Chapitre XI. Un chemin à parcourir : voyages imaginaires et topographies morales au XVII e siècle
p. 155-169
Texte intégral
1Si le début du xvii e siècle avait vu l’essor du récit de voyage, les voyageurs de la seconde moitié du siècle anticipent l’entreprise encyclopédique et prétendent plutôt travailler à l’élargissement du champ du savoir en proposant des textes qui multiplient les signes d’authenticité (comme les cartes et les gravures) et qui refusent tout recours au « romanesque ». Toutefois, les auteurs de récits de voyage ne font pas uniquement appel à la scientificité, mais prennent volontiers le parti d’une écriture plaisante, soucieuse de divertir son lecteur. De ce point de vue, il n’est pas surprenant que dans sa Bibliothèque françoise, Charles Sorel fait part de son enthousiasme pour le récit de voyage, genre relativement nouveau qu’il qualifie de « roman des Philosophes », puisque la lecture en constitue une occupation aussi utile qu’agréable. Mais les lecteurs désireux de visiter tant de pays en imagination et curieux de connaître la configuration exacte des lieux seraient également bien avisés, suivant le conseil de Sorel, de consulter atlas et cartes géographiques, car
[…] pour jouir de ce bien le plus parfaitement & avoir une entière connoissance de tout ce qui se rencontre dans les livres de Voyages, il faut auparavant avoir leu quelques Livres de Geographie, afin de sçavoir où sont situez tous les païs dont on entendra parler1.
2Si ce commentaire témoigne du réel engouement que connaît le récit de voyage pendant tout le xvii e siècle, le roman exploite volontiers le succès que rencontre ce genre en multipliant à son tour voyages imaginaires et cartes allégoriques, comme le souligne une fois de plus Sorel :
On a suivi cecy dans notre Siecle, par la description de diverses choses, à qui l’on a donné des noms de Villes & de Provinces, ou des Noms de personnes imaginaires pour en faire des Cartes & des Histoires à Plaisirs2.
3La plus célèbre de ces « histoires à Plaisirs », la Carte de Tendre publiée dans la Clélie 3 de Madeleine de Scudéry, propose ainsi un parcours dans lequel le sentiment amoureux se décompose en une série de lieux, si bien que la connaissance de l’amour semble se ramener à un simple problème de topographie, le voyageur étant invité à déambuler dans les villages de « billet doux » ou de « vers galants », tout en évitant le « lac d’indifférence » et, surtout, la « mer d’inimitié ». Mais on oublie trop souvent que la Carte de Tendre est au cœur d’une mode dont elle n’aura été que l’emblème. En effet, comme l’ont déjà rappelé bon nombre de travaux4, la carte allégorique connut un immense succès à partir de 1640, affichant sous les formes les plus diverses la cartographie de l’univers galant5, que l’on songe à la carte du Royaume des Prétieuses6, à celle du Royaume d’amour7 ou encore à celle du Royaume de Coquetterie8. Un exemple tiré de la Carte de la cour de Gabriel Guéret suffira, à lui seul, à résumer le projet et à illustrer le ton de cette géographie mondaine. Le texte se présente comme un itinéraire destiné à favoriser l’ascension sociale d’un homme du monde nommé Hydaspe, auquel le narrateur s’adresse en ces termes :
Vous me direz peut estre que je vous appelle à des lieux bien éloignez, je l’avouë Hydaspe, et c’est aussi pour cela que je vous en ay tracé une Carte où vous trouverez la route que vous devez suivre, et que pour ne laisser aucune difficulté qui vous puisse embarrasser, je vous en envoye l’intelligence dans ce Discours9.
4Comme le montre cet extrait, le recours à la carte constitue, à l’évidence, une sorte d’aide-mémoire susceptible de fixer les étapes d’un parcours et, en l’occurrence, les principaux lieux d’un imaginaire curial, si bien que quelques-uns de ces ouvrages s’accompagnent d’une carte gravée10. En revanche, d’autres se veulent plutôt, selon l’expression de Louis Van Delft, des « cartographies sans carte11 », de sorte qu’à l’image absente supplée alors la description, « celle-ci pouvant adopter, sur le mode enjoué, l’apparente précision des cartographes12 ». Mais avec ou sans carte, les fictions cartographiques se caractérisent surtout par l’étonnante diversité des espaces imaginaires qu’ils représentent, depuis le pays de Jansénie13 et l’île des hermaphrodites14 jusqu’à l’archipel des bagatelles15 et au royaume d’éloquence16. Voilà donc l’immense pays qui s’offre à l’étude de la topographie imaginaire du xvii e siècle qui, s’il recourt rarement au terme lui-même de topographie17, en parcourt néanmoins les lieux les plus extravagants au profit d’une anthropologie morale, comme j’aimerais le montrer essentiellement à partir de deux fictions allégoriques de Sorel : La Description de l’île de portraiture et de la Ville des Portraits 18et le Récit du voyage de Brisevent & des peuples estranges qu’il a découverts 19.
Topographie et anthropologie morale
5Loin de se résumer à un simple jeu mondain, le langage cartographique que l’on retrouve dans les fictions allégoriques se donne bien souvent à lire en fonction de ce que Louis Van Delft appelle une anthropologie morale20, où la carte devient un lieu où le voyageur apprend non seulement à déchiffrer le monde pour savoir s’orienter et y vivre, mais encore à se connaître soi-même. Van Delft rappelle ainsi à quel point les moralistes anglais du xvii e siècle utilisent même la référence cartographique dès le titre de leur ouvrage, afin de mieux comparer l’homme à un espace qu’il importe de cartographier et de connaître, comme l’indiquent quelques ouvrages au titre significatif : A Map of Microcosme, or a Moral description of Man 21, An Anatomical Lecture of Man, or a Map of the Little World 22, etc. Ici, il s’agit assurément d’une lecture of man, c’est-à-dire d’une lecture en fonction de laquelle vices, caractères et vertus se définissent sur le modèle même de la géographie du monde physique, suivant une distribution topographique où se répondent monde extérieur et univers intérieur. C’est suivant le même esprit que, dans un ouvrage intitulé Religio Medici paru en 1643, Thomas Browne entend proposer une sorte de cosmologie de soi :
I could never content my contemplation with those general pieces of wonders, the flux and the reflux of the sea, the encrease of the Nile, the conversion of the Needle to the North, and have studied to match and parallel those in the more obvious and neglected pieces of Nature, which without further travell I can do the Cosmology of myselfe ; wee carry with us the wonders, we seeke without us : There is all Africa, and her prodigies in us23.
6Comme l’atteste l’évocation de ces continents intérieurs, c’est en exploitant le modèle cartographique jusqu’à ses dernières conséquences que le moraliste dresse une topographie qui exhibe les territoires et les provinces d’un pays dont les divers lieux sont mis en parallèle avec le Moi ; la représentation de l’un favorisant la découverte de l’autre. Il en va de même des recueils de caractères, dont on connaît l’importance dans la France du xvii e siècle et qui, bien souvent, empruntent la métaphore pérenne de l’homo viator pour mieux présenter les lieux que parcourt le voyageur au cours du long voyage que constitue l’existence.
7Dans cette entreprise de cartographie morale, l’île occupe, bien sûr, une place privilégiée. Par la clôture qui la caractérise, parce qu’elle est sans cesse exposée à la fureur des vents et des marées, et dans la mesure où elle est étroitement associée à l’imaginaire de la découverte, elle constitue un espace auquel recourent volontiers les utopies depuis Thomas More24, mais aussi les représentations allégoriques. De nombreuses fictions allégoriques du xvii e siècle reprennent ainsi le topos des « îles inconstantes et mal assurez » décrites dans de véritables récits de voyage25, avec ces îles qui bougent, partent à la dérive et peuvent même sombrer. Sans racine ni gouvernail, elles sont le parfait symbole d’un monde instable ou encore d’un dérèglement des sens et des mœurs, bref, de l’excès sous toutes ses formes. En témoigne, par exemple, L’Ile des Hermaphrodites (1605), curieuse fiction allégorique qui se place sous le signe d’une double métamorphose géographique et sexuelle, afin de proposer une satire de la cour d’Henri III et de ses mignons, monde des apparences trompeuses qu’on nous décrit en ces termes :
Mais après que nous eûmes un peu repris nos esprits, […] nous veismes que la terre sur laquelle nous marchions étoit toute flottante, et qu’elle erroit vagabonde sur ce grand Océan, sans aucune stabilité26.
8Rien n’est assuré sur cette île, ni l’identité des formes, ni le sexe des êtres. Du reste, tout y bouge : le sol, les meubles, les chaises et, bien sûr, les corps, agités de mouvements convulsifs et qui sont incapables de se tenir debout. En raison de son inconstance, l’île, en somme, fascine, et illustre la dérive, tout à la fois honnie et désirée, attirante et dénoncée27. Face aux certitudes que l’on retrouve sur la terre ferme, les îles sont à la merci des flots, offrant ainsi une image de la condition humaine où, comme l’écrit Cyrano de Bergerac, nous sommes tous « embarqué[s] sur une mer où la moitié du monde a fait naufrage28 ». Aussi n’est-il pas surprenant que Charles Sorel affirme que les fictions allégoriques ou « narrations fabuleuses » comprennent « plusieurs choses significatives » et cachent des « veritez importantes29 » ; aussi n’est-il pas étonnant que plusieurs de ses propres œuvres allégoriques se déroulent, comme on le verra, sur des îles.
L’île de portraiture
9 La Description de l’île de portraiture et de la Ville des Portraits (1659) est un court texte qui adopte le ton du récit de voyage pour peindre une allégorie de la mode du portrait mondain, si en vogue dans les salons que Sorel fréquente30. Le narrateur, accompagné de deux amis, se rend sur l’île de portraiture, dont les habitants n’ont qu’une seule occupation : faire des portraits. Le boulanger façonne ses pains en d’agréables figures, le tailleur orne ses habits de nombreuses effigies, de sorte que les « amans volages pouvaient faire, s’ils le vouloient, que leur habit fut orné de portraits de toutes leurs maîtresses31 ». Quant aux étrangers qui visitent l’île, ils font faire leur portrait, achètent des portraits, ou apprennent à en faire.
10Le récit du périple, qui constitue habituellement un topos de ce genre d’ouvrages, reste mince : les épreuves obligées que sont le voyage et l’arrivée sont expédiées en quelques lignes. De la même façon, le narrateur reste avare de détails sur la situation géographique de l’île, se contentant de mentionner qu’elle est, comme bien d’autres îles imaginaires du reste, au « centre du monde » et d’un abord très facile « à ceux qui savent bien choisir le vent qui y conduit32 ». Il ne fait que constater qu’à l’approche de l’île, le paysage tend à prendre diverses formes, qui sont autant d’invitations à l’imagination :
Nous vîmes que la mer outre sa couleur, tantôt verdâtre, tantôt bleuâtre, en prenoit quantité d’autres diverses et la terre que nous découvrions apparut fort bigarrée : tous les nuages qui étoient élevés au-dessus de l’île composoient différentes figures, où l’imagination des contemplatifs pouvoit trouver tout ce qu’elle désiroit33.
11L’île de portraiture résiste donc à toute tentative de référentialisation spatiale34. C’est là, au demeurant, un lieu commun des fictions géographiques et allégoriques, comme le souligne l’abbé d’Aubignac à propos des frontières problématiques entre géographie réelle et imaginaire, alors qu’il rappelle à quel point l’auteur d’allégories jouit d’une grande liberté :
Il dispose les temps & les lieux aussi bien que les personnes comme il lui plaist, & pourveu que selon l’ordre des temps qu’il se donne à luy-même, & la disposition des lieux qu’il établit, il ne fasse point d’anachronisme ny de contradiction, on ne peut l’accuser d’avoir peché contre la Chronologie ny contre la Geographie, parce que les temps & les lieux de l’allegorie ne sont que les figures de ceux de l’histoire véritable. Ce sont deux Chrononologies & deux Geographies separées qu’il ne faut pas confondre35.
12En ce sens, l’île de portraiture est bien assurément allégorique et, à défaut d’indications géographiques ou topographiques précises permettant d’en dresser la carte, considérons de plus près sa configuration générale. La ville des portraits, capitale de l’île, s’organise ainsi autour de six rues principales en fonction desquelles les peintres se répartissent selon leur spécialité. On y retrouve la rue des peintres héroïques, la plus longue rue de l’île, qui accueille tous ceux que la fortune favorise ; celle des peintres amoureux, habitée par des peintres flatteurs qui, aveuglés par l’amour, font toujours de leur modèle la plus belle représentation ; celle des peintres burlesques et comiques, qui présentent leurs amis et eux-mêmes en faisant rire ; celle des peintres satiriques, où se pratiquent le portrait à charge et la caricature ; celle des peintres censeurs qui dénoncent les défauts des modèles ; et, enfin, celle des « peintres indifférents et de toutes les sortes », qui n’ont pas de parti pris à l’égard de leurs modèles. Affranchie de tout référent topographique, la dimension spatiale s’oblitère, on le voit, au profit de l’entreprise morale que constitue la représentation de soi en reprenant les différents topoï de la critique du portrait peint tels qu’ils sont théorisés dans les traités sur la peinture de l’époque, qu’il s’agisse du portrait comme substitut de la présence de l’autre, du problème de la comparaison entre le modèle et l’image peinte, entre l’original et la copie, mais aussi celui de la mise en scène de soi, de la vanité ou encore de l’illusion créée par l’image du corps.
13Si la topographie de l’île est imprécise, elle est néanmoins efficace, dans la mesure où elle offre un parcours critique où s’incarnent à la fois les plus vives espérances sur les possibilités d’une représentation susceptible de favoriser la découverte du Moi et les plus grandes inquiétudes théoriques au sujet d’un monde dominé par les apparences. De cette topographie, examinons, par exemple, la rue des peintres héroïques. C’est, en effet, sur cette rue, peuplée de peintres flatteurs, que la forme allégorique prend tout son sens. La plupart des gens, assure le texte, ont fait le voyage par vanité et ambition, si bien que les peintres en profitent pour réclamer un salaire exorbitant en exploitant l’amour-propre de modèles remplis de « […] la croyance qu’ils avoient de meriter que leur Memoire fust conservée eternellement aussi bien que celle des plus grands Héros de l’Antiquité36 ». De même, sur toutes les autres rues, le portrait est investi d’un semblable pouvoir d’illusion et d’évocation : il ne donne pas seulement à voir une personne, mais aussi les aspirations qui l’animent, voire les rêves et les prétentions d’une existence sollicitant l’approbation des regards qui la scrutent et désireuse de s’offrir à eux en modèle digne d’être imité. Mais la rue des peintres héroïques met aussi en cause la vanité du modèle, qui est à la fois un topos du discours moral et un problème crucial de la théorie picturale, l’un et l’autre reprenant les thèses de la tradition augustinienne pour mieux rappeler à quel point le peintre est nécessairement réduit à appréhender un sujet dont l’image se confond avec les illusions de l’amour-propre. De ce point de vue, la rue des peintres héroïques ne renvoie pas qu’à une simple topographie, elle comporte aussi une dimension morale, voire éthique qui invite le lecteur à s’observer pour mieux se connaître soi-même. En avançant plus avant sur cette rue, le narrateur se dit ainsi surpris de « trouver encore quantité de personnes masquées37 » : l’aveugle a de faux yeux, alors qu’un autre modèle cache sa jambe de bois en portant de superbes bas de soie. Or, poursuit le texte, tout leur soin était de faire croire qu’ils n’étaient pas masqués : il y en avait même dont « les masques estoient si bien faits, & si adroitement attachez ou collez, qu’on les prenoient pour leur vrai visage38 ». Déçu, le narrateur ne peut que constater les écueils auxquels se heurte l’ambition de représenter le modèle :
Je vis chez eux des Portraits merveilleux ; mais en ayant confronté quelques-uns au visage de ceux pour qui ils estoient faits, lesquels se recontrerent là fortuitement, je connus que c’estoit des Portraits flatteurs & menteurs qui faisoient les personnes beaucoup plus belles, & de meilleure mine qu’elles n’estoient, tellement qu’il n’y avoient que ceux qui ne voyoient point l’original qui y pûssent estre trompez39.
14À ce titre, La Description de l’isle de portraiture et de la ville des portraits se fait l’écho d’un questionnement moral où s’affirme une profonde inquiétude sur la possibilité même d’une représentation du Moi. De fait, Sorel montre à quel point le portrait n’est qu’un masque, parce que tout visage se dissimule sous un voile. La rue des peintres héroïques est donc celle de la tromperie, mais cette tromperie est celle du modèle, et non du peintre, car ce dernier ne fait que reproduire fidèlement sur la toile l’aveuglement du sujet :
Soit qu’ils [les modèles] eussent dessein de tromper les peintres ou les autres hommes, ils vouloient tous que leur portrait fut fait sur ce qu’ils paroissaient être, non pas sur ce qu’ils étoient effectivement40.
15Si le portraitiste de la rue des peintres amoureux est engagé dans d’autres combats, leur enjeu est, encore là, d’ordre moral. Sur cette rue, « la plupart des portraits sont également éloignés du naturel41 », car le modèle est aimé du peintre et cet amour l’aveugle si bien qu’il représente son sujet sous les traits les plus flatteurs. Alors que les peintres héroïques se font payer pour représenter sous un jour avantageux un modèle qu’ils ne connaissent pas, les peintres amoureux peignent par amour et gratuitement un modèle qu’ils sont censés fort bien connaître. Toutefois, l’amour les aveugle à tel point qu’ils ne s’aperçoivent pas qu’ils corrigent les défauts de leur modèle et en donnent bien souvent une représentation qui est non seulement éloignée du naturel, mais de surcroît ridicule, comme en témoigne cet extrait dans lequel l’ironie est manifeste. :
Elles [les modèles] étaient toutes des nymphes & des déesses : les plus vives couleurs étoient employées pour peindre leurs visages & toutes les parties de leur corps ; & […] ils leur donnoient la figure et la ressemblance de tout ce qu’il y avoit de plus beau42.
16Quant à la rue des peintres « burlesques et comiques », elle ne fait l’objet que de quelques lignes. Les peintres y font des portraits ridicules de leurs amis, et toute la difficulté consiste à observer un juste milieu afin de ne pas tomber dans le mépris, ce qui sera le cas des peintres satiriques à qui l’on ne s’adresse que pour demander le portrait d’un ennemi. Si ces derniers n’ont pas de clients, ils en sont réduits à tenter de faire de force le portrait des passants sur lesquels ils se jettent comme sur une proie :
Quand ils l’eurent attrapé, ils lui rompirent les cordons de son masque, l’arrachèrent de son visage, & le foulèrent aux pieds ; & parce que son étonnement l’avoit rendu stupide & immobile, ils crurent qu’il leur donnoit beau jeu pour se laisser peindre en son naturel43.
17Bref, les satiriques semblent arracher les masques de manière à mettre à nu leur modèle, cette recherche de la vérité ne se faisant pas sans violence, les modèles s’avançant toujours masqués comme sur la rue des peintres héroïques. Mais cette volonté de dénoncer à tout prix la vanité du modèle en représentant uniquement ses défauts inquiète vivement le narrateur qui questionne la véritable intention de ces peintres.
18De ce point de vue, il n’est pas étonnant que les peintres de l’île ne parviennent jamais à une représentation qui soit satisfaisante aux yeux du narrateur. Toutefois, lorsque ce dernier réussit à accéder à la rue des peintres censeurs, il constate la force des peintres qui y résident.
J’appris qu’on les redoutoit tellement, que les gens qui avoient des défauts visibles, n’osoient guere se trouver en leur présence, & qu’il ne servoit de rien aussi que de paroître masqués devant eux […], & que même ils avoient les yeux si pénétrans, qu’ils remarquoient les difformités des hommes au travers des masques les plus épais44.
19Le regard des peintres censeurs se rapproche alors de l’effort d’introspection commandé par l’écriture moraliste, puisque, dans les deux cas, il s’agit de scruter l’homme intérieur se dissimulant sous une surface trompeuse. Rappelons que la position occupée par les peintres censeurs est déterminante, car elle contribue à l’évaluation qu’ils sont à même de faire du modèle. En effet, si la description topographique est imprécise, l’auteur insiste beaucoup sur l’angle dans lequel se trouve la rue des peintres censeurs par rapport aux autres. Cet angle particulier permet aux peintres qui y habitent d’adopter un point de vue plus juste sur le modèle et de le saisir sous toutes ses dimensions. Cette rue est, au surplus, la seule que le lecteur peut arriver à situer avec une certaine précision : « cette rue est au bout de la rue Satyrique, & laquelle pourtant en [est] fort différente, quoy que le vulgaire luy donne encore ce titre45 ». Le narrateur la visite en dernier, après avoir visité un carrefour. Deux choses doivent ici retenir l’attention : la proximité avec la rue des peintres satiriques et la mention du carrefour. Le carrefour, en tant que point de rencontre, seul lieu de passage obligatoire, permet, d’une part, aux peintres d’avoir un point de vue idéal sur un quartier ou une rue et, d’autre part, oblige le voyageur à se faire démasquer. Les peintres censeurs occupent ainsi une position privilégiée et c’est précisément cette position qui peur permet de jeter un regard particulièrement mordant sur les travers des hommes. Enfin, la filiation entre peintres censeurs et satiriques, qu’exprime la précision topographique, n’est pas non plus à négliger. La rue des peintres censeurs est une « extension46 » de celle des satiriques, si bien que l’on peut se demander si cette rue existe vraiment ou si ce ne sont pas uniquement les gens avertis ou les connaisseurs qui parviennent à en distinguer les deux segments. Quoi qu’il en soit, les différents lieux dont parle sorel mettent en scène une multiplicité de points de vue à partir desquels se donne à voir un même modèle. Mais il y a plus. En mobilisant ainsi l’espace et la topographie, La Description de l’isle de portraiture devient un lieu favorable à l’expression d’une poétique et d’une anthropologie singulières dont le fondement réside moins dans une représentation topique de l’être humain que dans celle d’une instance fluctuante, le Moi, dont la connaissance se ramène, le temps d’une fiction, à un problème topographique complexe.
Le récit du voyage de Brisevent ou la topographie comme entreprise critique
20 Le Récit du voyage de Brisevent & des peuples estranges qu’il a découverts (1642) est un récit beaucoup plus bref que La Description de l’isle de portraiture 47. Au cours d’extravagantes aventures, le capitaine Brisevent explore plusieurs îles, séjournant tantôt sur une île peuplée de géants tantôt sur une autre peuplée de Pygmées, et faisant tantôt escale dans une province où tout est richesse, tantôt dans un pays où « l’ivrognerie était la seule en crédit48 ». Le narrateur fait constamment allusion aux ouvrages qui l’ont inspiré, qu’il s’agisse La République de Platon, l’Utopie de More, la Cité du Soleil de Campanella et L’atlas nouveau de Francis Bacon. Mais il y a plus. Le texte condense et grossit les erreurs et les imprécisions géographiques que l’on retrouve aussi bien dans les récits de voyage que dans les épopées et les romans en soulignant à quel point les aventures extravagantes de Brisevent ne sont pas plus invraisemblables que celles des récits fabuleux de l’Antiquité, si bien qu’il « trouva que la plupart des choses merveilleuses que racontent les Géographes et les Autheurs, ne sont point si incroyables que plusieurs se les figurent49 ».
21En décrivant des hommes monstrueux et autres extravagances, le récit invite ainsi à se défier des récits de voyage et des descriptions topographiques qu’on y retrouve. De ce point de vue, le texte de Sorel met en scène une posture critique dans laquelle s’affirment d’abord les liens problématiques entre topographie réelle et topographie fictive, comme en témoigne du reste cet extrait :
Les ouvrages dont l’on se veut railler, ne laissent pas d’estre bons en effet, à les prendre en gros ; mais il y a quelques particularitez qui peuvent souffrir les atteintes de la Satyre, ou de la Censure critique50.
22En effet, non seulement les aventures de Brisevent sont-elles dénuées de toute vraisemblance géographique, mais elles se refusent à tout ancrage cartographique, aucun toponyme ne permettant d’identifier l’espace. La topographie devient alors un masque51 propice au surgissement de réflexions théoriques sur la poétique de la fiction, où les différents lieux deviennent prétexte à mettre en scène les topoï propres aux conventions et aux illusions de la fiction :
Ce voyageur vid ainsi plusieurs régions auparavant inconnues, dont je ne vous diray point la situation, non seulement parce que je l’ay oubliée ; mais pource que les Dames s’effaroucheraient de nous entendre parler du Tropique de Capricorne, & des degrez de Latitude et de Longitude ; L’on n’apoint [sic] de bonne grace à parler en ces termes là qu’avec une Sphere ou un Globe geographique à la main52.
23La topographie est, dès lors, tout entière reléguée dans le domaine du divertissement, comme en témoigne ce dernier extrait où, dit-on, « Dorilas a pû ainsi rapporter diverses choses merveilleuses pour nous donner du divertissement en critiquant d’une agreable methode, ce qu’il trouve de mal à propos quelque part53 ». Mais l’essentiel réside sans doute dans le fait que Brisevent puisse se faire à son tour moraliste.
24Mais qu’il s’agisse de La Description de l’isle de portraiture ou du Récit du voyage de Brisevent, la mode de la cartographie allégorique au xvii e siècle ne vise pas tant, en somme, à une description topographique précise, qu’à un relevé de lieux où se dessinent à la fois un jeu mondain, une anthropologie morale et une poétique littéraire. Au surplus, comme l’a déjà fait remarquer Louis Van Delft54, la dimension spéculative de ces textes cède souvent entièrement le pas aux enjeux pragmatiques, soumettant l’écriture cartographique et son déchiffrement à des « impératifs tactiques », ambition que rend bien une expression comme Sçavoir la carte – expression bien connue qu’a longuement commentée Delphine Denis55 et consignée par Antoine Furetière dans son Dictionnaire universel de 1690 :
Sçavoir la carte, se dit non seulement au propre, de ceux qui sçavent la Géographie, mais plus souvent au figuré, de ceux qui connoissent les intrigues d’une Cour, le train des affaires d’un Estat, les destours d’une maison, les connoissances, les habitudes, les secrets d’une famille, d’un quartier56. »
25Ce savoir résulte donc d’une somme d’opérations stratégiques par où trouver « le moyen de parvenir », et il n’est pas indifférent que cette expression ait alors été considérée comme à l’origine d’un engouement pour l’allégorie cartographique, comme Sorel l’affirmait en évoquant, dans sa Bibliotheque françoise, les cartographies morales :
C’est une façon de parler assez ordinaire entre nous de dire, Nous sçavons bien la Carte de ce pays-là, pour faire entendre que nous sçavons bien comment on se gouverne en quelque lieu, ou dans quelque affaire : De là on s’est avisé de faire une Carte de l’Amour & de quelques autres passions […]57.
26En utilisant la métaphore cartographique, la fiction romanesque se trouve, en somme, entée sur de nouvelles formes de sociabilité où le sujet moral se donne en représentation en même temps que l’imaginaire topographique contribue à en fixer la topique tout en favorisant, comme dans La Description de l’isle de portraiture ou Le récit du voyage de Brisevent, la critique. De ce point de vue, la carte a partie liée avec les manières de se conduire en société et d’en apprendre les protocoles, d’en déjouer les illusions et d’en tirer les principes d’une meilleure connaissance de soi.
27Pour expliquer pareille évolution des discours de la morale au xvii e siècle, désormais attentif à ce que toute l’époque appelle le théâtre du monde, on évoque souvent les mutations affectant les cadres de la représentation du monde qu’impliquent l’invention de la science moderne, les nouvelles découvertes ou encore le spectacle de la diversité des mœurs dont font état les voyageurs du Nouveau Monde. Et il est vrai qu’à l’observation de ces terres inconnues correspond l’essor d’un nouveau discours moral, qui tend à se substituer aux morales antiques et chrétiennes, et qui se veut résolument mondain dans un double sens : il se concentre sur le monde, sur l’espace humain et terrestre où il s’agit de vivre ; et il s’intéresse à la mondanité civile et galante, c’est-à-dire à cette société du spectacle indissociable de la vie de cour. C’est pourquoi il importe alors tant de dresser des cartes et d’établir des topographies, afin de mieux se retrouver au sein de ces infimes nuances qui distinguent les diverses affections entre elles et de se livrer, enfin, à cette anatomie du cœur humain dont La Rochefoucauld se réclamera. Ces cartes ont donc toutes un point en commun : elles servent à comprendre ce que l’on appelle l’espace intérieur et à le représenter, et de telle sorte que connaissance de soi, examen critique des apparences et conduite de la vie se trouvent intimement liées. Mais elles rappellent sans cesse de la sorte que, pour l’anthropologie morale, la vie est une redoutable traversée, faite d’incertitudes et où menacent à tout instant écueils et tempêtes, pirates et naufrages, comme plusieurs auteurs ne manqueront pas de le souligner et comme en témoigne, enfin, cette pensée tirée de Saint-Réal :
Malheureusement pour nous, il n’y a point de carte fidèle des abords de l’âme […] et de ses environs ; ainsi on ne peut saisir au juste le chemin que tiennent ses ennemis, les Opinions et les Passions […] et il arrive de là qu’on ne les découvre que quand ils sont dedans et qu’il faut un siège régulier pour les chasser58.
Notes de bas de page
1 C. Sorel, Bibliothèque françoise, Paris, Librairie du Palais, (1664) 1667, p. 146-147.
2 Ibid., p. 169. Sorel fait également allusion à cette mode dans De la connoissance des bons livres, en parlant des « descriptions de diverses choses, à qui l’on donne des noms de villes et de provinces ». C. Sorel, De la connoissance des bons livres, ou examen de plusieurs Autheurs (1671), Genève, Slatkine Reprints, 1981, p. 148.
3 M. De Scudéry, Clélie. Histoire romaine, (1664-1660), Genève, Slatkine Reprints, 1979, tome I, chap. 1, p. 371-413. Notons non seulement la présence, mais aussi la référence à la carte : « Mais nous fumes bien étonnés lorsque Herminius après avoir vu ce que Clélie lui venait d’envoyer, nous fit voir que c’était effectivement une carte dessinée de sa main, […] et qui ressemblait tellement à une véritable carte, qu’il y a des mers, des rivières, des montagnes, un lac, des villes et des villages ; et pour vous le faire voir, Madame, voyez je vous prie une copie de cette ingénieuse carte […]. À ces mots, Célère donna effectivement la carte qui suit cette page […]. » On attribue à François Chauveau la gravure de cette carte.
4 Voir D. Mornet, Histoire de la littérature française classique, Paris, Armand Colin, 1940. Voir aussi J.-M. Pelous, Amour précieux, amour galant (1654-1675), Paris, Klincksieck, 1980 ; D. Denis, Le Parnasse galant, Institution d’une catégorie littéraire au xvii e siècle, Paris, Honoré Champion, 2001 et M.-C. Pioffet, Espaces lointains, espaces rêvés dans la fiction romanesque du Grand Siècle, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2007. Pour une étude d’ensemble, voir Études françaises, Cartographies, B. Beugnot et F. Siguret (dir.) n° 21, automne 1985.
5 D. Denis, Le Parnasse galant, Institution d’une catégorie littéraire au xvii e siècle, op. cit., a montré de quelle façon ces cartes participaient à l’institution d’une nouvelle catégorie littéraire au xvii e siècle.
6 Attribuée au marquis de Maulévrier, « La Carte du Royaume des Prétieuses », publiée anonymement dans C. De Sercy (éd.), Recueil de pièces en prose les plus agréables de ce temps, 1658, t. I, p. 322-323.
7 T. L’Hermite, « La carte du royaume d’amour, ou la Description succincte de la contrée qu’il régit, de ses principales villes, bourgades et autres lieux et le chemin qu’il faut tenir pour y faire voyage », dans C. De Sercy (éd.), Recueil de pieces en prose, les plus agreables de ce temps. Composées par divers autheurs, op. cit, t. I.
8 F. Hédelin D’Aubignac, Histoire du temps ou La relation véritable du Royaume de Coqueterie, Paris, Charles de Sercy, 1664.
9 G. Guéret, La Carte de la cour, Paris, J. B. Loyson, 1663, p. 8-9. Cité par D. Denis, Le Parnasse galant, op. cit., p. 27.
10 Pour une description de l’iconographie, voir E. P. Mayberry Senter, « Les cartes allégoriques gravées du xvii e siècle. Aperçu des gravures crées autour de l’apparition de la “Carte de Tendre” de la Clélie en 1654 », Gazette des Beaux-Arts, n° 89, 1977, p. 133-144.
11 L. Van Delft, « La cartographie morale au xvii e siècle », Études françaises, op. cit., p. 104. On voit bien, écrit-il, « que, quand bien même on voudrait entendre le terme de cartographe, en traitant de l’histoire littéraire, dans le sens le plus restrictif, il serait impossible de ne point faire un sort à la cartographie sans cartes ».
12 Sur cette question, voir D. Denis, Le Parnasse galant, op. cit., p. 22-23.
13 L. Fontaines, Relation du pays de Jansénie, où il est traitté des singularitez qui s’y trouvent, des coustumes, moeurs et religion de ses habitans, Paris, Vve et D. Thierry, C. Barbin, 1660.
14 A. Thomas, sieur D’Embry, L’Isle des hermaphrodites (1605), Genève, Droz, 1996.
15 Fontenelle, « Description de l’empire de la poésie », Œuvres complètes, Paris, Fayard, 1990, tome I, p. 7-11.
16 A. Furetière, Nouvelle allégorique ou histoire des derniers troubles arrivez au royaume de l’éloquence, Paris, P. Lamy, 1658.
17 D’un emploi assez rare avant le xvii e siècle, le mot semble alors assez indéterminé sur le plan sémantique, puisqu’il peut souvent être synonyme de chorographie. C’est ainsi qu’en 1656-1661 est publiée une Topographia gallicae, sive Descriptio et delineatio famosissimorum locorum in potentissimo regno Galliae, traduite en français par Chorographie et topographie du puissant royaume de France. L’ouvrage contient une histoire du pays, des cartes géographiques et des gravures représentant les principales villes. Les topographies, au sens où nous les connaissons aujourd’hui, connaîtront leur âge d’or à partir de la Révolution.
18 C. Sorel, La Description de l’isle de portraiture et de la ville des portraits, (1659), repris dans Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, Amsterdam, s. n., 1788, tome 26, p. 339-422.
19 C. Sorel, « Récit du voyage de Brisevent & des peuples estranges qu’il a découverts », La maison des Jeux (1642), Paris, Antoine de Sommaville, 1647 ; Genève, Slatkine Reprints, 1977, p. 83-116.
20 Voir L. Van Delft dans Littérature et anthropologie. Nature humaine et caractère à l’âge classique, Paris, Presses Universitaires de France, 1993. J’emploie ici, en suivant Van Delft, le terme « anthropologie » dans le sens que lui donne le Dictionnaire de Trévoux de 1721, qui est le premier à définir ce terme : « discours sur l’homme, ou sur le corps humain, terme d’anatomiste ».
21 H. Browne, A Map of Microcosme, or a Moral description of Man, London, T. Harper, 1642. Les textes des moralistes anglais sont mentionnés par L. Van Delft, Littérature et anthropologie, op. cit.
22 S. Person, An Anatomical Lecture of Man, or a Map of the Little World, London, 1664.
23 T. Browne, Religio Medici (1643), Oxford, The Clarendon Press, 1964, L. I, sect 15, p. 15 ; c’est moi qui souligne. Je donne ici la traduction française du xvii e siècle qui ne rend peut-être pas suffisamment la force et la dimension topographique de l’expression Cosmology of myself. Voir T. Brown [sic], La Religion du médecin, s. l., s. n., 1668, p. 55 : « je ne me lasse jamais de contempler ces communes merveilles du flux & reflux de la Mer, qui se fait tous les jours ; du débordement annuel du Nil qui arrouse [sic] les campagnes de l’Egypte & de ce que l’eguille du compas se gouverne & se tourne tousjours du costé du Nort ; mais j’ay tousjours tâsché de comparer ces œuvres aux œuvres communes de la nature, qui sont si peu estimées & j’ay expérimenté que l’on peut faire cecy avec bien peu de peine quand on veut parcourir seulement ce petit monde qu’on porte avec soy : nous avons en nous mesmes toutes les merveilles, que nous cherchons dehors, nous avons toute l’Afrique avec tous ses monstres enfermés en nous-mêmes ». Je souligne.
24 Je ne discuterai pas ici des ressemblances et des différences entre l’utopie et le voyage imaginaire. Rappelons cependant que, si le genre de l’utopie se développe pendant tout le xvii e siècle, le mot paradoxalement s’efface ; les grands textes utopiques de Foigny, Veiras ou Tissot de Patot sont alors appelés « voyages imaginaires » ou républiques imaginaires. En effet, le terme « utopie » n’est pas employé pour désigner une catégorie littéraire avant le xviii e siècle. Sur cette question, voir R. Trousson, Voyages au pays de nulle part, Bruxelles, Presses de l’Université de Bruxelles, (1973) 1999. Le développement du voyage imaginaire est bien évidemment motivé par le grand succès des récits de voyage. Sur le genre du voyage imaginaire, voir J.-M. Racault, L’Utopie narrative en France et en Angleterre, 1675-1761, Oxford, The Voltaire Foundation, 1991. Notons que plusieurs textes cités dans cet article sont réédités au xviii e siècle dans une série intitulée Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, Amsterdam et Paris, 1787-1789, 36 vol.
25 Voir, entre autres, Les singularitez de la France antarctiques de André Thévet, Paris, Les héritiers de Maurice Laporte, 1557 : « la navigation est devenue peu à peu tant frequentée entre les hommes, que plusieurs ne s’arrestant perpetuellement es iles inconstantes et mal assurées, ont finalement abordé la terre ferme […] », chap. 1, p. 2.
26 L’Isle des Hermaphrodites, op. cit., p. 56.
27 Voir F. Lestringant, Le Livre des îles. Atlas et récits insulaires, de la Genèse à Jules Verne, Genève, Droz, 2002.
28 C. De Bergerac, Le Pédant joué, Acte I, sc. 2.
29 C. Sorel, Bibliothèque françoise, op. cit., p. 174.
30 Sur la mode du portrait peint, voir É. Pommier, Théories du portrait. De la Renaissance aux Lumières, Paris, Gallimard, 1998. Sur l’histoire de la mode du portrait mondain, voir l’ouvrage de J. Plantié, La Mode du portrait littéraire en France 1641-1681, Paris, Champion, 1994.
31 C. Sorel, La Description de l’isle de portraiture et de la ville des portraits, op. cit., p. 343.
32 Ibid., p. 339.
33 Ibid., p. 340.
34 On pourrait bien sûr tenter quelques rapprochements. Pendant la première moitié du xvii e siècle, le genre du portrait est principalement illustré en France par des peintres flamands de passage ou installés dans la capitale. Par ailleurs, l’île de portraiture suggère bien sûr la possibilité d’un voyage vers la péninsule italienne, pour visiter Rome, « sa ville capitale » où l’on voit en public, tout comme dans l’allégorie de Sorel, « les statues de tous les héros que l’Antiquité avoit révérés ». Sur cette question, voir l’introduction de Martine Debaisieux à l’édition moderne du texte de C. Sorel, Description de l’île de portraiture, Genève, Droz, 2006, p. 32-62.
35 F. Hédelin, abbé D’Aubignac, Macarise ou la reine des îles fortunées, Genève, Slatkine Reprints, 1979, p. 570. Cité par M.-C. Pioffet, « Charles Sorel et la topographie allégorique », Charles Sorel polygraphe, Québec, Presses de l’Université Laval, coll. « La République des Lettres », 2006, p. 399-419. Rappelons ici que Macarise est un espace insulaire aussi problématique, car D’Aubignac escamote lui aussi toutes les péripéties de la traversée.
36 Ibid., p. 345.
37 Ibid., p. 348.
38 Ibid.
39 Ibid., p. 347.
40 Ibid., p. 349.
41 Ibid., p. 352.
42 Ibid., p. 353.
43 Ibid., p. 359.
44 Ibid., p. 362.
45 Ibid.
46 Ibid.
47 C. Sorel, « Le récit du voyage de Brisevent & des peuples estranges qu’il a découverts » est un épisode de l’ouvrage intitulé La Maison de Jeux, où se trouvent les Divertissements d’une Compagnie par des Narrations agreables, & par les Jeux d’esprit, & autres Entretiens d’une honneste conversation, Paris, Antoine de Sommaville, (1642) 1647, p. 83-116. Sur ce texte, voir en particulier, Marie-Christine Pioffet, « Charles Sorel et la topographie allégorique », op. cit., qui cite quelque passages repris ici.
48 Ibid., p. 112.
49 Ibid., p. 84-85.
50 Ibid., p. 142.
51 Sur cette question du « masque topographique » dans les récits allégoriques, voir M.-C. Pioffet, « Charles Sorel et la topographie allégorique », op. cit.
52 C. Sorel, « Le Récit du voyage de Brisevent […] », op. cit, p. 112-113.
53 Ibid., p. 146.
54 L. Van Delft, « La Cartographie morale au xvii e siècle », op. cit.
55 D. Denis, « “Sçavoir la carte” : Voyage au “Royaume de Galanterie” », op. cit.
56 A. Furetière, Dictionnaire universel, 1690, Paris, SLN Le Robert, art. « carte ».
57 C. Sorel, Bibliothèque françoise, op. cit., p. 152-153.
58 Saint-Réal, De l’usage de l’histoire (1671), Lille, Groupe de recherches sur la littérature des xvii e et xviii e siècles, 1980, p. 16.
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