Ginguené et Jérôme-Joseph de Momigny face à la musique instrumentale du siècle des Lumières
p. 51-78
Texte intégral
1Le xviiie siècle s’intéressa passionnément à la musique. Au centre des échanges qui s’instaurèrent entre théoriciens, esthéticiens, musiciens et suscitèrent la publication de maints écrits polémiques, s’inscrivirent et se prolongèrent jusqu’à la Révolution les débats opposant le goût italien au goût français. Ils engendrèrent en 1733, lors de la création d’Hippolyte et Aricie de Jean-Philippe Rameau, une situation conflictuelle et de multiples controverses entre Lullistes et Ramistes – ou entre Anciens et Modernes –, culminèrent vers 1752, à la suite de la représentation à Paris de la Serva padrona de Pergolesi, avec la fameuse Querelle des Bouffons, et resurgirent en 1777 lorsque s’affrontèrent le clan des Gluckistes et celui des Piccinnistes. Le siècle de Rameau, de Gluck et des Philosophes vit également la conception classique et imitative de la musique, fondée sur le Rationalisme, s’orienter progressivement vers une esthétique de l’expression.
2Ces écrits, ainsi que de nombreux périodiques musicaux, constituent des témoignages précieux de l’accueil que la critique et le public réservèrent aux œuvres nouvelles. L’une de ces sources d’information essentielles pour l’historien, qui s’avère une somme des connaissances de cette époque – tant dans le domaine vocal que dans le domaine instrumental –, est l’Encyclopédie méthodique. Musique. Ses deux tomes furent édités respectivement en 1791 et 1818 et furent signés, le premier, par Nicolas-Etienne Framery et Pierre-Louis Ginguené, le second, par ces deux mêmes coauteurs auxquels s’adjoignit Jérôme-Joseph de Momigny1.
3Dans son Discours préliminaire, N.-E. Framery met fermement en cause, de façon quelque peu partisane, la validité de la plupart des ouvrages antérieurs consacrés à la « science de la musique » ; il entend ainsi pallier une lacune :
La science de la musique n’offroit pas à cet égard autant de ressources que la plupart des autres sciences sur lesquelles on a écrit des traités excellens. Il suffisoit de consulter ces traités, de les abréger, d’en rapprocher les divers morceaux par l’ordre alphabétique pour en former un fort bon Dictionnaire. L’art musical, au contraire, né dans des siècles d’ignorance, beaucoup plus cultivé par des artistes livrés à leur routine que par des philosophes capables de l’éclaircir, semble n’avoir trouvé d’écrivains que pour l’embrouiller de plus en plus. Sa théorie vague, incertaine, se ressent de la confusion des systèmes dont elle est devenue la proie ; sa pratique encore plus fausse, en contradiction avec sa théorie & avec les loix [sic] de la nature, n’offre qu’un cahos [sic] de règles aussi variables que leurs inventeurs, ou plutôt que le jugement des sens auxquels elles sont soumises ; (…). C’étoit donc donner peu de chose au public que de lui répéter ce qu’on a écrit sur cette matière ; il falloit, en rapportant le résultat de tout ce qu’on a dit, de tout ce qu’on a pensé sur cet art, en dégager les élémens de la foule de préjugés & d’erreurs sous lesquels ils sont ensevelis ; il falloit en distinguer les loix générales, les ramener à des principes certains & peu nombreux, les ranger dans l’ordre le plus simple & le plus clair, & sur-tout en perfectionner la nomenclature, dont les vices sont une des causes les plus efficaces de son obscurité. (…) je ne désespère pas d’avoir approché de ce but & d’avoir facilité à de plus habiles les moyens de l’atteindre entièrement2.
4Framery précise que cette Encyclopédie méthodique. Musique résulte de la contribution de personnalités éminentes, philosophes, théoriciens, esthéticiens et musiciens, tels que Cahusac, de Castilhon, Ginguené, Hüllmandel, Marmontel, de Momigny, Jean-Jacques Rousseau, Suart, Sulzer, très apprécié pour son ouvrage intitulé Allgemeine Theorie der schönen Künste, Suremain de Missery, Officier d’Artillerie et mathématicien, chargé de rectifier les erreurs de calcul qui se sont glissées dans plusieurs articles du Dictionnaire de musique de Rousseau, enfin, Framery lui-même :
Il résulte de cette réunion de travaux que le Dictionnaire de Rousseau est augmenté de plus du double ; que le vocabulaire en est infiniment plus étendu, & que chacun des objets qu’il renferme est traité beaucoup plus à fond ; j’ai tâché qu’il n’y restât plus rien à désirer3.
5La majorité de ces textes, et surtout ceux qui concernent la terminologie et les genres musicaux, reprennent effectivement les propos de Rousseau qui sont souvent contestés et complétés. En 1755, dans ses Erreurs sur la musique dans l’Encyclopédie 4, Rameau avait déjà méthodiquement corrigé certaines assertions inexactes de l’auteur du Devin du village.
6L’identité des rédacteurs suivants exprime clairement cette diversité des protagonistes : Sulzer pour « Adagio »5 Cahuzac, Framery et Ginguené pour « Concert »6, Framery pour « Concerté ou Concertant ; en Italien, Concertato », « Concerto » et « Concerto-grosso »7 de Momigny pour « Rondo », « Violon » et « Violoncelle »8. Particulièrement développées sont les rubriques « Allemagne », « France » et « Italie »9 dans lesquelles Ginguené fait une large rétrospective historique de l’art musical de chacune de ces nations depuis les origines.
7Egalement remarquables sont les analyses du « Concerto »10, du « Quatuor »11 de la « Symphonie concertante »12, et des concepts qui leur sont afférents comme « Concertant »13 ou « Dialogue »14. A cette source documentaire, s’ajoute le bref article « Quatuor », publié par de Momigny dans le Dictionnaire de son Cours complet d’harmonie et de composition d’après une théorie neuve et générale de la musique 15. Dans ces commentaires, P.-L. Ginguené et J.-J. de Momigny (ainsi que, très secondairement, Framery) portent un regard critique et avisé sur la musique instrumentale du xviiie siècle.
8Quels sont les créateurs et les figures de proue de ces trois genres extrêmement importants de la musique baroque et classique ? Ces théoriciens n’accordent-ils d’intérêt qu’aux œuvres italiennes et allemandes, ou bien reconnaissent-ils aussi l’existence et la valeur de la jeune Ecole française ? Alors que l’autorité et le prestige exercés par Joseph Haydn, surnommé l’« Orphée du Danube » 16, conduisent à la suprématie de l’Ecole de Vienne, quels compositeurs, quelles formes et structures, quels instruments sont-ils privilégiés ? Le concerto, la symphonie concertante et le quatuor à cordes, fort prisés pendant les dernières décennies de l’Ancien Régime, peuvent-ils satisfaire au goût musical de la période révolutionnaire, à l’heure où l’idéologie dominante exige des œuvres de vaste ampleur sonore à caractère festif ou patriotique comme l’hymne et l’ode ?
9En définitive, l’étude de ces articles permet-elle de déterminer les orientations qui se dessinent en France, dans le domaine musical, des Lumières aux prémices du Romantisme ?
10Et d’abord, pourquoi évoquer « la jeune Ecole française » ? La raison essentielle est le récent essor de la musique instrumentale, qui gagne ses lettres de noblesse à partir des années 1760 et l’emporte sur la musique vocale, jusqu’alors prééminente. Durant la première moitié du siècle, la plupart des esthéticiens français, tels les abbés Du Bos et Batteux17, déclarent que la musique, à l’instar de la poésie et de la peinture, est une imitation de la Nature. Dans ses Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Du Bos la définit comme le :
(…) troisième [sic] des moyens que les hommes ont inventés pour donner une nouvelle force à la Poësie, & pour la mettre en état de faire sur nous une plus grande impression. Ainsi que le Peintre imite les traits & les couleurs de la nature, de même le Musicien imite les tons, les accens, les soupirs, les inflexions de voix, enfin tous ces sons, à l’aide desquels la nature même exprime ses sentimens & ses passions. Tous ces sons, (…), ont une force merveilleuse pour nous émouvoir, parce qu’ils sont les signes des passions, institués par la nature dont ils ont reçu leur énergie ; au lieu que les mots articulés ne sont que des signes arbitraires des passions18.
11Cette affirmation s’accompagne de l’énoncé d’un autre principe néoaristotélicien qui prône la prépondérance du vocal sur l’instrumental. Se référant au Traité du Sublime de Longin, Du Bos s’explique en ces termes :
Il n’est donc pas surprenant que les symphonies nous touchent beaucoup, quoique leurs sons, comme le dit Longin, ne soient que de simples imitations d’un bruit inarticulé. &. s’il faut parler ainsi, des sons qui n ’ont que la moitié de leur être. & une demi-vie 19.
12Cette position quasi unanime des esthéticiens des débuts du siècle est encore adoptée par l’abbé Pluche :
Le plus beau chant, quand il n’est qu’instrumental, devient presque nécessairement froid, puis ennuyeux, parce qu’il n’exprime rien. C’est un bel habit séparé du corps & pendu à une cheville (…)20.
13A l’exemple de ses contemporains, Diderot estime que la musique doit s’inspirer de la Nature ou refléter les passions de l’âme et précise, dans ses Leçons de clavecin et principes d’harmonie, les analogies qu’il perçoit entre le discours musical, obéissant à une sorte de syntaxe induite par la succession dissonance – consonance (ou résolution), et le langage. Sa réflexion comporte néanmoins des contradictions. Dès 1751, dans sa Lettre à M elle de La Chaux, il prend conscience de la spécificité de la musique par rapport aux autres arts :
La peinture montre l’objet même ; la poésie le décrit ; la musique en excite à peine une idée. Elle n’a de ressource que dans les intervalles et la durée des sons 21.
14Bien qu’elle soit signifiante, la musique fait surtout appel à la sensibilité. Ainsi est légitimé le concept de « hiéroglyphe » :
Au reste, la musique a plus besoin de trouver en nous ces favorables dispositions d’organes, que ni la peinture ni la poésie. Son hiéroglyphe est si léger et si fugitif, il est si facile de le perdre ou de le mésinterpréter que le plus beau morceau de symphonie ne ferait pas un grand effet si le plaisir infaillible et subit de la sensation pure et simple n’était infiniment au-dessus de celui d’une expression souvent équivoque. (…). Comment se fait-il donc que, des trois arts imitateurs de la nature, celui dont l’expression est plus [sic] arbitraire et la moins précise parle le plus fortement à l’âme ? Serait-ce que, montrant moins les objets, il laisse plus de carrière à notre imagination, ou qu’ayant besoin de secousses pour être émus la musique est plus propre que la peinture et la poésie à produire en nous cet effet tumultueux ?22
15Ces propos, qui la placent au premier rang dans la hiérarchie des Arts, laissent présager l’abandon de la théorie de l’imitation de la Nature, et une réhabilitation des genres instrumentaux favorisée par les écrits de Lacépède et de Chabanon23 D’autres facteurs y contribuent : l’influence croissante des ouvrages scientifiques de Rameau, qui applique le cartésianisme à sa démonstration des lois de l’acoustique et de l’harmonie24, les perfectionnements de la facture stimulant les progrès de la virtuosité, la publication de traités didactiques et de méthodes, destinés à initier le néophyte à la composition et à l’exécution, l’institution des classes d’instruments au sein du Conservatoire à partir de 179525 enfin, l’existence d’un milieu social bénéfique à la création (les concerts privés, commandités par le mécénat, se multiplient, ainsi que les concerts publics26), et à la diffusion du répertoire (l’édition se spécialise27).
16Le concerto, la symphonie concertante et le quatuor à cordes s’inscrivent, à plus d’un titre, dans une même esthétique.
17La première caractéristique commune à ces trois genres est le fait qu’ils adoptent le style concertant, également présent dans la symphonie28, et qu’ils illustrent l’art de la conversation et du dialogue. Celui-ci apparaît en France, entre autres, chez Louis-Gabriel Guillemain, dans ses Six Sonates en quatuors ou Conversations galantes et amusantes entre une flûte traversière, un violon, une basse de viole et la basse continue œuvre XII, éditées à Paris par Le Clerc, en 1743. Faisant allusion à l’article « Concertant » de Rousseau – qui figure dans l’Encyclopédie méthodique. Musique –, Framery le commente de la manière suivante :
On dit (…) plus particulièrement partie concertante, lorsqu’il s’agit de musique instrumentale. On appelle symphonie concertante, celle où le motif est dialogué entre deux ou plusieurs instrumens. On dit un trio, un quatuor concertons, pour les distinguer de ceux où il n’y a qu’une partie principale, & où les autres ne sont que d’accompagnement29.
18Théoriciens et esthéticiens se plaisent à souligner la récurrence de l’écriture dialoguée dans la musique instrumentale du siècle des Lumières. Ainsi, en 1754, dans L’Esprit de l’art musical, ou Réflexions sur la musique et ses différentes parties, Charles-Henri de Blainville assimile les concertos de Tartini, qu’il considère comme les chefs-d’œuvre de la littérature pour violon, à des dialogues. De même, Brijon décrit le concerto comme « (…) un dialogue entre divers interlocuteurs auquel un seul fait face »30, et l’adjectif « dialogué[e] » ne tarde pas à qualifier toute musique d’ensemble. En 1766, Carlo Giuseppe Toeschi intitule ses quatuors opus V : « Dialogo musicale » – Sei Quartetti per Flauto, Violino, Alto e Violoncello intitolati : il Dialogo musicale (…) –, et maint compositeur reprend cette dénomination dans les années suivantes qui voient naître de nombreux trios et quatuors dialogues 31. Le dialogue est défini par Rousseau en 1768 comme une :
Composition à deux voix ou deux instrumens qui se répondent l’un à l’autre, & qui souvent se réunissent. (…) mais ce mot s’applique plus précisément à l’orgue ; c’est sur cet instrument qu’un organiste joue des dialogues, en se répondant avec différens jeux, ou sur différens claviers32.
19Ginguené nuance cette assertion et ajoute que, désormais, en 1791, l’on apprécie moins les dialogues interprétés à l’orgue que ceux de l’art dramatique. Il distingue à ce sujet les moyens dont disposent le poète et le musicien pour exercer leur talent :
Nos duos, trios & autres morceaux de musique à plusieurs voix sont maintenant dialogués comme ceux des Italiens. Les chœurs le sont même très souvent, & c’est alors qu’ils font le plus d’effet.
Dans tous ces morceaux la route est tracée au Musicien par le Poète ; mais le premier a dans son art un moyen d’oppositions que le second n’a pas. Le Poète modifie selon la position & le caractère de ses personnages, leurs idées & leurs sentimens, mais il n’a pour les exprimer que le même langage : il n’en est pas ainsi du Musicien qui, au moyen de son orchestre parle par tant de voix différentes, & qui a le choix de celles dont il veut faire accompagner la voix de ses acteurs. Le dialogue des instrumens venant à l’appui du dialogue vocal est pour lui une source impuisable [inépuisable] d’expression, de variété de nuances, dont les morceaux dialogués des grands maîtres offrent une multitudes [sic] d’exemples33.
20Une autre caractéristique commune à ces trois genres concerne leur facture qui se fonde sur l’opposition de forces inégales entre un (ou plusieurs) soliste(s) et l’ensemble des instruments, dit tutti. Framery conteste la conception du concerto, telle que l’expose Rousseau :
Il ne signifie jamais une simple symphonie faite pour être exécutée par tout un orchestre, mais TOUJOURS une pièce faite pour un instrument particulier, accompagné par l’orchestre plus ou moins complet, & coupé précisément comme un air exécuté par une voix34.
21De Momigny précise que la symphonie concertante (pour deux, trois ou quatre solistes) est un « concerto à deux parties principales, & quelquefois à trois ou quatre »35, dans lequel :
(…) des tutti de différentes dimensions encadrent ou séparent les divers solo [sic] qui s’y succèdent.
Les soli de la symphonie concertante sont de deux espèces ; les deux violons peuvent y réciter ensemble ou l’un après l’autre, ou entre-couper leurs phrases pour dialoguer d’une manière plus vive & plus serrée. (…).
Le nombre des récits doit être en proportion inverse de leur importance & de leur longueur36
22Il affirme aussi, à propos du quatuor :
Malgré que le quatuor exige que les quatre parties soient obligées, il y faut cependant un acteur principal, sur lequel l’intérêt se porte de préférence ; & ses lois, toutes rigoureuses qu’elles soient, ne vont pas jusqu’à prescrire que ces parties parlent constamment toutes à la fois (…)37.
23La troisième caractéristique commune au concerto et à la symphonie concertante, voire au quatuor, est relative à leurs structures qui présentent d’évidentes analogies. En 1791, Ginguené décrit ainsi la forme du « grand concerto », organisée en trois mouvements :
Un grand allegro d’un mouvement noble & modéré, composé pour l’ordinaire de trois solos, séparés par des tutti, & précédés d’une assez longue introduction qui annonce le principal motif, le caractère général de la pièce, & même quelques traits de mélodie qui doivent se faire entendre dans les solos : ensuite un adagio ou largo, qui n’a quelquefois qu’un solo, & tout au plus deux, où la beauté du chant doit succéder à l’éclat des traits & des passages qui remplissent le premier morceau ; enfin un presto gai, brillant, animé, dont les traits piquans & rapides laissent l’auditeur surpris de la fertile imagination du compositeur, & de l’égalité, de la sûreté, de la supériorité de l’exécutant ; c’est sur ce plan que, depuis Tartini & les professeurs célèbres de son école, étoient construits presque tous les concertos ; (…)38.
24En 1818, de Momigny constate que « la coupe de la symphonie concertante est à peu près celle du concerto (…) »39, et se livre à d’intéressantes considérations d’ordre technique :
Le premier récit de la première partie est ordinairement noble, fier & brillant ; & le troisième formé de traits propres à faire connoître toute l’habileté & la vélocité de l’exécutant. (…).
La seconde partie du premier morceau de la symphonie concertante est plus étendue que la première, parce qu’avant de reprendre dans le ton de la tonique ce qui a été dit dans celui de la dominante, on place ordinairement quelques périodes nouvelles où l’on met les acteurs principaux à même de développer un genre d’habileté différent que celui dont ils ont déjà fait preuve.
L’adagio se compose également de plusieurs récits de différentes dimensions. Le goût, la sensibilité, la mollesse ou le pathétique doivent dominer dans toute l’étendue de ce morceau, dont les tutti doivent prévenir le refroidissement par des oppositions marquées. (…).
Le rondo exige de la gaieté & de la finesse, & quelques traits hardis40.
25Si le concerto, la symphonie concertante et le quatuor à cordes sont apparentés du point de vue stylistique, en revanche, les Ecoles et les compositeurs qu’ils valorisent, ainsi que les milieux musicaux dans lesquels ils s’inscrivent et qui favorisent leur essor s’avèrent sensiblement différents.
26Tandis que le concerto est créé et majoritairement pratiqué par des violonistes virtuoses ou des pédagogues italiens et que la symphonie concertante est plus spécifiquement française, le quatuor à cordes consacre la prééminence du Classicisme viennois, mais il est aussi cultivé dans toute l’Europe.
27Dans son article « Concerto », qui succède à ceux de Rousseau et de Framery, Ginguené fait l’historique de ce genre de la fin du xvie siècle à la chute de l’Ancien Régime. Si l’on excepte Jean-Marie Leclair et Johann Stamitz, seuls représentants respectifs des domaines français et germanique, de même que Ivan Mane Jarnowick [Giornivichi, Jarnovick] – peut-être d’origine croate –, les auteurs mentionnés sont effectivement tous des figures de proue du violon italien, bien que certains d’entre eux, à l’instar de Locatelli et de Viotti, fassent carrière à l’étranger : Arcangelo Corelli, Giuseppe Torelli, Antonio Vivaldi, Pietro Antonio Locatelli, Giuseppe Tartini, Antonio Lolli, et Giovanni Battista Viotti.
28Après avoir brièvement étudié l’étymologie des termes « concento & suono », Ginguené rappelle les origines du concerto, attribue sa genèse à Giuseppe Torelli et date sa naissance de la fin du xviie siècle :
Ce mot & celui de sonata n’existoient pas encore en Italie, à la fin du seizième siècle41. Plus anciennement & dès le temps de Bocace [sic], on se servoit, pour exprimer à-peu-près la même chose, des mots concento & suono. Mais concertare & concertanti s’entendirent d’abord de l’union des instrumens avec les voix, dans les motets & dans les madrigaux. Ce ne fut que dans le dix-septième siècle, que les pièces à plusieurs parties instrumentales commencèrent à s’appeler concertos, & les solos, sonates. (…).
Le concerto purement instrumental, soit pour l’église, soit pour la chambre, ne paroît avoir existé que vers le temps de Corelli. On en donne l’invention à Torelli, son contemporain ; mais peut-être sans preuves suffisantes42.
29Il s’agit alors, précise Framery, du concerto grosso, ancêtre du concerto de soliste :
C’est le titre que l’on donnoit dans le siècle dernier, & au commencement de celui-ci, à des symphonies avec un violon principal & d’autres parties, soit obligées, soit simplement ripiene. Ces pièces ont été les premiers modèles de ce que nous appelons aujourd’hui concerto. Dans les concerti-grossi, le violon principal se nommoit violino di concertino ; on distinguoit par la même dénomination l’instrumentiste qui jouoit le solo, du simple symphoniste que l’on nommoit violino di grosso 43.
30Que ce genre adopte le plan da chiesa (d’église) ou da camera (de chambre), il regroupe plusieurs solistes, constituant le concertino, qui dialoguent avec l’ensemble instrumental, dit concerto grosso ou ripieno. C’est Corelli qui lui confère un lustre sans précédent avec ses douze Concerti grossi opus 6 – parus en 1714 à titre posthume, mais composés bien antérieurement –, dont les huit premiers s’inspirent de l’agencement et de la terminologie de la sonate d’église, tandis que les quatre derniers ressortissent à l’esprit de la sonate de chambre. Ils sont d’une étonnante variété dans le choix et la disposition des mouvements, offrent aux soli et aux tutti toute une gamme de possibilités d’intervention, contiennent des éléments dramatiques et révèlent l’influence lulliste. Leur orchestration, uniquement fondée sur les archets et les instruments chargés de la basse continue, oppose les deux violons et le violoncelle du concertino au concerto grosso (deux parties de violon, une d’alto et une de basse, susceptibles d’être doublées), chacun des groupes ayant sa basse chiffrée soutenue par un clavecin ou un orgue. Selon Georg Muffat, il semble que certains de ces concerti grossi aient été interprétés à Rome, dans les années 1680. Ginguené admire la « pureté », la « richesse » et la « grâce » de l’harmonie corellienne :
(…) mais ce n’en fut pas moins au célèbre Arcangelo Corelli que les concertos pour le violon, l’alto ou tenor, & la basse ou violoncello, durent, sinon leur naissance, du moins leur plus grand éclat. Ce furent ceux de ses ouvrages qu’il soigna le plus ; & quoiqu’ils fussent composés depuis long-temps, il ne les publia qu’à la fin de sa vie. (…) si l’on demande lequel des deux [Torelli ou Corelli] mit dans son harmonie plus de pureté, de richesse & de grace [sic] ; lequel disposa plus clairement, plus judicieusement, plus ingénieusement ses parties ; lequel sut tirer de son orchestre de plus grands & de plus nobles effets, il ne sera pas difficile de [se] prononcer en faveur des concertos de Corelli44.
31Torelli opte généralement pour la forme tripartite de l’ouverture à l’italienne (allegro / adagio ou largo / allegro). Dans ses Concerti grossi con una Pastorale per il Santissimo Natale opus 8, ce précurseur du concerto de soliste fait suivre six ouvrages, instrumentés pour deux violons et orchestre à cordes, de six autres qui mettent en évidence une partie de violon solo d’une assez grande virtuosité :
Au reste, ce Torelli, qui étoit un excellent violon, composa beaucoup de musique pour cet instrument, & laissa entr’autres un recueil intitulé : Concerti grossi con una pastorale per il santissimo natale, contenant douze grands concertos à huit parties, qui ne furent publiés qu’après sa mort en 1709 ;(…)45.
32L’on peut considérer, avec raison, que les Concertos brandebourgeois (BWV 1046-1051) de Johann Sebastian Bach marquent, en 1721, l’apogée du concerto grosso.
33Les progrès de la facture et de la technique instrumentales, le souci de mettre en relief les solistes du concertino et l’influence de l’opéra engendrent, au début du XVIIIe siècle, des transformations de l’écriture du concerto grosso, et contribuent à l’avènement du concerto de soliste dans lequel le groupe du concertino est remplacé par un instrument dialoguant avec l’orchestre.
34Dans ses quelque quatre cent quatre-vingts concertos, dont les deux tiers sont destinés à toutes sortes d’instruments solistes, Vivaldi reprend très fréquemment la coupe ternaire utilisée par Torelli, et tend à substituer au monothématisme antérieur des thèmes plus élaborés, habilement répartis entre le(s) soliste(s) et le tutti dont il équilibre l’alternance. Homme de théâtre, il applique à ces œuvres instrumentales, d’une indéniable nouveauté, des procédés empruntés à la musique dramatique qui soulignent les contrastes entre les mouvements et accroissent leur intensité expressive. Son sens du lyrisme, que sert son invention rythmique et mélodique, l’incite à des illustrations pittoresques, évoquées par ses Quatre saisons qui relèvent de la théorie de l’imitation de la Nature. Elles regroupent les quatre premiers des douze concertos pour violon opus 8 (Il Cimento dell’Armonia e dell’Inventione), portés à la connaissance du public en 1725 à Amsterdam. Selon Ginguené, Vivaldi recherche plus que Corelli des « traits brillants, difficiles & quelquefois bizarres » :
Vivaldi, qui vint ensuite, (…) mit à la mode les concertos imitatifs, tels que ceux qui sont connus sous le titre des saisons [sic]. Son concerto du coucou fut long-temps exécuté avec admiration dans tous les concerts. Il y a aussi parmi ses œuvres des pièces intitulées Stravaganze, extravagances, qui firent les délices de tous ceux qui préféroient la multitude & la rapidité des notes à la beauté des sons.
On en peut dire autant de Locatelli, fameux par ses caprices. Dans ses autres concertos, comme dans ceux où il inséra ces épisodes singuliers, il chercha plutôt à exercer la main qu’à flatter l’oreille ; & il semble avoir eu pour but d’exciter la surprise plus que le plaisir 46.
35De fait, l’on critique vivement la démarche originale, voire audacieuse de Locatelli dans ses Douze concerti grossi opus I et, surtout, dans son Arte del Violino opus 3, parus en 1721 et 1733 à Amsterdam où il s’est fixé vers 1729.
36Ginguené cite également Lolli parmi ces protagonistes du concerto pour violon italien, tout en regrettant que son jeu manque d’« expression et de mélodie » :
Lolli, qui avoit des raisons pour ne pas aimer les adagios, les abrégea beaucoup dans ses concertos, & y mit encore si peu d’expression & de mélodie, qu’on fut rarement tenté de se plaindre de leur peu de durée, & qu’on s’habitua peu à peu à ne les regarder que comme une sorte de repos & de transition d’un allégro [sic] à l’autre47.
37Mais dans ce domaine, le plus grand maître est sans aucun doute Tartini dont il loue les mérites, jugés supérieurs à ceux de Corelli :
Giuseppe Tartini (…) fit une révolution dans le style du concerto, comme dans le jeu du violon. Des chants nobles & expressifs, des traits savans, mais naturels, & dessinés sur une harmonie mélodieuse, des motifs suivis avec un art infini, sans l’air de l’esclavage & du pédantisme, que Corelli lui-même, plus occupé du contre-point que du chant, n’avoit pas toujours évité ; rien de négligé, rien d’affecté, rien de bas ; une pompe sans enflure dans ses premiers allegro, dans ses adagio une expression touchante & pathétique ; des chants auxquels il est impossible de ne pas attacher un sens, & où l’on s’apperçoit [sic] à peine que la parole manque ; enfin, des presto brillans & variés, legers [sic] sans petitesse, & gais sans extravagance ; tels sont en général le caractère & la forme qu’il sut donner à ses concertos 48.
38Cette « révolution » consiste principalement en l’abandon du style imitatif qui, chez les créateurs du genre, intervenait pendant des mouvements entiers. Les recherches expressives de Tartini concernent les tempi lents – du type adagio –, qui sont accompagnés de citations ou de commentaires didactiques versifiés, extraits de Metastasio, semblant découler d’une « teoria degli affetti ». Ce théoricien, qui entretient une importante correspondance avec le Padre Martini, de Bologne, et Rousseau, expose en 1754 le fruit de ses études dans son Trattato di musica secondo la vera scienza dell’armonia. Auteur, en 1758, de l’Arte dell’Arco contenant trente-huit variations (puis cinquante dans les éditions postérieures) sur une gavotte de Corelli, il compose, entre autres, au moins cent trente concertos pour violon, des sonates en trio, et des ouvrages pour violon avec ou sans basse parmi lesquels se trouve la sonate « Le Trille du Diable ». Excellent pédagogue, il jouit d’un grand prestige en instituant à Padoue, vers 1727 ou 1728, la « Scuola delle Nazioni », Ecole de violon qui attire de toute l’Europe de nombreux disciples comme Pietro Nardini et Maddalena Lombardini. Celle-ci est d’ailleurs la destinataire de la lettre, publiée en 1770 par l’Europa letteraria, dans laquelle Tartini résume l’essentiel de sa technique du violon.
39Ces figures de proue italiennes précèdent l’entrée en scène de Giovanni Battista Viotti, dont les vingt-neuf concertos pour violon sont gravés entre 1782 et 1824 environ. Ses prestations au Concert Spirituel, lors de la séance du 17 mars 1782 qui signe ses débuts parisiens, suscitent l’enthousiasme de la presse et du public, nuancé de certaines restrictions que Ginguené analyse de la manière suivante :
Dans le fort de notre engouement pour cette musique légère, &, comme on disoit, à la portée de tout le monde, M. Viotti vint nous faire entendre un autre jeu. & des concertos d’un autre style.
Elève du célèbre Pugnani, ayant, pour ainsi dire, sucé dès l’enfance les grands principes de l’école de Tartini, son jeu & ses compositions parurent également extraordinaires. (…). Quant à ses concertos, où brilloit une imagination féconde, une hardiesse heureuse, & toute la fougue de la jeunesse, modérée par un grand savoir & par un goût pur, mais noble, & qui n’avoit rien de petit & de mesquin, ils furent loin d’être goûtés d’abord comme ils le méritoient ; mais lorsqu’il eut enfin vaincu ces préventions & ces résistances que les partisans d’un artiste opposent toujours au succès d’un autre, en raison de sa supériorité, on reconnut que ce qui avoit paru bizarrerie n’étoit qu’invention & nouveauté ; qu’il y avoit de la mélodie où l’on avoit refusé d’en voir, parce qu’elle n’étoit pas vulgaire & triviale ; que toutes les richesses de l’harmonie y étoient jointes à la beauté de l’ordonnance & du dessin, & la connoissance la plus approfondie de l’instrument principal à celle des effets de l’orchestre49.
40Cet « autre jeu & [ces] concertos d’un autre style » confèrent à Viotti une incontestable supériorité sur ses contemporains. Ainsi, le critique du Mercure de France affirme, à la suite de ce concert inaugural, que Viotti est l’un des plus grands « Violons » qu’on ait entendus au Concert Spirituel depuis vingt ans, et que l’on apprécie particulièrement ses « morceaux d’expression ». Cependant, il ajoute :
(…) des Connoisseurs prétendent que son jeu est quelquefois brusque & heurté, qu’il sacrifie souvent l’expression & l’esprit de son sujet au désir de tirer de son instrument des sons extraordinaires ; qu’enfin, son genre de composition est inférieur à celui de Jarnowick & de quelques autres Virtuoses connus50.
41Ces réticences, motivées par la jalousie de connoisseurs français en présence d’un rival étranger, semblent disparaître rapidement si l’on se réfère à ces propos tenus, un an plus tard, par le chroniqueur du même périodique :
Un autre objet de l’amour du Public, & qui cette fois, paraît sans concurrens, c’est M. Viotti. Son succès a été encore plus grand que celui de l’année passée, & nous croyons que son talent est de même augmenté. On a trouvé que ses sons étoient attaqués avec plus de justesse & de sûreté ; sa manière encore plus moelleuse & mieux fondue, sa composition même plus agréable. Il a été reçu avec les transports les plus mérités, & il semble que les Artistes commencent à lui pardonner de n’être pas né en France51.
42Sa fermeté, sa vélocité d’exécution dans les allegros et sa qualité de son, remarquable dans les adagios, sont des composantes de son art qu’il transmet à Rode et à Cartier. Bien qu’il perpétue la tradition instrumentale italienne d’esthétique rococo, il ouvre la voie vers le Romantisme.
43Ginguené vante les concertos de Johann Stamitz, fondateur de l’Ecole de Mannheim, qu’il compare à ceux de Tartini, en dépit de certaines réserves :
Stamitz fut celui de tous les compositeurs Allemands qui, sans se régler tout-à-fait sur le style de Tartini, donna comme lui le plus de grandeur & de noblesse au style de ses concertos. Cet excellent symphoniste mit dans tous ses débuts & dans ses tutti une force & une majesté dignes de Tartini ; (…). Ses solos ont du feu, de l’originalité ; ils sont bien conduits, modulés hardiment, pleins de traits piquans, & qui se font mutuellement valoir ; mais on y voit peut-être plus d’art que de naturel. Si l’on ne peut les jouer sans effort, on croit s’appercevoir [sic] qu’ils ont été composés de même. Les chants n’en sont pas toujours heureux, ni faciles à saisir ; (…)52.
44En revanche, il n’accorde que peu d’estime aux musiciens français. Toutefois, il admire la virtuosité d’André-Noël Pagin, qui fréquente le salon de Madame Brillon de Jouy et interprète à ravir les concertos de Tartini, mais il observe que leur style, en 1791, est désuet :
Ils ont vieilli, sans doute, parce qu’il n’y a rien de moins long-temps jeune que la musique ; mais il n’y a pas encore beaucoup d’années que les vrais connoisseurs aimoient à les entendre exécuter par M. Pagin, l’un de ses plus savans élèves, & le seul François qui ait rendu la musique de Tartini comme elle demande à l’être ; (…)53.
45Il est aussi élogieux envers Jean-Marie Leclair (l’aîné), auteur d’un Scylla et Glaucus qui s’apparente aux tragédies en musique de Rameau, et l’un des promoteurs de l’Ecole française de violon54. Edités en deux séries (opus 7 vers 1737 et opus 10 en 1743 ou 1744), ses douze concertos pour cet instrument, qui réalisent la fusion des goûts français et italien, font atteindre à la partie de soliste un niveau de difficulté technique que l’on ne rencontre guère que chez Locatelli ou chez les meilleurs violonistes.
46Ginguené dénonce néanmoins son « tour françois » :
Les concertos de Leclerc [Leclair] eurent vers le même temps, en France, une grande réputation, & la méritèrent à beaucoup d’égards. Le tour françois de la plupart des phrases de chant n’empêche pas qu’il n’y en ait de fort agréables. L’harmonie en est pure & même assez savante ; mais les traits ne sont ni légers, ni brillans ; ils ont un peu de sécheresse & d’uniformité. Les morceaux vifs n’ont pas assez d’éclat ; & les morceaux lents ont presque tous moins d’expression que de tristesse55.
47Il mentionne un autre célèbre compositeur de concertos pour violon, Jarnowick, formé par Lolli, arrivé à Paris en 1770 et vraisemblablement engagé comme chef d’orchestre par le prince de Rohan-Guéménée vers 1777. Il constate que cet instrumentiste, familier des concerts du baron de Bagge, a introduit des « nouveautés » dans ce genre, consistant à réduire l’importance de l’adagio et à utiliser volontiers le rondeau comme finale :
Jarnowick, dont le jeu spirituel, aimable & facile, a fait pendant plusieurs années le charme de nos concerts, eut, par la même raison que Lolli, la même indifférence pour les adagios, & comme son esprit indépendant s’arrangeoit mal de tout joug incommode, il alla même très souvent jusqu’à les supprimer tout-à-fait. Ce ne fut pas la seule nouveauté qu’il introduisit dans le concerto. Il en rendit en général le style moins noble peut-être & moins magnifique ; mais plus coulant, plus gracieux, plus à la portée du commun des auditeurs ; & semant toujours adroitement dans ses plus grandes difficultés des traits d’un chant simple & populaire, il se fit un genre à lui qu’il eut bientôt mis à la mode. La composition des morceaux de ce genre exigeant moins de force de tête, moins de génie & de science ; & leur exécution étant aussi moins savante & plus facile, on n’entendit plus, on n’aima plus que ses concertos, ou ceux de ses imitateurs. Quoiqu’il ne soit pas le premier qui ait, pour dernier mouvement, employé les rondeaux, c’est lui qui en a fait un plus fréquent & plus agréable usage, & c’est à lui, sur-tout, que nous devons ce troisième changement dans la forme du concerto 56.
48Jarnowick fait également découvrir la romance qui, dans les années 1770, est un mouvement lent très caractéristique du style galant et sentimental. Ginguené achève cet historique du concerto pour violon en ces termes :
Telles sont les révolutions qu’a éprouvées la plus grande & la plus noble des compositions instrumentales. Son caractère paroit fixé désormais, & ne pourroit peut-être plus changer sans y perdre57.
49Ainsi apparaît-il en 1791 comme un fervent admirateur de la musique italienne ; il semble méconnaître le répertoire instrumental français de la fin de l’Ancien Régime.
50En effet, depuis 1720 environ, s’est développée dans notre pays une riche littérature pour violon qui s’exprime à travers la sonate et le concerto de soliste. Elle émane de jeunes virtuoses se produisant au Concert Spirituel avant d’entrer au service d’un mécène. La majorité d’entre eux bénéficient de l’enseignement de Leclair, ou de Pierre Gaviniès dont les Vingt-quatre Matinées étudient la discipline de l’archet combinée avec l’emploi de toutes les positions. Ils sont aussi redevables de la pédagogie italienne, qui est à l’origine des énormes progrès accomplis par la technique violonistique française de Duval à Viotti.
51Un bref historique de la pénétration du concerto en France, plus tardive que dans d’autres pays européens, met en évidence, comme pour la sonate, l’influence quasi constante exercée jusque vers 1750 sur nos compatriotes par les grands noms du violon transalpin, notamment, Corelli, Locatelli et Tartini. Les premiers concertos publiés à Paris correspondent à l’opus 7 du Napolitain Michele Mascitti, en 1727, et à Vopus 3 de Michel Corrette, en 1728. Ils se modèlent sur le concerto grosso corellien et contiennent un concertino pour deux ou trois violons et violoncelle.
52Mais c’est Jacques Aubert qui, avec ses opus 17 et 26 composés entre 1735 et 1739, attribue au violon un rôle de soliste. Le concerto baroque prend son essor avec Jean-Marie Leclair, Jean-Pierre Guignon et Louis-Gabriel Guillemain. Cette prédominance du style italien s’estompe après 1750, en raison de la renommée acquise par l’Ecole de Mannheim. L’amalgame de traits d’écriture allemands, italiens, et d’éléments de tradition française engendre un art dont la spécificité résulte de son aspect cosmopolite.
53Paris, premier centre mondial de création et d’édition musicale, accueille alors de nombreux étrangers qui se font entendre dans les concerts et les salons musicaux à la mode. Postérieurement à Leclair, ce creuset parisien fait éclore un type de concerto pour violon quelque peu héroïque et déclamatoire. Ses protagonistes s’attirent des louanges unanimes en exécutant leurs propres ouvrages et délaissent la sonate pour violon qui, sous la forme de la sonate pour clavier avec accompagnement de violon, devient un des genres préférés par les clavecinistes et les pianistes. Ils se nomment, outre Pierre Gaviniès, Jean-Baptiste Davaux, Marie-Alexandre Guénin, le chevalier de Saint-George, Nicolas Capron, Giuseppe Maria Cambini, Simon Le Duc [Leduc], Nicolas-Joseph Chartrain, Louis-Henry Paisible et Isidore Bertheaume. Ces deux derniers achèvent leur carrière à la cour de Russie58.
54L’un de ces violonistes français du siècle des Lumières, aujourd’hui méconnus, Nicolas Capron, est le petit-neveu de Piron. Cité dans l’Almanach des Spectacles de 1756 comme membre de l’orchestre de l’Opéra-Comique, il joue en soliste dès son jeune âge, surmonte avec aisance les difficultés les plus ardues, et fait alterner dans les programmes ses œuvres avec celles de son maître. Ce brillant élève de Gaviniès satisfait les amateurs qui affectionnent les arrangements instrumentaux d’airs d’opéras et d’opéras-comiques, en interprétant fréquemment au Concert Spirituel, à partir de mars 1766, des concertos pour violon principal et des concertos pour violon mêlés d’airs connus.
55Ces musiciens, auxquels il convient d’ajouter Dieudonné-Pascal Piéltain, disciple de Jarnowick avec lequel il fut en désaccord, et Rodolphe Kreutzer, s’imposent comme des figures de proue de l’Ecole française de violon et aident à son rayonnement.
56La vogue du concerto pour violon se répand tandis que s’affirme l’expression de l’individualime. Ginguené constate qu’elle a d’ailleurs provoqué l’émergence de concertos de soliste pour différents instruments :
Je n’ai parlé que des concertos pour le violon, parce qu’ils ont été les premiers, long-temps les seuls, & que ceux qu’on a faits ensuite pour d’autres instrumens ont été dessinés entièrement sur le même modèle59.
57Cette émergence est aussi favorisée par l’amélioration de la facture et de la technique :
Le jeu des instrumens s’est tellement perfectionné, qu’il n’en est aucun maintenant qui n’ait la prétention de briller dans un concerto. Le clavecin eut de bonne heure ce privilège, qu’il a conservé avec justice, ou plutôt qu’il a transmis au piano forte [sic]. La flûte, le haut-bois, la clarinette, ont depuis long-temps leurs concertos. Le cor même a les siens : & le triste baffon n’a pas voulu céder cet avantage. J’ai entendu le neveu du grand Stamitz jouer supérieurement des concertos d’alto-viola ; ceux de violoncelle ont fait la réputation de plus d’un article célèbre ; & l’on en a enfin composé pour la contre-baffe60.
58Instruments à cordes, à vent et à clavier concurrencent le violon au cours du XVIIIe siècle. C’est sans doute à Cari Philipp Stamitz, fils de Johann, que nous devons le premier concerto pour alto, alors que le violoncelle est traité comme soliste par Giuseppe Maria Jacchini dans les années 1700 et conquiert ses lettres de noblesse avec Luigi Boccherini vers 1770. Le timbre du baryton, instrument à cordes sympathiques, est mis en valeur par Haydn dans ses trios et ses concertos écrits pour le prince Nicolas Esterhazy, la viole d’amour, la mandoline, la guitare suscitent une littérature originale, et la contrebasse soliste intervient dans l’œuvre de Carl Ditters von Dittersdorf.
59De façon générale, les vents (flûte, hautbois et basson) sont privilégiés par les auteurs germaniques baroques ou préclassiques, tels que J.-S. Bach, Georg Philipp Telemann, Johann Joachim Quantz – signataire d’à peu près trois cents concertos pour une ou deux flûtes, conçus à l’intention de Frédéric II de Prusse –, C. P. Stamitz, Ernst Eichner et Franz Xaver Richter. La trompette, déjà prisée au XVIIe siècle – songeons à Torelli en Italie, à Purcell en Angleterre et à Biber en Allemagne –, voit son prestige croître avec Johann Christoph Graupner, Joseph Haydn, son frère Michael, et le cor est apprécié durant le Classicisme avant d’atteindre son apogée au XIXe siècle. Quant à la clarinette, elle s’impose plus tardivement avec Johann Melchior Molter, les représentants de l’Ecole de Mannheim et, surtout, avec Mozart.
60L’orgue soliste occupe une place prééminente à la fin du Baroque, comme en témoignent les concertos pour orgue de Georg Friedrich Händel, publiés entre 1738 et 1761 (après sa mort). Primitivement destinés aux entr’actes de ses oratorios, ils sont dotés de cadences – indiquées ad libitum – qui servent le talent de l’improvisateur, et révèlent l’influence de Vivaldi dans la conduite du dialogue entre le soliste et l’orchestre.
61La suppression de la basse continue confère aux instruments à clavier de nouvelles possibilités expressives. Suivant l’exemple de leur père qui avait mis à l’honneur le clavecin dans ses concertos, Carl Philipp Emanuel, Johann Christian et Wilhelm Friedemann Bach composent des concertos pour clavier (ou pour deux claviers), de même que Georg Christoph Wagenseil. Après 1760, le pianoforte supplante peu à peu le clavecin, symbole d’une esthétique désormais désuète.
62L’étude des catalogues d’éditeurs français qui, à partir de ces années 1760, consacrent des rubriques spécifiques au concerto 61, prouve qu’il se diversifie pendant les dernières décennies du siècle, ce qui corrobore les commentaires de Ginguené. Ainsi, le catalogue Durieu, daté de mars 178062, n’annonce que des concertos pour violon (le 2e de Bertheaume, les 3e et 4e de Johann Stamitz), pour flûte (les 3e et 4e de Cambini, les 4e et 5e de Christian Ernst Graaf [Graf]) et pour violoncelle (le 8e de Cirri). Or, en 179663, Pleyel propose des concertos pour violon (le 16e de Jarnowick, le 19e de Viotti), pour piano (le 18e de Viotti, arrangé par Dussek), pour flûte et hautbois (une œuvre de Salandin [Sallantin ou Sallentin, dit Charonne], l’opus 37 de Vogel), et pour violoncelle (le 4e concerto de Pleyel lui- même). Vers 1803-1804, au sein d’un catalogue, riche de sept pages, qui mentionne une grande variété de genres instrumentaux allant de la sonate à la symphonie concertante – et de la musique vocale64 –, celui-ci offre un répertoire éclectique incluant : des concertos pour violon (les 10e et 11e de Kreutzer, les 19e et 20e de Viotti, des œuvres posthumes de Saint-George), pour alto (le 1er de Amon), pour violoncelle (les 1e, 2e et 3e de Lamare [Lamarre]), pour flûte (les 13e et 24e de Hoffmeister), pour hautbois (le 1er de Vogt), pour clarinette (le concerto en la majeur K 622 de Mozart, le 3e de Vanderhagen), pour cor (le 4e de Rosetti, les 5e et 14e de Punto [Stich] ), et pour flageolet (1er, 2e et 3e de Belay).
63Tandis que Jean-Baptiste-Sébastien Bréval, Jean-Louis Duport et Jean-Baptiste Janson contribuent au renom du violoncelle, Krumpholtz et Petrini font paraître des concertos pour la harpe que Goepffert a récemment introduite, en 1749, dans les concerts. Elle obtient un grand succès durant le règne de Louis XVI grâce à Marie- Antoinette, elle-même harpiste, qui attire en France, à partir de 1770, facteurs et compositeurs. On ne dénombre pas moins de cinquante-huit professeurs de harpe, à Paris, en 1784. Maint aristocrate, comme Madame de Genlis, joue de cet instrument qui est également utilisé au théâtre lyrique dans La Caravane du Caire de Grétry, en 1783, et dans Les Visitandines de Devienne.
64C’est au cours de cette période que sont édités les concertos pour flûte de ce dernier (François Devienne), pour hautbois de Girolamo Besozzi, pour basson de Etienne Ozy, pour cor de Punto et Rodolphe, ainsi que les concertos pour clavier de Henri-Joseph Rigel, Schobert et Tapray65.
65Contrairement à Ginguené, de Momigny fait référence à l’ensemble de la production européenne dans ses articles « Symphonie concertante » et « Quatuor » de l’Encyclopédie méthodique. Musique, publiés en 1818 – vingt-sept ans plus tard que cet historique du concerto que nous venons d’analyser –, et prouve sa vaste culture.
66Bien qu’il soit élogieux envers Viotti, il affirme la suprématie de l’Ecole de Vienne :
Ce musicien [Viotti] ne peut être comparé à Haydn ni à Mozart pour la richesse, la force ou la profondeur du contre-point & de l’harmonie ; mais sa phrase pompeuse, ses traits brillans & le grandiose de son style le font rivaliser sans désavantage avec les plus grands compositeurs66.
67De même, il reconnaît le talent de Boccherini, mais il vante l’excellence des quatuors de Haydn et de Mozart :
Ce mot de quatuor réveille délicieusement l’idée de Boccherini, d’Haydn & de Mozart, qui en ont fait d’admirables, chacun dans leur genre, & selon leur génie & le temps où ils ont écrit : considération qu’il faut toujours faire entrer en ligne de compte dans le jugement que l’on veut porter sur le mérite réel d’un compositeur, ou sur celui de ses ouvrages ; car, pour apprécier au juste l’un & l’autre, il faut nécessairement examiner ce qu’il y avoit de fait, & ce que l’on faisoit au moment où un auteur tenoit la plume67
68L’immense réputation dont jouit Haydn dans l’Europe des Lumières s’établit grâce à ses symphonies et ses quatuors à cordes, gravés à Paris, vraisemblablement à son insu, à partir de 1764. S’il n’écrit qu’une seule symphonie concertante – Hob. 1. 105 en si bémol majeur –, en 1792, instrumentée pour hautbois, basson, violon et violoncelle, il est le véritable créateur du quatuor à cordes classique, élaboré, selon la plupart des exégètes, en 1781, avec ses Jungfern-Quartette opus 33 qui allient un ton populaire à une facture savante. Ses soixante-huit ouvrages, échelonnés sur près d’un demi-siècle (depuis les années 1757-1760 jusqu’en 1803, des Quatuors à Fürnberg à l’opus 103), évoluent de manière remarquable du Préclassicisme jusqu’aux prémices du Romantisme. Le quatuor à cordes classique doit sa pérennité à Haydn.
69Quant à Mozart, il laisse deux symphonies concertantes, (plus une d’authenticité douteuse), et deux fragments (K Anh. 56 / 315 f pour pianoforte et violon, K Anh. 104/320 e pour violon, alto et violoncelle), qui voient le jour à partir d’avril 1778. Ayant récemment quitté Mannheim, il se trouve, à Paris, en contact avec un milieu musical imprégné d’idées maçonniques, rencontre des nobles allemands comme le comte von Sickingen, ministre de l’Electeur Palatin et, par ailleurs, François-Joseph Gossec, ainsi que Giuseppe Maria Cambini dont il a, quelque temps auparavant, entendu un quatuor. La première de ces œuvres, – K Anh. 9/297 B, en mi bémol majeur, pour flûte, hautbois, cor et basson –, correspond à une commande de Joseph Legros [Le Gros], directeur du Concert Spirituel, et semble avoir été destinée à quatre virtuoses, amis de Mozart (Wendling, Ramm, Punto et Ritter). Mais elle ne fut jamais exécutée, sans doute à la suite d’intrigues fomentées par Cambini, et son manuscrit autographe n’a pas été retrouvé. Nous n’en possédons qu’un arrangement – K Anh. 9 / C 14.01 – qui substitue le hautbois à la flûte et la clarinette au hautbois. Dans cette version en trois mouvements – allegro, adagio, andantino con variazioni – de style très mannheimiste et d’une longueur exceptionnelle pour l’époque, les instruments ne sont pas traités comme un quatuor de solistes formant le concertino, mais dialoguent sans cesse, ensemble ou séparément, avec tout l’orchestre. La symphonie concertante pour violon et alto K 364 / 320 d, dans la même tonalité – mi bémol majeur –, est probablement composée à Salzbourg, en 1779, pour le violoniste Franzl et l’orchestre de Mannheim ou, selon une autre hypothèse, pour Kolb. Egalement en trois mouvements – allegro maestoso, andante, presto –, elle est d’amples proportions, renonce à l’esthétique galante, et déconcerte l’auditeur par une intensité expressive annonciatrice des concertos et des symphonies de la pleine maturité. Enfin, au mois d’août de la même année, Mozart insère dans sa Posthorn-Serenade K 320 une petite symphonie concertante en sol majeur pour instruments à vent, en deux mouvements (andante grazioso, rondo : allegro ma non troppo).
70Néanmoins, en mai 1774, son Concertone pour deux violons K 190 /186 E, qui adjoint ponctuellement à ces soli un hautbois et un violoncelle ayant un rôle concertant, laisse déjà pressentir ce genre typiquement français, et relève davantage de l’esprit du divertimento que de celui du concerto pour violon.
71Les vingt-trois quatuors à cordes de Mozart constituent un corpus d’une richesse sans précédent qui s’avère fortement influencé par Haydn68. Si le K 80/73 f, dont le style est hérité de Sammartini, et les Quatuors milanais (K 155 / 134 a, K 156 /134 b, K 157, K 158, K 159, K. 160 / 159 a) se structurent à l’italienne, en trois mouvements, si les Quatuors viennois (K 168-173) s’inspirent de Yopus 17 et des Sonnen-Quartette opus 20 de Haydn, ses chefs-d’œuvre sont incontestablement ses Quatuors dédiés à Haydn – K 387, K 421 / 417 b, K 428/421 b, K 458, K 464, K 465 –, dont le sixième est le « Quatuor des Dissonances », achevé le 14 janvier 1785. Qualifiés « (…) de fruit d’un long et laborieux effort (…) »69 ceux-ci démontrent qu’il a assimilé les innovations des Jungfern-Quartette opus 33 de son aîné, et reflètent la quintessence de son génie dans le domaine de la musique de chambre. Le Quatuor Hoffmeister (K 499) date de l’été 1786, et les trois Quatuors prussiens (K 575, K 589, K 590) redéfinissent en 1789-1790, à l’intention de Frédéric-Guillaume II de Prusse, violoncelliste amateur, les principes d’écriture des Six Quatuors dédiés à Haydn en privilégiant le violoncelle, instrument royal, dans son registre le plus chantant.
72Toutefois, si de Momigny admire l’œuvre de Haydn et de Mozart, il témoigne aussi d’un vif intérêt pour la symphonie concertante française.
73A la veille de la Révolution, la symphonie est, en effet, à son apogée70. Apparue dans les années 1740-1750 avec de Blainville, Guillemain, Dauvergne et, surtout, grâce à François Martin – qui tente une fusion entre la sinfonia et l’ouverture à la française –, puis à Gossec, elle se dégage peu à peu de l’emprise italienne et intègre des éléments germaniques lorsque des musiciens d’outre-Rhin affluent à Paris. Parmi eux s’imposent Johann Stamitz, venu, en 1754, diriger l’orchestre du Fermier général La Pouplinière et faire connaître des procédés concernant la dynamique et l’instrumentation – notamment l’utilisation des cors et des clarinettes –, ainsi que Beck, Richter et Henri-Joseph Rigel. Cette influence de l’Ecole de Mannheim se manifeste dans les symphonies de Gossec, grand maître de l’orchestration, comme « La Chasse », en 1774, ou encore dans celles de Guénin et de Simon Le Duc [Leduc].
74Née vers 1770 à Mannheim et à Paris, la symphonie concertante fait la synthèse du concerto grosso et de la symphonie, est en deux mouvements (plus rarement, en trois), et doit sa spécificité à des Français – ou à des étrangers faisant carrière dans notre pays –, tels que Bréval, Cambini, Davaux, Devienne, Pleyel et Saint-George. Elle est concurrencée par les symphonies de Haydn, et par l’opéra-comique, représenté par Philidor, Monsigny, Grétry et Dalayrac, qui satisfait mieux aux exigences des amateurs que la tragédie en musique de tradition ramiste.
75Le déclin de la symphonie s’amorce pendant la décennie révolutionnaire, car ses protagonistes, à l’instar de Gossec et de Méhul, sont chargés d’écrire des ouvrages de circonstance qui prônent l’idéologie dominante. En revanche, la symphonie concertante survit plus longtemps, en dépit de la fermeture du Concert Spirituel en 1790, et propose une instrumentation qui se renforce et se diversifie.
76De Momigny apprécie particulièrement les treize symphonies concertantes de Jean-Baptiste Davaux, éditées entre 1772 et 1800, dont l’une, en 1794, est mêlée d’airs patriotiques :
On ne doit pas taire que l’on se rappelle toujours avec plaisir les symphonies concertantes de M. Daveaux [sic] ; car la mémoire sourit toujours à ce qui nous a plu71.
77Presque toutes sont instrumentées pour deux violons principaux, parfois accompagnés d’une flûte, d’un alto ou d’un violoncelle. Gracieuses et plaisantes, elles sont dénuées de la moindre intention dramatique et répondent parfaitement aux attentes du public. Si Davaux n’est pas l’inventeur de la symphonie concertante, il en est cependant l’un des pionniers.
78En ce qui concerne le quatuor à cordes, de Momigny se déclare éclectique et n’ignore pas le répertoire français :
Les quatuors d’Haydn et ceux de Mozart font l’admiration et les délices des connaisseurs. (…). On ne peut nommer ceux de Boccherini sans rappeler mille sensations agréables, et tout le monde a joué avec plaisir dans leur tems, ceux de Stamitz, ceux de Davaux et ceux de Cambini. De nos jours, on entend ceux de Kreutzer qui ont des beautés réelles72.
79Tandis que Anton Thadäus Stamitz et son frère Carl Philipp composent des quatuors caractéristiques de l’Ecole de Mannheim, Boccherini s’installe en Espagne tout en étant, à partir de 1787, au service du roi de Prusse. Il publie, entre 1767 et 1804, quatre-vingt-onze quatuors à cordes, répartis, selon leurs dimensions, en opere grandi et opere piccole, qui révèlent des qualités mélodiques et rythmiques, sont d’une indéniable séduction dans les mouvements lents – tels que le magnifique largo cantabile en mi bémol majeur du quatuor 2 opus 8 –, et font parfois appel au folklore. Alors que croît sa popularité, il développe des traits de virtuosité comme dans ses quatuors opus 24. Ceux-ci sont d’ailleurs intitulés « Quartetti concertanti », à l’instar des quatuors français contemporains, lorsqu’ils sont diffusés par Sieber vers 1778 (en tant qu’opus 27).
80Boccherini adopte volontiers des formes simples et brèves, en deux ou trois mouvements, à l’exemple de ses Quartettini opus 44, dont le quatrième – G. 223 en sol majeur, dit « La Tiranna » –, évoque en 1792, selon les commentateurs, une danse espagnole très à la mode à Madrid pendant les dernières années du siècle – la « tirana » –, ou bien l’actrice Maria del Rosario Fernández, surnommée « La Tirana », dont le portrait est peint par Goya. Son écriture, à l’inverse de celle de Haydn, évolue peu tout au long de sa production73.
81De Momigny vante les quatuors à cordes opus 6, 9 et 14 de Davaux (dédiés respectivement au prince de Guéménée, au prince de Lambesc et au comte de Meslay), parus entre 1773 et 1790, ainsi que ses Six Quatuors d’airs connus mis en variations et en dialogue opus 10, datant de 1782-1783 :
Si l’on concentre un instant ses regards sur la capitale de la France, & si l’on s’informe de ce que fut, à sa naissance, le quatuor à Paris, on le trouvera, dès le berceau, plein d’amabilité & de grâce dans ceux de M. Davaux, amateur à qui l’art a des obligations réelles74.
82Très prisés par la critique à la fin du XVIIIe siècle, ils sont interprétés par des instrumentistes chevronnés (Jarnowick, Guérin, Guénin et Duport) lors des concerts hebdomadaires organisés par Davaux à son domicile.
83Quant à Giuseppe Maria Cambini, Italien d’origine livournaise fixé à Paris, il semble, dans sa jeunesse, avoir joué en quatuor avec Boccherini, Manfredi et Nardini ; au cours des années 1770, il se distingue comme une figure de proue de la vie musicale française et s’avère d’une extraordinaire fécondité dans le domaine instrumental. Auteur de quelque cent cinquante quatuors à cordes, édités entre 1773 et 1809 environ, de nombreuses autres œuvres de musique de chambre, de concertos, de symphonies et de symphonies concertantes, il remporte un immense succès auprès des amateurs 75.
84Davaux et Cambini excellent dans le genre du quatuor à cordes concertant, cultivé avec bonheur par nos compatriotes jusqu’à la Révolution. Il est majoritairement structuré en deux mouvements (du type : allegro de sonate bithématique, en première position, rondeau – rondo –, rondo tempo di minuetto, minuetto con trio, presto, andante, cantabile, ou aria con variazioni, en position terminale), et accorde une importance égale aux instruments en leur confiant en alternance un discours soliste et virtuose, mentionné solo sur les parties séparées. Destiné à quatre concertans – c’est- à-dire quatre musiciens –, il marque la naissance du quatuor à cordes français qui, se dégageant de l’esprit symphonique propre à maints ouvrages de libellés indifférenciés (symphonies ou quatuors) durant sa période de genèse, exclut toute possibilité d’exécution par un petit orchestre. Cette appellation quatuor concertant, qui peut être associée à celle de quatuor dialogué, se retrouve au titre de recueils signés, entre 1774 et 1790, par Cambini et Davaux, mais aussi par Bréval, Dalayrac et Saint-George, pour ne citer qu’eux. Ce style concertant est illustré, en 1783, par le quatuor 5 du XVI e Livre de Cambini, en ré majeur, qui fait suivre un allegro moderato d’un allegretto arioso con espressione, dont chacune des quatre variations valorise un instrument76.
85Autre Français reconnu par de Momigny, Rodolphe Kreutzer est, avec Pierre Baillot et Pierre Rode, l’un des meilleurs violonistes de son temps. Disciple d’Anton Thadàus Stamitz, le futur dédicataire de la sonate pour violon et piano opus 47 de Beethoven fait ses débuts au Concert Spirituel à l’âge de treize ans ; il succède à son père à la Chapelle royale en 1783 avant de devenir, en 1790, premier violon du Théâtre Italien, est nommé professeur au Conservatoire en 1795, puis exerce diverses fonctions musicales sous le Consulat, l’Empire et la Restauration. Bien que ce créateur porte à la scène, entre autres, Jeanne d’Arc à Orléans, Paul et Virginie, Lodoïska, il atteint à la notoriété grâce à sa musique instrumentale – consistant en sonates, duos, trios, quatuors à cordes, concertos et symphonies concertantes –, mais également à ses Quarante Etudes ou Caprices pour le violon, et à la Méthode de violon qu’il conçoit en collaboration avec Baillot et Rode77. Ses concertos pour violon sont chaleureusement accueillis par la critique, comme en témoignent ces propos tenus par le citoyen Cocatrix, en mars 1803, après le neuvième Concert de la rue de Cléry :
MM. Romberg et Kreutzer ont joué chacun un concerto de leur composition et ont ajouté à l’intérêt de ce concert qui a été un des plus beaux qu’on ait jamais entendus78.
86Ses symphonies concertantes, instrumentées pour deux violons principaux ou pour deux violons et violoncelle, gravées entre 1793 et 1803, suscitent l’enthousiasme de J.-J. de Momigny :
Celles [les symphonies concertantes] de M. Kreutzer, très brillantes, se joueront long-temps encore79.
87De plus, ce théoricien souligne la beauté de ses quatuors à cordes dont le premier opus est offert à Monsieur Desentelles, son vraisemblable commanditaire, vers 1786-1787 :
Les quatuor [sic] de Krommer, de Kreuzer [sic] & de Fraënzel [Franzl] font connoître, par leurs qualités brillantes, qu’ils ont été composés sur le violon, & conçus par des virtuoses sur cet instrument80.
88Dans ses articles sur la symphonie concertante et le quatuor, de Momigny rend hommage à Ignaz Pleyel, compositeur, éditeur et facteur d’instruments de naissance autrichienne. Celui-ci est probablement, si l’on excepte Beethoven, le plus célèbre élève de Joseph Haydn. Formé par Vanhal, puis par Haydn à Eszterhaza de 1772 à 1777, il ne tarde pas à se fixer à Strasbourg (en 1783 ou 1784) en tant qu’assistant de Richter, représentant de l’Ecole de Mannheim dont le rôle est très important dans l’élaboration du style symphonique français. Il y écrit bon nombre de ses œuvres, essentiellement instrumentales (auxquelles s’ajoutent deux opéras, de la musique sacrée, des Lieder et des hymnes révolutionnaires), qui obtiennent la faveur du public et font l’objet de multiples arrangements. Outre des sonates et pièces pour clavier, des duos pour divers instruments, des trios, des quatuors avec flûte et des quintettes, elles comprennent, notamment, des concertos, près de quarante symphonies, et au moins six symphonies concertantes dont certaines « (…) s’entendent alternativement sur le piano & sur le violon »81. Elles incluent aussi soixante-dix quatuors à cordes, composés à partir de 1782-1783 et fréquemment publiés en Europe82. La plupart d’entre eux sont agencés en trois mouvements : allegro, adagio, rondo presto – ou minuetto con trio –, alors que le cadre formel du quatuor classique viennois des années 1780 est généralement quadripartite.
89Les quatuors de Pleyel, pleins de charme et influencés par le cantabile italien, « (…) ont eu une vogue étonnante & méritée, comme étant aussi agréables que faciles d’exécution »83, déclare de Momigny, qui fait ensuite allusion aux événements l’ayant amené, à la suite d’un procès retentissant avec son confrère, l’éditeur Sieber, à fonder, en 1805, une fabrique d’instruments :
M. Pleyel a composé depuis [son second œuvre] dans un style plus travaillé, mais il n’a pas donné le jour encore à ces nouveaux enfans de son heureux génie. Cet homme estimable, plus envieux encore de se montrer excellent père qu’excellent compositeur, voyant qu’il avoit perdu de sa vogue par une cabale puissante & par les progrès des lumières, s’est mis à la tête d’une fabrique de pianos : il s’occupe lui-même à en garnir les marteaux pour en perfectionner le son. Cela rappelle, ce me semble, ces généraux romains qui déposoient le glaive pour prendre la charrue84.
90Enfin, il admire les symphonies concertantes pour deux violons de Viotti, parues vers 1787-1788 :
M. Viotti étant de tous les grands violonistes vivans, celui qui a fait les plus beaux concerto [sic] pour cet instrument, est aussi celui qui a le mieux réussi dans la symphonie concertante pour deux violons85.
91Et, en une noble métaphore, il compare ses « tutti d’introduction » à :
(…) des pérystiles magnifiques, ou plutôt [à] des exordes qui ont toute la noblesse, la majesté & l’effet d’une portion de la symphonie, & qui ne laissent rien à désirer dans ces morceaux d’apparat86.
92Il reste à prendre en compte le milieu social dans lequel se propage la musique instrumentale au cours du XVIIIe siècle. Alors que le concerto et la symphonie concertante trouvent leur terrain d’élection dans les concerts publics, le quatuor à cordes, qui tend à devenir un concerto de salon, est l’apanage des concerts privés.
93Le plus prestigieux de ces concerts publics est assurément le Concert Spirituel87. Bien qu’il ait été institué en 1725 par Anne Danican Philidor afin de faire entendre de la musique religieuse, il propose rapidement des programmes qui révèlent aux mélomanes des genres nouveaux : la symphonie, la symphonie concertante et le concerto de soliste. Il reçoit des étrangers d’une grande renommée comme Johann Stamitz ou Boccherini, et aide même Haydn et Mozart à conquérir Paris. Lieu de passage obligé de tout artiste désireux de faire preuve de son talent, il contribue à l’épanouissement de l’Ecole française de violon.
94Après 1750, d’autres concerts publics favorisent le développement de la musique instrumentale, comme le Concert des Amateurs, créé en 1769 par Gossec, le Concert d’Emulation et le Concert de la Loge olympique. Né en 1783 sous l’égide du Fermier général de La Haye des Fosses et du comte d’Ogny, celui-ci acquiert une telle réputation que Marie-Antoinette et la Cour assistent à ses séances. C’est d’ailleurs cet organisme qui, en 1784 ou au début de 1785, commande à Haydn, par l’intermédiaire du chevalier de Saint-George, son chef d’orchestre, la série des six Symphonies parisiennes dont trois seront immortalisées sous les titres de « L’Ours », « La Poule » et « La Reine »88.
95En marge de ces concerts publics fleurissent, dans le cadre de salons, des concerts privés qui sont fort appréciés juqu’à la fin de l’Ancien Régime. Ils permettent à des professionnels et à d’excellents amateurs de se produire chez de riches aristocrates ou bourgeois qui, afin d’affirmer leur rang social, entretiennent un petit ensemble instrumental, ou mieux, un orchestre. Certaines de ces manifestations, se déroulant chez le prince de Conti de 1762 à 1771, sont évoquées par le fameux tableau d’Ollivier, intitulé : Thé à l’anglaise dans le Salon des quatre glaces, au Temple, chez le prince de Conti ; il relate la prestation du jeune Mozart sur le pianoforte de ce mécène, lors de son séjour à Paris en 1766.
96Parmi les autres salons, se distinguent ceux de Madame Brillon de Jouy, du baron de Bagge, du maréchal de Noailles, du comte d’Albaret et de Jean-Baptiste Davaux. Ces protecteurs des Arts, souvent eux-mêmes musiciens, sont en relation avec des éditeurs comme Louis-Balthazard de La Chevardière, qui fournit au prince de Conti et au baron de Bagge les partitions des œuvres les plus récentes. Ceux-ci les confient à des virtuoses et promeuvent le quatuor à cordes concertant. Bien que ces salons soient extrêmement influents à Paris en ce qui concerne la diffusion de la musique de chambre, ils sont encore, paradoxalement, mal connus.
97En synthèse, ces écrits sur le concerto, la symphonie concertante et le quatuor à cordes s’inscrivent dans un contexte qui, à partir des années 1770, inspire à la critique des commentaires de plus en plus perspicaces sur la littérature pour violon, et font envisager la musique instrumentale comme un langage autonome.
98Deux observations préalables s’imposent.
99Alors que Ginguené, également signataire des articles « Allemagne », « France » et « Italie », démontre ses qualités d’historien dans sa large rétrospective du « Concerto », de Momigny adopte, quant à la symphonie concertante et au quatuor, une démarche analytique propre au technicien de la musique.
100Par ailleurs, si Ginguené, cependant très mélomane et auteur de Petits airs pour voix de dessus avec accompagnement de clavecin ou fortepiano – comme la Chanson de Galatée –, sous-estime l’Ecole française en 1791, de Momigny y fait référence en 1818, prouvant de la sorte, grâce à ses goûts éclectiques, sa volonté de prendre en considération tout le répertoire européen.
101Faut-il imputer cette disparité d’attitude chez ces coéditeurs de l’Encyclopédie méthodique. Musique au seul laps de temps écoulé (plus d’un quart de siècle) entre la parution de leurs textes ? Ou bien n’est-elle pas aussi la conséquence d’un intérêt plus marqué, chez de Momigny, pour l’écriture, domaine dans lequel ses compétences de théoricien, d’organiste et de compositeur légitiment qu’il fasse autorité ? Il s’exprime en des termes empreints de modestie à propos de ses quatuors à cordes :
Dois-je parler des miens & me juger moi-même ? Il faut du moins que j’en dise un mot, par reconnoissance pour M. Boucher, pour lequel je les ai faits (…). Il est impossible d’avoir plus de chaleur & de sentiment qu’il n’en développe dans l’exécution de cette musique qui semble exalter son ame [sic] de feu. Il ne s’y montre pas seulement grand violon, mais acteur parfait89.
102Ces mêmes compétences lui font prendre conscience de la modernité des symphonies et des quatuors de Haydn, ainsi que de la richesse de l’œuvre de Mozart dont Pleyel vient de publier, entre 1805 et 1808, les Six Quatuors dédiés à Haydn, précédemment cités.
103La teneur des informations contenues dans ces textes et la pertinence des arguments qui y sont exposés mettent en évidence quatre caractéristiques afférentes à la musique instrumentale des Lumières, qui annoncent les prémices du Romantisme.
104La première d’entre elles s’avère le rôle fondamental joué dans son essor par les membres de maints foyers de création, situés dans trois zones géographiques essentielles (l’Italie, l’Allemagne et l’Autriche, la France). Il apparaît clairement que le concerto naît et s’épanouit dans la péninsule italienne, puis se répand en Europe. En revanche, la symphonie concertante est plus spécifiquement française, et le quatuor à cordes, éminemment représenté à Vienne par Haydn et Mozart, est également cultivé par bon nombre de leurs contemporains ou émules – quasiment oubliés de nos jours –, tels que Boccherini, Cambini, Davaux, Viotti, Kreutzer, Pleyel et Krommer.
105La seconde caractéristique consiste en la présence de deux types d’œuvres, destinées les unes au connoisseur, les autres à l’amateur. Elles sont de factures différentes, illustrées respectivement par le quatuor à cordes classique et le quatuor à cordes concertant. Ce dernier est pratiqué par Boccherini et la majorité des compositeurs français, qu’ils soient autochtones ou d’origine étrangère : Bréval, Cambini, Capron, Davaux, Saint-George et Vachon.
106Tandis que le quatuor classique, dont le modèle le plus novateur est l’opus 33 de Haydn (composé en 1781), revendique l’égalité des quatre parties, engendrée par le travail thématique (thematische Arbeit), à partir d’un matériau bref et chargé d’énergie par le dynamisme du système tonal dans des formes sonate diversifiées, le quatuor concertant, qui hérite de la tradition du divertimento, est fondé sur la prépondérance d’une partie soliste et relève du style galant. De Momigny déclare à ce sujet :
Pour moi, j’ai eu le bonheur d’entendre le même jour l’œuvre 33 d’Haydn, & le second œuvre de M. Pleyel.
Ces deux œuvres me firent un plaisir infini ; je trouvai ceux d’Haydn dignes du maître, & ceux de Pleyel dignes de l’élève ; mais d’un élève qui avoit bien moins sucé la science de son maître, que cherché à imiter son amabilité & ses effets, & quelquefois sa hardiesse90.
107Il sait gré à Pleyel d’avoir aidé le public français à mieux appréhender les chefs- d’œuvre classiques viennois :
Il faut convenir qu’on doit à ce charmant compositeur [Pleyel], d’être arrivé quinze ans plutôt [sic] aux quatuors d’Haydn et de Mozart, trop savans pour pouvoir être sentis et appréciés immédiatement après la musique plate et mesquine que la sienne a fait oublier91.
108L’amateur est séduit par le rondo qui, structuré en un refrain accompagné de couplets (dont l’un est en mineur – minore –), implique la reprise de phrases musicales devenues familières. Son goût musical ne satisfait-il pas à l’idéal de simplicité énoncé, en 1753, par Karl Wilhelm Ramier, théoricien de la première Ecole de Berlin, dans la préface de ses Oden mit Melodien ? Celui-ci préconisait, en effet, pour lutter contre la prééminence de l’opéra, le recours à des Lieder du type Scherzlied, aisément mémorisables et agissant par le seul pouvoir de la mélodie.
109Toutefois, une évolution se dessine dans les années 1780 où l’on se lasse du rondo. Ainsi, en 1791, Ginguené le définit-il comme :
(…) genre futile & borné, dont la répétition étemelle est pour tout véritable amateur une source de dégoût & d’ennui. Se faire une loi de terminer deux premières parties d’un caractère noble & sublime, comme doivent l’être les premiers morceaux du concerto, par un petit rondeau dont le chant, presque toujours, tient plutôt du caractère de la chanson que de celui de la musique, c’est comme si l’on finissoit nos grands opéras par un vaudeville, & si l’on faisoit entendre un air des rues à la fin de Didon ou d’Iphigénie92.
110De Momigny en souligne néanmoins la richesse potentielle :
S’il est cent manières de faire le rondo vocal, il en est mille de faire le rondo instrumental ; ou du moins il y a mille degrés de mérite différent [sic] entre le rondo d’une sonate de Nicolaï & un rondo d’Haydn.
Il en est encore de plus foibles que ceux de Nicolaï, mais je n’en connois point de plus forts que ceux de Haydn.
Quel génie & quel talent il faut pour créer un rondo tel que ceux par l’un desquels se termine l’une ou l’autre des douze dernières symphonies d’Haydn !93
111Ce « génie » et ce « talent » sont tout aussi manifestes dans les rondos terminaux des quatuors 2, dit « La Plaisanterie », 3, dit « L’Oiseau », et 4 opus 33 du même Haydn.
112L’amateur affectionne aussi les transcriptions d’airs d’opéras, d’opéras-comiques, d’opéra buffa et d’airs variés, qui permettent d’adapter aux genres de musique instrumentale les plus prisés les principaux succès du théâtre lyrique, divulgués, de ce fait, jusqu’en province. Tandis que Capron triomphe au Concert Spirituel avec ses concertos pour violon mêlés d’airs connus et que Davaux conçoit, à partir de sa comédie à ariettes Théodore ou Le Bonheur inattendu, une symphonie concertante pour trois instruments à vent, Alexandre, Cambini, Vachon, Viotti et Gasseau arrangent pour quatuor des ouvertures et airs lyriques célèbres, souvent regroupés en Suites ou en Concerts, qui jouissent d’une grande vogue jusqu’à la Révolution. Les Six Quatuors d’Airs choisis Dialogués et Variés de Cambini, parus approximativement entre 1786 et 1788, proposent les extraits suivants : un air du Barbier de Séville de Paisiello, un andante intitulé Charmante Gabrielle, la romance de Nina de Dalayrac – « Quand le bien-aimé reviendra » –, la romance d’Alexis et Justine de Dezède – « Elle l’aimoit si tendrement » –, puis deux airs de Grétry, sélectionnés dans Panurge – « Du choix que l’amour suggère » – et dans Richard Cœur de Lion – « Ô Richard, ô mon roi ! » –. A la même esthétique ressortissaient déjà les vingt-cinq Concertos comiques de Michel Corrette qui, à l’instar de La Servante au bon tabac, furent composés, de 1732 à 1760 environ, sur des thèmes populaires.
113Le connoisseur préfère une écriture plus complexe qui s’exprime surtout dans le tempo lent de l’adagio. Ginguené vante particulièrement les adagios de Viotti, valorisant à la fois l’auteur et l’interprète :
On fut sur-tout enchanté de ces beaux adagios, que leur auteur exécutoit avec une perfection dont on avoit depuis long-temps perdu l’idée, & qui rendoit au concerto toute sa dignité. S’il céda quelquefois au goût du public pour les rondeaux, ce ne fut ni toujours, ni sans donner même à ce petit genre une sorte d’élévation & de noblesse94.
114La troisième caractéristique de cette période résulte des progrès réalisés par le public dans l’appréciation de la musique instrumentale, qui traduisent ces transformations du goût. Maint périodique déplore fréquemment, à juste titre, le style assez uniforme de nombreux ouvrages de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Les contacts noués entre artistes de provenances géographiques diverses engendrent un langage international, voire cosmopolite auquel est redevable la musique française.
115On recherche la simplicité et le naturel que, conformément à l’idéologie des Lumières, l’on considère comme les signes distinctifs des chefs-d’œuvre en tous genres. La critique exprime de violentes diatribes contre les instrumentistes qui se complaisent à démontrer leur grande habileté technique. En janvier 1779, le Mercure de France commente en ces termes les spectacles du Concert Spirituel, donnés la veille et le jour de Noël de l’année précédente :
Le Concerto de cors-de-chasse, exécuté le Jeudi par M. Léopoldo-Colle ; celui de violon, par M. le Févre ; celui de harpe, par M. Krumpholtz, sembloient moins faits pour émouvoir, que pour étonner le petit nombre des connoisseurs. Les trois Concertos du lendemain, exécutés sur la clarinette par M. Baer ; sur le violon, par M. Capron ; & sur le violoncelle, par M. Duport, étoient dans le même genre ; il en faut néanmoins excepter MM. Duport & Krumpholtz. dont les compositions, quoique savantes & hérissées de passages difficiles, conservoient encore une mélodie appréciable, & faite pour plaire aux oreilles non-exercées, ainsi qu’à celles des Savans.
Le Directeur de ce Concert, M. le Gros, qui cherche tous les moyens de le rendre chaque jour plus intéressant, doit sans doute gémir de ne pouvoir déterminer la plupart des Virtuoses à suivre son exemple, c’est-à-dire, à imiter la belle simplicité de son chant dans leur musique instrumentale. (…). Depuis vingt ans il se plaint des Virtuoses, qui, au lieu de chant, s’obstinent à lui faire entendre des batteries insignifiantes, des arpegio variés à l’infini, des roulades éternelles & monotones ; (…). Sont-ce les Musiciens qui doivent nous asservir à leurs caprices ? (…). Qu’un joueur de clarinette soutienne une cadence pendant 160 secondes ; qu’un joueur de violon rassemble 80 triples croches sous un seul coup d’archet ; que sa main fasse des sauts périlleux, comme un danseur de corde ; si ces tours de force ne tendent point au but de l’Art ; si, loin de plaire, ils fatiguent, & réveillent des sentimens pénibles, ne sommes-nous pas en droit de les proscrire ? Et les joueurs d’instrumens ne doivent-ils pas enfin renoncer à un genre qui n’a d’autre mérite que la difficulté vaincue ?95
116De façon générale, la virtuosité est jugée sévèrement lorsqu’elle trouve sa justification en elle-même. En 1803, le chroniqueur de la Correspondance des Amateurs Musiciens nourrit envers Kreutzer les griefs suivants :
Les amateurs du genre de spectacle appelé concert, [sic] veulent comprendre ce qu’on leur y débite ; ils aiment à y trouver le plaisir qu’on leur a promis, à s’en rendre compte. Comment leur seroit-il possible d’éprouver aucun sentiment d’admiration, ou d’estime même ; aucune sensation agréable, pour un amas de traits dénués de chants, rassemblés sans ordre ni clarté, entassés pour ainsi dire les uns sur les autres et répétés jusqu’à satiété, quoiqu’assez ordinairement précédés d’expositions emphatiques ou encadrés dans des tutti imposans, qui ne les rendent que plus repoussans [ ?].
Telle est l’impression que nous a laissé [sic] jusqu’à présent la majeure partie de ces sortes de compositions, et notamment le grand concerto joué par M. Kreutzer l’aîné, au dernier concert Cléry. Cet artiste maîtrise les plus grandes difficultés ; mais il est impossible qu’il fasse consister l’art de l’exécution à les avoir vaincues96.
117En vérité, on révère avant tout l’art de Haydn :
Les beaux chants sont à la musique instrumentale, ce que la belle nature est à la peinture. La perfection d’exécution sur les instrumens consiste à s’emparer de ces chants, à les rendre avec l’accent de la nature, à les varier, les moduler, depuis l’expression la plus simple, jusqu’à la plus compliquée ; (…).
Haydn, dans ses symphonies, est un véritable modèle pour toutes les autres parties de l’art musical. Du motif de chant le plus simple, (…), il fait sortir le chant le plus élégant, le plus majestueux. Ses sujets sont toujours clairement exposés, habilement développés, il en sait tirer (si l’on peut s’exprimer ainsi) tous les corollaires les plus compliqués, sans jamais sortir de son cercle : la période de ses discours est toujours la conséquence de son exorde. Aussi tout ce qu’il veut exprimer, quoique vague, quoique dénué d’idées déterminées par des paroles, ou par des actions, est-il compris du plus ignorant comme du plus savant97.
118Enfin, la quatrième caractéristique annoncée met en relief les orientations divergentes, parfois même opposées, prises par ces genres intrumentaux dans lesquels excellent les compositeurs les plus renommés. Tandis que le quatuor à cordes peut s’avérer passéiste et s’inspirer encore de la théorie de l’imitation de la Nature comme le prouve l’analyse, faite par de Momigny en 1806, du quatuor K 421 / 417 b, en ré mineur, de Mozart – qu’il dote de paroles afin d’en mieux cerner l’expression 98 –, le concerto de soliste et la symphonie concertante marquent le passage de l’esthétique du XVIIIe siècle à une conception novatrice du pouvoir expressif de l’instrument.
119Ce n’est d’ailleurs guère avant les années 1800 que le quatuor concertant cède la place au quatuor brillant, représenté essentiellement par Viotti, Kreutzer, Rode et Baillot, dans lequel le premier violon exécute des traits d’une extrême virtuosité qui l’apparentent au soliste du concerto. Ainsi en témoigne la pratique de Pierre Baillot, fondateur du premier quatuor professionnel français en 1814, consistant à jouer debout tandis que les trois autres musiciens restent assis.
120Cependant, si la symphonie concertante, qui n’est autre qu’un concerto à plusieurs solistes, annonce le double ou le triple concerto de l’époque romantique (avec Brahms ou Beethoven), le quatuor à cordes et le concerto continueront de connaître, au cours du XIXe siècle, de multiples avatars qui leur assureront la pérennité.
Notes de bas de page
1 Cf. Nicolas-Etienne Framery et Pierre-Louis Ginguené, Encyclopédie méthodique. Musique, Paris, Panckoucke, 1791, tome 1. Nicolas-Etienne Framery, Pierre-Louis Ginguené et Jérôme-Joseph de Momigny, Encyclopédie méthodique. Musique, Paris, Veuve Agasse, 1818, tome 2. Toutes les citations de cet article respectent l’orthographe du texte original.
2 Nicolas-Etienne Framery, « Discours préliminaire », in : Nicolas-Etienne Framery et Pierre-Louis Ginguené, Encyclopédie méthodique… . op. cit., tome 1, p. XIJ.
3 Id.
4 Cf. Jean-Philippe Rameau, Erreurs sur la musique dans l’Encyclopédie, Paris, S. Jorry, 1755, réimpression, New-York, Broude Brothers, 1969. Rameau publie également en 1756 : Suite des « Erreurs sur la musique dans l’Encyclopédie » et, en 1757 : Réponse de M. Rameau à MM. les éditeurs de l’Encyclopédie sur leur dernier avertissement.
5 Cf. Johann Georg Sulzer, « Adagio », in : Nicolas-Etienne Framery et Pierre-Louis Ginguené, Encyclopédie méthodique…, op. cit., tome 1, p. 52.
6 Cf. Louis de Cahusac, « Concert », ibid, tome I, p. 295 ; Nicolas-Etienne Framery, « Concert », ibid, tome 1, p. 295-296 ; Pierre-Louis Ginguené, « Concert », ibid., tome 1, p. 296.
7 Cf. Nicolas-Etienne Framery, « Concertant », ibid., tome I, p. 298-299 ; id., « Concerté ou Concertant ; en Italien, Concertato », « Concerto », ibid., tome 1, p. 299 ; id., « Concerto-grosso », ibid., tome 1, p. 301.
8 Cf. Jérôme-Joseph de Momigny, « Rondo », ibid., tome 2, p. 346-350 ; id., « Violon », « Violoncelle », ibid., tome 2, p. 553.
9 Cf. Pierre-Louis Ginguené, « Allemagne (Histoire de la musique en) », ibid., tome 1, p. 66-77 ; id., « France (Hist.[oire] de la musique en) », ibid., tome I, p. 607-635 ; id., « Italie (Histoire de la musique en) », ibid., tome 2, p. 67-88.
10 Cf. Pierre-Louis Ginguené, « Concerto », ibid., tome I, p. 299-301.
11 Cf. Jérôme-Joseph de Momigny, « Quatuor », ibid., tome 2, p. 298-299.
12 Id., « Symphonie concertante », ibid., tome 2, p. 416-417.
13 Cf. Nicolas-Etienne Framery, « Concertant », op. cit., p. 298-299.
14 Cf. Pierre-Louis Ginguené, « Dialogue », ibid., tome I, p. 421-422.
15 Cf. Jérôme-Joseph de Momigny, « Quatuor », in : Cours complet d’harmonie et de composition d’après une théorie neuve et générale de la musique, Paris, Auteur, 1806, tome 2, p. 693-694.
16 Cf. Dédicace à Haydn des Six quatuors œuvre I de Bernhard Heinrich Romberg, édités à Paris en 1799 chez Vogt.
17 Cf. à ce sujet : Jean-Baptiste Du Bos [Dubos], Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1er édition, Paris, J. Mariette, 1719, 2 volumes, 7e édition, Paris, Pissot, 1770, 3 volumes. Charles Batteux, Les Beaux-Arts réduits à un même principe, Paris, Durand, 1746.
18 Jean-Baptiste Du Bos, op. cit., 7e édition, volume I, p. 466-467.
19 Ibid., p. 472-473.
20 Noël-Antoine Pluche, Le Spectacle de la nature, ou Entretiens sur les particularités de l’Histoire naturelle, qui ont paru les plus propres à rendre les Jeunes Gens curieux. & à leur former l’esprit, Paris, Veuve Estienne & Fils, tome 7, 1746, p. 115.
21 Denis Diderot, « Lettre à Melle de La Chaux », in : Diderot. Ecrits sur la musique. Textes choisis et présentés par Béatrice Durand-Sendrail, Paris, J.-C. Lattès, 1987, p. 84.
22 Id.
23 Cf. Michel-Paul-Gui de Chabanon, De la musique considérée en elle-même dans ses rapports avec la parole, les langues, la poésie et le théâtre, Paris, Pissot, 1785, réimpression, Genève, Slatkine, 1969.
24 Cf. entre autres ouvrages : Jean-Philippe Rameau, Traité de l’harmonie réduite à ses principes naturels, Paris, J.-B.-C. Ballard, 1722, réimpression, Paris, Klincksieck, 1992.
25 Cf. Constant Pierre, Le Conservatoire national de musique et de déclamation : documents historiques et administratifs recueillis ou reconstitués, Paris, Imprimerie nationale, 1900.
26 Cf. Michel Brenet, Les Concerts en France sous l’Ancien Régime, Paris, Fischbacher, 1900.
27 Cf. Anik Devriès et François Lesure, Dictionnaire des éditeurs de musique français, I. Des origines à environ 1820, Genève, Minkoff, 1979, 2 volumes.
28 Cf. Barry S. Brook, La Symphonie française dans la seconde moitié du XVIII e siècle, Paris, Institut de Musicologie de l’Université de Paris, 1962, 3 volumes.
29 Cf. supra, note 13.
30 C.-R. Brijon, Réflexions sur la musique, et la vraie manière de l’exécuter sur le violon, Paris, Auteur ; Vaudemont, 1763, réimpression, Genève, Minkoff Reprint, 1974, p. 2.
31 Citons, par exemple, en 1766-1767, les Six pièces dialoguées à 3, 4 et 5 parties du même compositeur (Toeschi) et, en 1769, les Six Quatuors dialogués œuvre IV de Henri-Joseph Rigel.
32 Jean-Jacques Rousseau, « Dialogue », in. Nicolas-Etienne Framery et Pierre-Louis Ginguené, Encyclopédie méthodique… , op. cit., tome 1, p. 421.
33 Cf. supra, note 14.
34 Nicolas-Etienne Framery, « Concerto », op. cit., p. 299.
35 Jérôme-Joseph de Momigny, « Symphonie concertante », op. cit., p. 416.
36 Id.
37 Jérôme-Joseph de Momigny, « Quatuor » in : Encyclopédie méthodique… . op. cit., p. 299.
38 Pierre-Louis Ginguené, « Concerto », op. cit., p. 300.
39 Cf. supra, note 35.
40 Id.
41 Cependant, on trouve déjà mention de ce terme, vers 1580-1583, dans le dispositif scénique du Quarto Intramento de Al Pastor fido de Giambattista Guarini, intitulé La Musica celeste : « Aprasi il cielo, e veggansi in giro lucidissimo sette pianeti, disposti l’un dopo l’altro in giro con li loro ¡strumenti musicali in mano ; e dopo loro sieno ascosi gran quantità di musici con voci e strumenti, desiderando io che questa sia pienissima musica e concerto numerosissimo ». Giambattista Guarini, « Appendici Al Pastor fido. Quarto Intramento. La musica celeste », in : Opere, Torino, U.T.E.T, 1969, p. 267.
42 Pierre-Louis Ginguené, « Concerto », op. cit., p. 299.
43 Nicolas-Etienne Framery, « Concerto-grosso », op. cit., p. 301.
44 Pierre-Louis Ginguené, « Concerto », op. cit., p. 299-300.
45 Cf. supra, note 42.
46 Cf. supra, note 38.
47 Ibid., p. 301.
48 Cf. supra, note 38.
49 Cf. supra, note 47.
50 Mercure de France, 13 avril 1782, p. 131.
51 Ibid., 19 avril 1783, p. 128-129.
52 Cf. supra, note 38.
53 Id.
54 Cf. Lionel de La Laurencie, L’Ecole française de violon de Lully à Viotti : études d’histoire et d’esthétique, 1er édition, Paris, Delagrave, 1922-1924, réimpression, Genève, Minkoff Reprints, 1971, 3 volumes.
55 Cf. supra, note 38.
56 Cf. supra, note 47.
57 Id.
58 Cf. Pierre Gaviniès : six concertos œuvre 4 en 1764 ; Jean-Baptiste Davaux : quatre concertos œuvre 2 en 1769 ; Marie-Alexandre Guénin : deux concertos œuvre 2 vers 1769 ; le chevalier de Saint- George : douze concertos à partir de 1773 ; Nicolas Capron : deux concertos œuvre 2 en 1776, ainsi que d’autres ouvrages non publiés ou perdus ; Giuseppe Maria Cambini : quinze concertos ; Simon Le Duc [Leduc] : trois concertos, dont un posthume, entre 1775 et 1779 ; Nicolas-Joseph Chartrain : huit concertos, environ, entre 1777 et 1785 ; Louis-Henry Paisible : au moins trois concertos entre 1771 et 1776 ; enfin, Isidore Bertheaume : deux concertos œuvre 5 vers 1786-1787.
59 Cf. supra, note 47.
60 Id.
61 Cf. supra, note 27.
62 Ibid., Catalogues, n° 72.
63 Ibid. n° 173.
64 Ibid., n° 175-181.
65 Ainsi Tapray publie, en 1758, six concertos pour clavecin ou orgue opus I et, en 1771, un concerto pour clavecin opus 3.
66 Cf. supra, note 35.
67 Jérôme-Joseph de Momigny, « Quatuor », in : Encyclopédie méthodique…, op. cit., tome 2, p. 298.
68 S’ajoutent à ce corpus ses trois Divertimenti K 136 /125 a, K 137/125 b, K 138 /125 c, composés à Salzbourg en 1772, et son Quatuor (Adagio et Fugue) K 546, en ut mineur, écrit à Vienne en juin 1788 (cette fugue est la transcription pour quatuor d’archets de sa Fugue pour deux pianos – a due cembali – K 426, en ut mineur, datée du 29 décembre 1783).
69 Cf. la dédicace de ces quatuors, traduite et citée par : Jean et Brigitte Massin, Wolfgang Amadeus Mozart, Paris, Fayard, 1970, p. 441.
70 Cf. supra, note 28.
71 Cf. supra, note 35.
72 Cf. supra, note 15.
73 Cf. Yves Gérard, Thematic, Bibliographical and Critical Catalogue of the Works of Luigi Boccherini, London, Oxford University Press, 1969.
74 Cf. supra, note 67.
75 Cf. Dieter Lutz Trimpert, Die Quatuors concertants von Giuseppe Cambini, Tutzing, Hans Schneider, 1967 (Mainzer Studien zur Musikwissenschaft, I).
76 Ibid., n° 107. Cf. Janet Muriel Levy, The « Quatuor concertant » in Paris in the Latter Half of the Eighteenth Century, Ph. D., Stanford University, 1971, et : Michelle Garnier-Butel, « La Naissance du quatuor à cordes français au siècle des Lumières », in : Le Quatuor à cordes en France de 1750 à nos jours, Paris, Association Française pour le Patrimoine Musical, 1995, p. 25-62.
77 Cf. Pierre Baillot, Pierre Rode et Rodolphe Kreutzer, Méthode de violon Par les C. eurs [Citoyens] Baillot, Rode et Kreutzer, Membres du Conservatoire de Musique, Rédigée Par le C. eur [Citoyen] Baillot, Adoptée par le Conservatoire Pour Servir à l’Etude dans Cet établissement, 1er édition, Paris, Magasin de Musique, 1803, réimpression, Genève, Minkoff Reprint, 1974.
78 Correspondance des Amateurs Musiciens, rédigée par le Cit.[oyen] Cocatrix, suivie de la Correspondance des Professeurs et Amateurs de Musique, Paris, Imprimerie de la Correspondance des Amateurs Musiciens. 1802, Rilliot, 1803, Xhrouet, 1804-1805, réimpression, Genève, Minkoff Reprint, 1972, n° 16, 21 Ventôse an 11 (13 mars 1803), p. 4.
79 Cf. supra, note 35.
80 Cf. supra, note 37.
81 Cf. supra, note 35.
82 Cf. Rita Benton, Ignace Pleyel : A Thematic Catalogue of his Compositions, New-York, Pendragon Press, 1977.
83 Cf. supra, note 67.
84 Id.
85 Cf. supra, note 35.
86 Id.
87 Cf. Constant Pierre, Histoire du Concert Spirituel, 1725-1790, Paris, Société française de Musicologie, Heugel & Cie, 1975. (Publications de la Société française de Musicologie, troisième série ; III).
88 Il s’agit des symphonies nos 82 en ut majeur (« L’Ours »), 83 en sol mineur (« La Poule »), et 85 en si bémol majeur (« La Reine »), composées en 1785-1786. (Hob. 1. 82, 1. 83, /. 85).
89 Cf. supra, note 37.
90 Cf. supra, note 67.
91 Jérôme-Joseph de Momigny, « Discours préliminaire », in : Cours complet d’harmonie et de composition…, op. cit., tome 1, p. 21.
92 Cf. supra, note 47.
93 Jérôme-Joseph de Momigny, « Rondo », op. cit.. tome 2, p. 347.
94 Cf. supra, note 47.
95 Mercure de France, janvier 1779, p. 46-48.
96 Correspondance des Amateurs Musiciens…, op. cit., n° 17, 28 Ventôse an 11 (19 mars 1803), p. 3.
97 Id.
98 Cf. Jérôme-Joseph de Momigny, Cours complet d’harmonie et de composition… . op. cit., tome 1, p. 307-382, tome 2, p. 307-382, tome 3, p. 109-156.
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