Du divertissement à l’enseignement par l’image : les usages pédagogiques des images en écriture (moji-e) au Japon
p. 39-52
Texte intégral
1La mise en place d’un système éducatif de masse au Japon au cours de l’ère Meiji (1868-1912) suscita la multiplication de publications pédagogiques, destinées au cadre proprement scolaire ou familial. La recherche s’est surtout intéressée jusqu’ici aux supports utilisés dans les écoles ou directement liés à l’apprentissage scolaire, comme les manuels ou plus récemment les tableaux muraux1. Les matériaux proposés à l’éducation dans le cadre domestique ne sont pas moins riches. Employés dans un environnement plus souple, ils associent, pour certains d’entre eux, le divertissement à l’apprentissage, le premier ayant pour fonction de faciliter le second.
2Instruire en amusant, le propos n’est pas nouveau, mais les stratégies mises au service de cette ambition sont variées, et parfois inattendues. Car le souci pédagogique emprunte parfois ses matériaux et ses motifs à des sources qui peuvent sembler très éloignées de toute visée éducative. C’est le cas en particulier d’un procédé appelé moji-e, ou « image en écriture » qui, essentiellement utilisé dans une perspective ludique à l’époque d’Edo (1600-1868), a pu se voir, au milieu de l’ère Meiji, qualifié d’« éducatif » (« kyôiku moji-e »). Un tel glissement peut surprendre. Faut-il y voir la simple récupération d’un type d’images jusqu’alors dénuées de toute fonction pédagogique ? L’histoire du moji-e suggère que la situation est plus complexe, et que les recueils de moji-e éducatifs constituent plutôt le prolongement, dans un contexte historique particulier, d’un des usages possibles de ces figures, longtemps resté discret, mais jamais tout à fait absent, même de ses motifs les plus ludiques. On se propose ici, pour éclairer la stratégie pédagogique des moji-e de Meiji, de la replacer dans l’histoire longue du moji-e, et de ses usages.
Des images à lire
3Le moji-e, qui permet de constituer des figures (e) à l’aide de caractères d’écriture (moji), est généralement considéré comme un procédé ludique. Sa formule canonique est un personnage dont le vêtement est composé des caractères qui forment son nom, ou celui de son métier, « ha-na-u-ri » par exemple pour un marchand de fleurs (hana-uri). Ce procédé ancien, dont on peut trouver les premières traces dans certains jeux d’écriture de l’époque de Heian (794-1192), connut son apogée à l’époque d’Edo, où il passa d’un divertissement de lettrés à un produit de la culture populaire. Longue période de paix, de relative prospérité, mais aussi d’autoritarisme politique, l’époque d’Edo se caractérise par de profonds changements économiques et culturels. L’enrichissement de la classe des marchands 2, la progression de l’alphabétisation et le développement de la culture écrite, en particulier grâce à l’essor de l’imprimé, favorisèrent le goût pour les jeux d’écriture, induisant aussi la simplification et la métamorphose de nombre d’entre eux 3. Le moji-e est de ceux-là. Nécessitant peu de moyens, regorgeant de figures faciles à exécuter, il avait tout pour séduire le petit peuple, qui en fit un abondant usage, sur toutes sortes de supports et dans des contextes variés. Il n’est pas rare de le voir même qualifié, dans les textes de l’époque d’Edo qui nous sont parvenus à son sujet, de « graffiti » (mudagaki, itazuragaki, ou encore rakugaki4). Il ne pouvait manquer non plus de plaire aux enfants.
Moji-e et culture enfantine
4Plusieurs sources de l’époque d’Edo soulignent les liens entre le moji-e et la culture enfantine. Le Kiyû shôran (Panorama de choses divertissantes, 1830), recueil de réflexions et d’anecdotes qui fournit le développement le plus complet sur le moji-e à l’époque d’Edo (près d’une page), mentionne ainsi l’existence, au cours de l’ère Hôreki (1751-1763), de livres destinés à amuser les enfants (warabe no asobi), représentant des personnages, en particulier des guerriers, constitués en moji-e, et dans lesquels seuls la tête, les mains et les jambes étaient dessinés 5. À propos de l’un des moji-e les plus connus, représentant à l’aide des caractères « he-ma-mu-sho-nyû-dô », ou « he-ma-mu-shi-yo-nyû-dô » (littéralement « le moine Hemamusho »), un petit personnage agenouillé, l’écrivain Santô Kyôden (1761-1816), affirmait déjà, dans son Kinsei kisekikô (Réflexions sur les curiosités de notre époque, 1804) : « Les enfants pour s’amuser (tawamure) écrivent hemamushi yo nyûdô ; c’est une chose ancienne 6. »
5Ces deux témoignages apportent plusieurs renseignements précieux sur le public des moji-e, et sur les usages qui leur étaient alors reconnus. Si le Kiyû shôran atteste que les enfants pouvaient en voir dans des livres qui leur étaient spécifiquement destinés, Santô Kyôden montre aussi que, loin de se contenter de les regarder, ils en dessinaient aussi eux-mêmes. Une telle complémentarité n’allait pas de soi : la contemplation d’une peinture ne suscite pas nécessairement sa copie. Elle est rendue possible, dans le cas présent, à la fois par les caractéristiques formelles du moji-e (l’utilisation d’un nombre limité de caractères d’écriture connus de tous), par sa facilité d’exécution (aucune formation préalable n’était requise), et par l’humilité de son statut (nul n’attendait d’un moji-e qu’il suive un quelconque idéal esthétique). Sans prétention, il était légitime partout, même sous le pinceau le plus malhabile. Il est frappant en outre de constater que la relation entre le moji-e et les enfants, présentée dans les deux cas comme déjà ancienne, soit à chaque fois envisagée, de manière explicite, sous l’angle du seul divertissement. Les termes « asobi » (jeu) dans le Kiyû shôran, et « tawamure » (plaisanterie) chez Santô kyôden, ne sont associés à aucune autre fonction que le moji-e pourrait remplir, de manière parallèle ou complémentaire.
Distraire
6Comment se présentaient ces livres de moji-e que le Kiyû shôran mentionne, et qu’il dit destinés aux enfants ? Aucun ouvrage de l’ère Hôreki correspondant à la description qu’il en fait n’a été jusqu’à présent mis au jour. Mais on peut se faire une idée du type d’images que l’on devait y trouver à partir d’un petit livre, paru entre 1716 et 1748, intitulé Shinpan nazo moji ningyô zukushi (Nouveau recueil de personnages en écriture à deviner 7). Cet ouvrage fait se succéder quatorze moji-e prenant pour sujet des personnages très connus, empruntés à la vie quotidienne mais aussi à l’histoire (fig. 20). Il accorde en particulier une place importante aux guerriers. Son souci de distraire s’exprime dans chaque image à travers la conjugaison de deux procédés ludiques, le moji-e proprement dit, et le nazo, ou « énigme », jeu de mots proche de nos charades, qui permet de découvrir un mot à partir de questions dont les solutions sont mises bout à bout 8.
7Dans ce recueil, chaque page contient un personnage représenté seul, sur un fond sans décor. Sa tête, ses mains, ses pieds, et les motifs décoratifs qui ornent son vêtement sont dessinés, mais les contours de ses habits sont réalisés à l’aide des caractères qui forment son nom, écrits à l’aide de traits plus épais que les autres. Le premier jeu consiste à deviner, à l’aide des caractères présents dans la figure, le nom du personnage que celle-ci représente. C’est le moji-e. Le second, purement verbal, prend cette fois pour support le texte placé à l’extérieur de la figure, le nazo, lui-même divisé en deux parties. La première moitié du texte, qui se termine généralement par la formule « nâni » (« qu’est-ce que c’est ? »), est placée à droite de la figure ; la deuxième, introduite par le mot « kokoro » (terme qui signifie littéralement « cœur » ou « sens », mais qui, dans les énigmes, annonce la « solution »), indique le nom du personnage, et se situe sur la gauche. L’énigme visuelle, prise en charge par le moji-e, et l’énigme verbale, confiée au nazo, se complètent ainsi dans la même image, pour le plus grand plaisir du spectateur-lecteur.
8Le recueil s’ouvre ainsi par un personnage historique, célèbre entre tous, Ushiwakamaru. Âgé de quelques mois seulement en 1159, lors de l’écrasement de son clan par celui des Taira, Ushiwakamaru devait, en 1185, sous le nom de Minamoto no Yoshitsune, défaire définitivement ses anciens vainqueurs à la bataille navale de Dan-no-ura. Il est représenté ici en jeune homme, et rapidement identifié grâce à son casque et au dessin de son kimono, décoré de vagues, qui fait écho au lieu même de sa victoire. Les traits épais qui forment les contours de ses vêtements sont aussi ceux du moji-e. On devine les caractère « ushi » (丑) dans la manche droite, « kawa » (川) » dans le bas du kimono, « maru » (丸) dans la manche gauche.
9Le choix de ces caractères s’explique par le texte de l’énigme. Celui-ci dit : « Mon premier est la huitième heure. Mon second est une rivière à l’envers. Mon troisième n’a pas de coin. Qu’est-ce que c’est ? ». Pour le moins sybillin, il cumule plusieurs types de jeux de mots. Le premier permet de trouver le groupe « ushi », à partir d’une définition. À l’époque d’Edo, où était encore en usage au Japon un calendrier luni-solaire, la journée était divisée en douze périodes, désignées chacune par l’un des douze animaux du zodiaque. La « huitième heure » (entre une heure et trois heures du matin) était dite, tout simplement, « heure de la vache » (ushi no toki). Les animaux du zodiaque étaient indiqués à l’aide de caractères spécifiques, et on chercherait en vain dans l’image l’idéogramme habituellement utilisé pour désigner la vache. C’est pourtant lui qui, dans la graphie officielle du nom Ushiwakamaru, est utilisé. L’indice donné par le texte pour l’élucidation du groupe suivant est : « n’a pas de coin ». Comment appelle-t-on ce qui n’a pas de coin ? Cherchons bien… Le rond, qui en est dépourvu, se dit justement « maru ». L’idéogramme qui se lit « maru » et signifie « rond », est aussi présent dans la figure. Il ne reste plus que la fin du mot à trouver. Le texte demande ici de manipuler un mot contenu dans la question elle-même : les deux syllabes du mot « kawa », inversées, produisent le groupe « waka ». « Waka » signifie « jeune », et c’est d’ailleurs cet idéogramme qui sert habituellement à écrire le nom Ushiwakamaru. « Kawa », lui, signifie « rivière », mais c’est ce caractère qui a été choisi pour figurer dans le kimono du personnage. Cherchant à faire deviner des mots ou des sons à l’aide d’indications d’autant plus savoureuses que le rapport entre les indices et la solution est lointain, la dimension ludique de l’image est indéniable.
Instruire ?
10Est-ce à dire qu’elle n’a aucune fonction pédagogique ? Rien n’est moins sûr. Car rechercher une définition ou inverser des syllabes favorise l’habileté linguistique et, plus largement, l’agilité intellectuelle. Le découpage de la langue en syllabes ne pose, dans le cas du japonais, pas de difficulté. Les kana, hiragana et katakana, notent tous des syllabes. L’association de ces syllabes à des idéogrammes est, elle, plus problématique. Un kanji peut noter un mot d’une ou plusieurs syllabes, sans compter que, les mots homophones étant très nombreux en japonais, un même groupe de syllabes doit, selon sa signification, être noté à l’aide de kanji différents. Notre Ushiwakamaru apprend justement aux enfants que le groupe « ushi » peut s’écrire キ, quand il désigne un signe du zodiaque, らレ, en kana (dans le texte du nazo), et même ほ, quand il désigne une vache, ou entre dans le nom Ushiwakamaru. Ce dernier kanji est absent de l’image, mais on peut penser qu’il était signalé à l’enfant par l’adulte qui l’aidait dans son déchiffrement.
11Le moji-e, de son côté, exerce la conscience graphique du spectateur. Rechercher des caractères dans une image, c’est s’interroger sur les formes de l’écriture. La présence de la solution de l’énigme à côté de la question posée, et non pas dans un endroit séparé, à la fin du recueil par exemple où il faudrait la chercher, suggère que le déchiffrement faisait peu de cas de la notion de suspense : il ne s’agissait pas tant de découvrir le nom d’un personnage que de le retrouver. La répétition des caractères d’écriture sous deux formes différentes dans la page, une fois dans la figure, et une fois dans le texte de l’énigme, permettait de son côté un déchiffrement serein du moji-e. L’enfant pouvait s’appuyer sur le texte pour décrypter la figure, en sachant que sa quête ne resterait pas sans réponse. Outre l’amélioration des compétences de lecture, on peut penser aussi que, de manière générale, le choix de personnages célèbres facilitait la mémorisation de noms et de récits faisant partie du patrimoine culturel commun.
12C’est essentiellement le choix des personnages, et du nazo, qui donnent aujourd’hui à penser que ce recueil était prioritairement destiné aux enfants. Ceux-ci devaient passer de longues heures à déchiffrer ses images. Les caractères sont parfois si habilement dissimulés dans la figure que leur identification exige une observation soutenue. Il est peu vraisemblable qu’ils y soient parvenus seuls. Le décryptage se faisait plus probablement en compagnie d’un adulte, la mère sans doute, qui les guidait dans l’identification des figures et des caractères utilisés. Il n’est pas exclu, d’ailleurs, que les mères elles-mêmes aient trouvé un profit personnel à l’exercice.
Graffitis et éducation
13La double fonction des moji-e destinés aux enfants, l’une explicite, le divertissement, l’autre implicite, l’éveil aux premiers apprentissages, se retrouve d’ailleurs jusque dans les graffitis, dont on a rappelé plus haut la proximité avec les moji-e.
14Santô Kyôden, on s’en souvient, voyait en Hemamusho nyûdô une figure divertissante. Dans son Kaidan momonjii (Lexique de fantômes de toutes formes, 1803), il portait déjà sur lui un regard négatif, bien que plein d’humour (fig. 21). Les illustrations de ce livre, dues à Kitao Shigemasa, le maître de Kyôden 9, transposent en images certaines expressions familières, comme « les murs ont des oreilles », qu’elles associent avec des fantômes. Hemamusho nyûdô figure parmi les personnages représentés, mis ici en scène dans une école de temple. Vient-il encourager les enfants à l’étude ? Kyôden explique au contraire que, s’introduisant dans la salle de classe, il perturbe le travail des enfants (tenarai no jama), et il le rend responsable de l’illettrisme. Les enfants, que l’enseignement du professeur fait baîller d’ennui, griffonnent son portrait en « graffiti » sur leur livre de classe (Kyôden utilise lui-même dans son texte le terme itazuragaki).
15La dernière page d’un ouvrage du même Kyôden, Hemamushi nyûdô mukashi banashi (Conte de Hemamusho nyûdô, 1813), illustré cette fois par Utagawa Kuninao, donne une idée quelque peu différente du personnage. On y voit un petit garçon montrant à sa mère une feuille de papier sur laquelle il a composé un moji-e bien lisible, représentant le visage du personnage, à l’aide des caractères « he-ma-mu-shi ». La mère, souriante, n’en semble pas fâchée. Le livre ne la montre certes pas en train d’apprendre elle-même à son enfant comment tracer la figure, mais son attitude suggère l’approbation bien plus que la réprimande.
16Le contexte des deux illustrations est, certes, différent. Dans la première, Hemamusho nyûdô pénètre dans la classe sans y être invité, à un moment dévolu à l’étude. Il perturbe le discours du maître et invite les enfants à tracer son profil sur des supports interdits. Dans la seconde, la scène est familiale, l’enfant ne semble avoir enfreint aucune règle, et il a tracé son personnage avec soin, sur une feuille prévue à cet effet. La différence du jugement porté sur lui ne nous semble pas cependant s’expliquer uniquement par celle des lieux, des moments et des supports de ce moji-e. Si la même figure a pu si facilement se voir condamnée et acceptée, c’est plutôt, à notre avis, parce qu’elle était en elle-même potentiellement dotée de deux valeurs différentes, l’une ludique, dont Kaidan momonjii montre les débordements, et l’autre éducative, dont Hemamushi nyûdô mukashi banashi fait valoir les profits.
Écrire pour dessiner
17Il est en tout cas un apprentissage qui s’appuya de manière voulue et systématique sur les moji-e, c’est celui du dessin.
18L’apprentissage du dessin, passage obligé de la formation de l’artiste, reposait largement sur l’imitation de modèles proposés par le maître ou publiés dans des recueils spécifiques. Katsushika Hokusai (1760-1849) lui-même publia plusieurs ouvrages de ce type, à l’intention d’élèves, d’artisans à la recherche de motifs décoratifs, ou simplement d’amateurs, dans lesquels étaient présentés, dans un ordre thématique (rochers, arbres, personnages, etc.), de petites images à copier qui, combinées ensemble, permettaient aux élèves de composer des scènes plus complexes et de grande dimension. Deux de ses manuels montrent justement comment utiliser l’écriture pour constituer des figures. Ce procédé était certes déjà utilisé dans un ouvrage publié en Chine en 1679, connu au Japon sous le titre Kaishiengaden (Manuel de peinture du jardin du grain de moutarde). Il montrait par exemple comment dessiner les nodosités d’une tige de bambou à partir du chiffre « 1 ». Mais Hokusai systématisa ce procédé dans un premier ouvrage, Ono ga Bakamura muda jie-zukushi publié en deux volumes entre 1810 et 1812 10, puis dans un second, Ryakuga hayaoshie (Manuel pour réaliser rapidement des croquis), publié lui aussi en deux volumes de 1813 à 1814, renouvelant ainsi à la fois l’histoire du moji-e et celle du dessin.
19La visée pédagogique est dans les deux cas explicite. Ono ga Bakamura muda jie-zukushi s’adresse avant tout à des adultes, de surcroît poètes. Amateurs de kyôka 11, ils devaient aussi, dans leurs réunions, être capables de réaliser des figures simples à l’aide de quelques traits de pinceau. Écrite à leur intention, la préface du premier volume affirme : « Je voudrais guider les débutants depuis les rudiments de l’écriture jusqu’aux rudiments de la peinture12. » Mais l’ouvrage veut séduire aussi de simples curieux, et même les plus jeunes. L’auteur poursuit en effet : « Ce n’est que le divertissement d’un moment (ichiji no tawamure), mais j’espère apporter une aide aux enfants qui ont le désir de s’engager dans cette voie » (kono michi ni kokorozashi aru yôdô no tasuke ni semu). Il est difficile de dire avec précision quel pouvait être l’âge de ces « enfants ». Mais le moji-e n’était-il pas accessible à tous, même aux plus petits ? Le public de l’ouvrage ne visant nullement une carrière professionnelle, ni même l’acquisition de techniques très poussées, ce procédé convenait parfaitement à tous. Hokusai prit soin, dans le frontispice du premier volume, de rappeler à son public qu’il s’inscrivait dans une longue tradition, et de rassembler dans une même image trois moji-e comptant parmi les plus classiques, parmi lesquels Hemamusho nyûdô.
20Dans Ryakuga hayaoshie, il se fait plus pédagogue encore. Chaque page est constituée de deux figures : une première qui montre les éléments de base ayant permis sa réalisation, et une autre d’où ils ont disparu, le mode de construction ayant été complètement assimilé par le dessin. Le maître lui-même y commente, dans le texte d’accompagnement, les techniques qu’il emploie, à toutes les étapes de l’élaboration du dessin. Le mot moji-e est absent du volume, qui utilise des termes appartenant tantôt au monde de l’écriture (ji, moji) tantôt à celui du dessin : katachi (forme) ou sugata (forme, silhouette), le verbe « kaku » signifiant aussi bien « écrire » que « dessiner ». L’artiste suggère qu’il conçoit son art comme une action volontaire et reproductible : il y est toujours question de fabriquer (tsukuru), de construire (koshirayuru) des figures, de déformer (kuzusu), d’allonger (nobasu) ou encore de renverser (sakasama ni suru) les caractères de base. Mais le résultat obtenu lui apparaît comme indépendant de son pouvoir : les formes naissent naturellement (onozu kara naru, shizen ni naru), et échappent à la maîtrise humaine. Elles surgissent et développent leur propre vie sans plus dépendre des signes qui les ont suscitées. Emerveillement du créateur devant les pouvoirs de son propre génie, humour du maître devant la facilité avec laquelle il peut faire apparaître les figures les plus étonnantes sous les yeux des débutants ébahis, l’attitude de Hokusai est celle d’un maître en pleine possession de ses moyens, qui sait varier les stratégies (la progression pas à pas, les effets de surprise) pour maintenir en éveil l’intérêt de son public.
21L’une des pages du volume donne à voir une jeune femme de cour représentée de dos (fig. 22). Constituée des caractères « otome-shi-ba-shi-to-do-me-n »( レぬレばととぬん) elle fait référence à un poème tiré du Hyakunin isshû (De cent poètes un poème13). Il évoque une jeune femme (otome) qui s’en est allée, mais dont la forme (sugata) semble demeurer (shibashi todomen) dans la brume de printemps. « Il faut combiner les caractères verticalement, les caractères sont nombreux et se mélangent facilement, de sorte qu’il faut prendre garde lorsqu’on les trace », explique Hokusai. On est frappé par l’écart qui sépare les deux figures. Dans la deuxième, les caractères d’écriture ont tout à fait disparu, et qui ignore leur mode de construction ne peut les y retrouver.
22Les moji-e de Hokusai connurent une immense fortune, et furent repris aussi bien dans des livres que sur des estampes vendues en feuilles séparées. Ils apparaissent jusque dans les dernières pages de la réédition, en 1836, du plus ancien recueil connu de moji-e, publié pour la première fois en 1685, Moji-e zukushi (Recueil de moji-e). Ce livre, qui contient dans son édition originale trente-deux images, prend pour thème les petits métiers. Les moji-e de Hokusai délaissent délibérément ces motifs traditionnels. Qu’importe. Leur succès a conduit l’éditeur, Eirakuya, celui-là même qui avait publié le célèbre Hokusai manga, à en reprendre un certain nombre, et à les ajouter à la fin d’un ouvrage paru cent cinquante ans plus tôt, sans doute dans l’espoir d’améliorer les ventes de sa réédition.
Dessiner pour écrire
23Quatre-vingts ans plus tard, c’est justement dans la lignée des moji-e de Hokusai que s’inscrivent Kunitoshi avec son Kyôiku moji-e, shônen e-sagashi, et Kunioto dans Kyôiku moji-e, e-sagashi. Mais s’ils reprennent au maître le recours au moji-e et même la plupart de leurs motifs, c’est pour les mettre au service d’une visée pédagogique fort différente : l’apprentissage de l’écriture. Cette nouvelle stratégie nécessitait plusieurs accommodements. Les figures traditionnelles étaient parfois complexes. Celles de Hokusai comportaient fréquemment plusieurs caractères, de surcroît déformés et combinés ensemble au point de devenir méconnaissables. Car tel était bien leur vocation : devenir invisibles. Nos deux petits recueils de 1893 ne pouvaient conserver une telle complexité. Pour adapter les moji-e à leurs nouvelles fonctions, ils durent renverser l’équilibre qu’avait inventé Hokusai entre écriture et figure, et imaginer une nouvelle dialectique entre instruire et divertir.
Instruire et divertir, un équilibre renouvelé
24La couverture de nos deux petits recueils, comme la première page de Kyôiku moji-e, shônen e-sagashi, soulignent la difficile position que nos deux artistes tentent de définir entre le divertissement, traditionnellement associé au moji-e, et le nouveau souci d’instruire, annoncé dans les titres. Kyôiku moji-e, shônen e-sagashi, de Kunitoshi, se présente dans la lignée de la culture ludique de l’époque d’Edo. La couverture représente une des sept divinités populaires, Hotei, traversant une rivière (fig. 23). La scène est classique. Ventre proéminent et large sourire, un grand sac sur son dos, Hotei est accompagné, comme le veut aussi la tradition, de petits enfants vêtus à la chinoise. Ouvrant la page, le jeune lecteur (les enfants sur la couverture sont là aussi pour l’y inviter) découvre trois moji-e traditionnels : l’incontournable Hemamusho nyûdô, un visage d’homme (« he-no-he-no-mo-he-ji »), et une grue, symbole de longévité. obtenue à l’aide de l’idéogramme « long » (fig. 24). Ces trois figures, comme tracées à la hâte, semblent pleinement justifier le rapprochement entre moji-e et graffiti. Souvent exécutés par des enfants, y compris sur des murs de maisons, ils illustrent à la fois la tradition du moji-e, mais aussi ses formes les plus simples, et les plus ludiques. Bienveillance, facilité et jeu, le livre annonce dès son seuil son intention d’attirer ses lecteurs par le plaisir.
25Kyôiku moji-e, e-sagashi, de Kunioto, fait basculer son lecteur dans une autre époque. Bien que publié la même année que le précédent, ce livre se présente en effet explicitement comme une production moderne, et se situe dans un cadre pédagogique affirmé (fig. 25). Les deux personnages représentés sur la couverture, un maître et un élève, se font face de part et d’autre d’une table recouverte d’un tissu. L’élève arbore une coupe de cheveux et des vêtements occidentaux. Le maître, dont le long nez suggère qu’il s’agit d’un Occidental, porte un kimono, mais avec un chapeau. Sur la table est posé un livre ouvert, dont on ne peut identifier le contenu avec précision, mais dont la mise en page est identique à celle de Kyôiku moji-e, e-sagashi lui-même. Si l’expression de l’adulte est volontairement comique, l’ouvrage s’inscrit dans l’époque de l’ouverture à l’Occident, et dans une relation pédagogique évidente.
26Les pages intérieures des deux ouvrages sont moins contrastées, mais montrent que les deux livres s’adressent à des publics de niveaux différents. Chacune est divisée en deux registres. Le registre supérieur fait se succéder des moji-e. Les caractères qui constituent chaque figure sont répétés à côté d’elle dans une graphie parfaitement lisible, afin de faciliter le déchiffrement, mais aussi de montrer aux enfants les formes correctes à retenir. Dans Kyôiku moji-e, shônen sagashi les images ne contiennent qu’un seul caractère et sont classées dans l’ordre traditionnel du syllabaire japonais, qui prend la forme d’un poème d’inspiration bouddhique : « i ro ha ni ho he to chi », etc. L’apprentissage des enfants commence à peine (fig. 26). Kyôiku moji-e, e-sagashi, au contraire, utilise souvent plusieurs caractères, hiragana mais aussi kanji, et s’adresse manifestement à des enfants plus avancés, qui maîtrisent déjà les acquis d’un volume comme celui de Kunitoshi (fig. 27). Dans les deux livres, le registre inférieur présente des e-sagashi, c’est-à-dire de petites scènes à l’intérieur desquelles sont cachées des figures (animaux, personnages, objets), à découvrir. Les solutions de chaque devinette sont données à la fin du livre. Dans une page de Kyôiku moji-e, shônen sagashi, regardée de droite à gauche, les branches d’un saule pleureur dissimulent par exemple un papillon (la tête en bas), une lanterne en pierre cache un lapin, des branches de prunier un rossignol, et les rives d’un cours d’eau deux oies sauvages (fig. 26). Dans Kyôiku moji-e, e-sagashi, il faut découvrir dans un pot de fleurs un papillon, dans un paysage un lapin (sous le pont), dans une branche un profil féminin aux joues rebondies, dans un autre paysage le profil d’un Occidental. La palissade noire au pied du pont figure son chapeau haut de forme, et si ses yeux restent désespérément bridés, on devine sous le couvre-chef des cheveux et une barbe mal peignés (fig. 27).
27Cette répartition bipartite n’est pas sans rappeler celle que nous avons pu observer dans Shinpan nazo moji ningyô zukushi. Ici aussi, deux formes d’énigmes sont présentées dans deux parties distinctes de la page. Toutes deux sont ici visuelles, mais l’une fait intervenir l’écriture, l’autre pas. On peut aussi y voir une image de la division entre le divertissement (fonction essentielle des e-sagashi) et l’instruction (localisée dans les moji-e, qualifiés justement d’« éducatifs »).
D’un apprentissage l’autre
28Kunitoshi et Kunioto puisèrent l’essentiel de leurs moji-e parmi les deux manuels de Hokusai, avec une préférence marquée pour la première double page du premier volume de Ryakuga hayaoshie (fig. 28). Les figures, classées par Hokusai en fonction du nombre de caractères qui les constituent (un, deux ou trois), représentaient de fait une première sélection commode. Les figures les plus simples sont conservées telles quelles, comme le colporteur, constitué des caractères « yu-ku » (ゆく, aller), ou la femme agenouillée, tournée vers la gauche, « sa-to » (さと , pays natal) (fig. 27), à qui Kunioto a seulement ôté sa pipe. Certaines figures ont été légèrement modifiées, par exemple par la substitution d’un caractère à un autre, comme le noble de cour (fig. 26), passé du kanji « yama » (山, montagne) au kana « na » (な). On l’a noté, les caractères utilisés pour former les figures ont parfois un lien avec le nom des personnages représentés, parfois non. Il arrive aussi que de Hokusai à ses successeurs le nombre de caractères constitutifs de la figure ait diminué, quand une refonte complète ne s’est pas révélée nécessaire. La jeune femme Otome shibashi todomen, se réduit chez Kunitoshi à un simple « re » (ね) (fig. 26), tandis que Daikoku, divinité du commerce, juché sur ses deux ballots de riz, est passé d’une figure composée des caractères « ho-te-hi » dans les pages intérieures de Ryakuga hayaoshie à un « ne » (な), sans doute en raison du nom de son animal fétiche, la souris (nezumi) (fig. 26).
29S’il a dû renoncer devant la complexité de la belle disparue, Kunioto n’a pas hésité ailleurs à reprendre en l’état plusieurs autres figures complexes de Hokusai, et a même parfois préféré, lorsque des transformations devenaient nécessaires, réinventer les caractères constituant la figure, au lieu de se contenter d’une banale simplification. Il est également l’auteur de plusieurs moji-e originaux, dont un certain nombre de personnages habillés à l’occidentale. Surtout, ses moji-e sont organisés dans un ordre différent de ceux de Kunitoshi, et témoignent d’une ambition didactique plus ambitieuse.
30Celle-ci ne se limite pas à l’apprentissage de caractères d’écriture élémentaires, mais s’étend à des contenus éducatifs et moraux. Alors que les figures de Kunitoshi se succèdent dans l’ordre neutre du syllabaire, celles de Kunioto sont souvent combinées en petites scènes à imiter ou à éviter : la dispute (kenka) va ainsi avec l’ivresse (namayoi), l’illettrisme (monmô) avec la cupidité (yokubari), le fonctionnaire (kannin) avec sa maîtresse (mekake). Mais le chef-d’œuvre du livre est sans conteste la scène opposant une épouse à son mari, dont la maîtresse arbore un ventre avantageux (fig. 27). Constituée entièrement de personnages empruntés à Hokusai, mais agencés dans un nouvel ordre, elle détourne l’intention du maître en les associant dans une scène moralisante. L’épouse en colère est constituée des caractères « se-ta-i » (せなぃ, famille, avec « se » pour la manche gauche, « ta » pour le bas du kimono, « i » pour la jambe gauche), et la maîtresse « ha-ra-mi » (はらミ, « grosse », avec « ha » pour le cou et la nuque, « ra » pour le dos et la jambe droite, « mi » pour l’échancrure du vêtement).
31La dernière page constitue pour sa part une conclusion exemplaire (fig. 29). Mettant en scène la famille idéale, elle suggère la conduite à tenir par le jeune lecteur ainsi que par sa mère, compagne et guide naturelle de sa lecture : un enfant, constitué des caractères ko-do-mo (こども), est agenouillé avec une femme (onna, 女), qui n’est autre que sa mère, devant un homme (otoko 男), son père, qui, lui, se tient debout. En même temps qu’elle fait réviser les mots « homme », « femme » et « enfant », l’image rappelle que les rapports entre les sexes ont pour fin la famille, et réaffirme les fondements de la morale familiale et sociale : la hiérarchie entre les membres du foyer et l’obéissance à son chef.
32La reprise, en 1893, d’une tradition d’abord largement ludique, puis mise au service de l’enseignement du dessin, n’allait pas de soi. Elle s’explique largement par son contexte historique. L’époque privilégiait la pédagogie sur le divertissement, et le terme « kyôiku » étaient alors de ceux qui pouvaient assurer un succès commercial. Devenus « éducatifs », les moji-e assumèrent honnêtement cette nouvelle mission, sans renoncer à ce qui avait fait leur succès populaire, mais en s’adaptant pour se mettre au goût du jour. Leur soudaine promotion se fit au prix d’aménagements formels, parfois aussi de détournements d’intention. Des contenus éducatifs et moraux, étrangers aux premières figures, firent leur apparition. La récupération pédagogique, surtout, rendit nécessaire un renversement de la hiérarchie entre écriture et dessin. Si dans les moji-e de Hokusai les caractères d’écriture, simples béquilles de l’élève, étaient en effet voués à disparaître de la figure définitive, ils se trouvent au contraire, chez Kunitoshi et Kunioto, surexposés au détriment du dessin, toujours très sommaire. La complexité du modèle original a disparu devant le souci d’une lisibilité accessible à tous.
33On peut s’en désoler. Mais on peut voir aussi dans cette évolution un nouveau tournant dans l’histoire des moji-e. D’une pédagogie l’autre, ceux-ci ont incarné avec Hokusai un retour de l’écriture à l’image, puis avec Kunitoshi et Kunioto de l’image à l’écriture. Un tel changement n’aurait sans doute pas été possible si le moji-e n’avait montré, dès ses débuts, des prédispositions particulières pour la transmission de savoirs variés. L’exercice du regard qu’il implique, l’ensemble des facultés qu’il mobilise, faisaient de lui un objet susceptible d’intéresser la réflexion, et de se familiariser avec les formes graphiques. En ce sens, les deux petits recueils de Kunitoshi et Kunioto sont peut-être, plus qu’un coup de force imposé de l’extérieur, le prolongement naturel d’une histoire au cours de laquelle le divertissement ne s’est jamais pensé comme contradictoire avec l’apprentissage.
Bibliographie
Références des illustrations
Shinpan nazo moji ningyô zukushi (Nouveau recueil de personnages en écriture à deviner), entre 1716 et 1748, tiré de Nakano Mitsutoshi et Hida Kôzô (dir.), Kinsei kodomo ehon-shû (Recueil de livres illustrés pour enfants de l’époque d’Edo), vol. 1, Iwanami shoten, 1987, p. 460.
Santô Kyôden, Kaidan momonjii (Lexique de fantômes de toutes formes), 1803. Bibliothèque centrale de la ville de Tôkyô.
Katsushika Hokusai, Ryakuga hayaoshie (Manuel pour réaliser rapidement des croquis), 1813-1814. Coll. M. S-O.
Utagawa Kunitoshi, Kyôiku moji-e, shônen e-sagashi (Moji-e éducatifs, images cachées pour la jeunesse), 1893, couverture. Coll. M. S-O.
Utagawa Kunitoshi, Kyôiku moji-e, shônen e-sagashi (Moji-e éducatifs, images cachées pour la jeunesse), 1893, première page. Coll. M. S-O.
Utagawa Kunioto, Kyôiku moji-e, e-sagashi (Moji-e éducatifs, images cachées), 1893, couverture. Coll. M. S-O.
Utagawa Kunitoshi, Kyôiku moji-e, shônen e-sagashi (Moji-e éducatifs, images cachées pour la jeunesse), 1893. Coll. M. S-O.
Utagawa Kunioto, Kyôiku moji-e, e-sagashi (Moji-e éducatifs, images cachées), 1893. Coll. M. S-O.
Katsushika Hokusai, Ryakuga hayaoshie (Manuel pour réaliser rapidement des croquis), 1813-1814. Coll. M. S-O.
Utagawa Kunioto, Kyôiku moji-e, e-sagashi (Moji-e éducatifs, images cachées), 1893. Coll. M. S-O.
Notes de bas de page
1 On pourra en particulier se reporter, sur l’histoire des tableaux muraux, à Meiji zenki kyôiku-yô e zu ten (Les images pédagogiques dans la première moitié de l’ère Meiji), et Kakezu ni miru kyôiku no rekishi (Histoire de l’éducation à travers les tableaux muraux), catalogues de deux expositions organisées au Musée de la pédagogie de l’université Tamagawa en 2003 et 2006.
2 La société était alors divisée en quatre classes distinctes, définies par des critères de statut, et non de richesse : les guerriers (shi), les paysans (nô), les artisans (kô) et les marchands (shô). Les religieux occupaient une place à part.
3 On lira à ce sujet Inagaki Shin.ichi, « Les jeux d’écriture à l’époque d’Edo », dans Claire-Akiko Brisset, Pascal Griolet, Christophe Marquet, et Marianne Simon-Oikawa (dir.), Du pinceau à la typographie, Regards japonais sur l’écriture et le livre, École Française d’Extrême-Orient, coll. « Études thématiques », n° 20, 2006, p. 231-259.
4 Sur les rapports entre moji-e et graffiti, on nous permettra de renvoyer à Marianne Simon-Oikawa, « Edo jidai no itazuragaki, moji-e wo chûshin ni » (Les graffitis de l’époque d’Edo : le cas des moji-e), Ajia yûgaku, n° 109, numéro spécial « E wo yomu, moji wo miru » (Lire l’image, voir l’écriture), Bensei shuppan, avril 2008, p. 125-136.
5 Kitamura Nobuyô, Kiyû shôran, vol. 2, coll. « Nihon zuihitsu taisei », Yoshikawa Kôbunkan, vol. hors série n° 8, 1979, p. 31.
6 Santô Kyôden, Kinsei kisekikô, coll. « Nihon zuihitsu taisei,», 2e série, vol. 6, Yoshikawa Kôbunkan, 1994, p. 272.
7 L’ouvrage, anonyme, est reproduit dans Nakano Mitsutoshi et Hida Kôzô (dir.), Kinsei kodomo ehon-shû (Recueil de livres illustrés pour enfants de l’époque d’Edo), vol. 1, Iwanami shoten, 1987, p. 491. Les éditeurs situent sa publication entre les ères Kyôho (1716-1736) et Enkyô (1744-1748). Le terme « shinpan » fait peut-être allusion à une édition plus ancienne de cet ouvrage, mais c’est là seulement une hypothèse, dans la mesure où il servait souvent, à l’époque d’Edo, à attirer l’attention d’un public avide de nouveauté, même en l’absence de toute édition antérieure.
8 Attesté dès l’époque de Nara (710-784), le nazo connut, comme le moji-e et le rébus (hanji-e), une vogue particulière au cours de l’époque d’Edo Sur son histoire, on pourra se reporter en particulier à Suzuki Eizô, Kotoba asobi jiten (Dictionnaire des jeux de mots), Tôkyôdô shuppan, 1981.
9 Romancier, poète, collectionneur, Santô Kyôden fut aussi artiste ukiyo-e. Vers 1775, il entra dans l’atelier de Kitao Shigemasa (1739-1820), et se lança peu après dans une carrière d’illustrateur sous le nom d’artiste Kitao Masanobu.
10 Le titre de l’ouvrage, qui décourage la traduction, fait allusion sur le mode parodique à un manuel pour l’apprentissage de l’écriture intitulé Ono no Takamura uta ji-zukushi (Recueil de caractères mis en poèmes par Ono no Takamura), et publié en 1662. Ono no Takamura, noble de cour qui vécut au ixe siècle, ne sert lui-même que de prête-nom au compilateur de cet ouvrage, demeuré anonyme. Shikitei Sanba avait lui aussi, en 1806, publié un humoristique Ono ga Bakamura uso ji-zukushi (Recueil de faux caractères d’écriture par Ono ga Bakamura). Voir à ce sujet Inagaki Shin.ichi, « Les jeux d’écriture à l’époque d’Edo », dans Claire-Akiko Brisset, Pascal Griolet, Christophe Marquet, et Marianne Simon-Oikawa (dir.), op. cit., p. 239-240.
11 Le kyôka, littéralement « poème fou », est un poème de trente et une syllabes qui cultive le genre comique, très en vogue à partir des années 1755-1757.
12 Nagata Seiji (dir.), Hokusai no edehon, vol. 1, Iwasaki bijutsusha, 1997, p. 7.
13 Ce poème, dû au poète Sôjô Henjô, est le douzième de cette anthologie compilée au xiiie siècle. Il en existe une traduction en français par René Sieffert, Presses orientalistes de France, 1993.
Auteur
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