitoyable… Le second axe, l’histoire, tourne autour de la révolution de 1830, à laquelle Dumas et Berlioz (in extremis) ont participé : le modèle, ici, est l’épopée, avec sa tendance à l’amplification, qui fait du narrateur un chef, un meneur d’hommes. Enfin, la vie amoureuse, qui s’apparente au drame voire au mélodrame, fait l’objet à la fois d’une théâtralisation extrême et d’une dissimulation sélective, évacuant tout ce qui n’est pas conforme au genre.
À la poursuite de la gloire Le roman d’apprentissage
11Quand ils relatent leur jeunesse, Berlioz et Dumas visent à se construire une image d’enfant du siècle, parti de rien, conformément à la nouvelle donne qui prévaut dans le roman d’apprentissage. La référence maîtresse est évidemment Illusions perdues (et, plus largement, tout Balzac). Nos deux autobiographes s’appliquent à faire de leur histoire une réplique de celle de Lucien de Rubempré. Jeunes, provinciaux, pauvres (Dumas en tout cas), cherchant la gloire à Paris : ces éléments sont certes inspirés du réel et du vécu, mais l’insistance dont ils font l’objet témoigne de la prise de conscience du modèle. L’un comme l’autre se définissent comme riches de leur seule œuvre virtuelle ; c’en est fini des rentes de situation et des héritages.
12Autant qu’un roman d’apprentissage, Berlioz nous donne à lire le roman d’un jeune homme pauvre, qui est aussi un roman de la désillusion. D’origine provinciale (La Côte Saint André), il entreprend à Paris des études de médecine financées par ses parents, qu’il délaisse vite pour se consacrer à la musique. Sa famille désapprouve ce choix et lui coupe les vivres, si bien qu’il se retrouve dans une situation matérielle délicate. Les premiers chapitres des Mémoires sont émaillés de détails matériels décrivant, dans une veine balzacienne, les problèmes financiers du jeune homme :
J’avais loué à bas prix une très petite chambre au cinquième, dans la Cité au coin de la rue de Harley et du quai des Orfèvres, et, au lieu d’aller dîner chez le restaurateur, comme auparavant, je m’étais mis à un régime cénobitique qui réduisait le prix de mes repas à sept ou huit sous tout au plus. Ils se composaient généralement de pain, de raisins secs, de pruneaux ou de dattes6.
13Berlioz nous livre ses astuces (il donne des leçons particulières, se met en colocation pour partager le loyer), insiste sur la gêne qu’il ressent à faire lui-même son marché, évoque les lettres de réclamation adressées à ses parents qui se laissent parfois fléchir… L’argent s’invite dans les Mémoires et fait sentir son poids ; le besoin détermine l’aspirant musicien à accepter des travaux alimentaires (choriste aux Nouveautés, puis critique), ce qui lui fait perdre un temps précieux et entrave sa création musicale, les privations qu’il s’impose le rendent malade… Bien loin de contempler avec satisfaction les obstacles surmontés, Berlioz autobiographe jette un regard amer et désabusé sur sa jeunesse, comme si ces difficultés initiales l’avaient moralement brisé. Même quand il aborde des périodes plus prospères de sa vie (précisons cependant qu’il n’a jamais été spécialement riche), l’antienne des soucis financiers revient inlassablement, ce qu’on peut mettre sur le compte du tempérament pessimiste du musicien, mais s’explique aussi (et surtout) par son refus de se voir en artiste embourgeoisé et reconnu. Maudit et pauvre : telle est l’image qu’il se construit.
14Chez Dumas, qui traverse des difficultés sans doute plus importantes (il est orphelin de père à quatre ans), le roman d’apprentissage adopte une tonalité beaucoup plus optimiste. On notera également qu’il se construit en référence à ses propres romans : Dumas parodie Balzac, certes, mais il se parodie lui-même (Les Trois Mousquetaires, Monte-Cristo, Joseph Balsamo). Le début oscille entre le roman de la vengeance et le conte de fée : comme dans Monte-Cristo, une injustice initiale a gravement lésé le héros ; le général Dumas, écarté par Napoléon, est mort prématurément sans que l’Empereur ingrat se soucie de la veuve et de l’orphelin. Les premiers chapitres, qui traitent de l’offense faite au père, et ont connu quelques difficultés avec la censure, insistent sur cette idée : les problèmes du jeune Alexandre commencent avant sa naissance et sont liés aux démêlés entre les puissants. Mais la justice immanente rétablit la balance : après avoir gagné au loto, le pauvre orphelin monte à Paris (sans rien d’autre que le nom paternel, comme d’Artagnan) et grâce à une bonne fée, le général Foy, obtient le lendemain de son arrivée un poste de surnuméraire dans les bureaux du duc d’Orléans. Ici, le conte de fées s’articule avec le roman de formation, marqué par trois étapes clés. Première étape : le héros (comme avant lui Dantès et Gilbert) s’aperçoit qu’il ne sait rien. Le jeune Dumas, interrogé par le général Foy qui veut paternellement lui trouver une sinécure, doit se rendre à l’évidence : il n’a aucune connaissance directement utilisable, et c’est à sa belle écriture qu’il devra son poste de surnuméraire. Deuxième étape : le héros trouve un mentor ; Dantès a rencontré Faria, Gilbert est pris en charge par Rousseau, Alexandre, lui, aura plusieurs initiateurs. Le premier, Lassagne, copie de Lousteau, lui donne une leçon de littérature, les seconds, beaucoup plus importants, sont Nodier et Taylor, qui lui mettent le pied à l’étrier. Troisième étape ; le conflit avec les opposants, les bureaucrates et l’Académie, représentée par le dramaturge Louis Picard. Héraklès moderne, le jeune héros se retrouve à la croisée des chemins, sommé de choisir entre la vie de bureau et la littérature. On sait le parti qu’il a pris.
Notre jeunesse : la bataille romantique
15À partir de l’âge adulte, on n’est plus dans le roman d’apprentissage, mais le goût des modèles et des postures persiste. Les enfants du siècle sont aussi des chefs de file et des militants en faveur d’une cause, la révolution romantique. Les Mémoires se construisent alors comme un parcours du combattant, avec succession de scènes qui sont autant de batailles. Une logique binaire et quelque peu manichéenne oppose les ennemis et les amis. Les ennemis, ce sont les Classiques, qui tiennent les institutions, l’Académie, le Conservatoire, la Comédie Française. De l’autre côté on trouve « moi seul contre tous » (Berlioz) ou « moi et mes amis » (Dumas). Roman de l’individu, ou roman d’une génération, ces choix sont révélateurs d’une attitude radicalement différente devant la vie, qui se retrouve, logiquement, dans le récit autobiographique.
16Chez Berlioz, c’est une tonalité quasi paranoïaque qui prévaut et qui lui fait raconter sa carrière comme une succession d’échecs, en se posant en artiste maudit. Les Mémoires sont aussi des règlements de comptes : avec la famille d’abord (Berlioz sélectionne une scène extrêmement frappante où sa mère, après l’avoir supplié à genoux de renoncer à la carrière artistique, jette sur lui sa malédiction7), avec le milieu musical ensuite : toutes les célébrités de l’époque en prennent pour leur grade, sauf Lesueur, son maître. Notre musicien a de nombreux ennemis, et une tête de Turc favorite, Cherubini, le directeur du Conservatoire, ce qui donne lieu à plusieurs scènes cocasses, témoignant de la veine satirique de Berlioz et de son talent de caricaturiste8. Rappelant l’activité de critique des jeunes années, les Mémoires attaquent les Classiques, qui imposent le goût dominant, et surtout les « arrangeurs d’opéra » comme Castil-Blaze, qui défigurent les œuvres pour les « adapter » à la scène parisienne. Le règlement de compte général touche aussi les jurys de concours (Berlioz passe quatre fois le concours de l’institut de France avant d’être lauréat du fameux Prix de Rome), les chefs d’orchestre, et enfin les exécutants. « Moi et mes ennemis » : dans l’esprit tourmenté de Berlioz, les musiciens et les chefs semblent se liguer pour saboter ses œuvres, que ce soit par corporatisme, incompétence, ou, pire encore, volonté de nuire pure et simple. La sélection des anecdotes obéit à une règle très simple : plus un concert est raté, et plus il a de chances de se transformer en scène très réussie (en revanche, les concerts réussis sont expédiés en une ligne). Quelques exemples sont particulièrement représentatifs de ce choix, comme l’exécution, en octobre 1830, de la cantate Sardanapale, qui a valu à Berlioz son prix de Rome. Le compositeur espère à cette occasion une éclatante revanche ; il est cruellement déçu.
Cinq cent mille malédictions sur les musiciens qui ne comptent pas leurs pauses ! ! ! […] Mon damné cor ne fait pas sa note, les timbales, ne l’entendant pas, n’ont garde de partir, par suite les cymbales et la grosse caisse se taisent aussi ; rien ne part ! rien ! ! ! […] Un cri d’horreur s’échappa de ma poitrine haletante, je lançai ma partition à travers l’orchestre, je renversai deux pupitres ; Mme Malibran fit un bond en arrière comme si une mine venait d’éclater à ses pieds9…
17On pense aussi au concert à bénéfice d’octobre 1833, au cours duquel les musiciens du Théâtre Italien, que leur règlement n’oblige pas à jouer après minuit, quittent subrepticement la fosse, si bien que le pauvre compositeur-chef d’orchestre doit déclarer forfait devant son public :
Je ne savais quel parti prendre dans ma consternation. […] Enfin, au milieu du tumulte, une voix s’étant écriée du balcon : « La Marche au supplice ! », je répondis : « Je ne puis faire exécuter la Marche au supplice par cinq violons !...Ce n’est pas ma faute, l’orchestre a disparu, j’espère que le public… » J’étais rouge de honte et d’indignation. L’assemblée alors se leva, désappointée. Le concert en resta là et mes ennemis ne manquèrent pas de le tourner en ridicule en ajoutant que ma musique faisait fuir les musiciens10.
18Berlioz évoque également un concert (le 5 décembre 1837), où le célèbre chef Habeneck, qui dirige le Requiem, s’interrompt pour prendre une prise de tabac, compromettant un passage délicat que le compositeur rattrape in extremis en saisissant la baguette11. Exagération ou invention pure et simple ? La plupart des biographes mettent en doute la véracité de cette histoire. Elle illustre en tout cas à quel point la théorie du complot fait partie de la psyché berliozienne. Sélection, mise en scène : les Mémoires livrent au lecteur et à la postérité l’image d’un génie persécuté perpétuellement tenu en échec, ce qui en fait un roman palpitant : le héros triomphera-t-il de toutes les forces contraires liguées contre lui ? Or, si on considère les faits de manière plus objective, le constat est tout autre, à mille lieues du personnage de l’artiste maudit et solitaire : à trente ans, Berlioz est quelqu’un de contesté, mais de reconnu, en tout cas par l’école romantique, il a des amis prestigieux : Liszt, Paganini, Dumas, Hugo, est protégé par le Journal des Débats, reçoit ensuite plusieurs commandes officielles ; plus tard, sous le second Empire, il sera encore davantage couvert d’honneurs. Le romanesque y perd beaucoup, d’où la nécessité de procéder à quelques réajustements. La vie réelle disparaît des Mémoires et laisse place à un passé savamment recomposé.
19Chez Dumas, le ton est radicalement différent, mais la mise en scène est également très travaillée. La tentation épique est forte : les fils des soldats de la Grande Armée ont eux aussi leurs batailles et leurs victoires. La première d’Henri III et sa Cour, c’est en quelque sorte l’Austerlitz des Romantiques, le modèle de la victoire décisive, de la réussite foudroyante. Mais ce qui paraît essentiel est l’évolution du personnage de l’artiste romantique. Au départ, comme chez Berlioz, Mes Mémoires se présente comme un roman de l’individu seul contre tous. Deux chapitres très dramatiques12 énumèrent les forces qui se liguent contre le jeune auteur encore inconnu : on a écarté sa précédente pièce Christine, le duc d’Orléans lui fait supprimer son traitement, un pamphlétaire attaque la pièce, sa mère a une attaque… Et en quelques heures, tout se retourne, la pièce triomphe, Dumas est célèbre, et les anciens opposants s’inclinent. L’ancien jeune dramaturge ne boude pas son plaisir, et, contrairement à Berlioz, ne cache pas sa joie :
À partir du quatrième acte, ce ne fut plus un succès, ce fut un délire croissant ; toutes les mains applaudissaient, même celles des femmes.
Puis, quand Firmin reparut pour nommer l’auteur, l’élan fut si unanime, que le duc d’Orléans lui-même écouta debout et découvrit le nom de son employé qu’un succès, sinon des plus mérités, du moins des plus retentissants de l’époque, venait de sacrer poète.
20À partir de là, le héros n’est plus seul ; le succès a fait naître l’amitié. Être reconnu, c’est être admis dans le cercle des happy few et passer du « je » au « nous » ; Dumas fait ce soir-là la connaissance de Hugo et de Vigny. Le roman de l’individu devient celui d’une génération, et Mes Mémoires prend en compte les œuvres des « frères d’armes » de la révolution romantique, lectures et représentations, qui sont autant d’assauts décisifs : les démêlés de Marion Delorme avec la censure, la première du More de Venise, les répétitions d’Hernani (en revanche, Dumas passe rapidement sur la première, qui a été maintes fois reportée). L’idée (ou le mythe) qui prévaut dans tous ces chapitres est celle de la fraternité en art : la générale de Christine (jouée finalement après Henri III) donne lieu à une théâtrale réconciliation entre Dumas et Soulié, dont la pièce sur le même sujet a chuté. Soulié, magnanime, promet à son rival de le soutenir avec des claqueurs, ce qui donne lieu à quelques épanchements rétrospectifs (d’ailleurs assez maladroits) :
Ô cher cœur d’ami ! chère âme loyale ! Peu t’ont connu, peu t’ont apprécié ; mais moi qui t’ai connu, moi qui t’ai apprécié, de ton vivant, je t’ai défendu ; après ta mort, je te glorifie13 !
21L’éloge funèbre de Soulié laisse place à une scène presque trop belle pour être vraie : après la première de Christine, pendant que Dumas se répand en mondanités obligées et reçoit de nombreux convives, Hugo et Vigny réécrivent des vers « empoignés », c’est-à-dire sifflés :
Hugo et Vigny prirent le manuscrit, m’invitèrent à ne m’inquiéter de rien, s’enfermèrent dans un cabinet, et, tandis que nous mangions, chantions, buvions, ils travaillèrent… Ils travaillèrent quatre heures de suite avec la même conscience qu’ils eussent mise à travailler pour eux, et quand ils sortirent au jour, nous trouvant tous couchés et endormis, ils laissèrent le manuscrit, prêt à la représentation, sur la cheminée, et sans réveiller personne, ils s’en allèrent, ces deux rivaux, bras dessus, bras dessous, comme deux frères !
Te rappelles-tu cela, Hugo ?
Vous rappelez-vous cela, de Vigny ?
22On sait qu’il y a eu, dans la réalité, quelques rivalités, quelques chicaneries entre les uns et les autres au sujet de la paternité de telle ou telle idée. Mais en 1850, c’est la nostalgie qui prévaut, idéalisant les merveilleuses années de jeunesse, ainsi que la volonté d’insister sur le caractère collectif du mouvement : « un pour tous, tous pour un », les succès de chacun scandent les triomphes de la cause. Dumas ne se pose pas en artiste maudit, mais en membre d’une famille d’élection, la famille romantique, et le chapitre se termine dans une envolée lyrique adressée aux « frères et sœurs en arts ».
23Artiste maudit ou triomphant, ces deux traitements du narrateur-personnage invitent à lire ces Mémoires comme des romans, avec le même horizon d’attente ; la mise en scène de la vie, loin d’être répétitive, stagnante, faite d’un mélange de réussites et d’échecs, adopte une dynamique clairement lisible dans un sens positif (le héros triomphe) ou négatif (le héros succombe à la persécution), résultat d’un processus de recomposition. Ce processus se retrouve quand on passe des batailles littéraires aux batailles réelles ; le modèle, là, sera l’épopée.
Portrait de l’artiste en héros de Juillet
241830 est, à plusieurs titres, un élément capital de ces Mémoires. La Révolution a mis en place un processus de « démocratisation de la mémoire historique », lié à la prise de conscience individuelle de l’histoire. Il est donc logique que nos deux artistes, qui ont vécu les journées de Juillet, s’attachent à retranscrire cette expérience dans leurs mémoires, reliant ainsi l’individuel et le collectif. La posture de simple témoin aurait déjà une légitimité ; eux visent plus haut et se positionnent comme acteurs, ce qui est sans doute lié à l’importance politique de ce moment : c’est en 1 830 que les Jeunes France changent d’orientation, et que le romantisme, de conservateur, devient progressiste.
25La question du point de vue est essentielle : que va privilégier le narrateur, l’histoire telle qu’il l’a vécue, ou les événements dans leur globalité ? Berlioz, logiquement, se cantonne à ce qu’il a vu, alors que Dumas, qui n’arrive pas à renoncer à un projet historien qu’il porte en lui depuis plusieurs années, traite d’événements dont il n’a pas été le témoin direct, grâce à des sources extérieures (Vaulabelle, Louis Blanc). La difficulté consiste à articuler les événements vécus et l’histoire enregistrée par la postérité. Il s’agit également de transformer l’action personnelle en épopée : pour ce faire, l’un et l’autre adoptent la posture romantique de l’artiste guidant le peuple. C’est aussi un risque, celui de tomber dans le genre héroïcomique, en grossissant démesurément un rôle parfois modeste. On remarquera enfin que ces passages visent à faire revivre les événements plus qu’à les expliquer : l’exaltation exclut la réflexion à froid.
26En 1848, moment de la rédaction, Berlioz n’est pas perçu comme une personnalité progressiste, comme en témoigne sa condamnation sans appel des journées de février14. On sent malgré tout chez lui un vif désir de se rattacher à la mystique de 1830, comme une volonté de distinguer la bonne révolution de la mauvaise. On peut aussi rappeler qu’il a eu plusieurs commandes officielles pour les anniversaires des journées de juillet. Mais le plus important est sans doute à chercher ailleurs. Le musicien vieilli donne l’impression de vouloir rattraper de justesse l’histoire nationale dans un moment crucial ; se mettre en scène permet de dire « j’y étais », comme s’il était impardonnable d’avoir été si près des événements sans les avoir vécus. C’est pourtant ce qui lui est (presque) arrivé : en juillet 1830, Berlioz est en loge, cloîtré pour le Prix de Rome. Au moment où il sort, tout est à peu près fini. De manière inespérée, une sorte de seconde chance s’offre à lui, un épisode non guerrier, mais néanmoins à tonalité patriotique ; entendant un groupe qui chante ses œuvres, il s’y glisse incognito, puis, de simple chanteur, devient chef de chœur du groupe et même de la foule assemblée, à qui il fait entonner La Marseillaise, harmonisée par ses soins :
Je m’étais rappelé que je venais d’arranger le chant de Rouget de Lisle à grand orchestre et à double chœur, et qu’au lieu de ces mots : ténors, basses, j’avais écrit à la tablature de la partition : Tout ce qui a une voix, un cœur et du sang dans les veines […] J’étais donc extrêmement désappointé du silence obstiné de nos auditeurs. Mais à la 4e strophe, n’y tenant plus, je leur crie : « Eh ! sacredieu ! chantez donc ! ». Le peuple, alors, de lancer son : Aux armes, citoyens ! avec l’ensemble et l’énergie d’un chœur exercé15.
27L’épisode, en lui-même, est déjà beau ; mais Berlioz ne s’en satisfait pas entièrement et veut présenter une caution plus incontestable que ses souvenirs personnels. Il cite alors intégralement, à la suite de l’épisode, une lettre de Rouget de Lisle, ce qui l’intronise en quelque sorte comme digne héritier des patriotes de 1 789. La mort de Rouget empêche la rencontre entre les deux hommes, mais le vieux révolutionnaire aura, in extremis, donné à son cadet un patronage précieux pour la postérité.
28Au moment où il rédige cette partie de Mes Mémoires, Dumas vit à Bruxelles, où il s’est replié, non pas pour des raisons politiques comme Hugo, mais pour éviter la contrainte par corps. Il a évolué politiquement après le 2 décembre et a pris ses distances avec le prince président devenu empereur ; entouré d’amis républicains, il aspire à être reconnu comme tel et à faire oublier qu’il a brièvement flirté, trois ans plus tôt, avec le parti de l’Ordre. Mais une autre explication permet d’aller plus loin et de saisir l’architecture de ces Mémoires inachevés. La volonté de renouer avec l’épopée s’explique par un souci de symétrie : après l’épopée du père (les guerres révolutionnaires), la petite épopée du fils doit, elle aussi, se tailler sa place et être à la hauteur du modèle, ce qui justifie le recours à l’exagération caractéristique de ce mode.
29À son actif, Dumas peut se prévaloir de deux missions non négligeables : après un premier temps pendant lequel il se laisse porter par l’insurrection sans avoir le recul pour l’analyser, il devient acteur des événements en prenant l’initiative d’aller chercher des réserves à la poudrière de Soissons. Ensuite, en août, il est chargé par La Fayette d’aller faire une reconnaissance dans l’Ouest pour tenter de mettre en place une garde nationale. On se concentrera ici sur l’expédition soissonnaise. Cet épisode, qui n’a eu aucun retentissement sur les événements, ne prend pas dans Mémoires une place démesurée : 5 chapitres sur 264. La mise en valeur ne passe pas par la longueur (l’action a été rapide), mais par la dramatisation de l’action. Dès le départ, la mission est présentée comme extrêmement dangereuse par des militaires expérimentés. La Fayette, qui sert ici de caution majeure, refuse de donner cet ordre : « Je ne veux pas vous faire fusiller », le général Gérard, à qui Dumas présente un laissez-passer qu’il a un peu « arrangé », le met en garde : « Et il [La Fayette] ne vous a pas dit qu’il y a vingt chanceS contre une pour que vous fussiez fusillé dans une pareille expédition ? ». Dans toutes ces scènes16, les deux généraux sont présentés comme des défaitistes, prompts à éteindre l’enthousiasme de la jeunesse. En face, le jeune héros, alliant courage et ruse, brave la perspective de la mort sans sourciller, « roule » les deux anciens, recrute un compagnon d’armes (« Venez avec moi […] vous faire fusiller ») et se rend à Villers-Cotterêts, sa ville natale, où des ovations accueillent l’enfant du pays. L’héroïsme individuel, dans l’épopée, s’inscrit dans le cadre d’une communauté soudée : le jeune Dumas, en faisant le lien entre Paris et la province (Villers-Cotterêts ne sait rien de ce qui s’est passé à Paris), passe d’un monde à l’autre, de celui où il s’est taillé une place à celui où il est connu comme le fils de son père. Enfin, la prise de la poudrière donne lieu à une scène extrêmement tendue dans lequel le héros, seul contre quatre, maîtrise la situation et prend l’avantage :
« Messieurs, leur dis-je, je vous donne ma parole d’honneur que si dans cinq secondes, l’ordre n’est pas signé, je vous brûle la cervelle à tous les quatre […] » J’étais de venu très pâle ; mais probablement que malgré sa pâleur, mon visage exprimait une immuable résolution17.
30Dumas ne peut résister à la tentation de se mettre en scène tout à son avantage : guerrier inflexible neutralisant toute résistance de manière quasi magique, mais humain et courtois avec la femme du commandant, terrorisée par ce qu’elle croit être « une seconde révolte des nègres ». Dans cet épisode crucial, les compagnons du départ passent au second plan, et c’est le jeune héros tout seul qui se rend maître des forces de la garnison, lesquelles n’ont vraiment pas le beau rôle. Il faut préciser qu’au moment de la parution des Mémoires, cette scène a été contestée par le fils du commandant de Liniers, qui donne de la scène une version bien différente, moins avantageuse pour le héros. Dumas, sans citer explicitement ce témoignage contraire, renvoie dans une note « le lecteur qui croirait que je fais du roman » au rapport sur la prise de la poudrière paru dans Le Moniteur du 9 août 1830. Ce rapport, rédigé par lui-même, ne suffit évidemment pas à lever le doute, mais il montre, et c’est là l’essentiel, le souci du jeune Alexandre, dès 1830, d’enregistrer son exploit pour la postérité, afin de cautionner des Mémoires encore à l’état de virtualité.
31Recherche de la gloire, plongée dans l’histoire ; à côté de ces deux traits de l’artiste romantique, qui caractérisent sa face publique, il faut également prendre en compte un autre élément obligé, la vie amoureuse, qui réclame un autre traitement.
L’amour romantique, entre drame et mélodrame
32Le pacte romantique, on l’a vu, ne privilégie pas la confession. L’artiste entend garder la maîtrise des confidences qu’il distille, et ne se répand pas en épanchements incontrôlés. La mise en scène des sentiments et de la vie amoureuse obéit donc à des règles strictes. Mais peut-on vraiment parler de déformation ou de dissimulation ? Il me semble que l’opération qui définit le mieux cette mise en scène s’apparente à une sélection, qui va de pair avec une redéfinition de l’intime, chose que nous avons tendance à situer dans le champ privé, et à protéger sans condition. Mais pour une personnalité publique, a fortiori un artiste, il y a deux sortes d’intimité : la vie strictement privée, qui ne correspond pas forcément à l’engagement artistique (et qui passera à la trappe), et la vie intime qui déborde sur la vie publique et sur l’art ; méritant d’être prise en compte, elle est mise en scène de façon à correspondre à l’esthétique romantique (paroxysme des sentiments, déclarations théâtrales) et à se couler dans le moule du drame ou du mélodrame.
33Berlioz est extrêmement conscient du traitement qu’il applique à certains épisodes de sa vie. On trouve dans les Mémoires l’élément obligé du récit des amours d’enfance ; mais la réactivation de ce sentiment à la fin des Mémoires, comme pour boucler la boucle, en fait tout autre chose qu’un poncif. Il évoque aussi les fiançailles rompues avec la pianiste Camille Moke (non nommée), qui donnent lieu à un véritable mélodrame18 : apprenant que sa fiancée se marie avec un autre pendant son absence, l’amoureux éconduit projette de se déguiser en femme pour s’introduire chez l’infidèle, la tuer et se suicider ensuite ; ce projet rocambolesque n’ayant pas abouti, il n’en reste que la matière à une petite comédie : des pistolets chargés qui ne sont pas partis, dont le héros déplore « qu’elle n’ait pas été représentée ». Anti-Werther ironique, conscient du caractère littéraire et convenu de l’aventure, Berlioz ne recule pas à se mettre en scène même quand le ridicule menace. Cet épisode à la fois dramatique et bouffon est agencé de manière à servir de contrepoids à ce qu’il présente comme un des moments-clés de sa vie : sa passion pour Harriett Smithson, orchestrée comme un grand drame romantique.
34« Je touche ici au plus grand drame de ma vie » : cette annonce solennelle qui ouvre le chapitre XVIII prévient assez le lecteur du caractère décisif des pages qui vont suivre. On sait qu’en septembre 1827, une troupe de comédiens anglais se produit à Paris et fait découvrir Shakespeare au public français. Ils rencontrent un très grand succès, auquel Dumas lui aussi fait écho dans Mes Mémoires. Mais pour Berlioz, il s’agit d’un véritable cataclysme : il a la révélation du génie shakespearien en même temps qu’il tombe amoureux de l’actrice Harriett Smithson. Tout concourt pour faire de ce sentiment une illustration parfaite de la passion romantique : la beauté de l’actrice, poétisée par ses rôles de Juliette et d’Ophélie, le contexte théâtral dans lequel elle apparaît, et enfin, son caractère inaccessible (elle est en pleine gloire et Berlioz est encore inconnu). Cet amour (non partagé au début) est donc peint, dans la grande tradition, comme une source de souffrance, de spleen, et aussi d’inspiration : la transcription musicale de cette histoire se traduit par deux œuvres en miroir : la Symphonie Fantastique et Lélio ou le retour à la vie.
35On remarquera que le récit de cette passion ne privilégie pas l’analyse des sentiments, au contraire de ce qu’on peut lire dans la correspondance. « Je ne puis rien dire de plus », avoue le musicien au début du chapitre XVIII. Incapacité à traduire des sentiments extrêmes, ou retombée de l’exaltation vingt ans plus tard, la question peut se poser, mais ne rend pas compte de la spécificité du traitement de l’amour romantique. Le plus significatif est ailleurs : rétrospectivement, Berlioz se focalise sur la déclaration, la publication de cette passion et en fait un drame théâtral, ce qui est logique, puisque le jeune artiste des années 1827-1832 a dû faire connaître au monde artistique ses sentiments pour toucher la principale intéressée.
J’avais passé quelques mois dans l’espèce d’abrutissement désespéré dont j’ai seulement indiqué la nature […] comparant avec accablement l’éclat de sa gloire à ma triste obscurité ; quand, me relevant enfin, je voulus par un effort suprême faire rayonner jusqu’à elle mon nom qui lui était inconnu. Alors je tentai ce qu’aucun compositeur en France n’avait encore tenté.
J’osai entreprendre de donner, au Conservatoire, un grand concert composé exclusivement de mes œuvres. « Je veux lui montrer, dis-je, que moi aussi je suis peintre » !19
36L’amour entre artistes célèbres (ou aspirant à la célébrité) fait donc partie du domaine public, et la production musicale de Berlioz est présentée comme intimement liée à ses sentiments. Après ce premier concert, qui n’atteint d’ailleurs pas son but, le musicien en organise un second, l’année suivante, qui ne réussit pas mieux. La véritable déclaration (enfin entendue et comprise) a lieu trois ans plus tard, en 1832, au cours d’un concert au Conservatoire ; Berlioz fait jouer Lélio ou le retour à la vie, et l’acteur Bocage devient son porte-parole :
Mais quand dans le monodrame, l’acteur Bocage qui récitait le rôle de Lélio (c’est à dire le mien) prononça ces paroles :
« Oh ! Que ne puis-je la trouver, cette Juliette, cette Ophélie que mon cœur appelle… »
« Mon Dieu !… Juliette… Ophélie… je n’en puis plus douter, pensa Miss Smithson, c’est de moi qu’il s’agit. il m’aime toujours ! » A partir de ce moment, il lui sembla, m’a-t-elle dit bien des fois, que la salle tournait ; elle n’entendit plus rien et rentra chez elle comme une somnambule, sans avoir conscience des réalités20.
37Mélange de la vie et de l’art, confusion des êtres réels et des personnages de théâtre, similitude des situations avec renversement obligé (il est tombé amoureux en la voyant sur scène, elle le devient à son tour en étant spectatrice de la passion qu’elle a inspirée), tout concourt à faire de cet épisode une scène capitale de l’amour romantique. S’ensuit une ligne de points de suspension, pour signaler l’akmè de cette histoire, puis la date de ce jour fatidique : « C’était le 9 décembre 1832 ». Mais une fois que la déclaration est faite, il n’y a plus grand-chose à dire, et le chapitre se termine rapidement, en suivant le résumé comique qu’en donne le sommaire : « On me présente à Miss S. Elle est ruinée. Elle se casse la jambe. Je l’épouse ». Le mariage ne fait pas partie des ingrédients romantiques.
38À partir de là, le plan privé est largement escamoté. Volonté de cacher une vie conjugale qui se dégrade vite ? Sans doute, mais l’explication est surtout à chercher dans les exigences esthétiques de l’artiste. Harriett Smithson disparaît de la scène car elle ne correspond plus à l’idéal romantique. Il en va de même de l’histoire du couple : la lassitude du quotidien, l’usure des sentiments ne sont pas des éléments jugés dignes d’être retenus. On ne saura rien non plus sur la liaison de Berlioz avec une chanteuse obscure, le double ménage, la séparation. Au chapitre LI, l’écrivain concède quelques bribes de confidences et met les choses au point :
Je ne partis pas seul, j’avais une compagne de voyage qui, depuis lors, m’a suivi dans mes diverses excursions. […] Enfin, pour couper court au récit de cette partie de mon existence et ne pas entrer dans de bien tristes détails, je dirai seulement qu’à partir de ce jour et après bien des déchirements aussi longs que douloureux, une séparation à l’amiable est intervenue entre ma femme et moi […] je n’ajouterai rien, car, je le répète, je n’écris pas des confessions.
39Le second mariage, qui a lieu quelques mois après la mort d’Harriett, est également passé sous silence : à ce moment-là, Berlioz est en train de rédiger l’éloge funèbre de son ex-femme. Il ne sera mentionné que dix ans plus tard, dans la Postface de 1864 (deux ans après la mort de Marie Recio) par cette formule bien laconique : « Je me suis remarié… je le devais. »
40Paradoxalement, ces silences et ces réticences n’empêchent certaines confidences plutôt scabreuses. L’une d’elles, évoquant l’exhumation d’Harriett Smithson en 1864, peut susciter la perplexité : pourquoi raconter cela ? Que peut apporter la relation d’un épisode aussi pénible ? L’explication d’ordre esthétique, là encore, s’impose. Ce passage, qui témoigne de la fascination de Berlioz pour le macabre21, est aussi un dernier hommage à Shakespeare et à l’actrice qui l’a joué : remplaçant le « poor Yorick » par la « poor Harriett », l’artiste donne une dernière touche shakespearienne à la passion qu’il a vécue, qu’il réactive ainsi, et à celle qui l’a inspirée. De bout en bout, la vie aura été présentée comme un véritable drame romantique.
41On ne trouve pas de drame semblable chez Dumas, très avare de confidences dans Mes Mémoires. Il y a bien le récit d’un amour de jeunesse à Villers-Cotterêts, ce qui correspond aux exigences minimales du récit d’enfance, mais c’est à peu près tout. Les maîtresses sont évoquées de manière très discrète, sans être nommées. L’actrice Mélanie Serre, par exemple, est introduite de manière pour le moins sibylline :
Le troisième étage de la rue de l’Université était occupé à cette époque par une très jolie femme qui avait bien voulu prendre à mon départ pour Alger un si vif intérêt, qu’elle devait me conduire jusqu’à Marseille22.
42Elle ne sera évoquée ensuite que de manière fortuite : « Par bonheur, ma compagne de voyage – car j’ai oublié de dire que j’avais une compagne de voyage –23 ». La naissance d’Alexandre fils, dont la mère n’est même pas mentionnée, n’avait pas non plus fait l’objet de longs développements quelques pages plus tôt : « le 29 juillet 1824, alors que le duc de Montpensier venait au monde au Palais-Royal, il me naissait à moi un duc de Chartres place des Italiens, n°24 ». Comme Berlioz, Dumas met les points sur les i et justifie son tri :
Les lecteurs qui m’ont fait la grâce de suivre les différentes phases de ma vie dans ces Mémoires doivent s’être aperçus combien j’ai été avare de détails du genre de ceux que je leur communique en ce moment ; mais j’aurais plus d’une fois l’occasion de revenir sur cette liaison dont Dieu a permis que, pour les mauvais jours, il me restât un de ces vivants souvenirs qui change les tristesses en joie, les larmes en sourires25.
43Mais l’absence de drame amoureux dans Mes Mémoires ne doit pas nous induire en erreur ; la logique qui prévaut est en fait exactement la même que celle de Berlioz. Si Dumas ne met pas l’accent sur sa vie privée, caractérisée par une grande consommation d’actrices, c’est parce qu’il juge a posteriori qu’elle ne correspond pas du tout au topos de l’amour passion comme c’était le cas chez Berlioz. Le silence sur ces aventures témoigne du divorce entre l’idéal romantique, qui exalte la femme inaccessible et la réalité, nettement plus prosaïque.
44Il y a néanmoins un épisode qui cadre avec la conception romantique de la passion : la liaison avec Mélanie Waldor, une femme mariée, qui prend un relief fort (l’adultère est une transgression majeure) et regroupe des éléments obligés : rendez-vous secrets, lettres, jalousie, scènes, réconciliations… Cette histoire, connue grâce à la correspondance, n’est évoquée dans Mes Mémoires que très rapidement et de façon anonyme, alors que la jeune femme et sa famille sont souvent mentionnées comme des amis proches, ce qui est normal, puisque Dumas est un habitué du salon des Villenave. Sa discrétion se comprend aisément (la famille Villenave est encore vivante), mais une autre explication paraît encore plus pertinente : la confidence est superflue dans Mes Mémoires, puisqu’elle a été livrée ailleurs, dans Antony, comme l’expose le chapitre CC (« Sous quelle inspiration je fis Antony ») :
Quand je fis Antony, j’étais amoureux d’une femme qui était loin d’être belle, mais dont j’étais horriblement jaloux…
Mais lisez Antony : ce que j’ai souffert, c’est Antony qui vous le racontera […]
Antony, c’était moi moins l’assassinat ; Adèle, c’était elle moins la fuite.
45Faire de sa vie un drame ; l’opération, chez Dumas, n’emprunte pas les mêmes modalités que chez Berlioz26. Le narrateur se masque derrière un paravent fictionnel, affirmant ainsi le primat de l’art sur la vie. Antony remplace avantageusement Alexandre, et le drame, chargé de dire la vie, vide les Mémoires d’une partie de leur contenu potentiel. Le drame, ou le roman, le récit de voyage, autant de possibilités de s’exprimer de manière plus protégée et parfois plus sincère… Ces multiples recours expliquent sans doute le nombre finalement peu important d’autobiographies romantiques27.
46On l’aura compris, les Mémoires des artistes romantiques ne nous disent pas exactement comment s’est passée leur vie, mais comment ils l’ont rêvée et construite. En cela, Berlioz et Dumas lancent un véritable défi à leurs biographes postérieurs, gagnés irrésistiblement par la tentation de l’essai romancé plutôt que scientifique, calqué sur la version de leur objet d’étude, tant s’est imposée l’image construite pour la postérité28 ; cette bataille de l’image est leur ultime victoire.
47Une autre mérite d’être rappelée ; ces épigones de Chateaubriand n’ont pas démérité par rapport au maître. Histoire d’un individu, d’une vocation, d’une génération, tableaux satiriques, caricatures, évocations historiques, drame amoureux : protéiformes par essence, comme la vie qu’ils prétendent retranscrire, ces Mémoires, qui obéissent à l’exigence romantique du mélange des genres et des tons, passionnent aujourd’hui encore un lectorat dont l’horizon d’attente n’est pas l’exactitude des détails, mais le sentiment de proximité avec un artiste et son époque.
Bibliographie
Le lieu d’édition n’est pas mentionné quand il s’agit de Paris
Éditions utilisées pour cette étude
Berlioz, Hector Mémoires, édition de Pierre Citron, Garnier-Flammarion, 1969.
Dumas, Alexandre, Mes mémoires, édition de Claude Schopp, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1989.
Autres œuvres mentionnées
Balzac, Honoré de, Illusions perdues, GF Flammarion, 1990.
Berlioz, Hector, Euphonia ou la ville musicale, Toulouse, Ombres, 1992.
Le Suicide par enthousiasme (et autres nouvelles), L’Arche, 1995.
Critique musicale (1823-1865), 7 volumes, édition de Pierre Citron,
Buchet Chastel, 1997-2004.
Correspondance générale, 7 volumes, édition de Pierre Citron, Flammarion, 1972-2001.
Dumas, Alexandre, Le Comte de Monte-Cristo, GF Flammarion, 1998.
Joseph Balsamo, Robert Laffont, Coll. « Bouquins », 1990.
Ouvrages biographiques et critiques
Bailbé, Joseph-Marc, Berlioz : artiste et écrivain dans les Mémoires, PUF, 1972.
Citron, Pierre (dir.), Dictionnaire Berlioz, Fayard, 2003.
Rémy, Pierre-Jean, Berlioz, le roman du romantisme, Albin Michel, 2002.
Rolland, Romain, Sur Berlioz (1908), Bruxelles, Complexe, 2003.
Schopp, Claude, Alexandre Dumas, le génie de la vie, Fayard, 1997.
Zimmermann, Daniel, Alexandre Dumas le Grand : biographie, Phébus, 2001.
Sur les mémoires et l’autobiographie
Gusdorf, Georges, Les Écritures du moi, Odile Jacob, 1991.
Le Romantisme, Payot, Rivages, 1993.
Fumaroli, Marc, « Les Mémoires du xviie siècle, au carrefour des genres en prose », in Dix-septième siècle, n° 94-95, 1972.
Lejeune Philippe, Le Pacte autobiographique, édition du Seuil, 1996.
L’Autobiographie en France, Armand Colin, 1998.
Zanone, Damien (textes réunis par), Le Moi, l’histoire, 1789-1848, Grenoble, ELLUG, 2005.
Écrire son temps. Les mémoires en France de 1815 à 1848, Presses
Universitaires de Lyon, 2006.
Notes de bas de page
1 Voir à ce sujet Damien Zanone, Ecrire son temps. Les Mémoires en France de 1815 à 1848, qui montre comment ce modèle tente de se perpétuer en se redéfinissant au début du xixe siècle.
2 Précisons que Mémoires prend la suite d’un roman, Ange Pitou, assujetti au droit de timbre et pour cette raison interrompu par Girardin.
3 Mes Mémoires, ch. CXXXVIII.
4 Lettre à Humbert Ferrand, 1833.
5 Voir à ce sujet l’article de M. Fumaroli, « Les Mémoires au xviie siècle, au carrefour des genres en prose », Dix-septième siècle, n° 94-95, 1 972.
6 Mémoires, ch. XI.
7 Mémoires, ch. X.
8 On notera aussi que Berlioz a bien retenu la leçon de Balzac et la notation des accents.
9 Mémoires, ch. XXX.
10 Ibidem, ch. XLV
11 Ibid., ch. XLVI.
12 Mes Mémoires, ch. CXVIII et CXIX.
13 Mes Mémoires, ch. CXXXVIII.
14 Voir notamment la Préface.
15 Mémoires, ch. XXIX.
16 Mes Mémoires, chapitre CLIII.
17 Ibidem, ch. CLVI.
18 Mémoires, ch. XXXIV.
19 Mémoires, ch. XVIII.
20 Ibidem, ch. XLIV.
21 Voir aussi, dans le chapitre XLIII, l’épisode de « la bella sposina », scène macabre elle aussi, mais dans le genre esthétisant.
22 Mes Mémoires, ch. CXLIII.
23 Ibidem, ch. CCV.
24 Ibid., ch. XCVIII.
25 Ibid., ch. CXLIII.
26 On notera que Berlioz a écrit une nouvelle sur sa liaison avec Camille Moke ; mais cela n’empêche pas les confidences (sujettes à caution, c’est une autre histoire) dans les Mémoires.
27 À part Dumas et Berlioz, on peut citer G. Sand, Histoire de ma vie, et Stendhal, Vie de Henry Brulard. Le texte rédigé par Adèle et Victor Hugo, Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie mérite une place à part. Les Journaux et Carnets, rédigés au jour le jour, ont été très pratiqués par cette génération, sans doute dans la perspective d’autobiographies postérieures, qui n’ont pas été écrites.
28 De nombreuses biographies de Berlioz (souvent destinées au grand public) revendiquent l’épithète romantique : La vie romantique d’H. Berlioz, Berlioz, un artiste romantique…
Auteur
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2007
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2007