Tentative de taxinomie : les catégories de l’image
p. 27-38
Texte intégral
1Si le reflet de miroir est à bien des points de vue métaphore du texte et autorise l’introduction de nombre de variantes sémantiques et structurelles dans les romans, l’image fixe (sous la forme d’images pieuses et de portraits), tout comme l’image mouvante (le cinéma), signale toujours pour sa part la réitération d’un manque. La récurrence des images religieuses ou profanes nous amènera à considérer la façon dont s’articulent ces représentations, afin de mieux prendre en compte les déviations possibles par rapport à un donné/représenté initial, en prenant pour illustrer notre propos le cas de la publicité telle qu’elle apparaît dans L’obscur. Les « regroupements » que nous proposons ne sauraient cependant que souligner la difficulté qu’il y a à définir le statut de certaines représentations visuelles galvaudées par l’usage rituel, ou à les identifier selon des catégories plus ou moins figées ou polysémiques.
2Dans son analyse de l’image comme représentation, Louis Marin se penche plus particulièrement sur ce qu’il considère comme la représentation originaire de l’Occident chrétien, en l’occurrence la scène où les disciples du Christ sont accueillis par l’Ange au tombeau du Christ le jour de la Résurrection. Ce dernier leur dit :
[…] « Il n’est pas ici, il est en Galilée, comme il l’avait dit » – « [affirmation] qui substitue un message au ça du corps mort et à son inertie, qui fait apparaître la “force” d’un énoncé dont le contenu, pourtant, se borne à remarquer une absence, « il n’est pas ici… », l’absence du « même », dans l’hétérogénéité d’une autre substance sémiotique, le langage. Voici – vois ici, entends ici même – à la place d’un cadavre dérobé à l’instance de signifiance, à la ritualité de l’onction funèbre, un message : cet échange d’un cadavre et du langage, l’écart de cet échange est précisément la résurrection du corps, la traversée de cet écart, la transfiguration ontologique du corps : image ? Entre cadavre mort et message énoncé, l’énonciation puissante d’une absence – et c’est en cela que réside sa force pragmatique et historique, son efficace fondatrice –, l’absence du corps fondateur 1.
3Le critique voit ici la justification de toute représentation, et de la tendance à « pré l’absent, comme si ce qui revenait était le même et parfois plus intense » (id.). De fait, les artefacts, nombreux dans les romans de McGahern, semblent correspondre à autant de tentatives de reproduire un concept préexistant. On peut ainsi avancer que les icônes religieuses sont des copies de l’image-prototype (et plus précisément de celle de Dieu ou des saints 2) tout en demeurant des objets qui font sens indépendamment.
Mises en scènes de l’objet religieux
4Les objets de culte, et notamment les statues dites « saint-sulpiciennes 3 » – on note une prédilection frappante pour les Sainte Bernadette et Sainte Thérèse d’Avila –, abondent dans La caserne, mais on ne saurait envisager la relation des protagonistes aux représentations de saints ou de scènes religieuses comme un simple processus mimétique ou analogique, car elle varie selon les personnages et le contexte.
5Reprenons la typologie établie par le logicien américain Charles Sanders Peirce, qui distingue trois types d’images. Il relève d’abord les images de type « icône », c’est-à-dire les portraits, les représentations des saints ou du Christ, copies mimétiques du modèle ou du canon religieux qui ornent les intérieurs, comme par exemple « [A] u mur, l’or et le vermillon brillants des tableaux religieux » et « les teintes rougeâtres de la lampe du Sacré-Cœur » (C, p. 9). Viennent ensuite les images de type « indice », qui supposent une contiguïté physique du signe et de son référent (la figure du saint y est représentée par une partie de son corps et enfin les images de type « symbole », comme celle, récur, de la lumière du Tabernacle ou de la lampe du Sacré-Cœur dont l’éclat rougeoyant représente conventionnellement le sacrifice christique.
6Il n’est pas rare que l’on retrouve dans un même roman plusieurs occurrences de mises en scène de la vie du Christ : la crèche miniature en osier sur le linteau de la che apparaît dans l’incipit (C, p. 9), puis dans l’excipit (C, p. 330) de La caserne, et aussi dans l’intervalle (C, p. 251). C’est d’ailleurs cette récurrence médiane dans le texte qui nous intéresse, en ce qu’elle est à la fois semblable aux deux autres et atypique. Ici, l’évocation de la naissance du Christ revêt pour Élisabeth (qui est en train de mourir) un sens tout autre. Car cette image n’est plus seulement une représentation naïve et figée : elle lie le réaliste et le symbolique tout en indiquant le passage inexorable du temps. Tandis que les passages narratifs du premier et du dernier chapitre étaient statiques et leur sens sans équivoque, l’évocation médiane de la Crèche de Noël prend une dimension presque surréaliste. Les santons inanimés s’imposent soudain à l’imagination d’Élisabeth, comme autant de témoins silencieux du temps écoulé. Ils suscitent chez la jeune femme l’intuition d’une durée “palpable” : « La vision de l’étable et de la Nativité – l’annonce de la Bonne Nouvelle, les bergers, les rois mages – s’empara de son esprit peu à peu ; c’était effrayant de constater que cela n’aboutissait qu’à çà, après tant de mois et tant d’années. » (C, p. 251) Cette évocation de la Nativité qui semblait avoir perdu sa signification à force de répétitions rituelles retrouve alors un sens plus profond, s’inscrivant à cet instant dans l’expérience que fait Mrs Reegan d’un temps à la fois fini et toujours recommencé, pour opérer le lien entre la représentation symbolique (celle du Christ enfant qui se sacrifie pour les hommes) et son expérience propre (qu’elle conçoit comme le reflet de la souffrance du Christ). Élisabeth avance de révélation en révélation : les désillusions de l’enfant qu’elle fut résonnent en écho à celles de l’adulte qu’elle est devenue. Mais sur l’expérience se greffe constamment un enrichissement personnel considérable. Tout souvenir traumatique sanctionne une vision du monde plus claire, sinon moins cruelle – comme par exemple lorsque la jeune femme se remémore l’instant où elle prit conscience que le père Noël était un leurre, « tout le monde merveilleux […] s’effondrant en un soir pour révéler l’artifice humain » (C, p. 252). Élisabeth se défait donc progressivement de l’impression que tout fait sens. En somme, ce à quoi elle doit renoncer, c’est l’idée d’une univocité stérile, sans cesse subsumée par un sens multiple.
L’image vénérée : variations sur le regard
Transfert du sens
7Les représentations de la Vierge et du Christ ou les images saintes brandies lors des célébrations religieuses font également partie de l’arsenal représentatif évoqué plus haut. Dans Vie et mort de l’image, Régis Debray propose une distinction éclairante entre trois types d’images correspondant à trois grandes périodes historiques qu’il répertorie selon « trois âges du regard », à savoir le « Régime art », le « Régime idole », et enfin le « Régime visuel ». Il résume ces périodes comme suit :
Dans l’ère 1, l’idole n’est pas une affaire esthétique mais religieuse, à enjeu directement politique. Affaire de croyance. Dans l’ère 2, l’art conquiert son autonomie par rapport à la religion, tout en restant subordonné au pouvoir politique. Affaire de goût. Dans l’ère 3, la sphère économique décide toute seule et de la valeur et de sa distribution. Affaire de pouvoir d’achat4.
8Notons que dans les romans de McGahern, les exemples d’art religieux entretiennent un rapport mimétique avec le référent divin, privilégiant la répétition (via le canon ou l’archétype) comme mode de représentation : « Abréviation de l’idéal temporel : l’idole est l’image d’un temps immobile, syncope d’éternité, coupe verticale dans l’infini figé du divin 5 », précise Debray, dont l’analyse insiste sur le rapport à l’objet qui s’établit dans la représentation par l’image, et articule ces différents degrés de représenta. Reprenant pour le compléter le schéma de Peirce, il distingue ainsi trois « manières de faire signe 6 ». D’abord l’indice, qui a une valeur presque magique, comme « fragment de l’objet ou en contiguïté avec lui, partie du tout ou prise pour le tout. Une relique en ce sens est un indice : le fémur du saint dans sa chasse est le saint 7 ». Mais ce n’est pas le cas des portraits (car la statue n’est pas le saint et se contente d’en offrir une représentation), qu’il nous faudra donc classer sous une autre rubrique.
9Sous sa forme religieuse, la relique permet de transférer la vénération sur un seul objet considéré comme étant le saint lui-même. Sous sa forme profane, l’indice permet une ré-appropriation du sens par un sujet qui utilise comme support un objet isolé qui est le plus souvent sanctifié, voire idolâtré : la mère, la femme aimée. Dans La caserne, la relique religieuse est emblématique parce qu’elle génère le souvenir – c’est le cas du chapelet d’Élisabeth, « cadeau d’un prêtre qu’elle avait soigné à Londres », et dont le crucifix contient une relique de Sainte Thérèse d’Avila (C, p. 103). Par extension, nombre d’objets profanes se voient conférer un statut quasiment religieux dans les romans de McGahern. C’est le cas notamment de la somme d’argent qu’Élisabeth Reegan a amassée au long des années et qui constitue un souvenir tangible de son passé. Le fonctionnement symbolique est ici le même que pour la relique sacrée : l’argent qu’elle a caché dans une malle est la liberté d’Élisabeth Reegan, comme il est entendu que la relique est le saint. Si l’on est bien évidemment éloigné du sens religieux ici, ce « trésor » caché détient toutefois la valeur magique qu’évoquait Debray, parce qu’il permettrait à la jeune femme de réaliser ses vœux les plus chers si elle le souhaitait (« lorsqu’elle eût mis de côté assez d’argent pour satisfaire ses rares désirs, elle n’y attacha plus autant d’importance », C, p. 221). Si l’indice religieux désigne en même temps l’objet de la vénération et son sens, remarquons que ce sens n’est pas nécessairement canalisé dans le monde profane, où il est parfois modifié.
10On peut donc avancer que l’indice et partant, la divinisation de l’être aimé, ont pour fonction de rendre acceptable son absence. Grâce à cette évocation itérative, via des objets-reliques ou des scènes indicielles, les protagonistes sont en mesure de supporter l’idée du vide, du manque, par un système de transfert. Au bout du compte, seul le quotidien en vient à faire sens dans ce monde de répétition : Élisabeth Reegan tente de s’en tenir aux échéances journalières, de « refaire surface, de s’arracher à la fatigue et aux pensées lugubres, de ne vivre que par les besognes et le train-train familiers » (C, p. 80) ; de la même façon que Casey, un des policiers de la caserne, réitère sans cesse les mêmes gestes (« il les avait dans le sang ; ça coulait dans ses veines comme une drogue », C, p. 33). La répétition est ici simulacre, acceptation d’un sens prédéterminé et régularité rassurante : l’indice permet de se raccrocher à un objet archétypal antérieur.
L’image, création artistique
11La deuxième catégorie que distingue Debray est celle de l’icone 8, qui « […] ressemble à la chose, sans en être. Elle n’est pas arbitraire, mais motivée par une identité de proportion ou de forme. On reconnaît le saint à son portrait mais ce portrait s’ajoute au monde de la sainteté, il n’était pas donné avec lui. C’est une œuvre 9. » Les représentations de saints trouvent leur équivalent profane dans des photos-souvenir souvent érigées au rang de fétiches : dans L’obscur, une photo de mariage de la mère glisse d’un missel ; dans Journée d’adieu, c’est celle des noces de ses parents qui fascine le fils tandis que dans Le pornographe, les photos évoquent une rupture mal vécue. Le plus souvent, ces clichés sont intégrés dans un décor familier, ce qui a tendance à diminuer leur impact et à les mettre ironiquement à distance. C’est le cas par exemple lorsque Boland, le collègue de Patrick Moran dans Journée d’adieu, exhibe ses photos de vacances à l’île de Man comme autant de trophées : « […] on y voit des jeunes filles en maillot de bain et hauts talons sur un podium en bois […] Juste sous le podium Boland se tient bien en évidence, arborant des lunettes de soleil et une chemise à fleurs. » (JA, p. 32)
12La photographie peut toutefois poser des problèmes d’interprétation et son signifié s’avérer complexe. De la sorte, soulignent les sémiologues, une photographie (signifiant) qui représente un groupe de personnes joyeuses (référent) pourra impliquer plusieurs signifiés : « photo de famille », ou « joie, convivialité », voire les deux. De la même façon, une carte postale (signifiant) représentant des cocotiers bordant une plage des Caraïbes (référent) pourra avoir deux signifiés ou plus, en fonction du destinataire – le sens n’en sera pas le même pour le touriste ou pour le pêcheur local. Il en va de même, précise Bourdieu, de la photo de famille, « dont la fonction semble de prime abord référentielle (untel à tel âge, la maison de famille, etc.) et qui [a] pour fonction essentielle de renforcer la cohésion du groupe social, donc une fonction dominante plus phatique que référentielle 10 ». Les photos qu’exhibe Boland dans Journée d’adieu ne sont donc pas uniquement référentielles, puisque l’intention est de le mettre, lui, en valeur, et l’on voit donc que la sémantique de la photographie est étroitement liée à sa pragmatique.
13Toutes ces photographies ont en commun de redoubler visuellement une figure idéalisée. On voit en effet que dans les romans de McGahern, le père de famille éprouve toujours la plus grande difficulté à dépasser ce que l’on pourrait appeler le « stade de l’idole ». De fait, il a le plus souvent tendance à « diviniser » l’épouse décédée, quand il ne fait pas un usage assez malsain du souvenir de la disparue pour se faire respecter de ses enfants. L’incipit de L’obscurest à ce titre intéressant, puisque le père y justifie sa violence à l’égard du fils en invoquant la mémoire de la mère, dont le fantôme semble encore hanter la maison. Mais plus que le souvenir refoulé de la mère, ce sont les nouvelles habitudes imposées par le père aux enfants qui sont troublantes. Ainsi dans L’obscur, le fils adolescent est-il contraint de partager le lit du père à la mort de sa mère, tandis que dans Entre toutes les femmes, l’arrivée dans la maison d’une nouvelle épouse (Rose) épargne enfin au fils Michael cette cohabitation nocturne. La rhétorique de contournement qui est mise en place pour ne pas mentionner la mort de la mère explique encore que la possibilité d’un remariage ne soit évoquée qu’à demi-mots par Moran : « Si je comblais le vide laissé par ta mère – Dieu ait son âme – en mettant à sa place quelqu’un de nouveau. Si je me remariais. » (ETF, p. 47)
14Dans Journée d’adieu, la mère n’existe plus dans le texte que comme « épouse du brigadier Moran » et comme « pauvre mère de ces enfants ». Comme pour se distancier davantage encore d’une femme avec laquelle il ne vivait plus vraiment, le père traduit l’image traumatisante de la mère morte en un rituel verbal vidé de toute émotion. L’allocution prononcée en mémoire de Kate Moran réduit la défunte à une « âme », désincarnée (« Pray for the soul of »), de sorte qu’elle n’existe désormais dans les mémoires et dans les récits qu’en vertu de son lien matrimonial avec Moran, et non plus indépendamment de lui. Avant même que le corps mort ne soit relégué au cimetière, le verbe l’efface de la communauté des vivants à force d’euphémismes et de condo impersonnelles.
15Mais alors que dans les romans de McGahern les enfants ont la faculté de déporter leur douleur sur un autre objet, rien ne prouve que ce soit le cas pour leurs pères, chez qui le vide laissé par le défunt a tendance à se muer en un trop-plein de violence verbale ou physique, voire en un comportement obsessionnel à l’égard d’autrui (que ce soit le fils, qui sert de souffre-douleur au père dans L’obscur, ou Quirke sur lequel s’acharne le policier Reegan dans Entre toutes les femmes) ou à l’encontre d’objets inanimés. L’obscurs’ouvre sur une scène où le père inflige un châtiment corporel à son fils et dans La caserne, l’angoisse de Reegan lorsqu’il apprend la nouvelle de la maladie de son épouse rappelle le comportement du père de Journée d’adieu, lui aussi tout en violence retenue. Ces deux pères sont terrifiés à l’idée que puissent faire irruption dans leur existence des données contrariant leurs projets, et qui pour une fois les forceraient à tenir leur rôle paternel, jusqu’alors soigneusement réduit à sa plus stricte expression – surveiller d’un œil les devoirs des enfants, leur inculquer un certain sens de la religion (par la récitation du Rosaire) et du travail (à la tourbière ou dans les champs). Dans Entre toutes les femmes, cette violence se manifeste plus explicitement encore dans l’acharnement de Moran à couper, abattre des arbres, planter des poteaux qui délimitent sa propriété. Elle est pourtant souvent latente, emblématisée par la présence dans la cuisine de la même carabine dont il se sert pour abattre, exaspéré, « cette saleté d’oiseau » qui lui « empoisonnait l’existence depuis des jours » (ETF, p. 17).
L’image désacralisée
Photocollages : l’image en encart
16Le rapport que les protagonistes entretiennent avec les images/artefacts donne parfois lieu à des comportements qui vont à l’inverse de la tendance générale à idolâtrer un objet ou un être disparu. Ceci peut être favorisé par l’irruption de l’ironie ou de la parodie, qui autorisent toutes deux une manière de détachement à l’égard de l’image relique, comme nous l’avons vu par exemple dans La caserne . Mais c’est également vrai des images profanes et des portraits des êtres aimés tout particulièrement, dont on note que l’impact affectif peut être relativisé. Il n’est pas rare en effet que le « recadrage » de la photographie désamorce le caractère sacré de l’image. C’est d’ailleurs en cela que l’image fixe qu’est la photographie diffère largement de la représentation de type « peinture » : « La peinture relève de l’icône, et la photo de l’indice. C’est, plus exactement, une mise en forme d’empreinte, soit un compromis entre création et reproduction 11. » Debray ajoute à ceci un commentaire apologique sur le pouvoir de la photographie comme art, et non seulement comme duplication mimétique :
La photo d’art démultiplie l’œuvre unique, mais le bon instantané du photo-reporter est lui-même unique. S’il a désenchanté l’image manuelle, l’appareil photo a ré-enchanté l’événement via le « document sensationnel ». Le merveilleux machinique, c’est le scoop. Non plus l’invu mais le « jamais vu ». L’instant qu’on ne reverra pas deux fois […]. Le frisson glisse, en dehors des ateliers, de l’intemporel à l’actualité. (id.)
17Dans les romans de McGahern, les photos sont constamment réutilisées, ré-examinées en des circonstances diverses. Ce retour constant à la même image tend ainsi à fixer un cliché (au sens d’image conventionnelle) dans le souvenir de celui qui le visionne : l’instant est figé, mais l’image unique est démultipliée sous d’autres formes. On retrouve d’ailleurs dans Journée d’adieu et dans L’obscurune photographie qui met en scène alternativement la figure virginale d’une adolescente vêtue d’une en robe blanche au bal (JA, p. 135 et p. 139) et celle la mère en jeune mariée qui se tient sur le porche de l’église, « le visage rayonnant de bonheur […] [S] a robe blanche descendait en s’élargissant à partir de sa gorge » (O, p. 38).
18Notons que, plus encore que la vision obsédante de cette robe, c’est le processus de « développement » quasi photographique de l’image qui importe dans Journée d’adieu, où le narrateur exhume de sa poche un négatif oublié. L’image mentale, c’est-à-dire le souvenir du moment auquel a été pris le cliché, est donc doublée par l’instantané (« Je fis développer la photo. Mes mains tremblèrent quand j’approchai de nouveau de moi son visage, et la robe qu’elle portait ce jour-là. », JA, p. 139). On ne saurait passer sous silence le souci du détail qui existe chez McGahern : le costume du dimanche mentionné dans L’obscurest « réutilisé » dans le même roman pour l’enterrement de la mère ou les offices religieux, pour la confession, comme pour les sorties en grande pompe au Royal Hotel ou lors du départ pour la ville, Galway, et c’est encore presque le « même » vêtement que porte l’adolescent qui se tient aux côtés de sa cavalière dans Journée d’adieu .
Doubler la représentation : Journée d’adieu
19Pour se distancier de cette image obsédante et du souvenir traumatisant qu’elle véhicule, les protagonistes tentent souvent de la transposer dans un cadre propre à lui ôter son aspect sacré. On en a un exemple dans Journée d’adieu où, à la mort de la mère, les réactions du père et du fils diffèrent radicalement : là où le père privilégie le rituel et la formalisation de l’événement traumatique, le fils opte pour un mouvement affectif. Concrètement, le père réagit à la nouvelle en entamant un rosaire à la mémoire de la défunte, et la scène se clôt sur le rythme rassurant de la récitation des prières. De cette manière, le choc affectif qu’entraîne ce décès est évacué, en même temps que la mort de la mère semble intégrée dans l’ordre des choses. Bien au contraire, l’événement a un effet déclencheur pour le fils, qui substitue un rituel personnel à l’impersonnalité des condoléances publiques : il consiste à décompter les heures qui lui restent avant les adieux définitifs, à l’aide d’un gros réveil dont le tic-tac jalonne la veillée mortuaire et la levée du corps. Caché derrière une haie, le narrateur observe de loin ces phases officielles du deuil :
Je regardai les aiguilles du réveil avancer jusqu’à deux heures : plus qu’une heure avant la cérémonie […] Je m’efforçai de retenir des images d’elle quand elle était encore en vie, pendant que s’écoulaient les ultimes minutes où son corps se trouvait encore au-dessus de la terre. […] Je me cachai dans les profondeurs des lauriers de chez Lenehan pour tenir contre ma joue le verre froid dont le tic-tac incessant me rappelait qu’il s’agissait des dernières minutes avant trois heures. Je me mis à gémir faiblement, mais je ne pouvais pas arrêter les aiguilles en acier bleu. (JA, p. 123-124)
20Il semble que le garçon se réapproprie donc l’image mentalement ; comme s’il n’était plus dépendant des représentations imposées par le monde des adultes. Par un retour anaphorique, la troisième personne du pluriel ou la forme du neutre dénotent l’omniprésence d’un groupe social, actif dans l’exécution de ce rituel connu, face au « je » isolé (« Ils passent de l’autre côté de la grille […] Mon père et mes oncles hissent péniblement le cercueil sur leurs épaules […] La foule entoure la tombe […] La foule se disperse », JA, p. 124-125). Pour remédier à la froideur de ce rituel mortuaire, le fils orphe approche la scène avec l’hypersensibilité qui le caractérise, visualisant chaque détail de la scène, se laissant guider par des images sonores, par l’écho des prières des « hommes nu-tête et [des] femmes en fichu noir psalmodi [ant] timidement leur litanie dans la pleine lumière du jour » (JA, p. 122). « À quatre heures moins vingt je sortis des lauriers, tenant toujours le réveil, et après les premiers instants d’éblouissement je vis deux hommes s’approcher des arbres […] Mon unique désir était de partir avec eux en bateau sur la rivière » (JA, p. 125) : ce n’est qu’à cet instant précis que la forme rédemptrice du jeu s’impose au jeune garçon, soudain désireux de se libérer des contraintes. Mais l’innocence semble bel et bien perdue car les adultes ne savent, eux, que se tenir à une règle sociale qui semble contaminer l’insouciance des plus jeunes (« ça ne ferait pas bon effet si tu étais parti sur un bateau au moment où ils rentreront à la maison », JA, p. 126).
Le symbole
21Une dernière catégorie de l’image vient s’ajouter à celles de l’indice et de l’icône : c’est celle du symbole, qui, explique Debray,
[…] n’a plus de rapport analogique avec la chose mais simplement conventionnel : arbitraire par rapport à elle, il se déchiffre à l’aide d’un code […] l’image-symbole requiert une mise à distance. Elle a une valeur sociologique, comme signe de statut ou marqueur d’appartenance
[…] Elle est considérable car considérée en et pour elle-même […] L’image devient son propre référent 12.
22Il convient de préciser que du point de vue du rituel catholique, les représentations imagées ont une fonction didactique, tandis que certains objets ont, par leur simple existence, une fonction symbolique. De la sorte, ces images constituent un monde imaginaire plus ou moins attrayant qui est fonction du degré de culpabilité du sujet. On peut même évoquer une géographie métaphorique de l’espace rituel, puisque plusieurs des scènes qui ont trait à la religion se divisent selon plusieurs axes – un axe horizontal, lié à tout ce qui est terrestre, humain, et un autre vertical, qui évoque le divin avec, au sommet, le Paradis et en bas, l’Enfer, conformément aux représentations classiques.
23Prenons pour illustration un passage de L’obscur(O, p. 62) afin de mieux saisir comment les images classiques de l’Enfer et du Paradis sont détournées. Le narrateur se fantasme en train de se livrer aux pires abominations sexuelles au sein même du sanctuaire. Mais alors même que l’évocation conjointe des affres de l’Enfer devrait avoir une fonction didactique, il semble que l’impact moral de cette représentation soit subsumé par les doutes du narrateur. L’Enfer ne serait-il pas plutôt d’avoir à réfréner ses pulsions sexuelles toute sa vie s’il devenait prêtre ? Aux yeux de l’adolescent en effet, les plaisirs temporels pourraient bien avoir plus d’attrait que la perspective d’une vie de religieux austère : « Tu t’imaginais dans ton rôle de prêtre, le samedi soir au confessionnal, en train d’écouter le récit d’un mois entier de plaisir et de péché […] » (O, p. 60) La crainte de l’Enfer dans toute son horreur 13 ne serait rien alors par comparaison avec les affres de celui qui n’a pas connu les plaisirs de la chair, et l’éternité ennuyeuse. Ici encore les adverbes et déictiques, marqueurs de l’éternel recommencement, sont nombreux ; tandis que les formes verbales soulignent le processus, l’étalement de l’action dans un temps indéterminé : « Peut-être était-ce une illusion que cet anéantissement définitif dans la femme dont tu rêvais toujours : il n’y avait que la mort de la passion, il te faudrait te relever piteusement […] jusqu’à ce que cela se renouvelle, et le même cirque de la chair dresserait encore ses tentes dans une autre nuit de désir […] » (O, p. 60-61)
24La confession. Dans ce monde où le rituel occupeconformément aux représentations une place prédominante, le sujet s’efface, nominalisé ou passivé à l’extrême dans le récit. C’est ce qu’Hélène Chuquet nomme la diathèse passive, à savoir
[…] le choix d’un terme de départ inanimé pour la relation prédicative au passif contribue à la réification et à la désagentivisation qui, nous l’avons vu, caractérisent ces scènes récurrentes […] Le gommage de l’agentivité des animés humains, la thématisation des objets familiers et des gestes mille fois répétés sont autant de caractéristiques de la diathèse passive qui contribuent à créer cet effet de rituel revenant tout au long de l’œuvre de John McGahern 14.
25Comme souvent dans les romans de McGahern, la lumière délimite par une mise en scène bien orchestrée les endroits qui sont accessibles au regard afin d’attirer l’attention du lecteur sur des objets clé. Un premier axe de lecture (horizontal) met en valeur la matérialité de corps qui semblent mus par une corporalité pure. Ils se manifestent par des bruits sourds ou des mouvements imprécis et constituent une forme indéfinissable, amassés en grappes humaines qui se forment autour des confessionnaux (« Près des confessionnaux les gens faisaient la queue, dans la pénombre des bas-côtés », O, p. 44). L’antéposition de la préposition confirme l’impression que ce sont bien les corps qui délimitent un lieu central qu’est le confessionnal. Le texte définit deux pôles du rituel catholique : le tabernacle, lieu la transsubstantiation du Christ et le confessionnal, lieu du pardon. La lumière de la lampe qui brûle devant le tabernacle définit quant à elle le centre du lieu saint. En revanche, tout ce qui a trait à l’humain semble dépourvu de cette grandeur. Seul le rayonnement sacré éclaire faiblement les visages (« tous les yeux demeuraient braqués sur le nouvel arrivant, jusqu’au moment où on le reconnaissait à la lumière du tabernacle », id.)de ces hommes et femmes voués à la pénombre du péché et de l’ignorance dans « l’obscurité des confessionnaux » (id.).
26À cela s’ajoute un incessant mouvement circulaire dû au flux des fidèles qui se livrent à leurs dévotions : ils pénètrent dans la nef, effectuent une génuflexion devant le chœur avant de tourner vers le bas-côté où se forment à nouveau des files d’attente devant les confessionnaux. Comme l’atteste la syntaxe réifiante, le texte insiste aussi sur l’impression de pesanteur liée au sentiment de culpabilité commun à tous ces individus, « On entendait des chapelets cliqueter, des silhouettes remuer pour prendre une position plus confortable » (id.).C’est seulement un peu plus bas que les fidèles retrou un statut grammatical individualisant. Enfin, alors que ces derniers paraissent se conformer « avec une certaine nonchalance, par habitude et par devoir » au rituel religieux, les prêtres, investis pour leur part du pouvoir divin, donnent à leurs gestes une fonction performative et active : « […] [ils] sortaient l’un derrière l’autre, ils s’agenouillaient devant l’autel, puis embrassaient et revêtaient l’étole violette de leur fonction, tout en franchissant la grille du chœur […] » (O, p. 45)
27Processions religieuses, défilés profanes. La présence dans L’obscuret Entre toutes les femmes de deux scènes proches nous donne ici l’occasion d’examiner les effets de la récurrence des processions religieuses sur les habitudes profanes. Le passage qui dépeint la Fête-Dieu (O, p. 65) présente un certain nombre de similitudes frappantes avec la scène de procession qui a lieu lors du remariage de Moran et Rose (ETF, p. 69). On ne saurait pourtant affirmer si ces deux passages sont délibérément construits en diptyque, mais les analogies sont assez visibles pour que l’on s’y intéresse de près. Une lecture en parallèle permet en effet de faire émerger un symbolisme renouvelé et de dégager une convention de lecture implicite qui n’apparaît pas nécessairement de prime abord.
28Plus précisément, le rituel religieux met en place des stéréotypes, des codes qui sont intégrés par les croyants, et cela parfois même hors du contexte religieux. Par exemple, la famille Moran se dirige vers l’église comme pour une procession qui peut se lire en fonction d’un code social. De même, tout au long de la procession du Saint-Sacrement dans L’obscur, les objets et les étapes de la cérémonie sont explicitement codifiés (haltes pour des prières, rôle du prêtre et des fidèles). Dans le passage que nous avons signalé dans Entre toutes les femmes, il semble que la réutilisation du code de la « procession » soit à la fois inconsciente pour les protagonistes et clairement parodique pour l’auteur, car même si la forme est ressemblante, cette fois les protagonistes sont des profanes 15. Parmi les traits communs aux deux scènes, on retrouve le même type de balisage. La procession du Saint-Sacrement est délinéée le long de la route par « des branches de rhododendron pour décorer les bords gazonnés de l’itinéraire » (O, p. 65), et on retrouve aussi ces « grass margins » dans Entre toutes les femmes . Dans les deux occurrences ces bordures jouent en quelque sort le rôle d’espace-tampon, mais selon les cas, elles délimiteront le champ du sacré ou le territoire profane de la propriété privée (ainsi Moran gare sa voiture à l’écart de l’espace privé de la maison, sur « la large bordure d’herbe à côté de la plate-forme destinée aux bidons de lait », ETF, p. 49) ou encore le territoire sacralisé du féminin 16.
29Les deux cortèges aussi présentent des traits similaires. En sa qualité d’omnisciente observatrice de ce qui se passe dans le village, toujours au fait des allées et venues des vivants aussi bien que des morts, la voisine, Mrs Reynolds, a quelque chose de la grande prêtresse profane. Notons encore que la composition du cortège est analogue dans les deux cas : les pères (le prêtre ou Moran selon le cas) arrivent en tête ; puis suivent les communiantes vêtues de leurs plus beaux atours, ou les filles de Moran, qui sont loin d’afficher la même sérénité. Viennent ensuite les choristes, là où Moran n’a pour tout accompagnement sonore que les ricanements de son fils, qui « pouff [e] de rire en cachette derrière Moran » (ETF, p. 69). Mais alors que dans L’obscurle narrateur, saisi par la beauté de la cérémonie, éprouve une intense émotion mystique (« À genoux sur la poussière au milieu de la foule amassée, tu eus de la peine à retenir tes larmes », O, p. 66), les filles de Moran sont plutôt mortifiées par les lubies de leur père, qui a décidé d’aller à pied à son propre mariage. Déjà pourtant, les pétales de rose qui jonchent le sol de la procession, préfigurent la venue de Rose dans Entre toutes les femmes .
30En refusant de céder au conformisme, Moran offre à ses voisins un spectacle qui donne à sourire. C’est de ce décalage entre deux codes, celui de la sphère privée (la procession des Moran) et celui de la sphère publique (celui de la procession religieuse) que naît le comique de la situation pour les protagonistes du récit, et l’ironie pour le lecteur. Sans cette lecture mimétique, le geste du patriarche demeurerait obscur et l’on en resterait à l’interrogation initiale : « Jamais on n’avait vu un marié ou une mariée se rendre à pied à ses noces ; même les plus pauvres trouvaient une voiture pour ce jour […] » (ETF, p. 69) La lecture symbolique rend ainsi plus intelligible l’univers singulier d’une famille qui a choisi de rester marginale. Dans Entre toutes les femmes, la réutilisation de symboles connus montre que cette procession relève de la mise en scène.
31Pour autant, la procession de L’obscurn’est pas moins sujette à un questionnement, car la multiplication des signes qui sont censés incarner la présence du divin dans cette cérémonie (les bannières, la clochette qui résonne au moment de la consécration, l’Ostensoir, etc.) pose, selon Baudrillard, la question de la fascination – et fait de la religion le terrain de tous les artifices :
Mais que devient [la religion] lorsqu’elle se divulgue en icônes, lorsqu’elle se démultiplie en simulacres ? Demeure-t-elle l’instance suprême qui simplement s’incarne dans les images en une théologie visible ? Ou bien se volatilise-t-elle dans les simulacres qui, seuls, déploient leur faste et leur puissance de fascination – la machinerie visible des icônes se substituant à l’Idée pure et Intelligible de Dieu ? C’est bien ce dont avaient peur les iconoclastes, dont la querelle millénaire est encore la nôtre aujourd’hui 17.
Notes de bas de page
1 Louis Marin, op. cit., p. 11.
2 Ces représentations sont aussi dites « achéropoïètes » (équivalent latin : « sine manu facta ») lorsqu’elles existent sans l’intervention de la main humaine, comme par exemple l’image du Christ qui apparaît sur le voile de Ste Véronique, la « vera icona ».
3 On parlera d’art religieux (saint-) sulpicien pour se référer aux représentations, idéalisées et bariolées, que l’on trouve (notamment) dans les boutiques aux alentours de l’église Saint-Sulpice à Paris.
4 Régis Debray, Vie et mort de l’image, Paris : Gallimard, 1992, p. 294.
5 Ibidem, p. 289.
6 Gilles Deleuze, dans son avant-propos à L’image-mouvement (Paris : Minuit, 1983, p. 7) souligne, en forme d’hommage, la valeur de cette taxinomie peircienne : « Nous nous référons souvent au logicien américain Peirce (1839-1914), parce qu’il a établi une classification générale des images et des signes, sans doute la plus complète et la plus variée. C’est comme une classification de Linné en histoire naturelle, ou, plus encore, un tableau de Mendeleïev en chimie. » Dans Les mots et les choses Michel Foucault nomme taxinomia la science qui consiste à établir un ordre entre des « natures complexes (les représentations en général telles qu’elles sont données dans l’expérience) » et qui « traite des identités et des différences » pour les articuler et les classer, dans le cadre d’un continuum [ici, l’image visuelle], « ce qui permet de mettre au jour le continu » au sein de ces différences, chapitre III, « Représenter », p. 86-88.
7 R. Debray, op. cit., p. 296.
8 Il orthographie le terme sans accent circonflexe pour la distinguer de l’œuvre d’art byzantine.
9 R. Debray, op. cit., p. 296.
10 Pierre Bourdieu, La photographie, un art moyen, Paris : Minuit, 1965. Cité par Martine Joly in Introduction à l’analyse de l’image, Paris : Nathan, 1993, p. 49.
11 R. Debray, op. cit., p. 372.
12 Ibid., p. 196-97.
13 Voir le Portrait de l’artiste en jeune homme (in James Joyce, Œuvres, I, Paris : NRF, Bibliothèque de la Pléiade, p. 647-653, trad. Jacques Aubert), lorsque le prédicateur procède à l’évocation des affres de l’Enfer.
14 Hélène Chuquet, « Marqueurs linguistiques de la distanciation chez John McGahern », in La Licorne, Numéro Spécial John McGahern, Poitiers : UFR Langues Littératures, p. 44.
15 Littéralement, ils parlent « devant » (pro-fane) le temple, contrairement aux initiés qui sont rentrés dans le temple.
16 On pourra lire à ce sujet l’article de Carle Bonafous-Murat, « Le rivage et la terre : l’espace féminin dans Entre toutes les femmes », in La Licorne, Numéro spécial John McGahern, 1995, p. 137-150.
17 Jean Baudrillard, Simulacres et simulations, Paris : Galilée, 1981, p. 14.
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