« La mort l’angoisse. » Le récit de la mort dans Aliscans
p. 79-91
Texte intégral
1Les chansons de geste ont pour prétention de dire la vérité, de retracer les hauts faits du passé en mettant en valeur les nobles actions des grands feudataires. Même si l’épopée ne constitue pas un récit historique en tant que tel, elle fait référence à certaines réalités. Ainsi Aliscans, chanson de la fin du xiie siècle, porte un regard sur la lutte contre les Sarrasins, sur l’extension de l’Islam en terre chrétienne. L’idéologie de la croisade est sous-jacente ; l’héroïsme guerrier est mis au service de Dieu et devient manifestation d’un christianisme militant. Aliscans est le récit d’une cruelle défaite suivie d’une revanche éclatante de la chrétienté sur le paganisme. L’œuvre s’ouvre et se ferme sur la description de massacres sanglants. La mention de cadavres gisant sur le sol, de membres tranchés, de crânes éclatés, de viscères s’échappant des corps, du sang coulant à flots, est propre à susciter l’horreur. Cependant, le poète d’Aliscans, héritant d’une tradition déjà bien ordonnée et devant obéir à des règles d’écriture bien précises, a le sens de l’écart. Il s’agit d’occulter l’horreur guerrière par l’humour, non seulement par l’intrusion de personnages burlesques (Rainouart au tinel) ou par la narration de scènes comiques (Guillaume saisissant la reine de France, sa propre sœur, par les cheveux, la traitant de « pute lisse provee », vers 31581) mais surtout par l’emploi d’un vocabulaire plaisant. Bien que le poète reste dépendant des modèles, il appréhende de manière nouvelle la matière épique en soulignant l’importance du langage.
2Le poète a la même prescience que Dieu devant sa création, il sait à quel moment mourront ses personnages et selon quelles circonstances. Il s’autorise, dès lors, à annoncer la fin prochaine des chevaliers au début de l’œuvre, dans la première laisse de la chanson. Les premiers vers d’Aliscans plongent, cependant, l’auditeur au milieu d’un combat déjà bien commencé. Cette ouverture in medias res d’Aliscans ne peut que surprendre un auditoire habitué à entendre, avant toute chose, l’exposé de la situation et l’annonce de ce qui suit. Le poète prend également grand soin d’avertir de la mort de l’un des personnages principaux. Toutefois, dans Aliscans, si l’on apprend les morts prochaines de Guillaume, qui, devenu saint, louera le Seigneur parmi les anges :
Que il est sainz : Dex l’a fet beneïr
Et en sa gloire et poser et seïr,
Avec les angles aorer et servir (vers 709-711)
3et de Rainouart, qui ira rejoindre les anges :
Dex l’en rendi un gloreiex loier :
Avec les anges en fist l’ame aeisier (vers 3403-3404)
4celles-ci ne surviennent pas dans notre texte, mais dans des récits qui lui font suite – le Moniage Guillaume et la Bataille Loquifer. Le poète d’Aliscans, on le voit, s’écarte déjà de la tradition, en jouant, non sans humour, sur les habitudes textuelles.
5Les guerriers des chansons de geste succombent habituellement sur le champ de bataille. Tous ne meurent pas de la même manière, certains trépassent en compagnie de leurs frères d’armes, alors que d’autres agonisent seuls. Les morts ne sont pas, non plus, toutes mises en valeur. Il arrive au poète de ne consacrer qu’un seul vers à des dizaines de chevaliers tombés au combat ou de développer, sur plusieurs laisses, la disparition d’un seul guerrier. Tout dépend de la valeur et du rôle que tient le personnage dans l’histoire. S’il s’agit du héros, il est naturel que le poète s’attarde longuement sur sa mort, au contraire, s’il est question d’un simple soldat de l’armée, la narration ne peut s’étendre sur la fin d’un inconnu dont le décès n’affecte en rien le déroulement du récit ; chacun a la mort qu’il mérite. Les trépas, décrits dans Aliscans, restent des plus classiques, tel celui de Vivien qui a le temps de se confesser et de recevoir la visite d’un ange venu le réconforter. Après sa mort, son âme s’envole et Dieu la reçoit au Paradis :
L’ame s’en vet, n’i pot plus demorer ;
En paradis la fist Dex osteler
Avec ses angles et metre et aloer (vers 1003-1005).
6La fin des traîtres, des méchants, est bien différente, ces derniers meurent sans honneur. Ils ne périssent pas les armes à la main et ne peuvent connaître une mort paisible et glorieuse, à cause des péchés qu’ils ont commis. Les cuisiniers qui se moquent de Rainouard et le torturent subissent une mort infamante. Rainouart en tue deux, il occit le premier à coups de tinel (vers 3984-3989) et le second en le jetant dans la cheminée (vers 4536-4560). Parti à la bataille sans son tinel, Rainouart, tout joyeux de voir qu’on le lui rapporte sur une charrette, s’en saisit si maladroitement qu’il écrase le conducteur de la charrette (vers 4952-4954). La virulence et la maladresse de Rainouart participent, bien entendu, du ton humoristique. Des Sarrasins, traîtres envers le Seigneur Dieu, assiégeant Orange, occupée seulement par des dames, sont tués sous les pierres qu’elles lancent du haut de la muraille (vers 4139-4153). Le ton est ironique, de faibles femmes sans défense parviennent à anéantir, tout entier, un corps d’armée en jetant des pierres sur la tête de leurs agresseurs. La pendaison reste néanmoins la mort la plus infâme, le condamné meurt lentement et son cadavre est exhibé jusqu’à ce qu’il soit décomposé2. Ce châtiment a un double sens, puisqu’il s’agit de punir le coupable, de le mettre hors d’état de nuire et de donner à cette mort une valeur exemplaire et édifiante, par l’exposition du cadavre. Les deux beaux-fils de Guillaume, des Sarrasins, sont pendus (vers 1250), bien qu’ils aient été décapités peu de temps auparavant (vers 1246). Comment peuvent-ils avoir été pendus, s’ils n’ont plus de tête ? Peut-être ont-ils été pendus par les pieds, mais cela reste peu probable. Rien n’est dit à ce sujet dans le texte et la pendaison par les pieds est une mort des plus inhabituelles. Le poète s’amuse ici à faire se succéder des formules usuelles et suscite un problème d’ordre physique et logique.
7La place occupée, dans Aliscans, par les Sarrasins invite à se pencher, rapidement, sur l’image que le poète donne des adversaires de la chrétienté, de ces monstres qui tuent tant de chevaliers, et dont certains vont même jusqu’à porter le mot « mort » dans leur nom : Morant (vers 351), Plantawor (vers 1442), Morré (vers 1445), Morganes (vers 4550), Morindes (vers 5724), Moraan (vers 6572). Décrits de manière grotesque, tel Haucebier dont les yeux sont écartés d’un demi-pied (vers 366) ou Aérofle qui renâcle comme un sanglier (vers 1549), les païens se situent aux limites de l’humanité par leur caractère hybride3, mais aussi par leur anthropophagie. Guinehart mange, toute crue, la chair des guerriers chrétiens (vers 6676) et Aenré engloutit de nombreux Français (vers 6031). Agrapart, voulant dévorer Rainouart, ne parvient qu’à le mordre (vers 6291) ; l’effet se veut comique dans la mesure où la morsure est faite à la fesse. Flohart, quant à elle, géante à l’haleine empestée, mâche entre ses dents le haubert de Rainouart, comme s’il s’agissait, nous dit, non sans malice, le poète d’Aliscans, d’un fromage :
Et Flohart a la ventaille saisie,
As denz li a del hauberc esrachie ;
Aussi tranglot com ce fust formagie (vers 6767-6769).
8Le portrait des Sarrasins, incarnations de l’horreur, n’a pas tant pour but de susciter l’effroi de l’auditeur que de le faire rire de ces païens, rabaissés au rang de l’animalité. C’est davantage la dérision que la peur que le poète cherche à faire ressentir4.
9Le ton humoristique se retrouve dans les mots mêmes. Pour dire la mort, le poète dispose de différents termes. Le mot « mort5 » et ses dérivés – le verbe « morir » et l’adjectif « mortel » – apparaissent ainsi cent cinquante-quatre fois dans la chanson6. « Mort » est la plupart du temps employé seul, mais peut entrer dans des locutions : « mort le trebuche7 », « mort l’abati8 » et sa variante « l’abat mort », qui caractérisent la fin particulière du chevalier tombant de cheval au cours d’un assaut. « Occire9 », verbe usuel pour désigner la mort d’un homme tué au cours d’une bataille, est noté à soixante-deux reprises, tandis que « tuer10 », dont le sens est : ôter la vie de façon violente, apparaît trente fois. Encore est-il possible de périr brûlé, noyé, étranglé, pendu et même lapidé11. Enfin, des verbes comme « desmembrer », « detranchier », « decoper12 », renforcent l’horreur de la mort au combat. Tous ces termes se retrouvent, cependant, dans la quasi-totalité des chansons de geste. L’originalité de notre poète réside, en revanche, dans le recours aux figures de rhétorique, qui permettent d’atténuer l’horreur des chocs guerriers en détournant l’attention de l’auditoire par le caractère formulaire des descriptions et d’introduire, dans de nombreux cas, une note plaisante. Le recours aux expressions stéréotypées, dans les descriptions hyperboliques montrant des corps éventrés et des plaines entièrement couvertes de cadavres, dissimule ainsi l’effroi des massacres par une routine répétitive. Mais l’emploi de tours euphémiques masque, davantage encore, l’horrible réalité. Toute une série d’expressions se construit autour du verbe « perdre » – perdre la vie, perdre la fleur de son lignage – alors qu’une autre se regroupe autour de la négation ; ne plus vivre, ne pas en réchapper, c’est donc mourir13. On peut aussi relever des termes tels que « domage », « domager » ou des expressions dont le sens est : fendre la mêlée14. Le poète utilise encore l’euphémisme lorsqu’il parle du départ de l’âme au Paradis15. L’humour peut s’insinuer dans certaines expressions, la mort y est alors exprimée de manière voilée, détournée, et c’est ce décalage qui provoque le sourire. Guillaume a tué tant de païens
Qu’a norreture n’en a il nul lessez (vers 2157).
10À un Sarrasin qui l’attaque, il fait sentir le tranchant de son épée (vers 53). Comme substitut du mot « mort », le poète se sert des groupes verbaux : mettre en bière (vers 1826) et mettre en enfer (vers 6820), procédant de la sorte à un raccourci. Le poète d’Aliscans joue, en particulier, sur le mot « salu » au sens de démonstration de civilité, lorsque Guillaume dit à Aérofle :
A ceste espee vos ai fait tel salu
Dont je vos ai le cuer mout irascu (vers 1620-1621).
11et au sens de félicité éternelle :
Dist Aarofle : « Gloz, trop avez vescu.
Ja vos donré un dolereus salu » (vers 1374-1375).
12Le groupe « dolereus salu », comme l’a bien remarqué Bernard Guidot16, tient autant de l’euphémisme que de l’oxymore, le salut étant censé être radieux, et non douloureux, puisque l’on se rapproche de Dieu. Dans deux exemples d’antiphrase, le vocabulaire des coups mortels est remplacé par celui du don :
Paiens requierent et menu et sovent,
Les branz d’acier lor tienent en presant (vers 5908-5909).
Dist Renoart : « Tien ore a bone estrine ! » (vers 6312).
13Comparaisons et métaphores donnent également l’occasion de sourire. Si le poète est peu original lorsqu’il compare le chevalier à un charpentier au travail – comparaison présente dans de nombreuses chansons :
Des Sarrazins fist tel ocision,
Si les destranche et abat el sablon
Com charpentier fet menu bochillon (vers 5817-5819)
14il l’est davantage dans les métaphores :
M. Sarrazins en fist puis baaillier (vers 3396).
15Bernard Guidot note que « le mot fait image, puisqu’il implique que le sujet ait la bouche ouverte, ce qui permet à l’âme de s’envoler17 ». Le verbe « confesser » peut prendre le sens de faire mourir (vers 3201-3202, 4495-4497, 5588-5590), le sacrement de la confession qui offre le pardon de Dieu est ainsi substitué à la mort ; l’écart est grand entre le douloureux passage qu’est la mort et la générosité divine18. Ainsi le poète joue-t-il sur le sens des mots. Il s’agit de transformer la matière épique par le langage et de faire surgir des images plaisantes, dans le monde de la violence et de l’horreur guerrière, pour détendre l’atmosphère.
16La mort possède également son propre discours, le planctus. « Passage d’une chanson de geste exprimant la douleur ressentie par un personnage en présence du cadavre d’un compagnon d’armes19 », l’éloge funèbre est un genre lyrique par nature, inexistant hors d’un récit, hors de l’exposé d’une situation, qui lui confère sa fonction significative. Le planctus se compose de motifs20 : le lien narratif – passage assez court, servant à la fois de transition avec le récit qui précède et d’introduction au discours qui suit – constitué de deux éléments (la vision du mort et l’annonce de la plainte), l’apostrophe au mort, la prière pour l’âme du défunt, son éloge fait de manière directe ou indirecte, l’indication des signes extérieurs de la douleur, l’expression de la douleur intérieure, l’allusion à la patrie lointaine, le topos ubi est ?21, l’évocation de la situation présente à l’aide du mot « mort », le motif marefustes soulignant la fatalité dont le défunt a été victime, la mention de l’amitié pour le mort, et enfin la manifestation de la vengeance. Deux motifs seulement sont fixes (le lien narratif et l’apostrophe) et sont comme les signalisateurs formels du planctus. Les autres motifs, contenant plus d’affectivité, peuvent changer de place et se remplacer les uns les autres. Des formules servent à traduire les motifs. Le lien narratif est de la sorte indiqué par le verbe « veoir » accompagné d’un complément d’objet, qui est le nom du mort ou un terme le représentant. Ce verbe est parfois associé au verbe « gesir » ou encore remplacé par le verbe « truver ». L’apostrophe est indiquée par le nom même du mort. La prière est manifestée soit par une formule fixe (« de vos/ de tei ait Deus mercit »), soit par une formule plus longue et plus variable. L’éloge du défunt est marqué de façon directe par le tutoiement ou le vouvoiement et de façon indirecte, soit par le recours à la troisième personne, soit par la plainte de celui qui prononce le planctus : par la perte de celui qui a été tué, l’auteur de la déploration sera moins heureux et des malheurs s’abattront sur lui. Les signes extérieurs de la douleur sont exprimés par les verbes « plurer », « se pasmer », ainsi que par des tournures signalant le fait de s’arracher la barbe ou les cheveux. La douleur intérieure est, elle, extériorisée par un vocabulaire typique, les mots « duel22 » et « pitét ». L’évocation d’un pays, d’une ville ou d’une région fait allusion à la patrie lointaine. Le motif de l’amitié pour le défunt s’exprime par des mots soulignant le lien de parenté ou le compagnonnage – « frere », « fix », « niés », « oncles », « ami », « cumpaign » – ou par les verbes « amer », « avoir cher ». La vengeance, quant à elle, regroupe diverses formules qui appellent à la reprise des hostilités afin d’éliminer le meurtrier.
17Aliscans présente un planctus, celui de Guillaume sur Vivien. Cette très longue déploration se déploie sur deux cent soixante-sept vers. Cet éloge funèbre constitue une pause dans le récit. Planctus lyrique et nostalgique, il exprime l’immense douleur de Guillaume et honore un valeureux chevalier, Vivien. Ce planctus est une pure digression dans l’économie narrative de l’œuvre. Elément dramatique, il marque un temps d’arrêt dans le récit rapide, violent et acharné des combats, qui semblent être, à cet instant, suspendus. À la fois éloge d’un preux chevalier, manifestation de la peine d’un autre, le planctus d’Aliscans est semblable à ceux que l’on trouve dans d’autres chansons. Bernard Guidot y voit même « un vestige du passé dans une œuvre nouvelle23 ». Toutefois, dans certaines circonstances, il arrive que le poète d’Aliscans se permette de détourner l’éloge funèbre de son sens véritable. Lorsque Rainouart oublie, à plusieurs reprises, son tinel (vers 38773880, 3901, 4911-4913, 6952), il compose de véritables planctus sur son arme, dans lesquels se retrouvent les principaux motifs de la déploration. Il s’aperçoit de la disparition de son tinel (vers 3877-4910), exprime sa douleur intérieure par le mot « duel » (vers 3878-3880, 6952), s’arrache les cheveux (vers 3879, 3901, 4911) et pleure (vers 4912). Cette parodie du planctus n’est pas le seul fait de Rainouart, Guillaume fait l’éloge de son cheval Baucent :
Biau Sire Dex, de ma vie pensez !
Dame Guiborc, jamès ne me verrez.
Cheval, dist-il, mout par estes lassez ;
Se vos fussiez. III. jorz sejornez,
Je me refusse as Sarrazins mellez,
Si m’en vengasse, quar a tort sui navrez ;
Mes or voi bien qu’aidier ne me poez.
Si m’aïst Dex, n’en dois estre blamez,
Quar tote jor mout bien servi m’avez ;
Petit fu ore ne fussiez galopez
Et coreüz, poinz et esperonez.
De ton servise te rent merciz et grez ;
S’estre peüsses a Orenge menez,
N’i avroit sele devant. XX. jorz passez ;
N’i mengissiez d’orge si fust purez,
.II. foiz ou. III. o le bacin colez,
Et li fourages fust jentil fein de prez,
Tot esleüz et en seson fenez ;
Ne beüssiez s’en vessel non dorez ;
Le jor fussiez. IIII. foiz conreez
Et de chier poile trestoz envelopez.
Se en Espaigne es des paiens menez,
Si m’aïst Dex, mout en serai irez (vers 566-588).
18Le décalage est certain, puisque le destrier n’est pas mort et encore faut-il remarquer le déséquilibre des paroles, un seul vers est consacré à Dieu et un autre à Guibourc contre vingt et un à la monture. Notre poète n’hésite pas à sacrifier à l’intention satirique. Il contrefait le planctus, de manière parodique et humoristique.
19La déploration funèbre est sélective, ne célébrant que ceux qui sont dignes d’un tel hommage, le planctus étant inspiré « par le mort, et non par la mort24 ». L’ennemi n’a, bien sûr, pas droit à un tel éloge. Il serait inconcevable de regretter la mort de celui dont on a enfin réussi à se débarrasser au prix de grands efforts. Le discours tenu au vaincu, loin de l’encenser, devient insulte au mort :
Alors que le planctus est prononcé par un parent ou un ami du mort dans l’affliction et la piété, c’est dans un sentiment de vengeance satisfaite qu’un vainqueur insulte celui qu’il vient de tuer25.
20Le poète d’Aliscans multiplie les allusions désobligeantes, lesquelles peuvent s’étendre sur plus de dix vers (1368-1373, 1619-1633, 3984, 5645-5646, 59745975, 6043-6046, 6218-6226, 6312-6313, 6703-6704, 6782-6783, 6961-6963). Guillaume en prononce deux et annonce aux Sarrasins leur entrée en Enfer, ils iront rejoindre Belzébuth :
El puis d’enfer iras o Belzebu
Avec tes dieux Mahomet et Cahu (vers 1372-1373)
El puis d’enfer iras o Belzebu,
Avec ton Deu Mahomet malostru (vers 1632-1633).
21Si les injures de Guillaume restent de bon ton, en se plaçant dans une perspective religieuse, celles de Rainouart sont plus humoristiques et tournent les païens en ridicule. Il n’hésite pas à leur dire qu’il leur a fait un beau cadeau en leur ôtant la vie :
Dist Renoart : « Tien ore a bone estrine ! » (vers 6312)
22et que, pour eux, sont finies les rondes et les danses :
Jamés n’irez a treche ni a bax (vers 6704).
23Dans sa bouche, l’insulte devient sommation au mort à aller de l’avant :
Dist Renoart : « Or de l’aller najant ! » (vers 5645)
Dist Renoart : « Or avant, Aenré ! » (vers 6043)
Dist Renoart : « Alez avant, Borrel ! » (vers 6218)
24ou à se taire :
« Teis gloz, dist il, leisse ton ramponer ! » (vers 3984)
Dist Renoart : « Jesez vos toute coie,
Vieille punese, gardez que ne vos oie ! » (vers 6782-6783).
25Rainouart, par ses injonctions provocantes, nie la réalité de la mort en s’adressant au cadavre, comme il le ferait à un vivant.
26La douleur peut s’exprimer par les mots grâce aux planctus, mais ceux-ci prennent parfois la forme de monologues intérieurs et ne sont alors pas connus de tous. Les gestes, au contraire, sont des phénomènes visibles par tous et servent à manifester sa propre peine devant la mort d’un être cher. La gestuelle de la mort est structurée et codifiée. Ces gestes ne sont pas naturels mais culturels et sont un moyen de manifester la douleur. Ils sont aussi bien le fait des hommes que des femmes, tous expriment leur peine de la même manière. La pâmoison est certainement la manifestation la plus courante. Deux types de perte de conscience se distinguent cependant, celle du chevalier blessé qui mourra dans peu de temps - défaillance naturelle causée par la souffrance due aux profondes blessures (vers 157-159) – et celle des proches – preux chevaliers et gentes dames s’effondrent à terre – soit devant le cadavre, soit seulement en apprenant la mort de l’être cher (vers 822-823, 869, 929, 1012, 7431). Il ne faut pas s’étonner de voir dans nos chansons nombre de chevaliers se pâmer en groupe, maints valeureux guerriers tomber à terre en même temps :
Maint chevalier i veïssiez pasmer (vers 7432).
27Ce type de vers pourrait prêter à sourire et faire penser à la faiblesse de caractère des chevaliers. À première vue solide soldat et brave, le guerrier serait, en définitive, d’une excessive émotivité. Certes, le chevalier du Moyen Âge n’avait pas la même sensibilité que l’homme d’aujourd’hui et manifestait peut-être davantage ses sentiments, mais il ne faut pas oublier que la gestuelle de la mort se définit avant tout par l’exagération :
La mort est une rupture. Dans bien des cas, les gestes qui l’accompagnent constituent eux aussi une double rupture : rupture avec la morale chrétienne des gestes qui suppose une modestie de tenue, rupture avec la vie normale, qu’exacerbe la gesticulation mortuaire. Car les gestes du deuil ne relèvent pas de l’acception calme et sereine de la mort et de la décision divine. En la matière, l’excès est la règle, voire la norme supportée, sinon souhaitée par l’Église26.
28Ce caractère hyperbolique se retrouve lorsque le personnage s’arrache les cheveux ou la barbe. Il s’agit alors de marquer sa douleur, de l’inscrire sur son visage même. L’automutilation permet d’extérioriser sa peine et de montrer, avec ostentation, une douleur intérieure. Les autres manifestations de la douleur sont nettement moins impressionnantes ou violentes. L’on pleure beaucoup dans notre chanson (vers 200-201, 798, 817, 860, 875, 879, 976, 1006-1007, 1081, 2239, 2281-2282, 7431) et peut-être plus les femmes que les hommes. Dans une scène de lamentations, dames et demoiselles pleurent abondamment et leur tumulte ne cesse de croître :
Li dels enforce et li huz et li criz (vers 2283).
29Il arrive que l’on prenne le mort dans ses bras (vers 880, 976-980) et même que l’on embrasse le cadavre (vers 873, 875-878, 1080). Enfin, un personnage peut se tordre ou se frapper les mains l’une contre l’autre. C’est le geste rituel des pleureuses, mais il n’apparaît qu’une seule fois dans notre texte (vers 818-819), et le narrateur mentionne le fait sans développer davantage. Dans l’épisode où Rainouart pleure son tinel, et l’on se souvient de la dimension parodique de la scène, celui-ci imite le geste des pleureuses. Ce solide gaillard frappe, non pas ses mains l’une contre l’autre, mais ses poings (vers 4913), ce qui accentue encore le décalage et l’intention humoristique du passage. Tous ces gestes sont hiérarchisés et apparaissent dans notre texte selon un ordre précis ; l’on assiste à une gradation des manifestations. En premier lieu vient la pâmoison ou tout au moins le fait de se laisser tomber à terre, puis les manifestations sonores (les pleurs mais aussi le planctus) et, pour terminer, les signes durables qui marquent les survivants dans leur chair, se tirer la barbe ou s’arracher les cheveux.
30Tous ces gestes n’ont pas besoin d’explications, pour être expressifs. Ce sont des manifestations non-commentées ou, si elles le sont, elles le sont par le silence. Ainsi nos poètes notent-ils qu’il y eut grand deuil (vers 2238, 2280), que jamais on ne vit une telle douleur – souffrance qu’ils nous laissent imaginer sans ajouter de commentaires. D’un genre différent mais d’un effet plus saisissant est le silence qui suit la question ubi est ? L’appel des morts sur le champ de bataille reste sans réponse, il ne sert à rien de crier des noms puisque personne ne répond. S’il y a réponse, c’est pour annoncer la mort :
Sire, dist ele, ou est remés Bertrant
Et Guïelin et Guichart le vaillant…
– Dame, dist il, mort sont en Aleschant (vers 2242-2247).
31Ces silences collectifs sont souvent renforcés par l’attitude même des participants, alors en larmes (vers 2238-2239).
32Le poète d’Aliscans livre un récit de la mort en tous points semblable à ceux de ses confrères. Descriptions des cadavres, planctus, gestes de deuil sont autant d’éléments conventionnels que l’on retrouve dans Aliscans. Mais tout en se servant des techniques traditionnelles des chansons de geste, le poète, par l’humour, modifie la tonalité de l’une ou l’autre scène. Il ne remet cependant pas en cause l’univers épique mais, par sa fantaisie verbale, participe à son renouvellement. Ses traits d’esprit donnent l’occasion à un humour, tantôt léger, tantôt féroce, de se développer. Ce travail sur le langage permet de dissimuler l’angoisse de la mort, de la travestir ou même de nier sa réalité, c’est un moyen d’apprivoiser la mort27. La vitalité d’Aliscans exorcise ainsi la crainte de la mort.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Nous nous référons à l’édition critique de Claude Régnier, Paris, Champion, 1990. Une traduction en français moderne a été publiée par Bernard Guidot et Jean Subrenat, Paris, Champion, « Traductions », 1993.
2 La mort par pendaison se retrouve souvent dans les menaces adressées à l’ennemi (vers 3461, 6128, 7485, 7591, 7594).
3 Sur ce sujet, l’on consultera Bancourt (Paul), Les Musulmans dans les chansons de geste du cycle du roi, Aix-en-Provence, Université de Provence, 1982.
4 La volonté de ridiculiser les Sarrasins se poursuit jusque dans les noms que leur donne le poète, les noms de bon nombre de païens étant construits sur des préfixes à sens défavorable, Mal- (/Mau-après vocalisation du « l ») : Mallars de Caudie (vers 5305), Malquidant (vers 5681), Malguipe (vers 6391), Maltriblez (vers 6569), Malars (vers 6571), Malatars (vers 6571), Malez (vers 6571), Mauduit de Rames (vers 5306), Mautriblez (vers 2175) ; Mar- : Marchepalu (vers 1341), Marados d’Aquitaine (vers 5232), Margot de Val-Fondee (vers 5328), Margot de Bocidant (vers 5913).
5 Vers 14, 39, 42, 48, 62, 66, 110, 133, 139, 142, 166, 172, 194, 197, 240, 252, 313, 316, 328, 446a, 463, 468, 470, 530, 546, 661, 665, 691, 707, 766, 773, 779, 805, 812, 830, 842, 844, 848, 854, 856, 893, 899, 923, 969, 990, 1126, 1132, 1183, 1199, 1287, 1310, 1325, 1341, 1342, 1368, 1376, 1381, 1405, 1558, 1709, 1775, 1790, 1832, 1978, 1979, 2009, 2046, 2092, 2096, 2142, 2220, 2234, 2248, 2272, 2290, 2334, 2521, 2526, 2536, 2632, 2829, 3059, 3208, 3308, 3748, 3929, 3983, 4129, 4194, 4355, 4366, 4479, 4507, 5070, 5392, 5394, 5443, 5465, 5533, 5441, 5561, 5597, 5610, 5674, 5682a, 5694, 5748, 5756, 5771, 5777, 5786, 5834, 5836, 5865, 5867, 5903, 5952, 5965, 5978, 5981, 5986, 5989, 5998, 6002, 6025, 6027, 6042, 6061, 6065, 6071, 6090, 6111, 6123, 6139, 6148, 6217, 6272, 6311, 6315, 6417, 6499, 6654, 6661, 6719, 6781, 6849, 7017, 7220, 7229, 7260, 7313, 7515, 7901, 8060.
6 À titre de comparaison, « mort » est noté à cent soixante-dix-sept reprises dans La Chanson de Roland.
7 Vers 1183, 1368, 1832, 2526, 5786, 5865, 6217.
8 Vers 5392, 5674, 6311.
9 Vers 15, 308, 354, 371, 449, 534, 541, 635, 648, 1259, 1791, 1857, 2155, 2284, 2565, 2830, 3388, 3393, 3400, 4099, 4149, 4241, 4702, 5222, 5395, 5397, 5430, 5433, 5490, 5555, 5653, 5681, 5692, 5817, 5821, 5827, 5995, 6058, 6122, 6131, 6133, 6207, 6329, 6343, 6424, 6461, 6531, 6613, 6632, 6647, 6672, 6729, 6806, 6862, 6990, 7075, 7337, 7720, 7828, 8035, 8179, 8181.
10 Vers 375, 1278, 1885, 3241, 3560, 3605b, 3657, 3791, 3973, 3996, 4067a, 4438, 4505, 5285, 5566, 5643, 5734, 5746, 5879, 5944, 6014, 6027, 6034, 6660, 6843, 6859, 6911, 7084, 7343, 8176.
11 Mort par pendaison : vers 1250, 1347, 3461, 6128, 7485, 7591, 7594, par noyade : vers 649, 32553256, 4161, 4198-4199, 4586, 5644, par étranglement : vers 3945, 6031, par lapidation : vers 4201, 5331, 5943, 6033.
12 « Desmembrer » : vers 729, 1266, 1490, 2080, 2155, 7642. « Detranchier » : vers 141, 213, 547, 1072, 1839, 2541, 2555, 5818, 5910. « Decoper » : vers 1857, 4394.
13 « Perdre » : vers 222, 1942, 2632, 5832. Perdre la fleur de son lignage : vers 471, 924-925, 971. Ne pas en réchapper : vers 44, 467, 2272, 6127, 6136, 7575, 8174.
14 « Domage/domager » : vers 75, 1343, 2630, 7827. Rompre la presse : vers 146, 5870, 6015, 6179.
15 Vers 102, 234, 529, 703, 1003, 3317, 5065, 5368, 5611.
16 Guidot (Bernard), « Le Monde de la guerre dans Aliscans : horreur et humour » dans Mourir aux Aliscans, Aliscans et la légende de Guillaume d’Orange, Paris, Champion, 1993, p. 94.
17 Ibid., p. 95.
18 L’image s’explique peut-être parce que, de la même manière que le guerrier donne un coup d’épée sur la tête de son ennemi, le confesseur touchait la tête du pénitent à l’aide d’un long bâton, comme l’explique Philippe Ménard, Le Rire et le sourire dans le roman courtois en France au Moyen Âge (1150-1250), Genève, Droz, 1969, p. 114.
19 Zumthor (Paul), « Étude typologique des planctus contenus dans la Chanson de Roland » dans La Technique littéraire des chansons de gestes, Paris, Les Belles Lettres, 1959, p. 219. Sur la composition des planctus, l’on consultera aussi l’article suivant : « Les Planctus épiques », dans Romania, n° 84, 1963, p. 61-69.
20 Sur la définition des termes « motifs » et « formules », l’on se reportera à Jacquin (Gérard), Le Style historique dans les récits français et latins de la quatrième croisade, Paris-Genève, Champion-Slatkine, 1986, p. 261-265.
21 Le thème ubi est ?/ubi sunt ? vise moins à susciter l’effroi que le désenchantement. Sur ce sujet, l’on consultera Payen (Jean-Charles), « Le Dies iræ dans la prédiction de la mort et des fins dernières au Moyen Age », dans Romania, n° 86, 1965, p. 69 : « La puissance de la mort n’y est évoquée sous aucun de ses aspects matériels et tangibles ; elle n’est suggérée que par l’absence même de réponse à une question unique et sans cesse réitérée : “Où sont-ils, les superbes et les sages ?” L’ubi sunt ? est une angoisse de philosophe, qui prend conscience de la vanité des efforts humains, ou encore une interrogation réservée à ceux qui ont eu l’ambition de dominer leurs semblables par l’autorité de leur pouvoir ou la pénétration de leur intelligence. »
22 Pour de plus amples informations, l’on se référera à Queffélec (Ambroise) et Bellon (Roger), Linguistique médiévale, Armand Colin, Paris, 1995, p. 148-150 : « Duel désigne uniquement la douleur psychologique […]. Il peut dénoter aussi bien le sentiment douloureux que la manifestation de ce sentiment sans qu’aucun trait spécifique de cette manifestation soit obligatoirement présent : il peut exprimer tous les états depuis l’abattement avec air pensif, silence, larmes, jusqu’à l’excitation la plus vive avec pâmoison, perte de la raison et mort ou désir de mort. »
23 Guidot (Bernard), art. cité, p. 86. Pour un avis similaire, l’on consultera Urwin (Kenneth), « La Mort de Vivien et la genèse des chansons de geste », dans Romania, n° 78, 1957, p. 392-404.
24 Thiry (Claude), La Plainte funèbre, Turnhout (Belgique), Brepols, 1978, p. 75.
25 Rychner (Jean), La Narration des sentiments, des pensées et des discours dans quelques œuvres des xiie et xiiie siècles, Genève, Droz, 1990, p. 303.
26 Alexandre-Bidon (Danièle), « Gestes et expressions du deuil », dans A réveiller les morts, la mort au quotidien dans l’Occident médiéval, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1993, p. 121.
27 L’expression « mort apprivoisée » est empruntée à Ariès (Philippe), Essais sur l’histoire de la mort en Occident du Moyen Âge à nos jours, Paris, Le Seuil, « Points », 1975.
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