Chapitre III. L’antre du poète
p. 61-73
Texte intégral
1Les poètes de l’ancienne Perse, dit-on, polissaient leur cœur, puis polissaient le langage comme on le fait pour les miroirs, afin d’en ôter la rouille et y faire naître la lumière. Ce travail de poète dont tous les efforts visent à faire affleurer dans la matière les traces d’une autre vie a sans doute subi l’influence de Platon et de Plotin, connus en Perse par des traductions. On irait à dire que toute voix poétique, guettée par la rouille, demeure obscure en ne révélant qu’une bordure lumineuse, ainsi qu’en peinture l’icône est une image cachant le divin et n’en révélant que l’ombre. Pétrarque dans le Canzoniere, fait miroiter sous toutes ses espèces la plus belle chose, Laura, qui est à la fois l’arbre d’Apollon, le vent léger, la jeune femme aimée, et la poésie : « par la force de l’espoir amoureux, qui te soutient dans la rude vie, vide l’air de ces brouillards1 », dit-il. Il voudrait transformer la rose, jusque-là l’emblème de la précarité de la poésie, en laurier, toujours vert, qui serait une inspiration jamais défaillante, toujours traversée du souffle de l’aura. Il fait miroiter les bijoux des yeux de Laura, l’or dont sont tissés ses vêtements, et tout l’insaisissable que contient cette femme à demi-réelle : Laura qui toujours s’échappe, comme la brise, comme la fontaine de Vaucluse et comme la poésie. Aussi, les poèmes du Canzoniere constituent-ils une tentative pour polir la réalité, ce qui revient à défaire les apparences pour les faire ruisseler comme de l’eau, formant un reflet du monde saisi dans un livre. La poésie alors est comme l’eau qui s’écoule2. Il s’agit donc de caresser comme la brise, aura, ou bien faire la louange, laudare, ce qui est retrouver « le printemps adorable » dont parlera Baudelaire.
2Le poème est un lieu de grâce. C’est ce que disait Dante du poète provençal Arnaut Daniel, et il s’intéressait à ce qu’on nommait alors à Paris enluminer3, lorsque le livre se transforme en jardin, puisque la poésie fait du livre un espace semé de fleurs4. Et si le langage lui-même est arbre ou rameaux, d’après la Défense de Du Bellay, on comprend que la poésie soit comme des fleurs odorantes qui, butinées par les abeilles, floconnent au mois d’amour.
3Les poètes, dans l’imaginaire, ne sont pas seulement des jardiniers ; ils sont aussi artisans lorsqu’ils extraient de la nature une matière qu’ensuite ils façonnent, voire potiers comme le père de la jeune fille de Corinthe. La grotte, dans ce dispositif métaphorique, occupe une place centrale puisqu’elle est un espace où se joignent la terre et le ciel. Porphyre, dans le De antro nympharum5, qui est à compter parmi les sources de Marsile Ficin et, au xviiie siècle, de Court de Gébelin, considère que la fiction de l’antre des nymphes est antérieure à Homère, qui n’a fait que réutiliser ce motif ; la terre est le symbole du cosmos et la grotte représente ce cosmos en train de se former à partir de la matière6. La grotte est faite de roches et de pierres, ce qui est étrange aux yeux même de l’auteur, qui sont en tout cas des éléments hostiles à la forme, eîdos, c’est-à-dire pour Porphyre, qui ne peuvent s’intégrer au cosmos. L’eau qui s’écoule et l’obscurité, caractéristiques de la grotte, sont issues de cette matière brute. Et ainsi, conclut-il, la beauté et l’attrait de la grotte viennent de ce mélange : à la fois, à l’extérieur, la beauté de l’ordre cosmique et au fond celle de l’obscurité de la matière sans forme. Les êtres humains sont pareillement au croisement de l’inerte et de l’animé ; au fond de la grotte, on voit des nymphes qui tissent sur les métiers de pierre des vêtements de pourpre qui sont les os et la chair. L’antre des nymphes, au contraire de la grotte sphérique de Platon, possède deux entrées, à l’intersection du divin et de l’humain, ou du céleste et du terrestre, ce qui en fait une illustration de la position néoplatonicienne qui se répand dans l’Italie de la Renaissance.
4Le livre XXVI de l’Histoire naturelle de Pline, consacré aux minéraux, a aussi beaucoup alimenté l’imaginaire de la Renaissance italienne. Il juge que la gemme permet de saisir la nature d’une vue générale et complète. La pierre précieuse est comme une eau solidifiée et comme un poème naturel : c’est ce qu’on lit dans les Nouveaux Échanges des pierres précieuses (1576) de Rémi Belleau qui sont un livre des métamorphoses où le poète recherche dans la pierre précieuse réelle ou imaginée, la trace de la lumière divine :
Mais, Seigneur, que ta bonté face
Ouvrir le trésor de ta grâce
À cette âme qui, soupirant
Après tes promesses plus sûres
En ces petites créatures
Va tes ouvrages admirant7.
5Ce qui fascine le poète, et ce qu’il tente de dire, outre les vertus magiques des pierres, c’est ce « qui donne la couleur, la grâce et le beau teint/Aux pierres, dont la glace et le visage est peint8 ». Car elles ont un être, sont amour, aussi lumineuses et étranges que le visage des femmes, qu’une tache peut avilir, et peuvent devenir baiser, comme le corail qui doit sa couleur rouge aux lèvres des Néréides. Rémi Belleau a, dans le poème, le sentiment de fabriquer des pierres précieuses dont il invente d’ailleurs un certain nombre ; pour le moins, il se donne comme un joaillier principalement dans « Le Rubis », qui est le feu d’Apollon conservé sous terre : comblé de la faveur du dieu qui l’a élu, il lui suffit de tailler le minéral en des éclats de vers, dénonçant au passage les contrefacteurs incapables d’arriver au bijou.
6On sait qu’au xvie siècle l’imaginaire de la caverne est particulièrement actif, à la suite des découvertes des vestiges des grottes romaines. On imaginait que la nature avait conservé des traces de la nature primitive, sous les formes les plus diverses, selon le principe de la conglutinatio décrit par Avicenne au début du xie siècle puis par Albert le Grand au milieu du xiiie siècle dans le De mineralibus. On aménagea donc des grottes dont les plus célèbres furent à Florence9, pourvues de jeux d’eau, de même que le célèbre jardin de Salomon de Caus à Heidelberg10 ; ces grottes et ces jardins où l’eau ruisselle sont comme les entrailles entr’ouvertes de la terre. On construit au xviiie siècle la Grottensaal du Neues Schloss de Potsdam, qui reconstitue cette congélation merveilleuse, laquelle apparaît comme une croûte brillante, si merveilleuse qu’elle semble faite de bijoux, de perles, de matières rares toutes détentrices d’une parcelle de la force ou de la lumière des fonds. C’est un coup d’œil jeté sur les secrets de la nature. Derrière tout cela, se profile une pensée de la nature qui est celle du vestige. La nature recèlerait les secrets de son origine, il suffirait de déplier le texte ou l’image qui s’y trouvent enfouis. On aime alors à y rêver, à rappeler peut-être que lorsque les Vénitiens ornèrent les murs et le sol de San Marco, ils employèrent le marbre, pierre précieuse opaque : il contient dans ses lignes, repliés, des nuages qu’on voit sur les colonnes de la façade et les ondes de la mer qui sont du côté du palais. Le cosmos se trouvait donc rassemblé sur ces murs. Albert le Grand, de passage à Venise à cette époque, raconte :
Quand je fus à Venise, étant jeune, on sciait du marbre pour décorer les murs d’une église. Et il arriva que lorsqu’on eut scié en deux un morceau de marbre et qu’on eut apparié les deux parties, apparut la très belle image de la tête d’un roi, avec une couronne et une longue barbe11.
7L’art pourrait donc n’être que la continuation des phénomènes naturels, ce qu’indiquait déjà le De statua de Gian Battista Alberti :
Je pense que les arts de ceux qui se mirent à vouloir exprimer et représenter par leurs œuvres les effigies et les images des corps créés par la nature tirèrent leur origine de ceci : ils distinguèrent par hasard, dans le tronc des arbres, dans la terre ou en d’autres corps faits de la même sorte, des lignes qu’ils purent rendre semblables aux visages produits par la nature, en y apportant de légères modifications12.
8Le principe de la congelatio reste très obsédant au xvie siècle et les artistes sont particulièrement sensibles à ce don de la nature, sculptures ou images dessinées par les eaux13. Tout cela semble un discours oublié enfermé dans la pierre, et dont il ne reste que quelques lignes courbes qui témoignent de la présence du divin. Une telle rêverie des origines va trouver des ancrages dans l’alchimie introduite par Albert et poursuivie d’abord par Agricola dans le De Re metallica (1556), qui compare la minéralisation et la gestation dans les matrices de la terre à une semence animale, puis par Ulisse Aldrovandi, leur héritier, dans son Museum metallicum (1648) lequel fait intervenir Hermès Trimégiste, le dieu de la caverne14. Mais c’est aussi un point de théologie qui est établi, puisque le Déluge est en quelque sorte attesté, et l’on va pendant plusieurs siècles rechercher activement les vestiges des temps antédiluviens, coquilles et ossements, jusqu’au Spectacle de la nature de l’Abbé Pluche (1749).
9Mais c’est encore une question de langage. Athanasius Kircher, dans son Mundus subterraneus, livre dont l’objet est sans doute de réduire tout reste de pensée alchimique, renvoie pour sa part à la langue de Dieu, conservée quelque part sur des documents célestes, tel ce grêlon portant des notes de musique : « on trouve en abondance des exemples de pierres gravées de nombreux signes […] des figures des lettres et de dessins géométriques15 ». Les entrailles de la terre recèlent des minéraux chargés d’un message brouillé. Roger Caillois, dans son très beau livre L’Écriture des pierres, en a répertorié plusieurs familles. Il s’agit dans les jaspes et les onyx, de lire ce que la nature a écrit. Puisqu’elle inscrit sur ces ruines des empreintes de poissons ou de fougères, pourquoi n’inscrirait-elle pas des villes disparues ou des séjours riants ? Par exemple « un marbre blanc veiné de rouge, de sombre et d’autres couleurs que la Nature a disposées d’une telle façon qu’elles remettent en mémoire les malheurs de Troie, la ville et les rochers incendiés16 ». Et Roger Caillois voit, dans ces solidifications, des lignes géométriques, d’une géométrie primordiale, un rythme, et des taches, ce qu’il nomme « raison secrète », qui renvoient à l’imagination ou au rêve. Il y aurait ainsi un immense réservoir de formes dans la matière dont parfois surgit une image. Et c’est alors pleinement une pensée de la grâce, comme surgissement de ce qui est perdu, et pour lequel un lien se fait de nouveau :
Qui sait si ce tumulte de triangles, inscrit dans la pierre, procuré par la nature, puis inventé par l’art, ne trahit pas pour sa part un des chiffres secrets de l’univers […] Je discerne là l’origine de l’invincible attrait de la métaphore et de l’analogie, les raisons d’un étrange et permanent besoin d’identifier. Je me retiens à peine d’y soupçonner une antique et diffuse aimantation, l’appel du centre, le souvenir obscur, presque aboli, ou le pressentiment, inutile chez un être aussi chétif, de la syntaxe générale17.
10Le xviiie siècle a continué sur ces brisées et a peu modifié cet imaginaire dans un premier temps. On s’est efforcé, Rameau pour la musique, Batteux pour les Beaux-Arts, de retrouver un principe premier, qui était une harmonie générée par la géométrie, lieu où le divin se mêle à l’humain. Mais le secret est enseveli et à la fin du siècle Delille, de Saint Pierre et Delisle de Sales, dans des registres différents, ne cesseront de faire résonner une grande plainte sur la merveille disparue18. Devant ce savoir qui s’échappe, la démarche a été constante : celle du collectionneur, déjà commencée avec les Kunstkranken du xviie siècle. La collection de coquilles succède à celle des médailles puis la mode sera aux herbiers19. Le xviiie siècle a en effet une passion pour les coquilles et les fossiles au point que Gersaint donnera un Catalogue raisonné des coquilles en 173620. Mais le coquillage a fasciné bien auparavant : dès le début du xvie siècle, les peintres hollandais en représentent volontiers. Une vanité du hollandais Jan Denens (xviie siècle) montre de grosses coquilles posées sur un voile dont l’une offre un creux visible à l’observateur, semblable à un passage vers le lointain, à côté d’instruments de musique et d’un crâne sans mâchoire placé de manière à faire ressortir une similitude de forme. Tous ces objets rassemblés font du coquillage un objet intermédiaire, objet du néant mais qui se déploie en plusieurs formes détentrices d’une manière de secret de l’existence, ou d’une voix perdue. Le xviiie siècle va travailler sur cette pensée de la grotte comme un théâtre où la voix peut se faire entendre. Le Dictionnaire des merveilles de la nature de Sigaud de la Fond (1781) mentionne une grotte près d’Auxerre :
Une de ces congélations les plus singulières est une portion de colonne attachée à la voûte. Elle tient à un dôme de 5 à 6 pieds de large, creux comme une coupe, et tout ondé de dedans en dehors. Ce dôme, élevé à 6 pieds de terre, n’est soutenu que par la colonne à laquelle il est attaché. Entre les congélations des deux côtés, on observe quelques tuyaux de cinq à six pieds de haut, de 8 à 10 pouces de diamètre, creux par dedans et rangés d’alignement les uns près des autres, sans se toucher. Lorsqu’on les frappe, ils rendent des sons différents et agréables, que l’écho de la grotte fait durer longtemps21.
11Comprenons que la grotte est le lieu où peut se présenter imaginairement la transformation de l’informe en forme. Grande est l’importance de cet intermédiaire par lequel on passe du brut au cultivé ; le profond et la surface sont montrés en continuité. Le son des origines y devient musique, de même que la stalactite devient colonne. L’exemple de Ledoux et de son projet de la porte d’entrée de la saline de Chaux est bien connu : on y voit des rochers bruts et des atlantes, derrière la colonnade, que l’auteur commente ainsi :
Quel est cet antre sorti de la terre pour s’affilier avec la voûte céleste ? Les Géants ont détaché le rocher du sommet des montagnes pour l’entasser. Déjà les tourbillons se condensent. Borée, dans ses accords harmonieux, appelle les souffles humides, verdit les plantes aqueuses qui se grippent de toutes parts. Le lierre serpente, et dans ses replis négligés, éparpille sa longue chevelure. Les stalactites s’amoncellent en gouttes attractives, et les rayons combinés font jaillir le rubis vacillant. Voyez ces colosses sortis du flanc des puissances salées, ils s’appuient sur des surfaces profondément recreusées pour offrir un front orgueilleux et sévère. Les ombres, images imparfaites de ce monument achevé, réfléchissent leur transparence, et s’accordent avec l’astre du jour pour faire briller les corps opposés22.
12Il faut croire que la découverte d’Herculanum et des excavations de Résine a eu de l’importance dans la formation de cette démarche intellectuelle. L’édition de Maréchal, en 1780, montre par exemple une gravure de Thésée sortant des enfers23 ; le dessin modifie la fresque originale, visible au musée de Naples et montre le Minotaure étendu, une porte qui est sans doute celle du labyrinthe, des personnages qui congratulent le héros, et une divinité assise en l’air, à l’arrière ; c’est-à-dire qu’est suggérée une continuité entre les mondes inférieurs et célestes. De même, la planche 58 nous montre le baiser d’un jeune faune aux oreilles pointues et d’une nymphe, mais qui semblent très simplement humains et ne sont rien de plus qu’un homme et une femme, dans un paysage de ruines que le graveur dans un rapprochement significatif a associé à un autre paysage de ruines avec personnages. On peut trouver dans cette petite gravure de la profondeur, une douleur aussi : le jeune homme semble près de verser des larmes, qui sont aussi une eau fondamentale sortie de la profondeur humaine. Beaucoup de l’inquiétude du xviiie siècle est liée à ce souci des profondeurs, au soupçon que comme dans la terre, quelque chose s’y trouve définitivement caché. Du reste, l’Encyclopédie tend à présenter les mystérieuses cavités humaines comme des grottes :
Cet entonnoir extérieur est suivi d’un canal aboutissant à une membrane qui est comme la première porte des grottes de l’ouïe. […] Cette membrane est tendue comme celle d’un tambour, & elle porte aussi ce nom : son centre s’enfonce un peu vers la première grotte qui est derrière & qu’on appelle la caisse. Dans cette grotte, il y a des ressorts qui font l’office des bascules qu’on met aux sonnettes24.
13Dans la seconde moitié du siècle, c’est effectivement la profondeur humaine que l’on va explorer et les gouffres de l’esprit. Ce sera une enquête sur le langage et ses origines dont les écrits de Rousseau forment le discours le plus avancé. Il ne s’agit plus alors de chercher les vestiges d’un autre monde qui témoigneraient des origines, comme dans les utopies, mais de rechercher dans le langage de l’homme un langage premier25. Non sa parole, mais sa voix ou ses intonations, dépositaires de la trace originelle. C’est la pensée générale de la fin du xviiie siècle qu’on lit par exemple dans Lacépède qui définit ainsi la musique :
C’est un langage plus touchant, plus énergique que le langage ordinaire : c’est une langue qui n’est composée que de simples sons, au lieu de renfermer des sons articulés et joints ensemble pour former des mots. Par là, il est susceptible de bien plus d’expression26.
14Il faut mesurer l’importance de cette transformation mentale. La pensée de l’être se trouve modifiée par l’importance donnée au lieu intérieur27 qui n’est plus une réserve du sacré, du divin, une sorte de lieu objectif où se placerait la force première du monde, un dieu, un roi. Vient peu à peu à la conscience, et certainement, les formes littéraires romanesques s’emploient à dessiner ce nouveau lieu, l’idée du lieu subjectif, très indéterminé, voire menaçant. Seul va compter le lieu imaginé de la vie intérieure, qu’on entrevoit à l’occasion de quelque fracture, à la fois cœur, âme, diaphragme, voix : c’est une ouverture vers ce qu’on ne peut atteindre, aussi singulière que le fond du volcan, aussi incroyable que l’énorme rocher de Monsieur de Saint-James qui traversa Paris pour décorer sa Folie.
15Vint un temps où le philosophe se posta dans ces lieux intermédiaires : pour écouter en lui-même le déroulement de sa raison et aussi le chant de la terre. Le philosophe devient ainsi une manière de poète, tel Ossian dans la grotte de Fingal. Mais bien auparavant, dès 1718, Alexander Pope a fait construire celle de Twickenham, destinée à la méditation privée. Les pièces contiennent des fossiles, des ammonites de bois pétrifié et des mousses de formes variées28 ; on y trouve aussi des minéraux venant d’Égypte, des morceaux de marbre, de pierres du Vésuve. Et cela constitue, dans le poème « Verses on a grotto », de Pope, un lieu symbolique d’observation du monde :
Thou who shalt stop, when Thames’translucent Wave
Shines a broad Mirrour tho’the shadowy Cave ;
Where lingering Drops from Mineral Roofs distill,
And pointed Crystals break the sparkling Rill,
Unpolish’d Gemms no Ray on Pride bestow,
And latent Metals innocently glow :
Approch Great NATURE studiously behold29 !
16Un revêtement de la grotte fait de fin albâtre à partir d’éclats de miroirs faisait que, toutes portes fermées, l’endroit devenait « à l’instant une camera oscura sur les murs où tous les objets, la rivière, les collines, les bois et les bateaux formait une image mouvante30 ». Mais l’objet privilégié de la méditation d’Alexander Pope est le bruit, celui de la nature, et principalement celui de l’eau. Le passage de Isaac et Salomon de Caus en Angleterre avait laissé un goût pour les jeux d’eau ; par exemple dans la grotte The Rock de Thomas Bushell à Enstone (1628-1635) :
Many strange formes of Beasts, Fishes and Fowles doth appeare ; and with the pretty murmuring of the springs ; the gentle running, falling and playing of the waters ; the beating of a drum ; the chirping of a nightingale, and many other strange, and audible sounds and noysses doth highly worke upon any Man’s Fancy31.
17Alexander Pope est sensible au bruit de l’eau plutôt qu’aux illusions sonores : « Caverns of the Grot incessantly echo with a soothing murmur of aquatic sounds. » Il écoute dans cette thébaïde les bruits de la terre et même fait installer, peu avant sa mort en 1740, trois chutes d’eau avec « gurgles into a gushing Rill thro’fractured Ores and Flints… drips from depending moss and shells32 ».
18Ces voix lointaines, celles du fond de la terre sont peu audibles : un murmure, des échos. L’être humain ne perçoit qu’indirectement le primitif ; d’ailleurs, si nous reprenons l’article « ouïe » de l’Encyclopédie, on voit que « l’âme ne peut distinguer » :
La raison qu’en donne M. Boerhaave, c’est que l’oreille ne peut distinguer tous les échos ou résonnements qu’on fait naître, soit en parlant, soit en jouant de quelque instrument que ce soit, parce qu’on ne distingue l’écho qu’à une certaine distance. Quoi que nous entendions distinctement une syllabe dans moins d’une seconde ; ce temps est fort long comparé à la vitesse du tems qui se passe entre le son primitif & le son réfléchi, elle est telle sans doute, que la perception du premier dure encore, quand celle du second arrive, ce qui empêche l’âme de la distinguer. Donc tous les résonnements du son primitif ne laisseront apercevoir qu’un son. Tous les corps qui sonnent harmoniquement au son primitif, se joignent en un dans notre oreille, parce qu’ils sont de même espèce, & ne se distinguent pas facilement, sans quoi nous aurions le malheur d’entendre un grand nombre de sons discordants au lieu d’un seul.
19Dans cet écart, une poétique trouve sa place. Elle repose sur le désir de rassembler ces bruits épars et on peut penser qu’alors les réalisations architecturales, ces grottes où triomphe le cristal, où s’accomplit la congelatio, véritables métaphores concrètes d’une lecture du monde et de ses transformations cessent d’être parlantes et laissent la place à un registre purement intellectuel, qui est celui des opérations de langage, du souvenir, de l’imagination. Cette poétique suppose de filtrer les choses du monde pour retrouver le ruissellement car c’est cette vieille métaphore que l’on poursuit encore. On pourrait dire que l’initiateur de cette poétique du ruissellement est Claude Nicolas Ledoux, au demeurant grand admirateur de Michel-Ange, dans son ouvrage sur l’architecture : une grande partie du texte est consacrée à l’architecture de la saline royale, qui semble offrir dans la réalité le principe de la merveilleuse transformation du résidu des entrailles en or. Et de plus, le texte même de Ledoux, tout à fait curieux, transforme un exposé scientifique en un texte poétique, comme une rêverie solidifiée. Le visiteur devient un Orphée qui triompherait et ramènerait Eurydice au grand jour, de même que l’architecte se propose de canaliser l’eau salée :
Ce n’est plus un mortel qui foule sous ses pieds le salpêtre qui préserve d’humidité les lieux sombres ; ce n’est plus le confident des ressorts secrets qui soulèvent le rocher, pour laisser couler, depuis tant de siècles, des eaux qui remplissent des cuves intarissables ; c’est un demi-dieu qui s’enveloppe d’un nuage qui le rend invisible, et transporte la majesté de sa charge dans la région supérieure. Il est dans son transport éloquent, dans sa puissance mensongère, ce qu’est Marsyas en musique. […] Tel est enfermé dans un labyrinthe inaccessible à la vue, qui, placé au sommet d’un promontoire, aurait répandu la lumière sur la vaste étendue de l’horizon […]. Je remonte par une voie obscure remplie d’une épaisse fumée, je quitte cet abyme ténébreux où les vapeurs salines commençaient à développer leur contagion. Il est vrai que les sinuosités de ce Dédale n’offrent pas les malheurs du Tartare […]. On y rencontre cette action renaissante qui propage la richesse du gouvernement33.
20Claude Nicolas Ledoux dans ses réflexions, fidèle à la pensée néoclassique, suppose un dépôt divin dans la pensée humaine, une sorte de géométrie dont chaque figure étant pourvue de significations esthétiques et morales ; l’architecte ne fait donc que compléter les travaux du grand Architecte de l’univers en transformant la matière : il métamorphose en élevant l’humanité au-dessus du chaos des origines et fait parler les formes, c’est-à-dire qu’il énonce ce qui est invisible. Il faut lire les propos de ce voyageur fictif, qui après avoir considéré les montagnes orgueilleuses de la Franche-Comté, entre dans les lieux sombres :
Je découvre des voûtes d’une grande dimension qui se perdent dans l’immensité. Leurs joints sont desséchés ; les larmes du temps coulent et filtrent de toutes parts. Là, au milieu des frottements aigus et multipliés de vastes roues qui soulèvent les eaux, les oreilles déchirées, le corps inondé par cents jets divergents, je cherche, je tâte le sillon incertain qui pourra me mettre à l’abri des agitations. Les chimères ailées de la nuit s’effarouchent, inquiètent mes pas, divisent la lumière en tout sens, et l’altèrent. Je traverse des ponts, des torrents dont le bruit intimide mon courage. Ainsi Tisiphone en courroux fait trembler la terre, et épouvante les humains. Je parviens enfin à ces dépôts précieux que la reconnaissance de l’habitant renferme sous de triples cadenas. Là, un habitué plein d’un religieux respect, embrasé de cette chaleur concentrique qui fait jaillir les élans, croyant expliquer ce qu’il méconnaît ou ne conçoit pas, déploie les battants conservateurs des reliques liquides qui distribuent l’abondance dans le pays, et ont fait sortir du chaos tous les genres d’établissements. Dans son enthousiasme, sa petite taille se grandit, sa poitrine se gonfle, sa voix entrecoupée lui laisse à peine le moyen de respirer34.
21Ledoux donne une place particulière au poète, ce qui montre bien l’analogie entre le surgissement des eaux profondes et l’inspiration poétique. La « Maison d’un homme de lettres » serait celle de l’abbé Delille. Il n’y a ni description ni renseignement technique, il faut « stimuler le feu divin » et « faire bouillonner le cerveau du poète » en retraçant les grands moments d’éloquence entre Homère et Chaulieu. Le poète toutefois est un être aérien. Il s’agit de transformer en parole :
Il [l’Être suprême] a doué le poète d’un sentiment délicat, afin qu’il pût étudier sur toutes les faces qui se présentent à lui, le bonheur et les misères. Il faut que son génie s’élève dans la sphère des beautés aériennes ; qu’il contemple la sérénité du jour, les ténèbres éloquentes de la nuit ; qu’il réside à la tempête, rende la nature sensible, et l’anime dans ses ouvrages35.
22Le poète, qui est « le chantre de la nature » décrit le monde, la course du soleil, les saisons, et ne fait qu’en mesurer les beautés – géométriques – ou l’inscription des passions. Aussi la pensée d’une vertu du monde, qui est liée à celle des Grâces, citées à plusieurs reprises, est-elle au centre de cette réflexion : le monde est harmonieux et le poète transcrira cette harmonie dans ses vers, cependant que « les architectes feront de la poésie » et tout cela dans une forme gracieuse, c’est-à- dire continue, sans la moindre béance, ni le moindre vice. La nature telle qu’elle s’offre à l’œil n’est donc pas la matière, puisqu’elle est déjà ouvrage d’architecture divine et que cette divinité est représentée directement par le soleil, « Miroir fidèle et transparent du créateur36 ! » Mais ce n’est pas suffisant pour recréer le printemps. L’important est l’eau ; et le livre est consacré à l’organisation, la moralisation, pour tout dire l’humanisation de ce qui est tiré des entrailles de la terre et qui donne la richesse : l’eau salée, par laquelle le châtiment divin sera effacé, car le tonneau des Danaïdes sera rempli. Et l’art naît de ce printemps : « vous découvrirez des peintres émules du Guaspre, du Poussin, de Salvatore Rose, du Bourdon ; vous découvrirez des sculpteurs qui marcheront sur les pas de Polyclète37 ». L’eau est bien sûr au centre de toutes les observations, réelles ou imaginaires, de Ledoux. Et les « architectes de portraits », ses ennemis, sont, dit-il, « accoutumés à retracer servilement ce qu’ils voient », et par conséquent sont incapables de saisir l’unité de la nature ainsi que la vertu. Le reproche de Ledoux est le suivant : « ils soustraient à la pensée les secrets de l’abîme obscur, et les trésors qu’il recèle. Jamais, jamais ils ne percent ces profondeurs38 ». Il y a donc, et c’est un des caractères propres à cette utopie, une pensée du gouffre, de la cavité, et la conviction que les idées, qui sont poésie pour l’auteur, « poussent des racines profondes39 », et c’est par une rêverie sur l’eau qu’il en rend compte. L’homme de lettres, dans la maison que lui construit Ledoux, n’a lui aussi qu’à écouter l’eau :
Le stérile rocher dont l’orgueil élancé dans le nuage détache sa masse qui roule avec fracas dans la plaine, les fleuves mugissants qui se précipitent, dans leur chute extravagante, dans les syphons sonores, réveillent son oreille abstraite et préparent la vérité qui découlera de ses écrits inspirateurs […] des eaux abondantes donneront la vie à cent figures qui respireront sous le cizeau de nos Phidias modernes40.
Notes de bas de page
1 Francesco Petrarca, Rime, XXXIV, Rizzoli, Milano, 1976, p. 139.
2 La pluie et l’eau qui coule sont des signes de la grâce divine (voir Fabricius Johann, Théologie de l’eau, ou Essai sur la bonté, la sagesse et la puissance de Dieu, manifestées dans la création de l’eau, 1741).
3 Voir Dante, Purgatorio, XXVI, 138, 1887 et Purgatorio, XI, 81, Barberà, Firenze.
4 Ronsard, dans un poème publié en 1587 écrivait que « Poème est une fleur » (Œuvres, t. II, Bibliothèque de la Pléiade, 1994, p. 849).
5 Porfirio (iiie siècle), De antro nympharum (codex Vat. Et Marc. xiiie siècle-Roma, 1518), a c. di Laura Simmonini, Milano, Adelphi, 1986.
6 Désignée par le mot hylè, à l’origine le bois brut.
7 Rémi Belleau, Les Amours ou Nouveaux Eschanges des pierres précieuses, « La Pierre d’aigle », M. Verdier (éd.), Genève, Droz, 1973, p. 202.
8 Ibid., « Discours » (1678), p. 23.
9 C’est d’abord la grotte de style humaniste et antiquisant puis, dans la grotte maniériste, on est invité à « pénétrer » dans la nature. Voir l’ouvrage de Philippe Morel, Les Grottes maniéristes en Italie au xvie siècle, Macula, 1998.
10 Voir Salomon de Caus, Les Raisons des forces mouvantes, 1615. On peut citer aussi les jardins de Greenwich et de Richmond (1611).
11 Albertus Magnus, Libro dei minerali, Oxford, 1967, p. 128. Pline et Lucrèce avaient relevé de tels phénomènes.
12 Leon Battista Alberti, De statua, Sillabe, Livorno, 1998, p. 4. Ce propos n’a cessé d’être repris, en particulier par Anton Francesco Doni qui introduit l’idée des grottesche, nés de l’inscription des formes ou des taches naturelles (Disegno, 1549, dans Scritti d’arte, a c. di Paola Barocchi, t. I, p. 585). Un fragment de Leonardo (f. 35v) fait la même observation à propos de taches qu’on trouve sur les pierres où l’on peut voir des paysages, des montagnes et des plaines.
13 Voir Bernard Palissy, Discours admirable de la nature des eaux et fontaines tant naturelles qu’artificielles, des métaux, des sels et saline, des pierres, des terres, du feu et des émaux, 1580.
14 Ulisse Aldrovandi, Museum metallicu, Lib. IIII, Parma, 1648, p. 5.
15 Athanasius Kircher, Mundus subterraneus (1644), Waesberg, 1678, t. II, p. 22-23. L’objet de Kircher est de rendre Hermès inoffensif, car cette pensée alchimique est perçue comme un danger pour les doctrines aristotéliciennes et donc l’ordre du monde (surtout dans le Aegyptus Œdipus, qui va entraîner une mode de l’Égypte, dès la fin du xviie siècle). Ce n’est qu’à la fin du xviiie siècle que l’hermétisme est de nouveau l’objet d’un intérêt auquel Diderot n’est pas insensible.
16 Roger Caillois, L’Écriture des pierres, Skira, Genève, 1970, p. 37.
17 Ibid., p. 125.
18 Jacques Delille, dans Les Trois Règnes, écrit : « O vous, abîmes sourds, lieux muets, antres sombres,/Pardonnez-moi si j’osai interroger vos ombres,/Et percer de mes yeux, noblement indiscrets,/La nuit mystérieuse où dorment vos secrets !/Là sont accumulés les trois règnes ensemble » (Furne, 1833, p. 120).
19 Car la préoccupation de tous ces amateurs est de saisir le passage de l’animal à l’homme, la transformation du minéral en plante.
20 On peut mentionner aussi, de A. J. Dezallier d’argenville, L’Histoire naturelle éclaircie dans deux de ses parties principales. La Lithologie et la Conchyologie, 1742 et La Conchyologie ou Histoire naturelle des coquilles de mer, d’eau douce, terrestres et fossiles, 1780 et encore de Anne Vallayer-Coster, Panaches de mer, lithographytes et coquilles (1769) au musée du Louvre.
21 Joseph Sigaud de la Fond, Dictionnaire des merveilles de la Nature, « Cavernes », 1781, t. I, p. 102-103.
22 Claude-Nicolas Ledoux, L’Architecture considérée sous le rapport de l’art, des mœurs et de la législation, Paris, 1804, p. 107. Voir Monique Mosser, « Le Rocher et la colonne. Un thème d’iconographie architecturale au xviiie siècle », Revue de l’art, n° 58-59, 1983.
23 Pierre Sylvain Maréchal, Antiquités d’Herculanum, gravé par David, Paris, David, 1780-1781, pl. XIII (découvert en 1739). L’original, une fresque provenant de Pompéi est au Museo archeologico nazionale.
24 Encyclopédie, article « Ouïe » (Jaucourt).
25 Deux tendances sont à relever dans cette démarche. D’abord par archéologie, on recherche une langue perdue, celle d’Adam (indiquée dans la Genèse), par l’étymologie, avec l’idée d’une langue-mère (français – italien – latin – grec – hébreu), ce qui va de pair avec une musicalité de la langue, et une écriture à tendance hiéroglyphique. Ensuite par néologie : c’est l’idée d’inventer une langue artificielle, scientifique, par la mathématique, déjà langage universelle. Tout géométriser, c’est la position de Leibniz (Nouveaux Essais) à la fin xviie siècle (algébriser les pensées).
26 Bernard de Lacépède, La Poétique de la musique, Imprimerie de Monsieur, 1785 t. I, p. 51 ; cela forme « des espèces de mots » faits des cris et des sons de la nature.
27 La question du sentiment intérieur qui permet le jugement est l’objet d’une réflexion tout le long du siècle : Du Bos dans les Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, rééditées en 1770 et Lettres sur les sensations de Moïse Mendelsohn (voir « De la critique fondée sur le sentiment intérieur » de M***, Recueil de pièces intéressantes, t. III, Paris, Barrois, 1787, p. 385).
28 John Serle, A Plan of Mr. Pope’s garden as it was left at his death, London, Dodsley, 1745, p. 5.
29 Ibid., p. 12 (« Toi qui arrêteras, quand l’onde transparente de la Tamise/Fait briller un ample miroir malgré l’ombre de la caverne,/Où des gouttes lentes se distillent des voûtes minérales,/Et des cristaux pointus brisent le ruisseau étincelant,/Des pierres brutes ne portent aucune rayure /Et des Métaux dormants luisent innocents :/La Grande nature approche ; regarde avec grande attention ! »).
30 Voir Tim Knox, « Complicated Beauties. The artificial grotto in England », voir Artifici e giardini. La cultura delle acque e dei ninfei in Italia e Europa, Firenze, 1999, p. 53.
31 Ibid., p. 51 : « Beaucoup de formes étranges de bêtes, poissons et volailles apparaissent ; et avec les tendres murmures du printemps ; l’agrément de la course des eaux, de leur chute et de leurs jeux ; le battement d’un tambour ; le gazouillement d’un rossignol et plusieurs autres sons étranges et bruits qu’on entend agissent fortement sur l’imagination de n’importe quel homme. »
32 John Serle, A Plan of Mr. Pope’s garden, op. cit., p. 7 (« Les cavités de la grotte renvoient sans cesse l’écho avec le doux murmure des eaux » – « Glougloute le ruisseau jaillissant à travers les fentes des Minerais et des silex… gouttant suivant les mousses et les coquilles »).
33 Claude Nicolas Ledoux, L’Architecture considérée sous le rapport de l’art, op. cit., p. 43-44.
34 Idem.
35 Ibid., p. 149.
36 Ibid., p. 51.
37 Ibid., p. 51.
38 Ibid., p. 50.
39 Ibid., p. 52.
40 Ibid., p. 149.
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